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Full text of "Le compte rendu officiel du XXIe Congrès Eucharistique International"

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C0CHARÎ5TÎQ0C 

inTCRnATionAL 

(V)OnTRéAL 


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ST.  BASIUS  SEMINARY 

TORONTO,  CANADA 


LIBRARY 


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GIFT  OF 
St.   Michael's  Collège 


jRAW$fmRft 


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XXI=  CONGRÈS  EUCHARISTIQUE  INTERNATIONAL 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/lecompterenduoffOOinte 


cûncRè5 

CUCHARI5TIQUC 

inTGROATlûRAU 

MOPTRCAL- 


LIBRAIRIE    BEAUCHEMIN     Limitée 

7ès\  RU^     SAINT-JACQUES.     79 
MONTRÉAL 


19  11 


Nihil  obstat. 
.  C.  LECOQ 

Censor  librorum 


Imprimatur 

Montréal,  le  19  mars  1911 
f  PAUL,  arch.  de  Montréal. 


DEC  1  0  1955 


Enregistré,  conformément  à  l'acte  du  parlement  du  Canada,  en  l'année  mil    neuf 

cent  onze,  par  la  Libkaikie  Bkai'chemin  Limitée,  îui  bureau 

du  ministre  de  l'afrriculture. 


SANCTISSLMO  .   PATRI 

PIO-  DECIMO 


AGAP.E  .  EUCHARISTICE  .  DIVINO  .  lURE 

PR^SIDI  .  CUIUS  .  EXTRA   .  DOMUM  .  AGNUM 

DEUM   .  OFFERRE  .  COMEDERE  .  NEFAS 


QUI  .  AD  .  ESUM  .  AGNI  .  EIUSDEM 

OMNES  .   UNDIQUE  .  PARVULOS  .  SICUT 

NOVELLAS  .  OLIVARUM  .  IN 

CIRCUITU  .  MENS.E  .  DOMINI  .  MAGNIFICEN- 

TISSIME  .  CONVOCAT 


HAS  .  RELATIONES  .  IN  .  CONVENTU 

RECITATAS    .   CŒPTO    .   INFRA    .    MENSEiM 

A  .  DECRETO  .  DE  .  COMMUNIONE 

PUERORUM 


SUMM^  .  REVERENTliE  .  FLAGRANTISSIWI 
PIGNUS  .  AMORIS  .  DONAT  .  DEFERT 

DEDICAT 


QUICUMQUE  .  SCRIPSIT  .  SCIilPTASQUE  .  COLLEGIT 


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AVANT- PEOPOS 


Nous  offrons  au  lecteur,  dans  les  pages  qui  vont 
suivre,  le  compte  rendu  officiel  du  XXIe  Congrès 
Eucharistique  International.  Xous  croyons  inutile  de 
faire  observer  que  nous  l'avons  pré[)aré  avec  le  i)lus 
grand  soin.  Ceux  qui  ont  assisté  à  notre  congrès,  qui 
en  ont  suivi  de  près  les  séances  d'étude  et  les  diverses 
démonsti-ations,  nous  rendront  le  témoignage  que  nous 
n'avons  rien  négligé  de  ce  qui  pouvait  en  i)rolonger  le 
très  fidèle  écho. 

L'ordre  dans  lequel  la  matière  du  présent  volume 
a  été  distribuée,  s'imposait  de  lui-même.  11  convenait 
d'indiquer  sommairement  les  adhésions  cpii  nous  sont 
venues  du  Sacré  Collège,  de  répiscoi)at  tout  entier,  et 
qui  ont  été  pour  nous  dès  le  début  un  si  précieux 
encouraa"ement.  Nous  voulions  é2:alement  donner  la 
composition  des  quatre  comités  qui  ont  ])réparé  le  con- 
grès et  (jui  en  ont  assuré  le  succès.  Les  heureux 
témoins  de  nos  fêtes  se  sont  rapidement  rendu  compte, 
nous  n'en  doutons  pas,  de  la  somme  énorme  de  travail 
([ue  ces  divers  comités  ont  dû  fournil*,  et  ils  sentiront  le 
prix  que  nous  attachons  à  l'expression  de  notre  lecon- 
naissance. 

Afin  de  «arder  à  l'ordre  des  matières  toute  sa 
clarté  et  permetti-e  au  lecteur  de  l'ctrouver  facileuumt 
dans  les  séances  d'étude  ce  (pii  linléresse.  nous  avons 
rattaché,  dans  un  ])remier  chai)itre,  au  coui-t  récit  des 


—  8  — 

démonstrations  religieuses  et  civiles  les  discours  et  les 
allocutions  (jui  y  ont  été  prononcés  ;  dans  un  deuxième 
cliai)itre  nous  j)ul)lions  les  discours  des  deux  séances 
générales  du  soir  :  les  trois  chapitres  suivants  renfer- 
ment les  travaux  i)résentés  dans  les  diverses  séances 
d'étude  des  sections  fi'ançaise,  anglaise  et  allemande. 

Nous  avions  pensé  faire  précéder  notre  compte- 
rendu  d'une  inti'oduction  générale  qui  eut  indiqué  les 
caractères  i)articuliers  dont  le  congrès  de  Montréal  a 
été  marqué,  et  les  résultats  que  nous  espérons  en 
recueillir.  Nous  avons  dû  reculer  devant  la  ci'ainte 
d'étendre  au  delà  des  justes  limites  un  volume  déjà 
considérable.  Au  reste  l'on  ])ourra  lire  dans  un  ap])en- 
dice  quelques-unes  des  ai)préciations  que  le  congrès  de 
Montréal  a  provocpiées  et  dont  le  choix  traduira  sufii- 
samment  notre  pensée. 

Que  l'on  nous  permette  cependant  d'ajouter  que 
nous  croyons  avoir  quelques  raisons  d'être  tiers  du 
spectacle  que  Ville -Marie  nous  a  offert  pendant  la 
semaine  désormais  historique  du  6  septembi'c.  Nos 
démonstrations  extérieures  ont  été  splendides.  Nos 
séances  d'étude,  quoique  un  peu  chargées,  nous  ont  fait 
entendre  des  ti'avaux  du  plus  grand  intérêt.  Ce  qui 
néanmoins  nous  a  le  ])lus  profondément  remués  et  ce 
que  les  étrangers  ont  admiré  sans  réserve,  c'est  la  foi 
de  notre  i)euple  ;  foi  qui  l'a  fait  collaborer  avec  une 
spontanéité  et  un  enthousiasme  admirables  au  travail 
])arfois  si  ardu  des  organisateurs  ;  foi  simi)le,  lumi- 
neuse, cordiale  (jui  a  fait  de  ces  fêtes  eucharistiques  un 
incomparable  trionq)he.  Que  Dieu  soit  béni  !  Nous 
garderons  de  ces  fêtes  quehpie  chose  de  mieux  qu'un 
souvenir,  si  sacré  et  si  réconfortant  soit-il.  Nous  en 
garderons,  avec  la  fierté  d'êti'c  catholi(pies,  la  grâce 
d'une  foi  plus  vive  et  ])lus  tendre  à  l'égard  de  l'Hôte 
Divin  de  nos  Tabernacles. 


9  — 


ADHÉSIONS 


ADHESIONS  DES  DIGNITAIRES 
ECCLESIASTIQUES 


I.  —  LES  EMIXEXTISSLMES  CAEDIXArX 

iVcovERDE  DE  Albuquerque  Cavalcaxïi,  archevêque  de  Rio-de-Janeiro, 
Brésil,  Amérique  du  Sud. 

Agliardi,  évêque  d'Albano,  chancelier  de  la  Sainte-Eglise,  Eonie.  Italie. 

Aguirre  y  Garcia,  archevêque  de  Tolède,  patriarche  des  Indes  occiden- 
tales, Espagne. 

BoscHi,  archevêque  de  Ferrare.  Italie. 

Cagiano  de  Azevedo,  Rome,  Italie. 

Casetta,  évêque  de  Sabine,  Rome,  Italie. 

Cayicchioxi,  préfet  de  la  S.  Cong.  des  Etudes,  Rome.  Italie. 

CouLLiÉ,  archevê(|ue  de  Lyon,  primat  des  Gaules,  France. 

De  Lai,  secrétaire  de  la  S.  Cong.  de  la  C'onsistoriale,  Rome,  Italie. 

Di  PiETRO,  Rome,  Italie. 

Ferrari,  archevêque  de  Milan.  Italie. 

Ferrata,  préfet  de  la  Discipline  des  Sacrements,  Rome,  Italie. 

FiSHER,  archevêque  de  Cologne,  Allemagne. 

Fraxcica-Xava  di  Boxtifé,  archevêque  de  Catane,  Sicile. 

Gexx'ARI,  préfet  de  la  S.  ("ong.  du  Concile.  Rome,  Italie. 

Gasparri,  Rome.  Italie. 

GiBBOXS,  archevêque  de  Baltimore.  Etats-L^nis. 

GoTTi,  préfet  de  la.  S.  Cong.  de  la  Propagande.  Rome.  Italie. 

Kopp.  prince-évêque  de  Breslau.  Prusse. 

LoREXZELLi,  Rome,  Italie. 

LoGUE,  archevêque  d'Armagh,  primat  d'Irlande. 

LuALDi,  archevêque  de  Palerme.  Italie. 

Lt'çox,  archevêque  do  Rheims.  France. 

Martinelli,  préfet  de  la  S.  Cong.  des  Rites,  Rome,  Italie. 

Mercier,  archevêque  de  Malines.  primat  de  Belgique. 

Merry  Del  Yal,  secrétaire  d'Etat  de  Sa  Sainteté,  Rome,  Italie. 

PrzYX'A  DE  KoziELSKO,  évêque  de  Cracovie.  Pologne  autrichienne. 

Rampolla.  préfet  de  Saint-Pierre.  Rome.  Italie.     • 

Eespighi,  vicaire  de  Sa  Sainteté,  Rome,  Italie. 

RiXALDixi,  Rome,  Italie. 

Sanminiatelt.i-Zararella,  Rome,  Italie. 

Segxa,  préfet  de  l'Index,  Ironie.  Italie. 

Vanntjtelli,  y.,  évêque  de  Palestrina,  légat  de  Sa  Saixteté  au  Con- 
grès, Rome.  Italie. 

YAXxrTELLT.  S.,  éveille  de  Porto  et  de  Sainte-linfine.  Grand  l'énitcn- 
cier,  sous-doyen  du  Sacré  Collège. 

Vaszary,  prince-arclievê(iue  de  Gran.  primat  de  Hongrie. 

YivÉs  Y  Tito,  préfet  de  la  S.  Cong.  des  Religieux,  Rome,  Italie. 

YoLPE  (Della),  préfet  des  arcliivcs.  Rome,  Italie. 


—  10 


II.  —  ILLUSTRISSIMES  ET  EEVEEENDISSIMES  ARCHE- 
VEQUES ET  EVEQUES. 


AFRIQUE 


Algérie  :  Mgr  le  primat  d'Afrique,  archevêque  de  Carthage  et  d'Alger. 
Mgr  l'évêque  d'Oran. 

Cap  de  Bonne-Espérance  :  Mgr  l'évêque  titulaire  de  Justianopolis,  vi- 
caire apostolique  du  district  oriental  du  Cap  de  Bonne- 
Espérance. 

Note.  —  Sept  évêques  d'Afrique  ont  fait  connaître  leur  adhésion  en 
déléguant  Mgr  Mac  Sherry. 

AMERiaUES 

Amérique  du  Nord. 

Canada  :  Son   Excellence   Mgr  le  Délégué   Apostolique   du   Canada   et 
Terre-Neuve. 
Mgr  l'archevêque  d'Halifax. 

XN.  SS.  les  évêques  d'Antigonish  ;  Charlottetown  ;  Chatham; 
Saint-Jean;  Mgr  l'Administrateur  d'Antigonish. 

Mgr  l'archevêque  de  Kingston. 

XX.    SS.    les    évêques    d'Alexandria  ;    Peterborough  ;    Sault 

Sainte-Marie. 
Mgr  l'archevêque  de  Montréal. 
XX.  SS.  les  évêques  de  Joliette;  Pogia (titulaire),  auxiliaire 

de  Montréal;  St-Hyacinthe ;  Sherbrooke;  Valleyfield. 

Mgr  l'administrateur  d'Ottawa. 

NX.  SS.  les  évêques  de  Catenna  (titulaire),  Vicaire  Aposto- 
lique du  Témiscamingue  ;  Pembroke. 

Mgr  l'archevêque  de  Québec. 

XX.  SS.  les  évêques  de  Chicoutimi;  Eleuthéropolis  (titu- 
laire), auxiliaire  de  Québec  ;  Xicolet  ;  Rimouski  ;  Sicca 
(titulaire),  Vicaire  Apostolique  du  Golfe  Saint-Laurent; 
Trois-Rivières. 

Mgr  l'archevêque  de  St-Boniface. 

XX.  SS.  les  évêques  d'Adramyte  (titulaire),  Vicaire  Aposto- 
lique du  Mackenzie;  Arcadiopolis  (titulaire),  coadjuteur 
d'Athabaska;  Ibora  (titulaire),  Vivaire  Apostolique  d'A- 
thabaska;  Prince-Albert;  Saint-Albert. 

XN.  SS.  les  archevêques  de  Toronto;  Laodieée  (titulaire). 

XX.  SS.  les  évêques  d'Harailton  ;  London. 

Mgr  l'archevêque  de  Vancouver. 

Mgr  l'évêque  de  Victoria. 

Le  Révérendissime  Père  Préfet  Apostolique  du  Yukon. 


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—  11  — 

Terre-Neuve  : 

XX.  SS.  les  arclievêques  de  Saint-Jean;  Gortyne  (titulaire). 
NX.  SS.  les  évêques  de  Havre-de-Grâce  ;  Saint-Georges. 
Mgr  le  Préfet  Apostolique  des  Iles  St-Pierre  et  Miquelon. 

Etats-Unis  :  Son  Excellence  Mgr  le  Délégué  Apostolique  aux  Etats-Unis. 
XX.  SS.  les  évêques  de  Saint- Augustin  ;  Charleston;  Messène 
(titulaire),    auxiliaire    de   Baltimore;    Eichmond;    Savan- 
nah;  Wheeling;  Wilmington. 

Mgr  l'archevêque  de  Boston. 

XX.  SS.  les  évêques  de  Burlington;  Fall-Eiver;  Hartford; 
Manchester;  Portland;  Providence;  Springfield. 

Mgr  l'archevêque  de  Chicago. 

XX.  SS.  les  évêques  de  Belleville;  Eockford. 

Mgr  l'archevêque  de  Cincinnati. 

XX.  SS.  les  évêques  de  Columbus;  Covington;  Fort  Wayne; 

Germanicopolis  (titulaire),  auxiliaire  de  Cleveland;  Grand 

Eapids. 

Mgr  l'archevêque  de  Dubuque. 

XX.  SS.  les  évêques  de  Cheyenne;  Lincoln;  Omaha;  Sioux 
City. 

Mgr  l'archevêque  de  Saint-Louis. 

XX.  SS.  les  évêques  de  Kansas  City;  Wichita. 

Mgr  l'archevêque  de  San-Francisco. 

XX.  SS.  les  évêques  de  Los  Angeles;  Sébaste  (titulaire), 
auxiliaire  de  San-Francisco. 

Mgr  l'archevêque  de  Santa-Fé. 
Mgr  l'évêque  de  Denver. 

Mgr  l'archevêque  de  Milwaukee. 

XX.  SS.  les  évêques  de  Green  Bay;  Marquette. 

Mgr  l'archevêque  de  la  Xouvelle-Orléans. 

XX.  SS.  les  évêques  de  Castabala  (titulaire),  coadjuteur  et 
administrateur  de  Saint-Antoine;  Dallas;  Galveston  ;  Little 
Eock;  Mobile;  Xatchez;  Xatchitoches ;  Oklahoma. 

Mgr  l'administrateur  de  Dallas. 

Mgr  l'archevêque  de  Xew-York. 

XX.  SS.  les  évêques  d'Albany;  Brooklyn;  Buffalo;  Loryma 

(titulaire),  auxiliaire  de  Brooklyn;  Xewark;  Ogdensburg; 

Èochester;  Syracuse;' Themiscyre  (titulaire),  auxiliaire  de 

Xew-York;  Trenton. 


^  _.  —12  — 

Mgr  rardit'vOque  d'Orégon, 

NN.  SS.  les  évêques  de  Baker  City  ;  Great  Falls  ;  Helena  \ 

Seattle. 
Le  Eévérendissime  Père  Préfet  Apostolique  d'Alaska. 

Mgr  l'arclievêque  de  Philadelphie. 

XX.  SS.  les  évêques  d'Altona;  Daulia  (titulaire),  grec-ru- 
thène,  pour  les  catholiques  grecs  aux  Etats-Unis;  Scillium 
(titulaire),  aiixiliaire  de  Philadelphie;  Scranton. 

Mgr  Farchcvêque  de  Saint-Paul  de  Minnesota. 

XX.  SS.  les  évêques  d'Herniopolis  (titulaire),  auxiliaire  de 
Saint-Paul  ;  Fargo  ;  Saint-Cloud  :  Sioux  Falls. 

Mgr  l'évêque  de  Bismark,  X.  Dakota.  E.-U. 
Mexique  : 

Son  Excellence  Mgr  le  Délégué  Apostolique  au  Mexique. 

^Igr  l'archevêque  d'Antequera. 

XX.  SS.  les  évêques  de  Chiapas;  Tehuantepec. 

Mgr  l'archevêque  de  Guadalaxara. 

Mgr  l'archevêque  de  Linarès. 

Mgr  l'évêque  de  Saint-Louis  de  Potosi. 

Mgr  l'archevêque  de  Mexico. 

XX.  SS.  les  évêques  de  Cuernavaca;  Tulancingo;  Vera-Cruz. 

Amérique  Centrale. 

Honduras  Britannique  :  Mgr  l'évêque  titulaire  d'Atrib,  vicaire  aposto- 
lique du  Honduras  britannique. 

San-Salvador  :  Mgr  l'évêque  de  San-Salvador. 

Antilles. 

Cuba  et  aiitre><  îles  américaines:  XX.  SS.  les  évêques  de  Cienfuegos;  La 
Havane. 

Curaro  et  autres  îles  hollandaises  :  Très  Pév.  Père  pro-vicaire  apostoli- 
que de  Curaço. 

Haïti  :  Mgr  l'archevêque  de  Port-au-Prince. 

NX.  SS.  les  évêques  de  Cabasa( titulaire),  coadjuteur  de  Port- 
au-Prince;  de  Caves;  du  Cap  Haïtien. 


—  13  — 

Jamaïque  (Antilles  britanniques)  :     Mgr  révêque  titulaire  d'Antiphelle, 
vicaire  apostolique  de  Jamaïque. 

Martinique   (Antilles  f ranc^aises )  :  Mgr  Tévêciue  de  Saint-Pierre  do  la 
Martinique. 

Porto-Eico  et  autres  îles  américaines  :  Mgr  l'évêque  de  Porto-Rico. 

Trinidad  et  autres  îles  britanniques  :    Mgr   rarchevêque  de    Port  d'Es- 
pagne. 

Amérique  du  Sud. 

Argentine  (République)  :  Son  Excellence  Mgr  llnternonee  apostolique 
de  la  République  Argentine. 
Mgr  l'archevêque  de  Buenos- Ayres. 

Brésil  :  XX.  SS.  les  archevêques  de  Marianna;  Sao-Paolo:  San  Carlos, 
archevêque-évêque. 

XX.  SS.  titulaires  de  Bethsaïde  ;  Curitylva  :  Diamantina  ; 
Maranhao;  Olinda;  Pouso  Alègre;  Saint-Pierre  de  Rio- 
Grande;  Taubaté;  Tberada.  Titulaire  de  Phocée.  abbé  nul- 
lius  de  Rio-de-Janeiro  et  arehiabbé  des  Bénédictins  du 
Brésil. 

Cliili  :  Son  Excellence  Mgr  Tlnternonce  apostolique  du  Chili;. 
Mgr  Tarehevêque  de  Santiago. 

Colombie  :  Mgr  Tarchevêquc  do  Medellin. 

XX.  SS.  les  évêques  tit.  d'Augustopolis,  vicaire  apostolique  de 

San  Martino  et  les  Intendances  Orientales;  Garzon;  Xueva- 

Pauiplona:  Sainte-Marthe;  Tunja. 
Le  Révérendissime  Vicaire  Apostolique  de  Casanare, 
Le  Très  Révérend  A'icairc-Capitulaire  de  Zulia. 

Equateur  :  XX.  SS.  les  évêques  de  Cuenca;  Ibara. 

Guyane  anglaise  :   Mgr  l'évêque  titulaire  de  Péténisse.  vicaire  aposto- 
lique de  Demerara, 

Paraguay  :  Mgr  l'évêque  de  Paraguay. 

Pérou  :  Mgr  l'archevêque  de  Lima. 
Mgr  l'évêque  d'Ayacucho. 

Uruguay  :  Mgr  révê(|ue  titulaire  d'Anemuriuni.  administrateur  de  Mon- 
tevideo. 


—  u— 

ASIE 

Ceylan,  Ile  de  :  NN.  SS.  les  évêques  de  Galle;  Jaffna. 

Chine  :  Mgr  l'évêque  de  Lagania  (titulaire),  vicaire  apostolique  de  la 
Mongolie  Orientale.    . 

Corée  :  Mgr  l'évêque  de  Milo  (titulaire),  vicaire  apostolique  de  la  Corée. 

Indoustan  :  Mgr  l'archevêque  de  Calcutta. 

ISTN.  SS.  les  évêques  de  Lahore;  Trichinopoly. 

Japon  :  Mgr  l'évêque  d'Hakodaté. 

Turquie  d'Asie  :  Mgr  l'archevêque  de  Sidon,  grec-melchite. 


EUROPE 


Allemagne 


Alsace-Lorraine  :  ÎSTlSr.  SS.  les  évêques  de  Metz;  Strasbourg. 

Bade  :  Mgr  l'archevêque  de  Fribourg-en-Brisgau. 

Bavière  :  Mgr  l'évêque  de  Spire. 

Prusse  :  NN.  SS.  les  évêques  de  Miinster;  Osnabriick. 

Angleterre  :  Mgr  l'archevêque  de  Westminster. 

ISî'N".  SS.  les  évêques  de  Birmingham;  Leeds;  Liverpool;  Mid- 
dlesborough;  Salford;  Southwark. 

Autriche  :  Mgr  l'archevêque  grec-ruthène  de  Lemberg. 

NN".  SS.  les  évêques  de  Briim;  Lavant;  Lésina;  Luiz;  Pa- 
renzo  et  Pola;  Saint-Hippolyte  ;  Trente. 

Belgique:  NN.  SS.  les  évêques  de  Liège;  ISTamur;  Parnasse  (titulaire), 
auxiliaire  de  Malines. 

Danemark  :  Mgr  l'évêque  d'Anastasiopolis  ("titulaire),  vicaire  aposto- 
lique de  Danemark  et  Islande. 

Ecosse  :  Mgr  l'archevêque  de  Glasgow. 

NN".  SS.  les  évêques  d''Aberdeen;  Dunkeld. 

Espagne  :  NN".  SS.  les  archevêques  de  Saragosse  ;  Séville  ;  Tarragone. 
NN.  SS.  les  évêques  d'Alméria  ;  Barcelone;  Cordoue;  Jaen  ; 
Léon;   Orence;   Palencia;    Santander;   Tarazona;   Téruel; 
Tortosa;  Urgel;  Vich;  Vitoria. 


—  15  — 

France  :  NIST.  SS.  les  archevêques  d'Albi;  Auch;  Besançon;  Bourges; 
Chambery;  Méth}Tïine  (titulaire),  coadjuteur  de  Cambrai; 
Paris;  Rennes;  Toulouse. 
XX.  SS.  les  évêques  d'Agen;  Amiens;  Angers;  Angoulème; 
Arras  ;  Autun  ;  Baveux  ;  Belley  ;  Cahors  ;  Carcassone  ;  Châ- 
lons  ;  Chartres  ;  Clermont  ;  Evreux  ;  Fréjus  et  Toulon  ; 
Grenoble;  Hiéropolis  (titulaire),  auxiliaire  de  Lyon;  Laval; 
Le  Mans;  Limoges;  Luçon;  Montauban;  Moulins;  Xantes; 
Nice;  Xîmes;  Orléans;  Poitiers;  Quimper  et  Léon;  Eodez; 
Saint-Brieuc  et  Tréguier  ;  Saint-Claude  ;  Saint-Dié  ;  Saint- 
Flour  :  Soissons  :  Tarbes  ;  Troyes  ;  Valence  ;  Vannes  ; 
Verdun;  Versailles. 

Hollande  :  Mgr  l'archevêque  d'L'trecht. 

Hongrie  :  XX.  SS.  les  évêques  de  Csanàd;  Pècs;  Transylvanie. 

Irlande  :  XX.  SS.  les  évêques  de  Derry;  Down  et  Connor;  Meath. 

Italie  :  XX.  SS.  les  archevêques  d'Amalfi;  Ancone;  Benevent;  Came- 

rino  ;  Fermo  ;   Oristano  ;  Ravenne   et   évêque   de   Cervia  ; 

Sorrente  ;  Trani  et  Barletta  ;  TJrbino. 

XX.   SS.  les   évêques   d'Alatri;  d'Aoste;  Bellune  et  Feltre; 

Bergramme  ;   Borgo   San-Donnino  ;   Bosa  et   administrateur 

d'Iglesias  ;     Canope    (titulaire),   auxiliaire    de    Crémone  ; 

Casale-Monf  errato  ;  Chiavari  ;  Concordia  ;  Crémone  ;  Fama- 

gouste  rtitulaire).  auxiliaire  de  Milan;  Guddio:  Livourne; 

Lodi  ;  Macerata  et  Tolentino  ;  Mantoue  ;  Massa  di  Carrara  ; 

Massa  Maritima  :  Xovare  ;  Pavie  ;  Sutri  et  Xepi  :  Vintimile. 

Luxembourg  :  Mgr  l'évêque  de  Luxembourg. 

Malte  :  Mgr  Tarchevêque  de  Ehodes  (titulaire),  évêque  de  Malte. 

XoRVÈGE  :  Mgr  l'évêque  d'Eluse  (titulaire),  vicaire    apostolique  de  la 
Norvège. 

Pologne  russe  :  Mgr  l'archevêque  de  Varsovie. 
Mgr  l'évêque  de  Sejny. 

Portugal  :  XX.   SS.  les  évêques  de  Beja  :  Povtalègre  ;  Trajanopolis 
(titulaire). 

Russie  :  Mgr  l'évêque  de  Lutsk  et  Zytomierz  et  Kamenietz. 
Turquie  d'Europe  :  Mgr  l'archevêque  de  Scutari. 

OCEANIE 

Australie  :  Mgr  l'évêque  de  ]\Iaitland. 
Nouvelle-Zélande  :  Mgr  rarchovê<]ue  de  Wellington. 


—  16  — 

DIGNITAIRES  ECCLESIASTIQUES   PRESENTS 

AU  CONGRES 


1.  Son  Emiuence  le  Cardinal  Vincent  A'annutelli,  Légat  du  Pape. 

2.  Son  Eminence  le  Cardinal  Gibbons,  Archevêque  de  Baltimore. 

3.  Son  Eminence  le  Cardinal  Logue,  Archevêque  d'Armagh,  Primat 

[d'Irlande. 

EUROPE 
Angleterre  : 

Sa  Cirandeur  Mgr  François  Bourne,  archevêque  de  Westminster. 

Sa  Grandeur  Mgr  Edouard  Ilsley,  évêque  de  Birmingham. 

Ecosse  : 

Sa  Grandeur  Mgr  Angus  MacFarlane,  évêque  de  Dunkehl. 

Irlande  : 

Sa  Grandeur  Mgr  Jean  Toliill.  évêque  de  Dowu  et  Connor. 

Autriche  : 

Sa  Grandeur  Mgr  le  comte  André  Alexandre  Szeptycki,  archevêque 
de  Lemberg. 

Belgique  : 

Sa  Grandeur  'Mgr  Tbninas-T.ouis  TIcvlou,  évêque  de  Xamur. 

France  : 

Sa  Grandeur  Mgr  Joseph  Euiuoau.  évêque  d'Angers. 

Sa  Grandeur  Mgr  Stanislas-Artliur-Xavier  Touchet,  évêquo  d'Orléans. 

Luxembourg  : 

Sa  Grandeur  Mgr  Jean-Joseph  Kojjpes.  évêque  de  Luxembourg. 

Portugal  : 

Sa  Grandeur  Mgr    ITenri-Josepb  Pe;'d  da    Silva.  évêque    titulaire  de 
Trajanopolis. 

.AFRIQUE 

Sa  Grandeur  Mgr  TTiigiies  ^facSbeiTy.  évêque  tutulaire  de  Jusiinia- 
nopolis. 


—  ir  — 

AMERIQUE 


Antilles 


Sa  Grandeur  ^Igv  J.  CoUins,  évoque  titulaire  d'Auiiphellc,  vicaire 
apostolique  de  la  Jamaïque. 

Brésil  : 

Sa  GiMifleur  Mgr  Antoine-Xiste  Albano,  évêque  titulaire  de  Betli- 
saïde. 

Canada  : 

Sa  Grandeur  Mgr  Louis-Xazaire  Bégin,  archevêque  de  Québec. 

Sa  Grandeur  Mgr  Paul  Bruchési,  archevêque  de  Montréal. 

Sa  Grandeur  Mgr  Charles  Hughes  Gauthier,  arclievêque  de  Kingston. 

Sa  Grandeur  Mgr  Adélard  Langevin,  archevêque  de  Saint-Boniface. 

Sa  Grandeur  Mgr  Edouard  Joseph  McCarthy,  archevêque  d'TTalil'ax. 

Sa  Grandeur  Mgr  Alfred  Archaml)ault,  évêque  de  Joliette. 

Sa  Grandeur  Mgr  Thomas-François  Barry,  évêque  de  Chatham. 

Sa  Grandeur  Mgr  Xiste  Bernard,  évêque  de  Saint-Hyacinthe. 

Sa  Grandeur  Mgr  André-Albert  Biais,  évêque  de  Kimouski. 

Sa  Grandeur  Mgr  Gustave  Blanche,  évêque  titulaire  de  Sicca. 

Sa  Grandeur  Mgr  Breynat,  O.M.I.,  évêque  titulaire  d'Adramyte. 

Sa  Grandeur  Mgr  Jos.-Simon-Hermann  Brunault,  évêque  de  Xicolet. 

Sa  Grandeur  Mgr  Timothée  Casey,  évêque  de  Saint-Jean,  Xouveau- 
Brunswick. 

Sa  Grandeur  Mgr  Joseph-Médard  Emard,  évêque  de  A'alleyiield. 

Sa  Grandeur  Mgr  M.  Fallon,  évêque  de  London. 

Sa  Grandeur  Mgr  Célestin  Joussard,  évêque  titulaire  d'Arcadiopolis. 

Sa  Grandeur  Mgr  Michel-Thomas  Labrecque,  évêque  de  Chicoutimi. 

Sa  Grandeur  Mgr  Paul-Stanislas  LaRocque,  évêque  de  Sherbrooke. 

Sa  Grandeur  Mgr  Elie-Anicet  Latulippe,  évêque  titulaire  de  Catenna. 

Sa  Grandeur  Mgr  Emile-Joseph  Légal,  évêque  de  Saint-Albert. 

Sa  Grandeur  Mgr  Xarcisse-Zéphirin  Lorrain,  évêque  de  Pembroke. 

Sa  Grandeur  Mgr  Alexandre  Mac-Donald,  évêque  de  Victoria  (Can.). 

Sa  Grandeur  Mgr  Guillaume- André  MacDonnell,  évêque  d'Alexandria. 

Sa  Grandeur  Mgr  Eichard-Alphonse  O'Connor,  évêque  de  Peterbo- 
rough. 

Sa  Grandeur  Mgr  Albert  Pascal,  évêque  de  Prince-Albert. 

Sa  Grandeur  Mgr  Zotique  Eacicot,  évêque  titulaire  de  Pogla. 

Sa  Grandeur  Mgr  Paul-Eugène  Poy,  évêque  titulaire  d'Elcuthéiopolis.- 

Sa  Grandeur  :\rgr  David-Joseph  Scnllard,  évêque  du  S;iult  Sainte- 
Marie  (Canada). 

Colombie  : 

Sa  Grandeur  M<ir  Edouard  :Maldonad  Calvo.  évêipie  dr  Tiinja. 


—  18  — 

Etats-Unis  : 

Sa  Grandeur  Mgr  Jacques-Hubert  Blenk,  archevêque  de  la  Nouvelle- 
Orléans  (Louisiane). 
Sa  Grandeur  Mgr  Alexandre  Cliristie,  archevêque  d'Orégon  (Orégon). 
Sa  Grandeur  Mgr  Jean-Marie  Farley,  archevêque  de  New-York. 
Sa  Grandeur  Mgr  Jean-Joseph  Glennon,  archevêque  de  Saint-Louis 

(Missouri). 
Sa  Grandeur  Mgr  Jean  Ireland,  archevêque  de  St-Paul  de  Minnesota. 
Sa  Grandeur  Mgr  Henry  Moeller,  archevêque  de  Cincinnati  (Ohio). 
Sa  Grandeur  Mgr  William  O'Connell,  archevêque  de  Boston,  Mass. 
Sa  Grandeur  Mgr  James-Edouard  Quigley,  archevêque  de   Chicago 

(Illinois). 
Sa  Grandeur  Mgr  Hermann  Joseph  Alerding,  évêque  de  Fort-Wayne 

(Indiana). 
Sa  Grandeur  Mgr  Thomas  Daniel  Beaven,  évêque  de  Springfieldi(Mass.'^ 
Sa  Grandeur  Mgr  Thomas  Bonacum,  évêque  de  Lincoln  (Nebraska). 
Sa  Grandeur  Mgr  Thomas-M.-A.  Burke,  évêque  d'Albany. 
Sa  Grandeur  Mgr  Jean-Patrice  Carroll,  évêque  d'Helena  (Montana). 
Sa  Grandeur  Mgr  Charles-Henry  Colton,  évêque  de  Buffalo  (N.  Y). 
Sa  Grandeur  Mgr  Thomas-James  Conaty,  évêque  de  Monterey  et  Los 

Angeles  (Californie). 
Sa  Grandeur  Mgr  Thomas  Cusack,  évêque    titulaire    de    Themiscyre, 

auxiliaire  de  New-York. 
Sa  Grandeur  Mgr  Patrick-James  Donahue,  évêque  de  Wheeling(Virg.) 
Sa  Grandeur  Mgr  Frédéric  Eis,  évêque  de  Marquette  (Michigan). 
Sa  Grandeur  Mgr  Daniel-François  Feehan,  évêque  de  Fall-Eiver. 
Sa  Grandeur  Mgr  Joseph  Fox,  évêque  de  Green-Bay  (Wisconsin). 
Sa  Grandeur  Mgr  Henry  Gabriels,  évêque  d'Ogdensburg  (N.  Y.). 
Sa  Grandeur  Mgr    Nicolas-Louis    Gallagher,    évêque    de    Galveston 

(Texas). 
Sa  Grandeur  Mgr  Philippe-Joseph  Garrigan,  évêque  de  Sioux  City 

(lowa). 
Sa  Grandeur  Mgr  Eugène-Au2:ustin  Garvey,  évêque  d'Altona. 
Sa  Grandeur  Mgr  Georges-Albert    Guertin,    évêque    de    Manchester 

(N.  H.). 
Sa  Grandeur  Ma:r  Mathieu  Harkins,  évêque  de  Providence  (R.  L). 
Sa  Grandeur  Mgr    Jacques-Joseph    Hartiev,    évêque    de    Columbus 

(Ohio). 
Sa  Grandeur  Mgr  Jean-Joseph  Hennessv,  évêque  de  Wichita  (Kansas). 
Sa  Grandeur  Mgr    Thomas-François    Hickev,    évêque    de    Rochester 

(X.  Y:). 
Sa  Grandeur  Mgr  Jean-Michel  Hoban.  évêque  de  Scranton  fPensyl.). 
Sa  Grandeur  Msr  Jean  Janssen,  évêque  de  Belleville  flllinois). 
Sa  Grandeur  Mgr  Jacques-Jean  Keane,  évêque  de  Cheyenne   (W3'o- 

ming). 
Sa  Grandeur  Mgr  Benjamin-Joseph  Kelly,  évêque  de  Savannali  (Geor- 
ge). 
Sa  Gnindoiir  Mgr  Guillaume-Jean  Kenny,  évêque  de  Saint-Augustin 

(Floride). 


—  19  — 

Sa  Grandeur  Mgr  Joseph-Marie  Koudelka,  évêque  titulaire  de  Ger- 

manicopolis  (auxiliaire  à  Cleveland,  Ohio). 
Sa  Grandeur  Mgr  Lawler,  évêque  titulaire  d'Hermopolis,.  auxiliaire 

de  Saint-Paul  (Minnesota). 
"Sa  Grandeur  Mgr  Mathias  Lenihan,  évêque  de  Great-Falls  (Montana). 
Sa  Grandeur  Mgr  Patrice  Ludden,  évêque  de  Syracuse  (N.  Y.) 
Sa  Grandeur  Mgr  Jacques- Augustin    MacEaul,    évêque    de    Trenton 

Sa  Grandeur  Mgr  Charles  McDonnell,  évêque  de  Brooklyn  (IST.  Y.). 

Sa  Grandeur  Mgr  Camille-Paul  Maes,  évêque  de  Covington   (Ken- 
tucky). 

Sa  Grandeur  Mgr  Jean-James  Monaghan,  évêque  de  AVilnHngton(Del.) 

Sa  Grandeur  Mgr  Jean-Bte  Morris,  évêque  de  Little-Eock  (Arkansas). 

Sa  Grandeur  Mgr  Henry  Northrop,  évêque  de  Charleston  (Caroline 
du  Sud) . 

Sa  Grandeur  Mgr  O'Connell,  évêque  titulaire  de  Sébaste,  auxiliaire  de 
San-Francisco  (Californie). 

Sa  Grandeur  Mgr  Jean- Joseph  O'Connor.  évêque  de  Xewark  .(N.  J.). 

Sa  Grandeur  Mgr  Edouard-Jean  O'Dea,  évêque  de  Seattle  (Wasli.). 

Sa  Grandeur  Mgr  Thomas  O'Gorman,  évêque  de  Sioux  Falls   (Da- 
kota). 

Sa  Grandeur  Mgr  O'Eeilly,  évêque  de  Fargo  (N.  Dakota). 

Sa  Grandeur  Mgr  Sotère-Etienne  Ortynskyi  de  Labetz,  évêque  titu- 
laire de  Daulia. 

Sa  Grandeur  Mgr  J.  Eice,  évêque  de  Burlington  (Vt.). 

Sa  Grandeur    Mgr    Henrv-Joseph    Richter,    évêque  de  Grand-Eapids 
(Mich.). 

Sa  Grandeur  Mgr  Eichard  Scannell,  évêque  d'Omaba   (Xebraska). 

Sa  Grandeur  Mgr  Louis-Sébastien  Walsh.  évêque  de  Portland(Maine). 

Sa  Grandeur  Mgr  Wherle,  évêque  de  Bismark  (N.  Dakota). 

Guyane  Anglaise  : 

Sa  Grandeur  Mgr  C.  Galton,  évêque  de  Pethénisse,  vicaire  apostolique 
de  la  Guyane  x4nglaise. 

Haïti  : 

Sa  Grandeur  Mgr  Jean-Marie-Alexandre  Morice.  évêque  de  Les  Caies. 

Mexique  : 

Sa  Grandeur  Mgr  Euloge-Grégoire-Clément  Gillow  y  Zavalza.  arcbe- 

vêque  d'Antoquera. 
Sa  Grandeur  Mgr  Josc-Maria-Ignace  Montes  de  Oca,  évêque  de  Saint- 
Louis  de  Potosi. 
Sa  Grandeur  Mgr  Jean  Herrora  y  Pina.  évêque  de  Tulancingo. 

Terre-Neuve  : 

Sa  Grandeur  Mgr  Michel-François  Howley,  archevêque  de  St-Jean-de- 

Terre-Neuve. 
Sa  Grandeur  Mgr  Jean  March,  évêque  de  Hâvre-do-Grâce. 


—  20  — 


DIGNITAIRES   ECCLESIASTIQUES  ET  DIOCESES 
QUI  SE  SONT  FAIT  REPRESENTER 
AU  CONGRES 


Sou  Eminence  le  Cardinal  de  Cologne,  Allemagne,  par  le  T.  Eév.  Dr 
Kreutzwald,  V.-G. 

Son  Excellence  Mgr  Falconio,  Délégué  A])ostoliqne  aux  Etats-Unis,  par 
Mgr  Ceretti,  auditeur  de  la  Délégation. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'archevêque  de  Philadelphie  (E.-U.),  par  Sa  Gran- 
deur Mgr  Hoban,  évêque  de  Scranton  (E.-U.). 

Sa  Grandeur  Mgr  rarchevêque  d'Albi,  France,  par  deux  de  ses  prêtres. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'archevêque  de  Bourges,  France,  par  Mgr  Lorain, 
Prélat  S.  S. 

Sa  Grandeur  Mgr  l"arehevêque  coadjuteur  de  Caml)rai,  France,  par  MM. 
les  chanoines  Descanips  et  Lamérande. 

Sa  Grandeui-  Mgr  Farchevêque  de  Glasgow,  Ecosse,  par  MM.  les  cha- 
noines McCarthy  et  Ritchie. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'archevêque  de  Guadalaxara,  Mexique. 

Sa  Grandeur  l'archevêque  de  Linarès,  Mexique. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'archevêque  de  Paris,  France,  par  ses  Vicaires-Géné- 
raux M.  l'abbé  Thomas,  archidiacre,  et  Mgr  Odelin. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'archevêque  de  Mexico,  Mexique,  par  M.  le  Chanoine 
Fulchéri,  recteur  de  son  Séminaire. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'archevêque  de  Pennes,  France,  par  plusieurs  de  ses 
prêtres. 

Sa  Grandeur  Mgr  de  Toronto,  par  Mgr  McCann,  son  vicaire-général. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'archevêque-évêque  de  San-Carlos,  Brésil,  par  le  Eév. 
Père  Angelo  Le  Marchand. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'archevêque  de  Sidon.  par  Mgr  Delmas.  protonotaire 
apostolique,  V.  G.  et  Archimandrite,  et  par  Mgr  Melatios  Aggiar, 
exar(|ue  de  Sidon. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  d'Autun,  par  plusieurs  de  ses  prêtres. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Baveux,  par  M.  l'abbé  Charles  Marie. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêciue  de  Bellcy.  par  plusieurs  de  ses  prêtres. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Charlottclowii  (Ile  du  P.-E.),  par  le  T. 
Pév.  Dr  ^lorrisson  de  Vernon  Piver,  V.-G. 

Sa  (irandeur  Mgr  l'évêque  de  Chartres,  Fi'ance  par  M.  l'abl)é  Jules  Al- 
berque. 


—  31  — 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêqiie  de  Clermont,  France,  par  M.  l'abbé  Bruneau, 
son  vicaire-général. 

Sa  Grandeur  Mgi-  l'évêque  d'Evreux,  France,  par  M.  le  Chanoine  Acard, 
supérieur  lion.  d'Econis. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Grenoble,  France,  par  plusieurs  de  ses 
prêtres. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Gubbio,  Italie,  par  Tun  de  ses  prêtres. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  d'Hamilton,  Ontario,  par  le  T.  Rév.  Ma- 
hone}',  son  vicaire-général. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Hartford,  Conn.,  par  le  T.  Rév.  T.  S. 
Daggan,  son  vicaire-général,  et  par  le  Eév.  J.  C.  Murray,  son 
chancelier, 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  JafFnn,  Ccylan  (Asie)  par  Eev.  Fatbcv 
Mathews. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Leeds,  Angleterre,  par  M.  le  chan.  Sini])- 
son. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Liège,  Belgique,  par  M.  l'abbé  Rener. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Luçon,  France,  par  M.  Tabbé  Limerizier. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Lutsk,  Pologne  russe,  par  M.  l'abbé 
Pierre  Mankowski. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  du  Mans,  France,  par  M.  l'abbé  A.  Saurel. 
Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Massa  di  C'arrara,  Italie. 
.Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Meatli,  Irlande,  par  le  T,  Rév.  Dr  Dooley. 
Sa  Grandeur  Mgr   l'évêque    de   Metz,    AUeniagno,  par   M.    le    chanoine 
Erman. 

Sa  Grandeur    Mgr   l'évêque    de    Moulins,    France,    par    son    secrétaire 

M.  l'abbé  Henri  Vergneau. 
Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Xantes,  France,  par  M.  Tabbé  L.  P.  Dubois. 
Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  N'atchez.  Mississipi.  E.-U..  par  M.  le  cha- 
noine P.  Scotti,  chancelier  de  la  Xouvelle-Orléans. 
Sa  Grandeur  Mgr  l'évê<]ue  de  Xatchitoches,  E.-U.,  par  le  Rév.  .1.  h'oiil- 

leaux. 
Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Nice,  France,  par  M.  Tabbé  Jules  Emard. 
Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Nîmes,  France,  par  un  prêtre  de  Montréal. 

originaire  de  Xîmes. 
Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  d'Oklahoma.  E.-I".,  par  le  T.  R.  fhistave  De- 

preitere,  son  vicaire-général. 
Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  d'Olinda,  Brésil,  par  Mgr  Aniaval  et  Mgr 

Machado. 
Sa  Grandeur  Mgr  révê(|ue  de    Pècs  (Quinqiie  Ecclesinnnn).    Hongrie, 

par  l'un  de  ses  prêtres. 
Sa  Grandeur  Mgr  Tévêciue  de  Portalègro,   Portugal.   ]k\v  un   pirirc  du 

diocèse. 


—  22-^ 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Rodez,  France,  par  l'un  de  ses  archiprêtres. 
Sa  Grandeur  Mgr  Tévêque  de  St-Claude,  France,  par  M.  le  Chanoine 

Guieliard,  curé  de  Dole. 
Sa  Grandeur  Mgr  Févêque  de  St-Cloud,  Min.,  par  le  T.  Rév.  Père  Abbé 

Peter  Engel,  de  St.  John's  Abbey,  Min. 
Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  St-Flour,  par  M.  l'abbé  Simon. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  San-Salvador,  Amérique  Centrale,  par  un 
prêtre  du  diocèse  de  Montréal. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Soissons,  France,  par  un  de  ses  dignitaires 
ecclésiastiques. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Tarbes,  France,  par  le  Dr  St-Pierre,  re- 
présentant le  Dr  Boissarie. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Taubaté,  Brésil,  Amérique  du  Sud,  par 
le  Rme  Abbé  d'Oka. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Trente,  Autriche,  par  le  Eév.  Michel 
Dooly. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Troyes,  France,  par  un  prêtre  de  son  dio- 
cèse. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Vannes,  France,  par  M.  l'abbé  Buléon. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Verdun,  France,  par  M.  le  chan.  Houzelot. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Versailles,  France,  par  M.  l'abbé  Jacque- 
mond,  chanoine  honoraire. 

Sa  Grandeur  Mgr  MacSherry,  représentait  sept  évêiques  du  Sud- 
Africain. 

Le  Révérendissime  P.  M.  Bunoz,  O.M.I.,  préfet  apostolique  du  Yukon, 
par  le  Rév.  P.  A.  Lebert. 


DIOCESES  REPRESENTES 

Diocèse    d'Halifax,    Canada,    par   les    Révs.   W.    B.    Hamilton,    Gerald 

Murphy,  W.  S.  Young, 
Diocèse  d'Ottawa,  Canada,  par  Mgr  Routhier. 
Diocèse  de  Philadelphie,  par  Mgr  Loughlin,  Mgr  Kiernan  et  le  Rév. 

Chas.  Vandegrift, 
Diocèse  de  St-Paul  du  Brésil,  par  M.  Pierre  Boucher  de  Boucherville. 
Diocèse  de  Dallas,  Texas,  E.-U.,  par  le  Rév.  J.  R.  Allard. 
Diocèse  de  Salford,  Angleterre,  par  Mgr  W.  Hill,  P.  M.,  et  le  T.  Rév. 

Walsh. 


—  23  — 

ORGANISATION    GENERALE    DU    CONGRES    DE 

MONTREAL 


COMITE  GENERAL 


Président  d'ITonneue Son  Excellence  Mgr  le  Délégué  Apos- 
tolique. 

Président Mgr  l'Archevêque  de  ^Montréal. 

Vice-Présidents  d'Honneur.  .Xos  Seigneurs  les  archevêques  et  évê- 

ques  du  Canada. 

Vice-Président M.  le  chanoine   Gauthier,  curé  de  la 

Cathédrale  de  Montréal. 

Secrétaire-Général Le  Eév.  Père  Pelletier,  supérieur  des 

Pères  du  Saint-Sacrement  à  Mont- 
réal. 


COMITE  DES  TRAVAUX 


Président M.  le  chanoine  Gauthier,  curé  de  la 

Cathédrale  de  Montréal. 
Vice-Présidents M.   l'ahbé   Lecoq,   supérieur   du   Sémi- 
naire de  St-Sulpice. 
M.  l'abbé  Perrier,  visiteur  des  Ecoles 

Catholiques  de  Montréal. 
M.  l'abbé  McShane,  curé  de  St-Patrice. 
M.  l'abbé  Elie-J.  Auclair,  archevêché. 
Secrétaire R.  P.  Galtier,  S.  S.  S. 

Membres  :  —  Baril,  le  Dr.  G.  —  Beaupré,  M.  —  Biupliy,  rabl)é  John. 

—  Bourassa,  Henri,  député  au  Parlement  Provincial.  — 
Brisset,  le  Dr.  —  Condon,  Eév.  Fr.,  C.  S.  C.  —  Côté,  Pév. 
p.,  0.  P.  —  Cox,  Pév.  P.,  S.  .T.  —  Desjardins.  l'ablté  L., 
secrétaire  de  l'Université  Laval.  —  Desroches,  le  Dr.  — 
Desrosiers,  l'abbé,  assistant  principal  de  l'Ecole  Xormale. 

—  Dovle,  Eév.  P.,  S.J.  — Dupuis,  l'abbé  Jos.— Ethelbert, 
Eév.  Fr.  —  Fournet,  A.,  P.  S.  S.  —  Gairniour.  Eév.  P., 
S.  .T.  —  Gonthier,  Eév.  P.,  S.  J.  —  Guerin.  TLm.  Juge.  — 
Héroux,  Orner,  rédacteur  au  "  Devoir  ".  —  Henratty,  édi- 
teur du  "True  Witness  ".  —  Jasmin,  le  chanoine,  supé- 
rieur du  Séminaire  de  Ste-Thérèse.  —  Jodoin.  Eév.  P., 


—  21  — 

0.  M.  I.  —  Jolv,  Kév.  P.,  C.  S.  Y.  —  Lalande,  Eév.  P. 
Louis,  !S.  J.  —  Lalande,  Kév.  P.  Joseph,  S.  J.  —  Laniar- 
che,  l'abbé  C.  —  Lamothe,  Gustave,  avocat.  —  Leclerc, 
Kév.  P.,  C.  SS.  P.  —  Loranger,  Hon.  Juge.  —  MacPhail, 
Eév.,  C.  SS.  E. — McLauglilin,  Jos.  —  Nantel,  le  chanoine, 
Séminaire  de  Ste-Thérèse.  —  Pauzé,  Tabbé  M.,  directeur 
du  Collège  de  l'Assomption.  —  Perreault,  M.,  directeur 
des  Ecoles  Catholiques.  —  Perrin,  L.,  P.  S.  S.  —  Phelan, 
M.  A.  —  Piché,  Eév.  P.,  curé  de  St-Georges.  —  Purcell, 
Hon.  Juge.  —  Quirk,  M .  E.  —  Eaymond,  Eév.  P.,  0 .  F .  M. 
—  Eiopel,  Tablié.  —  Savaria,  le  chanoine.  —  Walsh,  M. 
J.  C,  éditeur  du  '•  Herald  ".  —  Wickham,  M.  P.  M. 


COMITE  DE  RECEPTION 


Présidents  Conjoints M.  le  chanoine  Dauth,  archevêché. 

M.  l'abbé  Donnelly,  curé  de  St- Antoine. 
Vice-Peésidents M.  le  chanoine  Eoy,  archevêché. 

M.  Tabbé  Troie,  curé  de  Notre-Dame. 
Secrétaires M.  l'abbé  L.  Callaghan,  archevêché. 

M.  l'abbé  Elie-J.  Auclair,  archevêché. 

Membres  :  —  Auclair.  l'aljbé  M.,  curé  de  St- Jean-Baptiste.  —  Beau- 
champ,  M.,  président  de  la  St- Jean-Baptiste.  —  Beaudin, 
S.,  avocat.  —  Bil)aud,  Eév.  P.,  0.  P.  —  Brady,  l'abbé, 
curé  de  Ste-Marie.  —  Carrières,  l'abbé  A.,  curé,  Pointe 
Saint-Charles.  —  Casey,  l'abbé  W.  J.,  curé  de  Ste-Agnès. 
Charl)onneau,  Eév.  P.,  C.  S.  V.  —  Charrier,  C,  P.  S.  S.— 
Cloran,  Hon.  Sénateur.  —  Corbeil,  l'abbé  A.,  curé  de  St- 
Joseph.  —  Clancy,  W.,  City  Pass.  Agt  G.  T.  Ey.  —  Dan- 
durand,  Hon.  E.  —  Derome,  M.  J.  A.  président  de  l'Ado- 
ration Xocturne.  —  Directeurs,  EE.  PP.  des  Messagers 
du  Sacré-Cœur.  —  Directeurs,  EE.  PP.  des  Eevues  Fran- 
ciscaines. —  Dubée,  W.  Pat.,  Sec.  M.  S.  Ey.  —  Dubois, 
l'al)l)é  X.,  principal  de  l'Ecole  Xormale.  —  Dupuis,  J.  N. 
— •  Ecrément,  rabl)é,  curé  de  Sainte-Cunégonde.  —  Elliott, 
E.  C,  Gen.  Offices,  G.  T.  Ey.  —  Forget,  Hon.  Eod.  — 
Foucher,  l'abbé  A.  —  Gaboury,  A.,  surintendant  M.  S.  Ey. 
—  Gauthier,  l'abbé,  curé  de  St-Léon  de  Westmount.  — 
Gervais,  Honoré,  avocat.  —  Hébert,  Em.,  agent  général, 
C.  P.  E.  —  Heffernan,  l'abbé  T.,  curé  de  Saint-Thomas 
D'Aquin.  —  Kiernan,  l'abbé,  curé  de  Saint-Michel.  — 
Kearney,  W.-J.  —  Lacoste,  Sir  Alex.  —  Lagacé,  J.-B.  — 
Lalande,  M.  Langevin,  l'abbé  H.,  curé  d'Hochelaga.  — 
Loranger,  M.  Louis,  avocat.  —  Masson,  le  Dr  D.  — 
Migneault,  M.  P.  B.,  avocat.  —  Moriu,  l'abbé  A.  X.,  curé 


—  25  — 

de  St-Edouard.  —  Murphy,  David  II.,  avocat.  —  Pavettc, 
Louis.  —  Perreault,  Antonio,  avocat.  —  Prendergast,  M., 
gérant  général  de  la  Banque  d'Hoclielaga.  —  Quinlan',  M.' 
Michael,  agent,  Dép.  Pass.  G.  T.  Pv.  —  Kitchot,  M.  — 
Eioux,  P.,  C.  SS.  P.,  curé  de  Ste-Anne.  —  Eivet,  L.  J.  — 
Shea,  l'abbé  L.  M.,  curé  de  Saint-Louis  de  Gonzague.  — 
Smith,  Percy.  —  Walsli,  le  capitaine.  Marine  Dept.  ('an. 
Pac.  Ey.  —  Langevin,  C.  A.  —  Léger,  S.,  Marceau, 
Ernest.  —  Perdriau,  Henri. 


COMITE  DES  FINANCES 


Président :\L  le  chanoine  W.  C.  Martin,  archevêché. 

Vie k-Prési DENTS Hon.  L.  J.  Forget. 

Sir  Thomas  Sliaughnessv. 

Secrétaire M.  l'abbé  xVdol.  Svlvestre,  archevêché. 

Membres  :  —  Adam,  F.  L.  T.,  chan.,  curé  du  Sacré-Cœur.  —  Barsalou, 
Erasme.  —  Barsalou,  Hector.  —  Bastien,  Tréfilé.  —  Beau- 
bien,  Hon.  C.  P.  —  Beauchamp,  J.  C.  —  Béique.  L.  J., 
sénateur.  —  Bezner,  M.  C.  —  Bienvenue,  P.  —  Boyer, 
Alphonse,  sénateur.  —  Brady,  labbé  P.  J..  curé.  — 
Bruchési,  Charles,  avocat.  —  Brown,  P.  E.  —  Brunet, 
Alfred.  —  Burge,  Michael.  —  Casey,  Félix.  —  Catelli, 
C.  H.  —  Cavanagh,  Edward.  —  Chaput.  Charles.  —  Clé- 
roux,  Dr  L.  J.  Y.  —  Connollv.  Michael.  —  Conroy, 
Thomas.  —  Comtois,  Taljbé  S.,  curé.  —  Cousineau,  Tabbé 
H.,  curé.  —  Dandurand,  F.  H.  —  David,  L.  0.,  sénateur. 
Décarie,  I.  A.,  avocat.  —  Décarie,  l'abbé  P..  curé.  —  De- 
guise,  J.  B.  —  De  la  Durantaye,  F.-X.  —  De  Martigny, 
Camille.  —  Deniers,  l'abbé  Jos.,  curé.  —  Desaulniers.  .1. 
V.  —  De  Serres,  Gaspard.  —  Doherty,  C.  J..  député  au 
Parlement  Fédéral.  —  Ducharme,  G.  X.  —  Dupuis, 
L.  X.  — -  Eagan,  Martin.  —  Ecrément,  l'abbé  F.-\., 
curé.  —  Emard.  J.  V.,  avocat.  —  Fitzgiljbons.  Micluu'l.  — 
Forbes,  l'abbé  G.,  curé.  —  Gallery,  D.  —  (Jenin,  J.  P.  — 
Gennain.  le  Dr.  —  Gravcl.  J.  0.  —  Giiav.  Eug.  — 
Hackett,  Hon.  J.  A.  —  Hanlev,  Thos.  —  Harris.  J.  W.  — 
Hart,  Charles.  —  Hé])ert,  W.',  P.  S.  S.  —  Hébert.  A.  — 
Hétu,  l'abbé  P.,  curé.  —  Hudon,  I.  H.,  S.  J.  —  Huber- 
deau,  Magloire.  —  TTurtnl)ise,  Ed.  —  Hingstnn.  le  Dr.  — 
Kain,  Patrick.  —  Kavanagli,  H.  J.  —  Kavanagli.  J.  1'.  — 
Kennedy,  John.  Dr.  —  Kennedy.  Wm.  —  Laniardie, 
l'abbé  A.  P..  curé.  —  T^anioureux.  Jos.  —  Lajntintc,  L.  A. 

—  Laporte,  H.  —  Laroccpie,  A.  A.  —  Lavallée,  L.  .\.  — 
Lavallée,  P.  0.  —  Laviolette,  J.  (i.,  Dr.  —  Lebel.  Félix. 

—  Lomay.  E.  TT.  —  Létourneau,  d..  avocat.  —  Linidges. 
0.  —  Lcspérance,  A.  P.  —  ^lasson.  Damase.  —  Masson, 


—  26  — 

Dam.,  Dr.  —  McLaughlin,  Jos.  —  McLaiighlin,  Henry. 

—  McCaffrey,  P.  F.  —  McDonald,  Duncan.  —  McDonald, 
J.  A.,  Dr.  —  McDonnell,  C.  A.  —  McCarthy,  J.  G.,  D.  — 
McDonnell,  C.  A.  —  McCarthy,  J.  G.,  Dr.  —  McEniry,  H. 
F.  —  McKenna,  Jas.  —  McXally,  Bernard.  —  Martin,  J. 
B.  —  Monaghan,  Patrick.  —  Moncel,  G.  N.  —  Monoghan. 

—  Morin,  Hubert.  —  Mullin,  Patrick,  sr.  —  McVey,  Wm. 

—  McCroiy,  P.  —  Nolan,  John.  —  O'Brien,  Patrick.  — 
O'Connell,  T.  —  O'Meara,  l'abbé,  curé.  —  O'Neill,  T.  J. 

—  O'Shaughnessy,  Dan.  —  Ouimet,  Aid.,  Hon.  Juge.  — 
Pauzé,  J.  B.  —  Pa^^ette,  l'abbé  Geo.,  curé.  —  Phelan, 
Thos.  —  Prévost,  Hector.  —  Procureur,  Rév.  P.,  C.  S.  V. 

—  Purcell,  Andrew.  —  Quinlan,  John.  —  Quirke,  E.  — 
Picard,  J.  0.  —  Robertson,  Duncan.  —  Rolland,  Hon. 
J.  D.  ■ — •  Rogers,  James,  sr.  —  Saint-Charles,  F.-X.  — 
Scullion,  Patrick.  —  Smith,  C.  F.  —  Surveyer,  L.  J.  A. 

—  Survever,  Edouard-Fabre.  —  Tansey,  Bernard.  — 
Turcotte,"' J.  A.  —  Tremblay,  P.  0.  —  Trudeau,  Fr.  — 
Valiquette,  Alph.  —  A^aillancourt,  J.  0.  —  Vanier,  Emile, 

—  Villeneuve,  G.  E.,  0.  M.  I.  —  ValHères,  S.  D.  —  Vil- 
leneuve, Léonidas.  —  Villeneuve,  Joseph.  —  Viau,  Th.  — 
Wilson,  J.  M.  —  AVright,  Patrick.  —  Wright,  Edward. 


SOUS-COMITE   DES   SOCIETES   DE   SECOURS  MUTUELS 


Saint-Jean-Baptiste Beauchamp,  J.  C. 

Forestiers-Catholiques De  Martigny,  C. 

Artisans  Canadiens-Français  .  .   .  .Desaulniers,  J.  V. 

Union  Française Genin,  J.  R. 

C.  M.  B.  A.  Canadienne Hackett,  Hon. 

Alliance  Nationale Lavallée,  L.  A. 

Union   Saint-Pierre Lavallée,  P.  0. 

K.  of  S.  (Saint-Henri) Létourneau,  I. 

K.  of  C.  ( Lafontaine) Masson,  Damien. 

K.  of  C.  (Dominion) McEniry,  H.  F. 

K.  of  C.  (Canada) Quirk,  E. 

St.  A7ï7i's  Y.  M.  c.  A Nolan,  John. 

St.  Patrick's Kavanagh,  H.  J. 


or 


COMITE  DES  CEREMONIES  —  DECORATIONS 

PROCESSION 


Président M.  le  curé  Lepailleur,  chanoine  hono- 
raire. 


CEREMONIES 


Vice-Peésidents  Conjoints M.  l'abbé  Ch.  Laforce,  curé  de  Saint- 
Vincent-de-Paul. 
M.  l'abbé  J.  U.  Deniers. 
M.  l'abbé  Henri  Gauthier,  P.  S.  S. 


DECORATIONS 


Vice-Présidents  Conjoints M.    l'abbé   J.    A.   Bélanger,   curé   de 

Saint-Louis  de  France. 
M.  l'abbé  J.  H.  S.  Eosconi. 


PROCESSION 


Vice-Présidents  Conjoints M.  l'abbé  A.  V.  J.  Piette,  curé  de  Vil- 

lerav. 
M.  l'abbé  T.  Heffernan,  curé  de  Saint- 
Thomas  d'Aquin. 
M.  l'abbé  Alph.  Deschamps,  aumônier 

des  Sourdes-Muettes. 
M.  l'abbé  Anatole  Martin,  aumônier 
de  la  Providence. 
Secrétaire M.  l'abbé  T.  W.  O'Eeilly. 

Membres  :  —  Bédard,  H.,  P.  S.  S.  —  Bouhier,  L.  J.,  P.  S.  S.  —  Cnl- 
clough,  E.,  S.  J.  —  Desjardins,  l'abbé  L.  —  Gauthier, 
l'abbé  Oscar,  curé  de  St-Léon  de  Westmount.  —  Hudon, 
V,,  S.  J.  —  Luche,  A.,  P.  S.  S.  —  Piché,  E.,  C.  S.  V.  — 
Pitre,  Père,  S.  S.  S.  —  Raymond,  M.,  0.  S.  F.,  Gardien. 
—  Troie,  M.  N.  A..  P.  S.  S.,  curé  de  Xotre-Dame.  —  Vil- 
leneuve, l'abbé  C.  G. 


29  — 


CHAPITRE  I 


LES  DEMONSTRATIONS  RELIGIEUSES  ET  CIVILES 


Depuis  quelques  jours  déjà  Sou  Emiuence  le  cardiual-léj^at 
était  au  Cauada.  De  Kome  jusqu'à  Osteude,  d'Osteude  «î 
Londres,  de  Londres  à  Liverpool,  de  Liverpool  à  Kiniouski, 
le  voyage  n'avait  été  qu'un  long  et  continuel  encliautemeut. 
A  Kimouski,  c'était  le  Canada,  et  dans  le  Canada,  la  province 
de  Québec  qui  l'accueillait.  Cet  accueil  était  à  la  fois  celui 
des  autorités  publiques,  des  deux  gouvernements  d'Ottawa 
et  de  Québec  et  celui  des  autorités  religieuses.  Le  paquebot 
n'avait  pas  côtoyé  encore  les  rives  canadienues  que  les  dé- 
pêches de  bienvenue  portaient  jusqu'au  cardinal  les  témoi- 
gnages de  respect  et  de  dévouement.  Ici.  maintenant,  ces 
témoignages  vont  se  faire  plus  chaleureux  encore..  Voici,  a 
bord,  Mgr  Bruchési  qui  vient  de  sa  ville  archié])isco])ale,  ac- 
c()m.i)agiié  de  dignitaires  ecclésiastiques;  voici  les  ministres, 
les  représentants  de  la  nation.  C'est  tout  un  peuple  (lui 
déjà  acclame  et  (lui,  de  ])i'ès  comme  de  loin,  salue  l'arrivée 
chez  lui  de  l'hôte  impatiemment  attendu.  Tout  le  long  du 
fleuA'e,  il  en  sera  ainsi.  A  Québec,  ce  sera  une  réception 
tri()mi)liale,  à  Trois-Rivières.  à  Sorel  de  même. 

Le  temps  passe  ainsi.  Samedi  est  venu,  mais  sans  h>  so 
leil  joyeux  des  jours  précédents.  Le  ciel  s'est  couvert.  Il 
pleut.  La  ])luie,  une  pluie  torrenti(dle  (pie  le  veut  soulève  et 
pousse  en  tourbillons,  a  emi»êché  les  démonstratious  pnïje- 
tées  <lepuis  Sorel  jusipi'à  .Montréal.  INmitaiit.  antoin-  <lu 
Lady  (îrey,  vaisseau  du  gonveniement,  à  bord  diupud  (»iil  pris 
passage  le  légat  et  sa  suite,  voici  des  yachts,  des  ciiibarca- 
tions  ])avoisées.  Sur  les  rivages,  voici  des  foules  que  le  mau- 
vais tem]is  n'a  ]m  disperser.  On  crii'.  on  agite  des  drapeaux, 
on  mnltiplie  les  détonations  joyeuses,  N'oici  enfin  Montréal. 
La  ville  est  env(doi>iȎe  de  binnie,  mais  les  carillons  de  tons 
ses  clo(diers  sonnenl  uaiement  et  la  voi.x  grave  du  bourdon  de 


—  30  — 

Notre-Dame  domine  à  peine  le  bruit  des  sifflets  et  des  sirènes 
de  tous  les  vaisseaux  du  port. 

Il  est  quatre  heures.  Une  multitude  compacte  se  tient 
debout  sous  la  pluie,  acclame  le  cardinal  que  le  maire  de  la 
ville  est  allé  chercher  à  bord  du  bateau  qui  accoste.  On  ne 
«'arrêtera  pas  au  kiosque  que  la  commission  du  havre  avait 
fait  construire  et  élégamment  orné.  Les  voitures  conduiront 
immédiatement  les  visiteurs  illustres  et  les  invités  jusqu'à 
rHôtel-de-Yille.  C'est  là  dans  la  salle  du  Conseil,  transfor- 
mée en  serre  par  l'abondance  et  le  choix  exquis  des  plantes 
de  toute  sorte  que  se  lira  l'adresse  de  bienvenue.  Voici  cette 
adresse  : 


Eminence, 

Il  est  certains  jours  dans  la  vie  où  le  soleil  se  lève  avec  plus  de  majesté 
et  brille  d'un  éclat  plus  vif  et  plus  radieux,  où  ses  rayons  répandent  sur 
toutes  choses,  ici-bas,  comme  une  lumière  d'en  haut  pleine  de  beauté  et 
de  bénédiction. 

Tel  est  ce  jour  bienheureux  où  Votre  Eminence,  investie  de  pouvoirs 
sacrés,  aborde  sur  nos  rives  pour  y  ouvrir,  en  sa  qualité  auguste  de  re- 
présentant de  Notre  Saint-Père  le  Pape  Pie  X,  le  premier  Congrès 
Eucharistique  de  l'Amérique. 

Aussi,  avec  quelle  joie  respectueuse  nous  vous  saluons  !  De  quels 
accents  remplis  de  filiale  gratitude  nous  vous  disons  :  Bienvenue  !  Bien- 
venue mille  fois  ! 

Et,  veuillez  le  croire,  pendant  que  j'ai  l'insigne  honneur  de  prononcer 
ici  ces  paroles,  elles  sont  portées,  de  lèvres  en  lèvres,  d'une  extrémité  à 
l'autre  de  notre  chère  terre  canadienne.  Bien  plus,  elles  sont  recueillies 
avec  piété  et  répétées  au  loin,  d'échos  en  échos,  à  travers  les  vastes 
espaces  de  cet  immense  continent,  partout  où  bat  un  cœur  catholique, 
partout  où  un  catholique  ploie  le  genou  devant  l'Adorable  Sacrement. 

De  la  Eome  du  Vieux  Monde,  Eminence,  vous  venez  dans  la  Kome  du 
Nouveau  Monde,  car  c'est  ainsi  que  notre  ville  de  Montréal,  la  ville  des 
églises,  a  été  si  heureusement  surnommée. 

Ici,  le  même  bras  invisible,  qui  tient  sur  les  hauteurs  de  la  colline  du 
Vatican  le  flambeau  de  la  foi,  dirige  toujours  nos  pas  fidèles,  et  nous 
entraîne  de  l'avant  dans  les  sentiers  lumineux  de  l'Eglise  infaillible.  Et 
ce  même  esprit  d'en  haut,  qui  gratifia  tous  les  arts  de  leur  suprême  cou- 
ronnement, en  inspirant  au  génie  cbrétien  de  lancer  dans  les  airs  ce 
dôme  majestueux  de  Saint-Pierre,  enflammait  déjà  les  âmes  des  pion- 
niers qui  roulèrent  de  leurs  mains  ensanglantées  les  pierres  rugueuses 
du  premier  temple  élevé  à  la  gloire  du  Très-Haut  sur  les  plages  encore 
sauvages  de  Ville-Marie.  Oui,  ce  nous  est  un  orgueil  de  le  rappeler:  la 
première  idée  des  fondateurs  de  Montréal  a  été  d'élever  un  autel.  C'est 
à  l'endroit  où  Votre  Eminence  daigne  nous  entendre  que  Monsieur  de 
Maisonneuve  aborda,  il  y  a  deux  cent  cinquante-huit  ans,  et  que,  pen- 
dant le  Saint-Sacrifice  de  la  Messe,  en  présence  du  Saint  des  Saints,  la 


—  31  — 

ville  de  Montréal  s'élança  dans  la  vie.  La  prophétie  que  prononça  alors 
le  Jésuite  Vimont  s'est  réalisée  :  Xous  sommes  un  grain  de  sénevé,  il  va 
croître  et  se  multiplier. 

A  l'ombre  de  la  ravissante  montagne  se  pressent  des  hommes  et  des 
femmes  de  nationalités  différentes,  de  langues  différentes,  de  croyances 
différentes,  et,  cependant,  comme  au  matin  des  dimanches,  du  haut  de 
centaines  de  clochers,  les  carillons  s'ébranlent  dans  une  délicieuse  har- 
monie, ainsi  dans  l'union  et  la  concorde  à'écoule  la  vie  de  ces  milliers 
de  citoyens. 

La  bonne  entente,  le  bon  vouloir  et  le  respect  sincère  des  droits  de  cha- 
cun, sont  les  caractéristiques  de  toute  la  popuUitiou.  Le  l'ait  seul  que  J'ai, 
aujourd'hui,  l'honneur  de  me  présenter  devant  A'otre  Eminence  comme 
Maire  de  Montréal,  constitue,  par  exemple,  une  preuve  évidente  de  la 
très  grande  générosité  des  Canadiens-Français.  Ils  sont  l'immense 
majorité  et  tiennent  par  conséquent  dans  leurs  mains  tout  pouvoir. 
Néanmoins,  bien  que  profondément  attachés  à  leur  foi  et  hers  de 
réclamer  pour  ancêtres  les  saints  et  les  martyrs  qui,  les  premiers,  plan- 
tèrent la  croix  sur  nos  rives,  par  un  chevaleresque  esprit  de  justice  et 
par  une  délicatesse  d'âme  qui  forment  un  des  traits  de  leur  caractère 
national,  ils  ont  bien  voulu  choisir  un  concitoyen  d'origine  irlandaise 
pour  les  représenter  en  ce  grand  jour. 

En  leur  nom  et  au  nom  de  tous  les  citoyens  de  Montréal,  je  vous 
prie,  Eminence,  d'entrer  dans  notre  ville  avec  l'assurance  d'y  recevoir 
respect  profond  et  cordiale  hospitalité,  avec  la  certitude  d'y  être  envi- 
ronné par  les  nôtres  pendant  tout  le  temps  de  votre  séjour,  des  témoi- 
gnages les  plus  sincères  de  fidélité  et  d'affection  filiale. 

Encore  une  fois,  soyez  le  bienvenu  !  Que  tous  les  échos  répètent  notre 
allégresse  !  Laissez  tous  ceux  qui,  pendant  ces  jours  bénis,  vont  s'age- 
nouiller avec  vous  autour  de  l'autel,  chanter  dans  leur  reconnaissance 
débordante  : 

Hosanna  au  plus  haut  des  Cieux  !  Béni  soit  Celui  qui  vient  au  nom 
du  Seigneur  ! 


Le  cardinal,  qui  avait  pris  place,  à  son  arrivée,  sur  un  trône 
magnifique,  répondit  en  ces  termes  : 

Monsieur  le  Maire, 

Je  ne  sais  comment  vous  remercier  de  la  douce  et  profonde  satisfac-f 
tion  que  je  viens  d'éprouver  en  entendant  de  si  nobles  sentiments, 
exprimés  avec  tant  de  foi  et  d'éloquence  par  le  premier  magistrat  de 
cette  grande    cité. 

A  ces  paroles  de  bienvenue  que  je  sens  venir  avec  une  si  touchante 
sincérité  de  tous  les  horizons  de  cette  terre  chrétienne,  laissez-moi  ré- 
pondre :rabord  en  saluant  en  vous,  Monsieur  le  Maire,  le  catholique 
digne  à  tant  de  titres,  d'être  à  la  tête  de  Montréal.  Le  Légat  de  S* 
Sainteté  sera  pour  quelques  jours  l'hôte  et  le  citoyen  de  votre  ville.  .-V 
la  cordialité  de  votre  accueil;  en  vovant    run;uiiinc    cuiitrcsscuicut   ilu 


—  32  — 

Conseil  municipal  qui  vous  entoure;  devant  cette  foule  immense  où  ceux 
qui  ne  partagent  pas  nos  croyances  sont  unis  aux  enfants  de  l'Eglise 
dans  un  sentiment  de  commun  respect  et  de  commune  sympathie,  je 
m'abandonne  avec  sécurité  à  la  garde  de  votre  cœur  et  de  votre  foi. 

Cette  population  dont  vous  venez  de  vous  faire,  Monsieur  le  Maire, 
l'interprète  si  fidèle  et  si  autorisé,  offre  en  ce  moment  à  mes  yeux  un 
spectacle  qui  me  remplit  d'une  émotion  inexprimable.  Montréal  ne 
m'apparaît  pas  seulement  comme  le  rendez-vous  prédestiné  de  divers 
peuples;  comme  le  foyer  d'une  vie  intellectuelle  toujours  grandissante; 
comme  une  ruclie  merveilleusement  active  qui  fait  d'elle  dans  ce 
nouveau  monde  un  centre  d'affaires  et  d'industries  de  plus  en  plus  im- 
portant ;  mais,  ville  exceptiojinelle  par  l'ardeur  de  sa  foi,  par  les  prodi- 
galités de  son  dévouement  et  de  sa  générosité,  par  la  fécondité  de  ses 
œuvres  d'éducation  et  de  charité,  par  la  magnificence  de  ses  démonstra- 
tions religieuses,  elle  est  bien  encore  ce  que  vous  l'appeliez  justement 
tout  à  l'heure  :  la  Eome  du  Kouveau  Monde. 

Et  que  je  suis  heureux  du  témoignage  que  vous  venez  de  lui  rendre  ! 
Elle  abrite  dans  ses  murs  des  hommes  et  des  femmes  de  nationalité,  de 
langue  et  d'aspirations  différentes,  mais  vivant  dans  le  respect  sincère 
des  droits  de  chacun;  et  vous  ajoutiez,  avec  une  délicatesse  qui  vous  fait 
honneur,  que  vous  en  êtes  vous-même  la  preuve.  Je  suis  heureux  de  vous 
féliciter,  et  en  votre  personne  toute  la  population  catholique  de  cette 
ville,  de  cette  unité  de  sentiments,  si  nécessaire  au  progrès  des  œuvres 
vives  de  l'Eglise. 

Fécondée  par  le  sang  des  héros  qui  l'ont  conquise  et  des  apôtres  qui 
l'ont  évangélisée,  toute  pénétrée  nar  ses  grands  évêques  des  traditions 
d'attachement  ardent  au  Saint-Siège,  Montréal  fixe  aujourd'hui  l'atten- 
tion et  attire  l'admiration  du  monde  entier.  Elle  continue  d'assurer  à 
la  population  catholique  qui  y  demeure  le  fruit  des  souffrances  et  des 
travaux  de  ses  glorieux  fondateurs.  Elle  en  garde  la  foi  et  les  tradi- 
tions eucharistiques  avec  une  constance  invincible.  Aussi  le  triomjjhe 
qu'elle  a  si  magnifiquement  préparé  au  Très  Saint-Sacrement,  l'accueil 
enthousiaste  qu'elle  fait  au  représentant  du  Souverain  Pontife,  font 
honneur  à  sa  fidélité  religieuse,  non  moins  qu'à  la  sagesse  et  à  la  loyauté 
de  ceux  qui  lui  en  facilitent  la  ])leine  liberté. 

En  vous  disant  ma  reconnaissance.  Monsieur  le  Maire,  je  tiens  à  re- 
mercier et  à  féliciter  toutes  les  autorités  qui,  sous  vos  ordres  et  à  divers 
titres,  se  dévouent  à  l'heureux  succès  de  ces  fêtes  incomparaljles,  tous 
ceux  qui  de  près  ou  de  loin  ont  contribué  à  en  rehausser  l'éclat,  en 
répondant  à  l'appel  de  l'éniinent  Archevêque  de  Montréal,  tous  ceux 
enfin  qui  me  font  cet  accueil  sans  pareil,  dont  je  serais  confus  si  je  ne 
pensais  qu'il  s'adresse  à  plus  haut  que  moi. 

Je  ne  doute  pas  des  consolations  immenses  que  cette  inoubliable  ova- 
tion apportera  à  Sa  Sainteté  quand  je  lui  redirai,  comme  un  devoir 
bien  doux  à  mon  cœur,  et  vos  nobles  paroles,  et  l'accueil  triomphal  fait 
à  son  Légat,  et  les  enthousiasmes  aussi  libres  que  spontanés  d'une  popu- 
lation f|ui  ajoute  aujourd'liui  une  des  plus  belles  pages  à  l'histoire  déjà 
si  glorieuse  du  cher,  liljre  et  vaillant  Canada. 


SUN   E.MIXENCK   LK  CARDINAL  LKCiAT 


—  33  — 

Immédiatement  après,  le  départ  en  voiture  eut  lieu  pour 
rarchevêché  où  le  cardinal  aura  ses  appartements  pendant 
son  séjour  à  Montréal.  La  foule  a  attendu,  elle  acclame  le 
cardinal  au  sommet  du  grand  escalier  de  pierre  et,  en  dépit 
du  mauvais  temps,  suit  quelque  temps  sa  voiture.  Les  plus 
vaillants  lui  feront  même  escorte,  en  courant,  jusqu'au  palais 
archiépiscopal. 


Le  lendemain,  dimanche,  ne  ftit  pas  une  journée  du  congrès. 
Il  est  impossible  de  passer  cette  journée  sous  silence,  marquée 
qu'elle  a  été  pour  deux  démonstrations  ouvrières  dans  l'église 
Notre-Dame,  Tune  de  femmes,  dans  l'après-midi,  l'autre 
d'hommes,  le  soir.  Combien  étaient-elles  et  combien  étaient- 
ils  ?  Il  est  difficile  de  le  dire,  les  supputations  étant  tou- 
jours, en  ces  circonstances,  aisément  exagérées.  Rappelons 
toutefois  l'immense  capacité  de  l'église,  ajoutons  qu'on  n'y 
était  pas  assis,  mais  debout  et  cela  dans  les  allées,  sur  le 
siège  des  bancs,  les  dossiers,  dans  les  chapelles  latérales, 
partout.  Est-ce  dépasser  le  vraisemblable  que  de  croire  à 
la  présence  d'au  moins  qtiinze  mille  personnes  ?  Du  chœur 
on  avait  l'idée  qu'un  objet  tombé  ati  sein  de  cette  foule  n'at- 
teindrait pas  le  plancher  tant  la  masse  était  pressée  et  com- 
pacte. 

Le  cardinal  vint  aux  deux  réunions  auxquelles  Mgr  Bru- 
nault,  de  Nicolet,  pour  les  ouvrières,  et  Mgr  Langevin,  de 
St-Boniface,  pour  les  ouvriers,  avaient  adressé  la  parole.  Au'i 
deux  cérémonies  il  parla  d'une  voix  d'abord  un  peu  faible, 
puis  plus  forte  et,  à  la  fin,  victorieuse  de  l'espace  qu'il  avait 
devant  lui,  allant  aussi  jusqu'aux  extrémités  de  l'église.  Il 
donna  les  conseils  d'un  père,  d'un  père  dans  la  foi,  conseils 
imprégnés  de  sagesse  et  d'esprit  chrétien.  Les  hommes,  le 
soir,  reprirent  pour  lui,  sur  l'invitation  de  Mgr  l'archevêque, 
le  chant  de  leur  cantique:  En  avant!  marchons! . .  .Et  certes,  ils 
auraient  marché,  sans  peur  et  sans  défaillance,  aux  combats 
les  plus  périlleux,  la  cause  du  Christ  et  du  pape  réclamant 
leurs  bras  et  leur  cœur.  A  la  sortie  du  cardinal,  ils  s'étaient 
massés  sur  la  place,  innombrables  et  délirants  d'enthousi- 
asme. Ils  entourent  la  voiture,  cherchent  les  mains  qui  bé- 
nissent pour  les  baiser.  Lentement  la  voiture  se  déplace, 
avance.  Pour  échapper  à  la  foule  qui  suit  et  court,  il  faut 
presser  les  chevaux  et  s'éloigner  à  toute  vitesse. 

Après  toutes  les  fêtes  préliminaires  qui  se  succèflent  depuis 
bientôt  une  semaine  voici  que  va  s'ouvrir  enfin  le  congrès  eu- 
charistique. Cette  ouverture,  c'est  justice,  se  fera  à  la  cathé- 
drale. L'église  est  ornée  de  fleurs,  pavoisée  d'oriflammes  et 
2 


—  34  — 

de  banderolles,  étincelante  de  mille  feux.  Aux  abords  du 
palais  archiépiscopal,  la  foule  est  immense.  C'est  à  travers 
cette  multitude,  d'où  jailissent  ininterrompues  les  enthou- 
siastes acclamations,  que  la  voiture  du  Légat,  se  fraie  lente- 
ment un  chemin.  Il  est  huit  heures  et  demie  quand  le  car- 
dinal, accompagné  du  cardinal  Logue  et  de  sa  suite,  se  pré 
sente  aux  portes  de  la  cathédrale.  Déjà  les  archevêques,  les 
évêques,  les  dignitaires  ecclésiastiques,  le  clergé  y  ont  pé- 
nétré. Mgr  l'archevêque  de  Montréal,  revêtu  de  ses  habits 
pontificaux,  précédé  de  la  croix  et  accompagné  de  son  cha- 
pitre vient  recevoir  le  Légat.  A  l'entrée  de  l'église,  celui-ci 
dépose  la  mosette  et  prend  la  cappa  magna.  Il  fléchit  ensuite 
le  genou,  embrasse  la  croix  et  avec  le  goupillon  qui  lui  est 
présenté  jette  de  l'eau  bénite  sur  les  fidèles. 

La  procession  se  forme  alors.  En  tête  viennent  d'abord 
le  porte-clefs,  un  thuriféraire,  le  porte-croix  entre  deux  aco- 
lytes, les  chanoines,  Mgr  l'Archevêque  suit,  sans  mitre  et 
sans  crosse.  Voici  maintenant  le  cardinal  sous  un  dais  que 
portent  quatre  zouaves  pontificaux  et  dont  quatre  autres 
zouaves  portent  les  cordons,  puis  les  archevêques,  les  évê- 
ques, les  abbés  mitres,  les  prêtres. 

Mgr  l'archevêque  monte  à  l'autel  du  côté  de  l'épitre  et  pen- 
<iant  que  le  Légat  s'agenouille  devant  l'autel,  il  entonne  le 
chant  du  "  "  Protector  NosterJ'  Les  cérémonies  du  rituel 
s'accomplissent  ensuite  puis  le  cardinal  s'assied  sur  un  fau- 
teuil vers  les  fidèles  et  le  prince  de  Croy,  l'un  de  ses  came- 
riers,  monte  en  chaire  et  donne  lecture  de  la  lettre  du  Pape 
qui  nomme  le  cardinal  Vannutelli,  son  Légat  au  XXIe  con 
grès  Eucharistique.     En  voici  le  texte  : 

A  XoTEE  Cher  Fils, 

Viîs'CEXT,  Cardinal  Vannutelli, 

Evêque  de  Préneste, 
PIE  X,  Pape. 

Notre  Cher  Fils,  Salut  et  Béndiction  Apostolique. 

Le  désir  que  nous  avons  d'encourager  la  dévotion  à  la  Très  Sainte 
Eucharistie  d'où,  comme  de  leur  source,  découlent,  abondantes  sur  tous 
les  fidèles  et  sur  la  société  chrétienne  tout  entière,  les  eaux  vives  de  la 
divine  grâce,  nous  rend  très  agréable  l'usage  presque  établi  de  tenir,  à 
époques  déterminées  et  dans  les  différents  pays  du  monde,  des  congrès 
solennels  sur  un  si  grand  Mystère. 

C'est  pourquoi,  ayant  appris  qu'un  congrès  eucharistique  se  prépare  à 
Montréal,  chez  les  Canadiens,  Nous,  désirant  lui  donner  de  l'éclat  et 
plaire  à  nos  chers  fils,  l'archevêque  de  Montréal,  qui  a  veillé  avec  un  soin 


—  35  — 

particulier  à  la  solennité  et  à  la  splendeur  de  cette  réunion  tenue  dans 
sa  ville,  et  à  l'évêque  de  Xamur  qui,  depuis  longtemps,  s'occupe  de  ces 
sortes  de  congrès,  ISTous  avons  résolu,  cher  Fils,  de  Vous  charger  de  re- 
présenter Notre  Personne  à  cette  assemblée. 

Ainsi,  par  ces  Lettres,  ISTous  Vous  proclamons  Notre  Légat  pour  pré- 
sider en  Notre  Nom  et  à  Notre  Place,  au  Congrès  de  Montréal.  La 
mission  qui  vous  est  confiée  est  conforme  à  votre  piété  et  à  votre  rang. 
Elle  est  aussi  très  utile  à  l'accroissement  de  la  vie  chrétienne.  Car  par 
cette  solennité,  le  Pain  Eucharistique  affranchi  de  l'espace  et  de  toute 
division,  réunira  les  terres  séparées  par  l'océan;  il  excitera  les  nations 
éloignées  à  revendiquer  et  à  publier  la  gloire  du  Dieu  Sauveur,  ainsi 
qu'à  honorer  son  Vicaire  sur  la  terre  par  la  fidélité  et  l'obéissance  qui 
lui  sont  dues. 

C'est  pourquoi  dans  le  Congrès  lui-même  on  aura  à  discuter  tout  ce 
qui  peut  contribuer  à  mettre  dans  une  plus  grande  lumière  et  à  glorifier 
davantage  la  dévotion  à  cet  Auguste  Sacrement;  pour  que  de  la  sorte 
les  injures  qu'on  lui  fait  soient  réparées;  pour  que  l'usage  fréquent  de 
l'Eucharistie  revive;  pour  que  chacun  se  persuade  qu'il  n'est  rien  de 
plus  efficace  qu'une  pareille  dévotion  pour  réunir  les  âmes  par  le  lien  de 
la  paix  et  de  la  mutuelle  bienveillance,  dont  la  société  chrétienne  et  civile 
ont  surtout  besoin;  enfin,  pour  que  par  des  écrits  et  une  action  variée, 
dirigée  vers  cette  fin,  les  hommes  soient  conduits  au  bien. 

Ce  Congrès  aura  un  heureux  succès,  nous  en  sommes  assurés,  et  par 
le  mérite  reconnu  des  saints  prélats  et  des  illustres  personnages  qui  y 
assisteront,  et  aussi  par  l'ardeur  de  cette  très  noble  nation  à  les  recevoir 
et  à  accomplir  tout  ce  qui  aura  été  décidé  dans  vos  délibérations. 

Mais  Notre  confiance  s'appuie  plus  haut,  elle  s'appuie  sur  le  secours 
de  Celui  dont  la  cause  est  en  jeu,  de  Notre  Sauveur  qui  a  dit  :  "  Là  où 
deux  ou  trois  sont  assemblés  en  mon  nom,  Je  suis  au  milieu  d'eux." 

Comme  heureux  augure  de  la  grâce  divine  que  vous  puiserez  avec  joie 
aux  fontaines  du  Sauveur  et  en  témoignage  de  notre  particulière  bien- 
veillance, à  Vous,  cher  Fils  et  à  tous  ceux  qui  prendront  part  avec  Vous 
au  Congrès  de  Montréal,  nous  accordons  très  affectueusement  la  Béné- 
diction Apostolique. 

Donné  à  Eome,  près  de  Saint-Pierre,  le  26e  jour  de  mai  de  l'an  1910, 
de  notre  Pontificat  le  septième,  en  la  solennité  du  Très  Saint  Corps  de 
Notre-Seimeur  Jésus-Christ. 


'o 


(Signé)     PIE  X,  Pape. 


Dans  le  chœur,  pendant  cette  lecture,  le  cardinal  Lop:ue 
occupait  un  fauteuil  élevé  du  côté  de  Fépître.  Mgr  l'arche- 
vêque qui  avait  déposé  ses  ornements  et  revêtu  la  cappa  ma- 
gna violette,  était  assis  à  côté  de  Mgr  l'évêque  de  Namur  et 
les  autres  prélats  faisaient  couronne  autour  de  l'autel. 

Aussitôt  finie  la  lecture  de  la  lettre  (jui  l'acciéditait,  le  car- 
dinal se  lève  et  précédé  de  la  croix,  escorté  de  dignitaires  ce- 


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clésiastiques,  il  se  dirige  vers  la  chaire.  Il  y  prononce  le 
discours  suivant,  dont  chaque  parole  dite  et  entendue  distinc- 
tement excite  au  plus  haut  point  l'intérêt  de  l'auouste  as- 
semblée. 

Eminence, 

Messeigneues, 

Messieurs, 

C'est  en  vain  que  je  demanderais  à  la  parole  de  pouvoir  vous  dire 
l'ardeur  inexprimable  des  sentiments  qui,  en  ce  moment,  se  pressent  en 
foule  dans  mon  cœur,  tant  je  me  sens  ému  par  le  magnifique  accueil 
dont  je  suis  l'objet  depuis  le  premier  instant  où  il  m'a  été  donné  de 
poser  le  pied  sur  ce  sol  béni  du  Canada.  Les  termes  me  manquent,  si 
vive  est  Tadmiration,  si  douce  la  joie,  si  profonde  la  reconnaissance  dont 
mon  âme  se  sent  pénétrée  jusqu'au  plus  intime  d'elle-même  ! 

Je  savais  bien  déjà  avec  quelle  sollicitude  pleine  d'amour  se  préparait, 
en  cette  illustre  cité,  si  digne  d'être  appelée  VILLE-MARIE,  la  célébra- 
tion du  XXIe  Congrès  Eucharistique  International.  Je  savais  le  zèle 
incomparable  déployé  par  son  très  digne  Archevêque,  que  seconde  si  bien 
son  clergé,  et  par  tous  les  évêques  si  méritants  du  Dominion.  Je  savais 
l'intelligente  coopération  du  Comité  permanent  dont  le  très  prévoyant 
et  très  vigilant  président  n'hésita  pas  à  braver,  l'hiver  dernier,  les  furies 
de  l'océan,  uniquement  pour  venir  faciliter  et  régler  la  préparation  du 
Congrès.  Je  savais  l'activité  et  le  dévouement  de  votre  Comité  local,  la 
générosité  de  votre  cité,  la  bienveillance  de  vos  autorités  municipales, 
provinciales,  fédérales,  l'empressement  de  vos  populations,  enfin  la  sainte 
émulation  de  toutes  les  classes  de  la  société  canadienne  pour  donner  à 
ces  fêtes  un  éclat  sans  pareil. 

J'étais  donc  convaincu  que  le  Congrès  Eucharistique  de  Montréal  ne 
le  céderait  en  rien  à  tous  ceux  qui  l'ont  précédé,  et  confirmerait,  une  fois 
de  plus,  la  renommée  de  foi  et  de  piété  si  bien  méritée  dans  le  monde 
entier  par  les  catholiques  canadiens.  Mais,  je  le  confesse  bien  haut  : 
devant  le  spectacle  qui  se  déroule  sous  mes  yeux,  mon  attente  et  mes  pré- 
visions sont  surabondamment  dépassées. 

Je  me  couvrirais  de  confusion  si  j'osais,  un  seul  instant,  penser  que 
les  ovations  enthousiastes  dont  je  suis  l'objet  s'adressent  à  mon  humble 
personne.  Bien  au  contraire,  ce  qui  fait  l'étendue  et  la  plénitude  de  ma 
joie,  c'est  de  voir  que  ces  démonstrations  visent  bien  plus  haut,  s'adres- 
sent à  l'Auguste  Personne  de  Celui  qui  m'envoie  au  milieu  de  vous  pour 
présider  encore  une  fois  au  nom  de  Son  Autorité  Pontificale  et  Souve^ 
raine,  ces  solennelles  assises  eucharistiques. 

Oh  !  qu'il  est  beau  le  spectacle  que  donne,  en  ce  jour,  à  l'univers  tout 
entier  l'Eglise  Catholique,  en  cette  terre  fortunée  d'Amérique  !  L'Europe 
tend  la  main  à  l'Amérique  et  l'Amérique,  dans  un  élan  sublime,  s'unit  à 
elle  pour  exalter  ensemble  le  plus  grand  des  Sacrements  sous  la  conduite 
et  avec  les  encouragements  du  Pasteur  Suprême  ! 

Permettez-moi  de  faire  de  cette  consolante  pensée  le  sujet  principal 
des  quelques  paroles  que  je  vais  adresser  à  l'ouverture  de  ce  Congrès. 


Il  semblait  au  premier  abord  que  les  difficultés  d'un  si  long  voyage 
dussent  priver  l'Amérique  de  l'honneur  et  de  la  satisfaction  d'avoir  en 
son  sein  un  Congrès  Eucharistique  International.  Mais  la  foi  trans- 
porte les  montagnes,  et  quand  elle  est  enracinée  dans  les  cœurs  comme 
elle  l'est  dans  les  âmes  canadiennes,  elle  ne  regarde  pas  les  difficultés; 
elle  envisage  seulement  le  besoin  qu'elle  a  de  s'affirmer  et  de  se  mani- 
fester. Ainsi  l'a  entendu  le  Prélat  plein  de  mérites,  qui  a  le  bonheur 
de  gouverner  cet  illustre  archidiocèse,  et  il  a  suffi  qu'il  dise  une  parole 
au  Congrès  mémorable  de  Londres,  pour  que  la  main  fut  mise  sans 
retard  à  une  entreprise  si  ardue,  et  que  l'heureux  succès  en  fut  assuré. 

A  Montréal  appartient  l'honneur  de  recevoir  dans  ses  murs  le  premier 
Congrès  Eucharistique  International  tenu  sur  le  continent  américain; 
mais  tout  annonce  que,  grâce  à  ce  premier  exemple,  les  Congrès  Eucha- 
ristiques Internationaux  se  succéderont  les  uns  aux  autres  en  Amérique 
même,  en  alternant  avec  ceux  d'Europe  et  des  autres  parties  du  monde. 

]Sr'est-ce  pas  là  l'efi'et  de  cette  universalité  dans  l'unité,  qui  est  le 
propre  de  l'Eglise  de  Jésus-Christ? 

Ai-je  besoin  d'insister  pour  faire  ressortir  ce  double  caractère  de  ca- 
tholicité et  d'unité,  qui  jaillit  du  spectacle  qu'il  nous  est  donné  de  con- 
templer ? 

Un  grand  événement  a  révélé,  à  la  fin  du  quinzième  siècle,  les  desseins 
que  la  Providence  se  réservait  d'accomplir  dans  les  temps  modernes.  Le 
jour  où  il  permit  la  découverte  de  l'Amérique,  Dieu  dit  à  son  Eglise, 
comme  il  l'avait  dit  à  son  divin  Fils  :  "  Je  te  donnerai  ex  héritage 
TOUTES  LES  NATIONS  DE  LA  TERRE."  Je  te  donnerai  les  populations  in- 
nombrables de  ces  immenses  régions;  elles  s'ajouteront  à  celles  que  tu 
comptais  déjà  dans  ton  sein.  Je  susciterai  des  apôtres,  qui,  du  Xord  au 
Midi,  répandront  dans  ces  terres  nouvelles  mon  Evangile.  Us  parleront 
les  diverses  langues;  ils  répandront  partout  la  vérité.  Ici,  tout  parti- 
culièrement, dans  cette  belle  vallée  du  Saint-Laurent,  viendront  de 
France,  dans  la  première  moitié  du  dix-septième  siècle,  des  champions 
de  la  foi  et  de  la  civilisation,  qui  transformeront  en  peu  de  temps  cette 
île  déserte,  couverte  de  forêts,  y  fonderont  une  colonie,  avec  le  but  d'y 
établir  la  religion  catholique  et  de  travailler  à  la  conversion  des  peuples 
sauvages. 

Le  Canada  sera  le  berceau  d'une  grande  chrétienté,  dont  les  diocèses 
se  multiplieront  au  point  de  constituer,  peu  à  peu,  un  vaste  réseau 
d'églises,  qui,  à  leur  tour,  deviendront  les  berceaux  de  nouveaux  centres 
et  de  nouveaux  développements. 

Deux  siècles  et  demi  seront  à  peine  écoulés  que  l'Amérique  catholique 
du  Nord  verra  tous  ces  diocèses  florissants  et  attachés  à  l'antique  hié- 
rarchie des  églises  de  l'ancien  monde;  l'Universel  Pasteur,  prenant 
directement  sous  sa  houlette  ces  nouveaux  et  immenses  pâturages, 
montrera  à  l'univers  étonné  l'ancien  et  le  nouveau  monde  réalisant  à  la 
face  du  genre  humain  l'universalité  de  l'Eglise  prédite  par  le  Sauveur 
à  ses  Apôtres:  "vous  serez  mes  témoins  jusqu'aux  extrémités  de 

LA  TERRE  :  l'eSPRTT  QUE  JE  VOUS  ENVERRAI  VOUS  PERMETTRA  DE  RENOU- 
VELER LA  FACE  DE  LA  TERRE." 

Et    cette    universalité,    providentiellement    préparée,   où    éclate-t-elle 
mieux  qu'en  un  Congrès  International  comme  celui-ci,  où  j'ai  la  satis- 


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faction  de  saluer,  au  nom  du  Saint-Père,  des  représentants  de  toutes  les 
races  et  de  toutes  les  nationalités,  réunis  comme  les  membres  d'une  seule 
et  même  famille;  des  évêques  venus  de  tous  les  points  de  l'Orient  et  de 
l'Occident,  des  prêtres  de  divers  rites  accourus  de  tous  les  pays;  des 
fidèles  de  toutes  les  langues,  comme  le  Jour  de  la  Pentecôte?  Oui,  ce 
rassemblement  merveilleux  s'est  accompli  malgré  les  abîmes  des  océans, 
franchis  d'un  côté  et  de  l'autre,  avec  la  rapidité  de  la  vapeur,  à  l'aide 
des  progrès  de  la  science  mis  au  service  de  ce  rapprochement  admirable 
des  continents  et  des  peuples,  pour  reproduire  ici,  comme  en  un  résumé 
manifeste  et  éclatant,  l'universalité,  ou  la  catholicité  de  l'Eglise. 

D'autre  part,  elle  n'est  pas  moins  admirable,  la  belle,  la  forte  unité, 
dont  nous  sommes  ici  les  témoins  :  unité  des  esprits  dans  la  vérité  ;  union 
des  cœurs  dans  l'amour;  TJna  fides,  cor  unum.  D'un  côté  et  de  l'autre 
de  l'océan,  nous  chantons  le  même  Credo.  Ni  les  distances,  ni  les  mers, 
ni  le  temps,  ni  l'espace  ne  peuvent  affaiblir  les  liens  qui  nous  unissent 
dans  un  même  amour.  L'accueil  même  fait  au  Cardinal-Légat  atteste 
au  monde  votre  amour  et  votre  obéissance  pour  Celui,  qu'avec  tous  les 
catholiques,  vous  reconnaissez  à  Eome,  comme  l'unique  Chef,  l'unique 
Pasteur,  l'unique  Père  de  vos  âmes.  Oii  rencontrer  ailleurs  pareille 
unité  de  foi,  pareille  unité  de  Chef,  pareille  union  des  âmes  dans  la  cha- 
rité, dans  la  doctrine,  dans  la  conduite?  Disons  seulement  que  si  cette 
unité  est  apparue  magnifique  à  Bruxelles,  à  Cologne  et  en  tant  d'autres 
de  nos  villes  d'Europe,  voisines  de  Eome,  elle  éclate  encore  bien  davan- 
tage en  cette  Eome  du  Nouveau-Monde,  où  en  dépit  de  la  distance  de 
cette  cathédrale  qui  s'efforce  de  reproduire  la  Basilique  Vaticane,  vous 
vous  montrez,  par  l'esprit  et  le  cœur,  aussi  près  de  la  vraie  Eome,  que  si 
l'océan  ne  nous  séparait  pas  plus  du  Vatican,  que  le  Tibre  coulant  à  ses 
pieds. 

Cependant,  le  secret  de  cette  unité,  le  lien  de  cette  union  où  est-il  ? 

Il  est  dans  le  sacrement  qui  a  provoqué  le  Congrès,  qui  en  est  l'âme 
et  la  raison  d'être,  il  est  dans  l'Eucharistie. 

Groupés  autour  du  même  autel,  unis  dans  l'offrande  de  la  même  vic- 
time, assis  à  la  même  table,  invités  au  même  banquet,  nous  buvons  tous 
au  même  Calice,  nous  mangeons  tous  le  même  pain,  et  ce  pain  est  le 
même  Corps;  le  Corps  de  Celui  qui  en  s'unissant  à  nous  nous  unit  tous 
à  Lui.  "  Omnes  unum  corpus  sumus  qui  de  uno  pane  manducamus." 
Et  ce  mystère  est  le  même  sous  tous  les  cieux  et  sur  toutes  les  plages; 
sous  les  formes  variées  des  divers  rites,  c'est  le  même  culte  rendu  à  la 
même  Hostie,  au  Cénacle  et  aux  Catacombes  des  premiers  siècles,  comme 
à  nos  Congrès  du  vingtième  siècle,  à  Jérusalem  comme  à  Eome,  à  Paris 
comme  à  Cologne,  à  Londres  comme  à  Montréal  ! 

Et  maintenant,  pourquoi  convient-il  de  célébrer  tout  spécialement  ici, 
à  Montréal,  ces  premières  Assises  du  Congrès  Eucharistique  qu'on  peut 
appeler  intermondial,  puisqu'il  réunit  pour  la  première  fois  l'ancien  et 
le  nouveau  monde,  dans  la  solennelle  louange  de  l'Eucharistie? 

L'histoire  nous  raconte  "  qu'un  Jeudi  de  février  1642,  quelques  âmes 
"  d'élite,  trente-cinq  prêtres  ou  laïques,  s'étant  assemblés  en  la  grande 
"  église  Notre-Dame  de  Paris,  ceux  qui  portaient  le  saint  caractère  du 
"  sacerdoce  dirent  la  messe  et  les  autres  communièrent  à  l'autel  de 
"  Marie,  Eeine  des  Miracles.     Là,  ayant  le  Sauveur  du  monde  avec  eux, 


—  39  — 

"  ils  dédièrent  à  la  Sainte-Famille  l'Ile  de  Montréal,  qu'ils  allaient  évan- 
"  géliser  et  voulurent  qu'elle  se  nommât  Notre-Dame  de  Montréal." 

C'est  donc  au  Saint  Sacrifice  de  la  Messe  et  dans  la  communion  que 
les  héroïques  fondateurs  de  Montréal  prirent  la  résolution  de  réaliser 
leur  noble  entreprise. 

Le  18  mai  de  la  même  année,  arrivés  à  Montréal,  ils  dressèrent  aussitôt 
un  autel;  leur  premier  acte  fut  la  célébration  de  la  messe:  c'était 
aussi  la  première  en  ce  lieu.  Le  Saint  Sacrement  resta  exposé  pendant 
tout  le  premier  jour,  sur  cet  autel  improvisé,  comme  pour  permettre  à 
Notre-Seigneur  de  prendre  possession,  sur  son  trône,  du  nouveau 
royaume  qui  allait  lui  être  offert.  N'était-ce  pas  un  premier  Congrès 
Eucharistique  du  Canada  et  de  l'Amérique?  C'était  en  tout  cas,  dans 
les  desseins  de  Dieu,  la  préparation  du  Congrès  de  1910.  Le  mission- 
naire qui  prêcha  à  cette  messe  mémorable,  prophétisa,  devant  les 
quarante  Congressistes  d'alors,  le  grand  Congrès  d'aujourd'hui  en  disant  : 
"  Ce  que  vous  voyez  n'est  qu'un  grain  de  sénevé;  je  ne  fais  aucun  doute, 
"  que  ce  petit  grain  ne  produise  un  grand  arbre,  ne  fasse  un  jour  des 
"  merveilles,  ne  soit  multiplié  et  ne  s'étende  de  toutes  parts." 

Ces  merveilles,  ce  grand  arbre  nous  l'avons  sous  les  yeux,  comme  le 
rappelait,  l'autre  jour,  le  premier  magistrat  de  cette  ville.  Il  avait  bien 
raison,  un  des  plus  méritants  évêques  en  ce  pays,  (1)  lorsqu'il  disait,  qu'il 
est  difficile  de  trouver  dans  les  annales  de  l'histoire  de  l'Eglise  une  fon- 
dation plus  éminemment  eucharistique  que  celle  de  Montréal  !  Voilà 
pourquoi,  dans  cette  terre  si  eucharistique  tant  d'œuvres  pieuses  ont 
germé  en  si  peu  de  temps,  tant  d'écoles  chrétiennes  ouvertes,  tant  de 
magnifiques  églises  érigées,  tant  d'établissements  charitables,  une  célèbre. 
Université  dont  on  est  légitimement  fier,  tant  de  congrégations  et  de 
sociétés  saintes,  à  la  tête  desquelles  la  famille  de  M.  Olier,  d'un  côté,  celle 
de  Marguerite  Bourgeoj's  de  l'autre,  mêlées  toutes  deux  à  la  fondation, 
ont  toujours  tenu  le  premier  rang. 

Un  jour  d'hiver,  un  incendie  éclata  à  l'Hôtel-Dieu  de  Montréal;  le 
vent  soufflait  avec  violence;  la  ville  était  manifestement  menacée.  Un 
prêtre  se  précipite  à  la  chapelle,  prend  le  saint  Ciboire,  va  le  déposer  sur 
la  neige,  où  des  religieuses  passent  la  nuit  en  prière,  autour  de  Lui,  on 
transporte,  ensuite,  processionnellement  le  Saint  Sacrement  en  lieu  sûr, 
où  on  l'adore  et  on  implore  miséricorde.  L'Hôtel-Dieu  fut  brûlé  ;  mais 
la  ville  entière  était  sauvée.  Laissez-moi  voir  en  cette  histoire  une 
image  des  résultats  de  nos  Congrès. 

Que  sont,  en  effet,  nos  manifestations  eucharistiques  si  populaires, 
sinon  une  réaction  solennelle  de  ferveur  et  d'amour,  une  préservation 
efficace  en  face  des  froideurs  glaciales  et  de  la  nuit  épaisse  qui  enva- 
hissent tant  d'âmes  de  nos  villes  et  de  nos  campagnes? 

Et  qu'est-ce  que  cette  propagande  effrénée  du  vice  et  ces  entraînements 
des  passions  mauvaises,  qui  font  tant  de  victimes,  sinon  un  incendie 
moral,  qui  menace  nos  sociétés  modernes  de  je  ne  sais  quelles  ruines? 
Qu'opposer  à  cet  incendie  dévastateur,  sinon  le  préservatif  par  excel- 


(1)  Mgr  J.  M.  Emard,  évêque  de  Valleyfield. 


—  40  — 

lence,  sinon  le  Saint  Sacrement  avec  sa  puissance  divine  pour  éteindre 
les  flammes  de  la  haine  et  de  la  passion  ? 

C'est  ce  que  nous  faisons  à  Montréal,  comme  nous  l'avons  fait  ailleurs, 
guidés  et  dirigés  toujours  par  la  parole  apostolique  du  Souverain 
Pontife.  Ici  comme  ailleurs,  nous  en  attendons  de  grandes  victoires 
eucharistiques.  Puisse  notre  Congrès  être  la  source  d'une  nouvelle 
fécondité  catholique  pour  l'Amérique!  Puisse-t-il  arrêter  l'incendie 
menaçant  dïdées  subversives,  allumé  dans  l'ancien  et  dans  le  nouveau 
monde  !  Que  Jésus-Christ  soit  de  plus  en  plus  honoré  et  glorifié  !  Que 
l'union  avec  son  Vicaire  sur  la  terre,  qui  est  le  centre  de  l'unité,  se  res- 
serre toujours  davantage  ! 

Cette  confiance,  je  la  conçois  parce  que  la  Vierge  qui  présidait  au 
Cénacle  à  la  naissance  de  l'Eglise,  la  Vierge  à  qui  les  prêtres  doivent  le 
corps  et  le  sang  de  Celui  qu'ils  offrent  sur  l'autel  et  qu'elle  a  donné  au 
monde  à  Bethléem  et  au  Calvaire,  où  ont  eu  lieu  les  premières  adora- 
tions et  la  première  messe;  cette  même  Vierge,  cette  Princesse  des 
Miracles,  comme  l'ont  appelée  les  premiers  fondateurs,  a  présidé  à  la 
naissance  de  cette  ville,  qui  porte  son  nom,  qui  lui  a  confié  tout  son 
avenir  et  lui  garde  un  culte  constant  et  filial.  Elle  ne  peut  ne  pas  vous 
couvrir  de  son  ombre  protectrice. 

Cette  confiance,  je  la  conçois  encore,  parce  que  c'est  le  Pape  qui,  d'une 
manière  spéciale,  bénit  cette  réunion  et  la  préside  par  l'intermédiaire 
de  son  Légat.  C'est  lui  qui  nous  dit  dans  sa  lettre  :  "  Cœtum  vero 
ipsum,  felicem  exitum  habiturum  persuasionem  injiciunt  tum  Sacrorum 
Antistitum  atque  illustrium  virorum  qui  aderunt  spectata  virtus,  tum 
nobilissimae  istius  gentis  alacritas  in  excipiendis  efficiendisque  omnibus, 
quaecumque  vestris  in  consiliis  erunt  constituta."  Paroles  bien  encou- 
rageantes pour  nous  tous,  et  tout  particulièrement  pour  les  catholiques 
canadiens,  et  pour  Vous,  illustres  Prélats,  qui  représentez  ici  une  élite 
de  la  Sainte  Hiérarchie.  Et  vous  aussi,  chers  Congressistes,  vous  n'êtes 
point  des  séparés,  ou  des  indépendants  de  la  hiérarchie  sacrée.  Unis  à 
l'Episcopat  et,  par  lui,  au  Souverain  Pontife,  votre  présence  ici  est  le 
gage  de  la  joie  que  nous  réserve  l'union  avec  l'Hostie  Divine;  elle  est  le 
présage  de  nouveaux  triomphes  ! 

Enfin,  pourquoi  n'exprimerai-je  pas  cette  espérance?  De  même  que 
sainte  Geneviève  rendait  la  vue  à  sa  mère  ;  de  même  que  Jeanne,  la  Bien- 
heureuse, rendait  la  vie  à  sa  patrie,  ne  serait-il  pas  permis  d'évoquer  le 
vœu  que  cette  nation,  fille  de  la  France,  qui  s'appela  jadis  la  Nouvelle- 
France,  la  nation  canadienne,  dis-je,  qui  procure  à  Jésus  dans  l'Eucha- 
ritie  un  triomphe  incomparable,  obtienne  de  la  divine  clémence  au  pays, 
qui  lui  donna  le  souffle  de  vie,  de  voir  comme  auparavant,  de  recouvrer 
avec  la  liberté  religieuse,  la  vie  de  foi  de  ses  ancêtres? 

Je  salue  encore  sur  l'étendard  populaire  canadien  un  emblème  sacré, 
qui  est  un  nouveau  motif  de  confiance.  C'est  le  Cœur  Sacré  de  Jésus, 
source  eucharistique  par  excellence,  fontaine  intarissable,  d'où  jaillit  le 
fleuve  de  sang,  dont  saint  Jean-Chrysostôme  a  dit  qu'il  purifie,  embellit 
et  embrase  l'univers  tout  entier;  "  Christi  sanguine  lavatur,  ornatur  et 
incenditur  orbis." 

Qu'il  en  soit  donc  ainsi;  et  que  d'une  hémisphère  à  l'autre  l'Eucha- 
ristie étende  ses  effets  merveilleux;  que  de  ce  pays,  dont  les  côtes  sont 


—  41  — 

baignées  par  trois  océans,  elle  rayonne  sur  tous  les  continents,  sur  les 
peuples  anciens  et  les  nouveaux,  qu'elle  en  écarte  toute  souillure  et  toute 
impureté,  qu'elle  y  fasse  germer  toutes  les  vertus  et  tous  les  héroïsmes, 
qu'elle  allume  enfin,  dans  tout  l'univers  le  feu  sacré  du  saint  amour  et 
le  zèle  invincible  des  plus  féconds  apostolats. 

Ainsi  soit-il. 


Après  ce  discours  Mgr  l'archevêque  monte  à  sou  tour  en 
chaire  et  s'exprime  ainsi: 

Eminentissime  Seigneur, 

Par  quelles  paroles  exprimerai-je  la  joie  et  la  reconnaissance  dont  tous 
les  cœurs  débordent  en  ce  moment?  Xous  vivons,  nous,  citoyens  de 
Ville-Marie,  une  heure  unique  dans  notre  histoire  nationale.  Xos  pères 
n'auraient  jamais  espéré  la  voir;  mais  ce  sont  eux  peut-être  qui  nous 
l'ont  méritée  par  leurs  généreux  sacrificees  et  leurs  héroïques  vertus. 
Ceux  qui  viendront  après  nous  n'en  verront  probablement  jamais  de 
semblable. 

C'est  l'heure  du  triomphe  pour  le  Christ  et  son  Eucharistie,  l'heure  de 
la  consolation  pour  l'Eglise  et  son  Chef  suprême,  l'heure  des  affirma- 
tions solennelles  pour  la  foi  de  notre  peuple,  l'heure  des  bénédictions  et 
des  grâces. 

Sur  nos  fêtes  qui  commencent,  je  vois,  il  me  semble,  le  ciel  grand 
ouvert  pour  accueillir  les  acclamations  qui  vont  monter  de  notre  terre  et 
laisser  tomber  sur  elle  l'abondance  de  ses  faveurs. 

Eminentissime  Seigneur,  il  vous  en  souvient,  au  milieu  des  inou- 
bliables solennités  eucharistiques  de  Londres,  en  présence  des  représen- 
tants de  tout  l'univers  catholique,  répondant  à  de  vénérables  et 
sympathiques  prévenances,  je  sollicitais  timidement  pour  le  Canada 
l'honneur  d'un  prochain  Congrès  et  j'osais  prédire  une  ovation  éclatante 
à  notre  divin  Sauveur  sur  les  rives  du  Saint-Laurent.  L"n  acquies- 
cement enthousiaste  qui  m'émut  jusqu'aux  larmes  répondit  à  ma  prière. 
C'était,  je  l'avoue,  un  rêve  dont  la  réalisation  ne  semblait  pas  facile, 
mais  vous  l'avez  approuvé,  Eminentissime  Seigneur,  le  pape  l'a  béni,  et 
voici,  maintenant,  la  douce  réalité  sous  nos  yeux;  ce  soir  s'inaugure  à 
Montréal,  le  XXIe  Congrès  Eucharistique  International ,  et  votre 
pourpre  sacrée  vient  jeter  sur  lui  l'éclat  dont  elle  a  fait  briller  les  der- 
niers Congrès  de  Cologne  et  de  la  Métropole  de  l'Empire  Britannique. 
Pie  X  vous  envoie  le  présider  en  son  nom,  et  par  conséquent,  c'est  sa 
personne  vénérée  que  nous  pouvons  saluer  et  acclamer  en  vous. 

Pour  vous  accueillir,  notre  Cathédrale  s'est  illuminée  de  mille  feux 
nouveaux,  et  vous  y  êtes  entré,  escorté  de  ces  vaillants  zouaves  qui,  il  y  a 
quarante  ans,  volaient  à  Kome  pour  la  défense  de  la  papauté.  Son  dôme 
et  le  baldaquin  de  son  autel  vous  font  penser  un  peu  à  la  Basilique  de 
Saint-Pierre.  C'est  une  œuvre  de  foi  et  d'amour.  Xous  avons  fait 
comme  des  fils  qui,  loin  de  leur  mère,  tiennent  à  mettre  sous  leur  regard 
son  image  vénérée. 


—  42  — 

A  cette  chaire  vont  désormais  s'attacher  pour  nous  d'émouvants  sou- 
venirs, puisque,  par  la  voix  de  son  légat,  le  pape  lui-même  nous  y  fait 
entendre  ses  accents  les  plus  paternels  et  les  plus  touchants.  En  vérité, 
l'honneur  qui  nous  est  fait  est  grand,  et  notre  pays  l'a  apprécié  comme 
il  devait  le  faire. 

Qu'il  me  soit  permis  de  vous  le  dire,  Eminentissime  Seigneur,  l'Œuvre 
du  Congrès  Eucharistique  qui  semblait  présenter  tant  d'obstacles,  s'est 
accomplie,  avec  l'aide  de  Dieu,  dans  l'harmonie  la  plus  complète  des 
esprits  et  des  volontés. 

Les  diocèses  du  Canada  et  des  Etats-Unis  nous  ont  prêté  un  admirable 
concours.  L'Eglise  d'Amérique  tout  entière  a  compris  que  c'était 
bien  sa  fête,  une  fête  sans  égale  qui  se  préparait  pour  elle  et  a  fait  con- 
verger vers  Montréal  ses  précieux  encouragements  et  ses  générosités. 

Voyez-la,  Eminentissime  Seigneur,  représentée  autour  de  vous  par  ses 
illustres  évêques  et  ses  milliers  de  fidèles.  Mais  voici  que  toutes  les 
parties  du  monde  se  joignent  à  elle  dans  un  bel  élan  de  foi  et  de  charité 
fraternelle.  Leurs  délégués  sont  accourus:  princes  de  l'Eglise,  prélats, 
prêtres,  fidèles  franchissent  de  longues  distances,  sans  souci  pour  la 
fatigue  et  les  dépenses  du  voyage;  l'Orient  et  l'Occident  sont  ici  réunis: 
Ville-Marie  est  devenue  soudain  un  point  glorieux  dans  le  monde,  et  plus 
que  jamais  mérite,  semble-t-il,  le  beau  titre  de  Eome  de  l'Amérique  qui 
lui  a  jadis  été  décerné. 

Je  me  fais  un  devoir  en  cette  circonstance  solennelle,  Eminentissime 
Seigneur,  de  proclamer  la  bienveillance  extraordinaire  avec  laquelle  nos 
frères  séparés  ont  accueilli  la  nouvelle  de  notre  congrès.  Ils  en  ont 
parlé  dans  leurs  journaux  comme  de  l'événement  le  plus  grandiose  et  le 
plus  heureux;  plusieurs  nous  ont  offert  leur  or  et  même  leur  demeure, 
pour  y  loger  les  hôtes  distingués  que  nous  attendions.  Us  respectent 
nos  tabernacles.  C'est  dans  l'attitude  la  plus  digne  qu'ils  verront  passer 
l'Hostie  sainte  au  milieu  de  notre  cité.  Us  comprennent  que  nous 
sommes  logiques  avec  une  foi  et  des  convictions  pour  lesquelles  nous 
serions  prêts  à  mourir,  et  ils  rendent  par  là  un  tacite  hommage  au  beau 
geste  par  lequel  le  parlement  d'Angleterre  se  rendant  au  vœu  des 
millions  de  sujets  catholiques  de  l'Empire,  enlevait  naguère  de  la  décla- 
ration royale  des  paroles  injurieuses  pour  nos  croyances.  Est-ce  le 
réveil  comme  on  l'a  dit?  Est-ce  un  pas  vers  l'unité  doctrinale?  Les 
anciens  jours  reviennent-ils?  C'est  le  secret  de  Dieu;  mais  dans  tous  les 
cas  qu'ils  soient  remerciés  ceux  qui  n'ayant  pas  encore  la  foi  ont  agi 
envers  nous  avec  une  telle  magnanimité. 

Eminentissime  Seigneur,  vous  ne  vous  attendez  pas  à  rencontrer  dans 
cette  contrée  encore  jeune  les  superbes  églises,  les  monuments  de  l'art, 
l'opulence  du  vieux  monde,  mais  laissez-moi  vous  en  donner  l'assurance, 
vous  verrez  un  peuple  sincèrement  croyant,  comme  celui  que  vous  bé- 
nissiez l'autre  jour  à  Notre-Dame;  des  temples  modestes,  mais,  qui, 
chaque  dimanche,  se  remplissent  plusieurs  fois  et,  dans  ces  temples,  des 
tables  de  communion  chaque  jour  pieusement  fréquentées;  de  nombreux 
instituts  religieux,  voués  à  toutes  les  œuvres  d'enseignement  et  de  cha- 
rité; de  fidèles  enfants  de  l'Eglise  sincèrement  soumis  à  ses  lois  et  à  ses 
directions.  Vous  verrez  de  quelle  liberté  nous  jouissons  sous  le  drapeau 
britannique  et  comment  nous  savons  en  profiter. 


—  43  — 

Eminentissime  Seigneur,  grâce  à  des  attentions  dont  vous  avez 
apprécié  toute  la  délicatesse,  le  superbe  navire  qui  vous  portait  vers  nos 
rivages  a  ressemblé  pendant  quelques  jours  à  une  vaste  cathédrale  flot- 
tante. Le  Christ  eucharistique  avait  à  bord  sa  place  d'honneur,  son 
autel  et  son  trône.  Il  y  a  reçu  les  plus  beaux  hommages,  et  y  a  entendu 
les  plus  ardentes  prières,  et  ainsi  déjà  au  sein  des  flots,  vous  préludiez 
aux  solennités  du  Congrès  Eucharistique. 

Sur  le  parcours  de  notre  fleuve,  Kimouski,  Québec,  Trois-Eivières, 
Nicolet,  Sorel,  toutes  nos  catholiques  paroisses,  vous  ont  tour  à  tour 
acclamé.  Les  cloches  de  leurs  temples,  les  feux  de  joie,  les  drapeaux  à 
profusion,  vous  ont  dit  l'enthousiasme  universel.  Montréal,  la  ville  de 
votre  noble  mission,  vous  possède  enfin;  laissez-moi  vous  saluer  comme 
l'auguste  prince  de  son  Eglise  et  le  premier  de  ses  citoyens. 

Les  autorités  municipales,  vous  l'avez  vu,  Eminentissime  Seigneur, 
n'ont  rien  épargné  pour  faire  au  représentant  du  Saint-Siège  une  ré- 
ception digne  de  lui;  vous  ne  recevrez  pas  moins  de  témoignages  de 
vénération  sincère  de  nos  gouvernants  :  plus  d'une  preuve  vous  en  a  déjà 
été  donnée. 

A  partir  de  ce  moment  jusqu'à  la  fin  de  nos  pieuses  assises,  l'Eucharistie 
sera  l'objet  de  toutes  nos  pensées,  de  toutes  nos  études  et  de  tous  nos  dis- 
cours. Nous  aurons  les  yeux  tournés  vers  le  siège  infaillible  de  Pierre 
et  à  chacune  de  ses  décisions,  à  chacune  de  ses  directions,  à  chacun  de 
ses  désirs,  nous  dirons  "  Amen  "  du  plus  profond  de  notre  cœur. 

Bientôt  dans  nos  rues,  ornées  d'arcs  de  triomphe  et  jonchées  de  fleurs, 
cheminera  librement,  comme  dans  les  allées  d'un  temple,  la  plus 
imposante  procession  eucharistique  qui  se  soit  vue  sur  ce  continent. 
Alors,  avec  les  évêques  et  les  prêtres,  prendront  place  dans  le  cortège, 
gouverneurs  et  ministres,  membres  des  parlements,  magistrats,  hommes 
de  toutes  les  professions  libérales,  professeurs  d'universités,  soldats, 
ouvriers,  fidèles  de  nos  paroisses,  tous  unis  dans  un  même  sentiment  de 
piété  et  de  foi  envers  l'adorable  Sacrement  de  nos  autels. 

Ah  !  que  Jésus-Christ,  le  divin  roi  de  nos  âmes,  garde  toujours  notre 
pays  comme  il  est  aujourd'hui  ;  voilà,  Eminentissime  Seigneur,  ce  que 
je  vous  prie  de  lui  demander  pendant  que  de  l'autel  érigé  au  flanc  de 
notre  montagne,  vous  élèverez  l'Hostie  au-dessus  de  centaines  de  mille 
hommes  prosternés  dans  l'adoration  et  l'amour. 

C'est  bien  la  sainte  semaine  qui  s'ouvre  pour  nous  ce  soir;  daignez, 
Eminentissime  Seigneur,  répandre  sur  chacun  de  ses  instants  les  béné- 
dictions dont  le  Souverain  Pontife  vous  a  fait  le  dépositaire. 

Au  moment  de  quitter  l'Europe  vous  m'adressiez,  à  travers  l'océan,  ces 
paroles  qui  ont  ému  tous  les  cœurs  : 

"  Xous  partons  heureux  pour  le  triomphe  de  l'Eucharistie  !  " 

Puisse  ce  vœu  de  votre  Eminence  se  réaliser;  qu'une  joie  céleste  vous 
récompense  de  votre  zèle  et  de  vos  fatigues,  et  qu'à  jamais  notre  ]\ront- 
Eoyal  reste  dans  votre  souvenir  tout  illuminé  des  divines  clartés  de 
l'Hostie. 


—  44  — 

La  bénédiction  du  Saint-iSacrement  suivit  ces  discours,  ou 
y  exécuta  le  programme  musical  suivant: 

CHRISTUS  VINCIT Alex.  Guilmanï. 

COR  JESU  (Choral) J.S.Bach. 

AVE  VERUM  (Chœur  alla  Capella) Théodore  Dubois. 

AVE  MARIA  (Chœur  alla  Capella) Amédée  Tremblay. 

TANTUM  ERGO  (Chœur) P.  Mendelssohn. 

LAUDATE  DOMINUM Chs  Bordes. 


La  foule  impatiente  attendait  toujours  au  dehors.  Pour  la 
dernière  partie  de  la  cérémonie,  elle  put  pénétrer  à  l'intérieur 
de  la  cathédrale  et  envahir  les  espaces  laissés  libres. 

Ce  soir-là  même,  de  Montréal  le  cardinal  envoyait  au  Pape 
et  au  roi  d'Angleterre  les  câblegrammes  qui  suivent  : 

A  Sa  Sainteté  Pie  X, 
Rome. 

Congressistes  accourus  à  Montréal  de  tous  pays,  ancien  et  nouveau 
monde,  unis  par  amour  à  Jésus  dans  l'Eucharistie,  même  piété  filiale  à 
Jésus  dans  son  Vicaire,  profondément  reconnaissants  à  Sa  Sainteté  avoir 
daigné  envoyer  Cardinal  Légat  les  présider  en  son  nom,  fiers  des  cent 
vingt  évêques  faisant  couronne  au  Légat,  enthousiasmé  par  les  manifes- 
tations splendides  de  foi  du  Canada,  par  accueil  admirable  archevêque, 
par  attentions  délicates  gouvernement  et  cité,  mettent  humblement  aux 
pieds  de  Votre  Sainteté  personnes,  travaux,  intentions  ;  professent 
amour,  obéissance,  dévouement  illimité  au  Pape  restaurateur  de  tout 
dans  le  Christ,  implorent  Bénédiction  Apostolique  sur  premier  Congrès 
Eucharistique  International  tenu  sur  le  continent  américain,  consti- 
tuant événement  considérable  et  affirmant  pour  première  fois  union 
ancien  et  nouveau  monde  sur  terrain  religieux  autour  Eucharistie  et 
Papauté. 

ViNCENzo,  Cardinal  Vannutelli. 

En  réponse,  le  Saint-Père  expédiait  ce  message: 

Rome,  6  sept.  1910. 

Au  cardinal  Vincent  Vannutelli^ 

Légat  Pontifical,  Montréal. 

Saint-Père  profondément  touché  si  nobles  sentiments  exprimés  par 
Congressistes  accourus  en  foule  à  Montréal  des  pays  ancien  et  nouveau 
monde  avec  120  évêques,  nombreux  clergé  autour  Votre  Eminence,  pour 
rendre  sublime  universel  hommage  de  foi,  d'amour  à  Jésus-Hostie  en 


—  45  — 

ce  premier  Congrès  Eucharistique  International  tenu  sur  continent 
américain,  apprend  avec  vive  joie,  émotion,  splendides  manifestations 
piété  admirable,  union,  dévouement,  gouvernement,  cité,  peuple  canadien 
avec  autorités  religieuses  s'unir  de  tout  cœur  aux  Congressistes  en  ces 
solennités  touchantes  et  priant  Jésus  Eucharistie  de  répandre  l'abon- 
dance de  ses  faveurs  sur  les  personnes  et  les  travaux.  Il  envoie  avec 
effusion  la  bénédiction  apostolique. 

Cardinal  Merry  del  Yal. 
A  Sa  Majesté  le  Eoi  Georges  V,  Londres. 

Les  catholiques  de  l'empire,  évêques,  prêtres  et  laïques  réunis  en 
Congrès  Eucharistique  International  à  Montréal,  prient  Votre  Majesté 
d'agréer  1  hommage  respectueux  de  leur  inaltérable  loyauté  et  l'expres- 
sion de  leur  profonde  reconnaissance  pour  les  modifications  apportées  à 
la  déclaration  royale.  Avec  eux,  les  autres  Congressistes  venus  de  toutes 
les  parties  du  monde  offrent  leurs  vœux  de  bonheur  et  de  prospérité  à 
Votre  Majesté  et  à  la  famille  royale. 

Cardinal  Vaxxutelll 


Balmoral,  6  septembre  1910. 
A  Sox  Emixexce  le  Cardixal  Vaxxutelll 

Je  remercie  sincèrement  Votre  Eminence  et  tous  ceux  qui  sont  pré- 
sents au  Congrès  Eucharistique  International,  réunis  à  Montréal,  de 
l'expression  de  loyauté  et  des  bons  souhaits  contenus  dans  le  télégramme 
que  j'ai  reçu  aujourd'hui  avec  beaucoup  de  plaisir  et  de  satisfaction. 

Georges  V. 

C'était  donc  fait  enfin.  Le  Congrès  était  ouvert.  Les  évê- 
ques venus  de  partout,  les  prêtres,  les  fidèles  allaient  main- 
tenant assister  aux  cérémonies  que  la  température  redevenue 
clémente  et  sereine  annonçait  grandioses. 

Le  lendemain,  mercredi,  un  dîner  est  offert  par  Sir  Lomer 
Gouin,  premier  ministre  de  la  province  de  Québec,  au  cardinal 
légat,  aux  évêques  et  aux  principaux  invités  du  Congrès  Eu- 
charistique. Il  y  a  là  plus  de  quatre  cents  convives,  tant 
ecclésiastiques  que  laïques.  Panni  ces  derniers.  Monsieur  le 
juge  Girouard,  administrateur  du  Canada,  en  l'absence  de  lord 
Grey,  Sir  Louis  Amable  Jette,  représentant  le  lieutenant- 
gouverneur  de  la  province;  les  ministres  fédéraux,  actuelle- 
ment à  Montréal,  les  députés  et  les  sénateurs  de  la  ville,  les 


—  46  — 

ministres  provinciaux,  les  membres  de  la  législature  pro- 
vinciale, les  juges  en  fonction,  les  juges  en  retraite,  le  maire 
et  les  échevins  de  Montréal. 

Le  dîner  a  lieu  dans  la  grande  salle  du  Windsor,  décorée 
pour  la  circonstance  aux  couleurs  pontificales  et  canadiennes. 
Il  n'y  a  que  deux  discours,  l'un  de  Son  Eminence  qui  porte  la 
santé  du  roi,  l'autre  de  Sir  Lomer  Gouin,  en  réponse  à  celui 
du  cardinal  et  qui,  à  son  tour,  propose  le  toast  au  pape. 

Voici  le  texte  de  ces  deux  discours: 


Monsieur  le  Premier  Ministre, 

Permettez-moi  de  vous  remercier  chaleureusement  de  l'acte  de  haute 
courtoisie  que  le  gouvernement  de  la  province  de  Québec  accomplit  au- 
jourd'hui à  l'égard  du  légat  de  Sa  Sainteté. 

Vous  avez  voulu,  vous  et  votre  gouvernement,  prendre  votre  part  des 
fêtes  inoubliables  de  ce  congrès.  Vous  l'avez  fait  avec  une  cordialité  et 
un  éclat  qui  me  touchent  profondément.  Laissez-moi  vous  assurer  que 
j'en  garderai  le  souvenir  le  plus  ému,  et  parmi  les  protestations  de 
loyauté,  les  hommages  de  piété  filiale  que  je  recueille  partout  autour  de 
moi  et  que  je  reporte  à  l'auguste  pontife  que  je  représente,  il  n'en  est 
pas,  croyez-le  bien,  qui  apporteront  à  son  cœur  une  plus  douce  conso- 
lation. 

Je  suis  depuis  quelques  jours  à  peine  dans  cette  province,  Monsieur  le 
ministre,  et  j'admire  avec  une  joie  particulière  l'esprit  de  bienveillante 
tolérance  qui  marque  ses  institutions  publiques,  et  les  libertés  religieuses 
dont  y  jouit  l'Eglise  catholique.  Quel  bonheur  que  l'influence  de  cette 
Eglise  continue  de  s'exercer  sur  ce  peuple  dont  elle  a  béni  la  naissance, 
qu'elle  a  porté  dans  ses  bras,  dont  elle  a  guidé  les  premiers  pas,  et  dont 
elle  suit  la  croissance  magnifique  du  regard  le  plus  maternel.  En  face 
des  problèmes  économiques  qui  se  posent  aujourd'hui  à  l'attention  de 
tous  les  gouvernants,  elle  vous  offre  une  sécurité  de  principes,  une  ga- 
rantie de  paix  sociale  dont  il  faut  remercier  vivement  la  divine  Pro- 
vidence. 

Je  n'ai  garde  d'oublier  en  ce  moment  que  cette  somme  de  libertés  qui 
permet  ici  à  l'Eglise  de  rendre  de  si  précieux  services  vous  a  été  assurée 
par  la  couronne  britannique,  qui  vient  de  montrer  une  fois  encore  com- 
ment elle  entend  respecter  les  légitimes  susceptibilités  de  ses  sujets 
catholiques,  et  le  touchant  télégramme  que  Sa  Majesté  le  roi  daignait 
m'adresser  hier  nous  dit  les  nobles  et  sympathiques  sentiments  qui 
l'animent  à  leur  égard. 

Aussi,  Monsieur  le  ministre,  après  avoir  exprimé  de  nouveau  toute 
ma  gratitude  à  vous  et  au  gouvernement  que  vous  présidez,  je  veux 
donner  le  plus  libre  cours  aux  sentiments  de  reconnaissante  admiration 
dont  mon  cœur  est  rempli  en  proposant  la  traditionnelle  santé  du  roi  et 
de  la  famille  royale. 


—  47 


Emixexce^ 

Excellences^ 

Messeigneurs^ 

Messieurs, 

Avant  de  nous  séparer,  j"ai  un  devoir  bien  doux  à  remplir;  celui  de 
dire  à  Son  Eminence  le  Cardinal  Vannutelli,  au  nom  de  mes  concitoyens 
catholiques  de  la  province  de  Québec,  la  vénération  que  nous  avons  tous 
pour  le  chef  de  la  plus  grande  communauté  de  chrétiens  qui  existe  sur 
la  terre,  pour  ce  pontife  qui  possède  dans  les  respects  du  monde  une 
royauté  inviolable  qu'aucune  puissance  ne  pourra  jamais  lui  ravir,  pour 
ce  pilote  que  Jésus-Christ  lui-même  a  mis  sur  une  barque  qui  a  connu 
toutes  les  tempêtes,  mais  jamais  le  naufrage,  pour  cet  auguste  vieillard 
qui  porte  le  poids  de  son  noble  travail  avec  la  vigueur  et  toute  la  vail- 
lance de  la  jeunesse. 

Pour  nous  prouver  sa  paternelle  affection,  Sa  Sainteté  Pie  X  a  voulu 
se  faire  représenter  par  un  des  princes  les  plus  distingués  de  la  cour 
pontificale  à  cette  fête  qui  fera  le  sujet  d'une  des  plus  belles  pages  de 
l'histoire  religieuse,  non  seulement  du  Canada,  mais  de  toute  l'Amérique, 
Eminence,  nous  vous  prions,  à  votre  retour  dans  la  Ville  éternelle,  d'ex- 
primer à  Sa  Sainteté  toute  notre  sincère  et  filiale  reconnaissance. 

Vous  lui  direz  aussi  que  vous  avez  trouvé  dans  cette  province  de 
Québec  des  milliers  et  des  milliers  de  croyants  dociles  à  son  enseigne- 
ment, respectueux  pour  son  ministère,  dévots  à  son  autorité. 

Ces  croyants  —  et  j'en  suis  —  savent  qu'il  est  sur  la  terre  une  colline 
auguste  qui,  comme  le  Sinaï,  lance  des  éclairs,  et  que  ces  éclairs  illu- 
minent la  marche  de  la  civilisation  depuis  dix-neuf  cents  ans. 

Ils  savent  que  sur  cette  colline,  qu'on  appelle  le  Vatican,  règne  un  roi 
qu'on  a  pu  dépouiller  de  ses  Etats,  mais  non  de  ses  vertus  et  de  sa 
majesté,  que  tous  les  chemins  qui  mènent  à  la  demeure  de  ce  souverain 
ne  désemplissent  jamais,  et  que  les  peuples  accourent  de  tous  les  pays 
pour  lui  apporter  leurs  présents  avec  leur  respect. 

Ils  savent  que  ce  roi  est  le  représentant  de  Jésus-Christ  sur  la  terre, 
qu'il  est  de  la  grande  dynastie  des  papes;  de  cette  dynastie  chez  qui 
semble  se  réaliser  cette  merveille  dont  parle  quelque  part  le  poète  latin  : 
quand  il  en  tombe  un  rameau  d'or,  il  en  fleurit  toujours  un  autre  et  qui 
est  d'or  aussi;  de  cette  dynastie  que  l'on  pourrait  comparer  aux  phares 
qui  éclairent  notre  grand  fleuve,  lesquels  résistent  à  toutes  les  tempêtes 
et  dont  la  lumière  ne  s'éteint  pas  ;  de  cette  dynastie  qui,  depuis  dix-neuf 
siècles,  force  tout  homme  sincère  à  l'admirer,  parce  qu'elle  n'a  qu'un 
objectif  :  les  âmes,  qu'un  but  :  l'enseignement,  la  purification,  l'ennoblis- 
sement et  la  transfiguration  de  la  race  humaine. 

Ils  savent,  avec  l'historien  protestant  Macaulay,  que  la  papauté  est 
pleine  de  vie  et  de  jeunesse  vigoureuse  ;  qu'elle  a  vu  le  commencement 
de  tous  les  gouvernements  et  de  tous  les  établissements  qui  existent  au- 
jourd'hui ;  qu'elle  était  grande  et  respectée  avant  que  les  Saxons  eussent 
mis  le  pied  sur  le  sol  de  la  Grande-Bretagne,  avant  que  les  Francs 
eussent  passé  le  Ehin,  quand  l'éloquence  grecque  était  florissante  encore 


—  48  — 

à  Antioche,  quand  les  idoles  étaient  adorées  dans  le  temple  de  la 
Mecque;  et  qu'elle  pourra  donc  être  grande  encore  et  respectée  alors  que 
quelque  vo3^ageur  de  la  Nouvelle-Zélande  s'arrêtera,  au  milieu  d'une 
vaste  solitude,  contre  une  arche  du  pont  de  Londres,  pour  dessiner  les 
ruines  de  Saint-Paul. 

Ces  vérités,  nous  les  croyons  avec  les  docteurs  et  les  conciles,  avec 
l'histoire  et  la  tradition,  avec  la  science  et  la  vertu,  avec  les  martyrs  et 
les  sain^^s,  avec  les  Sully,  les  Pitt,  les  Guizot,  les  trois  hommes  d'Etat 
les  plus  remarquables  peut-être  que  le  protestantisme  ait  produits;  ces 
vérités,  nous  les  croyons  avec  la  foule  des  pauvres,  des  simples,  des 
humbles  femmes,  des  pieux  pèlerins  qui,  depuis  plus  de  dix-neuf  cents 
ans,  vont  baiser  la  sandale  du. divin  Pêcheur  et  qui  se  relèvent  en  disant: 
Très  saint  Père. 

Ce  titre  de  "  Père,"  nous  aimons  à  le  donner  au  chef  de  la  catholicité  ; 
en  le  prono:T;ant,  nous  sentons  ce  que  l'affection  a  de  plus  tendre  s'unir 
en  nous  à  ce  que  le  respect  a  de  plus  profond. 

On  nous  accuse  parfois  d'obéir,  en  la  personne  du  Pape,  à  un  chef 
étranger.  Etranger  !  peut-il  l'être  pour  quelqu'un,  celui  qui  est  bien- 
faiteur universel,  celui  qui  a  relevé  la  dignité  humaine,  celui  qui  a 
donné  au  monde,  après  les  avoir  recueillies  au  Calvaire,  la  vraie  liberté, 
la  vraie  égalité  et  la  vraie  fraternité.  Nous  reconnaissons  l'état  libre  et 
indépendant  dans  les  choses  temporelles:  mais  dans  les  choses  spiri- 
tuelles nous  admettons  que  le  Pape  a  le  monde  pour  royaume,  qu'il  est  le 
père  de  la  catholicité  toute  entière;  et  comme  nous  sommes  ses  enfants, 
c'est  notre  droit  autant  que  notre  devoir  de  tresser  autour  de  sa  tête  une 
couronne  faite  de  confiance,  d'amour  et  de  prière. 

Eminence,  voilà  nos  croyances  et  elles  sont  vives,  voilà  nos  sentiments 
et  ils  sont  profonds.  Vous  voudrez  bien  les  exprimer  au  Saint-Père,  et 
vous  lui  ajouterez  que  ses  enfants  de  la  province  de  Québec  demandent 
à  Dieu  tous  les  jours  de  le  conserver  longtemps  encore  à  leur  affection, 
à  leur  respect,  à  leur  vénération. 

Que  la  vieillesse  soit  pour  lui  l'épanouissement  suprême  de  ses  nobles 
facultés  ;  que  les  ressources  de  sa  belle  âme  grandissent  et  se  déploient  à 
mesure  qu'il  se  rapprochera  du  ciel  qui  l'attend. 

Tels  sont  les  vœux  qui  sortent  de  nos  cœurs  ;  et  s'il  suffit  à  des  vœux 
d'être  sincères  pour  être  exaucés,  Pie  X  vivra  longtemps,  il  sera  heureux 
ce  grand  Pape  qui  dans  l'histoire  portera  le  nom  de  Pape  de  l'Eucha- 
ristie. 

Eminence,  Excellences,  Messeigneurs,  Messieurs,  je  vous  demande  de 
lever  vos  verres  à  Sa  Sainteté  Pie  X. 


49 


Le  soir  de  ce  même  jour  le  gouvernement  fédéral  donnait 
une  réception  à  l'hôtel  Windsor  en  Thonneur  du  légat  et  des 
personnages  distingués  venus  à  Montréal  à  l'occasion  des. 
fêtes  eucharistiques.  Dès  avant  neuf  heures  les  salons  et 
les  corridors  de  l'immense  édifice  sont  envahis  par  une  foule 
considérable  de  quatre  à  cinq  mille  personnes.  On  j  voit  des 
soutanes  et  des  redingotes;  des  militaires  et  des  civils,  des 
dames  en  grande  toilette  et  des  consuls  en  brillants  uni- 
formes se  coudoient,  s'arrêtent,  causent  en  attendant  qu'ar- 
rive le  cardinal.  Celui-ci  fait  son  entrée  vers  dix  heures  et 
est  reçu  par  les  honorables  Murphy,  Cartwright,  Borden,  Bro- 
deur et  Fisher,  ministres  du  cabinet.  A  cause  des  fatigues 
de  la  journée  il  ne  s'arrête  que  quelques  instants  et  repart 
sans  que  la  foule  compacte  et  qui  pouvait  à  peine  bouger,  s'en 
soit  aperçue.  Au  dehors  toutefois  la  multitude  qui  n'a  pas 
pu  pénétrer,  le  salue  de  ses  vivats  et  se  porte  ensuite  vers 
Notre-Dame  où  doit  avoir  lieu  la  messe  de  minuit. 

Cette  niesse  de  minuit  reste  l'une  des  inoubliables  fêtes  du 
congrès.  Préparée  par  une  heure  solennelle  d'adoration,  elle 
déroula  ses  pompes  incomparables  devant  un  auditoire  im- 
mense et  pourtant  recueilli  et  pieux.  Vingt  évêques  pré- 
sents au  sanctuaire,  un  nombre  considérable  de  prêtres,  les 
enfants  de  chœur  tout  blancs,  les  pages  costumés  de  satin  et 
de  dentelles,  la  musique  exécutée  par  trois  cents  voix  et  qua- 
rante instruments,  les  nefs  ruisselantes  de  lumières,  le 
chœur  tapissé  de  la  base  au  faite  de  guirlandes  de  fleurs  à 
travers  lesquelles  brillaient  les  milliers  d'ampoules  électri- 
ques, tout  contribuait  à  faire  de  cette  cérémonie  un  spec- 
tacle unique  en  grandeur  et  en  beauté.  Cinq  mille  hommes, 
à  la  communion,  s'approchèrent  de  la  Sainte  Table  et  ce  long 
défilé  de  chrétiens  convaincus  était  pour  nous  le  gage  des 
victoires  désirées  et  nécessaires. 


—  50  — 

A  Févangile,  Mgr  Roy,  évêque  auxiliaire  de  Québec,  pro- 
nonça l'allocution  qui  suit: 

Messeigneues, 

Mes  Feères, 

Béni  soit  Jésus  au  Très  Saint  Sacrement  de  l'autel  !  C'est  l'accla- 
mation qui  monte,  en  ces  jours,  de  la  terre  canadienne,  et  où  s'affirme 
la  foi  de  tout  un  peuple  au  Dieu  de  l'Eucharistie.  C'est  le  cantique  de 
joie  que  chantent  nos  âmes,  à  cette  heure  inoubliable,  parmi  le  splendide 
décor  de  ce  temple  et  la  pompe  auguste  de  cette  messe  de  minuit.  0 
mon  pa3's,  sois  fier  de  l'honneur  qui  t'arrive  en  cette  grande  semaine  ! 
Mont-Royal,  tressaille  d'allégresse  sous  le  souffle  divin  qui  passe,  et 
garde  longtemps  à  ton  front  le  rayonnement  de  la  gloire  du  Thabor  qui 
t'enveloppe  en  cette  veillée  eucharistique  !  Et  vous,  digne  archevêque 
d'une  si  heureuse  cité,  soyez  remercié  d'avoir  préparé  à  nos  cœurs  cette 
grande  joie  et  à  Jésus-Hostie  cet  incomparable  triomphe. 

De  cette  nuit  on  peut  bien  dire  ce  que  la  liturgie  chante  d'une  autre 
nuit  qui  fût  témoin  d'un  grand  triomphe:  0  beata  noxl  0  vers  heata 
nox!  !  0  nuit  vraiment  bienheureuse,  qui  vois  resplendir  dans  tes 
ténèbres  le  divin  Soleil  de  justice,  et  qui  nous  montres  dans  l'Hostie 
adorée,  offerte  et  mangée  le  triple  triomphe  de  la  foi,  de  l'expiation  et 
de  l'amour! 

Triomphe  de  la  foi.  —  ISTul  mystère  ne  soumet  notre  foi  à  une  plus 
rude  épreuve  que  le  mystère  d'un  Dieu  caché  et  comme  anéanti  dans 
l'Hostie.  L'humiliation  où  il  fait  descendre  Dieu  déconcerte  notre 
orgueil.     La  raison  humaine  se  heurte  aux  miracles  qu'il  suppose. 

Et  cependant,  le  monde  a  accepté  ce  mystère,  et  en  présence  de  ces 
étonnants  miracles,  il  a  cru.  Et  le  fondement  inébranlable  de  sa  foi, 
c'est  la  parole  de  Jésus-Christ  :  Ipse  dixit.  Oui,  Il  l'a  dit.  Et,  telle  est 
la  confiance  du  peuple  chrétien  que  la  parole  du  Maître  a  résisté  à  tous 
les  assauts  de  l'incrédulité,  triomphé  de  tous  les  efforts  de  l'Enfer,  qui, 
depuis  vingt  siècles,  cherchent  à  prévaloir  contre  elle. 

ISTon  seulement  on  croit  à  cette  parole  qui  ne  passe  pas,  mais  c'est  au- 
tour de  la  profession  de  foi  qu'elle  soutient,  que  se  groupent  les  actes  les 
plus  importants  de  la  vie  catholique  ;  c'est  sur  elle  que  s'appuie  toute  la 
dévotion  eucharistique;  et  cette  dévotion  est  la  clef  de  voûte  de  l'édifice 
spirituel. 

Quelle  superbe  démonstration  de  cette  foi  en  la  parole  du  Christ  nous 
est  offerte  par  ce  congrès  !  Quel  beau  triomphe  elle  remporte  en  cette 
nuit  bénie  ! 

C'est  elle  qui  groupe  en  cette  nef  imposante  les  quinze  mille  prêtres 
et  fidèles  qui  s'y  pressent.  Venus  de  partout,  sortis  de  tous  les  rangs  de 
la  société,  appartenant  à  toutes  les  races  et  parlant  toutes  les  langues,  ils 
sont  les  témoins  de  la  vivante  Hostie,  à  laquelle  ils  apportent  l'hommage 
vibrant  de  leurs  adorations. 

C'est  toujours  elle,  la  même  foi  au  mystère  eucharistique,  que  pro- 
clament avec  une  exceptionnelle  grandeur  les  nombreux  prélats  et 
évêques  rassemblés  autour  de  l'autel.     Successeurs  des  apôtres,  ils  sont 


—  51  — 

les  gardiens  par  excellence  de  Jésus-Hostie,  les  prédicateurs  du  mystère 
de  la  foi,  les  augustes  témoins  qui  portent  en  leurs  mains  la  puissance, 
dans  leurs  cœurs  l'amour  et  sur  leurs  lèvres  la  parole  du  Christ  leur 
Maître  adoré.  Ils  viennent  ici  chanter  le  Credo  des  cent  églises  dont  ils 
sont  les  chefs,  et  tresser,  de  leurs  vénérables  personnes,  au  Roi  de  nos 
autels,  une  vivante  et  triomphale  couronne. 

En  vérité,  elle  est  bienheureuse  la  nuit  où  triomphe  ainsi  la  foi  :  0  vere 
heata  nox! 

Triomphe  de  l'expiation.  —  Avec  la  foi  c'est  l'expiation  qui  triomphe 
Bur  cet  autel,  où  un  prince  de  l'Eglise,  venu  des  antipodes,  va  lever  vers 
le  ciel  la  sainte  Victime,  pendant  que  quinze  mille  âmes  se  tremperont 
au  sang  du  calice  pour  se  purifier  et  pour  expier. 

L'Eucharistie,  en  effet,  c'est  le  sacrifice  rédempteur  perpétué  à  travers 
le  temps  et  l'espace;  c'est  l'Agneau  de  Dieu  fixé  en  permanence  sur  la 
table  de  l'immolation  pour  y  porter  les  péchés  du  monde. 

Et  voilà  pourquoi,  mes  Frères,  un  Congrès  Eucharistique  n'est  pas 
seulement  un  grand  acte  de  foi.  Il  est  aussi  une  solennelle  et  efficace 
expiation.  C'est  l'Eglise  tout  entière  groupée  au  pied  d'un  autel, 
réunissant  dans  son  cœur  et  sjir  ses  lèvres  tous  les  cris  de  repentir  de  la 
terre  pour  les  mêler  à  la  prière  de  Jésus  qui  implore  le  pardon  de  son 
Père  en  faveur  du  monde  coupable. 

Cette  heure,  mes  Frères,  ne  vous  en  rappelle-t-elle  pas  une  autre,  dont 
l'Evangile  nous  raconte  les  tragiques  angoisses?  C'était  après  l'insti- 
tution de  l'Eucharistie,  vers  minuit.  Seul,  au  fond  du  jardin  des  Olives, 
Jésus  agonisait  sous  l'étreinte  affreuge  du  péché.  La  grande  douleur  de 
l'expiation  le  faisait  pâlir  et  l'attristait  jusqu'à  la  mort.  Soudain,  il 
se  lève  et  fait  quelques  pas.  Où  va-t-il?  Eecule-t-il  devant  le  sacrifice? 
Veut-il  échapper  au  baiser  du  traître  qui  vient  le  livrer?  Xon;  il 
cherche  des  âmes  vaillantes  qui  le  consolent  en  s'associant  à  son 
expiation.  Hélas!  les  trois  apôtres  qu'il  a  choisis  pour  cette  tâche  su- 
blime, dorment  lâchement;  et,  dans  les  ténèbres  de  cette  nuit  désolée, 
retentit  la  douloureuse  plainte  du  Cœur  abandonné  :  "  Vous  n'avez  pu 
veiller  avec  moi  pendant  une  heure  !  " 

L'agonie  du  Cœur  de  Jésus  se  prolonge  au  tabernacle.  Toujours  le 
flot  amer  du  péché  vient  battre  l'autel  où  la  sainte  Victime  expie.  Ne 
sentez-vous  pas  qu'en  ce  moment  le  divin  Agonisant  sort  de  sa  retraite, 
et  qu'il  cherche  encore  des  âmes  qui  le  consolent  en  expiant  avec  lui  ?  Et 
voici  que,  des  ténèbres  de  cette  nuit  glorieuse,  quinze  mille  disciples  se 
dressent,  vigilants  et  courageux,  pour  dire  au  Maître  :  présents  !  Vous 
souffrez,  0  Jésus-Hostie,  des  blasphèmes  qui  vous  insultent,  des  sacri- 
lèges qui  vous  profanent,  de  l'indifférence  qui  vous  désole,  et  vous  cher- 
chez des  amis  qui  partagent  vos  souffrances  et  trempent  avec  vous  leurs 
lèvres  au  calice  amer  de  l'expiation.  Nous  voici  !  Notre  amour,  que 
nous  voudrions  plus  ardent,  nos  sacrifices,  que  nous  voudrions  plus  géné- 
reux, vous  appartiennent.  Nous  voulons  compléter  votre  passion 
rédemptrice,  mettre  nos  faibles  épaules  sous  la  croix  qui  porte  les  péchés 
du  monde.  Avec  vous,  0  Maître  adoré,  nous  veillons  pendant  cette  heure 
d'expiation;  avec  vous  nous  faisons  monter  vers  votre  Père  et  le  nôtre 
la  voix  suppliante  du  repentir,  le  confiant  appel  du  pardon. 

Oui,  vraiment,  mes  Frères,  cette  nuit  est  bonne  et  bienheureuse  puis- 


—  52  — 

qu'elle  voit  triompher  une  telle  générosité  dans  l'expiation  :  0  vere  beata 
nox! 

Triomphe  de  l'amour.  —  Mais  de  tous  les  triomphes  qui  illuminent 
cette  nuit  eucharistique,  le  plus  merveilleux  et  le  plus  doux  au  Cœur  de 
Jésus,  c'est  le  triomphe  de  l'amour.  Et  il  convient  qu'il  en  soit  ainsi. 
L'autel  est  surtout  le  trône  de  l'amour,  puisque,  dans  l'Hostie  qu''l 
porte,  vit,  s'immole  et  se  donne  Jésus  qui  est  Dieu,  et  donc  Charité, 
Amour. 

Et  si  vous  voulez  savoir  l'extrême  limite  de  cet  amour,  l'excès  incom- 
préhensible où  il  consomme  ici-bas  son  triomphe,  écoutez  ces  paroles  : 
"  Prenez  et  mangez  ;  ceci  est  mon  corps  livré  pour  vous .  .  .  Prenez  et 
buvez;  ceci  est  mon  sang.  .  .  " 

On  chercherait  en  vain,  dans  l'histoire  de  l'humanité,  un  discours  et 
un  acte  qui  rappellent,  même  de  loin,  celui-là.  Jamais  l'amour  humain 
n'a  pu  pousser  aussi  loin  sa  conquête.  Pareil  langage  ne  peut  se  trouver 
que  sur  des  lèvres  divines;  pareil  cri  d'amour  ne  peut  jaillir  que  d'un 
cœur  divin.  Il  fallait,  pour  que  l'homme  l'entendît,  que  le  Verbe  de 
Dieu  se  fît  chair  et  habitât  parmi  nous. 

Et  cette  parole,  pas  plus  que  les  autres  qu'a  prononcées  le  Verbe  in- 
carné, n'est  faillible  et  transitoire.  Elle  demeure,  réalisée  dans  le  grand 
sacrement  de  l'amour.  La  table  du  divin  banquet,  oii  elle  fût  prononcée 
et  mise  à  exécution,  est  restée  dressée.  Les  convives  n'y  ont  jamais 
manqué.  Et  toujours,  près  de  cette  table,  ils  ont  trouvé  le  sacerdoce 
debout,  dans  l'attitude  du  Maître,  investi  de  son  pouvoir,  répétant  sur 
le  pain  et  le  vin  consacrés  la  mystérieuse  parole  de  l'amour  :  "  Prenez  et 
mangez;  ceci  est  mon  corps.  Prenez  et  buvez;  ceci  est  mon  sang."  Et 
depuis  vingt  siècles,  dans  cette  admirable  étreinte  de  la  communion, 
l'amour  triomphant  établit  son  règne  ici-bas  et  fait  la  conquête  des  âmes. 

En  cette  nuit  bienheureuse,  nous  allons  être  les  témoins  émus  de  ce 
triomphe.  La  table  est  ici  dressée  avec  une  solennité  qui  rappelle  la 
nuit  du  Cénacle.  Le  Pontife,  en  qui  revit  la  puissance  du  Christ,  va 
redire  les  paroles  de  l'amour  divin  :  "  Prenez  et  mangez ....  prenez  et 
buvez ..."  Et  des  rangs  de  cette  foule  immense,  cinq  mille  catholiques 
vont  se  lever.  Convives  de  tout  âge  et  de  toute  condition,  ne  formant 
qu'un  cœur  où  vibre  le  même  amour,  répondant  à  l'amour  qui  les  invite, 
ils  vont  se  presser  à  la  Table  Sainte,  ouvrir  leurs  lèvres  à  l'Hostie,  et 
donner  à  Jésus  triomphant  l'hospitalité  de  leurs  cœurs. 

Chers  communiants,  disciples  que  Jésus  aime,  quand  vous  reposerez 
doucement  sur  la  poitrine  du  Maître,  souvenez-vous  que  pour  achever  ce 
beau  triomphe  eucharistique,  il  faut  que  Jésus,  après  avoir  régné  sur 
vous,  règne  sur  les  autres  par  vous.  L'Amour  que  vous  allez  recevoir, 
est  un  amour  conquérant,  un  amour  qui  triomphe  en  se  donnant. 
L'Hostie  qui  va  franchir  vos  lèvres,  allumera  dans  vos  cœurs  un  foyer, 
dont  la  flamme  est  dévorante.  Après  vous  avoir  consumés,  elle  voudra 
consumer  les  autres.  C'est  la  flamme  sacrée  de  l'apostolat.  Celui  qui 
l'a  apportée  sur  la  terre,  et  qui  la  met  en  vous,  n'a  qu'un  désir:  la  voir 
brûler  et  rayonner  toujours  davantage. 

Ce  désir,  chers  amis  de  Jésus,  vous  voudrez  qu'il  se  réalise  en  vous  et 
par  vous.  Pour  cela,  vous  vous  efforcerez  d'être  des  hosties  vivantes. 
Vous  ne  laisserez  pas  Jésus  disparaître  en  vous  avec  les  saintes  espèces. 


—  :3  — 

Et  vous  ne  serez  pas  seulement  les  tabernacles  qui  le  renferment;  vous 
serez  aussi,  vous  serez  surtout  les  ostensoirs  qui  le  montrent.  Vos  pen- 
sées, vos  paroles,  vos  actes,  votre  conduite  tout  entière,  feront  rayonner 
autour  de  vous  les  bienfaits,  la  vertu  conquérante  de  l'Eucharistie.  De 
la  sorte  s'achèvera  l'œuvre  de  cette  nuit  triomphale:  0  beata  nox! 

D'avoir  pu  assister  à  tous  ces  glorieux  triomphes,  et  d'y  avoir  parti- 
cipé dans  la  mesure  de  nos  forces,  sera  le  meilleur  souvenir  que  nous 
garderons  de  ce  Congrès.  Avec  ce  souvenir  dans  le  cœur,  nous  bénirons 
sur  terre  le  Dieu  caché  de  l'Hostie,  en  attendant  que  nous  allions  bénir 
dans  le  ciel  le  Dieu  révélé  de  la  gloire.  Béni  soit  Jésus  dans  le  Très 
Saint-Sacrement  de  l'autel  ! 


Jeudi  était  le  jour  des  communautés  religieuses.  Elles  se 
rendirent  à  la  cathédrale  où  devait  avoir  lieu  la  grand'messe. 
Elle  vinrent  de  partout,  des  couvents  et  des  cloîtres,  des 
hôpitaux,  des  hospices,  des  pensionnats;  dans  leurs  costumes 
noirs,  blancs,  gris;  désireuses,  toutes,  d'apporter  à  Notre-Sei- 
gneur  Jésus-Christ,  l'hommage  public  de  leur  noble  dévoue- 
ment. 

Elles  écoutèrent  attentives  les  discours  que  tour  à  tour  leur 
adressèrent  Mgr  Heylen,  Mgr  Bruchési  et  le  cardinal-légat. 

Voici  ces  discours: 

"  Memor  sit  omnis  sacriflcii  tui  et  holocaustum  tuum  pingue  flat.  " 
"  Que  le  Seigneur  se  souvienne  de  tous  vos  sacrifices  et  que  votre 
holocauste  produise  d'abondauts  fruits.  " 

Il  m'est  doux  de  vous  dire,  tout  d'abord,  combien  j'apprécie  la  faveur 
qui  m'est  faite  d'adresser  à  l'occasion  du  Congrès  Eucaristique,  la  parole 
aux  communautés  religieuses  de  la  Ville  de  Montréal.  Mgr  l'Arche- 
vêque m'a  fait  le  plaisir  le  plus  sensible  à  me  réserver  cet  entretien  avec 
les  auxiliaires  nombreux  et  si  appréciés  que  lui  fournissent  les  ordres 
religieux  de  sa  ^àlle  épiscopale  et  de  son  diocèse.  Religieux  moi-même, 
j'aime  à  me  retrouver  au  milieu  de  mes  Frères  et  Sœurs  en  Jésus-Christ 
et  à  me  rappeler  —  comme  il  m'est  donné  de  le  faire  en  ce  moment  — 
les  années  si  douces  et  si  regrettées  que  j'ai  passées  dans  la  vie  monas- 
tique. 

Vous  attendez  de  moi  que  je  vous  entretienne  de  la  Très  Sainte 
Eucharistie.  Le  faire,  en  cette  circonstance  solennelle  du  Congrès,  est 
en  quelque  sorte  un  devoir  de  justice.  Où  apprécie-t-on  mieux  que  dans 
les  cloîtres  la  grandeur  du  don  divin?  Où  s'applique-t-on  davantage  à 
le  connaître,  à  l'aimer,  à  le  glorifier?  Où  répare-t-on  plus  assidûment 
les  outrages  et  les  oublis  du  monde?  Le  tabernacle  n'est-il  pas  le  centre 
et  le  foyer  de  toute  maison  religieuse  ? 

Je  vous  parlerai  donc  de  la  Sainte  Eucharistie.  Rattachant  ce  sujet, 
dont  les  horizons  sont  si  vastes  et  si  variés,  à  la  nature  spéciale  de  cet 
auditoire,  je  me  propose  d'étudier  en  la  Sainte  Eucharistie  le  modèle  de 
la  vie  religieuse.   Vous  montrant  du  doigt  le  tabernacle,  je  voudrais  vous 


—  54  — 

dire  :  Voilà  l'exemplaire  vers  lequel  chacun  de  vous  doit  constamment 
diriger  ses  regards  !  Voilà  le  modèle  des  devoirs  spéciaux  que  vous 
impose  la  vie  religieuse  ! 

Qu'est-ce,  en  effet,  essentiellement,  que  la  vie  religieuse  ?  C'est  la  pour- 
suite de  la  perfection  de  la  charité  chrétienne  par  l'observance  des  vœux 
de  pauvreté,  de  chasteté  et  d'obéissance,  dans  la  vie  commune  que  pro- 
cure un  Institut  approuvé  par  l'Eglise. 

Telle  est  l'essence  de  la  vie  religieuse.  Vocation  sainte,  sublime,  dont 
jamais  nous  n'apprécierons  assez  la  beauté  !  Nous  ne  devrions  pas  cesser 
de  bénir  le  Seigneur  de  nous  avoir  ainsi  choisis,  dès  notre  enfance, 
d'avoir  fait  germer  en  nous  l'inclination  à  nous  consacrer  à  lui,  d'avoir 
préservé  nos  cœurs  des  passions  qui  en  ont  perdu  tant  d'autres,  et  de 
nous  avoir  ainsi  unis  à  lui  par  des  liens  plus  étroits  que  la  mort. 

Le  mérite  de  la  vie  religieuse  réside  donc,  avant  tout,  je  le  répète,  dans 
la  pratique  de  la  chasteté,  de  la  pauvreté  et  de  l'obéissance,  mérite  qu'ac- 
croît la  ferme  et  stable  adhésion  de  la  volonté  dans  le  bien,  qui  est 
procurée  par  les  vœux  de  religion. 

Or,  Jésus  résidant  dans  l'Eucharistie  est  pour  nous  le  modèle, 
l'exemplaire  de  la  pratique  des  trois  vertus  de  chasteté,  de  pauvreté  et 
d'obéissance.  Tel  sera  le  sujet  de  cet  entretien.  Puissent  les  dévelop- 
pements qui  vont  suivre,  en  vous  rappelant  la  grandeur  de  votre  sacrifice, 
vous  stimuler  à  en  accroître  la  fécondité  et  vous  en  donner  les  moyens  ! 
Memor  sit  omnis  sacrificii  tui  et  holocaustum  tuum  pingue  fiât. 


L'Eucharistie  est  d'abord  le  modèle  de  la  chasteté.  Il  est  doux,  dans 
les  heures  d'adoration  devant  la  Très  Sainte  Eucharistie,  de  méditer 
quel  est  Celui  qui  est  contenu  réellement  et  en  vérité  dans  la  Sainte 
Hostie  :  C'est  Jésus,  Vierge  et  Eoi  des  Vierges,  qui  a  choisi  parmi  les 
Vierges,  sa  mère  et  son  père  nourricier,  qui  a  témoigné  une  prédilection 
toute  spéciale  à  S.  Jean,  l'apôtre  vierge.  "  Jésus  l'aima,  dit  la  liturgie, 
plus  que  les  autres,  par  un  privilège  que  lui  avait  mérité  sa  chasteté:" 
car,  choisi  par  Jésus  étant  Vierge,  "  il  l'est  resté  à  jamais."  Il  est  doux 
de  se  rappeler  encore  comment  c'est  Jésus  qui  a  introduit  dans  le  monde 
le  culte  de  la  chasteté.  C'était  dans  la  troisième  année  de  son  ministère, 
à  l'occasion  de  son  dernier  voyage  à  Jérusalem.  Il  avait  plaidé  devant 
les  pharisiens  la  question  de  l'unité  et  de  l'indissolubilité  du  mariage. 
Entendant  cet  exposé,  les  disciples  avaient  trouvé  sévère  cette  doctrine 
à  laquelle  ne  les  avaient  pas  habitués  les  mœurs  dégénérées  du  temps  ;  il 
leur  semblait  dur  le  joug  d'une  union  aussi  sévèrement  réglementée. 
C'est  alors  que  le  Maître,  allant  de  l'avant,  leur  déclara  que  ce  n'était  là 
que  le  premier  degré  de  la  chasteté  chrétienne  et  que  la  grâce  devait 
élever  bien  plus  haut  les  âmes  d'élite.  Et  comme  cet  enseignement  ne 
trouvait  guère  d'écho,  pour  le  moment,  dans  l'âme  des  Apôtres,  il  ajouta  : 
"  tous  ne  comprennent  pas  cette  parole,  mais  ceux  à  qui  il  a  été  donné." 
C'est  donc  ce  Jésus,  à  qui  le  monde  doit  d'avoir  connu  la  fleur  de  la 
chasteté  chrétienne,  qui  repose  sous  les  voiles  de  la  sainte  Hostie. 

Voyez,  d'ailleurs,  comment  Jésus  a  pris  soin  de  marquer,  par  les 
apparences  mêmes  de  ce   grand    Sacrement,    son   amour  de   la   pureté. 


—  55  — 

L'Eucharistie  a  été  instituée  sous  les  espèces  d'un  pain  et  d'un  vin  très 
purs.  De  tout  temps,  on  a  compris  l'importance  de  ce  sj-mbolisme  et  on 
en  a  gardé  fidèlement  la  tradition.  Un  cartulaire  du  temps  de  Charle- 
magne  recommandait  déjà  que  l'on  veille  minutieusement  à  ce  que  le 
pain,  le  vin  et  l'eau  indispensables  à  la  Sainte  Messe,  soient  traités  avec 
extrêmement  de  netteté  et  de  soin,  et  que  jamais  on  n'y  trouve  rien  qui 
soit  vil  ou  impur.  De  son  côté  l'Eglise,  s'est  toujours  souciée  de  la  sin- 
cérité de  la  matière  première  du  sacrifice,  encourageant  notamment  les 
mesures  de  précaution  suggérées  par  la  piété  des  fidèles  et  préconisées 
par  les  Congrès  Eucharistiques. 

L'Eucharistie  doit  aussi  être  conservée  dans  des  vases  très  purs  et  dans 
des  linges  immaculés,  dont  la  manipulation  est  réservée  aux  seules  mains 
sacerdotales.  Saint  Jérôme  a  consacré  à  son  disciple  Népotien  un 
touchant  éloge  pour  la  sollicitude  qu'il  mettait  à  tout  ce  qui  touche  la 
sainte  Eéserve.  Saint  Charles-Borromée  n'a  pas  craint  de  faire  un  traité 
complet  des  soins  que  requiert  cette  pureté.  Et  même,  dans  les  premiers 
siècles,  la  blancheur  du  lin  employé  aux  linges  d'autel,  blancheur  qui 
n'est  obtenue  que  grâce  à  un  travail  long  et  laborieux,  était  considéré 
comme  l'image  de  la  sainteté  lévitique,  fruit  d'un  long  et  violent  travail 
sur  soi-même. 

L'Eucharistie  est,  de  plus,  traitée  exclusivement  par  les  prêtre^,  qui, 
au  moins  dans  l'Eglise  latine,  ont  fait  le  vœu  de  chasteté.  L'Eglise 
considère  cette  vertu  austère  comme  l'une  des  obligations  principales  du 
sacerdoce.  Celui-ci  y  puise,  d'ailleurs,  sa  force,  sa  fécondité,  sa  beauté. 
Il  en  rejaillit  sur  lui  un  éclat  qui  lui  a  fait  appliquer  les  paroles  de  la 
Sagesse:  '' Qu'elle  est  belle,  dans  sa  gloire,  la  génération  chaste!  Sa 
mémoire  est  immortelle.  Elle  est  en  honneur  auprès  de  Dieu  et  des 
hommes.  Perpétuellement  couronnée,  elle  triomphe  et  remporte  le  prix 
des  plus  purs  combats."  Le  peuple,  quelque  relâchées  que  soient  devenues 
ses  mœurs,  a  conservé  pour  cette  chasteté  du  prêtre  ou  du  religieux,  les 
mêmes  exigences.  Il  ne  comprend  pas  que  les  mains  qui  ont  touché  la 
sainte  Hostie  puissent  ne  pas  être  chastes.  Songez  à  la  sévérité  avec 
laquelle  il  juge  et  traite  le  prêtre  oublieux  de  ses  vœux:  manifestement, 
les  fidèles  appliquent  au  prêtre  les  paroles  de  l'Imitation  :  "  Quand  tu 
"  aurais  la  pureté  des  anges  et  la  sainteté  de  S.  Jean-Baptiste,  tu  ne 
"  serais  pas  digne  de  manier  ce  grand  Sacrement.  Le  prêtre  doit  être 
"  orné  de  toutes  les  vertus  et  ser\àr  aux  autres  d'exemple  de  bonne  vie  ; 
"  sa  conversation  ne  doit  rien  avoir  de  vulgaire  ni  de  commun  avec  le 
"  train  ordinaire  des  hommes  ;  mais  être  dans  le  ciel  avec  les  anges,  ou 
"  bien  en  terre  avec  ceux  qui  tiennent  le  chemin  de  la  perfection." 
(Livre  IV,  ch.  V.) 

Ce  n'est  pas  tout:  L'Eucharistie  donne  et  entretient  la  chasteté.  Elle 
est  "le  vin  qui  fait  germer  les  vierges."  L'Imitation  le  montre  par  ces 
belles  paroles  :  "  Il  est  nécessaire  que  je  m'approche  fréquemment  de 
"  vous  et  que  je  vous  reçoive  pour  le  remède  de  mon  salut,  de  peur  que 
"  je  ne  défaille  par  le  chemin,  si  la  provision  céleste  me  manque.  Car 
"  les  sens  de  l'homme  sont  inclinés  au  mal  dès  le  bas  âge,  et  s'il  n'est 
"secouru  du  remède  divin,  il  tombe  de  mal  en  pis:  niais  la  communion 
"  le  retire  du  mal  et  le  fortifie  dans  le  bien.  Le  Sacrement  est  le  salut 
"  de  l'âme  et  du  corps,  le  médecin  de  toutes   sortes  de  maladies   spiri- 


—  56  — 

"  tuelles  ;  par  qui  les  fautes  sont  guéries,  les  passions  tenues  en  bride, 
"  les  tentations  surmontées  ou  au  moins  affaiblies,"' 

Enfin,  il  faut  encore  ajouter  que,  si  l'Eucharistie  fait  les  âmes  chastes, 
elle  n'est  en  revanche  goûtée  dans  toute  sa  suavité  que  par  les  âmes 
chastes.  Et  à  Jésus  l'invitant  à  manger  sa  chair  et  à  boire  son  sang, 
l'âme  impure  ne  saura  jamais  que  répondre  avec  les  Pharisiens  :  Cette 
parole  est  dure  et  qui  peut  l'entendre? 

Telles  sont  les  leçons  de  chasteté  que  nous  donne  Jésus  dans  son 
Sacrement  d'Amour.  En  vérité,  pourrait-il  accumuler  plus  de  détails 
propres  à  attirer  notre  attention  sur  la  vertu  de  chasteté?  Pouvait-il 
nous  stimuler  plus  efficacement  à  la  pratiquer  ?  C'est  pourquoi,  méditez 
fréquemment  les  divines  leçons,  afin  d'y  puiser  le  moyen  de  tenir  tou- 
jours plus  fidèlement  ce  vœu  solennel  que  vous  avez  fait  à  Dieu  au  Jour 
de  votre  profession,  et  de  vous  abstenir  non  seulement  de  toute  faute 
proprement  dite,  soit  intérieure,  soit  extérieure,  mais  de  toute  imper- 
fection contraire  à  la  pureté.  L'union  de  vos  âmes  à  Jésus  vivant  dans 
l'Eucharistie  vous  méritera  ainsi  d'accomplir  fidèlement  toutes  les  obli- 
gations qui  découlent  du  vœu  de  chasteté,  comme  de  respecter  la  clôture, 
de  vous  tenir  à  l'écart  des  relations  trop  mondaines,  de  pratiquer  la 
modestie,  la  prudence  et  la  réserve  qui  sont  l'ornement  et  la  sauvegarde 
de  la  vie  religieuse. 

II 

L'Eucharistie  est,  en  second  lieu,  notre  modèle  pour  la  pratique  de  la 
pauvreté. 

Car,  l'Eucharistie  contient  ce  même  Jésus  qui  a  été  pauvre  et  dénué 
durant  toute  sa  vie  mortelle  ;  ce  Jésus  de  la  bouche  de  qui  est  tombée  un 
Jour  cette  parole  qui  renversait  tous  les  préjugés  de  l'ancien  temps: 
"  Bienheureux  les  pauvres  en  esprit,  car  le  Eoyaume  des  Cieux  leur 
appartient,"  c'est-à-dire,  heureux  ceux  qui,  étant  dans  l'opulence,  ont  le 
cœur  détaché  des  richesses  !  Heureux  aussi  ceux  qui,  réellement  dé- 
pouillés, se  résignent  sans  murmure  !  Heureux  ceux  qui  renoncent  à 
toutes  les  richesses,  pour  embrasser  le  dénûment  de  la  pauvreté  !  C'est 
cette  parole  de  Jésus  qui  a  amené  les  premiers  chrétiens  à  observer  la 
communauté  des  biens  que  devait  emprunter  plus  tard  la  vie  religieuse. 

Considérez  ensuite  que  l'Eucharistie  a  été  instituée  sous  des  appa- 
rences étonnantes  de  pauvreté.  Elle  a  pour  matière  les  substances  les 
plus  communes,  le  pain  et  le  vin,  qui  sont  l'aliment  des  plus  pauvres. 

Enfin,  si  Jésus  ne  refuse  pas  les  richesses  dont  on  l'entoure,  il  ne  les 
réclame  pas  non  plus  comme  indispensables.  Et  s'il  accepte  de  reposer 
dans  les  tabernacles  et  les  vases  sacrés  précieux,  sur  les  linges  les  plus 
fins,  au  milieu  des  produits  les  plus  brillants  des  arts,  il  ne  dédaigne 
cependant  pas  la  tente  en  feuillage  du  missionnaire  et  le  mobilier  pauvre 
qui  compose  sa  chapelle. 

Bien  souvent,  d'ailleurs,  pour  soulager  les  pauvres,  on  a  vendu  les 
dentelles  et  les  broderies,  les  pierreries  et  les  métaux  précieux,  qui 
donnent  l'éclat  à  la  dévotion  eucharistique.  On  a  vu  souvent  se  repro- 
duire dans  l'Eglise  le  trait  fameux  que  retrace  la  vie  de  saint  Laurent. 
Le  saint  diacre  jeta  dans  le  sein  des  pauvres  le  prix  des  ornements  et  des 
vases  fort  riches  qui  étaient,  de  son  temps,  l'ornement  de  l'Eglise  Eo- 


o , 


maine  et  dont  on  retrouve  la  description  dans  Eusèbe  et  dans  saint 
Ambroise.  Et  au  préfet  de  Eome  qui  voulait  contempler  et  ravir  ces 
trésors,  il  amena  les  vieillards,  les  aveugles,  les  muets,  les  lépreux,  les 
orphelins  et  les  veuves  qui  formaient  le  trésor  spirituel  de  l'Eglise. 

Tels  sont  les  exemples  de  pauvreté  que  nous  donne  Jésus  dans  l'Eu- 
charistie. 

Puissent-ils  nous  amener  à  la  pratique  irréprochable  de  ce  vœu  de 
pauvreté  qui  réglemente  si  sagement  chez  nous  l'usage  des  biens  tem- 
porels, en  nous  en  enlevant  la  propriété  ou  bien  l'administration!  Xe 
cessons  pas  de  bénir  et  d'apprécier  les  moindres  prescriptions  de  notre 
règle,  prescriptions  qui  nous  délivrent  des  tentations,  des  désirs  inutiles 
et  des  filets  du  démon  dont  parle  l'Apôtre  à  Timothée.  Ces  multiples 
et  si  précieux  avantages  doivent  nous  décider  à  observer  la  pauvreté 
non  seulement  dans  sa  teneur  matérielle,  mais  même  dans  son  esprit. 
Bienheureux  les  pauvres  !  Jésus  l'a  dit  :  Où  est  votre  trésor,  là  est  votre 
cœur.  Cette  parole  est  grande,  ajoute  Bossuet.  Où  est  votre  trésor, 
c'est-à-dire,  où  se  tournent  naturellement  vos  pensées,  là  est  votre  cœur. 
Si  c'est  Dieu,  vous  êtes  heureux.  Si  c'est  quelque  chose  de  mortel,  que 
la  rouille,  que  la  corruption  et  que  la  mortalité  consument  sans  cesse, 
votre  trésor  vous  échappe  et  votre  cœur  demeure  pauvre  et  épuisé. 


III 

Il  me  reste  enfin,  à  vous  montrer  —  et  je  le  ferai  brièvement  —  que 
Jésus  dans  l'Eucharistie  est  le  modèle  de  l'obéissance  ;  de  cette  obéissance 
que  le  religieux  a  solennellement  promise,  non  seulement  à  Dieu,  mais 
à  son  supérieur,  et  par  laquelle  il  renonce  à  sa  propre  volonté,  et  se 
remet  au  gouvernement  de  celui  qui  a  la  mission  de  lui  commander. 
C'est  cette  obéissance  qui  comporte,  notamment,  l'observance  de  la  Eègle 
de  l'Ordre  ou  de  l'Institut;  pour  atteindre  son  plein  mérite,  elle  doit 
être  non  seulement  matérielle,  mais  formelle,  et  comporter  une  entière 
conformité  de  volonté  et  de  jugement,  étant  inspirée  par  le  mobile  sur- 
naturel dont  parle  S.  Paul  :  "  Servez  le  Christ,  dit-il,  mais  non  pas  à 
l'œil,  comme  pour  plaire  aux  hommes."     (Ephes.  VI,  6.) 

Pour  vous  convaincre  que  l'Eucharistie  est  le  modèle  de  l'obéissance 
religieuse,  il  suffit  de  rappeler  qu'elle  contient  Celui  dont  l'enfance  s'est 
résumée  en  un  seul  mot:  Il  leur  était  soumis;  Celui  qui,  par  obéissance 
et  pour  donner  l'exemple,  a  voulu  accomplir  toutes  les  cérémonies  de  la 
loi  judaïque,  prescrites  à  ses  concitoyens;  Celui  qui  a  déclaré  n'avoir 
d'autre  mission  que  d'accomplir  la  volonté  de  son  Père  et  trouver  dans 
cette  soumission  sa  nourriture,  sa  consolation,  son  unique  joie;  Celui 
enfin,  qui  pour  nous  s'est  fait  obéissant  jusqu'à  la  mort  et  jusqu'à  la 
mort  de  la  croix. 

Il  faut  considérer  souvent,  la  soumission  entière,  étonnante,  avec  la- 
quelle, dans  l'Eucharistie  même,  Jésus  obéit  à  la  voix  du  prêtre.  Celui-ci 
peut,  à  son  gré,  le  faire  descendre  des  cieux,  l'exposer  ou  le  soustraire 
à  la  vénération  des  fidèles,  le  laisser  à  la  sohtude  du  lieu  saint,  ou  le 
transporter  dans  les  rues  et  les  places  publiques.  Ni  le  démérite  du 
prêtre,  ni   l'indignité  du   sujet  ne   seront   jamais   un  obstacle  à  aucune 


—  5S  — 

cérémonie  pour  laquelle  Jésus  s'est  fait  dépendant  du  ministère  sacer- 
dotal.    Ainsi  l'a  voulu  notre  Sauveur,  pour  notre  enseignement. 

Aussi,  c'est  dans  la  méditation  de  Jésus  Eucharistie  que  l'âme 
religieuse  doit  trouver  le  secret  de  l'obéissance  prompte,  joyeuse,  spon- 
tanée, qu'ont  louée  les  Saints  et  qui  conduit  aux  victoires  promises  par 
la  Sagesse  inspirée .... 

Je  termine. 

Dans  quelques  instants  apparaîtra  à  nos  regards,  dans  l'hostie  sainte, 
ce  Jésus,  modèle  de  notre  vie  religieuse,  que  nous  savons  présent  et  que 
nous  adorons  dans  la  Sainte  Eucharistie.  En  ce  moment,  vous  vous 
prosternerez  à  ses  pieds  et  vous  lui  renouvellerez,  dans  l'intime  de  vos 
cœurs,  les  vœux  de  chasteté,  de  pauvreté  et  d'obéissance  par  lesquels 
vous  avez  fait,  sur  son  autel,  le  sacrifice  si  complet  de  vous-même,  Mentor 
sit  omnis  sacrificii  tui. 

Vous  lui  demanderez,  ensuite,  que  cet  holocauste  ne  reste  pas  stérile, 
mais  qu'il  produise  des  fruits  abondants.  Tlolocaustum  tuum  pingue 
fiât. 

Que  la  méditation  de  l'Eucharistie,  en  vous  mettant  sous  les  yeux  un 
si  parfait  exemplaire,  vous  amène  à  mieux  remplir  tous  les  devoirs  de  la 
vie  religieuse;  qu'elle  vous  conduise  ainsi  à  la  perfection  de  la  charité 
chrétienne,  à  laquelle  vous  devez  tendre. 

Bien  plus,  que  chacun  de  vous  persuadé  de  l'influence  de  la  dévotion 
eucharistique  pour  l'acquisition  des  vertus,  se  fasse,  de  plus  en  plus,  dans 
son  entourage,  l'Apôtre  de  l'Eucharistie.  Il  ne  suffirait  pas  de  garder 
pour  vous  seuls  les  trésors  de  sanctification  qu'offre,  cette  admirable 
dévotion  :  il  faut  rêver  de  la  répandre  autour  de  vous,  d'en  imprégner 
toutes  vos  œuvres  et  de  ne  laisser  en  repos  les  fidèles  dont  vous  avez  la 
charge  qu'après  en  avoir  fait  des  fervents  de  l'Eucharistie. 

Qu'il  s'agisse  donc  du  ministère  de  la  chaire  ou  du  confessionnal,  de 
l'œuvre  de  l'instruction  et  de  la  formation  des  jeunes  gens,  de  la  direc- 
tion des  patronages,  des  cercles  ouvriers  ou  d'autres  œuvres  de  préser- 
vation religieuse  et  sociale;  qu'il  s'agisse  pour  vous,  mes  Sœurs,  de 
l'éducation  des  enfants  ou  des  orphelins,  du  soin  des  malades  et  des 
vieillards,  ou  des  œuvres  quelconques  entre  lesquelles  se  partage  votre 
dévouement  :  partout  portez  cette  intention  bien  arrêtée  de  développer 
la  croyance  et  la  dévotion  à  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  présent  sur 
nos  autels. 

Tel  est,  j'ose  le  dire,  le  fruit  qu'attend  de  vous  le  divin  Maître,  comme 
résultat  de  ces  solennités  eucharistiques.  Tel  est  le  fruit  que  je  vous 
souhaite  à  tous  au  nom  du  Père,  et  du  Fils  et  du  Saint-Esprit.  Ainsi 
6oit-il. 


—  59  — 
DISCOURS  DE  MGR  L'ARCHEVEQUE 


Laissez-moi  vous  saluer  et  vous  offrir  dans  notre  cathédrale  la  plus 
cordiale  bienvenue,  religieux  et  religieuses  de  Montréal  et  de  tout  mon 
diocèse,  accourus  pour  prendre  part  à  l'allégresse  générale  de  ces  jours 
sans  pareils  que  nous  donne  le  Congrès  Eucharistique. 

Vous  êtes  bien  la  portion  privilégiée  de  mon  troupeau  ;  sur  vous  je  me 
repose  pour  accomplir  des  œuvres  nombreuses  et  importantes.  Le  zèle 
que  vous  déployez  sans  cesse  fait  ma  consolation.  Je  tiens  à  proclamer 
ici  votre  esprit  d'obéissance,  votre  fidélité  aux  enseignements  de  vos 
fondateurs  et  de  vos  fondatrices,  votre  indéfectible  attachement  à  la 
sainte  Eglise.  Au  nom  des  enfants  que  vous  instruisez,  des  pauvres  que 
vous  secourez,  des  malheureux  que*  vous  consolez,  dos  malades  que  vous 
soignez  ;  au  nom  de  la  religion  et  de  la  patrie,  soyez  tous  remerciés  et 
bénis. 

Vous  m'apparaissez  comme  les  images  de  Jésus-Christ  lui-même.  Vous 
travaillez  à  copier  sa  vie,  à  pratiquer  ses  préceptes  et  ses  conseils.  Vous 
savez  la  récompense  qu'il  vous  a  promise.  Pour  son  amour  vous  avez 
quitté  père  et  mère,  tout  ce  que  vous  aviez  de  plus  cher  au  monde  ;  vous 
recevrez  le  centuple  ici-bas  et  une  éternité  de  bonheur  vous  attend. 

Vous  venez  d'entendre  la  parole  d'un  pieux  évêque.  Mgr  de  Xamur 
religieux  comme  vous,  vous  a  parlé  avec  son  âme  d'apôtre.  Il  vous  a 
donné  comme  modèle  de  votre  vie  religieuse  îsTotre-Seigneur  Jésus-Christ 
lui-même  dans  le  sacrement  de  l'Eucharistie.  Vous  garderez  dans  votre 
mémoire  le  souvenir  de  ses  paroles  émues;  vous  en  ferez  la  règle  de  vos 
actions  afin  de  vous  perfectionner  de  plus  en  plus  dans  la  voie  que  vous 
suivez  déjà  avec  une  si  grande  ferveur. 

Oh  !  mes  ches  frères  et  mes  chères  sœurs,  je  me  sens  impuissant 
à  exprimer  le  bonheur  de  l'heure  présente.  Ne  sommes-nous  pas 
sur  un  nouveau  Thabor  ?  tous  vous  voudriez  y  demeurer  ;  mais 
comme  les  apôtres  il  vous  faut  bientôt  descendre  la  montagne.  Tous  les 
jours  cependant  vous  serez  avec  Jésus.  Vous  le  recevrez  dans  la  com- 
munion ;  la  sainte  Hostie  sera  votre  pain  quotidien.  Laissez-moi 
emprunter  la  parole  de  l'Evangile  et  vous  l'adresser  en  vous  demandant 
de  ne  voir  partout  et  toujours  que  Jésus  :  Neminem  viderunt  nisi  solum 
Jesiim.  Vous  le  verrez  dans  la  personne  vénérée  du  Pape,  dans  l'autorité 
diocésaine,  dans  vos  supérieurs  ;  vous  le  verrez  dans  les  enfants  qui  vous 
sont  confiés,  dans  vos  pauvres  et  vos  malades,  dans  vos  frères  et  vos 
sœurs,  dans  tous  les  événements  joyeux  ou  tristes  de  votre  vie.  Oui, 
Lui,  Jésus  partout  et  toujours.  Vous  goûterez  ainsi  un  bonheur  que  le 
monde  ne  connaît  pas,  une  paix  qui  surpasse  tout  sentiment  et  vous  pré- 
luderez à  l'allégresse  éternelle  du  paradis. 


—  GO 


DISCOURS   DE  SON  EMINENCE  LE   CARDINAL-LEGAT 

Je  suis  heureux  de  vous  voir  réunis  en  si  grand  nombre  dans  cette 
vaste  cathédrale,  et  je  répéterai  ce  que  vient  de  vous  dire  Mgr  l'arche- 
vêque. Aimez  Jésus;  aimez-le  sans  mesure;  ne  cherchez  que  Lui  dans 
toutes  vos  actions.  Inspirez-vous  de  l'esprit  chrétien,  de  l'esprit  des 
apôtres,  pour  répandre  le  culte  de  l'Eucharistie.  Eépondez  au  désir  du 
Souverain  Pontife  en  faisant  de  l'Eucharistie  et  de  la  communion  fré- 
quente un  véritable  apostolat.  Vos  évoques  doivent  se  réjouir  du  grand 
nombre  de  vocations  religieuses  qu'il  y  a  dans  ce  cher  Canada.  C'est 
aussi  une  grande  consolation  pour  le  Souverain  Pontife. 

Je  dirai  au  Saint-Père  votre  zèle,  votre  profond  attachement  à 
l'Eglise  ;  votre  amour  et  votre  dévouement  à  tous  ses  intérêts  qui  sont  les 
vôtres,  puisqu'il  est  le  père  de  tous  les  fidèles,  mais  plus  particulièrement 
des  personnes  consacrées  à  Dieu. 

Vous  êtes  l'élite  de  la  grande  famille  catholique,  laquelle  vous  confie 
ses  œuvres  les  plus  chères.  Vous  faites  le  bien  dans  le  saint  ministère, 
dans  les  œuvres  de  charité.  Afin  de  remplir  dignement  ces  sublimes 
fonctions,  vous  puisez  la  lumière  et  la  force  dans  l'Evangile  que  vous 
méditez  tous  les  jours,  et  dans  la  sainte  Eucharistie  qui  est  le  pain  des 
forts  et  le  vin  des  vierges.  Soyez  la  bonne  odeur  de  Jésus-Christ.  Soyez 
des  modèles  de  vie  chrétienne.  Tout  le  monde  vous  regarde  pour  vous 
imiter,  comme  vous-mêmes  vous  regardez  Jésus-Christ  pour  marcher  sur 
ses  traces. 

Je  me  recommande  à  vos  bonnes  prières,  et  je  prierai  moi-même 
ISTotre-Seigneur  de  vous  assister,  de  vous  protéger,  vous  qui  vous  dévouez 
à  étendre  son  règne  dans  le  monde. 

Et  maintenant  au  nom  du  Souverain  Pontife  je  vous  donne  la  béné- 
diction apostolique  que  j'étends  à  vos  familles  et  à  toutes  vos  belles 
œuvres  d'enseignement  et  de  charité. 


Le  même  jdur,  le  soir,  eut  lieu,  à  l'Hôtel  de  Ville,  la  récep- 
tion par  la  ville  de  Montréal  au  légat  du  Saint  Siège  et  aux 
hôtes  illustres  qui  nous  honoraient  de  leur  présence.  Tous 
s'accordent  à  louer  la  parfaite  organisation  de  cette  fête.  La 
foule  toujours  compacte,  toujours  énorme  fut  conduite  à  tra- 
vers les  corridors  et  les  salles  de  façon  à  éviter  partout  l'en- 
combrement. Devant  Son  Eminence  assise  sur  un  trône  et 
entourée  de  prélats  et  de  sa  suite,  défilèrent  près  de  vingt 
mille  personnes.  Protestante  au  milieiu  des  oatholiquies, 
militaires  à  côté  de  civils,  ministres  et  députés  auprès  de 
fonctionnaires,  confusion  de  classes  et  de  races  admirable 
et  consolante.  Pendant  deux  heures  le  cardinal  accueille 
souriant  et  bon.  Ce  n'est  qu'à  11  heures  qu'il  se  retire.  La 
foule  est  encore  considérable.     Elle  le  salue  et  l'acclame. 


—  Gl  — 

Nous  voici  au  vendredi.  C'est  aujourd'hui  que  doit  avoir 
lieu  la  messe  en  plein  air.  Mais  le  ciel  est  lourd  et  bas.  Il  a 
plu  cette  nuit.  Vraiment  ce  serait  imprudent  de  convoquer 
la  population  ce  matin  pour  l'imposante  cérémonie  qu'on  a 
préparée  avec  tant  de  soin.     Ce  sera  pour  demain  matin. 

Mais  la  procession  des  enfants  ne  sera  pas  retardée.  De 
toutes  parts,  dès  midi,  commencent  à  affluer  les  petits  gar- 
çons et  les  petites  filles,  les  premiers  au  Champ  de  Mars,  les 
autres  à  l'église  Xotre-Dame.  A  deux  heures  il  y  en  a  des 
milliers.  Les  petites  filles  sont  en  robe  blanche  et  portent 
des  drapeaux  ou  des  fleurs;  les  petits  garçons  se  groupent 
autour  d'étendards  et  de  bannières.  Au  milieu  d'eux  un 
groupe  de  pages  habillés  de  satin  bleu  ou  rouge,  portant  ou 
accompagnant  une  immense  corbeille  de  chrysanthèmes,  éle- 
vée sur  un  brancard  doré.  La  procession  dure  deux  heures. 
Près  de  trente  mille  enfants  y  prennent  part.  Tous  ils  gra- 
vissent la  pente  du  Beaver  Hall  et  par  la  rue  Dorchester  ar- 
rivent jusqu'à  la  cathédrale.  En  avant  de  la  colonnade  de 
l'église  métropolitaine,  sur  un  trône  tendu  de  rouge  se  tient 
le  cardinal.  Tout  autour  de  lui,  sur  des  fauteuils,  les  pré- 
lats et  la  suite  du  cardinal.  En  face,  aussi  loin  que  porte  le 
regard  une  multitude  innombrable  que  les  agents  de  police 
ne  parviennent  qu'à  grand  peine  à  maintenir  dans  les  limites 
prescrites. 

Devant  Son  Eminence,  à  tour  de  rôle,  par  groupes  de  cent, 
passent  les  enfants.  Ils  s'agenouillent,  ils  crient:  Vive  le 
pape  !  vive  le  cardinal  !  vive  Mgr  l'Archevêque  î  Ils  dépo- 
sent leurs  fleurs,  humbles  bouquets,  emblèmes  eucharisti- 
ques, lettres,  puis  ils  disparaissent. 

Et  ce  défilé  se  prolonge  ainsi  jusqu'à  cinq  heures  sous  un 
soleil  joyeux,  sous  la  brise  qui  fait  claquer  les  oriflammes  et 
froisse  la  soie  des  bannières,  dans'  une  atmosphère  incompa- 
rable de  sérénité,  de  foi,  d'amour. 

Samedi!  Il  fait  beau,  un  gai  soleil  de  septembre  est  déjà 
haut  dans  le  ciel,  un  vent  frais  déroule  dans  l'air  les  drapeaux 
que  l'on  aperçoit  partout.  Ils  font  comme  une  voûte  sans 
cesse  bruissante  aux  piétons  qui  gravissent  les  pentes  de  la 
montaune.  A  huit  heures,  la  foule  se  massue,  immense,  au 
Parc  Mance,  en  face  du  reposoir,  superbe  sur  ses  colonnes 
élancées,  enveloppées  de  rouge  et  d'or.  Tout  autour  de  l'au- 
tel une  décoration  florale  magnifique,  soixante  évcViues,  deux 
mille  prêtres,  une  maîtrise  puissante  de  trois  cents  voix.  Tout 
près  un  carillon  de  cinq  cloches,  installé  la  veille,  annonce  le 
commencement  de  la  cérémonie.     Mgr  Farley,  archevêque  de 


—  G3  — 

New  York  officie.  Le  cardinal  arrive  à  temps  pour  donner 
la  bénédiction  papale  à  la  foule  immense  agenouillée  et  dont 
le  recueillement  est  admirable.  A  l'évangile,  Mgr  O'Connell, 
archevêque  de  Boston,  fit  le  sermon  en  anglais.  Le  P.  Hage, 
Provincial  des  Dominicains,  fit,  après  la  messe,  le  isermon 
en  français. 

SERMON  PREACHED  BY  ARCHBISHOP  O'CONNELL 


"  Memoriam  fecit  mirabilium  suorum, 
misericors  et  miserator  Dominus  ;  escam 
dédit  timentibus  se.''  —  Psalm  iio. 

When,  âges  ago,  tliis  fair  portion  of  the  earth  rose  above  the  subsiding 
waters,  the  eternal  God  from  the  glory  of  His  heavens  smiled  upon  it. 
For  he  knew  even  then  that  on  this  day  and  in  this  place  the  great  ones 
of  the  world  would  gather  hère  around  the  altar  of  His  love  to  oiïer  Him, 
hidden  beneath  the  Eucharistie  veil,  ail  the  homage  of  their  hearts. 

Ages  before  the  sons  of  men  built  their  habitations  on  the  banks  of 
this  mighty  river  the  all-seeing  eye  of  God  beheld  reflected  from  this 
majestic  stream  the  gleam  of  Jehovah's  banners  and  to-day's  long  train 
of  triumphal  procession  bearing  amid  hymns  and  anthems  the  great 
Sacrament  of  His  présence. 

Centuries  and  centuries  before  the  city  of  Mary  had  erected  her  glo- 
rious  cathedrals  the  peans  of  praise  which  we  raise  hère  under  the  blue 
dôme  of  God's  great  temple  of  nature  had  sounded  their  echoes  aloft  to 
the  very  throne  of  God;  so  that  before  the  inhabitants  of  this  beautiful 
city  had  framed  the  laws  by  which  it  is  governed,  or  planned  the  spacious 
streets  through  which  we  hâve  now  passed,  God's  favor  had  rested  upon 
this  place  and  His  blessings  had  descended  over  it. 

When,  on  the  sad  night  before  Christ's  passion,  in  the  dim  supper- 
chamber  of  the  Pasch,  the  Son  of  God  instituted  the  Blessed  Sacrament 
of  His  love,  He  knew  full  well  that  we  hère  présent  to-day  should  bear 
in  our  loving  arms  in  triumphal  procession  the  mystery  which  then  was 
concealed  amid  retirement  and  poverty. 

And  thus  to-day  we  take  our  place  in  this  majestic  scène  with  the 
consciousness  that  we  are  fulfilling  the  plans  of  God  and  realizing  the 
eternal  designs  of  Jesus-Christ  présent  to  His  mind  on  the  eve  of  His 
great  passion.  Truly,  if  heaven  and  earth  are  filled  with  God's  glory, 
thrice  sacred  is  this  spot  sanctified  by  His  sacram entai  présence.  And 
privileged  indeed  is  this  people  to  whom  the  King  of  kings  Himself  has 
come  to-day  as  a  friendly  visitor. 

During  thèse  historié  days,  when  the  Son  of  God  is  a  nation's  guest, 
heaven  itself  surely  is  very  near  to  this  people.  And  this  fair  city  which 
has  become  a  sacred  shrine  of  God's  présence  is  teeming  with  His  grâces 
and  bénédictions.     Look  around  you  and  consider  well  the  full  beauty 


—  63  — 

and  the  fuller  significance  of  this  wonderful  scène.  Nature  and  grâce, 
earth  and  lieaven,  are  blending  hère  ail  their  varied  splendors.  For  the 
moment  this  Eoyal  Mount  is  become  a  second  Tabor  and  the  very 
heavens  hâve  opened  above  this  hallowed  place  where  the  angels  of  God 
descend  in  silent  adoration  around  the  throne  of  the  Holy  Eucharist. 

We  forget  for  the  time  ail  the  miseries  of  earth  and  ail  its  heavy 
load  of  sin.  We  think  not  for  the  moment  of  those  who  hâve  neither 
faith  nor  love  for  God's  holy  Church.  We  forget  in  the  sublimity  of 
the  moment  everything  else  as  our  eyes  and  our  hearts  are  lifted  up  to 
behold  only  the  triumph  of  God's  victory  and  our  own  unspeakable  pri- 
vilège of  participation  in  it.  Ah  !  moments  like  thèse  are  rare  in  a  long 
life-time  and  few  of  us  will  ever  again  behold  so  sublime  a  spectacle. 

Yet,  splendid  as  it  is,  thrilling  as  is  the  concourse  of  those  who  wit- 
ness  it,  its  real  intensity  is  concealed  in  the  momentous  émotion  which 
•though  unseen  sways  the  minds  and  the  hearts  of  this  great  assembly. 

What  tongue  of  man  can  voice  the  sentiment  of  faith  which  at  this 
•moment  fills  to  overflowing  each  Catholic  soûl  hère  présent,  revealing 
the  présence  of  the  Son  of  God  under  the  veil  of  the  Eucharist?  As 
truly  as  on  that  first  Christmas  night  the  tender  Child  of  Mary  lay 
within  her  loving  arms,  as  truly  as  when  in  Judea,  He  sat  upon  the 
hillsides  and  taught  the  people  the  wonderful  truths  of  God,  as  truly  as 
when  He  healed  the  leper  and  fed  the  multitude  and  gave  sight  to  the 
blind,  as  truly  as  when  at  la-st  He  was  raised  a  blessed  Holocaust  twixt 
earth  and  heaven;  just  so  truly  is  Jesus-Christ  our  King  hère  with  us 
and  before  us,  there  in  the  Sacrament  of  His  love. 

Oh  !  sublime  and  divine  gift  of  faith  which  pierces  the  mystic  veil 
and  reveals  the  glory  of  Christ's  divinity  under  the  Sacramental  species  ! 
This  day  is  a  feast  of  faith  and  love,  a  day  when  our  hearts  leap  up  in 
joyous  professions  of  the  truth  of  God's  great  mysteries. 

The  time  is  too  precious  and  too  sacred  to  pass  in  fruitless  question- 
ings.  There  is  plenty  of  time  for  scientific  inquiry  and  merely  mental 
investigation  of  the  how  and  the  Avhy  of  God's  wonderful  dealings  with 
men.  To-day  we  only  hear  the  omnipotent  words  of  the  Son  of  God 
transforming  bread  and  wine  into  His  own  Body  and  Blood.  His  word 
is  truth  and  His  power  is  omnipotence.  And  we  hear  only  His  words 
and  our  hearts  bow  down  before  the  miracle  of  His  power.  "  This  is 
my  Body;  this  is  my  Blood."  Either  God  is  not  God  at  ail  and  the 
whole  universe  is  mère  fiction  or  those  words  are  true.  He  who  doubts 
must  take  his  choice.  We  stand  with  God's  eternal  promises,  sublimely 
confident  aud  perfectly  sure  that  what  He  says  is  true.  And  like  the 
Apostles  who  twenty  centuries  ago  first  heard  thèse  wondrous  words  we 
kneel  before  His  divine  Présence  and  adore. 

The  whole  story  of  God's  dealings  with  man  is  summed  up  in  this 
tremendous  mystery  of  the  altar.  We  may  say,  in  a  manner  the  Blessed 
Sacrament  is  the  epitome  of  them  ail,  for  herein  is  ail  the  omnipotence 
of  that  power  which  created  the  universe  and  ail  the  intensity  of  that 
love  which  redeemed  it.  Out  of  nothing  the  power  of  God  created  ail 
things  and  the  same  power  changes  bread  and  wine  into  the  Body  and 
Blood  of  the  Son  of  God.     The  Âlmighty  Euler  of  ail  things  in  heaven 


—  64  — 

and  on  earth  goverus  the  universe  by  those  laws  which  He  Himself 
established.  Tliey  are  in  fact  after  ail  absolutely  responsive  to  His  will. 
They  do  not  and  cannot  regnlate  or  diminish  His  control,  for  they,  like 
everytliing  else  in  the  nniverse,  are  but  His  créatures.  He  has  but  to 
speak  and  they  obey.  Just  as  by  His  fiât  ail  things  came  into  beiiM^,  so 
at  His  command  nmst  they  follow  out  His  decree. 

The  power  to  change  substance  pertains  to  the  same  power  which 
created  ail  substance  outside  Himself. 

The  Son  of  God  with  ail  the  power  of  His  Eternal  Father,  with  ail 
the  truth  of  His  divinity,  is  equal  master  of  the  whole  universe  and  by 
Him  were  made  ail  things  that  were  made.  Transubstantiation  in  its 
essence  has  nothing  but  that  which  is  perfectly  consonant  with  our 
knowledge  of  God's  unlimited  power  over  ail  things. 

The  Incarnation  is  only  God's  infinité  love  yearning  for  a  doser 
union  with  mankind,  and  the  wonderful  plan  of  God's  insatiable  affec- 
tion to  bring  man  back  to  the  arms  of  his  Creator.  In  the  sacred  mystery 
of  the  Incarnation  the  Son  of  God  came  down  upon  our  earth  that  He 
might  bc  one  of  us,  that  by  giving  to  the  human  race  the  title  of  bro- 
therhood  with  Himself,  He  might  thus  bring  us  back  to  our  Eternal 
Father. 

Love  Graves  for  union  of  hearts  and  our  Blessed  Lord  assumed  our 
flesh  that  we  might  feel  His  doser  union.  For  thirty  years  He  lived 
among  men;  He  toiled  for  men;  He  suffered  and  died  for  men.  Surely 
ail  this  is  proof  that  there  is  absolutely  no  limit  which  the  infinité  love 
of  God  is  not  willing  to  reach  for  simple  love  of  His  own  weak  créature. 

If  the  Incarnation  proves  anything  it  certainly  proves  this  —  that  the 
infinité  love  of  God  will  assume  any  form,  no  matter  how  lowly,  how 
humble,  nay,  no  matter  how  seemingly  bereft  of  ail  external  dignity,  if 
only  by  so  doing  He  can  prove  His  love  for  humanity  and  win  back 
man's  love  to  Himself.  Création  and  the  Incarnation  both,  therefore, 
hâve  only  prepared  the  way  for  that  acme  of  God's  power  and  God's  love 
—  the  présence  of  Jesus-Christ,  body,  soûl  and  divinity,  under  the 
species  of  bread  and  wine. 

Our  blessed  Lord  became  man,  lived  His  mortal  life  upon  this  earth 
and  finally  offered  Himself  upon  the  cross  of  Calvary,  not  for  a  single 
race  of  men  alone,  not  for  a  single  nation,  nor  for  those  only  who  in- 
habited  the  earth  during  His  lifetime.  Eedemption  had  come  for  ail 
men  and  ail  races  and  ail  times,  through  the  precious  Blood  of  a  God- 
man,  shed  upon  Calvary's  tree.  Our  God  was  to  be  in  very  truth  Emma- 
nuel —  God  with  us. 

During  His  mortal  life  in  Judea  His  very  présence  radiated  salvation 
and  whcn  after  His  Passion  and  death  the  earth  should  see  Him  no 
longer  in  visible  human  form,  what  would  the  countless  générations  born 
after  His  time  do  without  Him?  Were  they  to  sink  back  into  the  mère 
sadness  of  the  memories  of  Bethlehem  and  Golgotha?  Were  they  only 
to  sigh  vainly  at  the  thought  of  what  they  might  hâve  been  and  what 
they  might  hâve  donc  had  they  been  privileged  like  Magdalen  to  kiss 
His  sacred  feet  or  like  Martha  to  minister  to  His  human  wants,  or  like 
John  to  lean  upon  His  loving  breast  or  merely  as  one  of  the  crowd  to 


MV.il  JntLCllJJSl,  aixlic'vêciiu-  de  .Mi.iiir.Ml. 


—  65  — 

look  upon  His  wondrous  face  and  hear  the  sweet  accents  of  His  voice? 
Was  ail  OUI-  Christian  inheritance  to  be  only  the  memories  of  God's  pré- 
sence among  a  people  who  loved  Him  not,  while  tlie  inyriads  of  lUs  own 
children  in  every  land  should  feel  forever  the  void  of  His  absence?  Ah  ! 
no,  the  Son  of  God  once  descended  npon  eartli  had  conie  down  among 
m  en  to  remain  with  them  till  the  end  of  time. 

His  visible  Imman  présence  was  but  tlie  beginning  of  that  inexhaust- 
ible  never-ending  union  with  each  single  human  souI  in  a  manner 
unspeakably  more  intimate  than  was  ever  possible  during  His  mortal  life 
upon  earth.  And  each  Inimblest  Christian  in  the  farthest  and  rcmote 
régions  of  the  world,  whithersoever  the  power  of  Christ's  priestliood 
might  penetrate,  was,  if  he  only  wished,  to  enjoy  the  living  companion- 
ship  of  the  God-man  in  a  relationship  a  million  times  more  close  and 
familiar  than  that  experienced  by  any  of  those  who  livtd  in  Judea  Avliik» 
God  wall^ed  among  men.  In  the  great  Sacrament  of  the  Holy  Eucharist 
He  gave  to  His  beloved  Spouse,  the  Church,  the  power  to  perpetuate 
His  divine  Présence  and  to  bring  the  omnipotent  influence  of  the  Pré- 
sence into  every  soûl  until  time  should  be  no  more. 

The  mère  thought  of  God  is  in  itself  an  awful  force  for  holiness  and 
justice  of  life.  The  very  consciousness  that  God  sees  us,  beholds  our 
actions,  and  hère  and  now  Judges  our  thoughts  and  our  deeds,  keeps  the 
soûl  in  the  holy  equilibrium  of  good  order.  How  many  a  temptation 
has  been  routed,  how  many  an  evil  thought  dispclled,  how  many  a 
wicked  deed  averted  by  the  mère  thought  of  God's  présence.  It  strength- 
ens  our  sensé  of  respousibility  and  weakens  the  grip  of  passion. 

The  might  of  this  wonderful  influence  was  doubly  feit  wlien  Jesus- 
Christ  stood  in  the  midst  of  sinncrs.  We  know  how  even  one  glance 
froni  His  eye  melted  the  hardest  hcarts  and  how  one  sweet  word  stirred 
the  depths  of  hitherto  impénitent  soûls.  Magdalen  and  Peter  and  the 
pénitent  thief  became  saints  under  the  irrésistible  influence  of  tlie  near- 
ness  of  God"s  love  to  them  in  the  person  and  présence  of  Jesus-Clirist. 

And  so  the  greatest  testament  Ile  could  ever  leave  to  His  Church  was 
the  perpétuation  of  this  same  divine  Présence,  equally  real,  equally 
powerful,  equally  irrésistible  and  even  more  communica])le  and  partak- 
able,  under  the  form  of  food  in  the  trcmendous  Sacrament  of  His  love; 
where  He  Himsell"  and  ail  that  He  is,  His  divinity  with  ail  its  omnipo- 
tence of  power  and  its  infinitude  of  love,  His  J3ody,  pure  and  ])eautiful, 
and  His  precious  Blood,  ail  hidden  under  the  appearances  of  bread  and 
wine.  And  so  the  Blessed  Sacrament  brings  God  really  nearer  to  us 
twenty  centuries  after  His  death,  nearer  our  hearts  to  love  Him,  nearer 
our  minds  to  behold  Him,  nearer  our  soûls  to  feel  Him  than  was  ever 
possible  before  its  institution. 

And  so  whcn  our  Blessed  Lord  said  to  His  Aii(i<tlcs  at  llic  inoinont  of 
their  ordination  :  ''  Do  this  in  commemoi-ation  of  Me,"  He  inteiided  l)y 
this  eternal  continuation  of  His  real  présence  in  His  Church,  to  live 
more  closely  united  to  humanity  during  ail  the  âges  to  corne  than  wlien 
visibly  présent  He  walked  among  men. 

And  tliis  eternal  mémorial,  a  God"s  présence,  was  to  l)e  forever  in  -i 
million  places  over  ail  the  earth.  so  manv  centers  from  which  sliould 
3 


—  6Q  — 

radiate  the  awful  power  of  sanctification,  consolation  and  holy  strength 
which  came  to  ail  those  who  were  privileged  to  beho^l  Him  during  His 
mortal  life  on  earth. 

No  need  then  for  any  of  us  to  envy  the  simple  shepherds  who  knelt 
in  adoration  around  the  holy  crib  ;  Jesus-Christ  ïïimself  is  hère  upon 
the  altar  as  truly  and  as  really  as  when  He  lay  in  the  manger  of  Beth- 

lehem. 

What  need  hâve  we  to  envy  the  leper  and  the  blind  and  the  hait,  who, 
touched  by  His  sacred  Hand,  felt  the  divine  power  of  God  thrilling  the 
blood  in  their  hearts  and  restoring  them  to  health  and  happiness  ?  Hère 
in  the  tabernacle  is  the  same  Jesus-Christ  and  the  same  infinité  power 
to  renovate  and  restore  us. 

What  need  hâve  we  to  envy  those  who  by  touching  the  hem  of  His 
o-arment  were  cured  of  their  ills,  since  in  Holy  Communion  He  enters 
into  the  core  of  our  very  existence  itself,  with  ail  the  power  of  His  div- 
inity  about  Him,  ready,  if  we  are  worthy,  to  perform  even  greater 
miracles  than  those  He  performed  in  Judea. 

How  transcendant,  above  ail  understanding,  is  this  sublime  mystery 
by  which  our  blessed  Lord  thus  perpétuâtes  the  influence  of  His  sacred 
Présence  ! 

In  the  Blessed  Sacrament,  the  Passion  and  the  Death  of  Christ,  the 
great  sacrificial  atonement  is  multiplied  ten  million  times.  What  has 
poor  fallen  man  left  to  offer  in  récognition  of  God's  sovereignty  over 
him?  jSTothing,  nothing  that  is  not  tainted,  nothing  that  is  not  mère 
smoke  and  ashes,  nothing  that  is  not  the  spoiled  remnants  of  God's  own 
gifts  to  man.  The  hands  of  ail  humanity  outstretched  forever  with  the 
best  that  men  could  ofEer  would  still  be  but  the  poor  bits  of  men's  pov- 
erty  offered  up  by  guilty  servants.  Our  Blessed  Lord  knowing  the 
pathos  of  our  wretchedness  became  in  the  Eucharist  both  priest  and 
oblation,  ofi'ering  daily  upon  a  thousand  altars  the  perfect  sacrifice  of 
His  own  Body  and  Blood.  Oh  !  thrice  holy  Mass  of  Christ's  Holy 
Church,  what  wealth  of  worship,  what  riches  of  expiation,  what  treasures 
of  grâce  are  thine  !  In  Thee  while  there  remains  a  priest  on  earth  God 
will  be  fitly  honored  and  the  infinité  fruits  of  rédemption  fitly  applied. 

Oh  !  Catholics,  let  us  begin  to-day  fully  to  realize  the  enormous  treas- 
ury  of  grâce  contained  in  the  central  act  of  the  Church's  worship.  Even 
one  Holy  Mass  offered  in  one  place  in  ail  the  world  would  hâve  in  itself 
such  value  that,  compared  to  it,  ail  the  wealth  and  gold  of  the  earth 
would  be  but  meanness  and  destitution. 

Oh  !  Catholics,  stop  for  a  moment  and  think  what  would  our  lives  be 
to-day  if  the  priesthood  of  Christ  were  extinguished  upon  earth  and 
never  again  till  the  end  of  time  the  Eucharistie  Sacrifice  should  be  offer- 
ed  upon  our  altars  !  How  destitute  would  ail  the  world  seem  then  !  What 
could  the  inventions  of  man  ever  produce  to  fill  the  aching  void  thus 
created  in  our  hearts  !  The  very  thought  makes  us  shudder.  Thanks  to 
God's  infinité  goodness  this  awful  anathema  will  never  come  upon  us. 

As  there  is  no  limit  to  God's  power,  neither  is  there  any  limit  to  His 
goodness,  and  so  the  Almidity  God  must  give,  and  dve,  and  give  until 
He  floods  the  universe.     To  nature  He  gives  life  and  being,  but  to  man 


—  67  — 

He  must  give  His  very  self  forever.  And  thr.s  the  limit  of  Gotrs  own 
generosity  is  reached  in  the  Sacrifice  of  Holy  Mass  and  the  Sacrament 
of  Holy  Communion.  "  This  is  My  Body  ;  eat  of  it  that  you  may  live." 
"  Tins  is  My  Blood  ;  drink  of  it  that  you  may  be  saved." 

And  thus  ail  the  doctrines  of  the  Church  conversfe  in  this  greatest  gift 
of  God  to  man.  Thus  ail  the  glorious  ritual  of  the  Church  centers''  in 
the  Sacrament  of  the  Altar.  Ail  the  long,  long  story  of  the  Church's 
progress  through  the  centuries  is  but  the  story  of  the  triumphal  pro- 
gress  of  the  Holy  Eucharist  down  the  âges  of  Christian  worship.  The 
whole  hierarchy  of  the  Church  receives  its  whole  dignity,  its  significance 
and  its  reality  from  the  institution  and  the  perpétuation  of  the  Most 
Blessed  Sacrament  of  the  altar.  Without  it  the  very  title  of  our  priest- 
hood  would  be  in  vain. 

The  sculptured  altars  erected  from  end  to  end  of  the  broad  earth  are 
but  the  sacrificial  stones  upon  which  this  pure  oblation  is  daily  offered. 
The  magnificent  basilicas,  stupendous  monuments  of  Christian  art,  are 
but  the  loving  shelter  ofïered  to  Christ's  precious  Body  and  Blood  rest- 
ing  within  the  tabernacle.  In  a  word,  the  Blessed  Sacrament  is  the 
Church's  all-in-all.     Possessed  of  it  ail  the  riches  of  heaven  are  hers. 

The  true  religion  of  Christ  is  His  own  Church,  not  merely  because 
she  holds  His  truth  and  His  law,  but  because  He  Himself  dwells  under 
her  roof.  So  that,  while  she  feeds  the  minds  of  her  children  with  His 
doctrines  and  guides  their  actions  by  His  precepts,  she  nourishes  their 
very  soûls  with  Himself.  Truly  the  words  of  the  Psalmist  hâve  become 
verified  in  the  life  of  Christ's  Church:  "  Memoriani  fecit  mirabilium. 
suorum,  misericors  et  miseratus  Dominus;  escam  dédit  timentibus  se." 

Come,  Christians,  heirs  of  Christ's  great  bounty  to  His  Church,  let 
us  kneel  and  adore  Him  in  the  great  Sacrament  of  His  love.  From  out 
our  grateful  hearts  let  us  acknowledge  the  endless  bounty  of  this  climax 
of  ail  His  generosity.  In  His  power  is  our  strength  ;  in  His  love  is  our 
salvation,  and  His  power,  and  His  love  we  humbly  adore,  beholding  His 
real  Présence  under  the  sacred  Species. 

And  Thou,  0  Food  of  our  soûls,  mystic  manna  of  etcrnal  life,  be  with 
us  ail  the  day  long  and  every  day  of  our  pilgrimage  hère  on  earth,  con- 
soling  us  by  Thy  divine  Présence,  strengthening  us  by  Thy  nourishment, 
healing  us  by  Thy  perpétuai  atonomont,  and  when  our  eyes  are  closing 
at  last  in  death,  come  to  our  soûls  in  that  suprême  moment  as  our 
Viaticum,  so  that  in  Thy  companv,  who  made  us  and  redeemed  us,  we 
may  enter  into  Thy  eternal  kingdom  where  no  longer  under  the  veil  of 
sacramental  mysterj-,  but  face  to  face  forever,  we  shall  see  our  God. 


—  GS  — 

SERMON  DU  R.  P.  HAGE,  0.  P.^ 

Mes  Frhres, 

"  Chantez  an  Seigneur  un  eanti(|ue  nouveau,  car  il  a  fait  des  choses 
merveilleuses  ! .  . . .  Le  Seigneur  a  manifesté  son  salut  :  aux  yeux  des 
nations  il  a  fait  éclater  sa  justice.  Il  s'est  souvenu  de  sa  miséricorde  et 
de  sa  fidélité  pour  la  maison  d'Israël.  .  . .  Acclamez  votre  Dieu,  chantez 
et  tressaillez  de  bonheur,  et  jouez  des  instruments....  et  poussez  des 
cris  de  joie  en  présence  du  Seigneur  votre  roi.  Que  la  mer  se  soulève 
avec  ce  qu'elle  contient,  le  monde  et  ceux  qui  l'habitent.  Les  fleuves 
battront  des  mains,  en  même  temps  que  les  montagnes  bondiront  d'allé- 
gresse à  la  présence  du  Seigneur." 

Mes  frères,  à  qui  s'adressent  ces  paroles  du  prophète?  N'assistons- 
nous  pas  aujourd'hui  à  leur  magnifique  réalisation?  Oui,  nous  chantons 
à  notre  Dieu  un  cantique  nouveau,  le  Cantique  du  Congrès  Eucharis- 
tique; oui,  notre  Dieu  s'est  souvenu  de  sa  fidélité  pour  la  maison  bénie 
du  Canada  ;  oui,  nos  fleuves,  notre  fleuve,  bat  des  mains  en  ce  jour, 
tandis  que  nos  montagnes,  notre  montagne,  tressaille  et  bondit  d'allé- 
gresse à  la  présence  du  Seigneur  qui  vient  la  visiter. 

Flumma  plaudent  manu.  —  0  fleuve  majestueux,  réjouis-toi  d'avoir 
apporté,  aux  bruits  applaudissants  de  tes  eaux,  des  milliers  d'adorateurs 
eucharistiques,  conduits  et  ]H-éc'édés,  sur  la  nef  privilégiée  dont  le  vrai 
pilote  fut  Jésus-Hostie,  par  le  premier  et  le  plus  pieux  des  adorateurs, 
l'Emineniissime  Légat  du  Saint-Siège.  Que  do  fois  déjà,  le  Seigneur 
t'a  choisi  pour  être  le  véhicule  de  la  foi  chrétienne  et  des  missionnaires 
qu'elle  a  inspirés  ;  ta  mission  fut  belle  entre  toutes  les  missions,  et,  pour 
l'avoir  si  bien  remplie,  tu  reçois  aujourd'hui  bénédiction  et  glorification. 

Simid  montes  exuUahunt.  —  0  montagne  de  Montréal,  tressaille  de 
bonheur.  Tu  reçois  en  cet  instant,  après  tes  sœurs  aînées  du  Sinaï,  du 
Thabor,  du  Golgotha,  la  visite  de  Dieu  qui  se  plaît  à  opérer  des  mer- 
veilles !  jSTe  crains  rien,  il  ne  descend  pas  vers  toi  dans  la  foudre  et  dans 
les  éclairs;  c'est  la  voix  du  Bien- Aimé:  le  voici  qui  vient,  bondissant  sur 
les  montagnes,  franchissant  les  collines.  (1)  Il  vient,  non  pas  chargé 
d'opprol)res,  comme  sur  la  montagne  du  calvaire,  mais  vêtu  de  splendeur 
et  quasi  glorifié  comme  sur  la  montagne  du  Thabor  ! 

0  fleuve,  0  montagne,  o  terre,  o  mer,  chantez  au  Seigneur  un  cantique 
nouveau!  et  que  ce  cantique  de  tout  un  peuple,  parvenu  à  la  gloire  de 
la  virilité,  soit  l)ien  l'écho  retentissant  et  reconnaissant  du  premier 
cantique  rju'à  l'heure  de  sa  naissance,  ce  même  peuple  chanta  au  Dieu  de 
l'Eucharistie. 

Il  fut  modeste,  le  chant  du  berceau!  Un  prêtre,  un  seul,  était  là  pour 
lui  donner  une  voix  de  sacrifice,  une  âme  d'immolation.  Le  premier 
autel  fut  dressé  par  (piatre  mains  do  feunnes  pieuses  et  pures,  et  bientôt 
Jésus-Hostie  entrait  dans  Montréal.  Il  y  entrait  pour  n*en  plus  sortir 
jamais  ;  il  y  entrait  en  conquérant,  en  fondateur,  en  TJoi  ;  il  y  entrait 


(1)    Cant.  II-8. 


—  G9  — 

avec  ses  promesses  et  avec  l'accomplissement  de  sa  parole.  Regardez-le 
le  grain  de  sénevé,  planté  en  terre  canadienne  à  l'aurore  du  18  mai  1642. 
Eemarquez-vous  qu'il  s'est  accru,  qu'il  s'est  multiplié,  qu'il  s'est  répandu 
dans  tout  le  pays?  Voici  qu'à  deux  cent  soixante-huit  ans  de  distance, 
une  autre  messe  se  célèbre  à  ciel  ouvert,  un  autre  reposoir  se  dresse  pour 
abriter  la  sainte  Hostie,  un  autre  autel  s'élève  pour  recevoir  l'adorable 
Victime,  et  à  cette  messe  assiste  une  grande  foule  que  personne  ne  peut 
compter,  de  toute  nation,  de  toute  tribu,  de  tout  peuple  et  de  toute 
langue,  (1)  et  autour  de  ce  reposoir  les  vieillards  du  sacerdoce,  nos  Pon- 
tifes, sont  assis,  revêtus  de  vêtements  étincelants  et  portant  sur  leurs 
têtes  des  couronnes  d'or  (2);  et  en  face  de  cet  autel,  l'univers  catlioli(|ue 
tout  entier  a  tenu  à  honneur  de  se  faire  représenter  pour  chanter 
l'hymne  triomphal  au  Christ  Roi  qui  gouverne  les  peuples  "  C'iiristum 
regem  ado-remus  dominantem,  gentibus.  (3) 


Au  Christ  Roi  notre  adoration! 

Dans  la  pleine  lumière  de  notre  conscience,  dans  l'ardeur  et  la  sincé- 
rité de  notre  âme,  par  les  ])rières  et  les  sacrifices,  par  la  dépendance  de 
tout  notre  être  et  s'il  le  fallait,  par  son  immolation,  nous  reconnaissons 
ici  publiquement  que  le  Christ  est  notre  Maître,  notre  Seigneur,  notre 
Rédempteur,  notre  Dieu.  Xous  professons  qu'il  est  notre  Roi  par  droit 
de  nature,  par  droit  de  conquête,  par  droit  d'élection.  Xous  croyons 
qu'il  est  le  principe  et  la  fin  de  toutes  choses,  la  source  d'où  dérive  toute 
grâce  ;  qu'il  n'y  a  point  de  salut  en  aucun  autre,  car  il  n'y  a  sous  le  soleil 
aucun  autre  nom,  donné  aux  hommes,  par  lequel  nous  devions  être 
sauvés  (4)  et  devant  lequel  tout  genou  doit  fléchir  au  ciel,  sur  la  terre, 
et  dans  les  enfers,  tandis  que  toute  langue  confesse  que  .lésus-Clirist 
est  Seigneur,  dans  la  gloire  de  Dieu  le  Père.  (5)  11  est  également  Sei- 
gneur dans  la  gloire  voilée  de  son  Eucharistie  :  c'est  là  qu'il  donne 
l'abondance  de  la  vie  à  ceux  qui  se  nourrissent  de  lui;  c'est  là  qu^il 
reçoit  les  hommages  de  vénération  et  du  respect  universels  ;  c'est  là  qu'il 
prend  possession  de  toutes  les  intelligences  et  de  toutes  les  volontés;  c'est 
là  que  l'humanité  tout  émue  vient  se  prosterner,  le  front  dans  la  pous- 
sière, le  cœur  dans  l'extase,  et  chanter  son  adoration  :  ''  Je  vous  adore 
"  dévotement,  o  Divinité  cachée,  qui  couvrez  sous  les  syml)oles  votre 
"  réelle  présence.  Tout  entier  mon  cœur  se  soumet  à  vous,  car  à  vous 
"contempler  il  défaille  tout  entier."  (G) 


(1)  Apec.  VII-0. 

(2)  Apoc.  TV-4. 

(3)  Ofr.  (lu  'I".  S.  Sacrement. 

(4)  Act,  IV,  12. 

(5)  riiilippc  IT.  10. 
(0)  Hyiinio  Adom  te. 


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Au  Christ  Roi  notre  obéissance! 


Il  faut  qu'il  règne  (1)  et  nous  venons  aujourd'hui  nous  incliner  avec 
respect  sous  le  sceptre  de  son  autorité  et  de  sa  puissance.  Nous  nous 
courbons  avec  bonheur  sous  son  joug  qui  est  doux,  et  nous  portons  allè- 
grement son  fardeau  qui  est  léger.  Loin  de  réclamer  l'indépendance  de 
l'esprit  qui  n'est  qu'orgueil,  ou  l'indépendance  de  la  volonté  qui  n'est 
que  blasphème,  ou  l'indépendance  de  la  morale  qui  n'est  que  folie,  nous 
déclarons  que  sous  le  joug  royal  de  la  vérité,  nous  soumettons  nos 
esprits,  que  sous  le  fardeau  royal  de  la  loi  évangélique  nous  réduisons 
nos  volontés,  que  sous  la  morale  royale  de  l'Eglise,  nous  sommes  fiers 
d'abaisser  tous  les  actes  de  notre  vie,  toutes  les  institutions  de  notre 
société.  N'avons-nous  pas  un  Roi  qui  est  le  modèle  des  obéissants, 
obéissant  lui-même  jusqu'à  la  mort,  et  jusqu'à  la  mort  de  la  croix,  et 
jusqu'à  la  mort  du  sacrifice  eucharistique?  Jurons  de  lui  rester  fidèles, 
fidèles  dans  la  reconnaissance,  fidèles  dans  l'attachement,  fidèles  dans 
l'imitation,  fidèles  aujourd'hui,  demain,  toujours. 


Au  Christ  Roi  notre  amour! 

Le  premier,  il  nous  a  aimés,  et  comme  il  aimait  les  siens  qui  étaient 
dans  le  monde,  il  les  a  aimés  jusqu'à  la  fin,  et  de  cet  amour  jusqu'à  la 
fin  le  si.gne  le  plus  manifeste,  la  preuve  la  plus  vivante,  l'effet  le  plus 
divin,  c'est  notre  Eucharistie.  Par  elle  il  complète  les  merveilles 
d'amour  qui  sont  sorties  de  son  Cœur;  par  elle  il  nous  attire  et  nous 
provoque  à  son  amour,  et  n'est-ce  pas  en  s'appliquant  à  l'Eucharistie 
que  la  parole  du  Père  Lacordaire  devient  profondément  vraie  et  admira- 
blement belle  :  Un  homme  a  rendu  tous  les  siècles  tributaires  envers  lui 
d'un  amour  qui  ne  s'éteint  pas  ;  roi  des  intelligences,  Jésus-Christ  est 
encore  le  roi  des  cœurs.  Qu'il  règne  donc  à  jamais  sur  nos  cœurs  !  Nous 
voulons  les  lui  donner  sans  esprit  de  retour,  nous  voulons  les  unir  à  son 
cœur  sacré,  et  clamant  vers  le  ciel  notre  plus  ardente  supplication,  nous 
lui  demandons  que  les  flammes  de  l'amour  divin  aillent  se  communiquer 
de  proche  en  proche  à  toutes  les  âmes  pour  les  consumer  dans  le  Christ, 
Fils  béni  de  Dieu,  qui  vit  et  règne  dans  les  siècles  des  siècles. 

0  Jésus,  descendez,  comme  vous  le  fîtes  autrefois  (2),  de  la  montagne 
où  nous  sommes  venus  vous  adorer,  vous  glorifier,  vous  remercier;  et 
arrêtez-vous  avec  toute  votre  tendresse  d'enseignement  et  toute  la  pitié 
de  votre  cœur  sur  cette  plaine  immense,  ori  se  trouvent  sans  doute  quel- 
ques âmes  débiles  et  malades,  mais  oii  se  trouvent  surtout  des  milliers 
de  cœurs  ardents  et  généreux.     Nous  sommes  là,  tous,  cherchant  à  vous 


(1  )    T  Cor.  XV.  25. 

(2)   Descendens  Jésus  de  monte,  stetit  in  loco  compestri...   et  ipse  dicebat  : 
Boati,  etc.   (Luc  VI-17-20). 


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toucher,  car  nous  savons  qu'une  vertu  s'échappe  de  votre  Eucharistie, 
vertu  de  guérison,  et  de  pacification,  vertu  de  lumière  et  de  pureté,  vertu 
de  perfection  et  de  salut.  Levez  sur  nous  vos  yeux  de  bonté  et  de  misé- 
ricorde ;  livrez-nous  la  science  de  la  vraie  doctrine  et  le  secret  de  la  vraie 
béatitude;  nous  voulons  communier  à  votre  pensée,  à  vos  désirs,  à  votre 
volonté;  nous  voulons  affirmer  à  la  face  du  ciel  et  de  la  terre  notre  foi 
aux  vérités  que  vous  nous  avez  révélées,  notre  espérance  dans  les  pro- 
messes que  vous  nous  avez  laissées,  notre  amour  sincère,  indéfectible, 
durable  autant  que  les  siècles,  autant  que  l'éternité. 


La  messe  en  plein  air  n'a  pas  nui,  ce  semble,  à  la  cérémonie 
qui  avait  lieu  à  la  même  heure,  dans  l'église  Saint-Patrice. 
Là  s'était  réunis  les  catholiques  de  lanoue  anglaise,  sous  le 
haut  patronage  des  cardinaux  Gibbons  et  Logue  et  rien  n'a- 
vait été  épargné  pour  en  faire  une  cérémonie  d'unique  splen- 
deur: procession  au  dehors,  chant,  illumination,  tout  était 
d'une  ordonnance  superbe  et  d'un  goût  exquis. 

Mgr  Glennon,  archevêque  de  Saint-Louis,  E.-U.,  fit,  à  Tévan 
gile,  le  sermon  dont  voici  le  texte  : 

OUR  EUCHARISTIC  KING 

"  Who  is  this  King  of  Glory  ?  the  Lord 
of  hosts,  He  is  the  King  of  Glory  ''  (Psalin 
23  V 10). 

I  -would  fain  not  stand  between  you  and  your  adoration,  but  if  we 
must  delay,  delay  as  it  were  on  the  threshold,  our  only  excuse  is  that  M-e 
ma}',  for  a  few  moments,  recount  the  glories  of  our  Eucharistie  King, 
so  that  when  we  bow  in  adoration  later  our  hearts  may  be  inflamed  with 
a  warmer  love  and  our  minds  (in  so  far  as  may  be)  expanded  to  the 
wonderful  truths  that  lie  behind  the  sacramental  veils. 

And  as  it  is  only  with  profoundest  humility  we  may  dare  to  enter 
where  angels  fear  to  tread,  so  also  must  humility  mark  our  discussion  of 
the  great  mystery  of  the  Eucharist.  As  Fulbertns  says,  "  This  great 
Sacrament  is  rather  to  be  feared  than  discussed.  Better  to  be  silent  in 
the  mysterious  présence  than  in  rash  disputation  to  define;  for  how  can 
the  corruptible  compass  the  perfect  One,  or  human  language  treat  the 
glory  of  the  divinity."  How  true  are  thèse  words.  The  more  we  think, 
the  more  we  are  abashed  at  the  great  mystery  ;  for  the  Blessed  Sacrament 
is  the  last  expression  of  the  divinity.  Ail  tliat  the  création  represents 
to  us  of  power  in  God,  or  purpose  in  the  beings  he  created  ;  ail  that  the 
history  of  bis  people  represents  of  an  Em.manuel  to  guide  or  to  préserve  ; 
ail  that  the  Incarnation  represents  of  a  love  that  surpasseth  ail  under- 
standing;  ail  that  the  passion  stands  for  of    sufîering  or   the  cross  for 


sacrifice;  ail  thèse  are  contained,  expressed,  applied  and  perpetuated  in 
the  hol}^  Eucharistie  Sacrament.  Turn  to  the  word's  history;  or,  if  you 
will,  to  the  history  of  the  worlds;  of  the  stars;  consider  in  them,  or 
beyond  ail  possible  existence  there  may  be,  and  see  in  the  dawn  and  glow 
of  thèse  créations  the  power  of  the  Infinité.  Corne  doser  and  see  in 
plant  and  flower  and  changing  sky  His  beaiity.  Eead  in  your  own 
hearts  His  mercy  and  love  ;  a  mercy  and  love  that  lias  been  brought  in  the 
deeds  of  the  Saviour  who  was  obedient  even  imto  death;  and  then  turn 
with  ail  you  inay  gather  froni  thèse  varied  fields  of  Providence,  power, 
beauty,  or  divine  compassion,  and  lo,  you  find  the  Blessed  Sacrament  in 
the  synthesis  of  them  ail. 

Little  was  there  in  the  institution  of  the  Blessed  Sacrement  to  indi- 
cate  the  Kingship  of  the  Saviour,  for  though  the  foreground  of  the  last 
Supper  is  lighted  up  with  the  love  and  dévotion  of  His  disciples,  yet 
the  background  was  ail  one  purple  pall  woven  of  sorrow,  insuit,  betrayal 
and  death.  The  Saviour  stood  in  the  shadows  of  an  impending  tragedy, 
the  purple  background  of  Holy  Tliursday  was  soon  to  deepen  into  the 
blackness  of  nigïit  and  the  complète  abandonment  of  Calvary. 

Yet  as  we  survey  the  âges  since  then,  and  follow  the  gleam  of  the 
Grail,  we  realize  that  though  defeat  was  everywhere  apparent,  and 
though  the  croM'n  He  wore  was  a  crown  of  thorns,  yet  even  than  a  King 
the  Saviour  was,  and  a  King,  our  King,  the  Eucharistie  Saviour  remains. 

The  early  years  of  the  Church  scarcely  bear  witness  to  this,  yet  we 
must  remember  that  as  Christ  in  Nazareth  lead  a  hidden  life,  so  is  there 
paralleled  His  hidden  Eucharistie  life  in  the  early  Church.  It  may  be 
according  to  His  own  blessed  will,  just  as  of  okl  wlien  they  would  niake 
Him  King,  He  fied  to  the  mountains,  so  in  thèse  early  days  while  His 
faith  and  love  found  a  home  in  the  hearts  of  His  followers,  yet  He,  the 
Eucharistie  Saviour,  would  not  be  found  where  pagan  splendor  reigned. 
Xot  on  a  throne  adorned,  but  on  some  rougli  hewn  altar  in  the  distant 
groves,  or  on  some  niche  in  the  winding  ways  of  the  catacombs,  around 
which  the  hunted  Christian  gathered  in  mute  adoration,  fearful  of 
speaking  even  their  message  of  love  to  their  King,  lest  the  expression  of 
it  overheard  by  the  soldiers  of  Rome  would  bring  them  also  to  their 
love's  and  their  life's  expiation  on  the  arena  of  the  Coliseum. 

The  early  Christians  preserved  their  King  not  alone  because  there  was 
persécution  for  them  in  acknowledging  their  Saviour,  Init  there  was  insuit 
to  their  Saviour  also  from  among  the  degraded  pagans  that  surrounded 
them.  Hcnce  the  Christians  worsliipped  in  secret  places  and  put  around 
His  worship  and  their  meeting  the  protection  of  silence.  As  you  are 
aware  the  "  disciplina  arcani  "  obtained  in  the  earlv  Church.  The  early 
Catholic  might  discuss  Avith  his  pagan  neighbor  the  emptiness  and  fal- 
sity  of  the  philosophies  then  current;  he  might  show  that  the  idols  of 
paganism  werc  only  wood  and  stone,  and  that  what  they  stood  for  was 
not  divinity,  but  the  shames  and  crimes  of  humanity.  He  might,  on 
Ihe  other  hand,  déclare  the  necessity  for  humanity  of  a  Tîedeemer;  that 
a  Messiah  was  promised  in  prophecy,  and  ihat  the  prophecies  were  ful- 
filled  in  Christ,  who  was  the  light  l)rinffer  to  a  world  of  darkness;  that 
in  Him  was  light  and  life,  and  hope.     But  no  pagan  may  enter  the  holy 


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of  holies.  Of  the  sacrament  and  the  great  Christian  mysteries  the 
Christian  must  be  silent  in  the  présence  of  paganism;  and  let  me  say 
that  specifîcally  he  must  be  silent  concerning  the  great  sacrament  of  tlie 
altar,  the  Church"s  greatest  treasure.  This  is  what  the  pagan  woukl 
least  understand  :  for  how  could  he,  who  belonged  to  a  loveless  world,  and 
whose  heart  was  Hke  his  idols,  cokl  and  dead,  nnderstand  the  love  that 
prompted  and  gave  only  adéquate  reason  for  this  Blessed  Sacrament. 
Hence  though  he  may  revile  the  Christian  worship,  declaring  that  little 
children  were  massacred  and  their  bodies  devoured  in  the  name  of  the 
Christian's  God,  the  Church  answers  him  not,  but  préserves,  Anthout 
apology  or  explanation,  the  divine  présence  and  the  sacrament  that 
em bodies  it. 

ISTo  Avonder  then  that  pagan  literature  lias  no  testimony  for  the 
Eucharistie  Saviour.  Its  testimony  at  best  could  be  only  that  of  calumny 
and  misrcpresentation.  But  when  we  turn  to  the  earlv  Church  itself  : 
when  we  enter  lier  inner  life,  then  wetind  that  every  Une  of  lier  history, 
every  meeting  place  of  lier  saints,  furnish  glorious  testimony  not  only 
to  their  belief  in  the  Eeal  Présence,  and  their  dévotion  thereto,  but  their 
conviction  that  to  them  and  to  the  Church  the  Blessed  Sacrament  was 
the  very  life  of  their  life,  the  basis  of  their  union  and  their  h  ope.  They 
met  daily  for  the  célébration  of  the  holy  mass;  and  though  persécution 
raged,  though  tracked  like  wild  beasts  by  their  tierce  persecutors,  who 
numbered  a  whole  city  full;  though  the  prisons  and  the  lions  were  im- 
patient of  their  prey:  they  braved  ail  for  the  great  privilège  of 
Avitnessing  again  the  sacrifice  of  Calvary,  and  partaking  of  the  Holy 
Communion.  It  was  their  "  Agape  "  or  love  feast.  Christ  was  again 
among  His  children.  What  mattered  then,  with  Christ  as  their  support, 
chains  or  exile,  what  mattered  torture  or  death.  They  had  tasted  of  the 
sweetness  of  the  Lord,  ail  else  must  thenceforth  be  but  as  a  passing 
shadow.  Oh,  thèse  ancient  davs  ;  what  blessed  memories  do  not  thev 
présent  of  the  Eucharist  King. 

It  is  however  to  the  Christian  âges  of  faith  that  we  must  turn  to  find 
an  outward  expression  of  what  was  already  in  the  Church's  heart.  Froin 
crypt  and  catacomb  the  Blessed  Saviour  ascended  to  the  glorious  reposit- 
ories  which  marked  the  beginning  of  the  great  temples  of  the  middle 
âges.  Xo  longer  subject  to  the  discipline  of  the  secret,  the  Blessed  Ilost 
émerges  in  the  light  to  receive  the  salutations  of  Christendom.  Already 
the  center  of  the  Church's  liturgy,  the  soûl  of  the  Church,  its  Holy  of 
Holies,  now  in  this  day  of  His  sacramental  triumph,  He  was  in  His  own 
words  to  draw  ail  things  to  Himself.  Of  thèse  âges  of  faith  in  their 
relation  to  the  Blessed  Eucharist,  I  find  no  apter  symbol  tlian  the  mon- 
strance  itself.  Take  the  monstrance  and  reverently  study  its  construction. 
Hère  lies  in  the  center  the  golden  cup;  around  it  are  woven  theemblems 
of  wheat  and  grapes.  Notice  ail  around  it  is  the  auréola  of  golden  rays, 
extending  like  spears  of  light  to  earth  and  hcaven,  air  and  sky,  sweeping 
as  it  were  the  entire  création,  Imt  ail  couve rging  to  the  Sacred  Host. 
jSTow  note  the  symbol.  Christ  is  the  center  of  ail.  He  bas  conquered 
death,  hence  He  draws  from  the  earth  :  He  is  the  ))romise  of  inimor- 
tality,  hence  heaven  is  brought  down.     He  demands  our  love,  our  hom- 


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âge,  oxu  licai'ts;  heuce  we  wlio  are  between  the  material  below  and  the 
hope  beyoud  should  lie  tribiitary  to  Him.  He  remains  with  us;  there- 
f  ore  must  we  make  earth  honor  Him  ;  theref  ore  must  we  make  tributary 
ail  tliat  earth  holds  precioiis  or  beautiful. 

And  ail  tliis  the  niiddle  âges  hâve  tried  to  do  for  their  divine  Visitant. 
First,  they  constructed  for  Him  the  shrine  set  in  marble  and  gold,  over 
it  the  dôme,  then  they  hâve  the  tower,  and  lo,  the  great  cathedral  arises. 
Thus  the  glory  of  architecture  and  genius  of  the  builders  are  made 
tributary  to  the  Blessed  Saviour,  You  may  say  the  great  church  build- 
ing stands  for  other  things  ;  that  for  instance  ;  not  one  but  ail  the 
sacraments  may  be  there  administered  ;  that  the  faihful  may  be  there 
instructed  ;  but  let  me  say  primarily  the  inspiration  unto  ail  church 
building  comes  f  rom  the  Eucharistie  présence.  Eunning  brooks  or  lake- 
sides  may  suffice  for  baptism,  and  the  humble  cottage  or  even  the  prison 
cell  for  confession,  but  for  the  holy  Eucharist  (earthly  sequel  of  the 
transfiguration),  a  temple  must  we  build,  worthy  in  so  far  as  we  can 
make  it,  of  its  heavenly  tenant.  Hence  we  witness  in  those  âges  the 
building  of  churches  and  cathedrals  ;  we  watch  them  rise  in  the  splendor 
of  a  new  architecture  that  weds  the  forest  to  the  sky.  We  see  them 
panelled  in  the  beauty  of  the  artist's  coloring  and  chiselled  out  in  lines  or 
exquisite  sculpture.  We  see  their  altars  high  lighted  in  reflection  of  pol- 
ished  onyx  and  Tyrian  marble,  and  ail  that  art  and  genius  can  do, 
exhausted  in  the  equipment.  And  ail  for  the  holy  purpose  that  the 
Saviour  may  hâve  a  home  on  earth  in  some  way  worthy  of  Him. 

But  the  middle  âges  not  only  gave  to  their  Eucharistie  Saviour  the  con- 
sécration of  their  genius  and  their  labor;  they  also  gave  their  minds  and 
soûls.  Their  theology  exhausts  His  love  in  exposition;  their  poetry  ex- 
presses the  sentiments  of  exalted  dévotion,  and  their  cérémonials  give  an 
embodim.ent  to  the  outward  world  of  how  they  wish  to  honor  their  king. 
They  would  exalt  Him  above  the  kings  of  the  earth. 

The  twelfth  century  brings  the  great  feast  of  Corpus  Christi  and  the 
day  of  the  Blessed  Lord's  Eucharistie  procession  is  inaugurated.  Watch 
the  doors  of  the  great  middle  âge  cathedral  swing  open.  See  come  forth 
in  long  array  crossbearer  and  acolyte,  youth  and  maiden.  They  carry 
banners  and  bear  torches  and  strew  flowers  on  the  way.  Hère  came  the 
old  and  the  rulers  with  bared  heads.  ISTow  they  give  no  command  ;  they 
bow  to  one  greater  than  they.  Hère  come  in  long  array  priests  and  pre- 
lates,  ail  united  in  the  democracy  of  common  dévotion.  And  now  we 
hear  from  the  dim  aisles  the  voices  of  song  "  Tantum  ergo  Sacramen- 
ium,"  it  is  taken  up  by  those  without;  it  is  answered  by  the  chiming 
bells  ;  it  réverbérâtes  from  the  hillsides,  where  the  cannon  boom.  Every- 
where  is  exaltation  and  révérence.  Well,  indeed,  may  the  people  exalt  ; 
well  may  they  claim,  "  There  is  no  other  nation  so  great  which  hath  its 
gods  nigh  unto  it  as  God  is  présent  with  us."  For  lo,  from  the  portais  of 
the  temple  is  now  seen  the  golden  canopy  beneath  which  is  carried  the 
Holy  Eucharistie  ;  the  Saviour  comes  to  His  own,  and  from  His  moving 
throne  He  blesses  the  city  and  the  world.  Around  the  city  the  Blessed 
Sacrament  is  borne  in  triumph,  amid  prayers  and  hymns  and  flowers. 
He  is  verily  the  King.  This  is  His  feast  day.  The  Fête-Dieu,  the  feast 
of  Corpus  Christi. 


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It  was  thus  Middle  Age  Catholics  honored  their  King.  Xor  was  their 
dévotion  limited  to  one  feast  or  to  one  day.  It  was  the  labor  of  their 
constant  love  to  exalt  with  ail  the  consécration  of  their  thoughts  and 
their  lives,  the  Blessed  Sacrament.  It  was  the  inspiration  of  their  lite- 
rature  and  art  ;  the  central  trnth  of  their  theology.  St.  Thomas  was  its 
poet  and  theologian.  Leonardo  de  Vinci  was  its  painter,  and  Christen- 
dom  bowed  in  its  triumph. 

Even  the  legends  of  the  times  were  wrought  around  the  mystic  King. 
You  hâve  heard  of  the  legend  of  the  holy  Grail.  It  was  believed  that 
the  cup  which  our  Blessed  Lord  used  at  the  first  consécration,  the  cup 
that  He  gave  to  His  apostles,  saying  :  "  Drink  ye,  ail  of  this,'"  —  was 
preserved  in  some  remote  cloister,  far  away  from  the  passions  and  homes 
of  men.  Now,  in  those  days  of  chivalry,  knights  might  assert  their 
prowess  in  joust  and  tournament,  but  when  a  knight  sought  some  work 
greater  than  ail  others,  then  his  highest  ambition  was  to  go  in  quest  of 
the  holy  Grail.  Yet  no  knight  dare  présume  such  a  mission  unless  he 
was  of  blameless  life.  Xo  stain  may  rest  on  lus  escutcheon;  no  sin  on 
his  soûl.  He  must  be  pure  of  heart,  and  a  spécial  bénédiction,  as  with 
Percival,  must  mark  his  mission.  So  ran  the  legend,  which  for  some 
may  be  regarded  as  only  a  subject  for  a  poeni,  but  for  us  represents  Ihe 
great  soûl  of  the  Middle  Ages  yearning  towards  the  Eucharistie  Saviour, 
praying  to  be  with  Him  and  to  be  found  worthy  even  of  once  beholding 
the  gleam  of  the  mystic  cup. 

Scarcely,  however,  had  the  Middle  Ages  blossomed  forth  in  the  great 
dévotion  to  the  Blessed  Sacrament  than  there  bas  to  be  chronicled  the 
great  déniai  of  the  real  présence,  for  that  is  what  Protestantism  really 
is.  I  will  agrée  with  you  that  Protestantism  has  many  forms  and  many 
définitions;  that  it  was  ostensibly  an  insurrection  against  the  authority 
of  the  living  Church  and  a  rending  of  its  unity.  I  know  also,  that  in  its 
logical  évolution  it  has  come  to-day  to  be  a  practical  déniai  of  nearly  ail 
revealed  truth,  and  of  ail  organized  Christianity  ;  but  its  essential  protest 
was  directed  against  the  Eucharistie  Présence.  There  lay  the  very 
head  and  front  of  its  offending;  an  attitude  it  had  persistenly  main- 
tained  from  the  déniai  of  transubstantiation  by  Martin  Luther  "down  to 
yesterday,  when  the  head  of  a  Protestant  nation  should  swear  blaspliemy 
against  the  Eucharistie  Saviour  if  he  would  wear  a  crown.  From  that 
déniai  necessarily  followed  the  déniai  of  a  priesthood,  for  the  priost  is 
such  because  he  consecrates  ;  and  with  no  priest  and  no  sacrifice,  liturgy, 
law  and  a  visible  church  become  meaningless  and  impossible.  True  it 
may  be  also  that  Protestantism  for  a  while  clung  to  the  garments  of  tlie 
Saviour,  while  they  denied  himself,  but  soon  even  the  garments  suft'ered 
the  fate  they  met  at  the  crucifixion.  The  factions  tore  them  asunder, 
until  now  scarcely  a  shred  is  left  for  their  consolation.  Hence  we  hâve 
to-day  the  spectacle  outside  the  Catholic  Church  of  various  forms  of 
creed  and  attempts  at  worship,  but  ail  lacking  the  grand  reality,  for  they 
bave  not  the  living  Saviour  of  the  Eucliarist.  Tlieir  clmrclies  are  cohl 
and  lifeless  ;  there  is  no  altar  there,  nor  light.  Their  people  are  as  sheep 
wandering  without  a  shepherd  ;  as  blind  men  leadiiig  the  blind. 

During  thèse  vears  of  déniai  and  betrayal  when  almost  ail  the  Xorth- 


—  7G  — 

laud  i'orsook  tlie  standard  oi'  tlie  King,  upturiied  llis  altars,  and  perse- 
cuted  the  few  that  roinained  l'aitliful  the  Blessed  Master  liad  again,  as 
in  the  Churcli  of  the  earlier  centuries,  to  meet  His  scattered  followers 
in  the  lonelv  ways,  where  Caesar's  armies  coidd  not  reach  Him,  or  dis- 
tinguish  in  His  lowly  disguise  the  banished  King. 

It  was  in  thèse  days  when  open  fealty  to  the  King  meant  death,  that 
courage  and  love  obedient  unto  death  were  shown  in  the  lives  oi  His 
faithi'ul  îe\Y.  It  was  shown  in  Germany,  in  those  parts  that  remained 
faithful  to  the  Church,  and  in  Engiand  by  a  few  who,  however,  as  the 
years  of  persécution  rolled  along  became  fewer  still;  but  in  Ireland  by 
a  whole  nation;  even  though  against  that  nation  were  liurled  the  armies 
of  King  and  Protector  their  swords  whetted  by  religions  bitterness,  their 
fury  fired  by  the  lust  of  conquest.  It  is  not  inopportune  that  in  this 
gre'at  Eucharistie  Congress,  this  litany  of  the  nations  in  the  praise  of 
their  King,  that  I  sliould  speak  a  word,  that  I  should  strike  a  chord, 
though  it  be  in  a  minor  key,  for  the  nation  whose  Apostle  is  patron  of 
this  sacred  édifice,  and  whose  exiled  sons  hâve  inade  possible  its  building. 
I  would  pass  by  the  days  of  the  schoolmen,  and  corne  to  those  later  days, 
namely  the  pénal  times  in  Ireland:  the  long  weary  years  when  the  Ca- 
tholic  faith  was  persecuted,  when  a  price  was  set  on  the  head  of  every 
'•  niass  priest  "  ;  when  the  churches  Avere  alienated,  desecrated,  burned  ; 
an  entire  country  pillaged,  and  its  people  driven  to  the  mountains,  or 
into  the  sea.  And  this  dread  Visitation,  unlike  the  storm  that  passes, 
unlike  the  plague  that  eats  its  lethal  way,  not  for  a  season  but  for  over 
two  hundred  years  brooded  over  the  land,  its  darkness  lightened  only  by 
the  ascending  fires  of  burning  homes,  or  the  gleaming  swords  of  the 
brutal  soldiers. 

It  is  easv  to  serve  in  fair  weather  :  the  test  of  dévotion  comes  when 
the  human'life  is  the  forfeit.  The  Irish  people  stood  the  test,  their  land 
to-day  is  hallowed  by  the  ashes  of  a  hundred  thousand  martyrs  of  the 
Blessed  Sacrament,  while  the  survivors  praying  their  "  De  Profundis  " 
for  the  dead,  cling  still  to  the  "  mass  priest,"  and  their  fealty  tried  by 
fire  is  ail  the  truer  to  their  King. 

It  was  during  thèse  pénal  days  that  the  "  mass  priest  "  sad  visaged 
and  hunted,  gathered  his  flock  out  in  the  mountain  fastness,  or  in  the 
shaded  valleys.  Knowing  that  the  enemy  was  near,  outposts  were  set 
so  as  to  guard  the  approach,  and  give  the  signal  of  approaching  danger. 
The  altar  linens  are  spread  on  the  crude  altar  stone,  the  ledge  of  rock, 
the  candies  are  lighted  and  the  priest  puts  on  the  sacred  vestments.  It 
is  not  a  scène  to  attract  the  eye  of  the  wordling;  there  are  no  marble 
columns,  no  tabernacle  of  gold,  no  fretted  roof,  no  dim-visted  aisle,  no 
organ  pealing,  no  glorious  chant,  no  censer  swinging.  But  for  people 
Buch  as  thèse  aroiind  love  crowns  ail,  love  transforms  ail.  For  them  the 
censer  swings  for  is  there  not  perfume  of  the  wild  flowers  that  bloom 
there,  of  purple  heathor,  of  fragrant  hawthorn;  vistas  there  are  too,  just 
as  nature  made  them  in  this  nature's  temple,  for  down  the  valley  are 
the  dim  aislcs  of  forest  trees.  For  chant  they  hâve  the  song  of  the  bird, 
and  the  murinur  of  their  own  hearts'  love,  that  love  of  Irish  liearts  for 
their  faith  and  their  Lord;  of  ail  others  on  this  earth  that  we  know  of 
the  tenderest,  the  truest  and  the  best. 


—  77  — 

Yet  little  tinie  liave  tliey  now  to  tliiuk  of  thèse  things.  The  mass  is 
commenced,  Ihe  priest  has  invoked  the  merey  of  God,  ''  Lord  hâve 
mercy  on  us."'  He  prays  for  the  living  and  the  dead.  He  reached  the 
solenin  act  that  brings  the  Saviour  down  to  His  peoplc.  With  bov^ed 
heads  and  révèrent  the  ^Deople  niurmur  words  of  wek-omc,  satisfied  that 
though  by  ail  the  world  forgotten  yet  will  He  not  forget  them. 

Bnt  why  the  alarm?  Alas,  thèse  moments  absorbed  in  worship  are 
taken  advantage  of  ;  the  enemy,  the  soldiers  of  the  kiiig  are  aroimd  them 
The  cry  repeated  in  the  long  ago  is  heard  again.  "  \Ve  hâve  no  King 
but  Caesar."  Down  with  the  mass,  death  to  the  "  mass  priest."  It  is 
the  tra2:edy  of  Calvary  again,  only  to  the  tragedy  is  added  the  desecra- 
tion.  The  blood  of  the  Saviour  and  his  priest  fiow  togcthor,  and  tlie 
dying  lips  of  the  priest  whisper  their  last  words  on  earth,  '^  Go,  the 
sacrifice  is  over." 

Qiiite  true  is  it  that  the  pénal  days  in  Ireland  hâve  ended  long  ago, 
and  if  the  memories  of  them  remain,  it  is  not  in  bitterness  nor  revenge. 
Xo,  they  are  thinking  now  not  of  tlieir  persecutors,  1)ut  how  best  they 
may  honor  and  serve  in  the  days  of  their  religions  freedom  the  King 
they  folio wed  during  the  long  night  of  persécution.  Xow  will  they 
restore  Him  to  the  churches  they  build.  churcbe?;  to  take  tho  place  of 
their  older  temples  from  whioh  He  has  been  driven,  and  they  bave  been 
driven,  and  they  bave  been  despoilcd.  They  will  cross  the  seas  bearing 
the  standard  of  their  Iving,  and  willingly,  generously  for  His  sake  seek 
"  new  races  with  their  living  and  mark  them  with  their  dead." 

It  were  invidious  to  recount  for  you  the  long  list  of  victories  won.  of 
monuments  erected  in  honor  of  their  Eucharistie  King  by  the  Irish 
people  both  in  their  own  land  and  beyond  the  seas.  But  they  are  not 
alone.  In  every  nation  of  Christendom  the  devoted  followers  of  the 
■King  are  growing  in  numliers  and  dévotion.  Indeed,  it  looks  as  if,  with 
the  succeeding  years,  the  Church  of  the  living  God  turns  with  intenser 
dévotion  to  the  great  reality  that  lies  concealed  in  its  keeping.  Never 
before  was  the  great  soûl  of  the  Church  more  closely  wedded  to  the 
Eucharistie  Emmanuel.  It  is  there  we  seek  our  inspiration.  He  is  our 
strength  and  consolation.  "\Ve  realize  as  ncver  before  that  the  truest 
test  of  Catholicity  is  the  Blessed  Savioui-  in  the  Eucharist,  tliat  those 
who  are  not  "ndth  Him  are  against  Him,  and  those  who  gather  not  with 
Him  scatter.  Xever  as  now  do  wc  realize  that  His  adorable  présence 
is  the  line  of  cleavage  l:ietweeii  faith  and  unfaitli,  l)etween  life  and  death. 

And  even  if  it  be  true,  as  undoubtedly  it  is,  that  from  maiiv  a  crowd- 
ed  city  where  erstwhile  Christ  reigned  as  King,  a  cry  of  hatred  is  heard  ; 
to-day  the  angry  out-burst  of  passion  against  tlie  Church,  and  ppofifically 
against  the  Eucharistie  Saviour,  the  cry  of  secularisni  and  infidelity  say- 
ing  again  :  "  We  want  no  king  but  Caesar,"  if  the  march  of  material 
progress  seeks  to  crowd  aside  the  procession  of  our  Eucharistie  King,  we 
who  march  can  answer  tbom  in  the  words  of  our  King  who  said  that  he 
had  "pity  on  the  multitude,"  and  would  meot  tlicir  liatrcd  willi  His  love 
and  their  mockery  with  His  sacrifice,  thus  winning  them  as  He  did  the 
pénitent  thief  on  the  cross. 

Ail  throush  the  world  to-dav  the  Eucharistie  Sun  envclopes  in  light 


—  78  — 

ail  it  touches,  and  fills  every  soûl  witli  cnergy.  Those  wlio  were  in  dark- 
ness  now  see  tliat  great  liglit.  Those  then  that  forsook  Him  has  He  not 
forsaken;  while  those  that  yearned  are  receiving  from  His  bounty. 
Every  where  this  great  Saerament  is  a  sacrament  of  piety,  a  sign  of 
unitv,  the  bond  of  peace.  Corne  with  me  to  see  the  triumphal  mardi 
of  our  King.  I  will  bring  you  first  to  the  lowly  places,  to  the  far  ont 
isles  of  western  Europe;  mingle  there  with  a  peasantry  kneeling  in  their 
mud  wall  chapels.  You  hear  their  silent  prayers,  and  see  the  Sacred 
Host  lifted  up  above  them  while  they  in  the  simplicity  of  gênerons 
hearts  niurmur  to  their  Saviour  :  "  caed  mille  f ailthe."  Their  Saviour 
is  to  them  a  thousand  times  welcome.  You  leave  the  aisle  of  Arran 
and  go  to  the  centre  of  a  mighty  nation,  and  there  amid  London's 
mighty  roar  not  far  where  there  is  still  left  for  our  dévotion  a  shrine 
where  the  Catholic  forefathers  prayed,  and  beneath  whicli  their  ashes 
still  repose.  You  watch  the  great  procession  of  purple  prelates,  of  de- 
voted  priests  pass  by,  you  see  again  the  Sacred  Host  lifted  up  as  the 
voice  of  Christ  blessing  the  city  and  the  world.  You  see  the  thousands 
bow  reverently  while  the  divine  blessing  descends,  and  you  begin  to  hope 
that  Christ  is  coming  to  His  own  again. 

We  cross  the  seas,  and  down  by  the  castellated  Ehine  we  see  the  proud 
old  city  wliose  beginnings  antedate  even  the  institution  of  the  great 
Sacrament.  We  see  the  twin  spires  of  its  famous  cathedral  which  stand 
out  in  the  valley  of  the  river  pointing  to  the  thousands  that  dwell  there, 
the  way  of  faith  to  the  kingdom  of  God.  And  hère  we  find  the  Saviour 
surrounded  by  a  devout  people,  where  ruler  and  servant,  the  mighty  and 
lowly  blend  together  in  one  grand  chorus  chanting  the  praise  of  their 
Master,  "  Tantum  Ergo  Sacramentum  veneremur  cernui." 

We  go  on  our  Southern  way,  it  is  still  the  triumphant  march  of  our 
Eucharistie  King,  on  right  and  left  thrones  of  tlie  Saviour  stand  in 
splendor  by  the  waters'  edge,  or  far  out  in  valley  and  woodland.  We 
reach,  beyond  the  Alps,  the  city  of  the  soûl.  It"  is  the  day  when  the 
great  high  priest  of  Christendom  will  celebrate  the  golden  Jubilee  of  his 
priesthood.  Already  the  great  church  of  St.  Peter  is  crowded  with  the 
faithful  from  every  nation,  and  ail  watch  expectantly  for  the  coming  of 
the  high  priest.  The  long  procession  formed  in  Vatican  halls  of  priests 
and  bishops  slowly  wends  its  way  into  the  great  édifice,  and  next  the 
Most  Eminent  Cardinals  composing  the  Sacred  Collège  are  seen  in  long 
procession  ;  the  eager  multitude  press  f  orward  anxiously  waiting,  expect- 
ing  the  Vénérable  Jubilarian.  They  may  not  see  his  entrance,  and  now 
the  silver  trumpets  announce  to  the  thousands  there  assembled  that  the 
Holy  Father  is  with  them;  borne  in  the  "  Sedia  gestatoria."  He  reach- 
es  the  great  altar  beneath  which  rests  the  ashes  of  St.  Peter,  to  whom 
first  is  given  the  command,  "  Do  this  in  commémoration  of  Me."  The 
Pontiff  is  vested,  He  commences  the  mass  for  himself  and  for  those 
standing  around,  and  for  ail  that  kingdom  known  as  the  Church  of  God, 
and  for  the  nations,  many  of  whose  représentatives  are  there  in  the  tri- 
bunes. They  will  sing  the  epistle  in  Latin,  and  again  it  will  be  sung 
in  Grcek.  For  east  and  west  shall  bow  to  the  Gospel  of  Christ,  and 
east  and  west  shall  recognize  His  kingship. 


—  79  — 

And  so  wliile  the  great  audience  is  hiished,  and  while  angels  adore, 
the  high  priest  the  Pontilf  of  the  Blessed  Sacrament  speaks  thc  words 
that  bring  to  the  altar  the  Saviour  of  men.  The  Pontiff  bows  and  v.ith 
him  the  great  multitude.  Hosanna  to  the  King.  Thus  it  is  the  Christ 
that  reigns;  God  alone  is  great,  and  howsoever  kings  may  rage  and 
peoples  fret  and  fume,  the  Saviour  there  enshrined  surrounded  by  loving 
hearts  has  the  world's  adoration  and  the  nations'  service.  From  the 
centre  to  the  sea  there  is  one  great  spiritual  Kiugdom,  and  Christ  in  the 
Holy  Eucharist  is  King. 

Is  further  illustration  needed?  If  it  were  necessary  is  it  not  furnished 
by  thèse  days,  in  this  royal  city?  The  city  royal  and  loyal  first  of  ail 
to  its  Eucharistie  Saviour.  Hâve  you  not  your  Mount  Koyal  hère,  and 
has  not  that  Mount  become  in  thèse  later  days  a  Mount  of  Transfigura- 
tion ?  Out  in  the  far  distant  Eocky  Mountains,  there  is  set  upon  one  of 
the  highest  slopes  by  nature  a  great  white  cross.  They  call  that  mount- 
ain  the  Mountain  of  the  Holy  Cross,  and  for  miles  and  miles  ail  around 
that  symbol  stands  an  emblem  of  light  for  those  that  believe,  a  source 
of  wonder  for  ail  the  passers  by.  But  this  is  after  ail  only  an  accident 
of  nature,  while  on  this  Mount  Eoyal  has  been  set  the  gift  of  God,  the 
Eucharistie  Saviour  himself.  And  with  eyes  of  faith,  that  white  light 
streaming  from  the  mountain  may  be  seen  to  radiate  ail  around  ;  north- 
ward  even  until  it  blends  with  the  mystic  light  of  the  aurora  borealis, 
while  southward  its  way  is  set  until  it  passes  beneath  the  Southern  Cross. 
And  ail  of  us  children  of  the  western  world  turning  to  that  lidit,  mav 
say  again  with  St.  Peter,  "  To  whom  Lord  shall  we  go  but  to  Thee." 
"  Thou  hast  the  words  of  eternal  life."  So  coming  to  Him  our  Saviour 
and  our  King  we  place  at  His  feet  our  fealty,  dévotion  and  love,  and 
speak  again  in  the  terms  of  triumphant  hope.  "  Vincat  Christus,  vivat 
Rex." 


Voici  le  dernier  jour,  radieux  et  serein,  vrai  jour  du  ciel, 
jour  de  joie,  jour  de  fête,  jour  longtemps  attendu,  jour  salué 
enfin  dans  un  inexprimable  sentiment  de  bonheur.  Toute  la 
ville  est  en  mouvement.  Hier,  pendant  toute  la  journée,  ce 
matin  surtout  les  trains  venus  de  tous  les  points  ont  amené 
une  foule  innombrable  d'étrangers.  Les  rues  sont  envahies  et 
d'une  circulation  difficile. 

C'est  à  la  cathédrale  qu'a  lieu  l'office  de  clôture.  Le  car- 
dinal-légat y  célèbre  la  messe;  le  cardinal  Gibbons  prêche,  en 
anglais,  à  l'évangile;  ]Mgr  Touchet  prêche  en  français  après 
la  cérémonie.  L'église  est  pleine  à  déborder:  les  évêques,  les 
représentants  des  gouvernements  et  de  la  ville  y  sont  pré- 
sents en  grand  nombre;  la  décoration  et  le  chant  sont  magni- 
fiques. 


—  80- 
Voici  les  deux  discours  : 

SERMON   PREACHED   BY   HIS   EMINENCE     CARDINAL   GIBBONS. 


"  The  World  was  niade  flesh  and  dwelt 
among  us."  —  John  I. 

It  is  relatecl  in  the  life  of  thc  Patriarcli  St.  Antlionv  that  on  a  certain 
occasion  he  received  a  letter  full  of  filial  homage  and  affection  from 
Constantine  the  Great.  And  the  letter  was  signed  not  only  by  the 
Emperor,  but  also  by  his  two  sons  Constantius  and  Constans. 

The  disciples  of  Anthony,  learning  that  their  father  was  honored  by 
a  spécial  epistle  from  the  Emperor,  were  naturally  elated  and  filled  witli 
complacenc}',  and  the  vénérable  Patriarch  observing  the  exultation  de- 
picted  on  their  faces,  remarked  to  them  :  "  You  rejoice,  my  sons, 
becaiise  the  Emperor  lias  written  to  me.  But  shoiild  it  not  l)e  a  cause 
of  greater  astonishment  and  dcliglit  to  you  that  our  Eternal  Father,  the 
King  of  kings  and  Emperor  of  emperors,  has  written  to  us  l)y  His  be- 
loved  Son,  and  has  made  us  partakers  of  the  divine  nature  ?  " 

And  now,  dearly  beloved,  assembled  as  we  are  in  this  cathedral  church, 
and  at  the  close  of  a  most  consoling  and  successful  Eucharistie  Congress 
and  after  partaking  of  tlie  banquet  of  the  Lord,  should  not  we  rejoice 
with  Anthony  in  the  dignity  and  the  inestimable  blessings  Ave  possess  as 
members  of  the  Cliristian  family? 

It  is  customary  for  a  king  on  the  occasion  of  his  coronation  to  bestow 
some  titles  and  distinctions  on  a  number  of  his  most  conspicuous  and 
devoted  subjects.  During  thèse  past  days  you  hâve  crowned  Christ  the 
Lord  as  your  King,  as  well  as  your  Pligh  Priest.  You  bave  always 
acknowledged  and  proclaimed  His  spiritual  sovereignty  over  you.  He 
reigns  now  over  your  intellect  and  reasoning  powers,  over  your  heart 
and  affections,  over  your  imagination  and  memory,  and  over  the  whole 
empire  of  your  soûl.  And  I  need  not  tell  you,  enlightened  Christians, 
that  tlie  homage  you  pay  to  your  heavenly  King,  far  from  lessening, 
rather  strengthens  and  purifies,  ennobles  and  consecrates,  your  allegiance 
to  your  temporal  rulers. 

And  wliat  does  Christ  give  you  in  return  for  your  loyalty  to  Him  ? 
Ah,  my  Brethren,  no  earthly  monarch  can  reward  his  subjects  as  bounti- 
fully  as  the  King  of  heaven  rewards  His  servants.  We  know  from 
history  how  uncertain  and  capricious  are  the  smiles  and  promises  of  tem- 
poral rulers.  Xo  m  an  ever  servod  his  sovereign  with  more  unswerving 
fealty  lluin  Cardinal  Wolscy  served  Heury  VIII.  But  when  he  lost  the 
King's  favor,  wcU  coiild  he  exclaiin  in  Ibe  anguish  of  his  soûl:  "  Had  I 
served  my  God  with  half  the  zeal  I  bave  served  my  king,  He  would  not 
in  mine  ohl  ago  bave  left  me  naked  to  mine  enemies." 

Wliat  litle  llien  does  Christ  confer  on  you  for  your  allegiance  to  Him? 
He  créâtes  yon  the  adopted  children  and  heirs  of  His  Eternal  Father. 
He  becomes  the  Son  of  Mary  that  you  might  becomc  thc  sons  of  God. 


—  SI  — 

"  Wheu  the  fullness  of  time  was  oome,"  says  tlie  Apostle,  "  Goil  sent 
His  iSon,  Iliade  of  a  woman,  made  under  the  la\A',  tliat  He  might  redeeiu 
us,  tliat  we  miglit  receive  the  adoption  of  sons.''  Thus  by  one  act  of 
divine  elemenc}',  a  threefokl  blessizig  is  conferred  on  us;  tlie  staiiis  of 
guilt  are  washed  away,  the  chains  of  spiritual  bondage  are  striei<en 
from  our  feet,  and  we  are  adopted  into  tlie  family  of  God  to  enjoy  the 
glorious  liberty  of  children  of  God. 

"  Behold,"  cries  ont  St.  John,  "  what  nianner  of  charity  the  Father 
liath  bestowed  on  us,  that  we  sliould  be  called  and  should  be  the  sons  of 
God."  "  Dearly  beloved,'"'  he  continues,  "  we  are  now  the  sons  of  God, 
and  when  He  shall  a-ppear,  we  shall  be  like  to  Hini  because  we  shall  -.-ec^ 
Him  as  He  is." 

St.  Augustin  in  his  imniortal  work.  '"  The  City  of  God,"  says  that 
niany  rulers  and  gênerais  of  Pagan  antiquity  desired  to  impress  upon 
their  subjects,  as  well  as  on  theniselves,  the  conviction  that  they  were 
descended  from  the  gods,  so  that  the  consciousness  and  récognition  of 
their  divine  origin  might  stimulate  them  to  heroic  deeds  and  command 
the  admiration  of  their  followers.  Thus  Alexander  the  Great,  iEneas, 
Scipio,  Romulus,  and  Cœsar  were  regarded  as  the  offspring  of  the  gods. 

But  wliere  their  titles  were  imaginary,  you,  as  St.  Augustin  renia rks, 
can  with  truth  lay  claim  to  the  title  of  children  not  indeed  of  heathen 
divinities^  but  of  the  one,  true  and  living  God.  Children  of  the  Most 
High,  when  temptations  assail  you,  when  the  Démon  attempts  to  en- 
snare  you  in  his  toils,  say  to  him:  Begone,  Satan.  I  am  a  son  of  God;  I 
was  born  for  greater  things.  I  am  destincd  for  heaven.  I  hâve  dined 
with  the  King.  I  hâve  come  from  the  banquet  of  the  Lord.  The  blood 
of  Christ  flows  through  my  veins.  Those  lips  which  are  purpled  with 
the  blood  of  the  Lamb  must  not  be  polluted.  I  hâve  been  nourished 
with  the  bread  of  angels,  and  with  God"s  grâce,  I  shall  never  dégrade 
myself  by  feeding  on  the  husks  of  swine. 

•'  And  when  He  shall  apj)ear,  we  shall  be  like  to  Hiin,  for  we  shall  see 
Him  as  He  is."  We  shall  be  like  Him  in  justice  and  sanctity:  like  Him 
in  immortality;  like  Him  in  eternal  glory  and  Ijcatitude.  As  the  atoni, 
sparkling  in  the  sunbeam,  partakes  of  the  splendor  of  the  sun,  so  shall 
we,  basking  in  the  eternal  sunshine  of  God's  présence,  participate  in  His 
glory  everlasting. 

How  much  more  familiar  and  affectionate  is  God's  treatment  of  us 
than  was  His  condnct  towards  the  children  of  Israël,  though  they  were 
His  chosen  people  !  The  Jews  lived  under  the  law  of  fear.  They  Avere 
governed  by  fear;  they  were  restrained  from  vice  more  by  the  fear  of 
punishnient  than  by  the  liope  of  reward.  You  may  search  tlie  Old  Tes- 
tament, from  Genesis  to  Machabees,  and  you  will  very  rarely  find  the 
Hebrew  people  presuming  to  call  God  their  Father.  They  addressed 
Him  as  their  Lord  and  Master,  their  King,  their  l?ider,  their  Judge  and 
Avenger. 

"  Not  so  you,"  says  St.  Paul,  addressing  the  Christians  of  his  time. 
"You  hâve  not  received  the  spirit  of  bondage  again  in  fear,  but  you 
hâve  received  the  spirit  of  ado])tion  of  sons  whereby  we  cry,  Abba, 
Father.  For  the  Spirit  Himself  giveth  testimony  to  our  spirit,  that  we 
are  the  children  of  God;  and  if  children,  heirs  also,  heirs  indeed  of  God, 


—  s-.^  — 

and  joint  heirs  with  Christ  —  vet  so  if  we  suffer  witli  Him^  that  we  may 
be  also  giorified  witli  Him/' 

In  addressing  our  prayers  to  God,  wliat  naine  is  so  frequently  on  our 
lips  as  the  name  of  Father?  The  name  of  Father  is  applied  to  God 
two  hundred  and  sixty  times  in  the  New  Testament,  though  the  New 
Testament  occupies  less  than  one  fourth  of  the  space  of  the  Old  Testa- 
ment. And  what  prayer  is  more  familiar  to  us  than  that  hest  and 
most  comprehensive  of  ail  prayers,  the  "  Our  Father,"  given  to  us  by 
our  Lord  Himself.  Like  little  children,  who  instinctively  run  to  their 
earthly  parents,  we  can  rush  in  spirit  into  the  arms  of  our  Father,  and 
say  to  Him  with  ail  the  confidence  of  a  child:  Our  father,  who  art  in 
heaven. 

In  being  made  the  children  of  God  by  adoption,  we  also  become  the 
brothers  and  sisters  of  Jésus  Christ.  "  Jésus  is  not  ashamed  to  call  us 
His  brothers,"  says  the  Apostle.  Would  you  not  hesitate  to  recognize  a 
fallen  brother  who  has  dishonored  his  name  and  his  family  by  a  life  of 
dissipation  ?  How  often  hâve  we  grieved  our  elder  Brother  Jésus  Christ 
by  our  unchristian  lives  !  How  often  hâve  we  defiled  that  sacred  image 
of  our  Father  which  is  stamped  on  our  immortal  soûls  !  And  yet  Jésus 
is  not  ashamed  to  call  us  His  brothers.  Nay,  He  leads  us  to  the  waters 
of  life  where  those  stains  may  be  washed  away,  so  that  the  image  cf  His 
Father  and  of  our  Father  may  appear  once  more  resplendent  on  our 
soûls. 

Shortly  before  his  death,  the  disciples  of  Jésus  Christ  had  abandoned 
Him  in  a  suprême  moment,  when  their  loyalty  was  put  to  the  test.  One 
of  them  had  betrayed  Him.  Another,  and  he  was  the  leader  of  the 
Apostolic  band,  had  denied  Him.  New  what  is  the  first  message  that 
Christ  sends  His  disciples  after  His  Eesurrection  ?  Does  He  reproach 
them  for  their  treachery  and  cowardice?  Does  He  rebuke  them  for 
having  forsaken  Him  in  His  hour  of  trial?  He  makes  no  allusion 
whatever  to  their  ignoble  conduct,  but  He  sends  them  this  message  of 
love  :  "  Go,"  He  says  to  Magdalen,  "  and  tell  My  brothers  that  I  ascend 
to  their  Father  and  to  my  Father,  to  their  God  and  to  My  God." 

I  cannot  find,  even  in  the  pages  of  the  New  Testament,  a  more  strik- 
ing  lesson  of  large-hearted  toleration  and  benevolence  than  is  contained 
in  this  passage.  Let  us  imitate  our  Master,  and  tear  from  our  heart 
every  fibre  that  does  not  pulsate  with  sentiments  of  genuine  forgiveness. 
Do  not  tell  me  that  it  is  unmanly,  slavish,  and  cowardly  not  to  resent  an 
injury.  That  is  the  conventional  language  of  a  depraved  popular  opi- 
nion. It  is  the  highest  type  of  moral  courage  to  condone  an  injury. 
It  is  the  part  of  the  animal  man  to  avenge  an  insuit.  It  is  only  God 
and  the  sons  of  God  that  hâve  the  magnanimity  to  forgive. 

Jésus  came  down  from  heaven  to  earth,  that  He  might  lift  us  up  from 
earth  to  heaven.  He  assumed  our  frail  human  nature  that  He  might 
make  us  partakers  of  the  divine  nature.  Though  He  is  God  of  God, 
Light  of  light,  true  God  of  true  God,  begotten  not  made,  consubstantial 
to  His  Father  by  whom  ail  things  were  made,  yet  He  becomes  bone  of 
our  bone,  and  flosh  of  our  flesh  that  He  might  infuse  into  us  the  spirit 
of  life  and  immortality. 


—  83  — 

Angels  fell  as  well  as  man.  Lucifer  sinned  as  well  as  Adam.  Yet 
Jésus  did  not  take  on  Hini  angelic  nature  that  ïïe  might  redeem  fallen 
angels;  but  He  assumed  human  nature,  that  He  might  redeem  fallen 
man.  This  though  did  not  escape  the  penetrating  mind  of  St.  Paul, 
who  says  :  "  Christ  did  not  take  on  Himsclf  the  nature  of  angels,  but  He 
took  on  Himself  the  nature  of  Abraham."' 

He  made  Himself  a  slave,  that  we  might  enjoy  the  glorious  liberty  of 
children  of  God.  He  beeanie  poor,  that  we  might  possess  the  inest- 
imable riches  of  divine  grâce.  '"'  You  know,"'  says  St.  Paul,  "  the  grâce 
of  our  Lord  Jésus  Christ,  that  being  rich,  He  became  poor  for  our  sakes, 
that  through  His  poverty  we  might  be  rich.'"' 

There  is  a  story  told  that  Edward  L,  King  of  England,  while  fight- 
ing  in  Palestine  to  rescue  the  Holy  Land  from  the  hands  of  the 
Saracen,  was  stabbed  in  his  tent,  by  an  assassin,  witli  a  poisoned  dag- 
ger.  His  devoted  wife  Eleanor  sucked  the  poisoned  wound,  and  at  the 
risk  of  her  own  life,  saved  the  life  of  lier  husband.  While  I  cannot 
vouch  for  the  accuracy  of  the  narrative,  it  will  serve  to  point  a  moral. 
Has  not  Christ  done  more  than  this  for  us  ?  He  has  extracted  from  our 
soûls  the  poison  of  sin,  not  merely  at  the  risk,  but  at  the  sacrifice  of  His 
life.  He  died  that  we  might  live.  "  He  was  wounded  for  our  iniqnities. 
He  was  bruised  for  our  sins." 

And  coming  among  us,  He  does  not  présent  Himself  to  us  empty- 
handed,  like  a  poor  relation,  but  laden  with  gifts.  He  has  left  us  His 
Gospel  to  be  a  lamp  to  our  feet,  a  liglit  to  guide  us  in  our  pilgrimage 
of  life. 

He  has  prepared  for  us  the  great  banquet  of  the  Eucharist,  —  great 
in  ail  respects,  —  gr-eat  in  the  Host  who  is  no  other  than  our  heavenly 
Father  Himself:  great  in  the  food  set  before  us,  which  is  the  body  and 
blood  of  His  Son;  great  in  those  who  minister  at  the  Holy  Table,  who 
are  the  invisible  angels  of  heaven;  —  great  in  the  number  and  variety 
of  the  guests  who  belong  to  every  nation  and  tribe  and  people  and 
tongue  of  those  dwelling  under  the  canopy  of  heaven,  and  who  are  so 
well  represented  by  the  immense  audience  now  assembled  before  me. 
Above  ail,  great  is  the  Feast  by  reason  of  the  eternal  recompense  prom- 
ised  to  those  who  shall  worthily  partake  of  it  by  presenting  themselves 
in  a  nuptial  garment  :  "  I  am,"  says  Christ,  "  the  living  Bread  that  came 
down  from  heaven.  If  any  man  eat  of  this  bread,  he  shall  live  for  ever, 
and  the  Bread  which  I  shall  givc,  is  My  flesh  for  the  life  of  the  world. 
He  that  eateth  Mv  flesh  and  drinketh  My  blood,  hath  everlasting  life, 
and  I  vnW  raise  him  up  at  the  last  day."' 

And  to  control  our  wayward,  wandcring  spirit,  the  Lord  plant'S  in  tho 
midst  of  our  soûl  the  Spirit  of  Truth  to  steer  our  course  amid  the  storms 
of  life,  as  the  compass  guides  the  bark  through  a  dark  and  tempestuous 
océan:  "T  will  not  loave  you  orphans,''  Hc  says,  "but  will  send  you  the 
Paraclete,  the  Comforter,  and  whon  He,  the  Spirit  of  Trutli,  is  corne, 
He  will  teach  you  ail  truth."  "Know  ye  not,"  says  the  Apostle,  "that 
ye  are  the  temples  of  God,  and  that  the  Spirit  of  God  abideth  in  you  ?  '" 
This  is  not  ail.  Ascending  to  heaven,  Jésus  is  thore  our  Advocato 
before  the  Fathor,  pleading  continually  for  us:  "  My  little  children." 
says  St.  John,  "  thèse  things  I  write  to  you  that  ye  sin  not.     But  if  any 


•  —  SI  — 

one  sin,  we  liave  an  Advocate  witli  tlie  Fatlier,  Jésus  Christ  tlie  just." 
We  know  tliat  in  tlie  Old  Law,  God  was  often  pleased  to  spare  His 
cliosen  people  for  the  sake  of  His  servants  Abraham,  Isaac  and  Jacob. 
If  the  Lord  was  so  gracious  to  the  prayers  of  His  servants,  what  will  He 
refuse  to  the  pleadings  of  His  Son,  "  in  whoni  Hc  is  well  pleased  ?  "  The 
blood  of  Abel  cried  to  heaven  for  vengeance  against  his  brother  Gain. 
The  blood  of  Jésus  cries  for  mercy  towards  His  brethren.  He  exhibits 
His  wounds  as  so  many  open  mouths  crying  out  day  and  night  :  ''  Spare, 
0  Lord,  spare  Thy  people,  and  give  not  Thine  inheritance  to  reproach." 

Dearly  beloved,  what  dignity  can  be  compared  to  this?  You  will  hear 
men  boasting  of  their  genealogy,  and  glorifying  in  being  the  descendants 
of  kings  and  emperors  and  illustrions  personages.  But  how  much  more 
honorable  is  it  for  you  to  claim  as  your  ancestors  in  the  Faith,  the  Pa- 
triarchs  and  Prophets,  the  Apostles  and  Martyrs,  the  Gonfessors  and 
Yirgins  of  the  Ghurch  !  How  much  more  glorious  for  you  to  hâve  with 
the  Saints  one  common  Father  who  is  God,  one  Mother,  the  Ghurch, 
the  same  brother,  Jésus  Christ,  and  to  possess  with  theni  "  one  Lord, 
one  faith,  one  baptism,  one  God  and  Father  of  ail." 

St.  Paul  did  not  fail  to  remind  his  new  converts  of  thèse  great  privi- 
lèges which  they  enjoyed;  "  Now  therefore,"  he  says,  "ye  are  no  longer 
strangers  and  foreigners  ;  but  ye  are  the  fellow-citizens  of  the  Saints, 
and  of  the  household  of  God,  built  upon  the  foundation  of  the  Prophets 
and  the  Apostles,  Jésus  Christ  Himself  being  the  chief  corner-stone." 

May  I  not  then  say  to  you  in  the  language  of  blessed  Peter  ;  "  Lord, 
it  is  good  for  us  to  be  hère."  Yes,  it  is  good  for  us  to  be  in  Thy  Ghurch  ; 
for,  in  coming  to  the  Ghurch,  says  St.  Paul,  "  we  hâve  corne  to  Mount 
Sion,  and  to  the  city  of  the  living  God,  the  heavenly  Jérusalem,  and  to 
the  Company  of  many  thousands  of  angels,  and  to  the  Ghurch  of  the 
first-born  who  are  written  in  the  heavens,  and  to  God,  the  Judge  of  ail, 
and  to  the  spirits  of  the  just  made  perfect,  and  to  Jésus  the  Mediator 
of  the  'New  Testament." 

May  I  not  say  to  you,  not  in  the  language  of  exaggeration,  but  in  the 
inspired  words  of  the  Prince  of  the  Apostles  :  "  Ye  are  a  chosen  géné- 
ration, a  holy  nation,  a  purchased  people,  a  royal  priesthood."  A^ou  are 
a  chosen  génération,  —  chosen  from  thousands  and  millions  of  others 
who  know  not  God,  but  who  are  wandering  in  the  darkness  of  idolatry: 
a  holy  nation;  "  He  hath  not  done  alike  to  other  nations,  and  hath  not 
manifested  His  mercies  to  them  as  He  hath  to  you."  "  For  what  nation 
or  people  is  like  to  ours  who  hâve  their  God  so  nigh  unto  them  as  our 
God  is  nigh  unto  us,"  yea,  within  the  very  tabernacle  before  us.  A  pur- 
chased people  ;  purchased  not  with  corruptible  gold  and  silver,  but  with 
the  precious  blood  of  Jesus-Christ.  The  pen  with  which  Abraham 
Lincoln  signed  the  decree  emancipating  several  millions  of  Negroes  from 
civil  slavery,  is  preserved  as  an  hcirloom.  Has  not  Christ  emancipated 
us  from  a  bondage  far  more  galling  than  that  of  African  slaves.  —  the 
servitude  of  sin  and  Satan?  And  the  Covenant  of  our  spiritual  freedom 
was  signed  not  with  ink,  but  with  His  own  immaculate  blood. 

You  are  a  royal  priesthood.  The  Apostle  calls  you  a  royal  race,  or 
kings,  because  you  are  the  sons  of  God,  the  King  of  kings  and  Lord  of 
lords;  and  though  you  are  outside  the  sanctuary,  and  are  not  clothed  in 


—  85  — 

sacerdotal  robes,  and  are  not  ordained  to  olîer  up  tlie  Holy  Sacrifice,  vet 
lie  calls  you  priests,  because  you  arc  consccrated  in  your  baptism.  that 
you  miglit  oti'er  on  the  altar  of  yonr  hearts,  and  in  tlie  sanctuary  ol  your 
homes,  tlie  spiritual  and  acceptable  victinis  of  praise  and  supplication 
and  thanksgiving  to  your  God. 

Well  may  you  say  to-day,  beloved  Christians,  witli  St.  John  :  "  Thou, 
0  Lord,  hast  redeemed  us  to  God  by  Tliy  blood,  out  of  every  tribe  and 
tongue  and  people  and  nation,  and  Thou  hast  made  us  a  kingdom  and 
priests  to  our  God,  and  we  shall  reign  on  the  earth."  Yes,  with  Thy 
grâce,  we  shall  reign  over  our  passions,  and  greater  is  lie  who  ruleth 
himself  than  a  king  who  rules  the  destinies  of  nations. 

I  hâve  spoken,  niy  Brethren,  of  the  dignity  you  enjoy  as  niembers  of 
the  Christian  family.  But  where  there  is  so  much  honor,  and  so  grand 
a  prospective  inlieritance,  tliere  must  be  a  corresponding  obligation. 
Children  of  God,  be  eareful  not  to  forfeit  your  eelestial  inlieritance  by 
provoking  the  resentment  of  the  Lord.  Boyal  sons  of  a  royal  Father, 
let  your  brow  be  encircled  by  the  halo  of  every  royal  virtue.  '  "  If  I  ani 
your  Father,-'  says  the  Almighty,  "  wliere  is  Mv  honor:  if  I  ain  vour 
Master,  where  is  My  fear  ?  "' 

It  is  customary  for  students  who  hâve  been  attending  collèges  and 
académies  to  retnrn  to  their  respective  homes  during  the  vacation  season, 
when  they  will  be  eager  to  recount  to  their  parents  their  trials  and 
triuniphs  in  the  field  of  literature;  when  they  will  express  their  grati- 
tude by  action,  if  not  by  words,  for  the  éducation  tliey  receive  ;  and  Avhen 
they  will  delight  in  sitting  once  more  at  tlie  family  table. 

You  ail  are,  or  you  ouglit  to  be,  pupils  in  the  school  of  Christ,  prepar- 
ing  yourselves  du  ring  this  life  of  probation  to  receive  the  diploma  of 
sanctity  whicli  will  admit  you  to  the  kingdom  of  lieaven.  Your  heavenly 
Father  invites  you  to  repair  to  His  house  of  prayer,  at  stated  times,  par- 
ticularly  on  the  Christian  Sabbath  and  on  festival  days,  that  you  might 
lay  before  Him  your  trials,  temptations  and  afflictions,  that  you  might 
express  to  Him  your  gratitude  for  the  signal  favors  Ile  lias  bestowed 
upon  you,  that  you  might  receive  His  counsel  and  blessing,  and  that  you 
might  partake  of  the  heavenly  banquet  He  lias  prepared  for  you. 

I  said,  you  were  brothers  and  sisters  of  Jésus  Christ.  îs'ever  dishonor 
your  elder  Brother.  Xever  consent  to  any  thought  or  deed  which  would 
bring  the  blush  of  shame  to  His  cheek.  Our  Lord  Himself  gives  you  the 
test  of  true  brotherhood:  "  Whoever  doeth  the  will  of  My  Fatlior  who  is 
in  lieaven,  is  My  brother  and  sister." 

Be  conscious  then  of  your  dignity,  0  Christian  soûls,  and  liaving  be- 
come  partakers  of  the  divine  nature,  never  return  to  your  former  vile- 
ness  by  degenerate  conversation.  "  Eemember  to  whose  Head  you  are 
united  as  memliers.  RenuMiiber  tliat  you  were  rescued  from  the  power 
of  darkness  to  the  admirable  liglit  of  God.  You  were  once  darkness,  but 
now  light  in  the  Lord.     Walk  as  the  children  of  light." 

Grant,  0  Lord,  that  when  types  and  figures  shall  hâve  passed  away, 
and  when  faith  shall  be  absorbée!  in  the  béatifie  vision,  we  may  sec  Thee 
face  to  face  in  Thy  everlasting  glory.  And  may  Thy  banquet  of  love 
which  we  hâve  assembled  to  celebrate  and  in  which  we  daily  jiarticipate, 


—  S6  — 

be  tlie  earnest  and  pledge  of  the  lieavenly  banquet  at  which  we  shall  re- 
cline  with  the  true  chiidren  of  Abraham,  Isaac  and  Jacob  in  the  king- 
dom  of  heaven,  when  '*'  we  shall  be  inebriated  \yiih  the  plenteousness  of 
Thy  House  and  shall  drink  of  the  torrent  of  delights." 

My  dear  Lord  Cardinal  Legate,  two  5'ears  ago,  almost  to  the  very  day, 
it  was  my  good  fortune  to  take  a  part  with  your  Eminence  in  the  célé- 
bration «of  the  Eucharistie  Congress  in  London. 

And  now  it  is  also  my  distinguished  privilège  to  participate  -«àth  you 
in  this  sreat  Congress  of  Montréal.  Your  Eminence  will  agrée  with 
me  that  this  city  well  deserves  the  name  of  Montréal,  the  King's  Mount; 
for  has  it  not  been  dedicated  this  week,  with  ail  possible  splendor,  to  the 
King  of  âges  who  dwelleth  on  high  ! 

I  know  well  how  your  heart  has  dilated  with  joy  and  exultation  in 
contemplating  the  scènes  of  the  past  few  days. 

Your  Eminence  will  be  able  to  recount  to  the  Holy  Father  the  success 
wliich  has  crowned  this  Congress  from  beginning  to  end;  under  the 
admirable  foresight  and  guidance  of  its  zealous  and  beloved  Archbishop. 
You  will  tell  His  Holiness  of  the  manifestations  of  faith,  and  the  out- 
pouring  of  Catholic  dévotion  which  hâve  marked  its  progress.  You  will 
speak  of  the  solemn  and  public  processions  through  the  streets  of  Mont- 
réal, not  only  without  let  or  hindrance,  but  with  the  cordial  approval 
and  coopération  of  the  civic  authorities,  and  the  piety  and  enthusiasm 
of  its  devoted  people.  You  will  speak  of  the  Love  Feast  we  enjoyed  as 
a  family  of  devoted  chiidren  assembled  around  the  spiritual  Eather  of 
the  faithful  whom  we  recognized  and  revered  in  the  person  of  Your 
Eminence,  his  worthy  représentative.  Above  ail,  you  will  make  knoA\Ti 
the  uncompromising  loyalty  of  the  faithful  to  Christ  our  Lord,  to  His 
Church  and  to  His  Vicar  on  earth;  and  I  am  sure  that  the  august 
Pontiff,  as  an  expression  of  his  benevolence  and  gratitude,  will  not  fail 
to  bestow  with  a  loving  heart  his  Apostolic  Bénédiction  on  the  beloved 
Archbishop  of  this  diocèse,  his  clergy  and  people,  on  the  hierarchy  and 
laity  of  thèse  Canadian  Provinces  so  conspicuous  for  their  sturdy  faith, 
and  particularly  on  ail  who  hâve  devoutly  participated  in  thèse  glorioua 
Festivities. 


SERMON  DE  MGR  TOUCHET 


"  Pone  omnia  fecit.  " 
"Il    a    bien    fait    toutes    choses!  " 
(Ev.  St-Marc,  chap.  YIl,  v.37.) 


Eminentissime  Cardinal-Légat,  (1) 
Eminentissime  Seigneur,  (2) 
Messeigneurs,  (3) 
Messieurs, 

Jésus  en  était  à  la  seconde  année  de  sa  vie  publique.  Les  foules, 
prises  à  fond  par  son  visage,  ses  discours  et  ce  je  ne  sais  quoi  de  mysté- 
rieux, très  humain,  très  divin,  tout  à  fait  indéfinissable,  qui  constituait 
son  atmosphère  propre,  ne  savaient  plus  se  détacher  de  lui. 

De  cette  fois  elles  l'avaient  suivi  dans  le  désert  herbu  et  boisé,  mais 
sans  village,  ni  ressources  d'aucune  sorte,  dont  la  Décapole  était  la 
frange  vivante. 

jSTuI  n'avait  songé,  tant  était  grand  le  charzne  de  Celui  qu'ils  appe- 
laient le  "  nouveau  prophète,"  que  si  l'homme  ne  vit  pas  seulement  de 
pain,  il  lui  en  faut  un  peu  cependant  :  tous  donc  se  trouvaient  dépourvus 
à  l'extrême. 

Jésus  prit  en  pitié  cette  imprévoyance  touchante.  Il  fit  asseoir  les 
quatre  ou  cinq  mille  personnes  qui  se  pressaient  autour  de  lui,  bénit 
quelques  pains  et  quelques  poissons,  qu'il  mit  en  morceaux  pour  être 
distribués.  Or  chacun  en  mangea  jusqu'à  n'avoir  plus  faim,  et  il  en 
resta  assez  pour  remplir  des  corbeilles,  que  les  apôtres  présentèrent,  de 
peur  que  les  restes  fussent  perdus. 

L'enthousiasme  des  Galiléens  ne  connut  plus  de  bornes.  Ils  réso- 
lurent de  faire  roi  leur  doux  et  puissant  compatriote. 

Songez  donc  !  un  roi  qui  les  enchanterait  de  ses  paraboles  et  les  nour- 
rirait oisifs  à  une  table  de  miracle  !  Qui  sait  même  s'il  ne  rétablirait  pas 
le  royaume  d'Israël?.  . . .  Quel  rêve! 

Jésus  décida  d'échapper  à  ce  mouvement  populaire.  La  nuit  venue, 
il  monta  sur  une  barque  et  atterrit  à  Capharnaiim. 

Cependant  ses  obstinés  admirateurs  le  rejoignirent  le  lendemain  ;  et 
l'on  put  comprendre  alors  que  le  Maître  n'avait  pas  opéré  la  prodigieuse 
multiplication  de  la  veille  sans  un  profond  dessein. 


(1)  S.  Em.  le  cardinal  Vincent  de  Vanutelli,  légat  du  Pape  Pic  X. 

(2)  S.  Em.  le  cardinal  Gibbons,  archevêque  de  Baltimore. 

(3)  NX.  SS.  les  évêques  assistant  au  congrès  au  nombre  de   110,  d'après  les 
listes  officielles. 


—  88  — 

A  peine,  en  effet,  les  C'apliarnaïtes  l'avaient-ils  salué,  qu"il  prit  la  parole: 
et  faisant  allusion  à  tout  ce  cpie  le  inonde  avait  présent  à  l'esprit:  "Je 
suis,  dit-il,  le  pain  de  vie.  Vos  pères  ont  mangé  la  manne  dans  le 
désert,  et  ils  sont  morts.  Ici  est  le  pain  descendu  du  ciel.  Si  quelqu'un 
mange  de  lui  il  ne  mourra  pas.  Oui  !  Oui  !  Je  suis  le  pain  de  vie  des- 
cendu-du  ciel.     Si  quelqu'un  mange  de  ce  pain,  il  vivra  éternellement." 

"  Le  pain  que  je  vous  donnerai  (ne  ressemble  pas  à  celui  que  vous 
reçûtes  hier)  ;  ce  sera  ma  chair,  vie  du  monde  !  " 

Du  coup,  le  Juif  se  retrouva  avec  son  fond  disputeur  et  têtu. 

"  Qu'est-ce  donc  qu'il  dit?  interrompait  la  foule.  Comment  pourra-t-il 
nous  donner  sa  chair  à  manger? 

Oh  que  voilà  bien  riiomme  !  que  nous  voilà  l)ien  nous-mêmes  !  Des 
comment  à  Jésus  !  Des  comment  à  Dieu  ! 

Mais  hier,  ô  foule,  quand  il  t'asseyait  au  merveilleux  festin,  tu  ne  lui 
demandais  pas  de  comment?  Quand  il  guérissait  tes  paralytiques  et  res- 
suscitait tes  morts,  tu  ne  lui  demandais  pas  de  comment  :  tu  disais  "  une 
lumière  sublime  a  traversé  notre  ciel  ;  un  grand  prophète  s'est  levé  parmi 
nous  !  "  Pourquoi  celui  qui  peut  opérer  tant  de  prodiges  n'en  pouvait-il 
pas  opérer  un  de  plus? 

Jésus  ne  dit  pas  le  comment. 

On  disputait  sur  son  affirmation.  Il  prêta  le  serment  de  la  vérité 
éternelle,  qui  jure  par  soi,  ne  trouvant  rien  au-dessus  de  soi. 

"  En  vérité,  prononça-t-il,  en  vérité,  je  vous  le  dis,  si  vous  ne  mangez 
la  chair  du  fils  de  l'homme,  si  vous  ne  buvez  son  sang,  vous  n'aurez  pas 
la  vie  en  vous.  Celui  qui  mange  ma  chair  et  qui  boit  mon  sang  a  la  vie 
éternelle,  et  je  le  ressusciterai  au  dernier  Jour.  Je  vous  le  dis  et  le 
redis:  ma  chair  est  vraiment  une  nourriture,  et  mon  sang  vraiment  un 
breuvage  !  " 

Il  ne  restait  même  plus  à  interroger.  Cela  devenait  clair  comme  la 
lumière  du  jour.  Il  faudrait  manger  sa  chair,  il  faudrait  boire  son  sang. 
Pareil  discours  était  cependant  trop  rude  à  croire  !  C'était  trop  fort  ! 
On  en  avait  trop  entendu  !  Que  restait-il,  qu'à  fuir  cet  homme  aux 
propos  bizarres?  Et  plusieurs  s'éloignèrent  de  Jésus  pour  ne  plus  le 
revoir  jamais. 

Le  Maître  ne  tenta  pas  de  les  retenir.  Il  n'expliqua  rien;  il  ne  retira 
rien.  Eien  ne  devait  être  expliqué  en  effet;  encore  moins  quelque  chose 
devait-il  être  retiré.  Mais,  comme  s'il  eût  voulu  bien  plutôt  enfoncer 
le  fer  dans  la  plaie  qu'il  avait  ouverte  : 

"  Cela  vous  scandalise,  conclut-il.  Que  sera-ce  donc  lorsque  vous 
m'aurez  vu  remonter  au  ciel?  (Car  c'est  alors  que  vous  mangerez  ma 
chair  et  boirez  mon  sang.)  Homme  de  lourde  et  charnelle  raison,  de- 
mandez donc  à  l'Esprit  ses  lumières:  Caro  non  prodest  quidqitam;  spi- 
ritus  est  qui  vivificat." 

Il  est,  pour  moi,  Messieurs,  un  mystère  prosqu'aussi  incompréhensible 
que  celui  de  l'Eucharistie:  c'est  qii'un  homme  croyant  à  la  divinité  de 
.Tésus  puisse  lire  ce  chapitre  de  la  promesse,  et  ne  pas  faire  un  acte  de 
foi  en  la  présence  réelle. 

L'affirniation  do  Jésus,  bautaine,  dirait-on,  à  force  d'intransigeance; 


—  89  — 

son  serment  d'une  majesté  si  dominatrice;  sou  insouciance  des  infidèles 
qui  l'abandonnent;  sa  manière  tranchante  d'intervenir  dans  le  débat 
soulevé  de  Juif  à  Juif;  tout  cela  doit  fixer  dans  la  foi  un  esprit  réfléchi 
et  non  prévenu. 

Ah  !  Si  Jésus  est  un  homme  comme  vous  et  moi,  rien  ne  dit,  rien  ne 
fait  !  Mais  s'il  est  le  Verbe  incarné,  n'hésitons  plus.  L'hésitation  revê- 
tirait la  malice  du  blasphème. 

Jésus  dégagea  sa  parole  quelques  mois  plus  tard. 

C'était  la  tendre  et  terrible  nuit  de  la  tradition. 

Demain,  il  mourra  ;  il  le  sait. 

Ce  soir,  il  a  célébré  la  Pâque  suprême  avec  ses  disciples.  Il  a  mangé 
avec  eux,  debout,  bâton  en  main,  les  reins  ceints,  l'Agneau  pascal,  mé- 
morial, pour  les  fils,  de  la  sublime  migration  des  pères,  quand,  sur  l'ordre 
de  Moïse,  ils  abandonnèrent  les  bords  du  Xil  pour  aller  conquérir  une 
patrie  et  la  liberté. 

Jésus  pria  divinement,  rendant  grâce  à  Jéhovali.  Puis  il  s'agenouilhi; 
lava,  malgré  leur  émoi,  les  pieds  aux  douze;  enfin  il  se  rassit,  et,  raconte 
le  Livre  :  "  Il  prit  du  pain,  le  bénit,  le  rompit,  le  donna  à  ses  disciples 
et  dit  :  "  Prenez  et  mangez,  ceci  est  mon  corps.'' 

"  Prenant  ensuite  nne  coupe,  il  remercia,  la  leur  passant  à  la  rondo. 
Buvez-en  tous,  dit-il  encore.  Ceci  est  mon  sang;  le  sang  du  testament 
nouveau,  (pii  sera  répandu  pour  la  rémission  des  péchés  de  tous  les 
hommes.'"' 

Les  douze  burent  donc  comme  ils  avaient  mangé.  Enfin,  Jésus  les 
regardant  avec  ime  tendresse  et  nne  toute-puissance  ineffables,  com- 
manda d'un  commandement  bref:  "Faites  ceci  en  mémoire  de  moi."' 

C'était  fini  ! 

Jésus  se  sentit  le  cœur  en  feu.  ''  A'ous  n'êtes  plus  mes  serviteurs,  vous 
êtes  mes  amis,"  s'écria-t-il.  Les  barrières  sont  abattues.  Le  verl)e  de 
Dieu  (pli  (lisait  durement  à  Moïse:  "Je  suis  celui  ([ui  suis;""  toi.  tu  n'es 
pas;  rien  n'est:  moi  seul  suis:''  Celui-là,  le  même  appelle  maintenant 
ces  pauvres,  ces  ignorants,  ces  gens  de  néant,  du  nom  qui  ett'ace  les  dis- 
tances, du  nom  qui  noue  les  mains,  qui  incline  les  fronts  vers  les  fronts, 
qui  presse  les  poitrines  contre  les  poitrines,  du  nom  d'amis  !  "  Delirabat 
pro  amore,"  ose  écrire  ce  Père.  "  Il  était  devenu  comme  per(hi  d'amour!" 

Eh  oui  !  n'est-ce  pas  un  peu  fou,  ce  que  vous  venez  d'exécuter,  ô 
Christ  !  Inventer  chose  pareille,  n'est-ce  pas  courir  vers  tous  les  dé- 
boires ? 

Quoi  donc  !  Se  passera-t-il  un  siècle  et  demi  avant  (|ue  les  Gnostiques 
écrivent:  Le  Christ  n'avait  pas  de  corps?  Il  n'avait  qu'une  apparence 
de  corps.     Il  était  un  fantôme  de  corps....   L'iMicharistie  !.^.  .   lîêve! 

Quoi  donc  !  Se  passera-t-il  douze  siècles  avant  que  Bérenger  prêche  : 
"  L'Eucliaristie  ne  contient  rien  de  réel,  rien  de  substantiel;  ce  n'est 
qu'une  ondjre,  une  figure,  qui  rappelle  le  corps  et  le  sang  (ht  Christ." 

Quoi  donc!  Wiclef,  Carlostad,  Zwingle,  Socin,  Arminius,  Calvin,  re- 
tournant à  l'hérésie  de  Bérenger,  dénués  d'originalité,  pitoyables  copist(-^s 
jus(|ue  dans  l'erreur,  ne  protesteront-ils  pas'que  l'Eucharistie  est  le  mé- 
morial du  suprême  bancpict  et  de  la  mort  de  Jésus,  mais  pas  autre  chose? 

Quoi  donc  !  Luther,  impuissant  à  nier  la  présence  réelle,  tout  aigre 
qu'il  en  soit,  mais  pris  à  la  gorge  comme  il  s'exprime  en  sa  langue  tri- 


—  90  — 

viale  et  forte,  par  le  texte  évangélique,  (textus  hic  me  jugulât),  n3 
voiidra-t-il  pas  associer  la  substance  du  pain  à  celle  du  corps  et  du  sang 
de  Jésus? 

Quoi  donc  !  mille  sectaires  que  tous  nomment,  ne  profaneront-ils  pas 
l'hostie  au  fond  de  leurs  antres,  et  d'exécrables  saturnales?  Montgomery 
et  ses  hideux  semblables  ne  la  donneront-ils  pas  à  manger  à  leurs  che- 
vaux, sur  les  pierres  d'autel  épouvantées  ?  Voltaire,  au  retour  des  tables 
saintes,  n'écrira-t-il  pas,  sinistre  scélérat  :  "  Je  viens  de  faire  mon  dé- 
jeuner à  la  Turque  !  "  De  lourds  impies  ne  nous  accuseront-ils  pas,  entre 
deux  gros  rires  bêtes,  de  manger  et  d'adorer  "  du  pain  à  cacheter." 

Quoi  donc  !  est-ce  que  des  multitudes  d'hommes,  de  femmes,  d'enfants, 
de  vieillards  éprouveront  autre  chose,  pour  ce  pain,  que  du  dégoût? 

0  Christ  Jésus!  n'avez-vous  pas  entendu,  n'avez-vous  pas  prévu? 
Etes-vous  indifférent  à  ces  clameurs  et  à  ces  pratiques  de  haine?  Etes- 
vous  insensible  à  ces  outrageux  dédains? 

Il  a  tout  entendu!  Il  a  tout  prévu.  Il  n'est  indifférent  ni  sensible 
à  quoi  que  ce  soi.  Mais  vous-même,  qui  vous  répandez  en  ces  étonne- 
ments,  n'avez-vous  pas  vu,  et  entendu,  et  goûté?  Ignorez-vous  que  les 
délais  apparents  de  l'Homme-Dieu  ne  peuvent  être  que  sagesse  pro- 
fonde? Ne  savez-vous  plus  qu'il  a  bien  fait  toutes  choses?  Bene  omnia 
fecit. 

Assurément  ce  quelque  chose  de  très  petit,  de  tout  frêle;  ce  quelque 
chose  qui  est  à  peu  près  rien,  en  apparence,  ce  quelque  chose  (rappro- 
chement divin  et  si  expressif)  de  blanc  à  l'égal  du  Pape,  une  autre 
faiblesse  puissante,  comme  si  le  Pape  avait  voulu  se  cacher  en  lui  ou  le 
cacher  en  soi;  ce  quelque  chose  qu'ils  bafouent  dans  leur  mépris  stupide 
et,  disons  le  mot,  antiscientifique;  ce  quelque  chose  que  nous  adorons 
nous,  nous,  dis-je,  qui  savons,  est  le  centre,  le  cœur,  la  cellule  évolutive 
de  la  religion  chrétienne.  Elle  a  détruit  tout  ce  qui  s'opposait  au  règne 
de  Jésus.     Elle  a  créé  tout  ce  qui  l'honore. 

Par  elle  le  mosaïsme  a  virtuellement  fini.  Elle  a  réalisé  les  vieilles  pro- 
phéties qui  annonçaient  le  substitution  du  sacerdoce  de  Melchisédech  à 
celui  d'Aaron.  Elle  a  inutilisé  le  temple  de  Salomon  et  le  tabernacle 
de  Moïse,  Elle  a  abrogé  les  sacrifices  sanglants  de  taureaux,  de  génisses, 
de  boucs.  Elle  a  destitué  les  fils  de  Lévi  du  privilège  d'entrer  dans  le 
Saint  des  Saints,  d'y  offrir  la  coupe  sanglante  et  sacrée.  Elle  a  rem- 
placé l'immense  et  rude  figurisme  de  la  Loi  ancienne  par  les  réalités 
mystiques  et  immaculées  de  la  nouvelle  loi.     Bene  omnia  fecit! 

Elle  a  détruit  le  paganisme,  amas  inexprimablement  colossal  de  luxure 
et  de  cruauté.  Il  eut  beau  se  défendre  sauvagement,  par  l'hostie  il  fut 
détruit.  Pendant  trois  siècles,  il  nous  tua,  il  nous  brûla,  nous  dévora. 
Parfois  il  interrompait  sa  besogne,  stupéfait  de  ne  pas  nous  avoir  noyés 
dans  notre  sang.  Alors  il  essayait  de  jeter  un  regard  dans  nos  cata- 
combes. Il  soulevait  furtivement  les  portières  qui  lui  en  dérobaient  le 
secret.  Et  il  s'en  retournait  à  sa  hache,  à  ses  bûchers,  à  ses  bêtes,  mau- 
dissant, criant  :  on  ne  sait  ce  qui  se  passe  dans  ces  ténèbres  ;  ils  y  célèbrent 
de  monstrueux  festins,  y  dévorent  la  chair  d'un  enfant  et  y  boivent  son 
sang. 

Ce  n'était  pas  tout  à  fait  vrai.     Ce  n'était  pas  tout  à  fait  faux.     Ils 


—  91  — 

mangeaient,  nos  aïeux  des  catacombes,  la  chair,  ils  buvaient  le  sang  du 
Christ;  et  leur  faiblesse  se  muait  en  force. 

Si  du  reste  les  bourreaux  avaient  daigné  écouter  nos  docteurs,  ils 
eussent  été  renseignés  avec  précision.  "  Notre  chair  s'approche  du  corps 
et  du  sang  du  Christ  et  notre  âme  se  fortifie  de  la  force  de  Dieu,"  leur 
aurait  dit  Tertullien.  (1)  ''  Xous  qui  participons  à  la  sainte  chair  et  au 
saint  sang,  nous  débordons  de  la  vie  divine,"  leur  aurait  dit  Cyrille 
d'Alexandrie. 

''  Le  Christ  ne  nous  Ta-t-il  pas  répété,  leur  aurait  dit  saint  Irénée,  le 
vin  du  calice  qui  n'est  qu'une  créature  devient  son  sang,  le  pain  qui  est 
une  créature  devient  son  corps."  (2) 

L'Eucharistie  créa  l'énergie  des  mart3-rs,  et  l'énergie  des  martyrs  eut 
raison  du  paganisme.     Bene  omnia  fecit! 

Le  sang  des  martyrs  n"a  pas  sé?hé  qu'une  formidable  ruée  accourt  des 
plateaux  de  l'Asie,  et  se  précipitant  contre  le  monde  romain,  l'éventre, 
l'écrase,  lui  arrache  des  hurlements  de  douleur  et  d'effroi.  C'est  le  talion, 
le  talion  terrible  :  Qu'il  périsse  celui  qui  a  tué  !  Qu'il  flambe  celui  qui  a 
brûlé  !  Sang  pour  sang  !  Feu  pour  feu  ! 

Cependant,  voici  que  la  chevauchée  folle  se  calme,  Visigoths,  Francs, 
Alamay,  Burgondes,  Normands,  ont  rencontré  des  yeux  et  des  verbes  de 
douceur,  par  lesquels  ils  se  sont  laissés  séduire.  Les  moines,  les  célestes 
fils  de  Benoit  et  de  Colomban,  leur  ont  présenté  la  croix  et  l'hostie  !  Ils 
les  ont  baignés  dans  l'eau  du  baptême  et  le  vin  des  calices,  ils  les  ont 
convertis.     Bene  omnia  fecit! 

Une  seule  fois,  l'Hostie  échoua.  Entre  les  raaius  de  Claire  d'Assise, 
la  pauvre  abbesse,  sur  la  plateforme  du  monastère  de  Saint-Damien, 
caché  parmi  les  roses  et  les  jasmins  blancs  comme  un  nid  de  passereau 
dans  les  mousses,  elle  fit  reculer  le  Sarrazin,  le  sectateur  de  Mahomet: 
elle  ne  le  convertit  point.  Est-ce  donc  que  ce  farouche  serait  inconver- 
tissable,  mon  Dieu  ! 

Mais  le  Moyen- Age  a  commencé  ;  il  avance  :  il  bat  son  plein  ;  il  se 
clôt  !  Toujours  il  croît  ;  et  il  adore,  et  aime  l'Eucharistie.  Il  lui  élève 
des  cathédrales. . . 

Eegrettez-vous  le  temps  où 

Strasbourg  et  Cologne,  Notre-Dame  et  Saint-Pierre, 
Agenouillés  au  loin  dans  leur  robe  de  pierre, 
Sur  l'orgue  universel  des  peuples  prosternés 
Entonnaient  l'Hosannah  des  siècles  nouveau-nés . .  . 

Les  maîtres  de  la  théologie  précisent  aux  peuples  la  nature  et  la  gran- 
deur du  "  Sacrement  "  comme  on  dit  avec  une  emphase  sainte.  Ils  se 
souviennent  qu'Ambroise  de  Milan  a  écrit  :  "  Ce  que  nous  fabriquons, 
hoc  quod  conficimns,  c'est  le  corps  né  de  la  Vierge,  corpus  ex  virgine  est; 
la  vraie  chair  du  Christ,  vera  vtique  caro  Christi;  crucifiée,  ensevelie, 


(  1  )  Tertullien,  De  resurrectione. 

(2)   St-Irénée,  Adversum  haereses,  lib.  v.  cliap.  II. 


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quae  crurifixa  est,  quae  sepuïta  est  (1)  "  ;  que  Cyrille  de  Jérusalem  a 
écrit:  ''Ce  qui  affecte  les  yeux  et  le  goût  comme  du  pain,  qui  videtur 
panis,  tametsi  giistu  sensibilis,  n'est  pas  du  pain,  paiiis  non  est;  c'est  le 
corps  du  Christ,  sed  corpus  Christi;  ce  qui  affecte  les  yeux,  le  goût 
comme  du  vin,  quod  videtur  vinum  etiam  sit  a  gustu  videatur,  n'est  pas 
du  vin,  vinum  non  est,  mais  le  sang  du  Christ,  sed  sanguis  Christi 
est  (2)"  ;  que  Chrysostôme  de  Constantinople  a  écrit  :  "  pas  de  résistances 
à  Dieu,  Deo  ohsequamur.  Son  Verbe  ne  peut  tromper,  Verhum  ejus 
fallere  nequit.  Or  il  a  dit:  ceci  est  mon  corps.  Ille  dixit,  hoc  est  etiam 
corpus  meum";  —  qu'Augustin  d'Hippone  a  écrit:  "Dieu,  pour  infini- 
ment sage  qu'il  soit,  n'aurait  pu  concevoir  plus;  pour  infiniment  puis- 
sant qu'il  soit,  n'aurait  pu  exécuter  plus  ;  pour  infiniment  riche  (lu'il 
soit,  n'aurait  pu  donner  plus  ;  Cum  esset  sapientissimus,  ptus  facere  nes- 
civit;  cura  esset  potentissimus,  plvs  facere  non  potuit :  cum  csset  ditis- 
simus,  plus  dure  non  potuit/' 

Et  alors  l'austère  réfléchi,  l'homme  que  ses  condisciples  respectueux 
et  tenus  à  distance  par  la  gravité  dont  il  s'entourait,  appelaient  le  grand 
bœuf  muet  de  Sicile,  Thomas  d'Aquin,  vivante  synthèse  des  docteurs  qui 
l'ont  précédé,  ange  illuminateur  des  docteurs  qui  le  suivront,  écrivit  la 
somme  de  ses  connaissances  et  des  nôtres  sur  l'Hostie. 

On  vit  comment  elle  est  le  centre  et  le  terme  de  la  hiérarchie,  puisque 
le  prêtre  est  fait  pour  la  consacrer,  l'évêque  pour  consacrer  le  prêtre,  le 
Pape  pour  envoyer  l'Evêque. 

On  vit  comment,  sans  elle,  Dieu  ne  serait  ni  glorifié,  ni  aimé,  ni 
espéré,  ni  cru,  comme  il  sied  à  sa  majesté,  à  sa  bonté,  à  sa  véracité. 

On  vit  comment  elle  est  le  lien  de  charité  entre  les  hommes,  rendant 
les  esclaves  frères  de  leurs  maîtres,  et  ne  laissant  entre  eux  que  la  diffé- 
rence de  leur  degré  de  charité. 

On  vit  que,  sans  elle,  il  n'y  aurait  pas  de  religion  chrétienne,  mais  une 
ombre  de  religion,  et  que  donc  Jésus  avait  bien  fait  en  l'instituant. 
Bene  omnia  fecit! 

Les  peintres  étudièrent,  traduisirent  cette  haute  dogmatique  ;  de  l'An- 
gelico  à  Raphaël,  de  Eaphaël  à  Léonard  de  Vinci,  do  Vinci  à  Van  Eyck, 
de  Van  Eyck  au  Poussin,  du  Poussin  à  ny])i)olite  Flandrin.  Bene 
omnia  fecit! 

Les  poètes  firent  comme  les  peintres  ;  de  Dante  au  Tasse,  de  Tasse  au 
Camoons,  de  Camocns  à  Corneille,  de  Corneille  à  Chateaubriand.  Bene 
omnia  fecit! 

Les  orateurs  sacrés  ont  bu  eux  aussi  à  la  source  pure.  Ecoutons  au 
moins  celui  qui  est  leur  voix  de  tonnerre  et  leur  harpe  angélique;  il  ne 
montra  jamais  plus  son  grand  cœur,  humble,  croyant,  passionné,  que 
•rjuand  il  traita  de  l'Eucharislie.  Ce  n'est,  vous  rontendez  bien,  m  de 
Bourdaloue,  ni  de  Massillon,  ni  de  Lacordaii'c,  ipic  je  parle,  si  mntini- 
fiques  soient-ils,  c'est  de  Bossuet.  Oiii,  Messieurs,  est-ce  que  nous  ne 
nous  résoudrons  pas  de  relire  ses  Méditations  sur  l'Evangile,  depuis  le 
vingt-deuxième  jour  jusqu'au  soixante-cinquième?     Certes,  Bossuet  est 


(  1  )    Ambroise,  Mysteriis,  chap.  IX. 
(2)   Cyr.,  Catech.,  22. 


—  93  — 

he-àu  dans  ses  Oraisons  funèbres,  ses  Sermons,  son  Discours,  son  His- 
toire des  variations,  mais  ce  recueil  des  quarante-trois  Méditations  évan- 
géliques,  mais  ce  cri  de  passion,  de  foi,  d'humilité  qui  sait  se  renouveler 
à  chaque  page,  à  chaque  ligne,  alors  qu'on  se  demande  s'il  ne  va  pas 
expirer,  épuisé  par  sa  violence  même;  mais  ces  aperçus  de  psychologie, 
ces  exposés  de  raison  qui  apparaissent  subitement,  solennels  et  larges 
comme  vos  vastes  fleuves  ;  mais  ces  appels  à  la  miséricorde  de  Dieu,  à  la 
reconnaissance  des  hommes,  à  la  vigilance  des  prêtres  et  des  Pontifes; 
mais  cet  hymne  oii  le  ciel  et  la  terre  confondent  leur  voix,  oii  l'on  trouve 
toute  la  substance  des  évangélistes,  des  docteurs  et  des  mystiques,  non, 
Messieurs,  non  rien  de  pareil  ne  s'est  écrit,  rien  de  pareil  ne  s  est  pensé, 
rien  de  pareil  ne  s'est  senti  ailleurs.  Même  le  Traité  du  Sacerdoce  de 
Chrysostôme  pâlit  près  de  ces  pages  de  feu.  Ici  Bossuet  n'est  plus  uni- 
quement le  dernier  des  Pères;  il  en  est  le  plus  complet  et  le  plus  sublime. 
Et  c'est  la  France,  la  France,  dis-je,  qui,  par  la  main  de  son  grand  fils, 
posa  cette  couronne  d'étoiles  au-dessus  de  l'ostensoir  ! 

A  ce  moment  presque,  je  veux  dire  presqu'au  moment  où  le  génie  gra- 
vissait cette  cime,  chez  vous,  près  de  vous,  pour  vous,  fils  du  même  sang 
que  Bossuet,  un  missionnaire  perdu  sur  les  rives  du  Saint-Laurent  se  de- 
mandait, l'huile  manquant,  quelle  flamme  il  allimierait  devant  la  porte 
de  son  tabernacle.  Il  avisa  des  mouches  à  feu,  les  enferma  dans  un  tube 
de  verre,  se  créa  ainsi  une  lampe  toute  gracieuse  pour  le  Sacrement 
abrité  dans  une  hutte  de  branchages. 

Pauvres  que  nous  sommes  !  souvent  séduits  par  ce  qui  touche  faible- 
ment l'Eternel,  saurions-nous  décider  ce  qu'il  agréa  le  plus,  ou  l'efuvre 
grandiose  conçue  et  réalisée  par  Bossuet  devant  sa  table  de  (iermigny- 
l'Evêque,  ou  l'invention  candide  du  P.  Yimont,  je  crois,  perdu  (huis  la 
forêt  du  Xouveau-Monde. 

Tout  de  même  ceci  et  cela  fut  de  l'amour.  0  Christ,  vous  avez  donc 
bien  fait  toutes  choses!     Bene  omnia  fecit! 

De  l'amour,  dis-je!  Ah!  quel  horizon  nouveau!  De  l'amour!  n'en 
obtient  pas  qui  veut  !  Mais,  ciel  !  qu'il  y  en  eut  près  de  l'Hostie.  Saints 
et  Saintes,  qu'avez-vous  fait  que  l'aimer?  Est-ce  que  d'elle  vous  n'avez 
pas  été  passionnés,  passionnés  à  mort?  Qu'est-ce  que  vous  trouviez  sur 
vos  corporaux,  que  de  l'amour?  Qu'est-ce  que  vous  buviez  dans  vos  ca- 
lices, que  de  l'amour?  Qu'est-ce  que  ces  raisons  d'humilité,  de  pénitence, 
de  pureté,  do  pauvreté,  qu'une  ivresse  d'amour?  0  François  d'Assise,  ô 
Dominique  do  Gusman.  ô  Thomas  d'Aquin,  o  Ignace  de  Loyola,  Fran- 
çois de  Sales,  Jean-Baplisto  A'iannoy,  et  vous  Brigitte,  Gortrudo,  Ca- 
therine de  Sienne,  Marguerite-Mario,  Julienne  de  Liège,  -Teanne  d'Arc, 
Rose  de  Lima,  Thérèse  de  Jésus,  que  vous  avez  aimé  le  Sacrement  ! 
L'univers  do  tous  les  âges  serait  do  glace  pour  lui  que  vos  seules  ardeurs 
com])enscraient  l'atroce  ingratitude.     Benc  omnia  fecit! 

Or  l'univers  de  tous  les  âges  n'est  pas  de  glace.  N'ous-mêmes  nous  ne 
sommes  pas  de  glace,  si  misérables  devions-nous  nous  estimer. 

A  l'aube  de  notre  existence,  quand  Jésus-Hostie  vint  à  nous,  nous  l'ac- 
cucillîmos  bien.  Xous  ouvrîmes  nos  lèvres  qui  tremblaient  un  peu,  et 
comme  la  goutte  do  rosée  qui  toml)e  de  la  corolle  d'un  lys  le  rafraîchit, 
le  parfume,  le  baigne  de  blancheur  et  de  grâce,  Lui  il  bénit  nos  Ames. 


—  94  — 

Lorsque  ce  soir  de  la  vie,  que  nous  voyons  accourir  rapide  et  grave, 
nous  enveloppera  de  ses  ombres,  tandis  que  nous  lutterons  contre  la 
mort  voisine,  il  reviendra.  Ami  des  bonnes  et  des  mauvaises  heures, 
toujours  fidèle;  confident  de  nos  désastres  et  de  nos  triomphes  moraux, 
de  nos  douleurs  et  de  nos  joies,  il  ne  nous  abandonnera  pas,  et  nous  l'en- 
tendrons nous  murmurer  au  cœur:  que  craindrais-tu,  ne  suis-je  pas  ton 
hostie,  moi  qui  dois  être  ton  Juge. 

Les  grâces  eucharistiques  sont  tellement  pénétrantes  que  nos  frères 
séparés  en  ont  la  nostalgie.  La  vue  du  tabernacle  les  trouble,  l'Hostie 
les  attire.  Ils  voudraient  communier . . .  Ah  !  frères,  frères,  laissez-vous 
aller  à  cette  attirance.  Très  chers,  venez  et  enivrez-vous  au  même  tor- 
rent que  nous:  inebriamini,  carissimi!     Bene  omnia  fecit! 

Serait-ce  bien  ici,  d'ailleurs,  qu'il  pourrait  devenir  nécessaire  de 
prouver  plus  longuement  la  divine  opportunité  de  l'Eucharistie?  Ici, 
quand  depuis  trois  jours,  magistrats  et  clergé,  artisans  et  hommes  de 
loisir,  lui  font  cette  fête  prodigieuse;  ici,  quand  trente  mille  enfants 
l'ont  saluée  dans  leur  joyeuse  candeur  sur  le  parvis  de  l'église  Notre- 
Dame;  ici,  quand  vingt  mille  jeunes  hommes  lui  ont  fait  serment  de 
fidélité,  à  l'Arena;  ici,  quand  un  demi-milion  de  croyants  se  prépare  à 
la  chanter,  cette  après-midi  dans  une  exultation  dont  rien  ne  nous  donne 
l'idée;  ici,  quand  ces  prélats  venus  de  tous  les  coins  du  monde  lui  ren- 
dent l'ineffable  témoignage  de  la  même  foi,  de  la  même  adoration,  de  la 
même  charité;  ici,  quand  vous,  Eminentissime  Cardinal-Légat,  lui 
apportez  l'hommage  de  l'Eglise  mère  et  maîtresse  et  celui  de  son  su- 
prême Pontife. 

Eh  bien,  non  :  mille  fois  non  :  0  Jésus,  Sagesse  incréée  et  incarnée  en 
qui  réside  toute  mesure,  nombre  et  rythme  des  choses,  vous  ne  perdîtes 
pas  l'équilibre,  ce  divin  soir  où  vous  dites  sur  le  pain:  ceci  est  mon  corps, 
et  sur  le  vin  :  ceci  est  mon  sang. 

Gloire  à  vous  pour  tout  ce  que  vous  avez  rêvé  et  réalisé  :  dix  fois,  cent 
fois,  mille  fois  gloire  à  vous  pour  l'invention  et  la  réalisation  de  l'Eu- 
charistie. M  la  terre,  ni  les  cieux,  n'ont  les  voix  qui  suffiraient  à  louer 
le  Sacrement.     Que  le  silence  soit  sa  Louange.     Silentium  tihi  Laits. 

Je  me  tairai,  pas  toutefois,  sans  avoir  adressé  une  prière.  Dieu 
de  l'Hostie.  Avant  que  le  soleil  ait  terminé  sa  course,  vous  nous  bénirez. 
Seigneur.     Faites  cette  bénédiction  large  comme  votre  bonté. 

Jetez  d'abord  un  œil  favorable  sur  cette  Eglise  canadienne,  notre  amie 
et  notre  sœur.  Elle  a  concerté  pour  vous  cette  fête:  bénissez-la!  Pro- 
longez ensuite  votre  regard  vers  le  Sud.  Il  rencontrera  ces  jeunes  et 
vivantes  Eglises  des  deux  Amériques  :  bénissez  leurs  activités  fécondes. 
Daigne  l'une  de  vos  mains  sacrées  s'étendre  vers  le  Nord,  et,  par  delà  le 
Pôle  atteindre  cette  Asie,  redoutable  réservoir  de  races  idolâtres,  dures 
aux  efforts  de  la  croix  et  aux  attaques  de  l'épée  :  bénissez-la.  Que  l'autre 
de  vos  mains  aille  vers  l'Ouest:  elle  y  trouvera  dans  le  Pacifique 
immense  des  îles  innombrables,  et  plus  loin,  la  mer  des  Indes  étant 
franchie,  l'Afrique  brûlante  et  noire:  bénissez.  Seigneur,  bénissez. 
Seigneur,  les  îles  innombrables;  bénissez  l'Afrique  brûlante  et  noire. 
Enfin,  Seigneur,  qu'un  rayon  de  votre  cœur  Divin  coure  chaud  et  tendre 
vers  notre  Europe,  afin  d'y  dissiper  les  horribles  ténèbres  de  scepticisme 
et  le  froid   d'indifférence  qui  l'enveloppe.     Bénissez-la  !     Si    j'osais,  ô 


—  95  — 

notre  Maître,  dans  ce  vieux  monde,  je  vous  désignerais  deux  points  pour 
lesquels  je  vous  implore  avec  une  particulière  ardeur:  Notre  Eome  et 
ma  France.  Oh  oui  !  à  Rome,  le  chef  visible  de  la  Catholicité,  son  Père, 
son  Pasteur,  son  Prêtre  Souverain,  le  Pape.  Oh  oui,  toujours!  en 
France,  bénissez  nos  peuples,  bénissez  leurs  Pasteurs.  Ceux-ci  avec  leurs 
fidèles,  —  leurs  fidèles  loj'aux,  s'entend.  —  Vous  les  apercevrez  à  travers 
un  nuage  de  poussière  et  de  fumée,  le  nuage  des  batailles.  Ce  spectacle 
n'est  pas  fait  pour  vous  contrister,  ô  mon  Eoi  !  Les  rois  aiment  les  ré- 
giments qui  triomphent,  qui  ont  de  bons  casernements.  Ici  j'ai  vu  des 
chefs  de  régiments  triomphants  et  bien  casernes.  Tant  mieux.  Soyez- 
en  béni.  Dieu  des  victoires,  et  en  soient  félicités  nos  frères  très  chers,  de 
quelque  nom  qu'ils  s'appellent  ;  et  quelque  langue  qu'ils  parlent  !  Toute- 
fois, les  rois  aiment  plus  encore  les  régiments  qui  se  battent.  Ils  leur 
doivent  un  regard  de  plus  tendre  bienveillance;  ce  regard  nous  le  récla- 
mons. Seigneur,  aujourd'hui,  nous  sonunes  le  régiment  qui  se  bat. 

Hostie  salutaire,  en  ce  Congrès  intermondial,  nous  vous  avons  prié 
pour  le  monde.     Sauvez  !  Sauvez  le  monde  !     Ainsi  soit-il  ! 


La  messe  solennelle  chantée  à  la  cathédrale  n'est  pas  en- 
core terminée  que  déjà,  aux  abords  de  l'église  Xotre-Dame 
les  rues  sont  envahies.  A  l'ouest  de  l'église  jusqu'à  la  rue 
3IcGill  inclusivement,  les  différents  groupes  ont  été  convo- 
qués aux  endroits  qu'ils  doivent  occuper  avant  le  départ  de  la 
procession.  De  tous  côtés,  depuis  onze  heures,  sociétés  cho- 
rales, délégations  paroissiales,  associations  pieuses,  fanfares 
affluent,  gagnant  chacune  la  rue  où  elle  doit  stationner.  On 
ne  compte  plus  les  bannières,  les  drapeaux  de  toute  couleur 
et  de  toute  forme.  C'est,  sous  le  ciel  bleu  et  sous  le  gai  soleil, 
un  froissement  continu  de  soie,  un  perpétuel  rutilement  d'or. 
Jusqu'au  reposoir,  sous  les  arcs,  le  long  des  rues  où  doit  se 
faire  le  défilé,  le  peuple  attend.  Les  gares,  le  matin,  onr 
compté  cent  quinze  trains  et  plus  de  quatre  cent  mille  per- 
sonnes sont  entrées  dans  la  ville.  Avec  ce  que  les  jours  pré 
cédents  avaient  amené  de  monde,  avec  la  population  ordi- 
naire on  peut  évaluer  le  nombre  probable  de  spectateurs.  Ils 
sont  massés  sur  des  estrades  élevées  partout,  parfois  à  trente 
et  quarante  degrés  superposés;  dans  les  fenêtres,  sur  les  bal- 
cons, sur  le  toit  des  maisons,  dans  les  arbres,  et  sur  les  trot- 
toirs h  dix  rangs  de  profondeur.  Cette  multitude  immense 
se  tiendra  calme,  respectueuse,  recueillie  i)endant  cinq  heures 
consécutives,  fière  de  l'honneur  qui  lui  est  fait,  heureuse  de 
donner  un  témoignage  public  et  non  équivoque  de  sa  foi  pro- 
fonde. 


—  96  — 

Midi  et  demi.  Le  bourdon  de  Notre-Dame  s'ébranle.  11  jette 
dans  l'air  calme  ses  notes  puissantes  et  graves  que  la  brise 
emporte  au  loin  sur  le  fleuve.  C'est  le  signal  attendu.  Im- 
médiatement la  procession  se  forme.  A  une  heure  elle  est 
en  mouvement.  A  travers  deux  haies  de  spectateurs,  sous  la 
coupole  des  arcs  de  triomphe,  le  long  des  rues  dont  toutes  les 
nmisons  ont  été  littéralement  tapissés,  de  la  base  au  faite, 
de  draperies  et  de  banderolles,  elle  s'avance  lentement  dérou- 
lant d'incomparables  splendeurs  sous  les  yeux  émus  et  sou- 
vent remplis  de  larmes  des  aissistants. 

Voici  dans  quel  ordre  se  fait  le  défilé  : 

Un  groupe  d'agents  de  police,  sous  le  eonimandement  de  l'inspecteur 
Leggett,  à  cheval. 

Un  détachement  de  pompiers. 

Le  bataillon  des  Zouaves. 

Chœur  Xo  1. 

La  jeunesse  Catholique. 

Fanfare. 

Un  membre  du  Comité  de  procession  avec  ses  messagers. 

Les  sociétés  catholiques. 

Les   'Hibernians  ",  précédés  de  la  Garde  du  même  nom. 

La  C.  M.  E.  A. 

Chœur  No  7. 

La  Garde  Indépendante  Champlain  d'Ottawa. 

Les  Forestiers  Catholiques. 

La  Garde  Indépendante  Pie  X. 

L'Alliance  Nationale. 

Fanfare. 

La  Garde  Indépendante  Duverna}^ 

Chœur  X^o  3. 

Union  Saint-Pierre. 

L'Union  Saint-Joseph  de  Saint-Henri  et  l'Union  Saint-Joseph  du 
Canada. 

La  ]\Iusique  de  Montréal  et  les  Artisans  Canadiens-français. 

Chœur  X^o  2. 

La  Garde  Indépendante  des  Chasseurs  de  Salaberry  de  Québec. 

Chœur  Xo  4. 

Les  Chevaliers  de  Colomb. 

La  Garde  Indépendante  de  Lowell,  Mass. 

Chœur  Xo  5. 

Les  Sfciétés  de  Tempérance. 

Les  "IIolv  Xame"  et  lu  société  Saint- Vincent  de  Paul  de  Brooklyn. 

La  Garde  rndépendante  Champlain  de  Québec. 

La  St.  Patrick'i;  Society. 

La  fJardo  Indépendante  Yille-Marie. 

Chœur  Xo  G. 

L'Association  Saint-Jean-Baptiste. 

Fanfare  et  cadets  des  Zouaves. 


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—  97  — 

Un  membre  du  Comité  de  Procession  avec  ses  messagers, 

La  Garde  Indépendante  Jacques-Cartier  de  Québec. 

Chœur  Xo  8. 

Les  Liojues  du  Sacré-Cœur. 

Fanfare. 

Chœur  No  9. 

Les  Congrégations  de  la  Sainte-Yierge. 

Les  Conférences  de  Saint-Vincent  de  Paul. 

Un  membre  du  Comité  de  Procession  avec  ses  messagers. 

Chœur  No  10. 

Les  paroisses  du  diocèse  de  Montréal  avec  leurs  sociétés,  archicon- 
fréries  et  associations,  bannières  et  oriflammes  déployées  dans  l'ordre 
suivant  : 

Notre-Dame,  Saint-Paul,  Xotre-Dame  du  Perpétuel-Secours,  Sainte- 
Clotilde,  Saint-Yiateur,  Saint-Clément  de  Yiauville,  Saint-Eusèbe,  ïïo- 
chelaga,  Sainte-Claire,  Sacré-Cœur,  Saint-Pierre,  Saint-Jean-Baptiste, 
Longue-Pointe,  Yilleray,  Saint-François  d'Assise,  Notre-Dame  de  Yer- 
dun,  Saint-Arsène,  Maisonneuve,  Saint-Stanislas,  Saint-Yincent  de  Paul, 
les  Sourds-Muets,  L'Enfant-Jésus,  Saint-Anselme,  Saint-Zotique,  Saint- 
Jean  de  la  Croix,  la  Colonie  Syrienne,  Saint  Anthony's,  Saint  ]ilar}''s, 
Saint  Michael's,  Saint  Agnès,  Saint  Thomas  d'Aquinas',  Saint  Patrick'^, 
Sainte-Cunégonde,  Saint-Jacques,  Saint-Charles,  Notre-Dame  du  ]\Iont- 
Carmel,  la  Colonie  Italienne,  Sainte-Elisabeth,  Saint-Henri,  Lachine,  la 
Colonie  Polonaise  et  Lithuanienne,  Caughnawaga,  les  Chinois  Catho- 
liques, Montréal-Sud,  Saint-Laurent,  Saint-Sacrement,  Saint-Sulpice, 
Sault-au-Eécollet.  Terrebonne,  Saint-Eémi,  Saint-Yincent  de  l'Ile  Jésus, 
Saint-Constant,  Sainte-Anne-des-Plnines,  Saint-Martin,  Yaucluse,  Sain- 
te-Dorothée, Saint-Léonard,  Sherrington,  Pointe-aux-Trembles,  Saint- 
François  de  Sales,  Sainte-Ann«  de  Pellevue.  Saint-Luc,  Saint-Jacques  le 
Mineur,  Saint-Hermas.  Sainte-SchoLiï^tique.  Sainte-Eo~e,  Sainte-Th-vè-e, 
Longueuil,  Boucherville,  Saint-Isidore,  Saint-Hubert,  Saint-Jérôme, 
Chambly,  Yerchères,  Contrecœur,  Lachute,  Yarennes. 

Les  délégations  canadiennes  : 

Diocèse  de  Joliette,  diocèse  de  Sherbrooke,  diocèse  d'Alcxandra,  dio- 
cèse de  Xicolet,  diocèse  de  Saint-Hyacinthe,  diocèse  de  Yalleyfield,  dio- 
cèse de  London,  diocèse  de  Trois-Eivière?,  diocèse  d'Ottawa. 

Diocèse  de  Saint-Boniface. 
Fanfare  Italienne. 
Chœur  No  11. 
Chœur  No  12. 

Les  Délégations  Acadiennes. 
Les  Délégations  Américaines. 
Les  Délégations  Européennes. 
Fanfare. 

Les  Fraternités  du  Tiers-Ordre. 

Un  membre  du  Comité  de  Proce-sion  et  ses  messagers. 
Communautés  religieuses  comme  suit: 
4 


—  9S  — 

Frères  du  Sacré-Cœur,  Frères  de  Saint-Gabriel,  Frères  de  Lamennais, 
Frères  Maristcs,  Frères  de  la  Charité,  Frères  des  Ecoles  Chrétiennes. 

Les  Eévérends  Pères  de  la  Société  de  Marie,  Sainte-Croix,  Rédemp- 
toristes,  Saint-Viateur,  Saint-Sacrement,  Oblats  de  Marie-Immaculée, 
Dominicains,  de  la  Compagnie  de  Jésus,  Franciscains,  Trappistes. 

Un  membre  du  Comité  de  Procession  et  ses  messagers. 

Cérémoniaires. 

Les  Enfants  de  Chœur. 

Les  Séminaristes. 

Les  prêtres. 

La  fanfare  du  ''  Mont  Saint-Louis." 

Les  Chanoines  des  diocèses  étrangers. 

Les  Vicaires-Généraux  des  diocèses  étrangers. 

Le  sous-diacre  porte-croix  entre  deux  acolytes. 

Les  prêtres  en  ornements. 

La  fanfare  du  65e. 

Les  représentants  d'évêques. 

Les  Chanoines  de  Montréal. 

Les  Abbés  Mitres. 

Les  Evêques  et  leurs  chapelains. 

Les  Archevêques  et  leurs  chapelains. 

Les  anciens  zouaves  pontificaux. 

Le  Chapelain  porte-crosse. 

Les  thuriféraires. 

Les  petits  pages  et  thuriféraires. 

Son  Eminence  le  Cardinal  Légat  portant  le  Saint-Sacrement,  avec 
ses  ministres  sous  le  dais,  entouré  de  la  Garde  d'honneur  formée  par  un 
détachement  du  65e. 

Un  Chapelain  de  Mitre. 

Les  Associés  de  la  Mission  Pontificale. 

Les  Familliers  du  Eévérendissime  Cardinal  Célébrant. 

Deux  porte-clefs. 

Deux  cérémoniaires. 

Les  Eminentissimes  Cardinaux. 

Un  cérémoniaire. 

Le  Eévérendissime  Archevêque  de  Montréal  en  "  cappa  magna  "  et  ses 
Chapelains. 

Un  cérémoniaire. 

Les  protonotaires  Apostoliques. 

Les  Prélats  domestiques. 

Les  Camériers  secrets  sans  mission. 

Les  Ordres  Pontificaux. 

Le  Comité  permanent  des  Congrès  Eucharistiques. 

Les  Cadets  du  Mont  Saint-Louis  et  le  65e  bataillon  formant  la  Garde 
d'honneur  des  dignitaires  ecclésiastiques. 

Les  corps  officiels. 

L'administrateur  du  Canada  et  son  état-major. 

Le  gouverneur  du  Ehode-Tsland  et  son  état-major.  ' 

Le  lieutenant-gouverneur  et  son  état-major. 

Le  représentant  du  Gouverneur  Général  et  ses  aides  de  camp. 


—  99  — 

Le  Gouverneur  de  l'Etat  du  Ehjde  Islaud,  E.  U.,  et  ses  aides  de  camp. 
Le  représentant  du  Lieutenant-Gouverneur  de  la  Province  de  Québec 
et  ses  aides  de  camp. 

Le  premier  Ministre  du  Canada  et  les  Membres  du  Cabinet. 

L'orateur  de  la  Chambre  des  Communes. 

La  Magistrature. 

Les  Députés  à  la  Chambre  des  Communes. 

Le  premier  Ministre  de  la  Province  de  Québef. 

Les  membres  du  Conseil  Exécutif  de  la  Province  de  Québec. 

L'orateur  du  Conseil  Législatif, 

Les  membres  du  Conseil  Législatif. 

L'orateur  de  l'Assemblée  Législative. 

Les  membres  de  l'Assemblée  Législative. 

Le  Maire  de  Montréal. 

Messieurs  les  Commissaires  et  Echevins  de  la  Cité  de  Montréal. 

Le  Bâtonnier  de  l'ordre  des  avocats. 

Le  Barreau. 

Le  Président  de  la  Chambre  des  Notaires. 

Les  Notaires. 

Les  Professeurs  de  l'Université  Laval. 

L'Université  Laval. 

Les  corps   professionnels  :   les  médecins,   les   pharmaciens,   et   l'école 
technique,  représentée  par  une  délégation. 

L'Adoration  Nocturne. 

Les  Confréries  du  Très  Saint-Sacrement. 

Extrême  arrière-garde  :  les  Zouaves  Pontificaux  du  Cercle  Paroissial 
de  l'Enfant-Jésus. 

A  quatre  heures  et  demie  seulement  le  Saint-Sacrement 
quittait  Notre-Dame,  porté  par  le  Cardinal-Légat.  Jusqu'au 
reposoir  il  s'avamcera  sur  un  vrai  chemin  de  fleurs,  les  pages- 
fleuristes  vidant  devant  lui  leurs  corbeilles  aussitôt  remplies. 
A  sept  heures,  par  la  rue  Eachel,  on  atteignait  le  reposoir.  La 
nuit  était  venue,  une  nuit  lumineuse  et  douce  où  dans  le  ciel 
serein  la  lune  s'élevait  paisible.  Au  loin  les  clochers,  pleins 
de  la  rumeur  de  leurs  cloches  en  branle,  s'illuminaient.  La 
coupole  du  reposoir  elle-même  s'enveloppait  do  mille  feux 
tandis  que  la  foule  quittant  les  rues  où  le  Saint-Sacrement 
venait  de  passer,  s'entassait,  toujours  plus  pressée,  plus  com- 
pacte. On  la  devinait  plutôt  qu'on  ne  la  voyait,  sur  les 
pentes  de  la  montagne  et  très  loin  sur  les  pelouses  du  parc. 

"C'est  notre  Dieu":  trente  chœurs  de  chant  reprennent 
ensemble  ce  refrain,  les  fanfares  jouent,  les  clairons  sonnent, 
les  bombes  éclatent  dans  l'air  sonore,  puis  une  acclamation 
immense,  unique.  Voici  le  cortège  d'honneur,  du  (lirist-lîo., 
voici  le  Roi  lui-même. 


100  — 


Mgr  Tarchevêque  de  Montréal  élève  en  ce  moment  la  voix. 
Toute  sou  âme  passe  dans  ces  appels,  dans  ces  vivats, 
dans  ces  prières,  que  la  foule  répète  après  lui  : 


"  Vive  Jésns-Christ  !  " 

''  Vive  l'Eucliaristie  !  " 

"  Vive  Marie  Immaculée  !  " 

"  Vive  l'Eglise  !  " 

«  Vive  Saint-Jean-Baptiste  !  " 

"  Vive  Saint-Patrice  !  " 

"  Vivent  tous  les  Saints  !  " 

"  Vive  le  Canada  !  " 

"  Vivent  les  Etats-Unis  !  " 

"  A^ive  la  France  !  " 

"  Vive  l'Angleterre  !  " 


"  Vive  l'Ecosse  !  " 

"  Vive  l'Irlande  !  " 

"  Vive  l'Acadie  !  " 

"Vive  le  Manitoba!" 

"A^ivc  la  Belgique!" 

"  Vive  l'Italie  !  " 

"  Vive  la  Terre  Sainte  !  " 

"  Vive  l'Australie  !  " 

"  Vive  rOcéanie  !  " 

"  Vive  l'Europe  !  " 

"  Vive  le  Saint-Sacrement  !  " 


''  Jésus-Hostie,  à  vous  nos  cœurs  !" 


"  A  vous  le  clergé  !  " 
"  A  vous  nos  jeunes  gens  !  " 
"  A  vous  nos  enfants  !  " 
"  A  vous  les  pauvres  !  " 
"  A  vous  nos  familles  !  " 


"A 


vous  nos  diocèses  !  " 
A  vous  l'épiscopat  !  " 
"  A  vous  les  orphelins  !  " 
"  A  vous  les  malades  !  " 
"  Amen  !    Amen  !    Amen  !  " 


Puis  le  silence,  le  silence  émouvant  des  grandes  églises,  la 
foule  prosternée  et  au-dessus,  clans  les  mains  du  Cardinal, 
l'ostensoir  qui  s'élève  et  qui  bénit.  Instant  inoubliable,  que 
ceux-là  S9uls  comprendront  qui  l'ont  vécu  !  Instant  béni,  où 
des  siècles  de  foi  recevaient  leur  récompense,  oii  les  morts, 
les  morts  humbles  ou  glorieux,  les  artisans  modestes  ou  cé- 
lèbres de  notre  vie  nationale  ou  religieuse,  semblaient  surgir 
de  leur  tombe,  se  mêler  aux  vivants  et  adorer  avec  eux  le 
Dieu  de  nos  autels. 

Le  cortège  arrêté  au  reposoir,  redescend  maintenant  un 
peu.  La  sainte  Hostie,  déposée  dans  la  chapelle  des  reli- 
gieuses de  l'Hôtel-Dieu  sera  adorée  jusqu'au  matin  par  les 
âmes  pieuses  qui  se  succéderont  devant  elle.  Et  pour  lui 
faire  honneur  encore,  à  cette  heure  la  ville  entière  s'illumine 
et  s'embrase,  le  ciel  est  empourpré  de  toutes  les  splendeurs 
de  la  terre.     C'est  l'apothéose  finale  ! 


101 


CHAPITRE    II 


LES  SEANCES  GENERALES  DU  SOIR  DANS  L'EGLISE  NOTRE-DAME 


Ces  deux  séances  du  vendredi  soir  et  du  samedi  soir  furent, 
au  dire  de  tous,  d'une  beauté  souveraine.  Ce  fut  une  mani- 
festation de  foi  chrétienne,  en  même  temps  que  d'ardent 
amour  au  Souverain  Pontife  dans  la  personne  de  sou  repré- 
sentant. L'église  est  pleine,  pleine  à  déborder  quand  celui- 
ci,  vers  huit  heures  et  demie,  y  fait  son  entrée  solennelle,  es- 
corté d'une  lono'ue  théorie  d'évêques,  de  prélats,  de  digni- 
taires ecclésiastiques.  L'orgue  joue  à  ce  moment  et  de  vingt 
mille  poitrines  s'élancent  les  acclamations  vibrantes,  élo- 
quente manifestation  d'un  enthousiasme  et  d'une  émotion 
qui  semblent  ne  pouvoir  se  calmer. 

Le  silence  étant  enfin  établi,  le  Cardinal  se  lève,  il  s'étonne 
devant  cette  foule,  il  dit  sa  joie,  il  remercie,  il  félicite,  puis 
il  confie  à  Mgr  Heylen,  président  du  Comité  i)ermaneut  des 
Congrès  Eucharistiques,  le  soin  de  diriger  ces  réunions  du 
soir. 

Mgr  Heylen  prend  immédiatement  la  parole. 

Au  nom  du  Comité  permanent  des  Congrès  Eucharistiques,  dont  j'ai 
l'honneur  d'être  le  président,  j'aime  à  exprimer,  tout  d'abord,  la  joie 
profonde,  l'émotion  vive  que  nous  avons  éprouvées  lorsque  Monseigneur 
l'Archevêque  de  Montréal  accepta  de  tenir  le  XXIe  Congrès  dans  sa 
ville  épiscopale. 

Il  allait  donc  se  réaliser  le  vœu  qui  maintes  fois  s'était  trouvé  —  quoi- 
que timidement  —  sur  les  lèvres  des  fondateurs  de  notre  œuvre.  Il 
allait  s'accomplir  le  rêve  que  leur  pensée  aimait  à  caresser.  Ce  n'était 
pas  à  quelques  nations  de  la  vieille  Europe  que  resterait  limitée  l'action 
des  Congrès  ;  elle  allait  s'étendre  à  l'univers  tout  entier  et  amener  toutes 
les  nations  à  témoigner,  dans  ces  grandioses  manifestations  internatio- 
nales, leur  foi  et  leur  amour  envers  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  présent 
dans  la  Très  Sainte  Eucharistie. 

En  vérité,  quelle  n'eût   pas  été  l'allégresse  des  de   Ségiir,  des  de  la 


—  102  — 

Bouillerie  et  des  premiers  apôtres  de  cette  admirable  et  audacieuse  idée, 
s'ils  avaient  pu  prévoir  qu'après  si  peu  d'années,  leur  œuvre  serait  favo- 
risée d'un  tel  accroissement,  qu'elle  franchirait  les  mers  et  ferait  ce  pas 
gigantesque  vers  la  conquête  du  monde! 

La  joie  qu'ils  auraient  éprouvée,  nous  la  ressentons  nous-mêmes  au 
fond  du  cœur.  Je  dis  plus  :  cette  joie  est  partagée,  j'en  ai  la  conviction, 
par  tous  les  chrétiens  des  deux  hémisphères.  Quel  est  le  fidèle  —  s'il  a 
vraiment  à  cœur  le  triomphe  de  la  vérité  —  qui  ne  s'est  réjoui  du  déve- 
loppement providentiel  d'une  œuvre  qui  tend  à  restaurer  et  à  étendre  le 
règne  social  de  Jésus-Christ,  à  une  époque  où  les  nations  se  montrent  si 
infidèles  ? 

Car,  ils  sont  hélas  !  loin  de  nous  les  temps  où  le  culte  eucharistique 
occupait  dans  la  société  la  place  d'honneur  à  laquelle  il  a  droit.  Durant 
ces  siècles  de  foi  qu'a  connus  le  Moyen- Age,  les  peuples  gardaient  reli- 
gieusement dans  leurs  institutions  et  dans  leurs  coutumes  les  hommages 
dus  au  Eoi  des  jSTations  ;  on  vo5^ait  les  Souverains  et  leurs  gouvernements 
tenir  à  honneur  d'être  les  vassaux  de  l'Eucharistie;  les  soldats  et  leurs 
chefs  allaient,  avant  de  combattre,  se  prosterner  aux  pieds  des  autels, 
s'asseoir  à  la  Table  sainte. 

A  présent,  c'est  l'apostasie.  J'en  appelle  surtout  à  ceux  qui,  ici,  re- 
présentent nos  pays  d'Europe.  N'a-t-on  pas  vu  souffler,  du  Nord  au 
Midi,  du  Levant  au  Couchant,  un  vent  apparemment  de  neutralité  et 
d'indifférence,  mais  qui,  en  réalité,  ne  fait  que  pallier  l'hostilité  et  la 
persécution  ?  Ne  voyons-nous  pas  les  Etats  faillir  à  leur  mission  et  mar- 
cher délibérément  dans  la  voie  de  l'Athéisme? 

Contre  cette  attitude  des  nations,  les  Congrès  Eucharistiques  ont 
élevé  une  protestation  vigoureuse.  A  ce  flot  montant  d'opposition  à 
Dieu  ils  ont  opposé  une  digue  résistante.  îSTous  pensons  qu'avec  l'aide 
d'en  haut,  leur  action  n'a  pas  été  dans  le  passé  stérile.  Et  quant  au 
premier  Congrès  tenu  sur  le  sol  américain,  nous  en  attendons  des  fruits 
plus  consolants  encore.  Qui  ne  nourrirait  cette  espérance  en  contem- 
plant le  spectacle  qui,  plus  encore  qu'aux  précédents  Congrès,  s'offre  au- 
jourd'hui à  nos  regards?  L^n  Congrès  Eucharistique,  c'est  l'image,  la 
physionomie  de  l'Eglise  Universelle  qui  unit  tous  les  efforts  de  ses 
enfants  pour  affirmer  ses  droits  et  ceux  de  son  auguste  fondateur,  et 
pour  rétablir  le  règne  social  de  Jésus-Christ.  Qu'elles  doivent  être 
puissantes  la  prière  et  l'action  de  cette  immense  famille,  répandue  par 
toute  la  terre,  qui  s'est  fait  représenter  ici  à  tous  ses  degrés.  Notre 
Père  bien-aimé,  Sa  Sainteté  Pie  X,  est  présent  parmi  nous  :  nous  le  sa- 
luons avec  respect  et  amour  dans  la  personne  de  son  Légat.  A  ses  côtés, 
nous  vénérons  les  premiers  Pasteurs  des  diocèses,  cardinaux,  archevê- 
ques et  évêques,  représentant  ici  les  Eglises  des  deux  continents. 
Ensuite,  il  n'y  a  presque  aucune  nation,  si  lointaine  soit-elle,  qui  ne  re- 
trouve ici  ses  délégués,  prêtres,  religieux  ou  laïques.  Et  par  delà  ce 
petit  nombre  d'hommes  appelés  à  participer  directement  au  Congrès, 
c'est  une  multitude  de  fidèles  qui  absents  de  corps,  sont  ici  avec  nous  de 
cœur.  Serait-il  exagéré  de  dire  que  l'Univers  chrétien  dirige  aujour- 
d'hui sur  nous  ses  regards?     Il    me    sembde  qu'en    cette    circonstance, 


—  103  — 

l'union  daiis  la  i^i'ière  et  dans  Toffort  a  formé  un  vaste  réseau  encerclant 
la  terre  entière. 

Oui,  —  et  c'est  une  pensée  bien  touchante  —  il  s'élève  aujourd'hui 
vers  le  ciel  une  voix  puissante,  dans  laquelle  on  reconnaît  la  prière 
réunie  de  toutes  les  nations.  Elle  appelle  sur  ces  assises  solennelles  la 
bénédiction  et  la  fécondité. 

De  partout  aussi,  on  suit  les  cérémonies  et  les  études  du  Congrès  ;  et 
l'on  attend  le  résultat  de  ses  travaux  pour  promouvoir  avec  une  nouvelle 
ardeur  la  diffusion  du  culte  eucharistique. 

De  partout  enfin,  on  s'associe  à  cette  manifestation  publique  et  sociale 
de  la  procession  de  clôture  qui  promet  d'atteindre,  en  cette  catholique 
cité,  un  développement  et  une  splendeur  jusqu'ici  insoupçonnés. 

Ces  pensées  si  consolantes,  ces  belles  espérances  font  s'échapper  de 
notre  cœur  un  cri  de  reconnaissance  à  l'adresse  de  tous  ceux  qui  ont 
coopéré  à  l'organisation  et  au  succès  du  Congrès  de  Montréal. 

lieconnaissance  à  notre  bien-aimé  et  admirable  Pontife,  Sa  Sainteté 
Pie  X,  le  Pape  de  l'Eucharistie  et  des  Congrès.  Reconnaissance  à  Son 
Eminence  le  Cardinal  A^annutelli,  Légat  de  Sa  Sainteté,  notre  illustre 
bienfaiteur,  qui  prodigue  si  largement  à  l'Œuvre  le  bienfait  de  sa  pro- 
tection, l'éclat  de  ses  talents  et  de  son  nom. 

Eeconnaissance  à  l'illustre  Archevêque  de  Montréal  pour  l'hospitalité 
grandiose  qu'il  a  donnée  au  Congrès  dans  le  cadre  incomparable  de  a 
ville  épiscopale,  et  pour  la  piété  et  le  zèle  qu'il  a  mis  à  en  assurer  le 
succès.  Qu'il  soit  loué  et  béni  de  nous  avoir  mis  en  contact  avec  cette 
population  si  sympathique  et  si  chrétienne,  dans  laquelle  nous  sommes 
ravis  de  reconnaître  les  mérites  tout  à  la  fois  de  la  nation  française  dont 
elle  tire  ses  origines,  du  peuple  américain  qui  lui  a  donné  son  sol  et  de 
la  race  britannique  dont  elle  est  la  colonie.  Il  y  a  deux  ans,  au  Congrès 
de  Londres,  vous  nous  parliez.  Monseigneur,  de  la  foi  et  de  la  dévotion 
qui  caractérisent  la  vieille  Province  de  Québec  et  de  l'accueil  que  votre 
ville  réservait  à  un  Congrès  Eucharistique  sur  les  rives  du  Saint-Lau- 
rent. Que  votre  Grandeur  me  permette  de  le  dire  :  la  réalité  a  dépassé 
ces  promesses  et  notre  attente.     Ici  aussi,  pour  croire  il  faut  avoir  vu  ! 

Eeconnaissance  ensuite  aux  Eminentissimes  Cardinaux,  à  nos  bien- 
aimés  frères,  les  Evoques  du  monde  chrétien  qui  ont  dû  cette  fois,  pour 
répondre  à  notre  appel,  accumuler,  multiplier  les  sacrifices.  Leur  pré- 
sence est  pour  nous  la  plus  enviable  des  récompenses. 

Reconnaissance  aux  autorités  civiles  qui  par  un  exemple  aussi  grand 
que  rare,  ont  tenu  à  proclamer  publiquement  leur  fidélité  à  ce  Dieu  de 
qui  toute  autorité  tire  son  origine  et  sa  force. 

Reconnaissance  enfin  à  tous  les  Congressistes  qui,  soit  de  l'Ancien, 
soit  du  Nouveau-Monde  sont  venus  personnellement  affirmer  leur  amour 
envers  l'Eucharistie. 

Et  maintenant,  je  termine  par  ce  mot  que  j'ai  entendu  chanter  dans 
votre  réunion  inoubliable  d'ouvriers  chrétiens:  En  avant  marchons. 

Que  l'on  dise  bientôt  du  Congrès  de  Montréal  qu'il  a  surpassé  tous  les 
Congrès  précédents,  non  seulement  par  la  magnificence,  mais  aussi  par 
l'abondance  des  fruits  ! 


—  104  — 

Puisse-t-il  nous  retrempex  tous  dans  la  foi  et  dans  la  dévotion  à  l'Eu- 
charistie et  nous  pénétrer  d'une  ferme  volonté  de  nous  dépenser  san^ 
trêve  et  sans  mesure  à  la  glorification  du  Dieu  de  nos  autels. 

Puisse-t-il  nous  suggérer  les  vrais  moyens  pratiques  d'avoir  raison  de 
la  funeste  indifférence  du  monde;  d'opérer  le  retour  des  hommes  à  la 
pratique  des  devoirs  chrétiens  ! 

Puisse-t-il  provoquer  partout  un  nouvel  essor  des  œuvres  religieuses 
et  sociales,  qui  assureront  à  Jésus-Eucharistie  les  hommages  privés  et 
publics  auxquels  II  a  droit  ! 


Mgr  l'Archevêque  de  Montréal  répond: 


Emixexce^ 

J'accepte  avec  bonheur  l'honneur  qui  m'est  fait.  La  tâche  ne  me  sera, 
pas  difficile  et  je  dirigerai  les  travaux  de  cette  séance  sous  la  présidence 
de  Monseigneur  l'évêque  de  ISTamur,  le  président  du  Comité  permanent 
des  Congrès  Eucharistiques. 

Qu'il  me  soit  permis  d'ajouter  un  nom  aux  noms  illustres  des  princes 
de  l'Eglise  que  vous  avez  entendus  tout  à  l'heure.  Je  recevais  d'Edim- 
bourg, il  y  a  quelques  jours,  le  télégramme  suivant: 

"  Aechpjshop  or  Montréal,  Canada.'' 

"  Please  accept  and  convey  to  ail  the  assurance  of  my  deep  regret  and 
disappointment  that  I  am  prevented  by  spécial  and  important  business 
from  attending  the  Congress.  I  deeply  lament  I  am  deprived  of  this 
great  privilège  and  of  showing  my  affectionate  respect  to  Your  Grâce 
and  Catholios  of  Canada." 

"  Duke  of  Norfolk." 
(Applaudissements.) 

La  nouvelle  s'est  répandue  hier,  je  ne  sais  comment,  ici  et  à  l'étranger, 
que  le  cardinal-légat  était  indisposé  ou  malade,  et  cette  nouvelle,  peut- 
être,  a  déjà  traversé  les  mers.  Cette  nouvelle,  mesdames  et  messieurs, 
est  absolument  fausse,  vous  n'avez  qu'à  regarder  Son  Eminence  (ap- 
plaudissements) pour  voir  comme  elle  se  porte  bien. 

Nous  avons  un  cardinal-légat  incomparable  (applaudissements),  rien 
ne  le  fatigue.  Je  le  vois  à  l'œuvre  du  matin  au  soir,  et  je  puis  lui 
rendre  ce  témoignage  en  toute  vérité:  le  Cardinal  Vannutelli  est  un  de 
ces  hommes  que  le  labeur  fait  vivre  et  qui  est  d'autant  plus  heureux  qu'il 
répand  plus  de  bonheur  autour  de  lui.     (Applaudissements.) 

Nous  allons  maintenant  entendre  le  Prince  de  l'Eglise  assis  à  côté  dç 
Son  Eminence  :  le  Cardinal  Logue  (Appl.)  ;  c'est  lui  qui  ouvrira  les  dis- 
cours très  éloquents  que  nous  entendrons  ce  soir. 


M 


M 

o 


—  105  — 

Cardinal  Lo^ue,  who  was  introduced  bv  Mis  Grâce  Arch- 
bishop  Bruchesi  spoke  as  follows  : 

"  Yonr  good  Archbishop  lias  played  an  important  rôle  tliis  evening, 
so  much  so,  in  fact,  tliat  I  simply  bave  to  touch  tlie  button  to  turn  upon 
yoii  tlie  currents  of  éloquence  which  are  to  corne  after  me. 

This  is  my  business,  and  this  can  be  clone  in  a  very  few  words. 

I  am  very  glad,  indeed,  that  it  lias  become  my  lot  to  opcn  tlie  adresses 
which  are  to  be  made  to  you  this  evening,  because  it  gives  me  an  oppor- 
tunity  of  expressing  thoughts  which  are  struggling  to  be  expressed. 

In  the  first  place,  I  désire  to  join  myself  with  my  friend,  the  Bishop 
of  !N"amur,  in  congratulating  the  worthy  and  energetic  Archbishop  who 
wields  the  destiny  of  this  Diocèse.  I  join  witli  the  Bishop  of  Xamur  in 
congratulating  you  and  your  illustrions  Archbishop  on  the  success  of 
this  International  Eucharistie  Congress.  It  is  only  neccssary  to  look 
abroad  over  this  vast  multitude,  or  to  hâve  been  présent  to-day  when 
the  children  marched  past,  in  order  to  be  convinced  of  the  fact  that  this 
Congress  lias  been  taken  up  witli  the  greatest  enthusiasm  by  the  Catholic 
people  of  Canada. 

I,  therefore,  join  with  His  Lordship  the  Bishop  of  Xamur  and  convey 
my  congratulations  to  your  illustrions  Archbishop  for  the  success  of  the 
great  work  which  he  has  undertaken  and  carried  through  so  well.  I 
also  join  with  His  Lordship  in  returning  thanks  to  your  Archbishop  for 
his  princely  hospitality.  We  return  the  same  thanks  to  ail  the  Clergy 
and  people  who  are  well  worthy  of  their  Archbishop. 

This  Congress  is  a  magnificent  success,  and  it  could  not  l)e  other- 
wise,  because  ail  the  éléments  which  go  to  achieve  success  are  to  be  found 
in  this  présent  Congress.  We  hâve  hère  the  Church  of  the  Old  World, 
and  the  Church  of  the  New  World.  We  hâve  the  most  vénérable  of  ail 
the  Churches,  the  motlier  and  mistress  of  ail  the  churches  represented 
in  the  authority  and  blessing  of  our  Holy  Father,  the  Pope,  and  in  the 
fact  that  he  has  delegated  His  Erainence  Cardinal  A'annutelli,  who  has 
already  presided  over  a  number  of  International  Eucharistie  Congresses, 
—  so  many  indeed,  that  I  believe  his  name  will  go  down  in  liistnry  as 
"  The  Cardinal  of  the  Eucharistie  Congresses.'' 

Ail  thèse  Congresses  hâve  been  successful  up  to  the  présent  time,  and 
a  great  deal  —  perhaps  the  chief  part  —  of  that  success  (as  far  as  dé- 
pends upon  human  hands),  was  due  to  the  zeal  and  kindness  of  His 
Eminence,  the  kindness  with  which  he  has  received  everyone,  and  his 
readiness  to  undergo  any  amount  ot  inconveiiicneo  in  order  to  ■.•arry 
through  the  great  work  which  the  Sovereign  Pontifï  has  given  him  to  do. 
You  know,  my  dear  friends.  the  Pope  is  infaillible  in  matters  of  faith 
and  moral,  but,  apart  from  his  infaillibility  he  is  a  wise  man,  and  a  wise 
ruler,  and  I  don't  believe  he  ever  showed  a  greater  proof  of  his  wisdom 
than  when  he  selected  His  Eminence  Cardinal  Vannutelli  to  be  the 
Cardinal  of  the  Eucharistie  Congress. 

This  présent  Congress  is,  as  I  say,  a  great  success,  and,  indeed  it  could 
not  be  othenvise.     You  hâve  united  in  celebrating  this  great  profession 


—  106  — 

of  failli    and    love    and    dévotion    to    our    Blessed    Lord    in  the  Holy 
Eucharist. 

The  Churcli  of  tlie  Old  .World,  and  the  Church  of  the  New  World  are 
very  well  represented  liere.  I  might  draw  your  attention,  in  the  first 
place,  to  the  fact  that  you  hâve  hère  a  représentative  of  the  Church  of 
France,  -which  has  a  spécial  claim  upon  the  Catholics  of  Canada,  and 
between  which  there  exists  a  tie  not  merely  of  religion  but  of  love.  That 
glorious  Church  !  The  oldest  daughter  of  the  Church  !  has  been  suffering 
persécution  for  gome  tinie  past,  but  she  has  been  great.  As  she  has  been 
great  in  lier  prosperity,  she  lias  also  been  great  in  her  persécution.  I 
do  not  believe  that  in  ail  French  history  you  would  find  a  grander  fact 
than  that  which  has  been  verified  in  France  during  the  last  five  or  six 
years.  We  hâve  seen  the  vénérable  Bishops  and  the  zealous  Clergy  walk- 
ing  out  of  their  palaces  and  tlieir  presbyteries,  and  giving  up  what 
little  means  of  support  tliey  had  (for  the  priests  at  least  it  was  very 
small),  and  throwing  themselves  upon  the  Charity  of  the  world,  in  order 
to  yield  willingly  to  the  advice  and  direction  of  the  Vicar  of  Jesus- 
Christ. 

This  is  a  great  fact,  my  dear  friends.  It  is  a  sublime  object  lesson  to 
the  rest  of  the  Church.  It  is  a  lesson  of  zeal  and  self-sacrifice  and  dis- 
interestedness  which  is  worthy  of  the  early  days  of  the  Church,  and  is 
something  which  we  ought  to  consider  very  carefully  in  this  latter  day. 

Tlien,  you  hâve  from  every  part  of  Catholic  Europe  delegates  at  this 
Congress.  Tliey  are  hère  from  England,  which  lias  had  a  glorious  past, 
and  which  I  hope  shall  hâve  a  bright  future.  There  are  delegates  hère 
from  Belgium  and  from  Germany  —  in  fact  from  the  principal  Cath- 
olic Countries  of  the  Old  World.  Not  only  that,  but  you  hâve  hère 
delegates  from  countries  which  are  not  catholic. 

There  are  delegates  hère  from  every  part  of  the  New  World,  and,  we 
hâve  amongst  us  a  large  number  of  the  Hierarchy  of  the  magnificent 
young  Church  of  America  —  Archbishops  and  Bishops  and  Priests  who 
are  never  behind  when  there  is  any  good  work  to  be  done  for  the  glory 
of  God  or  the  welfare  of  the  people.  Almost  the  whole  of  the  Hierarchy 
of  the  Church  of  the  United  States  of  America  is  hère,  so  that  every- 
thing  which  could  contribute  to  the  success  of  this  Congress  seems  to 
hâve  conspired,  under  the  Providence  of  God  to  make  it  what  it  is,  and 
to  make  it  a  mémorable  Congress. 

I  believe  this  is  the  greatest  Congress  which  has  been  held  in  honor 
of  our  Lord  in  the  Holy  Eucharist,  and  I  believe  there  will  be  no  bright- 
er  page  in  the  history  of  the  Catholic  Church  in  Canada  than  that  page 
whicb  we  are  engaged  in  emblazoning  at  the  présent  time.  I  am  con- 
vineed  that  Canada  deserves  this  distinction.  She  has  always  been  faith- 
ful  to  her  noble  traditions,  and  her  glorious  memories.  The  original 
founders  of  this  Dominion  of  Canada  were  Christians  and  holy  men, 
and  holy  women.  Some  of  tliem  were  warriors,  but  they  went  to  war 
with  the  Cross  emblazoned  on  their  banners.  They  were  true,  no  doubt, 
in  their  allegiance  to  the  King  of  France,  but  they  were  also  true  to  a 
higher  allegiance  —  they  were  true  in  their  allegiance  to  Almighty  God. 


—  lo:  — 

Thèse  lieroes  and  saints  hâve  founded  a  great  country  hère  in  Canada 
—  they  hâve  founded  a  Christian  countr3\  They  were  heroes;  but  they 
were  Christian  heroes,  so  that  Canada  deserves  the  distinction  and 
success  Avhich  we  witness  hère  thèse  days. 

in  passing,  I  might  be  perinitted  to  say  a  word  in  regard  to  my  own 
poor  country  —  she  is  a  small  little  place,  no  doubt,  but  she  has  large 
pretensions. 

We  hâve  not  much  in  the  way  of  worldly  things  and  we  are  remark- 
able  for  little  beyond  the  perennial  grcen  of  our  Irehmd  and  our  peren- 
nial  confidence  and  fidelity  in  the  faith  of  Jesus-Christ,  which  was 
planted  by  Saint  Patrick. 

We  could  do  very  little  to  contribute  to  the  success  of  this  Congress, 
directly  by  ourselves.  One  of  ray  colleagues  in  the  Episcopaey  and  my- 
self,  and  a  number  of  our  priests  (not  very  many)  came  hère  to  assist  in 
this  Congress,  so  it  may  be  vanity  on  my  part  to  make  a  claim  to  the 
effect  that  we  hâve  contributed  very  largely  to  the  success  of  the 
Congress. 

However,  you  know,  my  dear  friends,  that  we  were  always  mission- 
aries  in  that  little  Ireland  of  ours.  In  the  early  days  of  our  Christ- 
ianity  we  were  missionaries  by  choioe,  in  later  times  we  were  missionaries 
by  compulsion.  In  the  early  âges  our  learned  men  and  women  came 
even  to  the  very  coasts  of  America.  America  was  not  born  then,  neither 
were  the  Americans.  Our  learned  men  and  women  went  through  con- 
tinental Europe,  even  to  Italy  itself  to  evangelize  the  people.  In  thèse 
days  the  motto  was  "  Peregrinatus  pro  Christo." 

In  later  days,  through  the  designs  of  Providence  our  people  were 
driven  abroad  to  Canada  and  America,  and  they  were  not  idle  there. 
They  helped  to  build  up  the  magnificent  Church  of  the  N'ew  World,  and 
they  helped  you  hère  in  Canada  pretty  well  too. 

Yes,  you  hâve  a  great  many  Irish  people  hcre  in  Canada  who  are  good 
Catholics,  side  by  side  with  the  Prench  Canadians,  both  remarkable  for 
the  fact  that  they  hâve  kept  the  faith,  and  kept  it  not  only  by  clinging 
to  the  skirts  of  the  Church  like  many  other  people,  but  they  hâve  prac- 
ticed  their  religion  and  hâve  given  édification.  This  was  one  of  the 
secondary  ideas  I  had  in  coming  hère  —  to  show  my  love  and  respect 
for  this  grand  Catholic  Canadian  country. 

I  remember  the  great  occasion  when  the  Bishops  of  the  whole  world 
were  assembled  together  in  Kome  under  the  presidency  of  the  great  pope 
Plus  IX  for  the  Vatican  Council.  Cardinal  Manning  asserted  publicly 
that  there  was  no  patron  saint  of  a  nation,  or  no  apostle  of  a  natioi:( 
who  had  so  many  children  amongst  the  Prelates  who  were  présent  at 
that  Council  as  Saint  Patrick.  I  believe  Cardinal  Manning  had  good 
grounds  for  asserting  that  fact. 

Although  we  are  only  a  small  island  —  a  mère  speck  in  the  Océan  — 
we  pride  ourselves  on  having  supplied  to  the  American  Church  a  greater 
number  of  illustrions  Bishops  than  any  other  country.  We  pride  our- 
selves on  the  fact  that  they  are  either  born  cliildrcn  of  Trcland,  or  are 
the  descendants  of  Irish  parents  —  in  either  case  children  of  Saint 
Patrick, 


—  108  — 

So  tliat,  although  my  colleague  and  myself  can  do  very  little  in 
coming  hère,  and  can  aid  very  little  in  the  suceess  of  tliis  magiiificent 
manifestation,  still  we  take  a  pride  in  the  work  which  has  been  done  by 
our  brothers  in  the  United  States,  and  we  think  we  can  lay  some  claim 
to  a  part  of  it. 

We,  poor  Irish,  hâve  a  large  claim  on  humanity.  We  even  hâve  a 
claim  on  the  Primate  of  the  Church  of  England,  the  illustrions  Arch- 
bisliop  of  Westminster.  If  the  Judgment  of  îSolomon  were  carried  ont 
literally  and  he  was  divided  up,  we  could  claim  one  half  of  him.  How- 
ever,  we  do  not  want  to  divide  the  Bishop  of  Westminster,  but,  like  the 
real  mother  in  the  time  of  Solomon  we  will  give  him  altogether  to  the 
English. 

Love  of  our  Divine  Lord  in  the  Holy  Eucharist  is  the  main  idea  be- 
hind  tins  Congress.  Our  Lord  himself  stated  that  when  he  should  be 
raised  on  high  he  would  draw  ail  things  to  Him.  He  drew  ail  to  Him- 
self on  the  Cross  and  He  draws  ail  to  Himself  in  the  Holy  Eucharist. 

The  Eucharist  is  the  very  foundation  stone  of  our  Church.  It  is  the 
very  centre  of  our  desires  and  ail  our  love.  Hence,  we  would  be  very 
cold  indeed,  and  very  indiffèrent  if  we  did  not  endeavour  to  make  an 
effort,  even  were  the  effort  that  of  crossing  the  Atlantic,  and  perhaps 
suffering  seasickness  (as  some  of  our  fellow-travellers  did),  for  the  pur- 
pose  of  showing  our  love  for  our  blessed  Lord  in  the  Holy  Eucharist. 

I  believe  that,  under  the  designs  of  Providence,  thèse  wonderful 
manifestations  of  great  faith  and  great  dévotion  are  intended  to  havQ 
practical  results,  and  what  practical  results  I  hope  for  and  foresee  in 
thèse  great  gatherings  are,  at  least,  a  complète  union  among  the  Ca- 
tholics  of  every  nation. 

You  know,  my  dear  friends,  that  the  blessed  Eucharist  is  the  symbol 
of  union,  and  our  Lord  in  the  blessed  Eucharist  is  the  Creator  of  Union. 
He  is  the  God  of  Charity,  and  Charity  is  the  very  principle  of  Union^ 
and  I  think  one  of  the  most  beautiful,  and  one  of  the  most  glorious 
effects  which  we  can  see  as  following  from  tins  Eucharistie  Congress  is 
the  establishment  of  complète  union  among  the  Catholics  of  every 
country. 

You  know  that  at  the  présent  day  there  is  union  among  the  enemies 
of  the  Church.  They  are  united  in  abusing  ail  her  designs  for  man's 
salvation.  They  are  imited  in  endeavouring  to  defeat  the  work  of  the 
Church.  They  are  united  in  an  effort  to  corrupt  our  children  in  the 
schools,  and  you  must  know  that  it  is  only  by  union  among  Catholic^ 
the  designs  of  the  enemies  of  the  Church  can  be  thwarted.  One  resuit 
then,  which  I  hope  for,  and  which  I  am  sure  will  follow  from  thèse  great 
Assemblies  or  Eucharistie  Congresses,  is  that  we  can  be  like  the  early 
Christians,  one  in  thought,  one  in  word,  and  one  in  action.  If  we  can 
be  that,  and  if  we  are  prepared  to  unité,  we  will  be  prepared  to  défend 
the  Church  and  the  head  of  the  Church  and  our  holy  faith  against  ail 
gainsayers.  Our  motto  should  be  the  motto  of  Saint  Paul,  "  Give  of- 
fence  to  no  one  that  our  ministry  may  not  be  brought  into  disrepute." 
But  at  the  same  time,  we  ought  to  be  prepared  to  défend  our  Church, 


—  109  — 

While  we  are  prepared  to  live  in  peace  with  oiir  neighbors,  we  nee4 
make  no  offensive  war  on  any  one. 

At  the  same  time,  as  I  say,  we  ouglit  to  be  prepared  to  défend  our- 
selves  and  to  défend  our  Churcli  whenever  it  is  attacked.  We  should  be 
shoulder  to  shoulder  to  meet  thèse  attacks,  and  I  believe  that  thèse 
Eucharistie  Congresses  furnish  a  splendid  opportunity  of  drawing  Cath- 
olics  together,  or  massing  them  as  a  gênerai  masses  his  troops,  so  that 
whenever  the  Church  is  attacked  or  assailed  they  may  be  prepared  to 
repel  the  attacker. 

This  is  one  resuit  we  ail  hope  for,  but,  there  is  another  proof,  per- 
haps  a  higher  and  nobler  one,  and  that  is  we  may  hope  for  the  blessings 
of  God  on  ourselves,  our  familles,  and  ail  of  those  who  are  near  and 
dear  to  us,  if  we  join  in  rendering  this  homage  to  our  dear  Lord,  for 
Love  of  him  in  the  Blessed  Eucharist. 

I  am  perfectly  sure  that  this  Congress  will  bring  a  blessing  upon 
Catholic  Canada,  and  a  blessing  upon  its  Bishops,  priests  and  people 
generally.  I  am  also  perfectly  sure  that  it  will  contribute  largely  to 
carry  out  the  great  work  which  our  Holy  Father  the  Pope  proposed  to 
carry  out  when  he  was  raised  to  the  Pontificate  —  the  great  work  of  re- 
newing  ail  the  languages  and  ail  things  in  Christ.  This  should  be  our 
chief  aim  in  ail  our  dévotions,  and  everything  which  is  done  in  connec- 
tion with  the  Eucharistie  Congresses.  I  am  perfectly  sure  that  the  work 
has  been  well  done  at  thèse  Congresses  up  to  the  présent,  and  that  it 
will  continue  to  be  so  done,  so  that  when  it  is  over  the  Catholic  people 
of  Canada  —  nay,  the  Catholic  people  of  the  world  will  hâve  reason  to 
bless  God  for  this  manifestation  of  his  Providence  —  for  this  évidence 
of  his  love  and  care  for  those  who  are  devoted  to  our  Divine  Lord  in 
the  Blessed  Sacrament. 


Mgr  Briichési  annonce  l'orateur  suivant  : 

"  A  la  demande  de  son  Eminence,  le  llévérend  Père  Baillv, 
Supérieur-Général  des  Pères  de  l'Assomption,  va  nous  faire 
une  communication  importante,  et  ensuite  vous  aurez  le  plai- 
sir d'entendre  Sir  Wilfrid  Laurier." 

DISCOURS  DU  R.  P.  BAILY 

Eminentissimes  Seigneurs, 
Messeigneurs, 

Mesdames  et  Messieurs, 

"  Laissez   venir  à    moi    les   petits  enfants.  " 

C'est  la  gloire  de  nos  Congrès  Eucharistiques  d'être  restés  vierges  de 
toute  erreur  et  d'avoir  toujours  fait  écho  à  la  parole  du  Souverain  Pon- 
tife, l'écho  le  plus  fidèle,  le  plus  sincère,  le  plus  immédiat,  le  plus 
joyeux.  Or,  cette  parole  vient  de  se  faire  entendre  ces  jours  derniers 
dans  le  Décret:  "  Quant  singulari  Christus  amore,"  Décret  par  lequel 


—  110  — 

s.  s.  Pie  X,  admettant  les  petits  enfants  à  la  communion  fait  écho  aux 
paroles  de  Jésus  :  ""'  Laissez  les  petits  enfants  venu  à  moi,"  comme  si 
vingt  siècles  n'avaient  point  affaibli  le  retentissement  de  ces  accents  si 
doux  et  si  touchants. 

Il  a  paru  bon  à  l'auguste  autorité  qui  préside  ce  Congrès,  à  celui  que 
Pie  X  a  chargé  d'une  sorte  de  tournée  pastorale  à  travers  les  peuples  et 
les  continents,  et  qu'on  peut  appeler  le  Légat  de  l'Eucharistie,  il  lui  a 
paru  bon  qu'en  cette  première  assemblée  générale  d'un  Congrès  oii,  grâce 
à  la  foi  irréductible  du  Canada  et  à  l'intelligence  et  au  zèle  incompa- 
rable du  grand  arhevêque  de  Montréal,  l'univers  entier  est  représenté, 
ce  décret,  qui  s'adresse  à  l'univers,  fut  mis  en  lumière,  salué  et  acclamé! 

Voilà  pourquoi  le  moins  digne  d'en  parler  se  lève  ;  il  n'a  pour  excuse 
que  l'obéissance  qui  lui  en  fait  un  devoir  à  la  fois  très  délicat,  très  grave 
et  très  doux. 

Le  Vicaire  de  Jésus-Christ  faisant  revivre  l'ancienne  tradition  de 
l'Eglise,  décide  que  ce  n'est  ni  14,  ni  12,  ni  10  ans  qui  doit  être  fixé 
pour  l'âge  de  la  communion  première;  il  désigne  l'âge  de  raison  ou  de 
discrétion,  oii  l'enfant  discerne  le  bien  du  mal,  où  il  peut  déjà  commettre 
le  péché,  où  il  peut  discerner  le  pain  matériel  et  ordinaire  du  pain 
Eucharistique  ;  tel  est  l'âge  où  il  peut  et  doit  recevoir  l'absolution  qui  le 
purifie  du  péché,  l'âge  où  il  peut  et  doit  recevoir  l'Eucharistie  qui  est  le 
remède  et  le  préservatif  du  péché  et  le  moyen  de  maintenir  et  de  déve- 
lopper en  lui  la  vie  de  la  grâce. 

S.  S.  Pie  X  résume,  avec  une  logique  irréfutable,  toutes  les  raisons 
doctrinales  de  cette  décision  :  il  montre  la  tradition  ;  —  l'histoire,  ■ —  la 
liturgie  ancienne,  —  la  discipline  sacramentelle  encore  usitée  en  Orient, 
—  les  Conciles,  —  la  notion  théologique  du  sacrement  et  de  ses  effets, — 
celle  de  la  grâce,  —  les  conditions  requises  chez  le  communiant,  ■ —  les 
docteurs,  spécialement  saint  Thomas,  —  concourant  à  établir  les  prin- 
cipes indiscutables  sur  lesquels  le  Décret  est  fondé. 

Ne  suffit-il  pas  du  reste  que  le  Pape  ait  parlé  ?  Au  Canada  on  n'est  ni 
moderniste,  ni  modernisant;  nos  congressistes  ne  le  sont  pas  non  plus; 
nous  sommes  tous  ici  de  vrais  catholiques,  de  ceux  qui  n'adhèrent  pas 
seulement  à  une  décision  de  Rome  à  cause  de  son  évidence  subjective, 
mais  simplement  et  avant  tout  à  cause  de  l'autorité  du  chef  infaillible 
qui  la  formule  et  la  promulgue. 

Un  jour  mon  père,  qui  avait  été  l'ami  de  Lamennais  avant  sa  chute, 
lui  demandait  vingt  ans  plus  tard  :  "  Quel  jour,  M.  de  Lamennais,  avez- 
vous  cessé  de  dire  la  messe?  "Le  prêtre  tombé  répondit:  "Un  soir,  je 
discutais  avec  moi-même  si,  oui  ou  non,  je  me  soumettrais  à  la  décisioij 
du  Pape.  Je  pris  le  parti  de  lui  résister.  Le  lendemain  matin,  quand 
j'arrivai  au  pied  de  l'autel  pour  dire  ma  messe,  je  ne  pouvais  plus  croire 
à  la  présence  réelle.  Cette  messe  fut  un  martyre  pour  moi.  A  partir 
de  ce  jour  je  cessai  de  la  dire." 

Canadiens  !  chez  vous,  peuple  et  gouvernement  ont  toujours  reconnu 
le  Pape  et  lui  ont  fidèlement  obéi  :  c'est  pourquoi  votre  foi  à  l'Eucharistie 
n'a  jamais  vacillé  et  se  révèle  à  nous  avec  des  splendeurs  inouïes. 

Le  Décret  comprend  deux  parties  :  l'une  doctrinale,  l'autre  pratique. 


—  111  — 

C'est  une  caractéristique  des  Actes  de  S.  S.  Pie  X  de  joindre  toujours  à, 
la  doctrine  la  résolution  pratique,  nette,  ferme  et  précise  qui  en  jaillit  ; 
chacun  de  ses  enseignements  est,  en  même  temps  qir'une  lumière,  un  feu 
ardent;  c'est  un  éclair  qui  surprend,  illumine  l'horizon  et  devient  bientôt 
le  signal  d'actes  et  de  sacrifices  déterminant  un  renouveau  de  vie  dans 
l'Eglise. 

Nous  en  avons  su  quelque  chose  dans  notre  pays  où,  par  ses  intrépides 
et  catégoriques  décisions,  il  a  été  notre  libérateur.  Pie  X,  en  osant  nou^ 
demander  des  sacrifices  héroïques,  a  sauvé,  avec  notre  vie  catholique, 
l'avenir  de  la  France. 

S.  S.  Pie  X  demande  donc  dans  le  Décret  "  Quant  singulari  "  le  sacri- 
fice de  coutumes  enracinées;  il  heurte  de  front  une  organisation  appa- 
remment difficile  à  modifier  :  c'est  la  question  de  la  durée  du  catéchisme 
compliquée,  en  certains  pays,  par  l'indifférence,  les  oppositions  des 
familles  et  des  écoles;  la  question  des  regrets  motivés  par  la  disparition 
de  la  solennité  impressionnante  du  grand  jour;  la  question  d'une  ins- 
truction bornée  qui  risque  d'être  la  seule.  A  ces  questions  et  à  d'autres, 
la  sagesse  de  Rome  et  de  l'Episcopat  saura  pourvoir:  c'est  à  elle  de 
prendre  telles  mesures  que  nous  n'avons  ici  ni  à  discuter,  ni  à  dicter. 
jSTous  ne  savons  que  deux  choses  et  elles  nous  suffisent:  1°  leurs  mesures 
transitoires  ou  définitives  seront  très  sages;  2°  elles  seront  très  obéies. 

D'ailleurs,  les  communications  des  augustes  personnages  qui  ont  con- 
tribué à  la  rédaction  du  Décret,  nous  indiquent  quels  inconvénients 
graves  le  Pontife  Suprême  a  voulu  écarter,  quels  avantages  inappré- 
ciables il  a  voulu  procurer. 

Le  Législateur  a  voulu  éviter  que  beaucoup  d'enfants  restassent,  de  7 
à  12  ans,  livrés  au  péché  sans  absolution  et  sans  le  remède  souverain  du 
pain  des  Anges. 

Que  d'habitudes  vicieuses  contractées  en  ces  jeunes  années,  pénibles 
à  avouer  à  l'âge  d'une  première  communion  tardive  et  risquant  de  la 
rendre  sacrilège  ! 

Que  de  premières  communions  rendues  impossibles  en  des  temps  et 
des  pays  où  l'enfant  est  condamné,  dès  10  ou  11  ans,  à  des  travaux  qui 
l'éloignent  de  tout  secours  religieux  ! 

En  1870,  j'eus  à  confesser,  comme  aumônier  volontaire  du  corps  de 
Mac-Mahon,  des  centaines  de  soldats  à  la  veille  des  batailles.  Sur  dix 
jeunes  gens  de  20  à  23  ans,  trois  ou  quatre  en  moyenne  me  déclaraient 
n'avoir  pas  fait  leur  première  communion,  pour  avoir  été  engagés  chez 
des  patrons  antichrétiens  avant  l'âge  inexorablement  fixé  dans  la  pa- 
roisse pour  la  première  communion. 

Que  d'enfants  morts  avant  cet  âge  et  privés,  contre  tout  droit,  de  la 
communion,  de  la  confirmation  et  de  l'Extrême-Onction  ! 

Que  de  paroisses  où,  le  catéchisme  n'étant  établi  ou  possible  en  vertu 
de  la  coutume  ou  d'un  autre  motif,  que  peu  de  temps  avant  la  première 
communion,  les  enfants  restent  jusqu'à  12  ans  dans  l'ignorance  pro- 
longée des  principales  vérités  ! 

On  me  présenta  une  fois,  pour  être  admis  dans  un  de  nos  coUègos.  un 
enfant  de  13  ans  en  me  priant  de  lui  annoncer,  avec  de  grands  mena- 


—  112  — 

gements,  une  nouvelle  terrible  qu'on  lui  avait  cachée,  de  peur  de  trop 
l'impressionner.  Quelle  était-elle?  L'existence  de  l'enfer!  Pendant 
des  années  ce  pauvre  enfant  pouvait  donc  commettre  des  péchés  graves 
sans  en  savoir  les  conséquences  ! 

Que  d'exagérations  mondaines,  erronées,  dangereuses,  concomitantes 
à  la  cérémonie  imposante  du  grand  jour,  dont  on  fait  trop  souvent  un 
point  "  terminus/'  de  sorte  que  la  première  communion  sera  peut-être 
la  dernière,  et  émancipera  à  jamais  l'enfant  de  toute  piété  et  de  toute 
action  du  prêtre  ! 

Que  d'idées  fausses  inspirées  à  l'enfant  et  à  ses  parents  sur  la  nature 
du  sacrement  représenté  comme  une  faveur,  une  récompense,  ou  un  prix, 
d'instruction  religieuse,  requérant  comme  une  nécessité  tel  développe- 
ment physique,  tel  nombre  mathématique  d'années,  telle  science,  alors 
que  l'état  de  grâce,  l'intention  droite,  une  instruction  ordinaire  et  la 
notion  de  la  différence  entre  le  pain  matériel  et  le  pain  eucharistique 
suffisent  pour  que  "ex  opère  operato,"  et  non  "ex  opère  operantis"  le 
sacrement  produise  tous  ses  effets. 

Objectera-t-on  que  ces  petits  ne  sauront  que  dire  à  Notre-Seigneur  ? 
Leur  dévotion  sera  proportionnée  à  leur  âge.  Ils  aimeront  et  adoreronl; 
le  petit  Jésus  avec  leur  conception  naïve  et  simple.  Le  baiser  d'un, 
enfant  à  sa  mère  plait-il  moins  à  celle-ci  parce  qu'il  est  moins  intel- 
lectuel ? 

La  plupart  des  inconvénients,  le  Législateur  les  attribue  aux  exagé- 
rations jansénistes  exigeant  des  préparations  extraordinaires,  rigoristes 
et  prolongées.  —  Mgr  de  Ségur,  de  sainte  mémoire,  me  racontait,  il  y  a 
plus  de  40  ans,  que  prêchant  des  missions  en  Normandie,  il  avait  ren- 
contré des  jeunes  gens  et  des  jeunes  filles,  de  20  et  22  ans,  vraiment 
vertueux,  qui  ne  pouvaient  se  marier,  parce  que  certains  prêtres  âgés  et 
imbus  de  jansénisme,  ne  les  avaient  pas  encore  trouvés  dignes  de  l'ab- 
solution et  de  la  communion  ! 

Saint  Vincent  de  Paul  disait  du  Jansénisme  :  "  Doctrine  d'enfer  !  à 
force  de  faire  croire  que  Dieu  est  un  Dieu  terrible,  elle  amènera  à  le 
faire  haïr,  puis  à  le  nier."     Cette  prophétie  s'est  hélas  !  trop  réalisée  ! 

Une  femme  élevée  à  l'école  du  philosophisme  allemand,  portant  son 
enfant  sur  son  bras,  lui  montrait  le  ciel  et  lui  disait  :  Dieu  méchant  ! 
Le  bras  de  la  mère  est  le  premier  banc  d'école  de  l'enfant.  Pie  X  dit  à 
l'Eglise  notre  mère,  de  prendre  dans  ses  bras  ses  petits  enfants  et,  en 
leur  donnant  l'hostie,  de  leur  dire:  Dieu  bon!  Dieu  très  bon!  Dieu  infi- 
niment bon  ! 

Si  le  Saint-Siège  se  réjouit  de  tant  d'inconvénients  écartés,  il  attend 
aussi,  de  l'application  de  ce  Décret,  des  avantages  indéniables. 

C^est  d'abord  la  satisfaction  donnée  à  ISTotre-Seigneur  de  savourer, 
selon  son  droit  divin  et  son  divin  plaisir,  les  délicieux  embrassements 
auxquels  nul  no  peut  arracher  les  âmes  innocentes  de  ces  petits  qu'il  ré- 
clame comme  leur  Dieu,  leur  Sauveur  et  leur  frère.  Cette  communion 
qu'il  veut,  il  en  fait  un  précepte  divin,  supérieur  à  un  précepte  purement 
ecclésiastique. 

C'est  ensuite  le  droit  et  la  tiès  douce  consolation  pour  ces  chers  petits, 


—  113  — 

de  n'être  pas  privés,  dès  que  leur  âme  s'éveille  et  prend  conscience  d'elle- 
même,  du  sang  que  l'Eglise  leur  mère  doit  leur  donner  pour  leur  com- 
muniquer la  vie  surnaturelle  avec  les  mérites  et  les  grâces  que  ce  sang 
divin  leur  apporte.  En  vertu  des  altinités  divines  reçues  au  Baptême, 
ils  ont  droit  au  sacrement  qui  développe  en  eux  des  aptitudes  divines  de 
pureté,  de  vie  et  de  résurrection. 

Priver  longtemps  un  enfant  du  Baptême,  c'est  être  coupable.  Priver 
longtemps  un  enfant  qui  devient  raisonnable,  de  Celui  qui  est  la  lumière 
de  sa  raison;  priver  longtemps  un  cœur  d'enfant  qui  prend  conscience 
de  sa  faculté  d'aimer,  de  Celui  qui  est  l'aliment,  la  vie  et  le  soleil  de  cet 
amour,  n'est-ce  pas  cruel  ? 

Ah  !  parents  et  prêtres,  semez,  semez,  à  temps,  les  hosties  dans  ces 
âmes  d'enfants;  ce  seront  des  vocations  semées  au  printemps  voulu,  pour 
qu'elles  germent  et  milrissent  au  soleil  d'une  adolescence  pure  et  pré- 
parent au  Maître  de  la  moisson  d'abondantes  moissons  d'apôtres  qui 
seront  l'honneur  de  vos  foyers,  la  gloire  de  vos  paroisses,  le  salut  de  vos 
patries  et  la  consolation  de  l'Eglise. 

Et  si  prêtres,  parents,  instituteurs  sont  obligés  de  s'occuper  davantage 
de  la  sanctification  des  petits  enfants  dès  l'âge  de  raison,  s'ils  ont  à  s'y 
dévouer  3  ou  4  ans  de  plus,  quelle  heureuse  nécessité,  dirait  S.  Augustin  : 
"  0  Félix  Nécessitas  quae  ad  meliora  impellit." 

Enfin,  que  de  bénédictions  attirées,  sur  la  terre  tout  entière,  par  ces 
communions  de  plus  en  plus  nombreuses  des  enfants  innocents  !  Quels 
actes  innombrables  d'amour  assurés  désormais  à  Jésus  par  des  millions 
d'enfants  (car  le  Décret  s'adresse  au  monde  entier)  en  face  des  millions 
d'ingrats  ou  d'indifférents  qui  dans  tant  de  pays  s'approclient  si  rare- 
ment du  banquet  sacré  ! 

N'entendez-vous  pas  la  plainte  de  Notre-Seigneur  à  cette  Yisitandine 
à  laquelle  il  est  apparu  dernièrement  et  qui  faisait  dire  à  cette  reli- 
gieuse :  "  Non,  il  n'y  a  plus  de  mendiant  sur  la  terre  ;  depuis  que  J'ai  vu 
Nôtre-Seigneur  me  supplier  de  l'aimer  et  me  montrer  sa  soif  d'amour, 
je  déclare  qu'il  n'y  a  pas  de  suppliant  et  de  mendiant  pareil  à  celui-là  !  " 
Faisons  donc  l'aumône,  à  ce  divin  mendiant,  des  âmes  des  petits  enfants 
en  compensation  des  âmes  des  adultes  qui  le  méconnaissent. 

Vous  souvient-il  de  cette  sœur  de  charité  surprise,  dans  une  église  de 
Paris  pendant  la  Commune,  par  la  menace  d'une  invasion  de  pillards  et 
d'incendiaires?  Elle  était  debout  devant  le  tabernacle,  sans  prêtro 
pour  consommer  la  sainte  réserve  qui  allait  être  profanée.  Que  fait- 
elle?  Eonouvelant,  sans  s'en  douter,  ce  que  le  Décret  nous  rappelle  que 
faisait  l'Eglise  au  temps  des  persécutions,  quand  elle  donnait  aux  en- 
fants à  la  mamelle  les  restes  des  Saintes  Espèces,  elle  saisit  dans  la  foule 
un  petit  enfant  au  bras  de  sa  mère,  ouvre  le  ciboire  d'or  et  verse  dans  le 
ciboire  vivant  de  cette  créature  innocente  et  angélique  le  pain  des  anges! 

En  ces  jours  inoubliables,  Montréal  nous  a  fait  voir  l'Eglise  dans  un 
de  ses  plus  locaux  triomphes.  Mais  n'oublions  pas  qu'il  faut  s'attendre 
à  ce  qui  est  la  condition  de  l'Eglise  en  ce  monde  :  la  lutte  et  les  épreuves. 
Or,  Pie  X  nous  donne  un  moyen  merveilleux  de  nous  assurer  la  victoire 
et  le  salut. 


—  114  — 

Un  jour,  un  des  hardis  navigateurs  qui  découvrirent  le  Nouveau- 
Monde,  Albuquerque,  voyait  entre  un  ciel  noir  et  les  abîmes  entr'ouverts 
son  vaisseau  en  péril;  il  prend  son  petit  enfant  de  2  ans  dans  ses  brasj 
il  l'élève  vers  le  ciel,  il  le  présente  à  Dieu  :  c'était  sa  prière.  Dieu  l'agrée 
et  la  tempête  s'apaise. 

Il  me  semble  voir  le  Pilote  de  TEglisc  dire  à  ses  prêtres  :  prenez  les 
petits  enfants,  donnez-leur  la  sainte  hostie,  présentez  ces  ostensoirs  au 
Ciel  et  les  tempêtes  seront  apaisées. 

0  Saint  Père,  le  Congrès  de  Montréal  adhère  à  votre  décret  de  foi  et 
d'amour  !  Sur  votre  ordre,  nous  offrirons  à  Dieu  les  enfants  avec  l'hostie 
et  l'hostie  avec  les  enfants.  Vous  avez  été  déjà  salué  le  vainqueur  de 
l'hérésie  et  du  schisme.  Ce  Congrès  salue  encore  en  vous  le  Pape  de 
l'Eucharistie  et  des  petits  enfants,  le  vrai  libérateur  de  l'humanité. 


Mgr  Bruchési  présenta  Sir  Wilfrid  Laurier  à  l'auditoire  : 

Nous  sommes  au  vingt  et  unième  congrès  eucharistique 
international.  Un  archevêque  dirigeant  un  congrès  a  l'hon- 
neur et  le  plaisir  de  présenter  à  son  peuple  le  premier  mi- 
nistre du  gouvernement  de  son  pays."     (Applaudissements) 

DISCOURS  DE  SIR  AVILFRID  LAURIER 

Eminence, 

Messeigneurs, 

Mesdames  et  Messieurs^ 

Je  suis  heureux  qu'un  long  voyage  à  travers  les  provinces  de  l'ouest  de 
cette  vaste  confédération  ait  pu  être  terminé  à  temps  pour  qu'il  me  soit 
permis,  même  à  cette  heure  tardive,  en  ma  qualité  de  premier  ministre 
de  la  Couronne  du  Canada,  d'offrir  à  Votre  Eminence,  aux  Prélats,  aux 
dignitaires,  à  tous  les  membres  enfin  du  Congrès  Eucharistique,  la  plus 
cordiale  bienvenue  dans  ce  pays  de  liberté,  de  la  plus  complète  liberté 
civile,  politique  et  religieuse. 

Oui,  si  en  choisissant  Montréal,  la  métropole  commerciale  du  Canada, 
pour  être  en  l'année  mil  neuf  cent  dix  le  siège  du  Congrès  Eucharistique. 
la  pensée  du  Congrès,  outre  sa  mission  officielle,  était  d'affirmer  et 
affirmer  avec  éclat  le  principe  de  liberté  religieuse,  aucun  pays  n'aurait 
su  être  choisi  de  préférence  au  nôtre.  On  me  pardonnera  sans  doute 
cette  fierté  si  je  déclare  que  cette  chose  que  les  hommes  ont  cherchée  pen- 
dant tant  de  siècles  avec  tant  de  patience  et  qu'ils  ont  si  rarement 
réalisée,  que  cette  chose  qui  s'appelle  la  liberté,  n'a  trouvé  nulle  part 
une  conception  plus  noble,  plus  noblement  exécutée  que  sur  cette  terre 
du  Canada,  oij  nous  sommes  maintenant  réunis.  Ce  langage  pourra 
peut-être  paraître  extravagant  et   par  trop    exagéré  à  ceux  qui  ne  con- 


—  115  — 

naissent  du  Canada  que  la  surface  des  choses,  mais  pour  nous,  Cana- 
diens, c'est  la  condition  de  chaque  jour  et  de  chaque  heure  ancrée  dans 
notre  mentalité. 

Le  Canada  est  essentiellement  la  terre  des  contrastes  :  contrastes  dans 
la  nature  et  contrastes  dans  les  institutions. 

Contrastes  dans  la  nature  :  Les  membres  du  Congrès  qui  pour  la  pre- 
mière fois  visitent  le  Canada,  qui  pour  la  première  fois  voient  le  fleuve 
et  la  plaine  s'étendant  à  perte  de  vue,  ce  fleuve  et  cette  plaine  sous  le 
rayon  d'un  soleil  généreux,  ni  se  douteraient  pas  que  dans  quelques 
mois  la  plaine  sera  couverte  de  neige  et  que  le  fleuve  géant  sera  capté 
sous  une  prison  de  glace  que  rien  ne  saurait  entamer  jusqu'à  ce  que  le 
soleil  lui-même  se  charge  de  briser,  de  broyer,  de  faire  disparaître  cette 
entrave. 

Contrastes  dans  les  institutions:  Nous  sommes  en  monarchie.  Nous 
proclamons  hautement  notre  allégeance  au  Souverain,  au  roi  de  la 
Grande-Bretagne  et  d'Irlande.  Je  dis  :  allégeance.  Je  me  sers  de  cette 
vieille  locution  française  qui  sonne  d'une  manière  bien  insolite  aujour- 
d'hui aux  oreilles  françaises,  qui  avait  autrefois  cours  dans  le  langage 
de  la  vieille  France,  qui  a  cours  maintenant  dans  le  langage  de  la  nou- 
velle. 

ISTous  sommes  une  monarchie  et  en  même  temps  une  démocratie.  Dé- 
mocratie dans  le  sens  le  plus  large  du  mot.  Xous  n'avons  aucune  classe 
privilégiée  dans  ce  pays,  nous  sommes  tous  sur  un  pied  d'égalité  devant 
la  loi,  à  commencer  par  le  Souverain  lui-même,  le  premier  serviteur  de 
la  loi. 

JSTous  pouvons  offrir  au  monde  l'exemple  que  ces  termes  :  monarchie  et 
démocratie  ne  sont  pas  incompatibles,  et  que  sur  cette  terre  du  Canada 
la  monarchie  et  la  démocratie  peuvent  se  faire  l'une  à  l'autre. 

Nous  sommes  sujets  de  Sa  Majesté  le  roi  d'Angleterre.  Notre  Sou- 
verain ne  professe  pas  le  même  culte  que  nous,  uiais  dans  ses  vastes 
Etats  le  culte  que  nous  professons  a  plus  de  latitude  que  dans  maints 
pays  catholiques.  C'est  donc  à  bon  droit  et  à  juste  titre  que  je  reven- 
dique pour  mon  pays  cet  honneur  d'être  par-dessus  tout  et  entre  tous, 
le  pays  de  la  liberté,  et  cette  revendication  n'admet  aucune  excep- 
tion, pas  même  la  grande  République  qui  partage  avec  nous  ce 
continent,  qui  a  été  la  première  dans  le  monde  à  affirmer  la  liberté 
moderne,  mais  qui  n'a  pas  la  même  étendue  de  tolérance  que  chez  nous. 
Il  me  semble. même  que  c'est  cet  heureux  état  de  choses  qui  nous  a  valu 
l'honneur  d'être  cette  année  le  siège  du  Congrès  Eucharistique,  et  qu'on 
a  voulu  par  là  affirmer  la  largeur  de  nos  institutions,  montrer  qu'ici 
tous  les  privilèges  du  culte  peuvent  être  exercés,  et  exercés  librement, 
sous  l'égide  de  la  loi,  sans  que  la  conscience  de  personne  ne  puisse  en 
être  offensée,  car  les  membres  du  Congrès  Eucharistique  qui  sont  venue 
de  l'étranger  ont  pu  constater  que  dans  ce  pays,  oii  tous  les  cultes  sont 
sur  un  pied  d'égalité,  que  ceux-là  qui  ne  professent  pas  notre  culte 
savent  le  respecter. 

Quant  à  nous,  d'origine  française,  nous  avons  conservé,  simplement 
mais    précieusement,    la    foi    de    nos    ancêtres.     Nous    avons    conservé 


—  116  — 

sans  ostentation,  mais  sans  faiblesse,  la  foi  apportée  ici  par  Jacques 
Cartier,  par  Champlaiu,  par  Maisonneuve,  par  les  prêtres  séculiers  et 
réguliers  qui  furent  les  premiers  missionnaires,  par  les  marchands,  par 
les  navigateurs  qui  découvrirent  le  iiays,  par  tous  ceux  enfin  qui  en 
furent  les  fondateurs. 

La  foi  qui  les  guidait,  qui  les  animait  dans  tous  les  actes  de  leur 
vie,  c'est  notre  foi. 

Nous  sommes  restés  de  l'opinion  de  Chateaubriand  qui,  dans  un  livre 
semblant  aujourd'hui  trop  négligé,  et  qui  pourtant  fait  honneur  à  son 
courage  autant  qu'à  son  talent,  écrivait,  et  nous  répétons  avec  lui  cette 
pensée,  qu'il  n'y  a  pas  de  honte  à  croire  avec  Newton  et  Bossuet,  avec 
Piascal  et  Eacine. 

Aujourd'hui  l'Europe  est  tourmentée  par  le  doute.  Je  devrais  dire 
"  l'Europe  Continentale,"  car  les  liée  Britanniques  sont  restées  chré- 
tiennes. L'Europe  Continentale,  et  surtout  notre  Mère-Patrie,  est 
tourmentée  par  le  doute.  Quant  à  nous,  nous  avons  conservé  la  foi  qui 
fut  apportée  par  nos  ancêtres,  et  dans  cette  foi  nous  avonis  trouvé  la  sé- 
curité la  plus  complète  pour  la  solution  de  tous  ces  problèmes  nouveaux 
qui  se  présentent  dans  le  monde  moderne.  Nouveaux,  dis-je?  Ils  ont 
existé  de  tout  temps,  ils  continueront  à  exister  aussi  longtemps  que  les 
hommes  vivront  en  société. 

L'Europe  est  tourmentée  par  le  doute:  que  dis-je?  Il  s'y  trouverait 
même  une  école  pour  enseigner  que  là-haut  il  n'y  a  rien,  que  pour 
l'homme  sur  terre  tout  se  borne  à  la  terre.  Cette  pensée  ne  peut  faire 
de  cet  enseignement  une  conception  politique  et  une  politique  de  Gou- 
vernement. Cette  pensée  qu'il  n'y  a  rien  n'est  peut-être  pas  nouvelle; 
à  différentes  époques  elle  a  trouvé  quelques  adhérents,  mais  ce  qui  est 
nouveau  c'est  que  l'on  tente  d'en  faire  une  concerption  politique  et  une 
doctrine  de  gouvernement.  Or,  si  la  chose  peut  se  produire  en  Europe, 
nous,  hommes  de  l'Amérique,  une  telle  doctrine  nous  comble  d'éton- 
nement  et  nous  confond. 

Si  cette  doctrine  pouvait  prévaloir,  qu'il  n'y  a  rien  là-haut,  que  le 
pouvoir  suprême  que  faous  avons  reconnu  n'a  plus  de  pouvoir  sur  nous, 
qu'est-ce  que  deviendrait  l'humanité,  qu'est-ce  que  deviendrait  la  société 
et  quel  serait  le  bonheur  de  l'individu?  car  c'est  la  conception  la  plus 
élémentaire,  comme  la  plus  politique  que  le  premier  devoir  d'un  Gou- 
vernement est  d'aissurer  au  peuple  —  et  par  le  peuple  je  n'entends  pas 
seulement  une  classe,  mais  toutes  les  classes  de  la  population  —  la  sé- 
curité de  l'Etat  et  le  bonheur  de  la  nation.  Or,  si  cette  nation  devait 
prévoir  que  l'homme  n'a  plus  de  responsabilité  envers  son  Créateur;  si 
ceux  qui  peinent,  qui  luttent,  qui  souffrent  —  et  le  nombre  de  ceux  qui 
peinent,  luttent  et  souffrent  est  encore  le  plus  grand  nombre  —  si  à 
ceux-là  on  enlevait  la  croyance  qu'il  y  a  là-haut  une  Providence  qui  voit, 
qui  juge,  qui  condamne  et  qui  console,  que  resterait-il  à  ceux-là  sinon 
la  soif  inassouvie  de  tous  les  appétits,  de  tous  les  intérêts  matériels? 
Si  la  jeune  mère  qui  a  perdu  son  enfant  et  le  dépose  dans  la  tombq 
n'avait  cette  pensée  qu'elle  le  retrouvera  là-haut,   que  lui  resterait-i^ 


—  117  — 

au  cœur  sinon  une  plaie  toujours  ouverte,  toujours  saignante  ?  Si 
l'homme,  quelle  que  soit  sa  condition  —  si  élevée  même  qu'elle  soit  — 
qui  a  eu  à  souffrir  de  l'injustice  des  hommes,  qui  a  vu  ses  pensées  dé- 
naturées, ses  motifs  soupçonnés,  ses  actes  calomniés,  si  à  celui-là  on 
enlevait  la  pensée,  l'espoir,  la  certitude  qu'il  y  a  là-haut  une  justice 
suprême,  une  justice  incorruptible,  une  justice  qu'il  ne  peut  trouver  sui; 
cette  terre,  à  celui-là  que  lui  resterait-il,  sinon  le  morne  désespoir  et  le 
regret  d'avoir  vécu  ? 

ISTon,  cette  pensée  qu'il  n'y  a  rien  là-haut  n'est  pas  noble,  et  combien 
nous  sommes  loin,  non  par  les  années,  car  ce  n'est  que  d'hier,  mais  com- 
bien nous  sommes  loin  de  l'époque  de  Proudhon  qui,  en  1848,  écrivait 
un  livre  auquel  il  donnait  le  titre  de  "  Confessions  d'un  Révolution- 
naire," et  dans  lequel  il  raconte  tout  ce  que  le  désespoir  avait  laissé 
d'amertume  dans  son  cœur,  et  en  tête  de  son  volume  ces  paroles  du  Psal- 
miste:  ''  Levavi  oculos  iiieos  in  montes,"  j'ai  levé  mes  yeux  vers  les  mon- 
tagnes d'où  me  viendra  le  secours.  Ah  !  combien  cette  parole  du  Psal- 
miste,  répétée  après  quarante  siècles  par  Proudhon,  est  infiniment  plus 
vraie  que  cette  autre  "  qu'il  n'y  a  rien  là-haut  "  et  que  l'homme  sur  la 
terre  se  borne  à  la  terre. 

Non,  messieurs,  cette  conception  ne  peut  pas  avoir  cours  parmi  nous, 
au  Canada. 

Combien  est  vraie  encore  cette  autre  pensée  corollaire  de  la  première, 
que  pour  l'homme  sur  terre  il  n'y  a  pas  simplement  l'espoir  de  là-haut, 
mais  qu'il  y  a  là,  vie  également,  et  que  l'homme  retrouvera  plus  tard 
ceux  qui  l'ont  aimé  et  qu'il  a  aimés,  et  que  la  mort,  loin  d'être  une  éter- 
nelle séparation  sera  une  éternelle  réunion. 

Là  encore  combien  est  vraie  cette  pensée  du  Comte  Tolstoï,  '•  que  là- 
haut  il  y  a  la  vie,"'  qu'il  écrivait  dans  le  dernier  de  ses  livres. 

Combien  vraie  encore,  plus  noble,  plus  vive,  cette  pensée  de  Louis 
Veuillot,  qu'il  exprimait  d'une  manière  différente,  lorsqu'il  demandait  à 
ses  amis  d'écrire  sur  sa  tombe  ces  simples  paroles  :  "  J'ai  cru,  je  vois." 

Eh  bien  !  c'est  là  la  pensée  qui  nous  inspire,  nous,  hommes  du  Canada. 
Nous  ne  pouvons  pas  peut-être  l'exprimer  autant  que  nous  le  voudrions, 
mais  notre  but  est  d'assurer  la  sécurité  de  l'Etat  et  le  bonheur  de  l'in- 
dividu dans  cette  responsabilité  divine,  sur  la  religion  même  du  Christ. 
C'est  là  ce  qui  différencie,  je  crois,  ce  continent  du  continent  européen. 

Lorsque  le-  Général  Washington  était  à  la  présidence  des  Etats-Unis, 
dans  un  discours  qu'il  adressait  à  ses  concitoyens,  il  leur  rappelait  avec 
force  et  insistance:  ''  qu'il  n'y  a  pas  de  prospérité  pour  un  peuple  si  la 
base  de  l'édifice  social  n'est  pas  fondée  sur  la  religion,"  et  lorsque  la 
République  fondée  par  Washington  était  tenue  en  échec  pendant  quatre 
années  par  la  plus  formidable  guerre  civile  peut-être  que  le  monde  ait 
jamais  vue,  par  le  pouvoir  des  esclavagistes  qui  voulaient  rompre  l'union 
afin  de  perpétuer  l'esclavage,  Abraham  Lincoln  ne  faisait  aucun  mystère 
d'avouer  comme  le  Psalmiste,  comme  Proudhon,  alors  (lue  le  salut  de  la 
nation  était  confié  à  sa  garde,  que  lui  aussi  était  tombé  à  genoux  sous 
une  impression  violente,  croyant  que  si  le  salut  devait  venir  de  quelque 
part,  il  ne  devait  venir  (pie  do  h\-haut. 


—  118  — 

Lorsque,  élu  une  seconde  fois  à  la  présidence,  il  prête  de  nouveau  le 
serment  d'office,  le  discours  que  du  haut  du  Capitole  il  adressait  au 
peuple  américain  était  consacré  à  cette  idée  qu'il  y  a  au-dessus  de  nous 
une  Providence  éternelle  ;  que  dans  cette  crise  une  Providence  s'y  mani- 
festait, que  cette  Providence  châtiait  aussi  bien  qu'elle  récompensait  et 
consolait. 

Cette  pensée  de  Lincoln  avait  été  prononcée  longtemps  avant  par  Bos- 
suet  dans  le  langage  incomparable  qui  n'appartient  qu'à  lui,  lorsqu'il 
avait  dit  :  "  L'homme  s'agite,  Dieu  le  mène." 

Or,  si  nous,  Canadiens,  nous  consultons  notre  histoire,  il  me  semble 
qu'à  chaque  page  nous  trouvons  la  trace  de  cette  vérité  prononcée  par 
Bossuet,  le  penseur,  prononcée  par  Lincoln,  l'homme  d'Etat  :  "  L'homme 
s'agite.  Dieu  le  mène." 

Que  de  fois,  au  cours  de  notre  histoire,  des  événements  ont  déjoué  tous 
les  calculs  !  que  de  fois  les  projets  les  plus  sinistres  ont  eu  les  résultats 
les  plus  heureux!  que  de  fois  nos  pères  ont  cru  qu'ils  étaient  en  face 
d'une  catastrophe  inévitable  et  que,  par  un  revirement  soudain,  leurs 
craintes  se  sont  changées  en  hymnes  d'allégresse  !  que  de  fois  ils  se  sont 
dit  avec  amertume  :  "  C'est  la  fin."  Ce  n'était  pas  la  fin,  c'était  l'obs- 
curité qui  précède  l'aurore  d'un  jour  plus  brillant  que  celui  qui  l'a 
précédé. 

Messieurs,  en  consultant  notre  histoire,  comme  l'histoire  de  tous  les 
peuples,  nous  trouvons  que  c'est  par  les  plus  hautes  pensées  que  les 
hommes  sont  les  mieux  gouvernés.  Or,  la  plus  haute  de  toutes  les  pensées 
est  celle  qui,  au-des'sus  de  nous,est  énergique,  juste,  sage,  parfaite,  éter- 
nelle, qui  veille,  qui  voit,  qui  prévoit,  qui  conserve  et  qui  restaure  et  qui, 
lorsque  tout  paraissait  perdu,  a  cependant  tout  sauvé. 


Quand  les  applaudissements  qui  ont  salué  la  fin  du  discours 
de  Sir  Wilfrid  Laurier  s'arrêtent,  Mo;r  Bruchesi  invite  Mgr 
Irelnnd  à  prendre  la  parole.     Il  le  fiiit  en  ces  termes  : 

We  hâve  with  us  this  evening  a  Vénérable  Prelate  who 
has  been  instrumental  in  achieving  the  great  success  which 
our  Holy  Mother  tlie  Church  has  achieved  on  this  continent, 
and  who  has  worked  very  hard  in  the  préparation  of  this 
Eucharistie  Congress.  I  wish  to  introduce  to  you  His  Grâce 
Archbishop  Ireland. 

Voici  le  discours  de  Mgr  Ireland  : 

The  Catholic  Church  of  the  distant  valley  of  the  Mississipi  saintes 
to-night  the  Catholic  Church  of  Canada,  and  pays  to  it  a  tribute  of 
gratitude  for  decds  donc  long  ago. 

The  first  white  man  to  stand  where  the  noble  cities  of  St.  Paul  and 
Minneapolis  rise  to-day  towards  the  skies,  was  a  priest  who,  starting 


—  119  — 

from  Montréal,  crossing  the  Great  Lakes,  and  ascending  the  Mississipi 
stood,  in  the  year  1680,  where  the  falls  rise  in  the  Northern  Mississipi, 
and  said  :  "  Lo  !  The  Falls  of  St.  Anthony." 

That  priest  was  Father  Hennepin,  and  his  voice  heard  in  that  North- 
ern valley  was  the  first  voice  of  a  white  man  heard  there  —  the  voice  of 
a  Catholic  priest  —  the  voice  of  a  priest  who  had  corne  from  Canada. 

Some  forty  years  later  (in  the  year  1728),  the  great  discovercr,  l'Abbé 
Landry,  came  again  from  Canada,  crossed  our  Xorthern  Plains,  and 
with  him  he  had  a  priest,  Father  Hénault,  who,  with  several  of  the  fol- 
lowers  of  l'Abbé  Landry,  was  put  to  dcath  by  the  Sioux  Indians  on  Mas- 
sacre Island,  some  twenty  miles  from  Fort  St.  Charles  —  the  first 
martyrs  in  our  Western  country. 

The  grave  of  Father  Hénault,  mucli  to  the  regret  of  St.  Boniface,  is 
found  to  be  in  Minnesota. 

And,  so  on,  for  many  years  discoverers  and  missionaries  going  down 
the  Saint  Lawrence  and  up  the  Ottawa  crossed  the  Georgian  Bay  and 
preaehed  Christ,  and  celobrated  the  Sacrifice  of  the  Mass  on  thèse  dis- 
tant hills  amid  the  virgin  forest,  and  tc-night  I  thank  Canada  for  its 
gifts  of  religion  to  us. 

Two  days  ago,  as  I  crossed  the  Eiver  St.  Mary,  I  reahzed  that  I  was 
in  another  countrv,  bevond  the  border  the  United  States  of  America. 
Since  then,  up  to  the  présent  evening,  I  hâve  been  feeling  somewhat  as 
a  stranger.  To-night,  however,  when  we  assembled  together,  under  the 
Standard  of  Jésus  of  the  Eucharist,  I  sav  f routiers  vanish.  and  the 
United  States  and  Canada  are  ail  one  faniily,  antl  ail  over  this  fair  con- 
tinent from  the  Arctic  Océan  to  the  Gulf  of  Mexico,  may  Jésus  be 
honored,  worshipped  and  loved. 

To-night,  then,  Canada  and  the  United  States  offer  their  suprême  act 
of  worship  to  the  crucified  of  Calvary.  They  proclaim  liim  their  king, 
and  they  vow  to  him  allegiance. 

"  0  Jésus  of  the  Holy  Eucharist,  to  Thee  our  worship,  to  Thee  our 
love." 

Never  in  the  history  of  the  Church  was  there  so  much  need  of  solemn 
récognition  of  the  Holy  Eucharist  as  there  is  to-day,  for  the  Eucharist 
is  the  final  act  of  the  Incarnation.  The  Eucharist  is  the  Incarnation 
continuée'  through  ail  âges  over  ail  nations. 

"What  we  need  to-day  is  to  proclaim  to  ail  people  the  Incarnation  of 
Jesus-Christ,  the  Son  of  God. 

Before  the  Incarnation,  God,  the  infinité  was  removed  from  man. 
Men  had  not  seen  him  —  they  had  not  touchcd  him  —  they  had  not 
heard  him  speak.  He  was  The  Invisible  —  The  Eternal,  and  it  was 
difficult  for  them  to  feel  in  their  hearts  the  love,  ardent  and  warm  wliich 
they  would  hâve  for  some  one  présent  to  them,  and  so,  ont  of  love  for 
humanity,  The  Eternal  Word  became  Man,  and  God  walked  on  the 
earth.  God  spoke  on  earth.  God  loved  mankind  with  a  human  heart 
and  spoke  to  mankind  with  a  human  voice,  and  it  was  easy  for  men  to 
draw  near  to  The  Eternal  now  moving  among  them  in  human  form. 

But,  the  Incarnation  itself  was  not  suffîcient.     Thousands  of  years 


— 120  — 

were  to  go  by,  and  the  Incarnation  might  vanish,  as  it  were,  into  tlie 
memories  of  the  past,  so  at  the  Last  Supper  Jesus-Christ  instituted  the 
Sacrament  of  the  Holy  Eucharist,  in  virtue  of  which  He  would  be 
among  men  in  ail  âges  and  through  ail  nations. 

Hence,  to  worship  the  Holy  Eucharist  to-day  is  to  draw  to  ourselves 
the  whole  mystery  of  the  Incarnation,  and  draw  down  even  to  our  own 
level  The  Infinité  and  The  Eternal. 

To-day,  the  chilling  wind  of  imbelief  passes  over  the  nation.  A  false 
philosop'hy  would  hâve  us  believe  that  the  Divinity  of  Christ  is  some- 
thing  of  a  metaphor.  Efforts  are  constantly  being  made  to  eliminate 
froni  the  history  of  âges  The  Living  God,  The  Second  Person  of  the 
Blessed  Trinity,  made  man;  and  to  supplant  in  His  place  ail  the  evils 
following  upon  unbelief. 

Without  Christ  where  is  our  civilization,  of  which  we  boast  so  much? 
It  is  a  chaos  of  thought,  and  what  is  worse  still  a  chaos  of  morals.  For- 
getfulness  of  the  Incarnation  and  the  élimination  of  Christ  is  bringing 
us  back  to  thèse  dreadful  âges  before  the  days  of  Bethlehem,  when  men 
knew  only  humanity,  and  sought  only  to  satisfy  the  passions  of 
humanity. 

It  was  Jésus  who  revealed  the  truths  of  heaven  to  men.  It  was  Jésus 
who  strengthened  the  hearts  of  men  against  temptation.  It  was  Jésus 
who  lifted  up  the  individual  to  the  very  level  of  the  skies.  It  was  Jésus 
who  built  up  the  family.  It  was  Jésus  who  built  up  the  society,  and 
who  gave  us  that  defined  civilization  which  we  hâve  called  Christendom. 

Take  Clirist  away  from  that  civilization  and  back  we  go  to  the  days 
of  paganism,  back  we  go  to  social,  moral  and  intellectual  chaos.  But, 
fortunately  for  us,  Christ  lives.  Jesus-Christ,  the  same  yesterday,  to-day, 
to-morrow,  and  evermore. 

Fortunately,  there  is  in  the  world  the  Catholic  Church  ever  faithful 
to  the  commission  given  to  Her  by  Jésus  when  He  said  :  "  Go,  teach  ail 
nations."  This  Church  has  ever  îield  to  her  bosom  the  Holy  Eucharist, 
and  through  her  mysteries  The  Jésus  of  Bethlehem  and  The  Jésus  of 
Calvary  becomes  présent  daily  on  our  Altar,  and  gives  himself  as  food 
to  our  immortal  soûls. 

Jésus  lives  in  the  world  and  moves  in  it  through  the  Holy  Eucharist, 
and  there  in  the  Holy  Eucharist  is  the  salvation  of  society  —  the  salva- 
tion  of  our  morals  and  the  salvation  of  our  intellects.  So,  Catholics, 
let  us  worship  Christ  in  the  Eucharist  with  ail  the  strength  of  our 
being.  Let  us  proclaim  His  Majesty  with  ail  the  power  of  our  hearts„ 
and  let  us  with  ail  our  ono-gy  of  soûl  and  body  work  tliat  Jésus  of  vhe 
Eucharist  be  known  and  loved  and  served  by  ail  our  fellow-beings. 

Knowing  the  solemn  spectacle  of  men  from  ail  nations  of  the  world 
coming  together  and  proclaiming  Jésus  as  their  Sovereign  —  knowing 
the  faith  which  is  yours,  I  fear  not  for  humanity.  I  fear  not  for  Jésus, 
because  Jésus  lives,  and  Jésus  reigns.  And  so,  am  I  sure  that  througH 
the  représentatives  présent  in  this  church,  ail  nations  of  the  earth  ofïer 
to  Him  their  homage  and  their  love,  and  while  each  one  undertakes  to 
do  so  for  his  own  land  "  0  Jésus,  from  my  heart  I  ask  that  a  blessing 


—  121  — 

be  given  thrice  to  the  land  which  I  love  and  which  I  serve,  and  wliicli 
it  is  my  mission  to  chain  to  the  chords  of  Thine  Own  Heart.  ïhere  is 
a  land,  0  Jésus,  worthy  I  may  say  of  its  natural  gifts  which  hâve  corne 
from  Thy  Hand,  as  Creator.  This  Land  is  worthy  of  being  crowned 
with  the  grâces  of  a  supernatural  order.  A  land,  it  is  of  fairest  clime 
of  majestic  river  and  lake,  of  fertile  soil  —  a  land  of  wealth  and  of 
promise,  and  thither  hâve  corne  the  children  of  ail  nations  to  build  up, 
within  its  borders  a  new  order  social  and  political  lu  be  in  many  ways 
the  crowning  act  of  the  long  évolution  of  âges  for  the  natural  embellish- 
ment  of  humanitj-,  and  the  natural  élévation  of  the  sen&es  of  ni  au.  We 
hâve  there  a  land  worthy  of  a  miracle  of  thy  grâce,  for  uuconsciously, 
instinctively,  they  seek  Thee,  0  Jésus.  They  seek  earnestly  The  True, 
The  Good  and  The  Beautiful;  and  where  are  The  True,  The  Good  and 
The  Beautiful  to  be  found,  except  in  Thy  Heart,  0  Eucharistie  Jésus. 
Even  in  the  wanderings  of  their  thoughts  they  are  as  the  Athenians 
of  old,  seeking  the  true  God,  and  when  Jésus  shall  be  put  before  them 
and  made  known  to  them,  they  will  say  :  ''  Hère  is  the  Saviour  I  hâve 
been  seeking." 

0  Jésus,  bless  America!  0  Jésus,  spread  Thy  Love  over  it  !  0 
Jésus,  be  its  King.  Xo  king  hâve  they,  let  them  hâve  Thee,  0  Jésus, 
as  their  King,  Monarch  and  Euler. 

The  many  problems  of  thèse  late  days  of  Humanity  are  in  a  parti- 
cular  way  to  be  solved  in  America,  but  without  Jésus  they  cannot  be 
solved,  and  they  vsdll  not  be  solved.  America  has  a  mission  recognized 
to  it  —  a  mission  material  to  the  welfare  of  the  nations  of  the  earth, 
Her  flag  floats  over  many  océans  and  many  seas.  She  has  spread  out; 
her  nanie,  0  Jésus  of  the  Holy  Eucharist,  let  it  be  said  that  wherever 
her  flag  floats  there  shall  Thy  Name  be  praised,  and  there  shall  Thy 
Name  be  worshipped.  That  is  the  one  thing  needed  by  America  if  she 
is  to  be  the  greatest  of  nations,  the  first  flower  of  humanity. 

So,  from  our  hearts  in  the  présence  of  the  Catholic  Church  repre- 
sented  hère  ])y  the  immédiate  delegate  of  our  Holy  Father  the  Pope,  and 
represented  hère  by  Bishops,  Priests  and  laymen,  I  pledge  to  the  Eucha- 
ristie God  the  Heart  of  America,  and  I  pray  that  He  may  look  down 
upon  her  with  spécial  love,  and  spread  over  her  abundant  grâces. 

Yes,  Catholics,  let  us  prav,  each  one  for  bis  own  land,  and  al!  of  n?  for 
humanity  at  large.  Let  us  invoke  Jésus  to-night  —  He  wlio  said  to  His 
Apostles",  "  Go,  teach  ail  nations,  and  behold  I  am  with  you  ail  days  even 
unto  the  consummation  of  the  world." 

But,  another  duty  is  incumbent  upon  us,  and  that  is  to  Avork  for  Jésus 
and  work  with  Him.  Of  his  own  hand  He  could  bring  nations  to  their 
knees  before  His  altar,  but  He  has  willed  to  work  through  and  with  His 
soldiers,  and  if  we  fail,  Jésus  may  withdraw  from  us  the  Hand  of  His 
Omnipotence. 

What  is  needed,  and  what  is  called  for  by  this  Congress  is  soldiers  — 
men  who  will  not  simply  say  they  are  Catholics,  but  who  will  say  they, 
are  soldiers  of  Christ.     Men,  who  will  not  simply  practice  their  religion 


—  132  — 

in  their  owu  iudividuai  lives,  but,  wlio  will  preacli  it  botli  by  exaniple 
and  by  act  in  ail  places  and  at  ail  times. 

What  is  the  use  of  thèse  great  Congresses,  when  hundreds  of  thoii- 
sands  of  Catholics  corne  tojietlier  unless  tliey  be  as  so  inany  criisaders  — 
men  wlio  will  say  "  God  wills  it.  Onward  we  go  into  the  fray  and  by 
wisely  preaching  Jésus,  make  Jésus  known  and  draw  people  to  him." 

This  is  our  resolution,  and  if  each  one  of  us  now  feels  our  hearts  beat- 
ing  with  warmer  love,  and  our  soûls  ail  infiamed  mth  deeper  courage» 
then  this  Congress  has  been  a  great  success,  and  its  record  in  America, 
will  be  the  opening  of  a  new  era  for  the  Eucharist  Saviour. 


La  parole  est  maintenant  à  Sir  Lomer  Gouin,  premier  mi- 
nistre de  la  province  de  Québec.  Annoncé,  comme  les  autres 
orateurs,  par  Mgr  rArchevêque  de  Montréal,  il  s'exprime 
ainsi  : 

Eminence, 

Excellence, 
Messeigneurs, 

Messieurs, 

Je  remercie  Mgr  FArchevêque  de  Montréal,  l'infatigable  organisateur 
de  ces  grandioses  démonstrations,  d'avoir  bien  voulu  m'appeler  à  dire 
ici  quelques  mots.  Outre  qu'elle  est  un  précieux  témoignage  de  la  cor- 
diale entente  qui,  dans  notre  province,  existe  entre  l'Eglise  Catholique 
et  l'Etat,  l'invitation  de  Sa  Grandeur  me  fournit  une  occasion  heureuse 
d'affirmer  mon  humble  foi  en  cette  Eglise,  et  c'est  pourquoi  je  l'accepte 
avec  bonheur  et  reconnaissance. 

Un  poète  a  dit  que 

"  Tout  homme  a  deux  pays,  le  sien  et  puis  la  France." 

Comme  il  serait  plus  juste  de  dire  que  tout  croyant  a  deux  maisons: 
la  sienne  et  celle  de  Dieu  ! 

Pour  ma  part,  jamais  je  ne  l'ai  mieux  compris  que  ce  soir,  dans  ce 
temple  majestueux,  si  vaste  et  tout  débordant  de  fidèles,  où  bien  des  fois 
je  suis  venu  m'agenouiller  aux  pieds  de  notre  Père  commun,  et  où,  au- 
jourd'hui, j'ai  l'honneur  de  parler  debout  à  des  catholiques,  à  des  frères 
accourus  de  pays  divers  et  même  très  lointains. 

Quel  magnifique  privilège  que  celui  d'être  enfant  de  l'Eglise  du 
Christ,  d'appartenir  à  la  grande  famille  des  rachetés  !  Dans  cette  fa- 
mille, si  les  bouches  ne  parlent  pas  toutes  la  même  langue,  une  fraternité 
étroite  réunit  cependant  toutes  les  âmes;  les  esprits  se  rencontrent,  les 
volontés  s'entendent,  les  efforts  se  coalisent;  l'accord  est  complet  et 
l'union  parfaite;  quand  l'Eglise  enseigne,  nous  croyons,  quand  elle  com- 
mando, nous  obéissons,  lorsqu'elle  est  attaquée,  nous  la  défendons. 

Les  rois  et  les  peuples,  les  riches  et  les  pauvres,  le  génie  et  la  vertu, 
la  piété  et  le  dévouement,  les  sciences,  les  lettres,  les  arts,  les  lois,  en  un 


—  123  — 

mot  tout  ce  qu'il  y  a  de  grand,  de  beau  et  de  saint  dans  l'humanité  a 
salué  le  Christ,  comme  la  nature  reconnaissante,  au  sortir  des  ombres  et 
des  engourdissements  de  la  nuit,  salue  le  soleil  qui  labreuve  de  sa  lu- 
mière et  le  pénètre  de  sa  généreuse  chaleur. 

Grâce  à  Dieu,  personne  en  ce  pays  ne  songe  que  croire  à  Jésus  et  à 
son  Evangile  soit  une  déchéance,  qu'avoir  pour  premier  Maître  Celui 
devant  qui  les  savants  et  les  génies  inclinent  leur  front  glorieux  soit  un 
abaissement,  que  servir  Celui  que  toute  civilisation  admire  et  bénit 
puisse  faire  de  nous  des  êtres  inférieurs,  puisse  nous  rendre  moins  utiles 
à  nos  semblables  et  à  notre  patrie. 

Bien  loin  de  là.  XuUe  part  ailleurs  peut-être  le  Christ  qui  a  promis 
à  sa  croix  la  conquête  du  monde,  n"a  exercé  un  attrait  plus  puissant 
qu'en  ce  pays.  A  quelque  page  que  nous  ouvrions  notre  histoire  natio- 
nale, cette  page  épelle  l'Evangile;  de  quelque  côté  que  nous  tournions 
nos  regards,  en  quelque  lieu  que  nous  portions  nos  pas,  l'œuvre  de 
l'Eglise  apparaît  immense  autant  que  merveilleuse. 

Un  jour  de  fête  nationale,  un  de  mes  prédécesseurs,  après  avoir  parlé 
du  caractère  affable  et  bon  des  Canadiens-Français,  après  avoir  décrit 
leurs  mœurs  douces  et  simples  et  fait  le  tableau  du  bonheur  dont  jouis- 
sent nos  patriarcales  familles  d'agriculteurs,  concluait  en  s'écriant  :  "  La 
France  a  passé  là." 

A  qui  s'étonne  de  notre  vitalité,  à  qui  cherche  le  secret  de  notre 
bonheur  comme  peuple,  ne  pouvons-nous  pas  dire  à  notre  tour:  l'Eglise 
a  passé,  ou  mieux  encore,  l'Eglise  est  restée  chez  nous?  Elle  a  pass^ 
avec  ses  missionnaires,  avec  ses  martyrs  dont  le  sang  a  fécondé  le  sol  de 
notre  patrie  ;  elle  est  restée  avec  ses  apôtres  et  ses  saints,  avec  ses  évoques 
et  ses  prêtres,  ses  religieux  et  ses  religieuses,  ses  éducateurs  et  ses  édu- 
catrices,  qui  ne  cessent  de  semer  le  bienfait  de  leurs  enseignements  et 
de  leurs  vertus  sur  tous  nos  rivages  et  le  long  de  tous  nos  chemins. 

Aussi  l'Etat  ne  songe-t-il  aucunement  à  renier  sa  bienfaitrice  et  à  lui 
signifier  son  congé.  Au  contraire,  il  est  heureux  de  retrouver  dans  un 
passé  dont  l'Eglise  a  grandement  contribué  à  faire  la  grandeur,  en  même 
temps  que  l'objet  de  son  admiration  le  ferme  appui  de  ses  espérances. 

L'Etat  reconnaît  sans  arrière-pensée  les  droits  de  l'Eglise  et  il  la 
laisse  se  mouvoir  librement  dans  sa  sphère.  Loin  de  la  regarder  comme 
une  ennemie  à  combattre  ou  une  rivale  à  contenir,  il  la  traite  en  alliée, 
il  la  tient  pour  son  meilleur  appui  dans  la  poursuite  des  intérêts  supé- 
rieurs; car  il  sait  qu'elle  est  à  jamais  la  gardienne  vigilante  et  indépen- 
dante de  tous  les  droits,  des  droits  des  gouvernants  comme  de  ceux  des 
gouvernés,  et  que.  suivant  le  mot  d'un  publiciste,  "  il  n'est  pas  d'ins- 
trument plus  puissant  que  la  religion  pour  obtenir  des  hommes  en 
société  tous  les  genres  de  sacrifices  que  l'intérêt  public  puisse  réclamer." 

Puissent  l'Eglise  et  l'Etat  vivre  toujours,  cboz  nous,  dans  l'baniionie 
la  plus  parfaite  et  dans  le  respect  sympathique  l'un  de  l'autre!  Puisse 
l'Eglise  illuminer  sans  relâche  la  route  des  destinées  de  notre  chère 
patrie,  et  les  fils  du  Saint-Laurent,  incessamment  fidèles  aux  traditions 
ancestrales,  maintenir  toujours  au  sommet  de  leurs  croyances,  de  leurs 
affections  et  de  leurs  espérances,  la  Croix  de  Celui  qui  est  la  vie  du 
monde  et  la  source  de  tous  biens. 


— 124  — 

Mgr  l'Archevêque  de  Montréal  présente  maintenant  à  l'au- 
ditoire l'orateur  impatiemment  attendu,  l'évêque  de  Jeanne 
d'Arc,  Mgr  Toucliet.  , 

DISCOURS  DE  MGR  TOUCHET 

EiMiNEXTissniE  Cardinal  Légat,  (1) 
Eminence,  (2) 

Messeigneurs,  (3) 
Mesdames^ 

Messieurs, 

Ce  m'est  uu  insigne  honneur,  Eminentissime  Cardinal-Légat,  de 
prendre  en  ce  moment,  devant  vous,  la  parole. 

La  première  fois  que  je  rencontrai  Votre  Eminence,  elle  revenait  de 
sa  mission  en  Eussie,  et  faisait  route  vers  le  Portugal  où  elle  aplanit  si 
heureusement  et  si  rapidement  de  fort  graves  difficultés. 

Depuis  lors  elle  a  continué  sa  carrière  glorieuse  et  utile,  parmi  les 
plus  hauts  ministères  de  la  sainte  Eglise  romaine. 

Les  années  sont  venues;  elles  ont  passé  sans  briser  ni  même  courber 
le  grand  chêne;  elles  n'ont  fait  que  le  vêtir  d'une  majesté  plus  vénérable 
et  plus  sacrée. 

Et  aujourd'hui,  au  milieu  de  nous,  vous  n'êtes  pas  seulement  l'illustre 
Cardinal  Vincent  Vannutelli,  vous  êtes  Pie  X!  Pie  X,  sup-rême  prêtre; 
Pie  X,  suprême  docteur;  Pie  X,  suprême  pasteur;  Pie  X,  pour  l'Eglise 
de  France,  le  sauveur  de  la  hiérarchie,  c'est-à-'dire  de  l'institution  même 
de  Jésus-Christ,  par  sa  clairvoyance  et  son  intrépidité;  Pie  X,  pour 
l'Eglise  Universelle,  le  père  très  auguste,  très  vigilant,  très  bon,  le  ven- 
geur de  la  doctrine  et  de  la  discipline  catholique;  Pie  X,  auquel  se 
pourraient  appliquer  les  paroles  adressées  par  Jéhovah  à  l'antique  pro- 
phète: "Je  t'ai  posé  comme  un  bastion  inexpugnable,  pasui  te  in  civi- 
tatem  munitam.  Je  t'ai  dressé  comme  une  colonne  d'airain,  m  colum- 
nam  ferream  et  in  murum  œreum.  Les  temps  sont  mauvais,  beaucoup 
combattront  contre  toi,  hellahunt  adversum  te  :  sectaires  d'ici,  faux  doc- 
teurs de  là,  étranges  diplomates  d'ailleurs.  Mais  ce  sera  en  vain:  lesi 
sectaires  seront  déçus,  les  faux  docteurs  démasqués,  les  étranges  diplo- 
mates se  prendront  à  leurs  propres  pièges,  parce  que  je  suis  avec  toi, 
quia  ego  iecum  sum,  dit  le  Seigneur,  ait  Dominus." 

Oui,  Eminentissime  Cardinal  Légat,  à  travers  votre  robe  rouge  nous 
discernons  la  robe  blanche  de  Pie  X.  Quand  vous  bénissez,  nous  nous 
inclinons  sous  sa  main;  quand  vous  parlez,  nous  entendons  sa  voix  et 
son  cœur;  quand  vous  exhortez,  nous  obéissons  à  ses  conseils;  Legatut 
non  tanium  missus  a  papa,  personam  papae  gerit,  porte  le  Droit. 


(1)  Son  Em.  le  cardinal  Vincent  Vannutelli,  légat  du  Pape  Pie  X. 

(2)  Son  Em.  le  cardinal  Logiie,  <''vêque  d'Armagh. 

(3)  NN.  SS.  les  évêques  présents  au  congrès. 


—  125  — 

Ces  services  et  cette  mission,  Emineutissime  Cardinal  Légat,  vous 
entourent  cVune  incomparable  splendeur:  ils  expliquent  et  imposent  les 
sentiments  que  nous  déposons  à  vos  pieds. 

Emineutissime  Primat,  une  mer  nous  sépare  habituellement.  Si  large 
soit-elle,  votre  renommée  l'a  franchie  non  moins  que  celle  des  prélats 
canadiens,  américains,  belges,  anglais,  hollandais,  allemands,  océaniens^ 
qui  vous  entourent. 

Xous  connaissons  en  France,  Messeigneurs,  vos  écrits,  votre  éloquence 
votre  science,  bien  mieux  encore,  vos  œuvres.  Notre  respect  pour  vos 
personnes  égale  vos  mérites.  C'est  assez  pour  exprimer  combien  il  est 
profond.  Mon  très  aimable  et  très  éloquent  collègue  d'Angers  vous 
aurait  dit  ces  choses  mieux  que  moi.  Du  moins,  suis-je  certain  qu"il 
ratifie  mes  paroles,  ainsi  que  tous  les  membres  de  l'épiscopat  français. 
Ceux-ci  nous  envient  le  bonlieur  d'être  ici.  Ils  n'ont  manqué  ce  rendez- 
vous  précieux  que  pour  accomplir  les  devoirs  de  leur  charge  ;  la  plupart 
pour  présider  leurs  retraites  pastorales.  Vous  souffrirez.  Messieurs,  que 
de  Montréal,  la  cité  de  Marie  et  du  Saint-Sacrement,  je  leur  envoie  l'ex- 
pression de  mes  fraternelles  fidélités. 

Monseigneur  l'Archevêque  de  Montréal,  je  ne  serais  qu'un  impitoyable 
ingrat,  si  je  ne  vous  remerciais  et  de  ces  solennités  dont  les  éblouissantes 
merveilles  vont  étonner  le  monde,  et  de  la  part  que  votre  bonne  grâce  a 
voulu  m'y  assigner. 

C'est  au  Séminaire  canadien  de  Rome  que  vous  prîtes  l'initiative  de 
m'inviter,  en  termes  dont  ma  gratitude  (peut-être  encore  mon  amour- 
propre,  hélas!)  ne  me  permettent  pas  d'oublier  1  obligeance. 

Il  vous  plut,  pour  me  décider,  d'invoquer  deux  communautés  qui 
existent  entre  nous,  la  communauté  de  la  foi  et  la  communauté  du  sang. 
Notre  communauté  de  foi,  est  évidente.  Quant  à  la  communauté  du 
sang  entre  les  Canadiens,  desquels  vous  êtes,  et  les  Xormands,  desquels 
je  suis,  elle  est  indéniable.  Vous  vous  promettiez,  il  m'en  souvient,  les 
spectacles  de  religion  incomparables.  Vous  en  preniez  pour  garant  la 
piété  de  ce  magnifique  peuple  et  la  belle  jeunesse  cléricale  qui  vous 
écoutait,  sentant  passer  sur  son  front  et  son  âme  comme  une  brise 
accourue  des  plages  de  la  patrie,  —  leur  patrie  aux  grands  lacs,  aux 
grands  prés,  au  grand  cœur,  aux  grands  blés,  au  grand  fleuve,  au  grand 
présent,  au  grand  passé,  au  grand  avenir,  —  vous  applaudissait  avec 
passion. 

A  vrai  dire,  il  eût  été  inutile  d'alléguer  ces  nombreux  considérants. 
Vous  désiriez,  il  suffisait:  tant  nous  professons  pour  votre  vigilance 
pastorale  et  le  charme  de  votre  personne  de  déférente  s3Tnpathie, 

Et  alors,  tout  plein  de  la  bienheureuse'  Jtanne  d'Arc,  dont  la  cause 
m'avait  amené  à  Eome,  j'acceptai  sous  l'unique  réserve  de  vous  parler 
d'elle  et  do  ses  relations  avec  l'Eucharistie. 

Je  suis  venu  de  loin  dégager  ma  parole. 

Vous,  Messeigneurs,  vous.  Messieurs,  vous  prendrez  en  conpiih^ration 
ma  bonne  volonté  plus  encore  que  le  discours  que  je  vais  prononcer:  ceci 
me  fera  pardonner  cela. 


—  126  — 

Jeanne  d'Arc,  la  bienheureuse  Jeanne  d'Arc  !  A  son  culte  j'ai  voué 
ma  vie.  Depuis  seize  ans,  je  l'étudié.  Plus  je  l'ai  connue,  plus  je  me 
suis  enfoncé  dans  la  passion  qu'elle  m'inspira.  Elle  m'a  pris  la  moitié 
de  mes  jours  et  une  part  de  mes  nuits;  elle  m'a  causé  des  sollicitudes  de 
tout  genre,  plus  d'une  alarme,  plus  d'une  lutte:  ce  n'est  pas  trop,  ce 
n'est  pas  assez,  tant  elle  est  belle  ! 

Ce  goiit  ne  m'est  pas  exclusivement  personnel.  Godef  roy  Kurth,  l'il- 
lustre historien  belge,  avait  déposé  devant  moi,  lors  du  procès  de  béatifi- 
cation de  Jeanne.  Nous  donnant  de  sa  science  qui  est  vaste  et  de  son 
cœur  qui  est  chaud,  il  nous  avait  tracé  de  Jeanne  un  beau  portrait  vivant, 
vrai,  net.  Quant  il  eut  fini,  je  dus  lui  demander  ce  qu'il  pensait  de 
notre  tentative  de  faire  béatifier  l'héroïne.  Il  se  leva,  et  gravement: 
"  Monseigneur,  me  dit-il,  je  ne  connais  pas  l'histoire.  Personne  ne  la 
connaît.  Il  y  a  cependant  quarante  années  que  je  l'étudié.  Eh  bien,, 
me  souvenant  que  j'ai  prêté  serment  tout  à  l'heure  entre  vos  mains,  je 
puis  vous  dire  ceci  :  Depuis  le  Christ  et  la  Vierge  Marie,  personne  ne 
m'apparaît,  sur  ce  théâtre  que  j'ai  tant  fréquenté,  qui  soit  plus  digne  des 
autels  que  Jeanne  d'Arc." 

Et  cela  est  la  vérité. 

Jeanne  étonne  et  séduit.  Devant  elle  on  tombe  à  genoux  pour  lui 
baiser  les  pieds,  et  on  ne  peut  se  retenir  de  lui  donner  des  noms  très  ten- 
dres de  "  sœur,"  de  petite  sœur."  Elle  est  très  haut  au-dessus  de  nous,  et 
néanmoins  nous  la  sentons  comme  très  voisine  de  nous.  Elle  est  la 
Jeanne  miraculeuse  de  l'épopée  et  du  Paradis;  elle  est  la  Jeannette  de 
Domrémy.  "  C'est  un  agneau  et  un  lion,"  a  écrit  Pie  X,  traduisant 
admirablement  la  nature  contrastée  de  cette  enfant. 

Elle  fut  pure  comme  un  lys,  humble  comme  une  marguerite  de  ses 
vallées  meusiennes.  Elle  priait  Dieu,  la  Vierge,  ISTotre-Seigneur  avec 
une  candeur  de  foi  que  rien  ne  troubla.  Elle  aimait  ses  compagnons,  les 
malheureux,  ses  frères,  ses  sœurs,  son  rude  et  honnête  père,  sa  mère,  sa 
"  pauvre  mère,"  ainsi  qu'elle  s'exprimait,  à  plein  cœur. 

Elle  se  meut  dans  le  surnaturel  comme  nous  dans  l'air  oîi  nous  res- 
pirons. Sept  années  durant,  elle  fut  en  contact  quotidien,  perpétuel  avec 
saint  Michel,  sainte  Catherine,  sainte  Marguerite. 

Prodigieuse  mystique,  la  plus  prodigieuse  des  mystiques  par  quelque 
côté,  par  exemple  la  fréquence  de  ses  visions,  il  lui  suffisait  d'appeler  son 
ange,  ses  saintes,  pour  qu'ils  fussent  là.  Elle  les  nomma  d'un  mot  admii 
rablement  trouvé,  elle  les  nomma  "  ses  voix."  Une  voix,  quelque  chose 
d'immatériel  et  de  sensible  ;  quelque  chose  qui  caresse  et  qui  épouvante  ; 
quelque  chose  de  si  discret  que  l'oreille  le  perçoit  à  peine,  et  de  si  sonorç 
que  l'espace  en  résonne  ;  une  voix,  quelque  chose  qui  éveille  le  courage^ 
berce  le  chagrin,  ébranle  la  volonté,  chante,  pleure,  commande;  le  Dies 
irae  du  sublime  inconnu;  le  Requiem  de  Mozart,  la  Marseillaise  de 
Eouget  de  l'Isle;  une  voix:  presque  rien,  tout  cela  va  sans  laisser  trace 
et  tellement  tout  que  l'Eglise  a  épuisé  son  effort  de  louange  à  l'égard  du 
Saint-Esprit  quand  elle  a  dit  :  "  il  a  la  science  de  la  voix."  _  Sans  ses 
'Voix,  des  voix  personnelles,  des  voix  réelles,  Jeanne  est  une  énigme  inex- 
plicable.    Avec  ses  Voix,  elle  est  seulement  mystérieuse,  comme  tout  ce 


—  127  — 

que  le  divin  enveloppe  d'un  nuage  que  nos  3-eux  ne  sont  pas  habitués  à 
regarder,  encore  moins  percer. 

Elle  fut  brave  comme  une  épée  de  chevalier,  et  si  douce  dans  la  ba- 
taille, si  généreuse,  si  apôtre  !  Jamais  elle  n'a  frappé  personne.  Elle 
se  poussait  au  plus  fort  de  la  mêlée,  souriante,  son  étendard  à  la  main, 
et  elle  disait  :  "  Suivez-moi."  Glacidas,  le  commandant  des  Tourelles, 
l'avait  insultée  abominablement.  Le  7  mai  1429  au  soir,  elle  l'aperçut, 
se  défendant,  dit  un  chroniqueur,  comme  s'il  eut  été  "  immortel."  L'en- 
fant vit  que  le  formidable  soldat  était  perdu.  "  Glacidas,  lui  cria-t- 
elle,  tu  m'as  insultée,  tu  m'as  appelée. .  . .  Mais  j'ai  pitié  de  ton  âme. 
Eends-toi  !  Eends-toi  au  Eoi  du  ciel  !  "  Connaissez-vous,  Messieurs,  bien 
des  cris  de  saints,  pathétiques  à  l'égal  de  celui-là? 

Dans  sa  mort,  elle  imita  de  très  près  la  passion  du  Christ. 

Trahie  comme  lui,  vendue  comme  lui,  jugée  comme  lui,  exécutée 
comme  lui,  au  milieu  des  cris  de  la  haine  et  des  larmes  de  pitié,  après 
avoir  été  la  foi,  la  charité,  la  justice,  la  vérité,  l'honneur  même,  avec  au 
front  le  rayon  des  prophètes  et  sur  ses  épaules  la  pourpre  de  son  sang; 
après  avoir  représenté  la  France  en  ce  que  la  France  a  de  plus  exquis,  et 
l'humanité  en  ce  que  l'humanité  a  de  plus  haut  :  après  avoir  été  Jeanne 
d'Arc  ! 

Toutefois,  dans  cet  ensemble  de  vertus  dont  se  souvient  l'histoire  et 
qu'a  couronnées  l'Eglise,  il  en  est  une  qui  marque  d'un  trait  plus  pro- 
fond sa  physionomie  morale,  précisément  parce  qu'elle  porte  toutes  les 
autres  :  c'est  la  vertu  de  force. 

Enfant,  elle  a  la  force  d'enfermer  eu  soi,  entre  soi  et  Dieu,  le  secret 
qui  doit  l'étouffer,  de  sa  mission  et  de  ses  apparitions  ;  la  force  de  vaincre 
les  impatiences  de  son  âge,  les  instincts  pervers  dont  le  péché  d'origin^ 
a  déposé  le  germe  vivace  chez  les  meilleurs,  ses  terreurs  de  la  vie  de^ 
camps,  sa  tendresse  filiale  passionnée,  laquelle  l'eût  détournée  de  ré- 
pondre à  l'appel  de  Dieu.  "  J'aurais  eu  cent  pères  et  cent  mères,  disait- 
elle,  je  serais  partie  !  " 

Inspirée,  elle  eut  la  force  de  lutter  contre  les  suspicions  des  clercs,  les 
répugnances  des  hommes  d'armes,  la  pusillanimité,  sinon  pire,  des  con- 
seillers de  la  couronne. 

Guerrière,  elle  eut  la  force  de  grouper  et  d'entraîner  à  sa  suite  Ar- 
magnacs, Bretons,  Manceaux,  Beaucerons,  Richemond  et  Gille  de  Eais, 
les  Laval,  d'Alençon  et  Dunois.  Elle  les  pacifia,  les  évangélisa,  en  con- 
vertit plus  d'un. 

Chevauchant  à  travers  la  France  morte,  elle  eut  la  force  de  la  res- 
susciter. 

Oui,  certes  !Pour  ressusciter  la  France,  il  faut  d'abord  ressusciter  son 
roi.  Isabeau  l'avait  tué  sur  ses  genoux,  dans  ses  bras  d'adultère,  lui 
versant  un  doute  empoisonneur,  mais  trop  naturel,  sur  la  légitimité  de 
sa  naissance  et  de  ses  droits. 

A  ce  dauphin  inquiet  et  apeuré  qui  ne  rêvait  que  fuite  vers  Toulouse  ; 
plus  loin,  vers  l'Espagne;  plus  loin,  vers  le  Portugal,  elle  refit  une  âme, 
un  cœur,  un  sang. 

Pourquoi   se   désespérait-il?     Pourquoi    songeait-il   h   l'exil?     "Ayez 


—  138  — 

confiance,  ayez  confiance,  gentil  dauphin.     Je  vous  conduirai  à  Eeims 
afin  que  vous  y  receviez  votre  digne  sacre." 

Pourquoi  ce  tourment  qui  le  tuait  ?  "  Je  te  le  dis  de  la  part  de  Dieu. 
Tu  es  vrai  fils  de  roi  et  celui  à  qui  le  royaume  doit  ajDpartenir  !  " 

Petit  à  petit,  le  fils  des  Capétiens  se  laissait  prendre  par  l'enthou- 
siasme de  la  sublime  paysanne.  Il  finit  par  croire  à  soi,  à  la  France,  à 
Orléans,  où  battait  alors  le  cœur  de  la  patrie,  à  Dieu.  Elle  enfanta  son 
roi  :  Millier'  circumdahit  virum,  porte  le  texte  dans  son  énergique  crudité. 

Elle  ressuscita  les  chevaliers.  Depuis  Azincourt,  ils  montaient  encore 
à  cheval,  mais  sans  entrain  et  comme  s'ils  eussent  été  voués  d'avance  à 
la  défaite  irrémédiable.  Ils  s'ensevelissaient  dans  le  pressentiment  que 
la  fin  du  royaume  approchait;  or  un  tel  rayonnement  de  surnaturelle 
vigueur,  une  telle  "  vertu  "  sortait  de  Jeanne  qu'ils  revinrent  à  la  con- 
fiance. "  Avant  Jeanne,  dit  Dunois,  dix  Anglais  auraient  battu  deu3ç 
cents  Français,  avec  Jeanne,  dix  Français  auraient  battu  deux  cents 
Anglais." 

Enfin  elle  ressuscita  ce  qui  est  plus  que  les  chevaliers  et  plus  que  le 
roi;  elle  ressuscita  l'antique  opprimé,  l'antique  écrasé,  celui  que  son 
oppression  même,  son  écrasement  même  rendaient  indifférent  aux  destins 
du  pays  :  le  peuple.  Que  lui  faisait  à  lui  d'être  Armagnac,  Bourguignon, 
Anglais,  Français?  En  serait-il  moins  battu  et  moins  volé?  Mais  quand 
il  eut  vu  cette  petite  fille  sortie  de  lui,  quand  il  eut  ouï  ses  appels,  quand 
il  eut  discerné,  dans  le  ciel  qu'elle  ouvrait  au-dessus  de  sa  tête,  les  figures 
sacrées  de  Charlemagne  et  de  saint  Louis  en  prière,  comme  elle  disait, 
il  se  retrouva,  notre  peuple  !  Il  se  passionna  d'autonomie.  Les  vieux 
glaives,  les  vieilles  masses  d'armes  qu'avaient  maniés  les  Jacques  sor- 
tirent de  leur  rouille.  Un  souffle  de  nationalisme  l'agita,  le  purifiant 
des  terreurs  et  des  lâchetés  de  la  guerre  de  Cent  Ans,  comme  les  vent? 
frais  et  doux  purifient  l'océan  de  ses  miasmes  et  de  ses  brouillards.  Et 
il  advint  ce  que  Jeanne  semble  avoir  prévu  quand  elle  osa  dire  à  Beau- 
dricourt  :  "  Il  faut  que  je  parte,  il  faut  que  ce  soit  aujourd'hui  plutôt 
que  demain  ;  les  jours  me  pèsent  comme  à  une  femme»  enceinte."  Bref, 
elle  devint  la  mère  de  la  patrie,  a  dit  Eome,  "  Jure  dicta  Mater  Patriae." 

Et  maintenant,  regardons-la  !  regardons-la  donc  s'avancer  dans  un 
tourbillon  de  victoires,  d'Orléans  à  Jargeau,  de  Beaugency  à  Patay,  de 
Patay  à  Troyes,  de  Troyes  à  Eeims.  Or,  sa  courte  vie  compte  exactement 
dix-neuf  ans,  cinq  mois  et  vingt-quatre  jours.  Quand  elle  opérait  les 
prodiges  que  je  viens  de  rappeler,  elle  avait  deux  ans  de  moins,  elle  avait 
dix-sept  et  demi  ! 

France,  jette-lui  à  pleines  mains  des  lauriers  et  des  roses.  Angleterre, 
ne  lui  refuse  ni  les  roses  ni  les  lauriers.  Il  fallait  qu'il  subsistât  une 
France  et  une  Angleterre  dans  l'univers.  Grâce  à  Jeanne,  ni  celle-ci, 
ni  celle-là  ne  disparurent:  la  France  ne  périt  pas;  l'Angleterre  demeura 
l'Angleterre.  Toutes  les  deux  avec  leur  destin,  toutes  les  deux  avec  leur 
mission  spéciale  à  travers  les  siècles,  toutes  les  deux  attendent,  nous  en 
avons  la  confiance,  l'heure  que  prophétisa  de  Maistre,  disant:  "Quand 
la  France  sera  redevenue  chrétienne  et  l'Angleterre  catholique,  le  mondq 
verra  de  grandes  choses."     Cette  heure,  Messeigneurs  d'Angleterre,  Mes- 


—  129  — 

seigneurs  de  la  catliolicité,  on  la  paierait  cher.  Mon  Dieu,  faites  que 
l'Angleterre  redevienne  catholique,  que  la  France  redevienne  chrétienne  ! 
Prenez  nos  vies . , .  Mais  faites  vite  ! .  .  . 

Initialement  cela  est  dû  à  la  force  de  Jeanne. 

Je  ne  vous  montrerai  pas  comment,  martyre,  elle  fut  forte.  C'est 
inutile. 

D'où  provient  cette  force  à  cette  enfant?  De  l'hostie  surtout,  répond 
hardiment  l'Eglise  dans  la  liturgie  qu'elle  lui  a  consacrée;  Pane  cœlesti 
qui  toties  bmtam  Johannam  aluit  ad  victoriam.  De  l'hostie...  Eh 
quoi,  de  l'hostie?  L'Eglise  le  dit.  Croyons.  Norma  credendi,  forma  prt- 
candi.     Comprenons  aussi. 

Messieurs,  dans  tout  l'ordre  des  choses,  nous  ne  connaissons  que  deux 
forces  autonomes  libres  :  la  première  est  absolue,  éternelle,  surabon- 
dante :  nous  l'appelons  Dieu.  Les  secondes  sont  relatives,  immortelles, 
subordonnées  :  ce  sont  les  consciences  libres,  anges  et  hommes. 

Les  consciences  libres  sont  des  forces  vraiment  :  nous  le  sentons. 
Elles  peuvent  dire  non,  et  résister;  elles  peuvent  dire  oui,  et  agir,  elles 
sont  donc  des  forces. 

Leur  dignité  est  proportionnelle  à  la  valeur  de  leur  activité;  la  valeur 
de  leur  activité  est  déterminée  par  la  conformité  de  celle-ci  à  la  loi. 
Plus  une  conscience  libre  opère,  plus  son  opération  est  conforme  à  la  loi, 
plus  sa  dignité  morale  est  excellente. 

La  fidélité  des  consciences  libres  à  la  loi  est  souvent  gênée,  soit  par 
notre  aptitude  intérieure  à  défaillir,  soit  par  notre  aptitude  à  subir  les 
tentations  du  dehors.  Nous  connaissons  tous  ce  phénomène;  il  produit 
nos  luttes  morales  et  trop  souvent  nos  chutes. 

Or,  dans  ces  luttes,  nous  pouvons  appeler  à  notre  secours  la  force 
absolue,  éternelle,  surabondante;  Dieu  lui-même  Va  ainsi  voulu,  ainsi 
réglé. 

La  prière  et  les  sacrements  ont  cette  puissance  de  nous  faire  commu- 
nier à  lui  et  de  doubler  notre  infirmité  d'êtres  finis  des  énergies  de  l'Etre 
infini. 

Mais  parmi  tous  les  sacrements,  l'Eucharistie,  nourriture  par  le  pain 
et  le  vin  mystiques,  signifie  et  réalise  plus  excellemment  que  nulle  autre 
l'union  de  la  suprême  Puissance  avec  notre  suprême  faiblesse.  "  Celui 
qui  mange  ma  chair  et  qui  boit  mon  sang  vivra.  Ma  chair  est  vraiment 
une  nourriture:  mon  sang  est  vraiment  un  breuvage,  dit  Jésus." 

Mangez  !  Buvez  !  Vivez  ! 

A^ie  et  force  sont  ici  posées  en  équation.  Et  par  le  fait  notre  vie  en 
tout  ordre  physique,  intellectuel,  moral,  est  proportionnelle  à  notre  force, 
et  notre  force  est  proportionnelle  à  notre  vie. 

Les  âmes  très  fortes  mangent  saintement  le  corps  du  Christ  et  boivent 
son  sang.  Là  oii  n'est  pas  le  corps  du  Christ,  il  y  a  encore  de  l^cllos 
âmes;  on  cherche  les  âmes  héroïques,  sans  en  trouver. . . . 

L'Eglise  catholique  fait  et  donne  le  corps  du  Christ;  c'est  pourquoi, 

nous  le  disons  sans  orgueil,  mais  avec  fermeté,  elle  produit  les  Saint.*, 

les  Lallemand,  les  Brébcuf,  les  Jogues  dont  la  fin,  belle  comme  Tantique. 

nous  reporte  aux  supplices  de  Polycarpe  de  Smvrne  et  d'Ignace  d'An- 

5 


—  130  — 

tioche;  les  Jeanne  Mance,  les  Marguerite  Bourgeoys,  douces  créatures 
dont  la  charité  s'éleva  jusqu'à  l'oubli  total  et  à  l'immolation  parfaite  du 
cher  et  égoïste  moi  humain. 

Fils  et  filles  de  l'Eucharistie,  je  vous  salue  humblement,  car  je  ne 
l'ignore  pas,  si,  logiques  comme  vous  le  fûtes,  nous  correspondions  comme 
vous  correspondîtes  au  Dieu  caché  qui  s'approche  de  nous,  la  grâce  qui 
s'épanouit  chez  vous  en  sainteté,  s'épanouirait  chez  nous  en  la  même 
floraison  sacrée.     Aidez-nous  !  frères  et  sœurs  aînés,  aidez-nous  ! 

Jeanne  fut  une  âme  eucharistique  comme  ceux  que  je  viens  de  nom- 
mer, comme  sainte  Julienne,  comme  sainte  Catherine  de  Sienne,  comme 
saint  Stanislas  Kostka,  et  elle  fut  forte. 

Sa  petite  maison  de  Domrémy  jouxtait  l'Eglise.  Seul,  un  étroit 
pourpris  l'en  séparait.  Elle  se  composait,  dans  la  partie  consacrée  à 
l'habitation  de  deux  pièces,  d'inégale  grandeur,  au  rez-de-chaussée,  et 
d'un  fenil  au-dessus.  La  grande  pièce  était  tout  ensemble  la  cuisine  et 
la  chambre  à  coucher  de  Jacques  d'Arc  et  de  sa  femme  Isahelle  Romée, 
Jeanne  y  naquit.  Les  trois  garçons  se  retiraient  au  fenil  pour  y  dormir. 
Les  deux  filles  occupaient  un  cabinet  de  3  mètres  de  large  sur  5  mètres 
de  long,  éclairée  par  une  très  étroite  fenêtre. 

Je  me  suis  agenouillé  devant  cette  fenêtre  :  j'y  ai  prié  plus  d'une  fois, 
longuement.  Je  me  trouvais  bien  à  cette  place.  J'ai  cherché  la  trace 
des  larmes  de  Jeanne  et  celle  de  ses  mains  sur  la  planche  de  chêne  qui 
forme  appui,  car  elle  a  prié  là,  elle  a  pleuré  là,  j'en  suis  sûr.  De  là, 
quand  le  jour  avait  baissé,  elle  apercevait  la  lueur  de  la  lampe  sacrée,  à 
travers  les  baies  ogivales  de  la  vieille  petite  église.  Là  elle  est  venue 
s'abîmer  durant  les  nuits  qui  ont  précédé  son  départ  pour  la  glorieuse  ot 
formidable  aventure,  Qu'a-t-elle  dit  de  là,  à  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ,  tandis  que  Jacques  d'Arc  et  Isabelle  Eomée,  Catherine,  Jacques, 
Jacquemin,  Pierre,  dormaient,  tout  près,  leur  confiant  sommeil?  Qu'a- 
t-elle  dit  et  que  lui  a  répondu  Jésus  :  0  tristesses  !  0  encouragements  ! 
0  timidités!  0  ordres!  "Va,  Fille  de  Dieu,  va;  va!"  Car  si  Michel, 
l'ange,  parlait  ainsi,  Jésus  le  maître  ne  parlait  pas  différemment.  Quels 
drames  se  jouent  dans  l'âme  des  saints  ! 

Une  plaque  avertit  le  voyageur  qui  passe  de  la  maison  à  l'église,  que 
la  table  où  Jeanne  fit  sa  première  communion  était  posée  sous  le  porche 
actuel.  On  lui  montre  un  anneau  de  fer  qui  la  scellait  au  mur.  Supposé 
qu'il  ait  la  foi  (et  même  ne  l'cût-il  pas),  il  essaie  de  se  représenter  l'en- 
fant à  deux  genoux,  sur  l'une  de  ces  dalles;  l'enfant,  qui  a  déjà  connu 
l'extase,  qui  a  vu  l'archange,  qui  a  été  baisée  au  front  par  sainte  Cathe- 
rine et  sainte  Marguerite,  qui  a  su  la  grande  pitié  du  royaume  de 
France.  Tl  essaie  de  discerner  les  battements  de  ce  cœur  candide  qui 
n'en  a  pas  moins  d'inscrutables  profondeurs.  Il  voit  le  curé,  Messire 
Fronte.  déposer  l'hostie  sur  les  lèvres  de  Jeanne,  lentement,  comme  le 
matin  dépose  une  goutte  de  rosée  sur  la  corolle  d'un  lys,  Tl  regarde,  .  ,  . 
puis  il  ne  voit  plus  rien,  rien;  car  la  pensée  lui  défaille,  quand  il  s'agit 
d'imaginer  le  premier  contact  de  Jeanne  et  de  Jésus, 

A  dater  de  ce  jour,  Jeanne  communia  souvent,  si  souvent  qu'au  village 
on  la  trouvait  un  peu  trop  dévote. 


—  131  — 

Au  cours  de  ses  campagnes,  elle  entendait  la  messe  quotidiennement 
plutôt  deux  ou  trois  fois  qu'une,  et  s'approchait  du  Sacrement  autant 
qu'elle  pouvait. 

Ses  purifications  de  conscience  préparatoires  étaient  vigilantes;  ses 
actions  de  grâce  émues.  Le  chanoine  Compaing  atteste  qu'elle  n'assistait 
pas  à  un  salut  sans  fondre  en  larmes. 

Vous  savez  tous  sa  fin.  Un  jour  de  décembre  1430,  elle  fut  conduite 
à  Eouen,  au  donjon  bâti  par  Philippe-Auguste.  On  l'y  enferma  sous 
trois  clefs.  On  la  remit  à  cinq  soldats  Infânu^s  ap]ielés  "■  housepailleurs  " 
qui  ne  la  quittaient  ni  jour  ni  nuit.  On  la  ferra  par  les  pieds,  les  mains, 
la  ceinture,  et  on  riva  sa  chaîne  à  une  lourde  pièce  de  bois  jetée  dans  un 
coin  du  cachot.  Dans  un  autre  coin  on  apporta  une  cage  de  fer.  Je 
ne  crois  pas  qu'elle  y  ait  été  enfermée.  Des  juges  sauvages  la  harce- 
lèrent d'interrogatoires  féroces.  Elle  semble  avoir  été  en  butte  à  plus 
d'un  attentat  duquel  son  ange  seul  la  défendit.  Cela  dura  sans  inter- 
ruption entre  cent  cinquante  et  cent  soixante  jours. 

La  fière  enfant  ne  demanda  rien  à  ses  bourreaux,  rien  !  Xi  plus  de 
lumière,  ni  plus  d'air,  ni  moins  de  chaînes,  ni  Téloignement  des  promis- 
cuités abominables.  Us  n'eurent  pas  la  joie  déshonorante  de  lui  tirer 
une  plainte.  Elle  ne  leur  fit  qu'une  prière.  Elle  eût  voulu  assister  à 
la  messe,  y  communier.  Pas  de  messe  !  Pas  de  communion  !  Cela  c'était 
trop  ! 

Ils  essayèrent  de  "  jouer  "  de  la  messe  et  de  la  communion  pour  la 
décider  à  renier  ses  voix.  Si  elle  disait  ne  pas  les  avoir  entendues,  elle 
irait  à  la  messe!  Elle  communierait!  L'homme  a  des  ressources  et  des 
réserves  d'infamie  qui  font  trembler. 

Le  31  au  matin,  deux  heures  avant  le  supplice,  Pierre  Cauehon  dit: 
"  Donnez-lui  tout  ce  qu'elle  demandera."  On  lui  apporta  l'Hostie  ;  elle 
la  reçut,  et  elle  pleura. 

Elle  remercia  jusqu'à  neuf  heures  et  demie  dans  sa  prison.  Elle  re- 
mercia sur  la  charrette  du  bourreau  Thierrache,  pendant  sa  voie  dou- 
loureuse, de  l'enceinte  castrale  à  la  place  du  \'ieux-]\[arché.  Elle 
remercia  tandis  que  Nicolas  Midy  la  prêchait  interminablement,  que 
l'évêque  de  Beauvais  l'abandonnait  au  bras  séculier,  et  que  le  bailli  la 
livrait  au  feu.  Elle  remercia  en  gravissant  le  bûcher  que  les  juges 
avaient  fait  très  haut,  à  la  taille  de  leur  haine.  Elle  remercia  quand, 
la  torche  funèbre  s'étant  approchée  des  fascines  sèches,  s'éleva  la  colonne 
terrible  de  fumée  suffocante  et  de  sombre  flamme.  Elle  remercia  encore 
quand  Jésus,  probablement  venant  au-devant  de  sa  martyre,  elle  cria, 
comme  si  elle  avait  aperçu  quelque  chose,  quelqu'un,  de  longtemps 
attendu,  d'une  voix  qui  remplit  la  ville  de  Eouen:  "Jésus!  Jésus!" 
Elle  remerciait  quand,  inclinant  la  tête,  elle  remit  son  âme  à  son  auteur. 
Elle  ne  finit  son  remerciement  qu'au  Paradis  ! 

L'Eucharistie  et  Jeanne  ne  se  divisent  pas.  Celle-là  créa  celle-ci. 
C'est  par  l'Eucharistie  que  Jeanne  fut.  Le  Pain  sacré  mit  aux  veines 
de  la  vierge  un  sang  de  vigueur,  que  ne  purent  pâlir  aucun  danger, 
aucune  torture.  Elle  ne  prononça  pas  le  mot  de  Sonis  :  "  Quand  on 
porte  Dieu  dans  sa  poitrine,  on  ne  capitule  pas,"  elle  le  vécut  :  pane  qui 
fortius  Beutam  Johunnam  aluil  ad  vicloriarn. 


—  132  — 

Chrétiens,  consciences  libres,  mais  consciences  tentées,  nous  pouvons 
nous  restaurer  du  même  pain  que  Jeanne,  et  comme  Jeanne  triompher 
de  tous  nos  ennemis. 

Consciences  libres,  mais  consciences  défaillantes,  nous  tombons 
parce  que  nous  sommes  seuls.  Appelons  à  notre  secours  la  force  infinie, 
surabondante,  nous  marcherons  d'un  pas  ferme  par  les  plus  rudes 
chemins. 

Entendons  la  voix  de  Pie  X  qui  nous  convie  à  la  communion  fré- 
quente, loyalement  faite.  Celui  qui  communie  ainsi  n'est  plus  un,  il 
est  deux.  Deux,  et  s'il  est  faiblesse,  l'Autre  est  force;  car  l'autre,  c'est 
celui  dont  le  nom  domine  l'histoire,  dont  la  figure  domine  l'humanité, 
dont  la  croix  domine  le  monde,  dont  l'autel  désarme  le  bras  de  Dieu, 
met  un  peu  de  sainteté  sur  la  terre,  réjouit  le  ciel,  adoucit  le  purgatoire. 
C'est  le  Maître  adorable,  Jésus-Christ,  l'Homme-Dieu,  à  qui  soit 
louange,  honneur,  amour  et  gloire  dans  les  siècles  des  siècles  ! 

Est-ce  que  je  terminerai  sans  jeter  un  regard  vers  vous,  ô  mon  pays? 
Est-ce  que  je  ne  demanderai  pas  une  prière  pour  lui  devant  l'Hostie 
sainte  à  tous  ceux  qui  m'écoutent  ? 

C'est  un  noble  pays.  Messieurs,  missionnaire  généreux,  chevaleresque, 
trop  généreux  même,  car  il  oublie  facilement  ce  qu'il  devrait  ou  ne  pas 
oublier,  ou  bien  oublier  difficilement.  Méchante  tête  parfois,  mais  si 
brave  cœur  !  Il  serait  presque  parfait,  s'il  avait  une  conception  plus 
exacte,  plus  pleine  de  la  vie  civique.  Nous  catholiques,  nous  prêtres, 
nous,  évêques,  nous  travaillerons  à  lui  donner  cette  conception. 

En  attendant,  son  Eglise,  notre  Eglise  y  traverse  une  période  décisive 
de  sa  destinée;  elle  a  subi  un  choc  redoutable,  et  elle  y  livre  une  bataille 
magnifique. 

A  Québec  j'ai  expliqué  en  détail  le  comment  et  le  pourquoi  de  ces 
deux  affirmations. 

Le  choc  a  consisté  en  ceci,  qu'on  a  essayé  de  nous  diviser:  fidèles, 
curés,  évêques,  suprême  Pontife.  Mais  la  chaîne  d'airain  qui  nous  unis- 
sait était  trempée  dans  notre  commune  foi  et  dans  un  commun  amour. 
Elle  a  résisté,  rien  ne  l'a  mordue  ;  rien  ne  la  mordra. 

Tout  a  été  sacrifié  plutôt  que  de  briser  une  hiérarchie  établie  par  le 
Christ  et  de  violer  un  ordre  du  Pape. 

On  pourrait  compter  sur  les  doigts  d'une  seule  main,  et  encore  y 
aurait-il  trop  de  doigts,  les  prêtres  qui  en  cette  circonstance  ont  oublié 
leur  serment  d'obédience.  Les  cinquante  ou  soixante  mille  autres  n'ont 
jamais  perdu  de  vue  ce  Vatican  d'où  vient  la  lumière,  le  commandement 
et  le  courage. 

En  f|uatre  ans,  nous  avons  reconstitué  notre  outillage,  bâti  ou  acheté 
des  séminaires,  bâti  ou  acheté  des  évôchés,  bâti  ou  acheté  des  collèges. 
Nous  avons  nourri  nos  prêtres,  pas  richement,  il  est  vrai,  mais  suffi- 
samment. Quand  donc,  d'ailleurs,  avec  notre  maigre  budget  des  cultes, 
avions-nous  été  riches?  Ni  prêtres,  ni  évêques,  n'ont  geint  de  cela.  Nous 
nous  sommes  trouvés  bien  avec  notre  plat  de  lentilles  et  la  liberté  re- 
conquise.    Un  plat  de  lentilles  et  la  liberté.  Messieurs,  quoique    je  ne 


—  133  — 

souhaite  ce  régime  à  personne  —  je  le  répète,  puisque  je  l'ai  dit  ail- 
leurs, —  C'est  exquis  !  Nous  avons  soutenu  nos  écoles  libres.  11  n'y  en. 
a  pas  un  demi-cent  qui  aient  été  fermées  en  France.  Et  toutes  ces  for- 
mations, nous  les  avons  réussies  en  pleine  crise,  pour  ainsi  dire,  sous  le 
feu  de  l'ennemi. 

Xos  catholiques  ont  été  admirables.  Nos  clergés  ne  l'ont  pas  été 
moins.  Souffrez  que  j'envoie  mon  admiration,  oui,  mon  admiration  à 
ces  curés  de  campagne,  notamment,  que  rien  n'a  pu  décourager,  que  rien 
n'a  pu  fléchir,  que  rien  n"eutamera,  que  leurs  épreuves,  au  contraire, 
exaltent  présentement  dans  une  évangélisation,  qu'il  faut  bien  l'avouer, 
les  ligotages  du  Concordat  rendaient  difficile,  et  que  les  libertés  de  la 
rupture  rendent  opportune  et  presque  aisée. 

Tous  les  clergés  catholiques  du  monde  posés  dans  les  mêmes  conjonc- 
tures que  nous  eussent  agi  comme  nous  ;  comme  nous,  en  face  de  la  porte 
du  tabernacle,  ils  se  seraient  dit  que  le  plus  grand  honneur  que  Dieu 
puisse  faire  à  un  prêtre,  c'est  de  l'appeler  à  partager  un  instant  la  croix 
de  Jésus.  Encore,  cependant,  est-ce  nous  qui  sommes  actuellement  à 
cette  fête  austère.     Priez  donc  tous  pour  nous. 

Priez  pour  nos  fidèles,  nos  prêtres,  nos  clercs.  Priez  pour  nos  évêques. 
Priez  Jésus-Christ,  source  de  force.  Que,  force  de  Jeanne  la  Française, 
ils  deviennent  la  force  de  l'Eglise  de  France:  De  iiiiiiiicis  nostris  vicfores 
efficiat! 

Une  telle  prière  sera  la  poignée  de  main  par-dessus  l'Océan  des  héri- 
tiers de  Jacques  Cartier,  de  Samuel  de  Champlain,  de  d'Iberville,  de 
Montcalm,  de  Lévis,  de  Salaberrv  à  leurs  frères  de  France.  Et  cette 
poignée  de  main  vaillante  et  chaude  comme  vos  cœurs,  Messieurs,  je  n'ai 
pas  à  vous  dire  que  nous  l'estimerons  un  encouragement,  une  cause  de 
joie  et  un  honneur. 


Quand  l'orateur  s'assied,  la  foule  enthousiasmée  lui  fait 
une  ovation.  Il  est  tard  maintenant,  très  tard,  près  de 
minuit.  Les  autres  orateurs  inscrits  au  programme  ne  par- 
leront que  demain.  Tout  le  monde  debout  termine  cette 
inoubliable  manifestation  nu  chant  de  :  0  Canada,  terre  de 
nos  aïeux. 


—  134  — 
Samedi  soir 

S.  G.  Mgr  Brucliési  ouvre  la  séance. 

Mesdames  et  Messieurs  :  — 

La  séance  va  s'ouvrir  ce  soir  ])av  deux  vœux  concernant  le  Sacré- 
Cœur  de  Jésus,  que  le  révérend  père  Lemius,  de  la  compagnie  des  Oblats 
et  résidant  à  Eome,  va  vous  exposer  sur  l'invitation  de  Son  Eminence 
le  Cardinal-Légat. 

DISCOURS  DU  R.  P.  LEMIUS 

Eminences, 

Messeigneurs, 

Messieurs, 

Sous  la  liante  approbation  et  protection  de  Son  Eminence  le  Cardinal 
Vannutelli,  Légat  de  Sa  Sainteté  Pie  X  ; 

Et,  je  puis  le  dire,  au  nom  et  avec  la  rédaction  des  deux  Evêques  de 
France,  ici  présents,  de  Mgr  l'Evêque  d'Orléans  et  de  Mgr  VEvêque 
d'Angers. 

I. 

De  la  Fête  du  Sacré-Cœur  de  Jésus 

Considérant  que  Jésus-Christ  lui-même  a  demandé  la  célébration  so- 
lennelle d'une  fête  en  Thonneur  de  son  Sacré-Cœur  et  qu'il  a  daigné 
fixer  lui-même  le  jour  précis  de  cette  fête,  c'est-à-dire:  le  vendredi  qui 
suit  immédiatement  l'Octave  du  Très  Saint-Sacrement,  et  le  but  de  cet 
hommage  qui  est  de  réparer  les  outrages  qui  lui  sont  adressés  dans  ce 
divin  Sacrement  de  son  amour; 

Considérant  que  l'Eglise,  après  avoir  approuvé  cette  fête  l'a  élevée  au 
rite  de  première  classe; 

Considérant,  d'antre  part,  que,  après  deux  siècles  écoulés,  cette  fête 
n'est  célébrée  avec  l'éclat  désiré  et  avec  le  concours  des  fidèles  que  dans 
un  petit  nombre  d'églises; 

Considérant  enfin,  qu'au  milieu  des  grandes  luttes  actuelles,  cet  hon- 
neur rendu  à  Notre-Seigneur  accroîtra  l'espérance  d'un  prompt  et 
puissant  secours  ; 

Le  Congrès  Eucharistique  International  de  Montréal  émet  le  vœu 
suivant  : 

1.  Que  tous  les  Evêques  de  la  Catholicité  soient  humblement  suppliés 
de  célébrer  dans  leur  cathédrale,  la  Messe  Pontificale  et  les  Vêpres,  sui- 
vies de  la  procession  du  Saint-Sacremeni  et  de  l'acte  d'amende  honorable 
au  Sacré-Cœur,  le  vendredi,  jour  de  la  fête  de  ce  divin  Cœur. 


—  135  — 

2.  Que  tous  les  cures,  recteurs  et  chapelains  soient  exhortés  à  imiter 
cet  exemple. 

3.  Que  tous  les  fidèles  soient  invités  à  communier,  en  ce  jour,  selon 
les  désirs  et  aux  intentions  du  Seigneur,  et  à  participer  aux  grandes  cé- 
rémonies. 

4.  Enfin,  que  le  Souverain  Pontife  soit  prié,  afin  de  donner  à  l'acte 
le  caractère  d'universalité,  d'autoriser,  si  Sa  haute  Sagesse  le  juge  op- 
portun, l'exposition  du  Très  Saint-Sacrement  durant  la  journée  entière, 
partout  où  l'on  pourra  organiser  une  sérieuse  adoralion. 

Yoilà,  Messieurs,  le  vœu  qui  vous  est  proposé,  et  si  vous  l'acceptez, 
saluez-le   de  vos   applaudissements   enthousiastes.  (Applaudissements.) 

Du  Mois  du  Sacré-Cœur  de  Jésus 

Considérant  que  le  mois  du  Sacré-Cœur  de  Jésus  a  été  vivement  re- 
commandé et  enrichi  des  plus  précieuses  indulgences  par  les  Souverains 
Pontifes  Léon  XIII  et  Pie  X  ; 

Considérant  que  la  célébration  du  mois  du  Sacré-Cœur  de  Jésus  pro- 
cure une  excellente  occasion  de  convertir  les  âmes  à  l'amour  du  divin 
Maître  et  d'attirer  les  âmes  à  la  communion  fréquente; 

Considérant  enfin,  que,  selon  la  parole  de  FEnc^'clique  sur  la  consécra- 
tion du  genre  humain  au  Sacré-Cœur,  nous  devons  placer  dans  ce  Sacré- 
Cœur  toutes  nos  espérances,  que  de  lui  seul  aujourdluii  il  faut  solliciter 
et  attendre  le  salut; 

Le  Congrèg  Eucharistique  International  de  Montréal  émet  le  vœu  : 

Que  dans  toutes  les  églises  et  chapelles  de  la  Catholicité,  on  célèbre 
le  mois  du  Sacré-Cœur  selon  les  indications  de  Pie  X,  c'esl-à-dire,  avec 
prédication  chaque  jour,  ou  bien  avec  lecture  quotidienne  et,  durant  une 
semaine,  prédication  d'une  vraie  retraite  spirituelle. 

Tel  est  le  vœu  qui  est  proposé  à  l'Assemblée  Générale. 

Au  nom  du  Sacré-Cœur,  je  remercie  Son  Eminence,  nos  Seigneurs  les 
évoques,  et  je  vous  remercie.  Le  Sacré-Cœur  répandra  sur  vous  ses 
abondantes  bénédictions. 

Mgr  Bruchksi  :  —  L'an  doriiicr,  presque  ;•  pareille  date, 
au  pied  de  la  statue  de  Jeanne  :\Liuce,  ^Ip*  l'^vêque  d'Anji'^rs 
parlait  très  éloquemment,  mais  par  procuration;  cette  année, 
pour  assister  an  Conférés  Eucharistique  de  Montréal,  il  a 
quitté  son  Anjou,  il  a  traversé  les  mers,  et  c'est  lui-même  que 
nous  allons  maintenant  entendre  après  avoir  entendu  et  ap- 
plaudi hier  soir  son  illustre  frère,  Tévêqui'  d'Orléans. 

S.  Ct.  MCtTî  RUMEAIT,  évêque  d'Angers  : 

Vous  ne  vous  lassez  pas  d'applaudir  l'Eglise  de  France,  je  vous  en 
remercie.  Peut-être  avez-vous  aussi  voulu  saluer,  en  la  personne  de  son 
humble  évêque,  cette  Eglise  d'Angers  qui  a  eu  le  1res  grand  honneur 
d'envover  à  Montréal  un  ango  gardien:  Jeanne  Mance,  afin  de  viUor 


—  136  — 

sur  son  berceau.  Je  vous  remercie  doublement,  et  ce  remerciement  va 
tout  d'abord  à  vous,  Monseigneur,  à  vous,  l'incomparable  archevêque  de 
Montréal,  qui  avez  daigné,  avec  de  très  aimables  instances,  me  convier 
à  ce  Congrès,  préparé  et  organisé  par  vos  soins  avec  une  telle  splendeur 
qu'il  a  été  jusqu'ici,  et  que  probablement  il  sera  dans  l'avenir  un  Con- 
grès Eucharistique  sans  rival. 


Eminentissime  Cardinal-Légat, 

Eminentissimes  Seigneurs, 
Messeigneurs, 

Mesdames  et  Messieurs, 

Je  suis  donc  venu  du  pays  de  la  grande  tribulation,  comme  parle  le 
Voyant  de  l'Apocalypse.  Je  suis  venu  sur  cette  terre  de  foi  et  de  liberté 
consoler  mes  tristesses,  sécher  mes  larmes,  et  en  m'associant  à  des  joies 
qui  furent  nos  joies,  ouvrir  mon  âme  à  l'espérance. 

Or,  Messieurs,  quel  spectacle  s'offre  à  mes  regards  éblouis  !  Est-ce  une 
vision  de  la  terre?  Est-ce  une  vision  du  ciel? 

J'ai  vu,  s'écrie  l'Aigle  de  Pathmos,  j'ai  entendu  une  multitude 
immense  que  personne  ne  pouvait  dénombrer,  de  toute  tribu,  de  toute 
nation,  de  toute  langue;  et  à  leur  tête,  étaient  vingt-quatre  vieillards 
habillés  de  blanc.  Et  une  voix  se  fit  entendre  :  "  Voici  le  tabernacle  de 
Dieu  avec  les  hommes."  Et  aussitôt  les  vingt-quatre  vieillards  et  l'in- 
nombrable assemblée  de  se  prosterner  et  d'entonner  un  cantique, 
qu'accompagnaient  des  harpes  et  des  cithares  :  "  A  l'Agneau  qui  a  été 
immolé,  gloire,  honneur,  puissance,  action  de  grâces,  salut  et  bénédiction 
dans  les  siècles  des  sicles." 

Dans  cette  description  lyrique,  est-ce  le  ravissement  de  l'éternel 
concert  —  j'allais  dire  de  l'éternel  congrès  eucharistique  —  du  paradis  ? 
Est-ce  la  splendeur  des  congrès  eucharistiques  de  la  terre?  Ici,  à  Mont- 
réal, en  vérité,  l'illusion  est  permise,  tant  la  ressemblance  est  frappante 
et  le  tableau  fidèle  ! 

J'ai  vu  des  assemblées  incomparables;  j'ai  vu,  sous  ces  voûtes  étonnées 
des  milliers  d'hommes  qui  priaient,  chantaient  et  communiaient;  j'ai 
vu,  le  long  de  vos  avenues,  et  jusque  dans  les  palais  de  ceux  qui  vous 
gouvernent,  les  foules  succéder  aux  foules;  j'ai  vu,  ce  matin,  se  pros- 
terner de\ant  l'autel  du  divin  sacrifice,  300,000  croyants  abrités  sous  la 
seule  voûte  qui  pût  les  contenir,  la  voûte  du  ciel;  j'ai  vu,  ce  soir,  plus 
de  20,000  jeunes  gens,  que  je  salue  d'im  amour  singulier,  eux  qui  por- 
tent au  front  cette  beauté  ineffable  qui  s'appelle  l'âme  sans  tache  et  la 
vie  dans  sa  fleur;  j'ai  vu  hier  l'interminable  procession  de  40,000  en- 
fants, qui  rappelait  la  procession  éternelle  des  anges  dans  les  cieux;  et 
demain  quelle  sera  la  magnificence  du  cortège  eucharistique,  à  travers 
votre  cité,  ornée  avec  tant  de  magnificence!  Elle  est  donc  là,  sous  mes 
yeux,  la  multitude  qu'on  ne  peut  nombrer  !  Elle  aussi,  elle  est  de  toute 
langue,  de  toute  tribu,  de  toute  nation,  et  en  elle  ne  puis-je  pas  célébrer 


-    > 


de  ma  voix,  après  l'avoir  chantée  dans  mon  cœur,  l'unité  de  l'Eglise,  la 
sainteté  de  l'Eglise,  la  catholicité  de  l'Eglise?  Et  à  sa  tête,  ils  sont  là, 
les  vieillards,  conducteurs  des  peuples  !  Ils  sont  là,  non  pas  vingt- 
quatre,  comme  dans  les  cieux,  mais  cent  vingt,  venus  des  quatre  coins  de 
la  terre  !  Ils  sont  là,  non  point  vêtus  de  la  robe  blanche,  qui  est  le  sym- 
bole des  vainqueurs,  mais  de  la  robe  sombre  et  de  la  robe  de  pourpre, 
qui  est  le  symbole  des  lutteurs  !  Et  pourtant,  à  leur  tête,  mon  cœur 
salue,  dans  une  vénération  que  je  pourrais  appeler  un  culte.  Je  salue 
celui  qui  est  le  plus  auguste  de  tous,  qui  tient  la  place  du  Vieillard  à  la 
rohe  blanche,  et  qui  le  représente  d'autant  mieux  que  son  cœur  vit  plus 
près  du  cœur  de  Celui  dont  il  est  le  Légat. 

Et  cette  foule  immense,  et  ces  cent  vingt  conducteurs  de  peuples,  je 
les  ai  entendus,  d'un  même  cœur  et  d'une  même  voix,  chanter,  eux  aussi, 
devant  l'Hostie  Sainte  le  cantique  des  cieux.  En  des  accents  qui  vibrent 
comme  l'enthousiasme,  qui  travaillent  comme  l'espérance,  qui  s'exaltent 
comme  l'amour,  ils  n'ont  cessé,  pendant  cette  grande  semaine,  de  redire 
devant  le  trône  eucharistique  :  "  A  l'Agneau  qui  a  été  immolé,  gloire, 
honneur,  puissance,  action  de  grâces,  salut  et  bénédiction  dans  les  siècles 
des  siècles  !  " 

J'ai  dit.  Messieurs,  que  j'étais  venu  ici,  sur  cette  terre  dont  la  foi  est 
célèbre  dans  le  monde  entier,  afin  d'y  ouvrir  mon  âme  toute  grande  à 
l'espérance.  Et  comment  ne  pas  espérer  pour  ma  chère  Eglise  de 
France,  quand  je  songe  que  c'est  elle  qui  a  donné  un  sang  si  généreux 
et  si  chrétien  à  cette  Eglise  du  Canada  qui  est  sa  fille? 

Ali  !  je  le  sais,  nos  cœurs  sont  bro3^és  par  d'inénarrables  douleurs.  Je 
ne  veux  pas  m'arrêter  à  vous  les  raconter;  hier  soir,  mon  éminent  col- 
lègue, le  plus  éloquent  des  évêques  de  France,  vous  en  a  fait  le  tableau 
dans  sa  langue  magique.  D'ailleurs,  elle  serait  interminable,  l'énumé- 
ration  des  sacrilèges  attentats  dont  nous  sommes  les  victimes.  Et  la 
divine  constitution  de  l'Eglise,  et  ses  droits  les  plus  essentiels,  et  ses 
libertés  les  plus  saintes,  et  son  patrimoine  sacré,  et  les  forces  vives  de 
son  organisme,  tout  a  été  méconnu,  contesté,  violemment  supprimé  ! . . . 
Les  passions  religieuses  déchaînées  provoquent  des  secousses,  dont  on 
ne  peut  sonder  la  profondeur,  pas  plus  qu'on  ne  sonde  les  abîmes  des 
océans  courroucés. 

Encore  quelques  assauts,  disent  nos  ennemis  triomphants,  et  la  pauvre 
moribonde  aura  succombé  !  Ils  ne  savent  pas,  les  insensés,  que  les  tribu- 
lations sont  pour  l'Eglise  la  loi  de  son  existence,  la  condition  de  sa 
fécondité,  le  piédestal  de  sa  gloire,  et  que  la  persécution  fut  dans  tous 
les  siècles  sa  plus  belle  auréole.  Ils  ne  savent  pas  —  ou  plutôt,  je  me 
trompe,  ils  commencent  à  savoir  que  les  épreuves  ont  pour  privilège  de 
secouer  les  timides,  de  réveiller  les  endormis,  de  ranimer  les  indifférents, 
de  susciter  et  d'armer  les  vaillants  pour  la  lutte  ! 

Oui,  messieurs,  la  lutte  provoque  la  lutte;  à  l'exaltation  de  la  haine 
qui  va  jusqu'aux  pires  excès,  répond  d'ordinaire  celle  de  l'amour  et  du 
sacrifice.  Et  c'est  alors,  Messieurs,  c'est  quand  les  luttes  deviennent 
ardentes,  que  les  camps  se  tranchent,  que  les  convictions  s'affirment,  que 
les  caractères  se  trempent,  que  les  courages  s'aiguisent,  que  les  héroïsmes 


—  138  — 

se  révèlent,  et  si  je  ne  me  trompe,  ceci  est  un  bien,  nn  très  grand  bien 
pour  l'Eglise,  c'est  le  triomphe  de  sa  vitalité. 

Ah  !  Messieurs,  quand,  aux  jours  d'orage,  les  vents  déchaînés  secouent 
les  vieux  chênes  de  vos  forêts  vierges,  croyez-vous  que  ce  soit  un  mal 
pour  eux?  Non,  non;  parce  que  l'ouragan  les  débarrasse  de  leurs 
branches  desséchées  et  nuisibles,  il  rajeunit  leur  vigueur,  et  parce  qu'il 
ébranle  leur  tête,  il  donne  plus  de  sève  à  leurs  racines. 

0  sainte  Eglise  de  France,  ma  mère,  sainte  Eglise  que  j'aime  de 
l'amour  le  plus  passionné,  arbre  tant  de  fois  séculaire,  livre  ton  front 
aux  coups  de  la  tempête  !  Ce  n'est  pas  elle  qui  déracinera  ta  majestueuse 
stature;  elle  t'émondera  et  tu  n'en  seras  que  plus  belle,  plus  vivante  et 
plus  forte  ! 

Mais,  Messieurs,  peut-être  ne  sera-t-il  pas  sans  à  propos  de  vous  dire 
qu'ayant  été  évangélisés  par  des  apôtres  venus  de  la  France,  il  vous  est 
bon  de  recueillir  de  ses  erreurs  et  de  ses  fautes  des  leçons  préventives. 

Ce  qui  nous  a  perdus,  je  le  dirai  loyalement  et  humblement,  c'est 
d'abord  Vignorance  religieuse.  Eh  bien,  que  les  générations  qui  s'élè- 
vent au  milieu  de  vous,  soient  des  générations  de  chrétiens  instruits, 
afin  qu'ils  demeurent  des  chrétiens  convaincus.  En  second  lieu,  ce  qui 
a  opéré  parmi  nous  des  ravages  incalculables,  oh  !  ne  le  croyez  pas,  ce 
n'est  pas  cette  poignée  de  mécréants  que  l'impiété  a  élevés  au  faîte  du 
pouvoir,  non,  non,  c'est  la  pusillanimité  des  bons;  ce  sont  ces  multitudes 
innombrables  qui  n'osent  pas,  et  que  je  serais  tenté  d'appeler  une  race 
de  trembleurs,  une  race  d'asservis,  qui  vont  parfois  jusqu'à  devenir,  sous 
l'empire  de  la  peur,  des  consciences  vénales.  Vous,  Messieurs,  étant 
des  chrétiens  convaincus,  il  faudra  que  vous  demeuriez  des  hommes  de 
caractère,  ayant  toujours  et  jusqu'au  bout  le  noble  courage  de  vos  opi- 
nions religieuses. 

Ce  qui  nous  a  perdus  encore,  ce  qui  fait  que  la  France  étonne  et  dé- 
concerte l'univers  parce  qu'une  poignée  de  mécréants  sont  devenus  les 
maîtres,  et  que  plus  de  30,000,000  de  catholiques  se  débattent  sous  leur 
joug  comme  de  pauvres  vaincus,  ces  trente  millions  de  catholiques 
n'étaient  jusqu'ici  ni  organisés,  ni  disciplinés;  qu'ils  étaient  des  isolés 
et  des  émiettés. 

Ah  !  Dieu  merci,  depuis  que  le  régime  de  la  séparation  nous  a  rendu, 
sous  certains  rapports,  quelque  liberté  d'action,  nous  avons  fait  plus  de 
travail  d'organisation  qu'on  n'en  avait  réalisé  dans  un  siècle  de  régime 
concordataire. 

Messieurs,  je  vous  en  conjure,  au  nom  de  vos  intérêts  les  plus  chers, 
sachez  prévoir  que  vous  le  vouliez  ou  non,  l'ennemi  est  à  vos  portes.  Il 
se  cache,  mais  il  ne  désarme  pas.  lîestcz  toujours  un  peuple  chrétien, 
organisé  et  discipliné. 

Enfin,  ce  qui  a  été  pour  nous  une  cause  de  grandes  douleurs,  et  ce  qui 
peut-être  nous  a  valu  les  châtiments  exemplaires  de  Dieu,  c'est  que  beau- 
coup et  beaucoup  de  chrétiens  en  France  ont  humilié  et  déshonoré 
l'P^glise  en  prouvant  très  mal  les  convictions  de  leur  cœur  par  les  actes 
de  leur  vie; — chrétiens  incomplets,  qui  mettaient  en  opposition  flagrante 
la  foi  qu'ils  professaient  et  les  tristes  exemples  qu'ils  donnaient.     Ah! 


—  139  — 

Messieurs,  vous,  soyez  dans  l'avenir  comme  vous  l'êtes  aujourd'hui,  des 
chrétiens  irréprochables,  des  chrétiens  qui  honorent  et  confirment  leurs 
croyances  par  l'intégrité  de  leur  conduite  et  la  pratique  des  vertus;  des 
chrétiens  qui,  pour  réaliser  cet  idéal  sachent  se  confesser  souvent,  com- 
munier souvent;  car  c'est  là  et  pas  ailleurs,  c'est  dans  la  réception  des 
sacrements  qu'on  puise  la  grâce  de  se  montrer  partout  et  toujours  nn 
chrétien  convaincu,  un  chrétien  courageux,  un  chrétien  exemplaire. 

Ayez  donc,  Messieurs,  selon  l'invitation  si  pressante  de  notre  bien- 
aimé  Pie  X,  ayez  une  dévotion  croissante  à  la  sainte  Eucharistie!  Celui 
qui  a  voulu  être  parmi  nous  le  Dieu  caché  serait  peu  satisfait,  s'il  ne 
recevait  de  nous  que  les  hommages  d'une  pompe  éblouissante.  Ce  qu'ils 
gagnent  en  éclat,  en  étendue,  en  universalité,  depuis  la  magnificence  de 
nos  congrès,  il  ne  faut  pas  qu'ils  le  perdent  en  profondeur,  en  intensité. 
Oui,  après  l'avoir  acclamé  avec  le  concours  des  multitudes  immenses  et 
dans  l'appareil  grandiose  d'un  cortège  triomphal,  il  est  nécessaire  de  le 
retrouver  dans  le  silence  de  son  tabernacle  solitaire,  de  le  dédommager 
de  l'indifférence  des  foules  qui  ne  vont  plus  à  lui,  de  transfigurer  nos 
cœurs  au  contact  du  sien,  d'unir  nos  actions  à  ses  actions  divines,  nos 
souffrances  à  ses  souffrances  rédemptrices,  de  vivre  avec  lui,  en  lui,  de 
lui  et  pour  lui.  Ayant  ainsi  puisé  la  force  de  Dieu  à  sa  vraie  source, 
là  on  elle  se  trouve  et  là  oiî  elle  se  donne,  nourris  du  pain  supersubstan- 
tiel, devenus  supérieurs  à  nous-mêmes,  nous  pourrons  alors  défier  tous 
les  assauts  du  mal,  et,  promenant,  comme  le  grand  x\pôtre,  sur  l'univers 
entier  un  regard  de  dédain,  jeter  à  toutes  créatures  ce  sublime  défi: 
"  Qui  donc  me  séparera  désormais  de  l'amour  de  Jésus-Christ  ?" 

L'Eucharistie  !  Ce  n'est  pas  la  seule  vision  qui  a  passé  devant  mes 
yeux;  il  y  en  a  deux  autres  qui  me  semblent  la  compléter  et  sur  les- 
quelles je  demande  la  permission  de  dire  encore  un  mot. 

Après  avoir  adoré  Jésus  dans  sou  tabernacle,  voici  que  je  me  suis 
prosterné  devant  l'image  de  la  Vierge  qui  trône  à  cet  autel,  devant 
Marie,  reine  de  ces  lieux,  puisqu'elle  a  donné  à  cette  cité  le  baptême  du 
nom.  Je  me  suis  également  incliné  devant  la  Papauté,  représentée  dans 
ce  sanctuaire. 

Ah!  Messieurs,  entre  l'Eucharistie  et  la  Vierge  Marie,  entre  l'Echa- 
ristie  et  la  Papauté,  quelles  affinités  inénarrables  !  T.a  Vierge  Marie  et 
l'Eucharistie  !  Mais,  quand  je  me  prosterne  devant  l'autel  et  que  je  me 
demande:  A  qui  donc  suis-je  redevable  d'un  si  grand  bienfait?  A  qui? 
A  Dieu  le  Père,  sans  doute,  qui  m'a  donné  son  Fils  unique  selon  sa  divi- 
nité; à  la  Vierge  Marie  également,  qui  m'a  donné  ce  même  Fils  unique 
selon  son  humanité.  Je  n'ai  pas  à  me  demander  lequel  des  deux  m'a 
donné  davantage;  je  sais  bien  que  le  don  de  Dieu  le  Père  est  infiniment 
supérieur  à  celui  de  la  Vierge  Mère;  et  pourtant,  Messieurs,  le  don  de 
Marie  a  le  privilège  de  m'émouvoir  davantage.  Sans  elle,  nous  n'au- 
rions eu,  ni  un  Dieu  dans  les  langes,  ni  un  Dieu  sur  la  croix;  nous 
n'aurions  pas  eu  son  sourire,  nous  n'aurions  pas  entendu  sa  parole,  nous 
n'aurions  pas  été  attendris  par  ses  larmes  d'amour;  nous  n'aurions  pas 
mangé  sa  chair,  nous  n'aurions  pas  bu  son  sang.  Donc,  après  Dieu  le 
Père,  je  salue  la  Vierge  ^farie  comme  In  coopérai  i-ice  de  rEucharistie, 


—  140  — 

et  saint  Augustin  a  bien  raison  de  dire  :  "  Caro  Christi,  caro  Mariae." 
"  La  chair  du  Christ,  c'est  la  chair  de  la  Vierge  Marie." 

Le  grand  Docteur  n'entend  point  signifier  par  là  qu'il  y  ait  dans 
l'Eucharistie  la  présence  réelle  de  la  Vierge  Marie,  ce  serait  une  hérésie  ; 
mais  Jésus  ayant  reçu  de  Marie  sa  sainte  humanité,  quand  il  a  grandi 
il  n'a  pas  perdu,  il  ne  pouvait  pas  perdre  la  substance  qu'elle  lui  avait 
donnée  ;  il  n'a  pas  cessé,  il  ne  pouvait  pas  cesser  d'être  son  fils,  et  de  son 
corps  voilé  dans  l'hostie,  comme  de  son  corps  mortel,  l'Eglise  pourra 
toujours  chanter:  Ave^  verum  corpus  natum  de  Maria  Virgine;  et  nous 
pourrons  répéter  avec  un  pieux  auteur  :  "  L'Eucharistie  est  le  relique  de 
Marie  la  plus  authentique  et  la  plus  précieuse  que  la  terre  possède." 

La  Papauté  et  l'Eucharistie  !  mais,  Messieurs,  il  me  semble  que  la  Pa- 
pauté est  une  sorte  d'Eucharistie,  car  —  pardonnez,  ô  mon  Sauveur,  à 
la  hardiesse  de  ma  parole  —  vous  êtes  réellement  présent  dans  l'Eucha- 
ristie ;  vous  y  êtes  tout  entier  ;  et  cependant  votre  présence  ne  m'y  paraît 
pas  complète.  Vous  êtes  le  Docteur  incomparable,  et  dans  l'Eucharistie 
vous  gardez  un  silence  absolu  ;  vous  êtes  le  Pasteur,  le  divin  Pasteur  qui 
gouverne,  et  dans  l'Eucharistie  vous  ne  faites  qu'obéir.  Oii  donc.  Sei- 
gneur, sera  présent  sur  cette  terre  votre  verbe  puissant?  C'est  au 
Vatican.  Où  donc  sera  présente  votre  autorité  divine?  Encore  au 
Vatican.  Et  voilà  pourquoi,  aux  heures  des  grandes  luttes,  où  l'esprit 
d'erreur  et  de  révolte  semble  prévaloir  —  nous  en  avons  connu  en  ces 
temps  derniers  —  c'est  une  si  grande  joie,  une  si  grande  force  pour  nous 
de  redire,  en  toute  loyauté  et  en  toute  humilité,  la  belle  parole  que  pro- 
nonçait un  évêque  de  France,  au  moment  où  Lamennais  contristait 
l'Eglise  par  l'orgueil  de  son  apostasie  :  "  Mes  lumières  peuvent  me  faire 
défaut,  mais  mon  cœur  ne  se  trompe  jamais,  quand  il  se  tourne  vers 
Rome." 

Eh  bien  !  Messieurs,  —  et  je  termine  par  là,  —  voici  que  Jésus  dans 
l'Eucharistie,  voici  que  Jésus  dans  la  Vierge  Marie,  voici  que  Jésus  dans 
la  Papauté  s'adresse  à  vous  et  vous  dit  comme  il  disait  aux  apôtres  en 
les  quittant  pour  remonter  aux  cieux  :  "  Vous  serez  mes  témoins,"  et 
puisque  le  monde  entier  est  ici  en  résumé,  en  raccourci,  "  vous  le  serez 
jusqu'aux  extrémités  de  la  terre." 

Oui,  Messieurs,  vous  irez,  après  ce  grand  Congrès,  vous  serez  les  té- 
moins de  Jésus-Hostie  et  vous  raconterez  comment  il  est  la  charité  sans 
mesure.  Vous  irez,  vous  serez  les  témoins  de  Notre-Dame  du  Très  Saint- 
Sacrement,  et  vous  aimerez  à  raconter  comment  elle  est  le  ministre  de 
Dieu  au  département  de  la  miséricorde,  ainsi  que  parle  Bossuet,  ayant 
ses  deux  mains  étendues,  l'une  du  côté  du  ciel,  c'est  la  puissance  ;  l'autre 
du  côté  de  la  terre,  c'est  la  bonté  ;  car,  pour  emprunter  encore  la  langue 
de  l'Aigle  de  Meaux,  "  la  puissance,  c'est  la  main  qui  puise  et  la  bonté, 
c'est  la  main  qui  répand."  Vous  irez,  vous  serez  les  témoins  de  la  Pa- 
pauté, et  ayant  contemplé  ici  quelque  chose  de  la  majesté,  quelque  chose 
de  la  sérénité  auguste  de  Pie  X,  vous  apprendrez  aux  enfants  de  Dieu 
et  de  l'Eglise  à  courber  leurs  intelligences  devant  Celui  qui  enseigne  au 
nom  du  Christ  vérité,  leurs  volontés  et  leurs  cœurs  devant  Celui  qui  com- 
mande au  nom  du  Christ  autorité. 


—  141  — 

Oui,  ô  mon  Jésus!  ô  Jésus  vivant  en  Marie,  ô  Jésus  vivant  dans  la 
Papauté,  ô  Jésus  vivant  dans  l'Eucharistie,  nous  serons  vos  témoins! 
En  nous  vous  aurez  toujours  des  disciples  fidèles  pour  vous  aimer,  des 
apôtres  pour  vous  faire  aimer,  des  soldats  pour  vous  défendre;  et  si,  ce 
qu'à  Dieu  ne  plaise,  il  le  fallait  un  jour,  des  martyrs  pour  vous  glorifier  ! 


Mgr  Bruchési  :  — "Monseigneur  l'éveque  d'Angers,  vos 
éloquentes  paroles  nous  ont  profondément  émus,  et'au  nom 
de  tout  ce  peuple  qui  vous  a  écouté  si  religieusement,  je  vous 
en  remercie  du  fond  du  cœur. 

Nous  savons  ici  les  grandes  douleurs  dont  souffre  votre 
patrie;  nous  y  sympathisons  tous,  mais  laissez-nous  vous  as- 
surer que  nous  ne  désespérons  pas  d'elle.  Il  n'y  a  personne 
dans  l'Eglise  à  qui  il  soit  permis  de  désespérer  de  la  France, 
mais  nous,  nous  avons  des  raisons  que  d'autres  n'ont  pas  de 
ne  pas  désespérer.  Un  enfant  ne  désespère  jamais  de  sa 
mère.  Et  dans  votre  France,  Monseigneur,  c'est  la  mère  du 
Canada  que  nous  aimons.  Il  y  a  en  France  des  sources  de 
vie,  des  sources  de  salut  que  nous  connaissons  bien:  la  géné- 
rosité, le  zèle,  le  courage,  l'admirable  abnégation  de  ses  évê- 
ques,  et  surtout  leur  union  parfaite  avec  le  Souverain-Pontife. 

Il  y  a  comme  autre  source  de  salut  le  réveil  de  la  jeunesse 
catholique  française.  Vous  entendre/  tout  à  l'heure,  Mes- 
sieurs, son  illustre  président,  M.  Pierre  Gerlier,  et,  en  l'écou- 
tant, dites-vous  qu'ils  sont  des  milliers  et  des  milliers  là-bas 
qui  pensent  comme  lui,  qui  travaillent  comme  lui  à  donner 
leur  vie,  s'il  le  faut,  pour  défendre  la  foi  et  la  sainte  Eglise. 

Et  vous  avez  encore,  Monseigneur,  d'autres  sources,  surna- 
turelles, celles-là;  vous  avez  Paray-le-Monial  et  Xotre-Dame 
de  Lourdes,   le   Sacré-Cœur  et  la  Sainte-Vierge.     Comment 
voulez-vous  que  la  France  puisse  mourir  avec  de  tels  pro 
tecteurs. 

Monseigneur,  lorsque  vous  nous  aurez  quittés,  quand,  après 
avoir  franchi  l'océan  vous  retournerez  dans  votre  belle  teri-e 
d'Anjou,  lorsque  vous  irez  chez  vos  chères  religieuses  du 
Bon-Pasteur,  dont  les  maisons  aujourd'hui  sont  établies  par 
le  monde  entier,  et  qui  ont  à  leur  tête  comme  supérieure  gé- 
nérale une  Canadienne,  enfant  de  Monti-éal;  quand  à  Beaugé, 
à  Beauport,  à  Beaupréau  vous  verrez  les  religieuses  de  l'Hô- 
tel-Dieu,  sœurs  de  nos  religieuses  de  Montréal,  vous  vous 
retrouverez,  îih)rs.  un  peu  en  Canada,  et  vous  verrez  que  ces 
filles  de  France  connaissent  bien  notre  ville  et  notre  pays 
tout  entier,  qu'elles  s'y  intéressent  et  qu'elles  l'aiment.  Alors, 
Monseigneur,  vous  leur  direz  ce  que  vous  avez  vu  et  ce  que 


—  U2  — 

vous  avez  entendu  ici.  Et  ce  que  vous  allez  entendre  mainte 
nant  c'est  tout  ce  peuple  qui  va  se  lever  pour  acclamer  la 
France. 

Salves  d'applaudissements.     Tout  l'auditoire,  debout,  ac- 
clame la  France. 


C'est  au  tour  du  juge  Doherty  à  adresser  la  parole. 

YouR  Eminexce,  Your  Grâce, 

My  Lords,  Et.  Eev.  and  Eev.  Fathers, 
Ladies  and  Gentlemen, 

In  the  spiritual  as  in  tlie  temporal  domain  there  are  invitations  tliat 
command.  I  speak,  because  I  am  asked  to.  This  is  the  much  needed, 
but  ail  sufficient  apology  for  my  présence  on  this  platf orm  this  evening. 

ISTeither  wortli  of  my  own,  nor  any  représentative  capacity  to  speak 
for  others  more  worthy,  justify  my  venturing  to  raise  my  voice  in  this 
saered  édifice.  My  words  are  but  the  words  of  one  catholic  layman, 
my  warrant  for  speaking  them,  but  the  request  of  our  beloved  Arch- 
bishop. 

As  a  catholic  layman  I  come  simply  as  one  of  tens  of  thousands  to 
lay  the  tribute  of  a  grateful  and  an  humble  Faith  at  the  feet  of  the 
Lord  Avho  for  love  of  us,  not  only  deigned  to  be  born  of  woman  and  thus 
become  one  of  us,  surrendered  in  suffering  and  ignominy  the  life  he  had 
so  assumed,  that  lie  might  pay  the  price  of  our  rédemption,  but  lias 
chosen  to  remain  with  us,  that  the  Sacrifice  for  our  Eedemption  might 
be  daily  repeated  on  thousands  of  Altars  and  that  He  Himself  might  be 
the  food  that  would  strengthen  us,  lest  in  our  weakness,  we  forfeit  the 
fruits  of  that  rédemption,  and  who,  at  the  last,  shall  be  the  reward  of 
those  who,  so  aided,  shall  hâve  avoided  that  forfeiture. 

It  is  not  without  effort  that  I  bring  myself  to  speak  thus.  Thougu 
the  faith  l^e  strong,  the  consciousness  of  much  unworthiness,  makes  me 
hesitate  to  speak  of  things  so  holy  that  they  are  almost  unutterable  by 
lips  upon  which,  standing  I  am  in  tliis  Temple  of  the  Lord,  no  words 
would  be  appropriate  save  those  of  the  prayer  of  the  Publican,  "  Lord, 
be  merciful  to  me  a  sinner." 

And  indeed,  the  words  in  which  I  hâve  endeavoured  to  express  the 
Faith  that  is  the  only  tribute  I  hâve  to  l)ring  are  hardly  mine.  They 
are  but  a  feeble  attempt  to  paraphrase  in  English,  that  bcautiful  verse 
from  the  Church's  beautiful  liymn  of  adoration  of  the  Christ  in  the 
Sacrament,  which  lias  bcen  during  thèse  days  blazoned  forth  over  the 
portais  of  the  Cathodral  of  ,St.  James,  at  once  expressing  for  us  ail  the 
Faith  that  is  upporinost  in  our  thonghts,  and  reminding  us  that  he  who 
guides  us  from  the  archiépiscopal  llii'oiu'  of  that  cathodral,  find  on  ail 


—  143  — 

occasions  the  most  apt  form  of  expression  wherein  to  speak  for  us  and 
to  us. 

Se  nascens  dédit  socium, 
Convescens  in  edulium. 
Se  moriens  in  pretium, 
Se  regnans  dat  in  praemium. 

Of  my  own  I  liave  notliing  to  bring.  The  Faith  tliat  thèse  Unes 
express  is  mine,  to  offer  as  tribute  mereh',  because  God  in  His  mercy 
has  given  it  to  me.  May  I  be  permitted  to  lay  it  in  ail  humility  at  the 
foot  of  this  Altar,  and  so  far  to  associate  myself  with  this  great  démon- 
stration of  dévotion  to  the  God  of  the  Tabernacle,  which  has  gathered 
together  within  our  City  so  many  of  the  Church's  best  and  greatest,  so 
many  from  beyond  our  borders  and  froni  our  own  midst,  those  of  us 
who,  like  myself,  niust  stand  a  far  oiï,  are  thankful  to  know,  hâve  been 
able  to  offer  to  the  Lord  not  the  tribute  of  a  bare  faith,  but  that  of  a 
faith  crowned  and  made  glorious  by  ail  the  \T:rtucs  that  it  should 
produce. 

Having  thus  offered  ail  I  hâve,  is  it  not  fitting  that  I  quietly  with- 
draw?  And  yet,  there  are  a  few  words  it  may  perhaps  not  be  out  of 
place  for  me  to  add  in  connection  Avith  that  tril)ute  of  faith  we  ail  of  us 
can  join  in. 

I  hâve  said  it  is  so  far  as  the  individual  is  concerned  an  humble 
faith.  That  is  true.  And  yet  can  we  quite  free  ourselves  from  a  feel- 
ing  of  pride  in  its  possession  and  in  the  manner  of  its  coming  to  us. 

For  those  who  form  the  great  majority  of  Catholics  in  this  country, 
whose  zeal  and  dévotion  hâve  made  this  great  démonstration  possible, 
would  it  be  natural,  would  it  be  possible  even,  that  thoy  should  dissociate 
from  their  faith  a  fecling  of  pride  in  those,  their  fathers  and  mothers. 
who  brought  it  from  In  vieille  terre  de  France,  sowed  its  seed  on  the 
hill-sides  and  in  the  valleys  of  this  new  and  beloved  land  of  Canada,  and 
from  génération  to  génération  watched  its  growth  with  tender  solicitude 
and  anxious  care,  until  they  hâve  been  able  to  hand  it  down  as  the  glo- 
rious tree  we  see  and  admire,  which  shelters  their  children  in  their 
millions,  and  please  God,  shall  shelter  their  childrcn's  children  to 
the  third  and  fourth  génération  and  beyond  in  ever  increasing  num- 
bers  in  the  centuries  that  are  to  come.  Those  hardy  pioneers  who 
opened  for  us  ail,  this  country  of  our  love,  who  were  the  first  Canadians, 
and  first  among  us  ail.  prond  to  call  themselves  so,  laid  tho  foundations 
of  their  new  colony  with  ])rayor  and  sacrifice,  —  tho  mn.-^t  Holy  Sacrifice 
of  the  Mass.  —  and  thoir  children  hâve  ever  since  in  the  days  of  trial 
and  tribulation,  as  in  the  days  of  prosperity  and  gladne>s  made  it  their 
first  caro  whorevor  a  few  of  them  were  gathered  together  to  erect  that 
Altar  of  the  Most  ITigh.  wheroon  is  offered  to  the  ^lost  lligh.  the  divine 
Sacrifice  of  the  Most  ïïigh  ? 

May  not  then  tho  children  of  the  original  Canadian  race  associate 
with  their  faith  a  lecitiniate  prido,  in  what  their  fathers  hâve  donc  for 
its  préservation  and  its  dissémination?  And  shall  any  of  us  frown  upon 


—  144  — 

that  pride  and  its  legitimate  expression?  jSTo,  a  tliousand  times  no.  To 
ail  of  us  it  has  been  a  source  of  pleasure  to  see  the  distinctive  flags  and 
emblems  of  our  French-Canadian  brotliers  mingled  with  those  of  our 
Holy  Faith  throughout  this  célébration.  Of  ail  of  us  it  has  been  and  is 
the  prayer  that  they,  our  brothers  and  their  children  after  them,  may 
continue  to  perpetuate,  with  our  Common  Faith,  the  distinctive  virtues 
of  their  race,  for  the  glory  of  God,  and  of  Canada  our  common  country; 
that  as  they  and  their  fathers  hâve  kept  the  faith,  the  faith  may  keep 
them  and  their  children  after  them,  preserving  ail  their  national  tradi- 
tions, and  pursuing  in  full  liberty  ail  their  national  customs  while  Can- 
ada shall  be. 

And  we  who  are  not  so  many,  whcse  fathers  came  from  the  land  that 
has  sent  us  its  Primate,  the  successor  of  its  great  Apostle,  to  join  with  us 
in  the  célébration  that  we  are  honored  by  having  held  in  our  midst,  may 
we  not  be  forgiven  if  we  cannot  separate  from  our  faith,  the  loving  re- 
membrance  of  the  fathers  and  mothers  that  handed  it  down  to  us  in  ail 
its  purity  and  ail  its  integrity?  Shall  it  be  imputed  to  us  as  blâme,  if 
in  the  midst  of  ail  the  pomp  and  splendor  of  magnificent  religions  céré- 
monial that  surrounds  us,  our  memories  carry  our  hearts  back  to  days, 
when  our  fathers  and  mothers  gathered  by  stealth  around  the  faithful 
priest  the  "  soggarth  aroon  "  to  assist  at  the  Holy  Sacrifice,  to  adore  and 
to  receive  the  God  of  the  Altar;  when  the  Altar  was    possibly  but   the 
stump  of  a  fallen  tree,  the  chapel  but  a  valley  between  two  sloping  hill- 
sides   with   the  blue  canopy   of   Heaven   for  its   roof?  May  we  not  be 
permitted  to  take  pride  in  the  steadfastness    of   the    Irish   fathers   and 
mothers  who,  in  the  face  of  the  difficulties  and  dangers  those  circum- 
stances  indicate,  as  well  as    others  clung   to  the  faith  that   it  might  be 
be  theirs,  not  only  to  bring  them  to  God,  but  to  hand  it  down  to  us  their 
children?     Surely  no  one  will  deny  us  this.     And  that  pride  is  the  only 
feeling  the  recalling  of  that  past  engenders  in  us.  We  remember  it  not 
to  cherish  feelings  of  anger  or  distrust  against  men  of  the  past  or  men 
of  to-day.     We   know   that   the   System    which   made    our   fathers   and 
mothers  martyrs  for  and  confessors  of  the  faith,  was  but  the  outcome 
of  the  misconceptions  of  a  day  that  is  gone  carrying  its  misconceptions 
with  it.     And  we  feel  as  we  take  part  in  this  free  —  not  merely  toler- 
ated  —  catholic  célébration   in   this   great   nation   within   the   British 
Empire,  that  if  réparation  there  were  to  be  made,  it  has  been  generously 
made  by  the  children  for  the  fathers.     And    so  we  but  remember    the 
heroism,  and  are  almost  thankful  for  the  persécution  that  gave  occa- 
sion to  it.     Without  the  latter  we  could  not  hâve  had  the  former  and 
our  pride  in  it. 

May  1  add  a  word  for  those  who  corne  of  races  wliere  tlie  faitli  has 
not  been  so  generally  kept?  Hâve  not  they  perhaps  a  right  to  claim 
greater  crédit  for  their  fathers  and  themselves,  than  we  of  the  races 
which,  as  races,  adhered  to  it?  To  st^nd  with  the  faith,  they  hâve  had 
to  that  extent,  to  stand  aloof  from  their  people?  Is  not  that  perhaps 
the  greatest  sacrifice  that  could  be  asked  of  man?  Surely  no  French- 
Canadian,  no  Irish-Canadian  will  say  nay  to  that. 


—  14Ô  — 

And  so  ail  of  us  what  I  may  call  the  races  of  the  faith,  let  us  ûot 
forget,  in  our  pride  of  them  who  went  before  us,  the  tribute  of  admira- 
tion we  owe  to  those  who  hold  to  the  faith,  though  to  do  so  they  must 
part  from  '"'  their  own." 

In  conclusion,  while  we  cannot  and  would  not  seek  to  dissociate  from 
this  démonstration  the  feelings  of  national  pride  in  the  faith  that  it 
may  evoke,  may  we  not  also  find  in  it  the  occasion  of  realizing  how 
absolutely  one  we  ail  are,  in  that  faith,  how  perfectly  the  Cliurch  in  her 
catholicity  make  us  one  ?  May  we  not,  do  we  not  ail  without  distinction 
or  différence  join  in  this  célébration  keeping  iirst  in  our  niinds  the 
thought  that  we  are  ail  Catholics,  ail  believers  in  and  adorers  of  the 
Christ  who  for  us  lives  in  our  Tabernacles?  And  should  not  that 
thought  serve  to  write  us  in  brotherly  love,  excluding  ail  pcssibility  of 
dissension?  May  it  not  too,  just  because  it  makes  us  reahze  more  per- 
fectly the  true  spirit  of  catholicism,  lead  us  to  extend  our  feeling  of 
brotherliness  to  those  who  do  not  sliare  our  faith  ?  For  my  part  I  do  not 
doubt  it  will  and  does,  and  I  am  sure  that  I  but  voice  what  we  ail  feel, 
when  I  say  that  among  the  beautiful,  the  consoling,  the  encouraging 
features  of  this  great  Congress,  we  count  the  spirit  —  I  will  not  say  of 
toleration  —  but  of  gênerons  good  will  with  which  it  and  those  who  are 
taking  part  in  it  hâve  been  treated  by  our  brothers  of  ^Montréal  and  of 
Canada,  who  are  not  of  our  faith.  I  trust  that  thcy  will  feel  that  Ca- 
tholics freely  recognize  it  and  that  gathered  as  we  are  to-night  to  make 
profession  of  our  own  faith  we  do  not  forget  their  conduct,  and  are  ail 
of  one  accord  in  the  wish  that  they  may  be  blessed  with  every  happiness, 
and  that  between  us  ail  there  may  ever  prevail  that  peace  which  was 
promised  from  on  High  as  the  héritage  on  this  earth  of  nien  of  good- 
will. 

And  now  some  words  to  the  holy  and  distinguished  men  who  hav3 
honored  our  city  by  their  présence,  and  to  those  of  our  own  to  whom  we 
owe  the  Congress  that  lias  brought  them  hère,  and  I  hâve  donc. 

To  His  Eminence  the  Cardinal  Legate  I  hâve  but  to  écho  the  words 
of  gratitude,  of  affection  and  of  admiration  for  himself,  Avhich  hâve 
greeted  him  from  ail  sides  during  his  passage  among  us.  We  trust  and 
pray  that  he  may  long  be  spared  to  give  the  services  of  his  unfeigned 
piety  and  great  abilities  to  God  and  to  Holy  Mother  Churcli.  May  I 
ask  Your  Eminence,  when  you  return  to  the  Great  Pontifï,  the  Holy 
Father,  whose  worthy  représentative  you  are,  and  présent  to  hiin  the 
homage  and  the  assurance  of  the  filial  dévotion  of  ail  his  catholic 
children  in  Canada,  you  will  say  to  him  that  among  the  niany  voices 
that  spoke  those  sentiments  there  were  not  wanting  tongues  with  an 
Irish  accent,  that  the  children  of  St.  Patrick  in  this  new  land,  are  as 
loyal  to  his  spiritual  Sovereignty  as  were  their  fathers  and  are  their 
brothers  in  the  old. 

To  Your  Eminence  the  Primate  of  ail  Treland.  T  need  say  nnthing? 
Your  Eminence  knows  so  well  the  Irish  heart,  that  when  I  hâve  assured 
you  that  the  canadian  climate  does  not  change  it,  I  hâve  told  you  that 
you  occupy  a  very  warm  corner  in  tlie  hoarts  of  ail  wlio  are  of  your  own 


—  116  — 

race  in  this  coimtry.  That  their  affection  and  respect  for  you  is  shared 
by  those  of  other  races  who  liave  liad  the  good  t'ortime  to  meet  you, 
otliers  more  authorized  than  I  hâve  already  told  you.  To  you  we  do  not 
say  good-bye.  You  liave  been  liere  before  and  corne  back  again,  and  so  we 
count  that  when  you  leave  us  now,  it  will  be  but  to  return  at  the  first 
favorable  opportunity.  As  you  hâve  been  welcome  now  you  will  be  wel- 
come  then. 

"  To  Your  Eminence  the  Cardinal  Archbishop  of  Baltimore,  and  to 
ail  the  distinguished  Prêtâtes  who  hâve  visited  us,  I  join  most  heartily 
in  the  gênerai  expression  of  thanks  for  your  présence  which  has  done 
so  much  to  enhance  the  dignity  of  the  Congress.  During  your  short 
stay  among  us,  each  and  ail  of  you  hâve  won  our  admiration,  and  en- 
deared  yourselves  to  our  hearts.  You  carry  away  our  thanks  and  our 
respectful  affection,  And  last  of  ail,  may  I  join  my  voice  to  the  chorus 
of  thanks  and  congratulations  which  ail  are  vying  with  each  other  in 
expressing  to  our  own  beloved  and  venerated  —  not  the  less  venerated 
because  more  beloved  than  venerated  —  Archbishop  to  whom  we  owe 
this  meeting  of  the  Congress  in  our  midst,  and  ail  it  means. 

"  His  attitude  to  us  is  one  of  constant  service,  ours  towards  him 
one  of  constant  gratitude.  This  is  but  one  more  added  to  the  innumer- 
able  blessings  for  which  we  are  indebted  to  him,  and  for  which  we  trust 
he  knows  that  when  we  say  "  thank  you,"  we  convey  ail  the  gratitude 
the  human  heart  can  feel.  AVe  know  that  in  the  Church  dignities  corne 
as  the  gift  alone  of  those  whom  the  Holy  Ghost  inspires,  and  that  to  us 
it  does  not  belong  even  to  suggest.  May  I  not,  however,  be  pardoned 
if,  as  a  last  word,  I  venture  to  say,  in  présence  of  the  Cardinal  Legate, 
that  the  Holy  Father  could  be  inspired  to  grant  no  favor  more  grateful 
to  the  hearts  of  ail  Canadian  Catholics,  than  to  enable  them  to  be  re- 
presented  at  the  next  Eucharistie  Congress  by  the  Cardinal  iVrchbishop 
of  Montréal. 


Mgii  Bruchési  :  —  Eminence,  vous  avez  remarqué  que 
nous  avons  invité  pour  parler  à  ces  séances  des  membres  de 
nos  parlements,  les  chefs  des  partis  politiques.  Je  l'ai  fait  à 
dessein.  Dans  nos  parlements,  les  députés  et  les  ministres 
ne  s'entendent  pas  toujours,  ils  ont  même  parfois  des  dis- 
cussions bien  vives,  mais,  vous  l'avez  vu,  et  vous  le  verrez 
encore,  ils  s'entendent  toujours  quand  il  s'agit  de  l'Eglise 
du  Christ  et  de  l'Eucharistie. 

Vous  avez  entendu  hier  des  ministres,  ce  soir  je  vous  pré- 
sente M.  Tellier  député  au  Parlement  Provincial. 


—  i4r  — 

M.  Tellier  parle  ainsi  qu'il  suit  : 

Emixexce, 

Messeigxeuks, 

Mesdames  et  Messieues, 

Si  jamais  le  Canadien,  enfant  de  l'Eglise,  a  éprouvé  du  bonheur  à  pos- 
séder le  don  précieux  de  la  foi,  c'est  bien  en  ces  jours  bénis  qui  ont 
amené  chez  lui  tout  ce  que  l'univers  catholique  peut  compter  de  plus 
illustre  et  de  plus  saint,  pour  rendre  solennellement  hommage  au  Dieu 
de  ses  autels. 

C'est  ce  sentiment  qui  met  sur  pied  notre  population,  d'un  bout  du 
pays  à  l'autre,  qui  porte  jusqu'aux  simples  laïques  à  élever  la  voix  dans 
nos  temples,  et  qui,  demain,  fera  se  répéter  dans  cette  cité  les  saintes 
émotions  de  l'entrée  triomphale  du  Sauveur  à  Jérusalem. 

Ah  !  nous  ne  saurions  trop  redire  notre  reconnaissance  au  Saint-Siège, 
qui  nous  a  fait  la  grâce  de  ce  congrès,  et  à  Mgr  l'Archevêque  de  Montréal 
dont  la  voix  éloquente  l'avait  sollicité  pour  nous. 

Il  nous  est  doux  de  penser  qu'une  modeste  colonie  comme  la  nôtre  a  pu 
être  jugée  digne  d'une  si  grande  faveur,  et  que  dans  l'Eglise  du  Christ, 
aujourd'hui  comme  au  temps  de  Xotre-Seigneur,  les  petits  et  les  humbles 
sont  souvent  les  préférés. 

On  ne  peut  oublier,  il  est  vrai,  que  le  Canada  fut  le  berceau  de  la  foi 
en  Amérique,  et  que  le  Christ  y  doit  avoir  des  droits  primordiaux,  puis- 
que c'est  pour  lui  et  en  son  nom  que  ce  pays  fut  conquis  à  la  civilisation. 

Le  premier  acte  dti  découvreur  Jacques  Cartier,  eu  mettant  le  pied 
sur  ce  sol,  ce  fut  d'y  élever  une  grande  croix,  surmontée  des  armes  de  la 
France  ;  et,  dans  son  rapport  au  roi  François  I^'',  il  disait  :  "Tout 
ce  beau  et  riche  pays  donne  une  espérance  de  l'augmentation  de  notre 
sainte  foi." 

Tous  ceux  qui  sont  venus  après  Cartier,  et  qui  ont  jeté  les  bases  de 
la  colonie,  n'avaient,  comme  lui,  qu'un  souci  principal  :  étendre  le  règne 
de  Jésus-Christ  sur  la  terre.  Ils  l'ont  prouvé  en  n'amenant  à  leur  suite 
que  des  personnes  d'une  foi  reconnue;  ils  l'ont  prouvé  en  faisant  évan- 
géliser  les  sauvages,  au  lieu  de  chercher  à  les  subjuguer  par  la  force. 

C'est  donc  à  l'ombre  de  la  Croix  que  le  Canada  est  né,  et  c'est  sous 
cette  égide  bienfaisante  qu'il  s'est  développé,  qu'il  a  grandi  et  qu'il  con- 
tinue de  vivre. 

Aussi,  le  Canadien  tient-il  à  sa  foi,  comme  il  tient  à  la  vie. 

Au  moment  de  la  conquête,  quand,  après  la  plus  liéroïtiue  des  luttes, 
il  tomba  vaincu,  écrasé  par  le  nombre,  il  sut  trouver  encore  assez  d'éner- 
gie dans  son  âme,  pour  réclamer  du  vainqueur  et  se  faire  concéder  le 
libre  exercice  de  son  culte. 

Plus  tai'd,  lorsque  les  insurgés  de  la  Xouvelle-Angleterro  lui  projifi- 
sèrent  de  faire  cause  commnne  avec  eux,  pour  secouer  le  joug  de  la  ^lé- 
tropole,  il  refusa  toutes  les  offres,  parce  qu'il  estimait  que  ses  intérêts 
religieux  ne  seraient  peut-être  pas  en  sûreté  avec  ceux  qui  voulaient  être 
ses  alliés.  Il  préféra  rester  fidèle  à  la  Couronne  Britannique,  à  cause 
des  garanties  qu'elle  lui  avaient  données  à  ce  sujet. 


—  148  — 

L'événement  a  prouvé  que  le  Canada  avait  eu  raison  de  se  fier  à  la 
bonne  foi  et  à  la  lo3'auté  de  l'Angleterre;  car  elle  a  fini  par  nous  accor- 
der la  liberté  religieuse,  la  plus  étendue  qu'il  soit  possible  de  désirer, 
et  enfin  elle  nous  a  donné  notre  autonomie  complète. 

Cette  liberté  précieuse  et  chère  dépend  donc  désormais  de  notre  propre 
gouvernement;  Dieu  veuille  qu'il  n'y  porte  jamais  atteinte. 

Le  plus  grand  de  nos  vœux,  c'est  que  le  Christ  ait  toujours  sa  place 
sur  cette  terre  canadienne,  conquise  en  son  nom,  conservée  pour  lui  et 
marquée  à  son  empreinte. 

Nous  voulons  que  son  Eglise  puisse,  sans  entrave,  continuer  à  exercer, 
parmi  nous,  son  influence  bienfaisante  et  salutaire,  et  nous  espérons 
qu'on  ne  réussira  jamais  à  l'exclure  de  notre  vie  publique,  de  nos  lois, 
de  l'éducation  de  la  jeunesse,  de  la  société  domestique. 

jSTous  formulons  ces  vœux,  et  nous  exprimons  cette  volonté,  parce  que 
nous  croyons,  avec  le  Souverain  Pontife,  avec  nos  évêques  et  avec  nos 
prêtres,  que  "  l'Eglise  a  été  instituée,  par  Dieu,  pour  instruire  et  guider 
le  genre  humain,  et  qu'elle  peut  s'emplo^^er,  plus  efficacement  que  per- 
sonne, à  promouvoir  le  règne  du  droit  et  de  la  justice,  fondements  les 
plus  fermes  des  sociétés." 

Qu'on  me  permette  de  citer  ici  un  illustre  et  saint  docteur  qui  rend 
ma  pensée  infiniment  mieux  que  je  ne  saurais  le  faire  :  "  Ceux  qui  disent 
que  la  doctrine  du  Christ  est  contraire  au  bien  de  l'Etat,  qu'ils  nous 
donnent  une  armée  de  soldats,  tels  que  les  fait  la  doctrine  du  Christ, 
qu'ils  nous  donnent  de  tels  gouverneurs  de  provinces,  de  tels  maris,  de 
telles  épouses,  de  tels  parents,  de  tels  enfants,  de  tels  serviteurs,  de  tels 
rois,  de  tels  tributaires  enfin,  et  des  percepteurs  du  fisc,  tels  que  les  veut 
la  doctrine  chrétienne.  Et  qu'ils  osent  encore  dire  qu'elle  est  contraire 
à  l'Etat.  Mais  que,  bien  plutôt,  ils  n'hésitent  pas  d'avouer  qu'elle  est 
une  grande  sauvegarde  pour  l'Etat,  quand  on  la  suit." 

C'est  donc  vouloir  le  bien  de  son  pays  que  de  souhaiter  ardemment 
qu'il  conserve  sa  foi,  et  qu'il  reste  et  soit,  de  plus  en  plus,  soumis  à  la 
doctrine  et  aux  enseignements  de  l'Eglise. 

Daigne  le  Dieu  de  l'Eucharistie,  à  qui  nous  rendons  hommage,  en  ces 
jours  de  bénédiction  et  de  salut,  accorder  à  notre  cher  Canada,  cette 
faveur  incomparable. 

Je  termine,  Eminence,  en  vous  priant,  à  mon  tour,  de  vouloir  bien 
déposer,  aux  pieds  de  notre  Très  Saint-Père,  que  vous  représentez  parmi 
nous  avec  tant  d'éclat,  de  sagesse  et  de  gloire,  l'expression  de  notre  filial 
amour  et  de  notre  inaltérable  attachement. 

Mgr  Bruchési  :  —  Mesdames  et  Messieurs,  il  y  a  aujour- 
d'hui deux  ans  nous  étions  en  plein  con*2jrès  de  Londres,  et 
vraiment,  c'était  bon,  là,  sur  les  bords  de  la  Tamise,  tout  près 
du  tombeau  de  S.  Thomas  Morus,  que  je  pourrais  appeler 
le  martyr  de  l'Eucharistie,  c'était  bon  de  pouvoir  acclamer 
la  Sainte  Hostie  et  d'en  parler  librement  en  présence  du 
drapeau  britannique  et  du  drapeau  pontifical.  Il  nous  sem- 
blait que  c'était  comme  une  ère  nouvelle  qui  commençait 
pour  l'Angleterre.     Et  nous  étions  dans  l'Albert  Hall,  et 


—  149  — 

nous  nous  disions:  C'est  demain  que  le  Christ,  banni  de  l'An- 
gieteiTe  depuis  trois  siècles,  va  sortir  tiiompliant.  Et  nous 
attendions  la  brillante  aurore  du  jour  tant  désiré.  Mais  sou- 
dain nous  apprenons  que  la  procession  n'aura  pas  lieu.  Un 
ordre  était  venu  de  haut  lieu.  La  prudence  demandait  que 
cette  procession  n'eut  pas  lieu, 

eTe  vois  encore  d'ici,  dans  cette  immense  Albert  Hall,  douze 
mille  hommes  apprenant  avec  indignation  et  frémissement 
cette  nouvelle  qui  désappointait  tout  le  monde.  C'étaient  des 
cris  et  une  indignation  que  je  ne  saurais  rendre.  Un  homme 
apparut  alors  et  commanda  le  silence,  et  il  fut  écouté.  C'était 
l'archevêque  de  Westminster,  le  président  local  du  congrès 
eucharistique.  Il  nous  fit  connaître  alors  la  correspondancti 
échangée  entre  lui  et  le  premier  ministre,  M.  Asquith,  et  tout 
le  monde  alors  fut  unanime  à  dire  qu'il  avait  déployé  en  cette 
circonstance  les  admirables  qualités  non  seulement  d'un  évê- 
que,  mais  d'un  homme  d'Etat. 

La  procession  n'aurait  pas  lieu,  mais  en  réalité  c'était  l'ar- 
chevêque et  les  catholiques  qui  avaient  le  dessus  et  qui  triom- 
phaient; et  la  procession,  au  lieu  d'être  simplement  pieuse, 
fut  transformée  en  une  ovation  triomphale.  Fidèles,  prêtres, 
religieux,  évêques  et  cardinaux  cheminèrent  dans  les  rues 
de  Londres  autour  de  Westminster  transformé  en  cathédrale. 
Et  quand  nous  revînmes  à  l'église,  alors,  vous-même,  éminen- 
tissime  seigneur,  vous  avez  pris  FHostie  dans  le  tabernacle. 
Et  là  nous  étions  chez  nous;  il  n'y  avait  ni  gouvernement, 
ni  roi  pour  nous  empêcher  de  manifester  nos  croyances  et 
notre  piété;  et,  accompagné  du  duc  de  Norfolk,  d'autres  lords 
catholiques  d'Angleterre  et  des  évêques,  nous  allâmes  sur 
la  tour  de  la  cathédrale  de  Westminster  et  deux  cent  mille 
hommes  étaient  là  qui  attendaient  la  bénédiction  de  Jésus- 
Hostie. 

Depuis  lors  les  choses  ont  bien  changé.  Un  roi  nous  est 
venu  qui  comprend  ce  que  c'est  que  la  liberté  de  conscience. 
Il  a  visité  Québec  il  y  a  deux  ans,  il  a  vu  là,  sur  les  Plaines 
d'Abraham,  ce  qu'a  fait  ce  peuple  canadien,  et  il  a  compris 
que  la  croyance  à  la  transsubstantiation,  à  In  sainte  messe 
et  à  l'Eucharistie  n'empêche  pas  d'être  parfaitement  loyal 
à  la  couronne  britannique,  et  dans  le  fond  de  son  coeur  il 
désirait  voir  modifier  la  déclaration  royale  qui  contenait 
des  expressions  blessantes  et  injurieuses  pour  la  foi  catho- 
lique. La  modification  est  faite,  le  roi  en  est  heureux,  grAce 
en  soit  rendue  à  Dieu;  et  bientôt,  j'en  suis  sûi-,  il  sera  p<'rnn<* 
à  nos  frères  d'Anuleterre  de  sortir  librement  par  les  rues 
de  Londres  avec  la  Sainte  Hostie,  comme  nous  savons  le 
faire  à  ^Montréal. 


—  150  — 

Si  j'ai  sollicité,  messieurs,  le  congrès  eucharistique  de 
Montréal,  eu  cette  circoiustance  célèbre  du  congTès  de  Lon- 
dres, c'est  que  Monsieigneur  de  Westminster  y  a  pensé  le 
premier.  C'est  lui  en  réalité,  je  le  dis  ici  publiquement,  qui 
a  été  le  premier  inspirateur  du  congrès  eucharistique  que 
nous  célébrons;  c'est  lui  qui  a  pensé  à  Montréal  comme  la 
ville  où  devait  se  célébrer  le  congrès  de  1910,  et  le  congrès 
permanent  a  acquiescé  à  cette  pensée;  et  lorsque  je  sollicitai 
publiquement  le  congrès  que  nous  avons  aujourd'hui,  la  chose 
était  déjà  décidée,  grâce  à  l'intervention  et  à  l'inspiration  de 
Monseigneur  de  Westminster. 

Il  a  voulu  maintenant  venir  à  notre  congrès,  je  vous  le 
présente  avec  bonheur,  vous  allez  l'entendre  et  l'applaudir. 


MoNSiGNOR  Bruchesi  :  —  It  is  now  my  pleasure  to  intro- 
duce  to  you  Hiis  Grâce  the  Archbishop  of  Westminster. 

MoNSiGNOE  Bourne:  —  Allov,-  me  in  the  first  place  to  offer  your 
Grâce  my  heartiest  tlianks  for  the  kincl  words  wliich  you  hâve  spoken  in 
the  Frencli  language  in  regard  to  my  participation  in  the  first  idea  6f 
liolding  a  Eucharistie  Congress  in  Montréal.  I  felt  and  I  knew  thac 
there  was  no  place,  certainly,  in  the  British  Empire,  and  probably  no 
place  in  the  whole  world  where  a  Congress  could  he  held  Avith  such 
assured  suecess  as  hère  in  Montréal. 

The  resuit  of  thèse  few  days  has  proved,  I  think,  that  my  prévision 
was  correct,  and  has,  perhaps,  surpassed  even  your  hopes. 

The  Bntish  Empire,  of  which  we  both  alike  are  loyal  and  devoted 
subjects,  is  made  up  of  many  races  and  of  many  languages,  and  the 
one  link  which  binds  them  ail  together  is  our  alïegiance  to  a  common 
Sovereign.  But,  there  is  a  higher  and  great  link  which  unités  us  ail, 
because  we  are  Catholics,  and  which  unités  us  not  onlv  with  the  Catho- 
lics  of  the  Empire,  but  with  the  Catholics  of  the  whole  vrorld,  our  alïe- 
giance to  our  Divine  Master  in  the  Most  Blessed  Sacrament. 

When  we  think  of  the  Blessed  Sacrament  in  connection  with  the 
British  Empire  there  comes  across  our  minds  that  saddest  of  thoughts; 
how  our  Divine  Master  has  been  forgotten,  has  been  outraged  and  has 
even  been  blasphemed  both  in  the  Mother  Country  and  in  so  many  parts 
of  the  Empire. 

It  is  hardly  an  exaggeration  to  say  that  at  the  présent  time  the  eyes 
of  the  whole  world  are  turned  towards  Canada.  At  least  it  is  certainly 
true  that  at  home  in  England  men  of  every  position,  are  thinking  of 
Canada  as  they  never  did  before.  To  some  it  is  the  land  wherein  they 
trust  to  realise  hopes  of  a  prosperity  which  their  own  country  is  unable 
to  afford  them.  Others  are  preoccupied  with  questions  of  Impérial 
Fédération  or  relations  of  commerce.  The  thoughtful  cannot  forget 
the  possibility  that  some  day  the  long  Pacific  coast  enclosing  the  fertile 
régions  of  British  Columbia  may  call  for  defence  against  invasion  frora 


—  151  — 

the  Asiatic  East.  It  is  indeed  by  a  spécial  disposition  of  Divine  Provi- 
dence that  His  Grâce  the  Arclibisliop  of  Montréal  bas  invited  the  Eu- 
charistie Congress  to  meet  in  this  city,  thereby  concentrating  iipon 
Canada  the  attention  of  the  whole  Catholic  world  at  such  a  moment, 
when  the  Dominion  is  beginning  to  play  a  part  in  the  world's  history 
so  great  that  it  is  impossible  either  to  forecast  its  extent  or  unduly  to 
magnify  its  future. 

As  members  of  this  Congress,  longing  with  our  whole  hearts  to  esta- 
blish  the  kingdom  of  God  upon  earth,  His  Holy  Catholic  Church,  we 
may  well  ask  ourselves  what  part  is  the  Church  to  hâve  in  this  rapid 
growth  of  a  great  people.  There  is  in  the  answer  to  this  question  a  pro~ 
blem  and  an  opportunity  so  tremendous  that  the  Church  bas  rarely,  if 
ever,  in  her  long  history  had  to  face  the  like.  The  solution  of  that 
probleni  and  the  grasping  of  this  opportunity  will  afî'ect  not  only  the 
people  of  Canada  but  the  Church  throughout  the  world. 

The  early  history  of  Canada  is  part  of  the  history  of  the  Catholic 
Church.  The  first  settlers  came  speaking  one  language  and  having  but 
one  voice  in  matters  of  religions  belief,  and  the  growth  of  the  conimon- 
wealth  was  concurrent  with  that  of  the  Cliristian  Faith  enshrined  in 
the  Catholic  Church.  Canada  owes  a  debt  to  the  Catholic  Church 
wliich  even  those  who  are  most  opposed  to  lier  teachings  Avill  hardly 
venture  to  contest.  And  on  the  other  hand  the  power  and  influence 
of  the  Catholic  Church  throughout  ail  the  earlier  history  of  the  colony 
were  due  largely  to  the  fact  that  the  whole  influence  of  the  language 
and  literature  of  the  country  was  on  the  side  of  the  Catholic  Church 
The  French  longue,  Avith  which  ail  progress  in  every  department  of  life 
was  identified,  gave  fortli  but  one  note  Avhen  it  expounded  to  the  people 
the  mysteries  of  religion,  whether  they  were  preached  to  those  who  had 
come  from  their  ancestral  home  in  France,  or  had  in  turn  to  be  trans- 
lated  to  the  varions  races  to  whoni  the  land  once  l)clonged. 

Xow  the  circum stances  hâve  vastly  altered.  AVith  slow  imrease  at 
first,  and  now  with  an  incalculable  rapidity,  another  language  is  gaining 
for  itself  a  paramount  importance  in  the  ordinary  things  of  life.  It 
would  indeed  be  a  mattcr  of  extrême  regret  v.ere  the  French  language. 
so  long  the  one  exponont  of  religion,  culture  and  progress  in  this  land,. 
ever  to  lose  anv  portion  of  the  considération  and  cultivation  which  it 
now  enjoys  in  Canada.  But  un  one  can  close  his  eyes  to  the  facts  that  in 
the  many  cities  now  steadily  growing  info  importance  throughout  the 
Western  Provinces  of  tlie  Dominion,  the  inhabitants  for  the  most  part 
speak  English  as  their  mother  tondue,  and  that  the  children  of  the  col- 
onists  who  come  from  countries  where  Englisli  is  not  spoken  will  none 
the  less  speak  Englisli  in  their  turn. 

And  this  reflexion  takes  us  to  the  very  root  of  the  problem  and  shows 
forth  ail  its  complexity.  For,  alas,  whereas  the  French  longue  was  in 
the  old  days  synonymous  with  unity  in  religions  l)elief,  for  more  tlian 
three  hundred  years  tlie  English  language  bas  been  the  organ  of  con- 
tention, disunion,  and  dissension  wherever  the  truths  of  Christianity 
are  concerned.  And  ail  the  while,  if  the  mightv  nation  tliat  Canada  is 
destined  to  beconie  in  the  future  is  to  be  v/on  for  and  held  to  the  Ca- 
tholic Church,  this  can  onlv  be  donc  for  making  kiiown  to  a  great  i>art 


—  152  — 

of  the  Canadian  people  in  succeeding  générations,  tlie  niysteries  of  our 
failli  througli  the  médium  of  our  English  speech.  In  other  words,  the 
future  of  the  Church  in  this  country,  and  its  conséquent  re-action  upon 
the  older  countries  in  Europe,  will  dépend  to  an  enormous  degree  upon 
the  extent  to  which  the  power,  influence,  and  prestige  of  the  English 
language  and  literature  can  be  defiuitely  placée!  upon  the  side  of  the 
Catholic  Church. 

The  varions  non-Catholic  religions  organisations  are  fully  alive  to 
thèse  new  conditions.  Not  a  new  settler  comes  to  this  country  froni 
England  but  lie  is  met  at  liis  place  of  landing,  and  every  effort  is  made 
to  keep  liim  in  touch  witli  the  religions  influences  that  lie  has  known 
at  home  .  In  every  growing  township  places  of  worship  are  set  up  at 
once,  as  I  hâve  recently  seen  with  my  own  eyes,  to  perpetuate  the 
divided  teaching  which  is  being  uttered  ail  over  the  world  wherever 
the  English  language  is  spoken.  Large  sums  of  money  are  being  con- 
tributed  and  strenuous  personal  efforts  are  being  made,  ail  with  the 
sanie  object.  Years  to  come  will  show  if  once  again,  to  our  shame  and 
sorrow,  our  English  speech  is  to  be  the  organ  of  religions  division;  or 
if,  by  a  great  mercy  of  God  in  this  nation  of  Canada,  with  its  long  and 
glorious  Catholic  traditions,  the  Church  is  able  to  give  to  the  Canadian 
people,  set  forth  in  the  English  tongue,  that  unity  of  religions  belief 
which  she  alone  has  power  to  impart. 

My  venerated  brethren,  the  Archbishops  and  Bishops  of  Canada,  will 
forgive  me  for  touching  upon  topics  which  they  know  better  far  than  I 
can  do,  and  for  alluding  to  problems  to  which  they  are  keenly  alive.  I  do 
so  only  that  those  who,  like  himself,  are  privileged  to  be  the  guests  of 
this  great  Dominion,  may  realise  something  of  the  importance  of  thèse 
issues  which,  I  firmly  believe,  will  afïect  for  weal  or  woe  not  only  the 
Catholic  dwellers  in  British  North  America  but  the  w^hole  Church  of 
God  throughout  the  world;  and  that  they  may  be  the  object  of  our  sym- 
pathy  and  of  our  thoughts  and  prayers. 

And,  if  I  may,  I  should  like  to  make  a  suggestion  whereby  ail  may  be 
united  in  prayer  that  the  influence  of  the  English  language  may  at  last, 
in  spite  of  ail  the  harm  that  it  has  wrought  in  religions  matters  in  days 
gone  by,  be  brought  by  God  to  be  a  mighty  force  for  the  support  and 
spread  of  religions  unity  and  truth.  In  1897  the  late  Holy  Father  Léo 
XIII  of  happy  memory,  instituted  the  Archconfraternity  of  Our  Lady 
of  Compassion  to  promote  prayers  for  the  return  of  England  and  Wales 
to  the  fold  of  the  one  true  Church  of  Jésus  Christ.  He  committed  the 
direction  of  this  Archconfraternity  to  the  Company  of  St.  Sulpice,  and 
I  am  glad  nov/  to  bear  pul)lic  testimony  of  my  gratitude  to  the  Fathers 
of  that  vénérable  Company  for  the  self-sacrificing  zeal  with  which  they 
hâve  carried  on  this  work.  Later  the  scope  of  the  Archconfraternity 
was  enlarged  to  include  Scotland.  But  the  United  Kingdom,  important 
though  it  be,  is  only  a  part  of  the  English-speaking  world,  and  I  would 
like  to  profit  by  this,  the  second  great  International  Catholic  Cougress 
held  beneath  the  British  Flaie^,  to  propose  that  the  Holy  See  be  petitioned 
to  make  the  Archconfraternity  of  Our  Lady  of  Compassion  still  more 
universal  in  its  scope,  so  that  from  the  whole  world  prayer  may  go  up 
before  the  Throne  of  God  that  ail  the  English-speaking  nations  without 


—  153  — 

exception  may  be  brought  to  the  unity  of  the  Catholic  Faith  and  restored 
to  allegiance  to  the  Apostolic  See.  It  is  only  by  briuging  the  Enghsh 
tongue  to  render  service  to  the  cause  of  truth  that  Canada  can  be  made 
in  the  full  sensé  a  Catholic  nation  ;  and  the  spectacle  of  a  uuited  Canada, 
enunciating  in  French  and  Euglish  alike  the  same  religions  truths, 
would  be  for  the  whoie  Churcli  of  God  a  power  of  irrésistible  force.  I 
trust  that  my  proposai  will  not  appear  to  you  too  bold,  and  that  it  will 
meet  witli  your  gênerons  and  whole-hearted  acceptance.  I  raake  it  with 
the  full  concurrence  of  their  Eminences  the  Cardinals  of  Baltimore  and 
Armagh,  and  of  the  Superior  General  of  St.  Sulpice. 

Let  me  sum  up  what  I  mean.  God  bas  allowed  the  English  tongue 
to  be  widely  spread  over  the  civilized  world,  and  it  bas  acquired  an 
influence  which  is  ever  growing.  Until  the  Enghsh  language,  English 
habits  of  thought,  English  literature  —  in  a  word  the  entire  Enghsh 
mentahty  is  bronght  into  the  service  of  the  Catholic  Church,  the  saving 
work  of  the  Church  is  impeded  and  hampered.  Each  English-speaking 
nation  can  help  in  this  great  work;  England,  Ireland,  Scotland,  the 
mighty  United  States  of  America,  Australia,  IS'ew  Zealand,  South  Africa, 
and  the  British  Possessions  in  India.  But  the  Dominion  of  Canada  can 
at  the  présent  moment,  owing  to  her  long  and  deeply  rooted  Catholic 
traditions  and  to  the  magnificent  opportunities  now  presented  to  her, 
render  the  greatest  service  of  them  ail.  And  in  accomplishing  her  part 
of  the  work  the  Catholic  Church  in  Canada  will  not  only  advance  her 
own  sacred  cause,  but  at  the  same  time  she  v.ill  bring  renewed  courage 
to  English-speaking  Catholics  ail  the  world  over,  and  beconie  a  source 
of  ever  increasing  and  unfailing  strength  to  the  Universal  Church.  It 
is  an  opportunity  now  given  which  may  never  come  again.  Humanly 
speaking,  if  it  be  lost,  the  loss  will  be  immeasurable  and  irretrieval)le. 

I  may  seem  to  bave  wandered  from  the  purpose  of  a  Eucharistie  Con- 
gress  which  is  to  glorify  and  to  promote  dévotion  to  the  ^lost  Holy 
Eucharist.  Let  me  recall  to  you  liow  on  the  opening  day  of  the  Eucha- 
ristie Congress  His  Eminence  the  Cardinal  Legate  reminded  us  that 
from  the  beginning  the  Blessed  Sacrament  took  possession  of  this  land 
of  Canada.  That  empire  of  our  Divine  Master  spread  from  place  to 
place  as  He  deigned  to  take  possession  of  the  humble  tabernacles  set  ùp 
in  every  village  that  clustered  upon  its  soil.  But  it  will  not  be  com- 
plète until  close  to  every  group  of  homesteads  in  the  great  West  a  taber- 
nacle bas  been  set  up  in  whicli  fervent  worshippers  can  come  to  adore 
in  perfect  unity  of  faith  their  Lord  and  King.  And  that  day,  to  wliich 
we  ail  look  forward  with  so  much  earnestness,  cannot  dawn  until  the 
doctrines  of  the  Catholic  Church  havc  been  made  known  to  every  child 
of  the  Canadian  nation  in  his  own  mnther  tongue.  and  are  accepted  and 
expressed  by  him  in  the  language  that  he  learnt  from  his  motlier's  lips. 

Mgr  Bruchési  ajoute  les  paroles  suivîintes  au  discours  qui 
précède  :  L'Archiconfrérie  de  Notre-Dame  de  la  Compassion 
est  déjà  établie  à  Montréal.  Mejr  l'archevêque  de  West- 
minster peut  être  assuré  que  partout  nous  serons  heureux 
de  prier  à  ses  intentions  et  aux  intentions  de  nos  frères 
catholiques  d'Angleterre. 


—  154  — 

L'honorable  Thomas  Chapuis  est  ensuite  présenté  à  l'audi- 
toire comme  les  orateurs  précédents  par  Mgr  Bruchési.  Il 
prononce  le  discours  suivant  : 

Eminence, 

Messeigneurs^ 

Mesdames,  Messieurs, 

Au  déclin  de  ravant-dernier  siècle,  un  écrivain  qui  remplissait  du 
bruit  de  son  nom  l'Europe  et  le  monde,  après  avoir  mené  une  longue  et 
haineuse  campagne  contre  Jésus-Christ  et  son  Eglise,  proférait  cet  or- 
gueilleux blasphème  :  "  Dans  vingt  ans  Dieu  verra  beau  jeu."  A  quel- 
ques années  de  distance,  le  même  fameux  personnage,  insultant  à 
l'héroïque  agonie  d'un  enfant  de  la  France,  perdu  au-delà  des  mers, 
plaignait  ''  ce  pauvre  genre  humain  qui  s'égorgeait  pour  quelques  arpents 
de  neige  au  Canada."  Un  siècle  et. demi  s'est  écoulé  depuis  que  furent 
prononcées  ces  odieuses  paroles.  Et  voici  que  ces  quelques  arpents 
de  neige  sont  devenus  un  prospère  et  florissant  pays,  plein  de  vitalité  et 
d'activité  progressive.  Et  voici  que,  dans  la  cité-reine  de  ce  pays,  qui 
compte  parmi  les  métropoles  du  monde,  cet  Homme-Dieu,  bafoué  ,et 
outragé  par  Voltaire,  vainqueur  du  voltairianisme  et  de  toutes  les  erreuis 
subtiles  ou  violentes  qui  ont  tenté  de  le  remettre  au  tombeau,  reçoit  les 
solennels  hommages  de  milliers  de  disciples  accourus  de  tous  les  points 
de  l'univers  pour  l'acclamer,  pour  l'adorer,  pour  lui  décerner  le  plus 
magnifique  et  le  plus  émouvant  triomphe.  Ce  n'est  pas  Dieu,  ce  n'est 
pas  le  Christ  qui  a  vu  beau  jeu,  c'est  la  société  brillante  et  perverse  qui 
applaudissait  et  couronnait  Voltaire.  Quinze  ans  à  peine  après  la  mort 
misérable  du  patriarche  de  l'incrédulité  moderne,  elle  s'effondrait  dans 
un  gouffre  de  sang,  pendant  que  le  petit  peuple  abandonné  sur  ses 
arpents  de  neige,  se  groupant  autour  de  la  croix  de  ses  clochers,  sur- 
vivait aux  phis  redoutables  épreuves,  croissait  en  expansion  et  en  vi- 
gueur, et  préparait  l'avenir  dont  nous  voyons  aujourd'hui  les  étonnantes 
réalisations.  Encore  une  fois,  Messieurs,  l'histoire  avait  fait  entendre 
une  de  ces  hautes  et  éloquentes  leçons  dont  sont  parsemées  ses  pages. 
Et  l'on  pouvait  y  lire  cette  vérité,  qui  a  pour  elle  le  témoignage  des 
siècles,  que  le  Christ  est  un  éternel  vainqueur,  et  que  les  nations  baignées 
dans  le  sang  du  Christ  sont  immortelles. 

C'est  pour  les  catholiques  canadiens  une  joie  profonde  et  un  insigne 
honneur,  que  d'avoir  l'occasion  d'apporter,  à  leur  tour,  à  cette  vérité, 
une  attestation  éclatante.  TIs  sont  fiers  de  pouvoir  donner  leur  note 
dans  le  concert  harmonieux  qui,  de  tous  les  points  les  plus  fameux  du 
monde,  de  Rome  et  de  Paris,  de  Londres  et  de  Jérusalem,  et  de  tant 
d'autres  cités  illustres,  a  fait  monter  vers  le  ciel,  depuis  trente  ans,  ses 
enthousiastes  hosannas.  Ils  sont  heureux  que  cette  rotation  glorieuse 
des  congrès  eucharistiques  ait  fixé  sur  leur  jeune  patrie  un  des  points  de 
sa  course,  et  ih  saluent  avec  uic  resp:ctueuse  et  fraternelle  allégresse 


—  155  — 

ces  nobles  fils  de  lltalie,  de  la  France  et  de  l'Angleterre,  de  l'Espagne, 
de  la  Belgique,  de  l'Allemagne,  de  l'Australasie,  de  l'Afrique  et  de 
l'Amérique,  venus  pour  proclamer  une  fois  de  plus  que  l'Orient  et  l'Oc- 
cident, que  toutes  les  races  et  toutes  les  familles  nationales,  quelles  que 
soient  leurs  mentalités  diverses,  sont  unies  indissolublement  par  le  lien 
d'une  foi  commune,  et  n'ont  qu'un  cœur,  qu'une  langue,  qu'un  drapeau, 
quand  il  s'agit  de  ces  questions  d'ordre  supérieur  qui  remuent  jusque 
dans  ses  profondeurs  l'âme  de  l'humanité. 

Autrefois,  Messieurs,  il  y  avait  dans  le  monde  une  institution  admi- 
rable dont  la  physionomie  imposante  et  la  bienfaisante  influence  ont 
rempli  tout  un  âge  de  l'histoire.  Les  nations  baptisées  reconnaissaient 
un  même  droit  public,  possédaient  en  commun  un  ensemble  de  principes 
et  de  coutumes,  suivaient  en  certaines  circonstances  la  même  ligne  poli- 
tique et  participaient  à  la  même  action  militaire.  Il  y  avait  une  France, 
une  Angleterre,  une  Ecosse,  une  Pologne,  une  Allemagne,  une  Espagne, 
une  Italie,  chacune  avec  son  génie,  ses  intérêts,  ses  ambitions.  Mais  se 
dégageant  de  tout  cela,  ralliant  tout  cela,  et  réunissant  tout  cela  en  un 
puissant  faisceau,  à  certaines  heures  décisives,  il  y  avait  la  chrétienté. 
Ce  seul  mot  n'évoque-t-il  pas  dans  votre  esprit  tout  un  monde  de  hautes 
pensées,  de  faits  glorieux  et  d'émouvants  souvenirs?  Oui,  il  y  eut  un 
moment  dans  l'histoire  où  les  peuples  chrétiens  eurent  un  même  idéal, 
une  même  règle  de  vie  publique,  un  même  critérium  de  justice  et  de  mo- 
ralité, une  même  aspiration  primordiale  et  souveraine,  et  où,  faisant 
abstraction  de  leurs  préoccupations  particulières,  ils  donnèrent  souvent 
au  monde  le  spectacle  magnifique  d'une  vaste  fédération,  diverse  en  ses 
parties,  mais  une  dans  sa  direction  et  son  effort.  Hélas!  la  chrétienté, 
cette  chrétienté  est  devenue  l'une  de  ces  ruines  majestueuses  que  l'hu- 
manité a  semées  sur  son  chemin  à  travers  les  âges.  Elle  s'est  écroulée 
avec  l'unité  doctrinale  de  l'Europe  sous  les  coups  de  la  formidable  révo- 
lution religieuse  qui  fut  l'œuvre  du  XVIe  siècle.  Les  guerres,  les  traités, 
les  combinaisons  diplomatiques  ont  intronisé  un  nouveau  droit  public, 
et  creusé  un  abîme  entre  la  tradition  des  siècles  antérieurs  et  l'esprit  des 
temps  modernes.  La  chrétienté  politique  est  morte,  et  ni  les  concerts 
européens,  ni  les  conférences  internationales,  ni  même  les  congrès  de  la 
paix  ne  lui  rendront  la  vie. 

Mais,  Messieurs,  n'entrevoyez-vous  pas  avec  moi  une  autre  chrétienté, 
une  chrétienté  morale  qui  se  refait  à  travers  les  frontières,  à  travers  les 
diversités  de  races,  qui  s'étend  au  delà  des  limites  de  l'ancienne,  qui 
franchit  les  mers,  et  qui  reconstitue  de  nation  à  nation,  de  continent  à 
continent,  la  grande  et  auguste  fraternité  chrétienne?  X'cst-ce  pas  à 
l'une  des  manifestations  de  cette  chrétienté  nouvelle  que  nous  assistons 
ici  ce  soir,  dans  ce  temple  qui  rassemble  tant  d'hommes  n'ayant  ni  la 
même  langue,  ni  la  même  nationalité,  mais  unis  dans  la  même  foi  et 
dans  les  mêmes  espérances?  Nous  sommes  Italiens,  Français,  Anglais, 
Belges,  Irlandais,  Allemands,  Américains,  Canadiens;  nou.s  avons  ^cha- 
cun nos  prédilections,  nos  tendances,  nos  idées,  nos  préjugés  peut-être; 
mais  nous  sommes  tous  chrétiens,  avant  tout  et  par-dessus  tout  chrétiens 
et  catholiques,  fils  de  l'Eglise-Mère  dont  l'autorité  ne  connaît  point  do 


—  156  — 

frontières,  et  sujets  du  Roi  des  rois,  de  Jésus-Christ,  le  Monarque  uni- 
versel dont  l'empire  excède  la  terre  et  le  temps,  et  dont  le  sceptre  régit 
tous  les  mondes.  Nous  sommes  chrétiens,  et  à  cause  de  cela  nous 
sommes  frères,  et  à  cause  de  cela  nous  avons  des  sollicitudes  et  des 
intérêts  identiques,  et  à  cause  de  cela,  sans  rien  sacrifier  de  nos  préfé- 
rences nationales,  nous  aimons,  nous  souffrons,  nous  espérons,  nous 
luttons  en  commun;  et  à  cause  de  cela  enfin,  tout  en  ayant  au  cœur 
l'amour  passionné  de  nos  patries  respectives,  que  nous  voudrions  voir 
toujours  plus  grandes,  plus  prospères  et  plus  fortes,  toujours  plus  ho- 
norées et  plus  dignes  de  l'être,  nous  nous  glorifions  d'être  citoyens  d'une 
patrie  qui  embrasse  toutes  les  autres  sans  les  effacer  ni  les  amoindrir,  la 
patrie  des  âmes  et  des  croyances,  l'Eglise  catholique,  apostolique  et 
romaine. 

Ce  sera  la  gloire  de  Foeuvre  des  congrès  eucharistiques  d'avoir  donné 
une  physionomie  et  une  accentuation  nouvelles  à  cette  indéfectible  unité 
morale  qui  doit  rapprocher  les  uns  des  autres  les  chrétiens  de  toutes  les 
races,  nonobstant  les  barrières  physiques,  économiques  ou  politiques.  Ce 
sera  son  éternel  honneur  d'avoir  dressé  au  milieu  de  notre  âge  de  dis- 
cordes et  de  conflits  redoutables,  en  face  de  l'internationale  haineuse  et 
violente  qui  voudrait  démolir  les  patries  et  détruire  les  sociétés,  l'inter- 
nationale pacifique  et  illuminatrice  qui  aspire  à  rendre  les  patries  meil- 
leures et  les  sociétés  plus  heureuses,  en  les  faisant  communier  toutes 
dans  l'amour  et  le  culte  du  Maître  dont  la  doctrine  est  une  loi  de  justice 
et  de  paix. 

Nous  avons  donc  bien  raison  de  nous  réjouir  en  présence  des  spectacles 
qui  se  déroulent  ici  depuis  trois  jours.  Le  Canada,  l'Amérique  assistent 
à  un  grand  événement,  à  un  événement  d'importance  et  d'amplitudes 
mondiales.  Les  sceptiques  peuvent  s'en  étonner,  mais  les  hommes  qui 
savent  penser,  même  ceux  qui  ne  partagent  pas  nos  croyances,  doivent 
sentir,  sous  la  splendeur  de  nos  démonstrations  publiques,  l'action  de  la 
plus  grande  force  religieuse  et  sociale  qui  soit  au  monde.  Oui,  à  la  fin 
de  cette  première  décade  du  vingtième  siècle,  à  une  heure  où  tant  de 
complots  sont  tramés,  où  tant  de  passions  sont  déchaînées  contre  le 
Christ  et  son  Eglise,  où  les  ondoyantes  négations  et  la  critique  tortueuse 
du  rationalisme  moderniste  essayent  de  défigurer  nos  dogmes,  tandis  que 
des  pouvoirs  publics,  possédés  de  la  haine  antireligieuse,  travaillent  avec 
une  inlassable  ardeur  à  déchristianiser  les  nations,  il  est  beau  et  récon- 
fortant d'entendre  la  voix  puissante  du  peuple  catholique,  jeter  comme 
un  défi  son  acclamation  immense  à  l'universelle  conjuration  des  sophistes 
et  des  proscripteurs. 

Pour  nous,  catholiques  canadiens,  nous  éprouvons  un  sentiment  de 
gratitude  et  de  fierté  patriotiques  pendant  ces  mémorables  jours.  Nous 
remercions  Dieu  de  ce  que  les  conditions  de  notre  vie  politique,  sociale 
et  religieuse  nous  permettent  de  donner  à  ces  fêtes  eucharistiques  un 
caractère  d'apothéose  nationale  difficile  à  réaliser  ailleurs.  Et  dans  ce 
triomphe  de  Jésus-Hostie,  nous  voulons  lire  pour  notre  bien-aimée 
patrie  une  promesse  d'inviolable  fidélité  et  de  religieux  avenir. 

0  Christ  !  rédempteur,  libérateur,  restaurateur  divin  de  l'humanité. 


— 157  — 

régnez  à  jamais  sur  nous.  Eégnez  sur  nous  par  votre  doctrine,  régnez 
sur  nous  par  vos  préceptes,  régnez  sur  nous  par  votre  Eglise  dont  nous 
vénérons  l'auguste  magistère,  qui  sauvegarde  à  travers  les  siècles  la 
vérité,  le  droit  et  la  fraternité.  Eégnez  sur  nous  enfin  par  le  sacrement 
ineffable  où  vous  vous  donnez  à  l'homme  dans  une  oblation  mystérieuse 
et  sacrée,  qui  l'élève  au-dessus  de  lui-même  et  l'unit  à  vous  dans  la  com- 
munion à  la  fois  la  plus  sublime  et  la  plus  incompréhensible.  En  ces 
assises  solennelles  où  se  retrempent  notre  foi  et  notre  amour,  nous  vous 
renouvelons  le  serment  de  notre  allégeance  nationale,  et  nous  jurons  de 
faire  en  sorte  que  tous  les  actes  de  notre  vie  sociale  soient  la  démonstra- 
tion éclatante  de  cette  parole  :  "  Christus  vivit,  Christus  imperat,  Chris- 
tus  régnât.'^  Oui,  que  le  Christ  vive  toujours  au  sein  du  peuple 
canadien;  qu'il  commande  aux  volontés,  qu'il  soit  le  Eoi  des  cœurs. 
Voilà  le  cri  qui  s'échappe  irrésistiblement  de  nos  lèvres  en  ces  inou- 
bliables jours.  Voilà  le  vœu  ardent  qui  jaillit  de  nos  âmes  à  tous  les 
instants  de  ces  manifestations  grandioses  auxquelles  nous  avons  la  joie 
d'assister.  Puisse  le  Dieu  de  nos  pères,  le  Dieu  de  Champlain,  de  Mai- 
sonneuve  et  de  Laval  avoir  pour  agréable  cette  acclamation  et  cet  élan 
de  tout  un  peuple,  et  continuer  de  répandre  sur  nous  les  bénédictions 
qu'il  nous  a  tant  de  fois  prodiguées  au  cours  de  notre  histoire.  Et  qu'aux 
pages  futures  de  cette  histoire  puisse  s'inscrire  en  lettres  glorieuses  cette 
variante  à  la  parole  magnifique  par  où  débutait  la  loi  nationale  de  notre 
ancienne  et  bien-aimée  mère-patrie  :  "  Vivat  Christus  qui  diligit  Cana- 
denses !  " 


Archbishop  Bruchesi.  — I  bave  now  tlie  lionor  of  intro- 
ducin";  to  vou  the  Honorable  Mr.  O'Siillivan,  Judcre  of  the 
Criminil  Court  of  New- York. 

YouR  Emixence, 

Very  Eeverexd  Fathers, 
Eeverend  Fathers, 

Ladies  and  Gentlemen, 

In  tins  august  and  inspiring  présence  I  crave  the  personal  privilège 
of  expressing  my  profound  gratitude  to  His  Grâce  the  Archbishop  of 
Montréal  for  this,  the  honor  of  a  lifetime  —  the  honor  afforded  by  his 
gracions  invitation  to  speak  hère  in  the  présence  of  this  gathering  of 
brothers  in  the  faitli.  come  together  from  the  ends  of  the  eartli,  and 
hère  witbin  the  sacred  precincts  of  Notre-Dame,  this  monument  of  Can- 
adian  love  for  the  Tabernacles  of  the  Living  God. 

But,  more  than  any  merit  of  the  speaker  in  the  sélection,  is  ihe  fact 
of  his  birth  and  citizenship  in  that  great  republic  which  touches  your 
land  on  the  South,  and  that  which  stretches  across  this  continent  from 


—  158  — 

sea  to  sea.  Tliere  arc  millions  of  my  countrymen  \yho  hâve  with  you 
on  faith,  one  Lord,  one  baptism,  one  God,  and  Fatlier  of  ail,  and  who 
are  united  hère  in  soûl  with  you  to  do  dévotion  to  the  God  of  our  Altar, 
and  forever  loyal  to  the  flag  of  their  Eepublic  as  you  are  to  the  Stand- 
ard which  claims  your  allegiance.  They  are  one  with  you  in  theii' 
unyielding  and  everlasting  fidelity  to  the  Vicar  of  Christ/ 

I  heard  to-night  history  which  startled  me.  I  do  not  doubt  that  His 
Grâce  the  Archbishop  of  Westminster  did  very  much  for  this  Eucharistie 
Congress,  but  the  history  of  the  mémorable  Eucharistie  Congress  which 
was  held  in  Engiand  two  years  ago  ascribes  the  bringing  of  this  Eucha- 
ristie Congress  to  one  whom  we  ail  know  and  whom  we  ail  love  and 
venerate  on  the  other  side  of  the  line  as  you  do  hère  in  Montréal  —  I 
refer  to  His  Grâce  the  Archbishop  of  Montréal. 

In  that  Congress  he  gave  expression  to  thèse  now  historié  words  :  "  Si 
la  terre  canadienne  est  encore  une  terre  chrétienne  et  catholique  dans 
toute  la  force  du  mot,  c'est  qu'elle  est  une  terre  eucharistique."  And, 
continuing,  the  éloquent  Archbishop  said,  speaking  of  this  continent  as 
a  eucharistie  land,  "  Ce  fait,  il  me  semble,  me  donne  le  droit  de  solli- 
citer l'honneur  insigne  de  notre  prochain  Congrès.  Et  je  prédis  un 
immense  triomphe  à  notre  bien-aimé  Souverain  sur  les  bords  du  Saint- 
Laurent." 

How  that  glorious  prédiction  has  been  verified;  let  the  sublime 
eventuality  of  thèse  deathless  days  speak,  and  this  living  hour  testify. 

That  Father  of  Christendom,  the  successor  of  Peter,  présent  in  ihe 
person  of  His  Illustrions  Legate  has  called  from  many  a  distant  flock 
the  guardians  of  thèse  flocks  about  hini  hère.  Mighty  sons  of  the 
Church  —  Avise  in  her  Councils,  strong  in  lier  défense,  hâve  answered 
that  call  !  Frelates  and  priests  and  laymen  hâve  travelled  from  every 
clime  and  over  every  sea  to  bear  a  tribute  of  faith,  of  love  and  Christian 
unity  to  this  Canadian  outpost  of  civilization,  to  this  stronghold  of 
Canadian  faith. 

But,  their  meeting  hère  is  of  more  than  human  significance.  It  is 
more  than  a  union  of  man  with  man,  or  brother  with  brother.  It  is  a 
union  of  earth  with  Heaven  —  of  man  with  God. 

To-day,  on  the  mountainside,  in  the  sunlight  of  September;  under 
the  open  Canadian  sky,  the  Sacrifice  of  Calvary  was  repeated  in  ail  the 
grandeur  and  solemnity  with  which  the  Church  has  surrounded  it. 
There,  children  of  the  IJniversal  Church  —  men  who  speak  strange 
tongues,  and  whose  homes  are  far  apart  across  the  world  united  in  fer- 
vent adoration  of  the  Eucharistie  King  enthroned  on  the  Altar. 

For  such  scènes  of  splendor  memory  may  well  wander  back  to  other 
days,  when  other  men  knelt  before  the  altars  of  our  faith  under  the  open 
Canadian  sky.  They  were  the  pioneers  of  your  civilization  which  we 
hear  vaunted  dow.  They  were  the  mon,  Avho,  in  the  service  of  God  and 
man,  brought  the  light  of  civilization  and  the  Christian  faith  into  the 
deptlis  of  the  savage  wilderness.  Priest  and  layman  —  soldier  of  the 
faith  and  liero  of  ihe  flag  —  together  planted  the  cross,  and  under  its 


—  159  — 

redeeming  arms  together  they  laid  the  foundations  of  this  Christian 
nation. 

There  is  no  brighter  page  in  this  world's  liistory  than  that  which  bears 
testimony  to  their  heroism  for  God  aud  man.  ^  They  might  not  keep 
their  fathers'  flag,  but  how  they  hâve  kept  the  faith  of  their  f athers,  let 
the  civilization  of  the  land  for  which  they  labored,  hved  and  died  testify 
to-night. 

They  never  caught  a  glimpse  of  the  glory  which  has  fallen  upon  the 
country  for  which  they  labored,  but  we  know  that  to-night,  froni  their 
places  near  to  the  throne  of  God,  they  look  down  with  pleasure  upon 
this  triumph  of  religion  by  the  banks  of  their  beloved  river,  and  wo  feel 
that  it  can  be  truly  said  of  thein 

"  Ils  moissonnent  dans  l'allégresse 
"  Ce  qu'ils  ont  semé  dans  les  pleurs." 

The  early  history  of  that  territory  which  is  now  covered  by  the  United 
States  can  never  be  written  without  writing  the  story  of  the  French 
missionaries,  Froni  the  St.  Lawrence  Eiver  to  the  Great  Coast  of  the 
Gulf  of  Mexico,  from  the  Atlantic  to  the  Pacific,  by  lake  and  by  river, 
and  through  pathless  forests  they  preached  Christ  and  lîim  crucified, 
and  many,  like  Hini  whom  they  preached,  died  at  the  hands  of  the  men 
to  whom  they  brought  The  Bread  of  Life. 

In  after  générations,  when  the  United  States,  the  early  Republic  of 
America,  sprang  into  existence,  and  while  the  Stars  of  lier  Bannor  were 
few,  the  Catholic  Church  in  the  l'nited  States  under  Archl)isliop  Carrol, 
of  Baltimore,  signalized  the  beginning  of  its  existence  by  the  opening 
of  Georgetown  Collège  and  the  founding  of  a  Theological  Seminary  at 
Baltimore  —  Jesuits  and  Sulpicians  at  Georgetown,  and  Sulpicians  at 
Baltimore. 

Baltimore,  city  of  blessed  memory  in  the  history  of  the  Clnirch  in  the 
United  States  —  Baltimore  the  Site  of  the  See  of  His  Eminence  Car- 
dinal Gibbons,  finest  exponent  of  the  faith  and  loyal  citizen  of  the 
Republic. 

As  the  Church  grew,  and  the  necessity  arose,  tlie  Society  of  Jésus  and 
the  Sulpicians  sent  forth  from  this  city  of  learning,  many  a  valiant  and 
gifted  worker  into  the  American  vineyard. 

Speaking  of  ^Montréal  as  a  City  of  Learning,  we  are  reminded  tliat 
you,  in  this  province  and  city,  havc  onc  grcat  advantage  whicli  many 
thousands  —  aye  millions  of  my  countrymen  covet  and  admire  —  I 
refer  to  your  just  and  équitable  solution  of  the  Education  Problcm, 
whereby  rendering  justice  to  ail  you  hâve  defended  tlie  right  of  tlie 
Catholic  child  to  a  Catholic  éducation.  We  Catliolic  Americans  do  not, 
cannot,  and  will  not  approve  of  that  éducation  w]u)se  curriculuin  ox- 
cludes  thèse  principlcs. 

Tlie  sword  of  Washington  carved  the  way  to  freedom  for  a  nation 
which  is  to-day  prospérons  and  ))owerfnl,  Imt  the  farewell  words  of 
Washington  to  his  people  are  an  admonition  to  them  and  to  ail  nations 


—  160  — 

of  the  eartli.     Listen  to  them  —  the  words  of  Washington,  the  immortal 
father  of  the  American  Eepublic. 

"  Let  us  with  caution  indulge  the  supposition  that  morality  can  be 
maintained  without  rehgion.  Whatever  may  be  coneeded  to  the  in- 
fluence of  refined  éducation  upon  minds  of  peculiar  structure,  reason 
and  expérience  forbid  us  to  hope  that  national  morality  can  prevail  'n 
the  exclusion  of  religions  principles." 

In  the  pursuit  for  illegitimate  power,  in  the  dishonest  grasping  for 
national  wealth  and  splendor,  nations  repudiate  thèse  principles,  and 
then  in  arnied  peace,  which  is  often  équivalent  to  disastrous  war,  they 
hold  conférences  for  the  préservation  of  that  peace.  But,  there  is  pro- 
mise of  peace  amongst  the  nations,  when  men  from  ail  nations  of 
Christendom  gather,  as  you  do  hère,  to  unité  in  fervent  adoration  before 
the  altar  of  the  Prince  of  Peace. 

Instigators  of  social  unrest  and  disorder  are  ever  grumbling  at  re- 
straint  of  law  and  rebelling  at  authority,  and  the  first  object  of  their 
attack  in  their  policy  of  destruction  and  chaos  is  the  Catholic  Church. 

This  is  the  case  to-day  as  it  has  been  ail  through  the  centuries. 

Only  the  other  day  that  noble  and  gifted  American  citizen  at  the  head 
of  our  Republic,  Président  Taft,  declared  that  ère  long  his  American 
countrymen  must  prépare  themselves  for  a  struggle  with  Socialism. 
Hardly  had  he  spoken  the  word  when,  from  another  section  of  our 
country  came  the  déclaration  from  the  Leader  of  Socialism,  saying: 
"Yes,  and  the  strife  is  on.  Socialism  will  win,  but  first  it  must  en- 
counter  and  conquer  the  Catholic  Church." 

So  others  hâve  thought.  So  others  hâve  tried,  but  they  hâve  fallen 
and  disappeared,  and  still  the  Church  lives,  and  while  she  lives  justice 
and  law  and  order  in  our  Eepublic  shall  hâve  an  inviolable  and  invin- 
cible domain. 

Mgr  Bruchési  :  L'Hon.  M.  O'Sullivan  a  bien  voulu  nous 
dire  que  l'invitation  qui  lui  a  été  faite  de  prendre  la  parole 
à  ces  séances  du  congrès  lui  paraît  le  grand  honneur  de  sa 
vie.  Je  le  félicite  de  son  éloquent  discours  et  je  le  remercie 
de  sa  grande  délicatesse  à  notre  endroit.  Il  a  pu  voir  que 
si  tout  le  inonde  ici  comprend  l'anglais,  combien  la  langue 
française   tient  au  cœur  de  notre  peuple. 

Nous  avons  encore  avant  de  clore  la  séance  deux  orateurs 
à  entendre,  M.  Henri  Bourassa  et  M.  Gerlier. 


—  161  — 
DISCOURS  DE  M.  HENRI  BOURASSA 

Eminences, 

Messeigxeurs, 

Mesdames, 

Messieurs, 

Depuis  deux  jours,  dans  ces  séances  mémorables,  vous  avez  entendu 
les  apôtres  de  l'Eglise  vous  énoncer  les  vérités  de  la  ioi  et  vous  prêcher 
le  culte  de  l'Eucharistie;  vous  avez  entendu  les  chefs  de  l'église  cana- 
dienne rendre  témoignage  à  la  religion  vivante  de  leur  peuple;  vous 
avez  entendu  des  prélats  étrangers  glorifier  les  magnificences  du  congrès 
de  Montréal  ;  vous  avez  entendu  les  hommes  d'état  canadiens  assurer  au 
chef  de  l'Eglise  catholique  que  l'Etat  s'incline  devant  le  magister  su- 
prême de  l'Eglise;  permettez-moi  de  prendre  ce  soir  la  tâche  humble, 
mais  non  moins  nécessaire,  à  moi  qui  ne  suis  rien,  à  moi  qui  sors  de  cette 
foule,  à  moi  qui  n'ai  qu'une  parcelle  du  cœur  des  miens  à  présenter  au 
pape,  de  formuler  au  nom  de  tous  ce  que  chacun  d'entre  nous  fait  lors- 
que, après  être  venu  à  la  Table  sainte  chercher  des  éléments  de  force 
et  de  vitalité,  il  retourne  formulant  des  résolutions  pour  devenir  meilleur 
et  plus  fort.  Qu'on  me  pardonne  donc  d'énoncer  quelques-unes  des  ré- 
solutions qu'il  me  semble  que  comme  peuple  nous  devons  prendre  au- 
jourd'hui, après  avoir  communié  tous  ensemble  à  la  face  de  Dieu  et  des 
hommes  dans  le  culte  eucharistique. 

Que  la  première  de  ces  résolutions  soit  que  notre  religion,  que  celle 
qui  fait  battre  nos  cœurs,  que  celle  qui  éclaire  nos  consciences,  soit  non- 
seulement  une  religion  individuelle,  mais  qu'elle  soit  notre  religion 
comme  peuple.  Prenons  la  résolution  de  combattre  chez  nous,  dans 
chacun  d'entre  nous  et  parmi  nous  tous,  le  danger  qui  nous  menace 
peut-être  plus  ici  que  dans  la  vieille  Europe,  attaquée  autrement  dans 
sa  foi,  je  veux  dire  le  danger  de  la  double  conscience,  qui  fait  que  sou- 
vent des  hommes  qui  adorent  Dieu  avec  sincérité  au  foyer,  à  l'église, 
oublient  qu'ils  sont  les  fils  de  Dieu  lorsqu'il  faut  proclamer  sa  foi  dans 
la  vie  publique,  dans  les  lois  et  dans  les. .  .  (des  applaudissements  cou- 
vrent la  voix  de  l'orateur  et  font  perdre  au  sténographe  le  dernier  mot 
de  sa  phrase).  Au  culte  de  l'argent,  au  culte  du  confort,  au  culte  des 
honneurs,  opposons  le  culte  du  devoir,  le  culte  du  sacrifice,  le  culte  du 
dévouement. 

L'illustre  archevêque  de  St-Paul  nous  disait  hier  que  l'Amérique  était 
appelée  à  résoudre  plusieurs  des  problèmes  des  sociétés  futures.  Cola 
est  vrai,  mais  je  crois  également  que  l'Amérique  peut  encore  apprendre 
quelques  leçons  des  vieilles  sociétés  chrétiennes  de  l'Europe;  et  qu'il  mo 
soit  permis,  comme  Canadien,  dans  les  veines  de  qui  coule  le  sang  de  six 
générations  de  Canadiens,  de  demander  à  l'Europe  de  nous  donner  encore 
un  souffle  de  son  apostolat  et  de  son  intellcctualité.  Dnns  la  rocluMvIic  de 
ce  culte  de  l'honneur,  du  dévouement  et  du  sacrifice,  je  crois  que  même 


—  1G2  — 

nous,  les  français  de  la  Nouvelle-France,  pouvons  encore  apprendre 
quelque  chose  à  Tautel  de  la  vieille  patrie,  dont  Tévêque  d'Orléans  et 
l'évêque  d'Angers  nous  ont  parlé  ce  soir  comme  des  hommes  qui  ne  sont 
pas  les  chefs  spirituels  d'une  nation  morte.  Au  culte  de  l'égoïsme,  au 
culte  du  riche  qui  s'engraisse  et  qui  dort,  au  culte  du  pauvre  qui  gronde 
et  qui  frémit,  opposons  le  culte  des  œuvres  sociales,  car  la  foi  sans  les 
œuvres  est  morte,  et  Pie  X,  le  pape  de  l'Eucharistie,  a  été  précédé  dans 
les  vues  de  la  Providence  divine  par  Léon  XIII,  le  pape  des  ouvriers. 

Eminence,  vous  avez  admiré  le  spectacle  de  15,000  ouvriers  canadiens 
adorant  Dieu  dans  cette  église  et  attendant  de  vos  lèvres  la  parole  des 
commandements  suprêmes  qui  vous  a  été  déléguée  par  le  père  que  nous 
vénérons  tous.  Nos  ouvriers  sont  encore  catholiques  individuellement, 
mais  nos  unions  ouvrières  ne  le  sont  pas,  et  je  croirais  faillir  à  mon 
devoir  et  au  rôle  que  j'ai  cru  me  tracer  ce  soir,  si  je  ne  disais  pas  à  mes 
compatriotes,  dans  cette  grande  cité  de  Montréal  et  dans  toutes  les  villes 
de  la  province  de  Québec,  qu'il  faut  dire  à  l'ouvrier:  Sois  chrétien,  sois 
bon  père  de  famille,  sois  fidèle  à  ton  patron,  redoute  les  sociétés  sans 
religion;  mais  qu'il  faut  aussi,  fidèles  à  la  parole  du  pape  des  ouvriers, 
lui  donner  des  œuvres  pratiques  qui  lui  prouvent  que  la  foi  catholique 
n'est  pas  arriérée,  que  la  foi  catholique  peut  sauvegarder  les  droits  de 
la  conscience;  non-seulement  sauvegarder  les  droits  de  la  conscience, 
mais  qu'elle  peut  aussi  s'allier  fructueusement  à  toutes  les  organisations 
modernes  qui  lui  permettent  de  s'anner  dans  la  lutte  contre  le  capital, 
et  que  la  foi,  greffée  sur  les  organisations  ouvrières,  ne  les  affaiblit  pas, 
mais  leur  donne  une  âme  qui  les  fera  vivre,  vivre  plus  longtemps  que 
les  unions  ouvrières  qui  n'ont  d'autre  but  que  de  tenir  les  ouvriers  en- 
semble pour  la  revendication  de  leurs  appétits  et  la  recherche  d'un  sa- 
laire meilleur. 

Ici  encore  l'Amérique,  l'Amérique  de  l'éminent  évêque  de  St-Paul 
comme  l'Amérique  de  l'éminent  archevêque  de  Montréal,  peuvent  encore 
aller  demander  quelques  leçons  à  ce  petit  pays  où  la  mutualité  chrétienne 
n'est  pas  morte,  à  ce  vaillant  petit  pays  de  Belgique  qui,  comprimé  pen- 
dant cinq  siècles  par  les  nations  étrangères,  a  su  conserver  le  trésor  de 
sa  foi  et  le  trésor  de  son  unité  nationale,  et  prouver  aujourd'hui  au 
monde  entier  que  la  profession  des  principes  catholiques  dans  le  gou- 
vernement, dans  les  lois,  dans  l'administration  n'empêche  pas  un  peuple 
d'être  à  la  tête  de  la  civilisation  et  d'offrir  au  monde  la  solution  la  plus 
pratique  et  la  plus  efficace  des  problèmes  ouvriers  et  des  questions  so- 
ciales. 

Et  s'il  est  un  point  sur  lequel  notre  pensée  doit  s'arrêter  particulière- 
ment, s'il  est  un  point  sur  lequel.  Canadiens  de  langue  anglaise  et  de 
langue  française,  nous  devons,  ce  soir,  et  demain,  en  promenant  dans 
les  rues  de  Montréal  le  Dieu  de  toute  vérité,  de  toute  justice  et  de  tout 
amour,  nous,  unir  dans  ime  commune  résolution  et  une  résolution  pra- 
tique, c'est  celui  d'être  chrétiens  dans  l'éducation  de  nos  enfants.  Ne 
laissons  pas  pénétrer  chez  nous  —  l'ouverture  est  déjà  faite  —  cette  no- 
tion fausse  que  la  religion  est  bonne  à  l'école  primaire,  que  la  religion 
est  bonne  au  collège  classique  qui  forme  les  prêtres,  mais  qu'elle  n'a  rien 
à  voir  dans  l'école  scientifique  ou  dans  l'école  des  métiers.     La  religion 


—  163  — 

fondée  par  le  Fils  du  charpentier  est  plus  nécessaire  encore  à  Touvrier 
qui  peine  et  qui  sue  qu'à  l'aristocrate  de  la  pensée.  Oui,  conservons 
intact,  dans  cette  vieille  province  de  Québec,  le  seul  état  de  l'Amérique 
du  Nord  qui  possède  ce  trésor,  comme  Fa  si  bien  dit  l'éloquent  Juge 
O'Sullivan,  conservons  intact  ce  trésor  de  l'éducation  chrétienne,  qui  ne 
consiste  pas  seulement  dans  l'enseignement  pendant  quelc|ues  minutes 
des  dogmes,  j'oserais  dire,  théoriques  de  la  religion,  mais  qui  consiste 
surtout,  si  me  permettent  de  m'exprimer  ainsi  les  éminents  théologiens 
qui  m'écoutent,  qui  consiste  surtout,  au  point  de  vue  de  la  foi  pratique 
et  vécue,  dans  la  pénétration  de  toutes  les  sciences  et  de  toutes  les  no- 
tions humaines  par  l'idée  religieuse,  par  l'adoration  du  Christ. 

Xous  nous  glorifions  à  bon  droit  d'avoir  conservé  ce  trésor  dans  la 
province  de  Québec,  et  de  même  qu'il  y  a  un  instant  Je  vous  prêchais 
l'évangile  de  la  charité  sociale  contre  le  dur  égoïsme  de  l'individu.  Je 
vous  prêche  maintenant  l'évangile  de  la  charité  nationale  contre  l'é- 
goïsme  des  provinces.  Et  la  province  de  Québec  ne  mériterait  pas  son 
titre  de  fille  aînée  de  l'Eglise  catholique  au  Canada  et -en  Amérique  si 
elle  se  désintéressait  de  toutes  les  causes  catholiques  des  autres  provinces 
de  la  confédération. 

Nous  avons  bien  fait  —  et  permettez-moi,  Eminence,  qu'au  nom  de 
mes  compatriotes  Je  revendique  pour  eux  riionneur  d'avoir  les  premiers 
accordé  à  ceux  qui  ne  partagent  pas  leurs  croyances  religieuses  la  plé- 
nitude de  leur  liberté  en  matières  scolaires  —  nous  avons  bien  fait,  mais 
nous  avons  acquis  par  là  le  droit  et  le  devoir  de  réclamer  la  plénitude 
des  droits  des  minorités  catholiques  dans  toutes  les  provinces  de  la 
confédération.  Et  à  ceux  qui  vous  diront  que  là  où  on  est  faible,  là  où 
on  n'est  pas  nombreux,  là  où  on  n'est  pas  riche,  on  n'a  pas  le  droit  de 
réclamer,  mais  l'on  n'a  que  le  droit  de  s'agenouiller  et  de  (luémander, 
Je  réponds  :  Catholiques  du  Canada,  traversez  les  mers,  abordez  le  sol 
de  la  protestante  Angleterre,  faites  revivre  l'ombre  majestueuse  d'un 
Wiseman,  d'un  Manning  et  d'un  Yaughan,  si  dignement  représentés  par 
un  Bourne,  et  allez  voir  si  là  les  minorités  quémandent  la  charité  du 
riche  et  du  fort.  Les  minorités,  fières  de  leur  titre  de  catholiques,  et 
non  moins  fières  de  leurs  droits  de  citoyens  britanniques,  réclament,  au 
nom  du  droit,  de  la  Justice  et  de  la  constitution,  la  liberté  d'enseigner 
à  leurs  enfants  ce  qu'ils  ont  appris  eux-mêmes.  Et  l'Angleterre  a  com- 
mencé à  se  convertir  au  catholicisme  le  Jour  où  la  minorité  catholique 
anglaise,  réveillée  par  le  mouvement  d'Oxford,  a  cessé  d"être  une  mino- 
rité cachée  pour  devenir  une  minorité  combattive. 

Nous  aussi  nous  sommes  citoyens  britanniques,  nous  aussi  nous  avons 
versé  notre  sang  pour  conserver  à  l'empire  son  unité  et  sa  puissance,  et 
nous  avons  acquis,  Je  ne  dirai  pas  par  les  traités,  —  Je  n'en  veux  pas  — 
mais  Je  dirai  que  nous  avons  acquis  par  l'éternel  traité  de  la  Justice  qui 
fut  scellé  sur  la  montagne  du  calvaire,  par  le  saiiir  du  Christ,  le  droit 
de  demander  à  tous  les  chrétiens,  fussent-ils  méthodistes,  presbytériens 
ou  anglicans,  le  droit  d'élever  des  enfants  catholiques  sur  cette  terre  du 
Canada,  qui  n'est  anglaise  aujourd'hui  que  parce  que  les  catholiques 
l'ont  défendue  contre  les  protestants  en  révolte  des  Etats-Unis. 

Ayant  formulé  quelques-unes  des  résolutions  que.  J'espère,  nous  avons 
déjà  prises  comme  nation,  (|ue  nous  fortifierons  demain  en  faisant  cor- 


—  164  — 

tège  au  Christ  Jésus,  je  vous  demande  maintenant  d'adopter  avec  moi 
d'autres  résolutions,  qui  n'ont  plus  pour  objet  la  revendication  de  nos 
droits  et  nos  relations  avec  ceux  qui  ne  partagent  pas  nos  croyances, 
mais  qui  ont  pour  objet  principal  l'union  de  tous  les  catholiques  dans 
la  pensée  d'une  commune  dévotion  à  l'Eucharistie,  à  la  vierge  Marie  et 
au  pape,  que  l'on  a  si  bien  définie  ce  soir  comme  les  trois  principaux 
chaînons  de  la  foi  des  catholiques.  Et  je  remercie  du  fond  du  cœur 
l'éminent  archevêque  de  Londres,  qui  a  bien  voulu  ce  soir  toucher  du 
doigt  l'un  des  problèmes  les  plus  inquiétants ....  non,  non,  mais  un  des 
problèmes  qui  offrent  quelques  difficultés  de  solution  pour  l'église  catho- 
lique au  Canada. 

L'éminent  archevêque  a  parlé  de  la  question  de  langue.  Il  nous  a 
peint  l'Amérique  tout  entière  comme  vouée  dans  l'avenir  à  l'usage  de 
la  langue  anglaise,  et  au  nom  des  intérêts  catholiques  il  nous  a  demandé 
de  faire  de  cette  langue  l'idiome  habituel  dans  lequel  l'Evangile  serait 
prêchée  au  peuple. 

Ce  problème  épineux,  ces  relations  un  peu  difficiles  qui  existent  sur 
certains  points  du  territoire  canadien  entre  catholiques  de  langue  an- 
glaise et  catholiques  de  langue  française,  pourquoi  ne  pas  l'aborder 
franchement,  au  pied  du  Christ  où  nous  devons  être»capables  de  marcher 
sur  des  préjugés  pour  chercher  la  solution  de  ce  problème  dans  les  hau- 
teurs sublimes  de  la  foi,  de  l'espérance  et  de  la  charité.  Et  à  ceux 
d'entre  vous,  mes  frères  par  la  langue,  qui  parlez  parfois  durement  de 
vos  compatriotes  irlandais,  permettez-moi  de  vous  dire  que,  quels  que 
puissent  être  les  conflits  locaux,  l'Eglise  catholique  tout  entière  doit  à 
l'Irlande  et  à  la  race  irlandaise  une  dette  que  tout  catholique  a  le  devoir 
d'acquitter.  L'Irlande  a  donné  pendant  trois  siècles,  sous  la  persécution 
violente  et  sous  l'attentat  plus  insidieux  des  époques  de  paix,  un  exemple 
de  persévérance  dans  la  foi  et  d'esprit  de  corps  dans  la  revendication  de 
ses  droits  que  tout  peuple  catholique  doit  lui  envier  au  lieu  de  lui  en 
faire  reproche.  A  ceux  d'entre  vous  qui  disent  :  L'Irlandais  a  perdu  sa 
langue,  c'est  un  renégat  national,  et  il  veut  nous  enlever  la  nôtre,  je  dis  : 
Non.  Si  nous  avions  passé  par  les  mêmes  épreuves  que  l'Irlandais  a 
subies,  il  y  aurait  peut-être  longtemps  déjà  que  nous  aurions  perdu  notre 
langue.  Donc,  laissons  à  l'Irlandais  comme  à  l'Ecossais,  à  l'Allemand 
comme  au  Buthène,  aux  catholiques  de  toutes  les  nations  qui  abordent 
sur  cette  terre  hospitalière  du  Canada,  le  droit  de  prier  Dieu  dans  la 
langue  qui  est  en  même  temps  celle  de  la  race,  celle  du  pays,  celle  du 
père,  celle  de  la  mère.  N'arrachez  à  personne,  0  prêtres  du  Christ!  ce 
qui  est  le  plus  cher  à  l'homme  après  le  Dieu  qu'il  adore.  Soyez  sans 
crainte,  vénérable  archevêque  de  Westminster,  sur  cette  terre  canadienne, 
et  particulièrement  sur  cette  terre  française  de  Québec,  nos  pasteurs, 
comme  toujours,  prodigueront  aux  fils  exilés  de  votre  patrie  comme  à  ceux 
de  la  verte  Irlande,  tous  les  secours  de  la  religion  dans  la  langue  de  leurs 
pères,  soyez-en  certain.  Mais  en  môme  temps,  permettez-moi,  —  per- 
mettez-moi, Eminence  —  de  revendiquer  le  même  droit  pour  mes  com- 
patriotes, pour  ceux  qui  parlent  ma  langue,  non-seulement  dans  cette 
T)rovinco,  mais  partout  où  il  y  a  des  groupes  français  qui  vivent  à  l'ombre 
du  di-apeau  l)ritanni(|uo,  dn  glorieux  étendard  étoile,  et  surtout  à  l'omhre 
de  la  houlette  maternelle  de  l'Eglise  Catholique,  de  l'Eglise  du  Christ, 


—  165  — 

qui  est  mort  pour  tous  les  hommes  et  qui  n*a  imposé  à  personne  l'obli- 
gation de  renier  sa  race  pour  lui  rester  fidèle. 

Je  ne  veux  pas  par  un  nationalisme  étroit  dire  ce  qui  serait  le  con- 
traire de  ma  pensée,  et  ne  dites  pas,  mes  frères,  ne  dites  pas,  mes  com- 
patriotes, que  l'église  catholique  doit  être  française  au  Canada  ;  non  ; 
mais  dites  avec  moi  que  la  meilleure  sauvegarde  de  la  conservation  de 
la  foi  chez  trois  millions  de  catholiques  d'Amérique,  qui  furent  les  pre- 
miers apôtres  de  la  chrétienté  en  Amérique,  que  la  meilleure  garantie 
de  cette  foi  c'est  la  conservation  de  l'idiome  dans  lequel,  pendant  trois 
cents  ans,  ils  ont  adoré  le  Christ.  Quand  le  Christ  était  attaqué  par  les 
Iroquois,  quand  le  Christ  était  renié  par  les  Anglais,  quand  le  Christ 
était  comJDattu  par  tout  le  monde  excepté  par  eux,  ils  l'ont  confessé  dans 
leur  langue. 

Mais  il  y  a  plus.  Le  sort  de  trois  millions  de  catholi(|ues,  j'en  suis 
certain,  ne  peut  pas  être  indifférent,  pas  plus  au  cœur  de  Pie  X  qu'à 
celui  de  l'éminent  cardinal  qui  le  représente  ici. 

Mais  il  y  a  plus  encore.  Non  pas  parce  que  nous  sommes  supérieurs 
à  personne,  mais  parce  que,  dans  ses  décrets  insondables  qu'il  n'appar- 
tient à  personne  de  juger,  la  Providence  a  voulu  que  le  tronc  principal 
de  cette  transplantation  française  en  Amérique  constituât  un  coin  de 
terre  où  l'état  social,  religieux  et  politique,  se  rapproche  le  plus  de  ce 
que  l'église  catholique,  apostolique  et  romaine  nous  enseigne  comme 
étant  l'état  le  plus  désirable  des  sociétés.  Nous  n'avons  pas,  —  qu'on 
me  pardonne  de  rompre  avec  les  formules  de  la  diplomatie  usitées  même 
dans  des  occasions  comme  celle-ci  —  nous  n'avons  pas  au  Canada  l'union 
de  l'église  et  de  l'état  ;  ne  nous  payons  pas  de  mots,  nous  avons  au  Ca- 
nada, et  surtout  dans  la  province  de  Québec,  —  je  pourrais  dire  presque 
exclusivement  dans  la  province  de  Québec  —  la  concorde,  la  bonne  en- 
tente entre  les  autorités  civiles  et  religieuses.  Il  est  résulté  de  cette 
concorde  que  nous  avons  dans  cette  province  des  lois  qui  nous  permettent 
de  donner  à  l'église  catholique  un  organisme  social  et  civil  qu'eUe  ne 
trouve  nulle  part  ailleurs  dans  l'Empire  Britannique  tout  entier.  Grâce 
à  nos  lois,  les  diocèses  s'organisent,  les  paroisses  se  fondent.  Les  pa- 
roisses !  Oh  !  la  petite  paroisse  de  Québec,  cette  petite  paroisse  échelonnée 
depuis  le  golfe  de  Gaspé  jusqu'au  lac  Témiscamingue,  cette  petite  pa- 
roisse dont  l'église  est  le  centre,  et  qui  faisait  dire  à  l'apôtre  qui  s'appe- 
lait l'évêque  de  Nancy,  monseigneur  de  Forbin-Janson.  "  0  Canadiens- 
français  !  aux  cœurs  d'or  et  aux  clochers  d'argent",  c'étaient  les  deux 
traits  qui  l'avaient  frappé  chez  nous,  petite  paroisse  canadienne,  où  se 
concentre  l'effort  du  plus  humble  comme  du  plus  riche  des  citoyens  ca- 
tholiques, dont  l'organisation,  le  mode  d'impôts  et  le  fonctionnement 
sont  garantis  par  la  loi  de  notre  province,  c'est  l'assise  sociale  la  plus 
forte  de  l'église  catholique  en  Amérique. 

Nos  lois  reconnaissent  encore,  dans  la  province  de  Québec  seulement, 
la  constitution  des  communautés  religieuses  tel  que  l'Eglise  peut  les  dé- 
sirer. 

Quel  a  été  le  résultat  ?  C'est  que,  débarrassée  des  soucis  matériels, 
n'étant  pas  obligée,  comme  les  prêtres  de  la  plupart  des  autres  pays,  et 
comme  les  évoques  aussi,  de  rechercher  toutes  sortes  de  inovens  artificiels 
et  incertains  pour  constituer  l'église  civilement  et  socialement,  l'église 


—  166  — 

c;Uholi(|iie  dans  la  province  de  Québec,  en  repos  du  côté  des  lois,  a  pu 
ilonner  la  plénitude  de  son  effort  d'apostolat,  et  cet  effort  est  allé  plus 
loin  encore  que  le  diocèse  de  l'illustre  archevêque  de  St-Paul.  De  cette 
petite  province  de  Québec,  de  cette  poignée  de  Français,  dont  la  langue, 
dit-on,  est  appelée  à  disparaître,  sont  sortis  les  trois  quarts  du  clergé  de 
l'Amérique  du  Nord,  qui  est  venu  puiser  au  séminaire  de  Québec  ou  à 
St-Sulpice  la  science  et  la  vertu  qui  ornent  aujourd'hui  le  clergé  de  la 
grande  république  américaine,  comme  le  clergé  de  langue  anglaise  aussi 
bien  que  le  clergé  de  langue  française  du  Canada. 

Vous  avez  visité  nos  communautés  religieuses,  vous  êtes  allé  chercher 
dans  les  couvents,  dans  les  hôpitaux  et  dans  les  collèges  de  Montréal  la 
preuve  de  la  foi  du  peuple  canadien-français  ;  mais  il  vous  faudrait  rester 
deux  ans  en  Amérique,  il  vous  faudrait  parcourir  quatre  mille  cinq  cents 
kilomètres  de  chemin,  depuis  le  Cap-Breton  jusqu'à  la  Colombie  An- 
glaise, et  la  moitié  de  la  glorieuse  république  américaine,  pour  trouver 
les  fondations  de  toutes  sortes,  collèges,  couvents,  hôpitaux,  asiles; 
partout  oii  la  foi  doit  se  faire  entendre,  partout  où  la  charité  catholique 
doit  s'exercer,  vous  trouverez  là  des  filles  de  ces  institutions  mères  que 
vous  avez  visitées  ici.  IsTon  pas,  encore  une  fois,  que  les  Canadiens-fran- 
çais aient  été  meilleurs  que  les  autres,  mais  parce  que  la  Providence  leur 
a  permis  d'êtres  les  apôtres  de  l'Amérique  du  Nord. 

C'est  pourquoi  je  dis:  Que  l'on  se  garde,  que  l'on  se  garde  bien  d'é- 
teindre ce  foyer  intense  de  lumière  qui  luit  et  qui  éclaire  tout  un  con- 
tinent depuis  trois  siècles;  que  l'on  se  garde  de  tarir  cette  source  de 
charité  qui  va  consoler  les  pauvres,  qui  va  soigner  les  malades,  qui  va 
soulager  les  infirmes,  qui  va  recueillir  les  malheureux  partout  et  qui  fait 
aimer  l'église  de  Dieu,  le  pape  et  les  évêques  de  toutes  langues  et  de 
toutes  races. 

]\Iais,  dira-t-on,  vous  n'êtes  qu'une  poignée.  C'est  vrai  ;  mais  ce  n'est 
pas  à  l'école  du  Christ  que  j'ai  appris  à  compter  les  forces  morales 
d'après  le  nombre  et  par  les  richesses.  ISTous  ne  sommes  qu'une  poignée, 
c'est  vrai,  mais  nous  comptons  pour  ce  que  nous  sommes,  et  quant  à  moi, 
je  n'ai  qu'une  parole  à  ajouter  : 

Douze  apôtres,  méprisés  de  leur  temps  par  tout  ce  qu'il  y  avait  de 
riche,  d'influent  et  d'instruit,  ont  conquis  le  monde.  Je  ne  dis  pas  : 
laissez  aux  Canadiens-français  conquérir  l'Amérique.  Ils  ne  le  deman- 
dent pas.  Xous  vous  disons  simplement:  Laissez-nous  faire  notre  part. 
Eappelez-vous.  qu'au  lendemain  de  la  mort  du  Christ,  lorsque  saint 
Pierre  voulut  séparer  les  Hébreux  des  Gentils,  saint  Paul,  l'apôtre  des 
nations,  lui  fit  comprendre  qu'il  devait  être  le  père  de  toutes  les  races, 
do  toutes  les  langues.  Le  pape  le  comprit,  et  depuis  dix-neuf  cents  ans 
il  n'y  a  pas  eu  de  pape  hébreux,  de  pape  romain,  de  pape  italien,  de  p3.pe 
français,  ils  ont  tous  été  des  papes  catholiques,  pères  de  toute  la  grande 
famille  catholique. 

Montons  plus  haut,  montons  jusqu'au  calvaire,  et  là,  sur  cette  petite 
montagne  de  Judée,  qui  n'était  pas  bien  haute  dans  le  monde,  prenons 
la  leçon  do  la  tolérance  et  de  la  charité  chrétienne;  et  de  même  que  les 
peuples  de  ranti(iuité,  dans  l'attente  du  salut,  montèrent  jusqu'au  Christ 
pour  en  recevoir  le  mot  de  la  rédemption  éternelle,  de  même  depuis  le 
Christ  toutes  races  et  toutes  nations,  lavant  dans  ^on  sang  leurs  pré- 


—  16T  — 

jugés,  se  sont  entendues  pour  constituer  l'église  du  Christ.  C'est  ce  que 
nous  voulons  faire,  ni  plus  ni  moins.  Et  c'est  pourquoi,  dans  le  Christ 
et  dans  l'amour  commun  de  l'Eucharistie,  je  suis  convaincu  que  toutes 
les  races  en  Canada  sauront  s'unir  pour  respecter  le  donuùue  particulier 
de  chacun,  pour  conserver  les  forces  d'expansion  nationales  de  chacun, 
pour  conserver  à  chacun  le  domaine  qui  lui  est  propre,  afin  de  les  unir 
tous  ensemble  pour  la  gloire  de  l'église  universelle,  pour  le  triomphe  du 
Christ  et  de  la  papauté,  et  j'ajouterai  en  terminant,  pour  la  sécurité  de 
l'Empire  Britannique,  car  c'est  dans  l'unité  de  foi  des  catholiques  cana- 
diens, canadiens-français  comme  les  autres,  que  l'Empire  Britannique 
trouvera,  dans  l'avenir  comme  dans  le  passé,  la  plus  grande  sécurité  de 
sa  domination  au  Canada. 


DISCOURS  DE  M.  GERLIER 

Eminexces, 

Messeigxeurs, 

Mesdames, 

Messieurs, 

En  prenant  la  parole  dans  cette  assemblée  incomparable,  après  tant 
d'éminents  orateurs,  j'éprouve  comme  une  véritable  angoisse,  l'angoisse 
de  ne  pas  trouver  d'expression  capable  de  dignement  traduire  ma  recon- 
naissance profonde  envers  l'éminent  archevêque  de  Montréal,  envers  les 
organisateurs  de  ce  congrès  pour  l'immense  honneur  qu'ils  ont  fait  à  la 
jeunesse  catholique  de  France  en  lui  permettant,  ne  fusse  que  d'un  mot, 
de  joindre  sa  voix  à  toutes  les  voix  qui  depuis  plusieurs  jours  s'élèvent 
pour  célébrer  la  Très  Sainte  Eucharistie. 

Mais  si  ma  reconnaissance  est  immense  c'est  parce  que  dans  cette 
pensée,  j'ai  senti  le  désir  do  "vous  faire  entendre,  à  vous,  C'anadicn?,  par 
la  voix,  d'abord,  de  ses  prélats  les  plus  illustres  et  par  la  voix  aussi  d'un 
de  ses  plus  modestes  enfants,  l'écho  de  cette  vraie  France,  de  la  France 
qui  croit,  de  la  France  qui  prie,  de  la  France  qui  lutte,  de  la  France  qui 
souffre,  mais  aussi  de  la  France  qui  espère  indéfectiblement. 

Et  ils  sont  noml)reux,  je  vous  l'assure,  ces  jeunes  gens  au  nom  des- 
quels ici  je  voudrais  faire  retentir  le  cri  de  notre  amour  et  de  notre 
vénération  ;  ils  sont  nombreux  ceux  qui  se  sont  levés  par  toute  la  France, 
ardents  et  fiers,  pour  défendre  ou  pour  reconquérir  l'âme  de  leur  patrie, 
ceux  qui,  malgré  les  difficultés  et  malgré  les  obstacles,  luttent,  travaillent 
et  prient  Dieu,  non  pas  de  leur  faire  connaître  les  joies  ineffables  de  la 
victoire,  mais  de  leur  donner  seulement  la  joie  profonde  que  lorsqu'ils 
iront  à  leur  tour  se  coucher  près  des  ancêtres  dans  la  .terre  de  France, 
ils  aient  la  certitude  invincible  (ju'ajirès  eux  et  ]iar  eux  d'autres  vien- 
dront qui  salueront  le  triomphe  radieux  de  la  cause  à  laquelle  ils  ont 
donné  leur  vie. 

Et  cette  France-là,  ab  !  je  puis  bien  le  dire  ici,  cette  France-là.  le  pape 

l'a  bénie. 


—  168  — 

C'était  il  y  a  quinze  mois  à  peine;  Eome  célébrait  avec  magnificence 
la  béatification  de  cette  héroïne  dont  son  évêque  vous  parlait  hier  avec 
tout  son  cœur,  et  dans  St-Pierre  une  foule  immense  se  pressait.  Il  y  avait 
là  quarante  mille  hommes,  et  il  y  avait  là  aussi  le  drapeau  de  la  jeunesse 
catholique  d'Orléans.  Et  voici  qu'à  l'heure  où  le  pape  se  frayait  dans 
la  foule  un  chemin  difficile,  voici  que  par  la  permission  divine  l'humble 
petit  drapeau  vient  effleurer  son  siège  auguste.  Et  alors  se  passa  un 
fait  inoui.  Le  pape,  apercevant  ce  drapeau,  le  saisit  d'un  geste  d'amour 
et  il  le  porta  à  ses  lèvres  augustes. 

Oh  !  ce  baiser  du  pape  dans  les  plis  de  notre  drapeau,  n'était-ce  pas,  Je 
vous  le  demande,  le  sublime  pardon  de  la  Sainte  Eglise  à  la  nation  qui 
demeure  sa  fille  aînée. 

Voilà  pourquoi  il  convenait  que  les  jeunes  de  Erance  s'unissent  à  vous 
dans  cette  exclamation  d'amour;  voilà  pourquoi  ils  ont  voulu  par  l'un 
des  leurs  venir  sur  ce  sol  acclamer  le  Dieu  que  leurs  ancêtres  y  ont 
apporté;  et  voilà  pourquoi,  au  terme  de  ces  inoubliables  journées,  dans 
une  pensée,  dans  une  prière  où  je  voudrais  mettre  toute  mon  âme,  je 
voudrais  m'écrier  avec  vous  :  0  Jésus  !  qui  avez  tant  aimé  les  hommes 
et  que  les  hommes  ont  tant  méconnu,  voici  qu'une  foule  immense  est 
assemblée,  composée  de  toutes  les  nations  du  monde,  qui  tour  à  tour 
sont  venues  ici  renouveler  le  serment  de  leur  fidélité  :  Oh  !  que  dans  cette 
acclamation  glorieuse  votre  bonté  daigne  écouter  l'humble  mais  ardente 
clameur  des  jeunes,  de  cette  France  des  jeunes  qui  aiment  le  Christ  de 
toute  leur  âme  et  qui  croient  que  le  Christ  n'a  pas  cessé  d'aimer  les 
Francs. 

La  séance  qui  se  termine  tard,  comme  celle  de  la  veille, 
est  close  comme  la  précédente  par  le  chant  national  :  O  Ca- 
nada, terre  de  nos  aïeux. 


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—  169  — 


CHAPITRE  III 


LA  SECTION  FRANÇAISE 


Pour  réaliser  le  vaste  programme  des  travaux  inscrits  à 
l'ordre  du  jour  du  Congrès,  de  même  que  pour  donner  satis- 
faction à  un  public  trop  nombreux  pour  être  contenu  dans 
une  unique  salle  de  conférences,  il  avait  été  décidé  que,  du- 
rant les  trois  jours  du  Congrès,  deux  Séances  Générales  se 
tiendraient  simultanément  chaque  matin,  de  10  heures  à 
midi,  en  deux  locaux  différents. 

Deux  magnifiques  salles  avaient  été  mises  gracieusement 
à  la  disposition  du  Comité  des  Travaux  :  —  Tune  était  le  Salle 
de  Promotion  de  l'Université  Laval  ;  l'autre  le  théâtre  du  Mo- 
nument National,  offert  par  la  Société  St-Jean-Baptiste. 

Ces  deux  locaux  spécialement  aménagés  pour  conférences 
ou  concerts,  avec  leurs  galeries  circulaires,  et  leur  hémicycle 
en  forme  de  scène,  se  prêtaient  d'autant  mieux  aux  travaux 
des  Séances  du  Congrès,  qu'ils  sont  situés  au  centre  de  la 
ville. 

Dans  chacune  des  deux  salles  pouvaient  prendre  place  1800 
à  2000  personnes  placées  dans  les  meilleures  conditions  pour 
voir  et  pour  entendre  les  rapporteurs. 

Un  Comité  de  publicité,  composé  de  prêtres  désignés  à 
l'avance,  faisait  recueillir  et  livrait  chaque  jour  à  la  presse 
le  compte-rendu  de  toutes  les  séances  d'études  tenues  dans  la 
journée.  Nous  devons  lui  rendre  le  témoignage  qu'il  s'est  ha- 
bilement acquitté  de  son  rôle  et  qu'il  a  bien  mérité  du  Cou- 
grès. 

Ce  fut  aussi  une  délicate  pensée  de  Sa  Grandeur  Mgr  l'Ar- 
chevêque de  Montréal  d'inviter,  par  l'intermédiaire  du  Comité 
des  Travaux,  les  Evêques  des  principaux  sièges  de  la  Pro- 
vince civile  de  Québec  à  présider  chacune  des  séances  du 
Congrès 


— 170  — 

Du  reste  à  toutes  ces  Séances  de  travail  se  pressa  tous  les 
jours  une  foule  avide  et  choisie.  Cette  soif  constante  de  vé- 
rité religieuse  fait  grand  lionneur  à  notre  population,  et 
montre  qu'au  Canada,  comme  dans  la  vieille  Europe,  les 
choses  de  l'intelligence  attirent  et  captivent  le  peuple. 

C'est  donc  avec  raison  que  Mgr  Bruchési  conviait  à  Mont- 
réal tant  d'orateurs  et  d'écrivains  distingués,  sûr  qu'il  était, 
qu'ils  seraient  goûtés  et  appréciés  à  leur  juste  valeur,  par  le 
public  canadien. 


ARTICLE    I 

LES    SEANCES    DU   JEUDI  —  8    septembre. 


1      A  L  UNIVERSITÉ   LAVAL. 

Au  fauteuil  de  la  présidence  est  assis  Mgr  Eumeau,  évêque 
d'Angers  (France)  ayant  à  ses  côtés,  Mgr  Emard,  évêque  de 
Valleyfield  et  M.  l'abbé  Lecoq,  Supérieur  de  St-Sulpice  fai- 
sant office  de  Secrétaire.  Autour  du  président,  sur  l'estrade 
on  remarquait  queliques  évêques,  M.  le  Chanoine  Gauthier, 
Président  du  Comité  des  Travaux,  et  les  divers  rapporteurs. 

Cette  première  séance  doit  être  consacrée  uniquement  à  des 
travaux  historiques  concernant  le  Ste-Eucharistie  et  son 
culte.    C'est  comme  une  préface  des  Etudes  du  Congrès. 

Après  la  prière  d'usage  et  l'invocation  au  St-Esprit,  Mgr  le 
Président  remercie  les  organisateurs  du  Congrès  de  leur  dé- 
licatesse qui  leur  a  fait  choisir  pour  présider  cette  première 
séance  un  évêque  français.  C'est  que,  dit-il,  "  au  Canada  l'on 
"  est  resté  français  par  l'esprit,  par  le  cœur,  par  le  souvenir  ; 
"l'on  n'a  pas  oublié  la  France  qui  fut  la  mère-patrie,  et  cela 
"  console  des  douleurs  de  la  France  présente.  "  Sa  Grandeur 
rappelle  les  deux  pures  gloires  angevines  qui  ont  brillé  sur  le 
berceau  de  Ville-^Nfarie  :  La  Dauversière  et  Jeanne  Mance. 

^r.  le  chanoine  Ciauthier,  curé  de  la  Cathédrale.  Président 
du  Comité  des  Travaux,  donne  ensuite  lecture  du  premier 
rapport  :  "  T/Eiirlinrisiie  et  le.  Canon  primitif  de  la  il/p.s.se  ",  qui 
lui  a  été  confié  personnellement  par  l'auteur  même,  Dom  Sou- 
hen.  Bénédictin  de  Solesme.  Ce  travail,  du  plus  haut  intérêt, 
recherche  de  quelle  façon  nos  pères  s'y  prenaient,  avant  le 


—  171  — 

IVe  et  Ve  siècles  pour  entourer  de  nos  prières  liturgiques  la 
consécration  du  pain  et  du  vin.  Au  fond,  ce  travail  fait  l'his- 
torique de  la  formation  du  Canon  primitif  de  la  messe,  et 
c'est  à  l'aide  de  documents  inédits,  récemment  découverts 
par  Dom  Cagin,  érudit  bénédictin,  qu'il  a  été  fait.  C'est  un 
honneur  pour  le  Congrès  de  Montréal  d'avoir  eu  la  primeur 
d'un  tel  mémoire  qui,  du  reste,  a  été  fort  applaudi. 


Le  Canon  primitif  de  la  Messe 

Nos  congrès  eucharistiques  ont  pour  but  de  glorifier  en  toutes  ma~ 
nières  le  phis  vénérable  des  sacrements.  Xous  imitons  ainsi  les  cons- 
tantes préoccupations  de  l'Eglise  qui  s'est  toujours  efforcée  d'entourer 
de  gloire  et  d'honneur  la  célébration  du  divin  sacrifice.  Les  érudits, 
cantonnés  aujourd'hui  dans  l'étude  des  anciens  monuments  liturgiques, 
rendent  justice  à  ses  efforts.  Combien  il  serait  intéressant  pour  nous  de 
remonter  au  delà  des  IVe  et  Ve  siècles,  de  savoir  comment  nos  premiers 
pères  dans  la  foi  s'y  prenaient,  comment  ils  s'entendaient  déjà  à  en- 
châsser le  saint  sacrifice  dans  une  formule  d'actions  de  grâces  !  Mais 
esi-il  possible  de  mettre  la  main  sur  des  textes  réputé>  introuvables  ? 
E£sa3'ons. 


Xous  lisons,  dans  les  fragments  des  palim]isestos  de  \'érone  publiés 
par  Hauler,  une  assez  courte  formule  d'anaphore  ou  de  Canon,  dont 
voici  la  traduction  : 

"  Que  les  diacres  présentent  à  l'évêque  l'oblation.  et  qu'imposant  les 
mains  sur  elle  avec  tout  le  presbytérium,  il  dise,  rendant  grâces  :  Le 
Seigneur  soit  avec  nous  !  Et  que  tous  disent  :  Et  avec  votre  esprit.  —  En 
haut  les  cœurs  !  —  Nous  les  dirigeons  vers  le  Seigneur.  —  Rendons 
grâces  au  Seigneur.  —  Cela  est  digne  et  juste. 

"Et  qu'il  poursuive  ainsi:  Nous  vous  rendons  grâces,  ô  Dieu,  par 
votre  Fils  bien-aimé  Jésus-Christ,  que  dans  les  derniers  temps  vous 
avez  envoyé  Sauveur  et  Eédempteur  et  messager  (ange)  de  votre  vo- 
lonté; qui  est  votre  verbe  inséparable,  par  qui  vous  avez  fait  toutes 
choses  et  (en  qui)  vous  vous  êtes  complu;  (que)  vou.s  avez  envoyé  du 
ciel  dans  le  sein  de  la  Vierge,  et  qui  dans  ses  entrailles  s'est  incarné  et  a 
manifesté  votre  Fils,  étant  né  du  Saint-Esprit  et  de  la  Vierge:  qui, 
accomplissant  votre  volonté  et  conquérant  pour  vous  un  peuple  saint,  a 
étendu  ses  mains,  lorsqu'il  souff'rit,  pour  délivrer  par  sa  passion  ceux  qui 
ont  cru  en  vous;  qui,  lorsqii'il  était  livré  à  sa  passion  librement  acceptée 
pour  détruire  la  mort  et  rompre  les  liens  du  diable  et  fouler  aux  pieds 
l'enfer  et  illuminer  les  justes  et  fixer  un  terme  (au  monde?)  et  mani- 
fester la  résurrection,  a  dit,  prenant  du  pain  (et)   rendant  grâces:  Fie- 


—  172  — 

nez,  mangez:  ceci  est  mon  corps  qui  sera  rompu  pour  vous.  Semblable- 
ment  (il  prit)  le  calice,  disant:  Ceci  est  mon  sang  qui  est  répandu  pour 
vous;  lorsque  vous  faites  ceci,  vous  faites  commémoration  de  moi.  Nous 
son  venant  donc  de  sa  mort  et  de  sa  résurrection,  nous  vous  offrons  le 
pain  et  le  calice,  vous  rendant  grâces,  parce  que  vous  nous  avez  faits 
dignes  de  nous  tenir  devant  vous  et  de  vous  servir.  Et  nous  demandons 
que  vous  envoyiez  votre  Esprit  Saint  sur  l'oblation  de  la  sainte  Eglise, 
que  (les)  associant  en  un  seul  (tout),  vous  donniez  à  tous  les  saints  qui 
(la)  reçoivent  la  plénitude  de  l'Esprit-Saint  pour  la  confirmation  de  la 
foi  dans  la  vérité,  afin  que  nous  vous  louions  et  glorifiions  par  votre  Fils 
Jésus-Christ,  par  qui  (soit)  à  vous  gloire  et  honneur,  au  Père  et  au  Fils 
avec  l'Esprit-Saint,  dans  votre  sainte  Eglise,  maintenant  et  pour  les 
siècles.     Ainsi  soit-il."  (1) 

Le  morceau  qu'on  vient  de  lire  est  évidemment  une  préface.  Mais 
cette  préface  contient  les  éléments  principaux  du  Canon  de  la  Messe 
dans  toutes  les  liturgies  :  récit  de  la  Cène,  paroles  de  la  consécration, 
anamnèse,  oblation  du  sacrifice,  épiclèse  rudimentaire  en  vue  de  la  com- 
munion des  fidèles,  doxologie  trinitaire. 

Cette  prière  est  donc  à  la  fois  une  préface  et  une  messe.  C'est  une 
messe  embryonnaire,  où  le  mouvement  de  l'action  de  grâces  se  pour- 
suit du  commencement  à  la  fin  et  dont  les  phrases,  jusqu'aux  paroles  de 
la  consécration,  sont  reliées  entre  elles  par  des  pronoms  relatifs  qui  les 
rattachent  toutes  à  la  personne  du  Sauveur.  Cette  messe  est  donc  une 
eucharistie  dans  toute  la  force  du  terme,  une  action  de  grâces  propre- 
ment dite  jusque  dans  ses  formes  extérieures. 


ir. 

Toutefois,  au  premier  coup  d'œil,  on  s'aperçoit  qu'il  lui  manque  deux 
éléments  qui  ont  pris  une  grande  importance  dans  les  canons  actuels: 
les  Diptyques  et  le  Sanctus. 

Les  diptyques,  ce  sont  les  prières  d'intercession  en  faveur  des  vivants 
et  des  morts,  dont  les  noms  étaient  insérés  par  l'évêque  dans  la  récitation 
des  formules,  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui,  par  rapport  au  canon 
romain,  le  Mémento  des  vivants  et  celui  des  défunts.  Mais  les  litur- 
gistes  s'accordent  à  penser  que  la  place  des  diptyques  a  été  changée  (2), 
qu'ils  ont  été  versés  au  Canon  à  une  époque  relativement  tardive,  lors- 
que la  continuité  de  cette  préface  eucharistique,  qui  constituait  la  messe 
primitive,  avait  déjà  été  troublée.  Ainsi,  il  n'y  a  pas  lieu ^de  s'étonner 
si  on  ne  les  retrouve  pas  ici,  dans  un  document  qui  a  précisément  les 
allures  d'une  préface. 


(1)  Hauler,  Didascaliœ  Apostolorum  fragmenta  veronensia,  p.  lOG  et  sq. 

(2)  Les  répugnances,  autrefois  formulées  sur  ce  point,  ne  sauraient  tenir 
contre  les  nouvelles  observations  par  lesquelles  Dom  Cagin  renforce  aujourd'hui 
les  conclusions  déjil  proposées  dans  la  Paléographie  musicale,  et  désormais  en- 
trées dans  la  circulation. 


—  173  — 

Mais  le  Sanctus?  Eh  bien,  le  Sanctus  non  plus  n'est  pas  primitif, 
©t  l'on  aurait  pu  s'en  douter  plus  tôt,  si  l'on  avait  prêté  attention  à  une 
notice  du  Liber  Pontificalis  qui  en  attribue  l'introduction,  dans  les 
prières  du  sacrifice  au  pape  Sixte.  (1) 

Xon  seulement  le  Sanctus  manque  totalement  dans  le  document  que 
nous  analysons,  mais  il  fait  défaut  également  dans  l'Anapliore  des 
Statuts  éthiopiens,  tout  a  fait  parallèle  au  Canon  de  Vérone,  dans  le 
texte  du  Testamentum  Domini,  qui  est  une  édition  lar<iement  interpolée 
des  deux  Anaphores  précitées,  et  même  dans  la  Liturgie  éthiopienne  du 
Sauveur.  Seule  la  Liturgie  éthiopienne  des  Apôtres,  sur  ces  cinq  docu- 
ments, intercale  le  Sanctus  sans  aucune  préparation  ni  transition.  Le 
Sanctus  y  rompt  évidemment  le  cours  des  idées,  et  l'auteur  do  l'addition 
ne  s'est  nullement  donné  la  peine  de  dissimuler  cette  cassure.  Qu'on 
en  juge  : 

"  0  vous  qui  avez  envoyé  votre  Fils  dans  le  sein  de  la  Vierge,  il  a  été 
porté  dans  ses  entrailles  et  s'est  fait  chair,  et  il  a  été  manifesté  votre 
Fils  par  l'Esprit-Saint. 

Sanctus 

et  il  est  né  de  la  Vierge  pour  accom])lir  votre  volonté,  etc." 

Ainsi  donc  il  est  avéré  que  les  liturgies  de  Vérone,  les  Statuts  éthio- 
piens, du  Testamentum  Domini,  du  Sauveur  et  des  Apôtres,  toutes  cal- 
quées sur  un  original  grec  aujourd'hui  perdu,  n'avaient  point  de  place 
pour  le  Sanctus  et  qu'il  a  été  inséré  violemment. 


III. 

Serait-il  possible  de  faire  pour  les  canons  occidentaux  cette  même 
constatation  qui  s'est  imposée  à  nous  pour  les  liturgies  momifiées  d'une 
église  orientale?  Ou  bien  l'évolution  du  type  original  y  a-t-elle  été  si 
radicale  qu'on  ne  puisse  plus  remonter  à  un  état  préhistorique  où  le 
Sanctus  manquait  à  la  préface?  Laissons  aux  documents  le  soin  de 
répondre. 

Si  l'on  veut  bien  se  reporter  au  Liber  Sacramentorum,  publié  par  Dom 
Cagin  d'après  un  manuscrit  de  Bergame,  on  remarquera  (p.  62)  que  la 
messe  du  Jeudi-Saint  n'a  pas  de  Sanctus;  la  préface  est  immédiatement 
suivie  de  la  prière  Communicantes,  puis  des  oraisons  JJanc  igiiur  obîa- 
iionem  et  Quam  oblaiionem.  La  préface  s'est  achevée  sur  ces  mots  : 
Ut  hominem,  quem  ipse  feceral,  de  morte  Uberaret  (pour  délivrer  de  la 
mort  l'homme  que  lui-même  avait  fait)  avec  simple  mention  du  proto- 
cole final  :  Et  ideo  cum  angelis. 


(1)    lAh.  Pontif.  édition  Diiclr-siic.  t.  I.  ]>.   128. 


—  174  — 

Au  contraire,  la  messe  du  Samedi-Saint  admet  le  Sanctus;  mais  aus- 
sitôt après  ce  chant,  le  Canon  reprend  le  mouvement  de  la  préface  au 
moyen  d'une  transition  très  simple: 

Vere  Sanctus^  vere  henedictus  Dominus  noster  Jcsus  Chrisius  Filius 
iuiis  qui,  cum  Dominus  esset  majestatis,  descendit  de  coelo,  formam 
servi  qui  prius  perierat  suscepit,  et  sponte  pati  dignatus  est,  ut  eum  quem 
ipse  fccerat  de  morte  liberaret.   (p.  69). 

"  Vraiment  saint,  vraiment  béni  (est)  Notre-Seigneur  Jésus-Christ, 
votre  Fils,  qui,  étant  le  Seigneur  de  majesté,  descendit  du  ciel,  se  re- 
vêtit de  la  forme  de  l'esclave  qui,  le  premier  avait  péri,  et  daigna  spon- 
tanément souffrir  pour  délivrer  de  la  mort  celui  qu'il  avait  fait. 

Xous  sommes  justement  ici  au  point  même  où  nous  avions  laissé  la 
messe  du  Jeudi-Saint.  Pour  peu  que  nous  négligions  une  courte  for- 
mule d'intercession  pour  les  nouveaux  baptisés  et  Tempereur,  —  et  cette 
•  formule  doit  être  réellement  négligée,  puisque  c'est  un  Mémento  des 
vivants  —  nous  arrivons  aussitôt  au  Qui  pridie  quam  pateretur,  qui  se 
relie  naturellement  aux  incidentes  à  pronoms  relatifs  de  la  préface. 
Ceci  est  précisément  le  dessein  de  l'Anaphore  de  Vérone. 

La  surprise  augmente  lorsqu'on  constate  le  parallélisme  des  traits  qui 
précèdent  la  consécration  dans  l'une  et  l'autre  messe.  Il  faut  lire  cela 
dans  le  texte  original  : 


JEUDI   SAINT  SAMEDI  SAINT 

Qui,  cum  Deus  esset  in  coelis,  Qui,  cum  Deus  esset 

ad  delenda  hominum  peccata  majestatis 

descendit  in  terras  :  descendit  de  cœlo, 

Et  qui  humanum  genus  venerat  formam  servi,  qui  primus 

liborare,  porierat,   suscepit 

tan()uam   obnoxius  débiter  et  sponte  pati  dignatus 

inlicito  pretio  Dominus  a  est, 
servo  distrahitur 


ut  hominem,  quem  ipse  fecerat,  ut  eum,  quem  ipse  fecerat, 

de  morte  liberaret.  de  morte  liberaret. 

Ces  deux  rédactions  sont  deux  formes  d'un  même  tlièiue,  en  dépit  de 
quelques  différences  accidentelles.  Mais  la  rédaction  du  Samedi  Saint, 
qui  admet  le  Sanctus,  prépare  le  chant  du  Trisagion  et  ménage  ensuite 
un  raccord.  La  liturgie  ambrosienne  ne  dédaigne  pas  ces  artifices  dont 
la  présence  Sf;  justifie  d'elle-même,  tandis  que  les  liturgies  éthiopiennes 
du  Sauveur  et  des  Apôtr^-s  les  négligent  complètement. 

Mis  sur  la  voie  par  ce  rapprochement  des  deux  messes  ambrosiennes, 
nous  constatons  que  la  liturgie  mozarabe  a  connu  et  pratiqué  le  raccord, 
sous  une  forme  souvent  analogue  à  celle  de  la  liturgie  milanaise. 


— 1:5  — 

y  ère  Sanctus,  vere  henedictus  Dominus  noster  Jésus  Chrislus  Filius 
tuus,  qui,  cum  in  forma  Dei  csset,  semetipsuin  exinanivxt,  formam  acci- 
piens  servi  :  cum  incarnatus  in  utero  Virginis  abscondens  divinitatem 
suam  suscepit  infir mitât em  nostrarn;  ipse  Dominus  ac  Redemptor  œter- 
nus.     Qui  pridie...    {Post  Sanctus  du  second  dimanche  de  l'Avcnt). 

"  Vraiment  saint,  vraiment  béni  (est)  Xotre-Seigneur  Jésus-Christ 
votre  Fils,  étant  dans  la  forme  de  Dieu,  s'est  anéanti,  prenant  la  forme 
d'esclave:  (qui)  incarné  lui-même  au  sein  de  la  ^'ierge  (et)  voilant  sa 
divinité,  s'est  revêtu  de  notre  faiblesse:  (étant)  lui-même  le  Seigneur  et 
le  Eédempteur  éternel,  qui,  la  veille  de  la  Passion,  etc." 

La  ressemblance  est  frappante,  et  la  rencontre  n'est  pas  fortuite,  car 
les  cas  analogues  sont  trop  nombreux.  En  réalité,  le  raccord  est  chose 
courante  dans  la  liturgie  mozarabe,  et  il  serait  facile  d'en  fournir  de 
nombreux  exemples. 

Pouvons-nous  étendre  ces  conclusions  à  la  liturgie  romaine?  Xon 
seulement  le  raccord  après  le  Sanctus  s'est  conservé  au  Missel  de  Stowe 
et  à  la  bénédiction  des  Palmes  d'un  Sacramentaire  tout  romain  des 
Abruzzes,  mais  encore  l'énumération,  au  moyen  de  phrases  articulées,  a 
subsisté  dans  des  préfaces  propres.  Ce  n'est  certainement  point  par 
hasard  qu'en  groupant  toutes  ces  épaves  et  toutes  ces  imitations,  on 
arrive  à  reconstituer  des  séries  comme  celle-ci. 

Vere  dignum  et  justum  est,  œquum  et  sahttare  nos  tibi 

semper  et  uhique    graiias    agere,  Domine    sancte  Pater    omnipotens, 

œterne  Deus,  per  Christum  Dominum  nostrum. 

per  quem  sains  mundi 

per  quem  vita  hominum 

per  quem  resurrectio  mortuorum  : 

qui  venit  de  cœlis  ut    conversaretur  in  terris, 

homo  factus  ut  deîirta  carnis  deleret, 

hostia  factus  est  vt  per  passionem  suam  vitam 

œternam  credentibus  daret, 

ipse  enim  verus  est  agnus  qui  abstuJit  peccata  mundi, 

qui  mortem  nositram  moriendo  dcstruxit 

et  vitam  resurgendo  reparavit  ; 

qui  post  resurrectionem  suam  omnibus  discipulis  suis 

manifestus  apparuit 

et  ip^is  cernentibus  est  elevatus  in  cœlum 

ut  nos  divinitatis  suœ  iribueret  esse  participes, 

qui  ascendens  super  omncs  cœlos  sedensquc  ad  dextrram  tuam 

promissum  Spiritum  Sanctum  in  filios  adoplionis  effudit 

qui  pridie  quam  pateretur,  etc. 

Tous  ce«  versets,  qui  par  leur  réunion  présentaient  autrefois  l'en- 
semble des  faits  du  salut,  ont  été  attribués  ensuite  aux  préfaces  propres 
des  fêtes.  11  suflit  de  les  rapprocher  pour  ren<lre  au  moins  Um  pro- 
bable l'hypothèse  émise  ici  et  qui  se  trouve  si  bien  d'accord  avec  le  mou- 
vement général  des  liturgiriues. 


176 


IV, 


Au  début  de  cette  étude,  nous  avons  remarqué  que  l'Anaphore  de  Vé- 
rone contenait  une  épiclèse  rudimentaire,  une  invocation  à  l'Esprit- 
Saint.  L'évêque  priait  le  Père  Céleste  de  faire  descendre  l'Esprit  sur 
les  oblations  de  l'Eglise,  afin  que  tous  les  saints  qui  y  participeraient 
fussent  ramenés  à  l'unité.  Cette  particularité  mérite  d'attirer  toute 
notre  attention.  A  une  époque  où  la  question  de  l'épiclèse  préoccupe 
théologiens  et  liturgistes,  nous  avons  intérêt  à  savoir  ce  que  l'épiclèse  a 
a  été  d'abord;  nous  nous  rendrons  compte  plus  facilement  de  l'évolution 
qu'elle  a  subie. 

Or,  la  formule  très  ancienne  que  nous  étudions  ne  suppose  pas  que 
l'Esprit-Saint  soit  prié  d'opérer  la  transsubstantiation  :  les  paroles  du 
Seigneur  y  ont  sufiî.  Ce  que  l'évêque  demande,  c'est  que  l'Esprit  des- 
cende sur  les  dons,  afin  de  réunir  par  le  lien  de  l'unité  tous  les  fidèles 
qui  les  recevront.  Il  y  a  là  une  prière  préparatoire  à  la  communion, 
analogue  au  Supplices  te  rogamus  du  Canon  romain  dans  sa  seconde 
partie. 

Telle  paraît  bien  avoir  été  la  formule  initiale  de  l'épiclèse.  Mais  ce 
germe  s'est  développé,  et  dès  une  époque  certainement  ancienne,  on 
priait  le  Père  d'envoyer  le  Saint-Esprit  pour  transformer  le  pain  et  le  vin 
au  Corps  et  au  Sang  du  Seigneur.  C'est  ce  que  nous  rencontrons  déjà 
dans  la  liturgie  éthiopienne  du  Sauveur  et  celle  des  Apôtres. 

Ainsi  complétée,  la  formule  enveloppait-elle  nécessairement  une 
erreur  théologique  ?  Pas  le  moins  du  monde.  Comme  toutes  les  œuvres 
de  sanctification,  la  transsubstantiation,  qui  est  la  première  de  toutes, 
était  considérée  comme  l'efi'et  d'une  opération  du  Saint-Esprit,  et  il 
était  naturel  que  cette  croyance  se  traduisît  explicitement.  Il  me  semble 
tout  à  fait  probable  que  la  date  de  la  transformation  de  l'épiclèse  doit 
être  fixée  vers  363,  après  le  concile  .de  Constant inople  qui  condamna 
l'hérésie  de  Macédonius  et  enrichit  la  théologie  de  précisions  nouvelles 
sur  la  personne  et  le  rôle  du  Saint-Esprit.  Et  comme  l'Esprit-Saint 
était  déjà  nommé  dans  l'anaphore,  c'est  à  cet  endroit  qu'on  inséra  les 
additions.  Ensuite,  historiquement,  la  mission  du  Saint-Esprit  était 
postérieure  à  tous  les  m5'stères  du  Christ,  et,  par  conséquent,  c'est  seule- 
ment après  l'anamnèse  ou  mémoire  de  la  mort  et  de  la  résurrection  du 
Sauveur  (Unde  et  memores)  que  la  mention  de  la  descente  du  Saint- 
Esprit  devait  trouver  place.  Elle  était  conçue  sous  forme  d'invocation, 
parce  que  l'Anaphore  était  un  véritable  symbole  de  foi,  exprimé  d'une 
manière  toute  lyrique  et  eucharistique,  surtout  parce  que  la  mission  de 
grâce  du  Saint-Esprit  est  Tobjct  des  désirs  et,  par  conséquent,  des 
prières  des  justes. 

Mais  cela  n'impliquerait  en  aucune  façon  la  croyance  erronée  qu'avant 
l'épiclèse  les  dons  n'étaient  pas  encore  transformés.  Ceci  est  si  vrai  que 
ni  Photius,  ni  Michel  Cérulaire  ne  pensèrent  à  reprocher  aux  Latins 
l'absence  d'une  épiclèse  développée  au  Canon  romain.  Il  faut  descendre 
jusque  vers  1350  pour  rencontrer  sous  la  plume  de  Nicolas  Cabasilas, 
l'expression  d'une  erreur  formelle  au  sujet  de  l'épiclèse.     Les  anciens 


—  1  (  1  — 

écrivains  ecclésiastiques,  grecs  et  orientaux,  connaissaient  trop  bien 
l'Ecriture  sainte  pour  ignorer  que  l'épiclèse  n'était  pas  d'institution 
dominicale. 

Une  épiclèse  très  développée  est  un  signe  de  inoindre  antiquité  pour 
un  document  liturgique.  La  liturgie  éthiopienne  du  Sauveur  et  celle 
des  Apôtres  ont  grand  soin  d'insérer  une  formule  complète  à  la  suite  de 
l'épiclèse  très  simple  (|u'elles  avaient  trouvée  dans  l'Anaphore  de  Vérone 
et  des  Statuts  éthiopiens.  La  liturgie  du  Sauveur  fait  même  davan- 
tage: elle  accepte  une  prière  que  la  liturgie  du  TeMnmenium  Domini 
introduisait  à  la  place  de  la  demande  de  l'Esprit-Saiut  et  qui  avait  un 
pur  caractère  d'oblation  du  sacrifice  sans  aucun  caractère  d'épiclèse  : 
Offerimus  tibi  hanc  gratiarum  actionem,  etc.  Mais,  en  adoptant  cette 
.prière,  elle  reprend  l'épiclèse  rudimentaire  de  l'Anaphore  de  Vérone  et 
la  complète  à  sa  manière. 

"  N'eus  vous  prions,  Seigneur,  et  vous  supplions  d'envoyer  votre  Esprit- 
Saint  et  sa  puissance  sur  ce  p'iii)  et  sur  ce  calice  pour  qu'il  en  fasse  le 
Corps  et  le  Sang  de  Jésus-Christ,  notre  Seigneur  et  Sauveur  dans  les 
siècles  des  siècles.     ISTous  vous  offrons  donc  cette  action  de  grâces,  etc. 

Ainsi,  c'est  au  moyen  d'une  seconde  interpolation,  plus  récente,  in- 
sinuée entre  le  texte  de  la  liturgie  de  Vérone  et  l'interpolation  ancienne 
de  la  liturgie  du  Testamentum  Domini,  que  le  rédacteur  a  développé 
l'épiclèse  initiale  et  l'a  complétée  dans  le  sens  des  Grecs. 


V. 

Qu'est-ce  donc  que  cette  Anaphore  de  Vérone  et  des  Statuts  éthio- 
piens, qui  présente  de  si  frappants  caractères  d'antiquité?  Est-il  pos- 
sible de  préciser  la  date  à  laquelle  elle  remonte?     Peut-être. 

Dans  la  grande  interpolation  de  la  liturgie  du  Testamentum  Domini, 
nous  relevons  les  prières  qui  suivent  : 

"  Soutenez  jusqu'à  la  fin  ceux  qui  sont  doués  des  charismes  des  révé- 
lations ;  confirmez  ceux  qui  sont  doués  du  charisme  de  guérison  ;  forti- 
fiez ceux  qui  possèdent  le  don  des  langues  ;  dirigez  ceux  qui  travaillent 
clans  la  parole  de  doctrine  (les  didascales)." 

Voilà  une  prière  d'intercession  qui  n'a  pu  être  écrite  que  pendant  la 
période  charismatique  de  la  primitive  Eglise,  alors  que  les  dons  du 
Saint-Esprit,  répandus  abondamment  sur  les  fidèles,  se  traduisaient, 
dans  l'assemblée  chrétienne  et  au  dehors,  par  des  manii'estalious  extra- 
ordinaires. Or,  la  période  charismatique  ne  s'est  pas  prolongée  au  delà 
du  Ille  siècle.  On  pense  généralement  que  le  mouvement  montaniste 
rendit  suspect  aux  chefs  de  l'Eglise  l'exercice  do  ces  dons  dans  les 
réunions  des  fidèles,  et  d'ailleurs,  ces  miracles  très  utiles  sinon  néces- 
saires pour  aider  au  dévelo])pement  du  christianisme,  devaient  diminuer 
à  mesure  que  le  l)esoin  s'en  faisait  moins  sentir.      I/interpolation  do  la 


—  178  — 

liturgie  du  Tcstanientum  Domiiii  ne  peut  donc  être  postérieure  au  Ille 
siècle;  mais  il  faut  bien  retenir  que  c'est  une  interpolation.  Par  consé- 
quent, la  liturgie  des  i3alimpsestes  de  Vérone  et  des  Statuts  éthiopiens 
doit  être  considérée  comme  antérieure  au  Ille  siècle. 

De  plus  la  liturgie  du  Testamentum  Domini  ne  contient  pas  le 
Sanctus.  Or,  nous  avons  vu  que  le  Liber  Pontificalis  en  fait  remonter 
l'institution  au  pape  îSaint-Sixte  I,  vers  Tan  120.  Il  est  vrai  que  les 
notices  liturgiques  ou  autres,  du  Liber  Pontificalis  ne  sont  pas  du  tout 
infaillibles;  cependant,  pour  le  cas  qui  nous  occupe,  Mgr  Ducliesne 
estime  que  l'auteur  ne  l'a  pas  antidatée,  au  contraire.  Sans  doute,  le 
fait  que  la  liturgie  du  Testamentum  Domini  ne  possède  pas  le  Sanctus 
ne  prouve  pas  qu'elle  soit  antérieure  à  Tan  120.  On  aurait  tort  de  se 
représenter  l'institution  du  chant  sacré  comme  un  décret  Urbi  et  Orhi 
de  la  Sacrée  Congrégation  des  Eites,  dont  le  texte  est,  dans  le  monde 
entier  mis  à  exécution  à  la  même  date.  Il  faut  se  la  représenter  comme 
une  institution  locale  qui  a  gagné  de  proche  en  proche  et  s'est  étendue 
aux  autres  Eglises.  Même  réduite  à  ces  proportions,  l'absence  du 
Sanctus  montre  que  nous  sommes  en  présence  d'un  document  du  Ile 
siècle  (1).  Il  est  invraisemblable,  en  effet,  qu'au  Ille  siècle  le  chant 
du  Sanctus  ne  fût  pas  devenu  universel.  Or,  l'Anaphore  de  Vérone  et 
des  Statuts  éthiopiens  est  antérieure,  puisque  celle  du  Testamentum 
Domini  est  déjà  interpolée. 

Mais  alors  qu'est-ce  que  cette  Anaphore  d'une  antiquité  si  haute,  que 
l'on  se  croyait,  il  est  vrai,  le  droit  d'interpoler,  mais  dont  on  conservait 
religieusement  le  mouvement  général  et  même  le  texte  ? 

Il  semble  bien  que  nous  soyons  en  présence  du  thème  apostolique  de 
l'Anaphore. 

On  sait  qu'aux  premiers  temps  l'évêque  n'était  point,  comme  aujour- 
d'hui, lié  par  une  formule  hiératique  à  laquelle  il  ne  put  toucher. 
L'évêque  improvisait  sur  un  thème  donné;  celui-ci  devait  être  respecté 
à  titre  de  canevas,  mais  dans  certaines  limites  le  célébrant  pouvait  libre- 
ment se  mouvoir,  et  cela  a  duré  certainement  jusqu'au  IVe  et  même  au 
Ve  siècle  (2). 

Or,  il  paraît  que  la  liturgie  de  Vérone  est  le  plus  ancien  des  thèmes 
d' Anaphore  que  nous  connaissions,  puisque  l'original  grec  n'a  pas  été 
retrouvé.  Les  éléments  principaux  de  ce  texte  semblent  avoir  été 
empruntés  à  l'Epître  aux  Ephésiens.  ISTon  seulement  il  y  a  des  rappro- 
chements de  pensées  et  d'expressions  à  faire  valoir,  mais  encore  un  en- 
semble de  phrases  articulées  au  moyen  de  pronoms  relatifs  et  de  con- 
jonctions. Tout  cela  ne  permet  pas  de  se  soustraire  à  une  impression 
d'analogie. 

A  la  seconde  ligne  de  l'Anaphore  nous  lisons:  per  dilectum  puerum 
tuum,  et  dans  l'Epître  (l.G):  in  dilecto  Filio  tuo.  A  la  troisième  ligne 
nous  trouvons:  quem  in  ultimis  temporibus  misisti  nobis  Salvatorem,  et 


(  1  )  Qu'on  veuille  bien  ne  pas  s'y  tromper,  il  s'agit  exclusivement  ici  du  texte 
de  l'Anaphore,  non  de  la  collection  du  Testamentum  Domini,  question  qui  de- 
meure entière  et  indépendante. 

(2)  Dom  Cagin,  Te  Deum  an  Illatio  ?  p.  352  et  SS. 


—  179  — 

dans  l'Epître  (1.10):  in  dispensaiione  plenitudinis  tetnporum  xnstau- 
rare  omnia  in  Christo;  à  la  quatrième  ligne:  Angeluni  voluntatis  tuœ; 
et  dans  TEpître  (1.9):  ut  notian  faceret  nobis  sacramentum  voluntatis 
suae;  à  la  sixième  ligne:  per  quem...  heneplacitum  tibi  fuit,  et  dans 
l'Epître  (1-9):  secundum  beneplacitum  ejus.  Je  ne  puis  poursuivre  ce  pa- 
rallèle qui  demanderait  à  être  poussé  dans  tous  ses  détails,  et  qui,  pour 
s'imposer  définitivement,  exigerait  la  comparaison  des  deux  textes  grecs 
originaux:  condition  malhetireusement  impossible  à  remplir.  Qu'on  me 
permette  cependant  de  rapprocher  encore  deux  textes  particulièrement 
significatifs.  L'Anapliore  se  termine  par  cette  doxologie:  Per  quem  tibi 
gloria  et  honor,  Patri  et  Filio  cum  Spiritu  Sando,  in  sancta  Ecclesia 
tua  et  nunc  et  in  saecula  saeculorum.  Amen.  Le  troisième  chapitre 
de  l'Epître  aux  Ephésiens  se  conclut  par  la  doxologie  suivante:  Ipsi  glo- 
ria in  Ecclesia  et  in  Christo  Jesu  in  omnes  generaiiones  saeculi  saecu- 
lorum.    Amen.   (21). 

Il  est  très  difficile  de  voir  dans  cette  rencontre  l'effet  du  hasard. 
D'une  manière  très  générale,  les  doxologies,  même  fort  anciennes,  ne 
font  aucune  mention  de  l'Eglise,  et  pourtant  l'Anaphore  de  l'Epître  aux 
Ephésiens,  qui  présentent  déjà  tant  de  points  de  contact,  se  rejoignent 
encore  ici. 

Cela  ne  veut  pas  dire  que  l'Anaphore  soit  sortie  de  la  plume  inspirée 
de  saint  Paul;  mais  la  rédaction  de  ce  thème  doit  remonter  aux  temps 
apostoliques.  Le  rédacteur  a  fort  bien  pu  s'inspirer  d'une  exposition 
doctrinale  de  l'Apôtre  qui  s'accordait  avec  son  dessein.  Ce  serait  déjà 
un  beau  résultat  d'avoir  rendu  probable  et  vraisemblable  le  fait  que  les 
palimpsestes  de  Vérone  et  les  Statuts  éthiopiens  nous  ont  conservé  la 
plus  vieille  des  liturgies  chrétiennes,  le  thème  apostolique  de  l'Anaphore. 

En  terminant  ce  travail,  je  sens  le  besoin  d'avouer  que  cette  ana- 
lyse d'un  document  vénérable  m'a  été  suggérée  dans  son  entier  par  la 
lecture  d'un  Mémoire  inédit  de  Dom  Cagin  sur  le  Canon  primitif  de  la 
Messe.  Ce  rapport  au  Congrès  Eucharistique  de  Montréal  soutient,  avec 
le  texte  des  recherches  de  Dom  Cagin,  les  mêmes  relations  que  l'Ana- 
phore de  Vérone  avec  l'Epître  aux  Ephésiens.  Il  y  a  pourtant  une  diffé- 
rence importante:  l'étendue  des  matières  et  la  solidité  des  arguments. 
On  aurait  tort  de  juger  de  l'une  et  de  l'autre  par  les  quelques  pages  qui 
précèdent,  et  les  amis  de  la  science  liturgique  iront  chercher  dans  le  beau 
Mémoire  de  Dom  Cagin,  sa  connaissance  approfondie  des  origines  eucho- 
logiques  et  l'entier  développement  de  ses  preuves. 


—  180  — 

Ive  deuxième  rapport  est  celui  de  M.  l'abbé  Gosselin,  rec- 
teur de  l'Université  Laval,  à  Québec. 

Aperçu  sur  l'Histoire  de  l'Eucharistie  au  Canada,  ou 

Rôle    de    l'Eucharistie     dans    l'Histoire     et    le 

Développement   religieux   de   notre   Nation. 


Les  Directeurs  de  la  Compagnie  des  Cent-Assoeiés  écrivaient  au  Père 
Le  Jeune  en  1637:  "Nous  avons  appris  et  tenons  pour  règle  certaine 
que  pour  former  le  corps  d'une  bonne  colonie,  il  faut  commencer  par  la 
Eeligion  ;  elle  est  en  l'Etat  comme  le  cœur  en  la  composition  de  l'homme, 
la  première  et  vivifiante  partie;  c'est  sur  elle  que  les  fondateurs  des 
grandes  républiques  ont  jeté  le  plan  de  leurs  édifices  qui  ne  dureraient 
pas  s'ils  avaient  eu  un  autre  fondement:  ainsi,  nous  protestons  qu'elle 
sera  toujours  précieusement  traitée  et,  qu'en  toute  rencontre,  nous  la 
ferons  présider  en  la  Nouvelle-France."   (1) 

Ces  beaux  sentiments,  ce  désir  si  franchement  manifesté  de  voir  la 
religion  catholique  fleurir  en  ce  pays  sauvage  qu'était  le  Canada, 
n'étaient  pas  particuliers  aux  membres  de  la  Compagnie.  C'étaient  les 
sentiments  et  le  désir  de  François  I*^"",  de  Henri  IV,  de  Louis  XIII, 
comme  aussi  des  découvreurs  et  des  fondateurs,  des  missionnaires  et  des 
premiers  colons.  Tous  ou  presque  tous,  avaient  en  vue  l'extension  du 
royaume  de  Dieu. 

C'est  au  nom  de  Jésus-Christ  en  effet  que  Jacques-Cartier,  le  grand 
navigateur  malouin,  débarquant  à  Gaspé  en  1534,  y  prit  possession  du 
pays  en  plantant  une  croix.  C'est  au  nom  de  Dieu  et  pour  l'extension 
de  son  règne  que  les  missionnaires,  Eécollets,  Jésuites  ou  prêtres  sécu- 
liers, allant  à  la  conquête  des  âmes,  s'enfonçaient  dans  les  bois,  y  vivant 
de  la  vie  sauvage,  s'exposant  à  toutes  les  humiliations  comme  à  toutes 
les  souffrances,  prêts  à  donner  leur  vie  pour  la  foi  qu'ils  avaient  mission 
de  prêcher. 

De  leur  côté,  fondateurs  et  gouverneurs,  qu'ils  se  nomment  Champlain 
ou  Maisonneuve,  Montmagny  ou  d'Ailleboust,  n'ont  pas  seulement 
cherché  les  intérêts  matériels  de  la  colonie  ou  de  la  ville  qu'ils  avaient 
été  chargés  de  fonder  ou  de  gouverner,  ils  ont  encore  pris  à  cœur  son 
avancement  spirituel;  ils  ont  voulu  que,  sous  ce  rapport,  la  Nouvelle- 
France  ne  le  cédât  en  rien  à  l'ancienne. 

C'est  pourquoi,  non  contents  de  servir  eux-mêmes  d'exemples  et  de 
modèles  aux  premiers  colons,  ils  se  firent,  pour  la  plupart  du  moins,  les 
auxiliaires  du  clergé. 

Moins  de  trente  ans  après  la  restitution  du  Canada  à  la  France, 
plusieurs  groupes  de  colons  possédaient  déjà  leur  église  ou  chapelle 
qu'un  prêtre  résident  ou  un  missionnaire  était  chargé  de  desservir. 

Et  quand,  avec  le  temps  et   l'accroissement  de  la    population,  il  fut 


(1)   Relations  des  Jésuites,  Ed.  de  Québec,  Relation  de  1637,  p.  3. 


—  181  — 

possible  de  créer,  de  maintenir  et  de  développer  ces  centres  religieux, 
autrement  dit,  de  compléter  et  de  perfectionner  ce  système  paroissial, 
le  premier  évêque  de  Québec  et  ses  dignes  successeurs  y  mirent  toute 
leur  âme,  toute  leur  énergie  et  souvent  même  une  partie  de  leurs 
modestes  revenus.  Ils  avaient  compris  que  là  était  le  salut.  En  effet, 
si  à  l'époque  de  la  domination  française,  la  foi  vive  et  éclairée  qu'ap- 
portaient nos  ancêtres  s'est  transmise  dans  toute  son  intégrité  de  géné- 
ration en  génération  ;  si,  après  la  conquête,  les  Canadiens  ont  pu  résister, 
durant  de  longues  années,  aux  tentatives  d'assimilation  mises  en  œuvre 
par  le  vainqueur,  c'est  au  système  paroissial  qu'ils  en  furent  redevables, 
et  l'on  peut  dire  (ju'au  point  de  vue  religieux  comme  au  point  de  vue  na- 
tional, c'est  la  paroisse  qui  nous  a  sauvés. 

Qu'est-ce  que  la  paroisse  catholique  sinon  une  grande  famille, 
groupée  sous  l'œil  vigilant  d'un  même  pasteur,  se  réunissant  une  ou  plu- 
sieurs fois  la  semaine  dans  la  même  église,  au  pied  du  même  autel,  de- 
vant le  même  tabernacle,  pour  présenter  au  Dieu  vivant  qui  y  réside,  ses 
hommages  et  ses  adorations,  ses  offrandes  et  ses  prières?  La  paroisse, 
c'est  donc  l'église,  c'est  le  foyer  béni  où  Jésus-Hostie  est  présent  pour 
son  peuple. 

L'Eucharistie  étant  le  fondement  de  la  vie  catholique,  il  n'est  pas 
étonnant  que  dès  le  commencement  de  la  colonie,  les  pasteurs  aient 
cherché  à  en  inspirer  le  respect  et  l'amour  aux  fidèles  confiés  à  leurs 
soins.  Leurs  efforts  furent  couronnés  de  succès,  car  autrement,  com- 
ment pourrait-on  expliquer  cette  régularité,  ce  genre  de  vie  exemplaire, 
en  un  mot,  cette  ferveur  que  les  voix  les  plus  autorisées  du  temps  n'ont 
pas  craint  de  comparer  à  celle  de  la  primitive  Eglise?  Pour  se  con- 
vaincre de  l'exactitude  de  cette  assertion,  il  suffira  de  relire  ces  Rela- 
tions que  les  Pères  Jésuites  écrivaient  chaque  année  et  où  ils  ne  cessent 
d'exalter  la  foi,  la  piété  et  les  vertus  des  premiers  colons  de  la  Nouvelle- 
France.   (1) 

En  1685,  Mgr  de  Saint-Vallier  visitant  son  futur  diocèse,  n'hésitait 
pas  à  dire,  après  avoir  parcouru  toute  la  colonie  :  "  Le  peuple  commu- 
nément parlant,  est  aussi  dévot  que  le  clergé  m'a  paru  saint.  On  y 
remarque  je  ne  sais  quoi  des  dispositions  qu'on  admirait  autrefois  dans 
les  chrétiens  des  premiers  siècles."    (2) 

De  son  côté,  le  P.  Charlebois.  après  avoir  fait  remarquer  avec  quel  soin 
on  avait  choisi  les  premières  familles  envoyées  au  Canada,  ajoutait  : 
"Je  crains  d'autant  moins  d'être  contredit  sur  cet  article  que  j'ai  vécu 
avec  quelques-uns  de  ces  premiers  colons,  presque  centenaires,  de  leurs 
enfants  et  d'un  assez  bon  nombre  de  leurs  petits-fils,  tous  gens  plus  res- 
pectables encore  par  leur  probité,  leur  candeur,  la  piété  solide  dont  ils 
faisaient  profession,  que  par  leurs  cheveux  blancs  et  le  souvenir  des 
services  qu'ils  avaient  rendus  à  la  colonie."   (3) 

Parlant  de  la  population  de  Montréal  en  1667,  le  même  auteur 
disait:    "Toute  l'île  de    Montréal  ressemblait  à    une  communauté  reli- 


(1)  Cf.  Relations  de  1634,  p.  3  ;   1C36,  p.  43  ;   1G37.  p.  f.  ■.    Iti-IO.  p.  .3.  ptc. 

(2)  Elat  présent  de  l'Eglise.  'Ed.  do  Qu^Ik-c,  1Sô7.  p.  84. 

(3)  Histoire  de  la  Nouvelle-France,  Paris  1744,  Ed.  in-12.    Vol.  I.  p.  319. 


—  182  — 

gieuse.  Ou  avait  eu  dès  les  comuieucements  uue  atteutiou  particulière 
à  n'y  recevoir  que  des  habitants  d'une  régularité  exemplaire."   (1) 

Dans  son  Journal  ou  Lettres  adressées  à  la  duchesse  de  Lesdiguières, 
en  1721,  il  revient  sur  le  même  sujet:  "Ce  qui  doit  sur  toutes  choses 
faire  estimer  nos  créoles,  dit-il,  c'est  qu'ils  ont  un  grand  fonds  de  piété, 
de  religion  et  que  rien  ne  manque  à  leur  éducation  sur  ce  point."  (2) 

Ces  bons  témoignages  rendus  à  la  conduite  morale  et  religieuse  de  nos 
ancêtres  et  que  nous  avons  multipliés  à  dessein,  ne  nous  éloignent  pas 
autant  qu'on  le  pourrait  croire  du  sujet  que  nous  avons  à  traiter.  Car, 
si  vraiment  les  Canadiens  des  premiers  temps  ont  mené  la  vie  exem- 
plaire que  l'on  dit,  et  nous  n'avons  pas  de  raison  d'en  douter,  c'est  dans 
les  sacrements,  et  en  particulier  dans  la  Pénitence  et  l'Eucharistie  qu'ils 
ont  dû  puiser  ces  grâces  de  préservation  et  de  persévérance  qui  faisaient 
l'étonnement  et  l'admiration  de  leurs  propres  pasteurs.  En  ce  temps- 
là  comme  aujourd'hui,  la  Sainte  Eucharistie  était  la  source  féconde  où 
toute  vie  chrétienne  doit  s'alimenter.  Et  c'est  ce  que  nos  ancêtres 
avaient  compris.  Aussi  croyons-nous  pouvoir  affirmer  que,  proportion 
gardée,  la  dévotion  envers  la  divine  Eucharistie  fut  aussi  vivace,  aussi 
profonde,  aussi  répandue  au  Canada  durant  le  XVIIe  siècle  et  presque 
tout  le  XVIIIe  siècle  qu'elle  l'a  été  sous  le  nouveau  régime  et  jusqu'en 
ces  derniers  temps. 

Mais  avant  de  faire  la  preuve  de  cette  affirmation  qui  paraîtra  peut- 
être  hasardée,  nous  ferons  observer  que,  sous  le  rapport  reliaieux,  les 
colons  d'autrefois  étaient  dans  des  conditions  beaucoup  plus  désavanta- 
geuses que  celles  dans  lesquelles  se  trouvent  aujourd'hui  les  habitants 
de  nos  paroisses  même  les  plus  reculées.  Kos  ancêtres  avaient  tout 
contre  eux  :  l'éloignement,  la  pauvreté,  la  mauvaise  condition  des 
chemins,  un  état  de  guerre  presque  continuel  et  surtout  la  rareté  des 
prêtres.  Qu'ils  aient  pu,  malgré  ces  désavantages,  et  ces  difficultés, 
conserver  leur  foi,  élever  chrétiennement  leurs  nombreuses  familles, 
rester,  pour  le  plus  grand  nombre  bons,  pieux,  fervents  même,  voilà  qui 
est  merveilleux  et  qui  ne  peut  s'expliquer  que  par  un  zèle  et  un  courage 
qui  n'ont  connu  ni  les  fai])lesses  ni  les  ménagements. 

La  dévotion  envers  la  Sainte  Eucharistie  se  manifeste  de  plusieurs 
manières.  Sans  doute,  comme  toutes  les  dévotions,  elle  doit  se  trouver 
surtout  dans  le  cœur,  mais  le  culte  extérieur  est  intimement  lié  aux  sen- 
timents de  respect,  d'adoration  et  d'amour  qui  en  sont  le  fonds  même. 
Eriger  des  églises  ou  des  chapelles  où  résidera  le  Dieu  vivant,  assister 
régulièrement  et  pieusement  au  sacrifice  de  la  messe  et  à  la  bénédiction 
du  Saint-Sacrement,  prendre  part  aux  exercices  des  Quarante-Heures  et 
à  la  procession  du  Saint-Sacrement,  mais  surtout  recevoir  la  communion 
souvent  et  avec  les  dispositions  convenables,  telles  sont  les  manifestations 
les  plus  ordinaires  de  la  foi  et  de  la  piété  envers  la  divine  Eucharistie. 

Essayons  de  dire,  le  plus  brièvement  possible,  comment  les  Canadiens 
d'autrefois  s'acquittaient  de  leurs  devoirs  envers  le  Très  Saint-Sacre- 
ment de  l'autel. 


(  1  )   Histoire  du  Canada,  Vol.  II,  pp.  163-164. 
(2)     II)id. — Journal.    Vol.  V.,  p.  257. 


—  183  — 

Très  lents  furent  les  progrès  de  la  colonie  durant  les  premières  années. 
Le  groupe  des  habitants  de  Québec  comptait  à  peine  200  âmes  en  1640, 
et  cependant  la  petite  ville  renfermait  déjà  cinq  églises  ou  chapelles. 
On  sait  à  quelle  manifestation  religieuse  donna  lieu  la  foncUitio]i  de 
Montréal  et  comment  avant  même  qu'on  eût  pu  élever  une  chapelle,  le 
jour  du  débarquement,  des  mains  pieuses  avaient  érigé  et  orné  l'autel 
où  l'on  célébra  la  première  messe  qui  ait  jamais  été  dite  en  cette  île.  . . . 
"  Toute  cette  journée,  continue  M.  Dollier  de  Casson,  à  qui  nous  em- 
pruntons ce  détail,  s'écoula  en  dévotions,  actions  de  grâce  et  hymnes  de 
louanges  au  Créateur. "(1) 

Grâce  à  l'accroissement  de  la  population,  des  églises  ou  chapelles 
s'ouvrirent  peu  à  peu  dans  les  campagnes  et  les  colons  eurent  bientôt,  de 
ce  côté  du  moins,  assez  de  facilités  pour  remplir  leurs  devoirs  religieux. 

Les  dimanches  et  fêtes,  et  celles-ci  étaient  nombreuses  alors,  (2)  les 
églises  se  remplissaient. 

Dès  1636,  le  Père  Le  Jeune  écrivait  dans  la  Eelation  :  "  Véritable- 
ment, nous  avons  sujet  de  bénir  Dieu  en  voyant  que  l'accroissement  de 
nos  paroissiens  est  Taugmentation  de  ses  louanges.  Les  premiers  .-acri- 
fioes  de  la  messe"  que  nous  présentâmes  en  ces  contrées  furent  offerts 
dans  un  méchant  petit  taudis  qui  maintenant  nous  ferait  honte  :  nous 
nous  servîmes  peu  après  d'une  chambre,  puis  on  fit  bâtir  une  chapelle, 
on  a  tâché  de  la  changer  en  église,  raugniontant  de  moitié  ou  environ, 
et  avec  cela,  les  jours  de  fêtes,  les  deux  premières  messes  qui  se  disent  à 
Québec  sont  si  fréquentées  que  cette  grande  chapelle  ou  cette  i>etite 
église  se  voit  remplie  vsque  ad  cornu  aïtaris,  d"un  bout  à  l'autre."  (3) 

Le  même  auteur  rapporte  qu'en  1637:  "  le  jour  de  la  fête  de  Saint- 
Joseph,  l'église  fut  remplie  de  monde  et  de  dévotion  quasi  comme  un 
jour  de  Pasques. .  ."  (4) 

D'après  le  Père  Vimont,  auteur  de  la  Eelation  de  1640,  les  principaux 
habitants  de  la  colonie  s'étaient  rangés  sous  les  drapeaux  de  la  Sainte 
Vierge  '^  en  l'honneur  de  laquelle,  ajoute-t-il,  ils  entendent  tous  les 
samedis  la  sainte  messe."  (5) 

Il  serait  assez  facile  de  multiplier  les  citations  de  ce  genre,  mais  il 
nous  semble  inutile  d'insister  sur  ce  point,  l'assistance  à  la  messe,  les 
jours  de  dimanche  et  fêtes,  étant  de  précepte. 

La  coutume  établie  de  nos  jours  de  donner  la  bénédiction  du  Saint- 
Sacrement  chaque  dimanche  et  fête  d'obligation,  à  Tissiio  des  vêpres,  est 
de  date  relativement  récente.  Sous  le  régime  français,  les  évoques  per- 
mettaient ou  ordonnaient  ces  bénédictions  du  Saint-Sacrement  suivant 
les  temps,  les  circonstances  ou  les  solennités;  et  elles  étaient  nombreuses. 


(1)  Histoire  (lu  Moiitrcnl.  piibliôo  ]iai-  la  Soc.  Tlist.  de  :M<)ntn'';il.  1SG9.  pp.  37 
et  suiv. 

(2)  En  1703,  on  comptait  encore  33  fêtes  d'obligation  au  Canada.   Voir  Rituel 
de  Mgr  de  Saint-Vallicr. 

(3)  Relation  de  1637,  p.     0. 

(4)  Relation  de  1G36.  p.  43. 

(5)  Relation  de  1640,  p.     5. 


— 184  — 

Le  Journal  des  Jésuites,  les  Mandements  et  les  Ordonnances  des 
Evêques  nous  fournissent  des  preuves  abondantes  de  ce  que  nous 
avançons. 

En  1646  par  exemple,  les  Pères  Jésuites,  décident,  pour  entretenir 
la  dévotion  à  Québec  durant  l'hiver,  que  la  bénédiction  du  Saint-Sacre- 
ment sera  donnée  tous  les  jeudis,  soit  à  la  paroisse,  soit  à  l'Hôtel-Dieu, 
soit  chez  les  Ursulines. 

Il  y  eut  encore  la  même  année  et  dans  les  mêmes  églises  salut  du 
Saint-Sacrement  les  trois  jours  gras,  le  11  et  le  19  mars,  le  jour  de 
Pâques  et  les  deux  jours  suivants,  le  jour  de  la  Pentecôte  et  les  deux 
jours  suivants,  tous  les  jeudis  depuis  Pâques  jusqu'à  la  Fête-Dieu 
et  chaque  jour  de  l'octave  de  cette  fête.  Une  neuvaine  de  saluts  fut 
commencée  le  19  juillet.  Enfin,  en  octobre,  on  arrête  que  l'on  donnera 
la  bénédiction  du  Saint-Sacrement  chaque  jeudi  de  l'année.   (1) 

Dans  la  suite,  les  évêques  accordaient  facilement  cette  permission. 
Seulement,  à  cause  du  petit  nombre  des  habitants,  ils  durent  faire  des 
règlements  spéciaux.  Nous  n'avons  pas  les  Ordonnances  de  Mgr  de 
Laval  à  ce  sujet,  mais  celles  de  Mgr  de  Saint- Vallier  nous  ont  été  con- 
servées et  dans  l'une  d'elles,  datée  de  Québec  le  8  octobre  1700,  le  ver- 
tueux prélat  s'exprime  ainsi  :  "  Nous  désirons  autant  qu'il  sera  possible 
qu'on  ne  donne  dans  les  villes  qu'en  une  église  des  Paroisses  ou  des  Com- 
munautés Eeligieuses  qui  y  sont,  la  bénédiction  du  Saint-Sacrement, 
chaque  Dimanche  et  Fête  de  l'année.  Que  si,  pour  des  raisons  que  nous 
avons  approuvées.  Nous  permettons  que  l'on  donne  la  bénédiction  du 
Samt-Sacrement  en  deux  églises,  en  un  même  jour.  Nous  ne  voulons 
pas  qu'on  la  donne  en  une  même  heure,  mais  en  des  heures  différentes, 
à  cause  du  petit  nombre  d'habitants  qui  se  trouvent  dans  chaque  ville. 

"  Nous  permettons,  ajoute  le  prélat,  que  l'on  donne  trois  fois  chaque 
mois  la  bénédiction  du  Saint-Sacrement.  Dans  les  églises  paroissiales 
des  villes,  les  premiers  Dimanches  du  mois;  dans  l'église  des  Jésuites, 
le  Dimanche  qu'ils  auront  choisi  pour  l'indulgence  des  âmes  du  purga- 
toire, et,  dans  l'église  des  Eécollets  le  Dimanche  qu'ils  ont  choisi  pour 
leur  confrérie.  Outre  ce  dimanche  et  les  deux  fêtes  de  leur  Ordre,  ils 
pourront  encore  donner  la  bénédiction  du  S.  Sacrement  les  jours  de  la 
semaine  que  nous  leur  aurons  permis  ou  pouvons  permettre  de  la  donner, 
excepté  les  jours  qu'elle  se  donnera  à  la  paroisse."  (2) 

Dans  la  même  ordonnance,  Mgr  de  Saint- Vallier,  arrête  ce  qui  suit 
au  sujet  de  l'exposition  du  Très  Saint  Sacrement  :  "  Nous  désirons,  dit- 
il,  que  le  Saint-Sacrement  ne  soit  pas  exposé  dans  un  même  jour  en 
plusieurs  endroits  différents,  et  pour  cela.  Nous  marquons  volontiers  les 
jours  que  chaque  communauté  le  pourra  exposer.  Quoique  notre  pré- 
décesseur n'ait  pas  jugé  à  propos,  pour  de  bonnes  raisons,  de  permettre 
d'exposer  souvent  le  Saint-Sacrement,  néanmoins  pour  accorder  quelque 
chose  aux  instantes  prières  qu'on  nous  a  faites,  nous  permettons  aux 
Communautés   lleligieuses   d'exposer,  chaque   année  le   Saint-Sacrement 


(  1  )   Cf.  Journal  des  Jésuites,  aux  dates  indiquées. 

(2)    Statuts  et  Ordonnances,  imprimés  à  la  fin  du  Rituel,  p.  103. 


—  185  — 

aux  deux  plus  grandes  fêtes  de  leur  Ordre.  Xous  leur  permettons  aussi 
de  l'exposer  dans  leur  église,  pendant  toute  Foctave  du  Saint-Sacrement, 
pourvu  qu'elles  le  fassent  honorer  avec  la  décence  requise,  et  qu'il  y  ait 
toujours  quelque  personne  qui  y  soit  en  station.  Xous  permettons  en 
particulier  aux  Eeligieux  de  la  Compagnie  de  Jésus  de  l'exposer  dans 
leurs  églises  les  trois  jours  qui  précèdent  le  mercredi  des  Cendres."  (1) 

Le  respect  et  l'amour  des  Canadiens  d'autrefois  envers  la  divine 
Eucharistie  ne  sont-ils  pas  encore  démontrés  dans  ces  processions  du 
Très  Saint-Sacrement  dont  le  Journal  des  Jésuites  nous  parle,  à  plu- 
sieurs reprises,  (2)  et  auxquelles  les  autorités  civiles  ne  manquaient 
jamais  de  prendre  part?  Et  oii  trouver  un  plus  l)oau  témoignage  de 
foi  et  de  confiance  envers  Jésus-Hostie  que  dans  ces  prières  publiques 
faites  devant  le  Saint-Sacrement  exposé  durant  les  temps  de  calamités, 
comme  la  guerre,  la  famine,  les  épidémies,  etc.  ! 

Xous  pourrions  citer  de  nombreux  exemples  de  ces  appels  touchants 
à  la  bonté  et  à  la  miséricorde  du  Dieu  Eucharistique;  nous  nous  con- 
tenterons de  quelques-uns. 

Le  13  février  1661,  le  fevi  s'étant  déclaré  dans  une  maison  de  la 
basse-ville,  à  Québec,  Mgr  de  Laval  se  rendit  sur  le  lieu,  portant  le  Saint- 
Sacrement  "  à  la  présence  duquel,  écrit  le  Père  Lalemant,  quelques-uns 
remarquèrent  que  le  feu  s'abaissa."  (3) 

Au  printemps  de  1T3T.  la  saison  froide  et  tardive  empêchant  la  se- 
mence des  grains,  M.  de  Miniac,  V.  G.,  commande  des  prières  publiques 
avec  exposition  consécutive  du  Très  Saint-Sacrement  dans  les  cinq  églises 
de  la  ville.  (4) 

Les  insectes  menacent-ils  la  récolte  des  blés  comme  en  1743,  l'évêque 
fait  donner  pendant  quinze  jours  la  bénédiction  du  Saint-Sacrement 
dans  sa  cathédrale.  (.ï) 

Deux  ans  plus  tard,  en  174-5.  le  bruit  s'étant  répandu  que  l'ennemi 
se  préparait  à  envahir  le  Canada,  Mgr  de  Pontbriand  ordonne  aussitôt: 
"  que  dans  toutes  les  églises  de  ce  diocèse  le  Saint-Sacrement  soit  exposé 
le  premier  dimanche  de  chaque  mois  :  à  Québec,  tous  les  dimanches  dans 
quelques-unes  des  églises  de  la  ville."  (C))  Et  des  prières  seml)lables 
furent  encore  ordonnées  en  17.')6.  après  la  dispersion  des  Acadiens,  (7) 
en  1757,  1759  et  1760. 

Mais  la  vraie  dévotion  envers  la  Sainte  Eucharistie  ne  consiste  pas 
seulement  dans  le  culte  extérieur,  dans  les  manifestations  plus  ou  moins 
solennelles  qui  accompagnent  le?  processions,  l'exposition  et  la  bénédic- 
tion du  Saint-Sacrement,  elle  s'affirme  encore  et    surtout  dans  la    ré- 


(1)  Statuts  et  Ordoiniancps.  j).  103. 

(2)  Voir  années  1646,  1647.  1648,  16.50.  1651.  etc. 

(3)  Journal  des  Jésuites,  p.  291. 

(4)  Mandements  des  Evêques  de  Qiiébce.  Vo\.  I.  |i.  .")')0. 
(5i  Ibid.  Vol.  Il,  p.  32. 

(6)  Mandements  des  Evêques,  Vol.  II.  p.  4ô. 

(7)  Ihid.,  p.  109. 


—  186  — 

eejjtion  du   pain   de    vie,  dans   la   ccmnimnion   fréi|iionte    faite   avec   les 
dispositions  convenables. 

Quelle  a  été  sur  ce  point  la  pratique  de  l'Eglise  canadienne,  sous  le 
régime  français,  par  exe'mple?  Le  jansénisme  ne  s'est-il  pas  infiltré  au 
Canada  au  XVIIe  ou  au  XVIIIe  siècle  et  n'y  a-t-il  pas  fait  de  ravages  ? 
Quelques  historiens  l'ont  affirmé,  (1)  et  plusieurs  peut-être,  en  lisant 
ces  pages  où  Ton  accuse  quelques  prêtres  de  jansénisme,  en  sont  venus  à 
la  conclusion  que  les  sacrements  de  Pénitence  et  d'Eucharistie  devaient 
être  à  cette  époque  peu  fréquentés. 

Pour  notre  part,  nous  pensons  qu'on  a  exagéré  la  diffusion  de  cette 
erreur  au  Canada.  Si  l'on  appelle  Jansénisme  la  conduite  blâmable  de 
certains  prêtres,  curés  ou  autres  qui,  se  montrant  très  sévères  au  confes- 
sionnal et  à  la  Sainte  Table,  se  contentaient  pour  leurs  paroissiens,  de 
la  communion  pascale,  nous  avouons  qu'il  a  existé  en  certains  endroits, 
même  dans  des  temps  assez  rapprochés.  Mais  si  l'on  entend  par  Jansé- 
nisme la  doctrine  proclamée  par  Jansénius,  pratiquée  et  défendue  par 
Port-Eoyal  et  condamnée  par  l'Eglise,  nous  croyons  qu'elle  fit  peu  de 
prosélytes  au  Canada. 

Dans  ses  Mémoires  sur  la  vie  de  Mgr  de  Laval,  (2)  Latour  affirme 
que  cette  erreur  s'était  glissée  au  Canada  par  le  moyen  des  livres  sur  les 
rites  chinois  envoyés  au  Séminaire  de  Québec  et  surtout  grâce  à  la  pro- 
pagande faite  par  M.  Varlet,  évêque  de  Babylone.  Et  paraii  les  par- 
tisans de  ce  dernier,  l'auteur  nomme,  M.  Villermaula  de  Saint-Sulpice, 
MM.  Thiboult,  curé  de  Québec,  et  Glandelet  du  Séminaire,  au  sujet  du- 
quel il  ajoute  aussitôt  :  "  Je  crois  cependant  qu'on  le  soupçonnait  mal  à 
propos."  Et  Latour  avait  raison.  Nous  avons  été  à  même  de  connaître 
par  les  écrits  de  M.  Glandelet  les  sentiments  religieux  de  ce  digne  prêtre 
et  nous  pouvons  dire  que  s'il  fut  janséniste,  rien  n'y  paraît.  On  peut 
en  dire  autant  de  M.  Thiboult  qui  desservait  la  paroisse  de  Québec  dans 
ce  temps  même  où  au  dire  de  l'auteur,  "  Mgr  de  Saint-Yallier  montrait 
beaucoup  de  vigilance  et  de  zèle  pour  empêcher  la  propagation  de  ces 
idées."  (3)  L'accusation  portée  contre  M.  de  Villermaula  par  Latour  ne 
j.araît  pas  plu?  fondée  que  les  autres.  (4) 

Quant  à  M.  Varlet,  l'influence  qu'il  put  avoir  au  Canada  au  point  de 
vue  janséniste,  est  fort  problématique,  le  futur  évêque  de  Babylone  n'y 
ayant  jamais  exercé  le  ministère.  Au  reste,  il  n'y  séjournera  que  quel- 
nues  mois,  (ô) 


(1)  Latour,  Mémoires  sur  la  Vie  de  Mgr  de  Laval,  Cologne,  1761,  Vol.  I,  p.  49. 
Garneau,  Histoire  du  Canada,  Québec,  1882,  Vol.  I,  p.  197. 

(2)  Opère  citato. 

(3)  Mémoires,  etc,  p.  50. 

(4)  Cf.  Bibliothèque  sulpicienne,  vol.  III,  p.  15. 

(r))  On  a  dit  et  répété  (Liste  Chronologique  du  Clergé)  et  Répertoire  du 
clergé  que  M.  Varlet  était  venu  au  Canada  en  1707,  d'où  il  passa  au  Mississipi 
en  1712.  C'est  une  erreur.  M.  Varlet  vint  directomont  de  Paris  au  Mississipi  en 
1712.  En  1717,  il  fit  un  voyage  au  Canada  pour  y  recruter  des  missionnaires.  Il 
«n  repartit  en  mai  1718.  Retourné  en  France  en  1718  il  arriva  a  Paris  le  30 
novembre;  le  19  février  1717,  il  était  sacré  évêque  coadjuteur  de  Babylone. 
Nous  n'avons  pu  trouver  aucune  trace  de  son  passage  il  Québec  si  ce  n'est  une 
note  oil  il  est  dit  qu'il  y  vient  chercher  dos  missionnaires. 


—  187  — 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  accusations,  il  est  certain  que  sous  le  régime 
français  du  moins,  la  communion  était  beaucoup  plus  fréquente  qu'on 
ne  le  croit  généralement. 

Examinons  d'abord  quel  était  l'enseignement  des  évêques  et  des  curés 
au  sujet  de  la  réception  des  sacrements  de  Pénitence  et  d'Eucharistie. 

En  1663,  sous  l'inspiration  de  Madame  d'Ailleboust  et  la  coiuUiite  du 
Père  Chaumonot,  S.J..  s'était  formée  une  pieuse  association  destinée  à 
honorer  la  Sainte  Famille  de  Jésus,  Marie  et  Joseph.  (1) 

Deux  ans  plus  tard,  le  14  mars  1665,  Mgr  de  Laval  approuvait  la  nou- 
velle association  et  Térigeait  eu  confrérie  pour  tout  le  Canada.  (2)  Au 
chapitre  des  pratiques  recommandées  aux  Dames  de  la  Sainte-Famille, 
on  lit  ce  qui  suit:  '*  Elles  se  confesseront  tous  les  quinze  jours  et  bonnes 
fêtes  de  l'année ....  et  communieront  aux  mêmes  jours  ou  plus  souvent, 
sur  l'avis  de  leur  confesseur."   (3) 

Quelques  années  plus  tard,  en  1678,  Mgr  de  Laval  érigeait  une  nou- 
velle confrérie  dite  de  Sainte-Anne,  "  composée  tant  de  maîtres  menui- 
siers que  d'autres  personnes  d'honneur,''  et  parmi  les  obligations  qu'il 
impose  aux  associés  se  trouve  celle  de  se  confesser  et  de  communier  ''  le 
jour  de  leur  réception  et  une  fois  chaque  mois."   (4) 

Comme  son  vénéré  prédécesseur,  Mgr  de  Saint-A^allier  recommande  la 
fréquentation  des  sacrements  de  Pénitence  et  d'Eucharistie.  Dans  son 
Rituel,  par  exemple,  après  avoir  parlé  des  effets  de  la  sainte  communion, 
il  continue:  ''Des  effets  si  admirables  doivent  engager  les  curés  h 
exhorter  les  fidèles  de  s'approcher  le  plus  souvent  qu'ils  pourront  de  cet 
adorable  sacrement...."  (5)  Et  plus  loin  il  ajoute:  "Les  curés  ne 
peuvent  mieux  faire  paraître  leur  zèle  envers  le  Très  Saint-Sacrement, 
qu'en  exhortant  et  excitant  la  dévotion  de  leurs  paroissiens  envers  cet 
auguste  mystère.  Ils  les  engageront  à  l'honneur  en  plusieurs  manières  : 
ou  en  établissant  une  confrérie  en  son  honneur,  ou  en  les  disposant  à  com- 
munier souvent  et  dignement  afin  qu'ils  ne  soient  pas  privés  d'une  nour- 
riture si  nécessaire  et  si  avantageuse."  (6) 

On  voit  encore  que,  parmi  les  pratiques  de  piété  que  le  prélat  recom- 
mande à. ses  curés  d'inspirer  à  leurs  paroissiens,  se  trouve  celle  "de  fré- 
quenter dignement  les  sacrements  de  Pénitence  et  d'Eucharistie,  au 
moins  tous  les  mois  une  fois."  (7) 


(1)  Autobiographie  du  P.  Cliaumonot  —  Copie  ancienne  —  Archives  du  Sémi- 
naire de  Québec. 

(2)  Cf.  La  solide  dévotion  à  la  Sainte-Famille,  Paris  1675,  p.  9.  Ce  petit  vo- 
lume attribué  il  M.  de  Maizerets  (Voir  Gosselin,  Vie  de  Mgr  de  Laval  I.  p.  601) 
n'est  pas  commun.  11  lonfcrme.  outre  le  mandement  de  Mgr  de  Laval,  les  brefs 
d'indulgences,   les   llèylcnicnls  de   l'Association,  etc. 

(3)  La  solide  dévotion,  etc.,  p.  28. 

(4)  Mandements  des  Evêques,  Vol.  I,  pp.  101-102. 
(ô)   Rituel.     Ed.  de  Paris  1703,  p.  163. 

(6)  liid.  p.  169. 

(7)  Ibid,  Statuts  et  Ordonnances,  p.  62. 


—  188  — 

Les  prêtres,  curés  ou  missionnaires^  dociles  à  la  voix  de  leur  évêque, 
prêchèrent,  pour  la  plupart  du  moins,  la  dévotion  à  la  Sainte  Eucha- 
ristie. 

Dans  un  sermon  pour  la  Fête-Dieu,  en  1730,  M.  Plante  recommande 
fortement  à  ses  auditeurs,  les  paroissiens  de  Québec,  l'assistance  à  la 
messe,  la  visite  au  Saint  Sacrement  et  la  communion.   (1) 

En  1743,  M.  Jacreau,  prêtre  du  Séminaire,  prêchant  probablement  à 
la  cathédrale  et  énumérant  les  moyens  de  salut  que  les  chrétiens  négli- 
gent trop,  indique  "la  réception  digne  et  fréquente  des  sacrements."  (2) 

Dans  une  belle  amende  honorable  faite  en  1747,  alors  qu'il  était  des- 
servant de  la  cure  de  Québec,  le  même  M.  Jacreau  disait  :  "  Quoi  donc, 
n'aurions-nous  pas  pu  trouver  une  heure  par  mois  pour  pouvoir  vous  re- 
cevoir ! .  . .  .  Nous  protestons,  Seigneur,  que  nous  serons  fidèles  à  vous 
recevoir  fréquemment  et  avec  toute  la  préparation  et  l'amour  dont  nous 
serons  capables."'  (3) 

Dans  une  autre  occasion,  en  1752,  il  prêche  la  dévotion  au  Saint- 
Scapulaire  et  il  engage  les  fidèles  à  profiter  de  toutes  les  indulgences 
qu'oiïre  cette  confrérie  :  le  jour  de  la  réception,  le  3e  dimanche  de  chaque 
mois,  aux  principales  fêtes  de  la  Sainte  Vierge,  etc.  (4) 

En  1756,  M.  Eécher,  dernier  curé  de  Québec  sous  la  domination 
française,  recommandait  aux  parents  de  veiller  à  ce  que  les  enfants  fré- 
quentassent souvent  les  sacrements  de  Pénitence  et  d'Eucharistie.   (5) 

IsTous  avons  sous  les  yeux  une  Exlior-tation  du  même  curé  pour  la  com- 
munion générale  des  enfants,  le  14  Janvier  1748.  Nous  n'en  citerons 
qu'un  passage:  "Cet  enfant,  dit-on,  fréqiiente  les  sacrements;  il  com- 
munie tous  les  mois,  même  plus  souvent,  et  cependant  il  ne  change  point, 
il  est  toujours  le  même,  toujours  désobéissant,  orgueilleux,  toujours  mé- 
disant, paresseux,  indévot,  comment  cela  se  fait-il?  La  raison  n'en  est 
pas  difficile  à  trouver:  c'est  que  pour  vivre  chrétiennement  il  ne  suffit 
pas  de  recevoir  souvent  les  sacrements,  mais  il  faut  les  recevoir  avec  les 
dispositions  convenables. . .  "  (6) 

Et  pour  terminer  cette  preuve  un  peu  longue  peut-être,  mais  que  nous 
avons  considérée  comme  importante,  qu'on  nous  permette  de  citer  un 
article  du  règlement  du  Petit  Séminaire  de  Québec,  règlement  qui  date 
de  1683  ou  environ.  "  Les  enfants,  y  est-il  dit,  se  confesseront  tous  les 
"  samedis  ou  veilles  de  fêtes  qu'ils  communieront. 

"  Ils  communieront  ordinairement  tous  les  quinze  jours  et  toutes  les 
"  grandes  fêtes  de  Notre-Seigneur,  de  la  Sainte-Vierge  et  des  Apôtres. 
"  Le  Directeur  pourra  néanmoins  l'accorder  plus  souvent  à  ceux  qu'il  en 
"jugera  dignes;  ils  feront  au  moins  un  quart  d'heure  d'action  de  grâces 


(1)  Archives  du  Séminaire  de  Québec. 

(2)  Ibid. 

(3)  Archives  du  Séminaire. 

(4)  llia. 

(5)  lUd. 

(6)  Archives  du  Séminaire. 


—  189  — 

après  la  communion  et  se  tiendront  tout  le  jour  plus  modestes  qu"à  l'ordi- 
naire."'  (1) 

Tous  ces  documents  ne  laissent  aucun  doute  sur  l'importance  que  le 
clergé  attachait  à  la  réception  dos  sacrements  de  Pénitence  et  d'Eucha- 
ristie et  prouvent  que  la  communion  mensuelle  et  même  plus  fréquente 
était  fortement  recommandée  aux  fidèles  :  voyons  maintenant  comment 
dans  la  pratique,  ceux-ci  ont  écouté  la  voix  de  leurs  pasteurs. 

Dans  la  Relation  de  1634,  le  P.  Le  Jeune  écrivait  à  propos  de  la  Cha- 
pelle de  Notre-Dame  de  Eecouvrance  :  "  qu'elle  a  donné  une  belle 
commodité  aux  Français  de  fréquenter  les  sacrements  de  TEglise.  ce 
qu'ils  ont  fait  aux  bonnes  fêtes  de  l'année  et  plusieurs  tous  les  mois.'"  (2) 

Il  disait  encore  dans  la  Eelation  de  1G37:  "Il  s'est  passé  peu  de 
Dimanches  et  Fêtes,  pendant  l'hiver  que  nous  n'ayons  vu  et  reçu  des 
personnes  à  la  table  de  Xotre-Seigneur.  Et  tels  qui  de  trois,  de  quatre 
et  cinq  ans  ne  s'étaient  pas  confessés  en  l'Ancienne-France,  s'approchent 
maintenant  en  la  Nouvelle  plus  souvent  que  tous  les  mois  de  ce  sacre- 
ment si  salutaire."   (3) 

On  lit  encore  dans  la  Pelation  de  1640  :  "  Les  habitants  de  ce  nouveau 
monde....   fréquentent  souvent  les  sacrements  de  vie."   (4) 

Le  Père  Eagueneau  rapporte  dans  la  Relation  de  1651  qu'à  Québec, 
chaque  maison  avait  pris  un  saint  pour  Patron  et  fait  un  vœu  public,  que 
chacun  se  confesserait  et  communierait  au  moins  une  fois  le  mois.''  (5) 

M.  Dollier  de  Casson  rapporte  que  les  soldats  en  garnison  au  fort 
Sainte- Anne,  (Ile  Lamothe),  durant  l'année  1666,  communiaient  très 
souvent."  (6) 

Vingt  ans  plus  tard,  Mgr  de  Saint- Vallier,  tout  surpris  de  trouver  tant 
de  ferveur  dans  les  missions,  même  les  plus  éloignées,  écrivait  :  "  Les 
Français  s'y  sont  conservés  dans  la  pratique  du  bien,  et  lorsque  le  mis- 
sionnaire qui  a  soin  d'eux  fait  sa  ronde  pour  aller  administrer  les  sacre- 
ments d'habitation  en  habitation,  ils  le  reçoivent  avec  une  joie  qui  ne  se 
peut  exprimer;  ils  font  tous  leurs  dévotions,  et  on  serait  surpris  si  quel- 
qu'un ne  les  faisait  pas. .  ."  (7) 

C'est  encore  le  même  prélat  qui  en  1690,  après  s'être  plaint  de  la  pro- 
fanation que  l'on  faisait  des  choses  les  plus  saintes  ajoutait  :  "  Ce  re- 
proche n'est  que  trop  bien  fondé  dans  un  pays  où  on  approche  si  souvent 
des  sacrements. . ."  (8) 


(1)  Archives  du  Séminaire. 

(2)  Ed.  de  Québec,  p.  2. 

(3)  Ibid,  p.  7. 

(4)  Ibid,  p.  5. 

(5)  Ibid    p.  2. 

(6)  Histoire  du  Montréal,  p.   190. 
(7)  Etat  présent  de  l'Eglise,  p.  84. 

(S)   Circulaire  pour  engager  les  habitants  du  pays  à  se  bien  défendre  contre 
les  Anglais.     Mand.  des  Ev.,  p.  266. 


—  190  — 

"  Eien  de  plus  fréquent  que  la  communion  dans  cette  colonie,"  s'écriait 
i\n  jour  M.  de  la  Colombière  dans  un  sermon  sur  l'Eucharistie.  (1)  Et 
ce  vertueux  prêtre,  qui  fut  chanoine,  grand  vicaire  de  Québec,  conseiller- 
clerc,  etc.,  était  à  même  de  savoir  ce  qui  se  passait  au  pays  où  il  vécut  et 
travailla  durant  de  longues  années.  (2) 

A  ces  notes  déjà  trop  longues,  nous  aurions  voulu  en  ajouter  quelques- 
unes  touchant  la  dévotion  à  TEucharistie  dans  les  communautés  reli- 
gieuses, particulièrement  celles  de  femmes.  Il  nous  aurait  été  agréable 
de  dire  comment  une  Marie  de  l'Incarnation,  une  Marguerite  Bourgeoys, 
une  Jeanne  Mance  ou  une  Catherine  de  Saint-Augustin  pour  ne  citer 
que  celles-là,  pratiquaient  la  dévotion  au  Très  Saint-Sacrement,  et  com- 
ment aussi  elles  savaient  l'inspirer  à  celles  qui  vivaient  sous  leur  dépen- 
dance ou  à  leurs  côtés.  Mais  puisqu'il  faut  abréger  ce  travail,  nous  nous 
abstiendrons  d'entrer  dans  les  détails,  nous  contentant  de  rappeler  à 
l'admiration  de  leurs  compatriotes,  le  nom  de  deux  Canadiennes  qui  se 
signalèrent  par  leur  dévotion  au  Saint-Sacrement:  la  Mère  Duplessis 
de  Sainte-Hélène,  de  l'Hôtel-Dieu  de  Québec,  qui  de  1717  à  1758,  dis- 
tribua dans  les  paroisses  et  missions  du  pays  222  pales  faites  par  elle- 
même  dans  ses  moments  de  loisir  et  ses  récréations,  (3  )  et  Jeanne  Leber 
qui,  recluse  volontaire  dans  une  petite  cellule  du  couvent  de  la  Congré- 
gation de  Montréal,  resta  pendant  vingt  ans  prisonnière  du  Saint- 
Sacrement. 

Dans  ces  pages  très  sommaires  nous  avons  essayé  d'esquisser  l'histoire 
de  la  dévotion  à  l'Eucharistie  au  Canada  sous  le  régime  français. 

Si  l'on  en  excepte  quelques  actes  de  sévérité  outrée  de  la  part  de  cer- 
tains prêtres,  surtout  au  commencement  du  dernier  siècle,  la  dévotion  à 
l'Eucharistie  demeura  jusqu'à  la  fin  du  XIXe  siècle,  en  pratique  du 
moins,  à  peu  près  ce  qu'elle  avait  été  sous  le  régime  français.  L'établis- 
sement des  Quarante-Heures  et  l'épanouissement  de  la  dévotion  au 
Sacré  Cœur  de  Jésus,  dévotion  qui  remonte,  au  Canada,  à  plus  de  deux 
siècles,  sont  venus  à  temps  pour  raviver  et  étendre  cette  dévotion  à  la- 
quelle les  décrets  récents  de  Sa  Sainteté  Pie  X  devaient  donner  un 
nouvel  élan.  (4) 


(1)  Sermon  manuscrit  conservé  aux  Archives  de  l'Hôtel-Dieu  de  Québec.  Ce 
document  ainsi  que  plusieurs  autres  que  nous  n'avons  pu  utiliser  faute  d'espace, 
nous  a  été  communiqué  par  Mgr  C.  0.  Gagnon,  P.  A.,  à  qui  nous  offrons  l'ex- 
pression de  notre  sincère  reconnaissance. 

(2)  M.  Joseph  de  la  Colombière  était  frère  du  célèbre  Jésuite  de  ce  nom.  Il 
demeura  près  de  trente  ans  au  Canada  et  mourut  à  l'Hôtel-Dieu  de  Québec  le 
18  juillet  1723,  avec  la  réputation  d'un  saint. 

(3)  Archives  de  l'Hôtel-Dieu.  —  Nous  devons  à  l'obligeance  de  Mgr  C.  O. 
Gagnon,  la  "  TAste  des  pales  faites  et  distribuées  à  différentes  églises  par  la  Ré- 
vérende Mère  Marie-Andrée  Duplessis  de  Saint-Hélène  et  toutes  accompagnées  de 
prières  composées  par  elle. 

(4)  La  fête  au  Sacré-Cœur  de  Jésus,  fut  établie  aux  Ursulines  de  Québec  par 
Mandement  de  ^fgr  de  Saint-Vallicr,  le  30  mars  1700.  Voir  "Les  origines  de  la 
dévotion  au  Sacré-Coeur  de  Jésus  au  Canada";  par  M.  l'abbé  L.  Lindsay,  Mont- 
réal, 1900. 


—  191  — 

Le  Père  Le  Jeune  disait  dans  la  Eelation  de  1G37  :  "  Il  est  extrême- 
ment important  d'introduire  de  bonnes  lois  et  de  saintes  coutumes  en 
ces  commencements,  car  ceux  qui  viendront  après  nous  marcheront  sur 
nos  brisées  et  suivront  aisément  la  pente  que  nous  leur  aurons  donnée 
soit  à  la  vertu,  soit  au  vice.'' 

Ces  paroles  écrites,  il  y  aura  bientôt  trois  siècles,  sont  encore  d'actua- 
lité. Xous  les  faisons  nôtres  en  les  appliquant  au  culte  de  la  divine 
Eucharistie.  Que  chacun  de  nous,  selon  ses  mo3-ens,  s'efforce  de  pra- 
tiquer et  de  promouvoir  la  dévotion  au  Très  Saint-Sacrement,  la  pre- 
mière et  la  plus  importante  de  toutes  les  dévotions.  Ceux  qui  viendront 
après  nous  marcheront  sur  nos  traces  et  suivront  nos  exemples,  et  ainsi 
d'âge  en  âge  le  peuple  canadien-français,  fidèle  à  ^•on  ])assé.  continuera 
à  rendre  au  Christ-Eoi  les  hommages  de  foi,  de  respect  et  d'amour  qui 
lui  sont  dus  toujours  et  partout,  mais  particulièrement  dans  la  Sainte- 
Eucharistie.     C'est  là  notre  vœu  le  plus  ardent. 

Christus  rivai,  Christus  régnât,  Chnstus  imperat. 


Mgr  Gagnoii,  de  Québec,  nous  parle  ensuite  de  "  la  pratique 
de  la  dévotion  eucharistique  dans  le  diocèse  de  Québec.  '' 

Le  travail  de  M^t  Caj^non  est  tout  entier  le  résultat  d'une 
vaste  et  minutieuse  enquête,  faite  à  travers  un  vaste  diocèse, 
et  qui  donne  à  cette  étude  une  grande  valeur  documentaire. 


RAPPORT 
SUR  LA  DEVOTION  AU  SAINT  -  SACREMENT 

DAXS  LE  DIOCESE  DE  QUEBEC 


La  majeure  partie  de  ce  travail   concerne  la  ])i'atique  de  la  Sainte 
Communion  dans  le  diocèse  de  Québec. 
Xous  montrerons  : 

1°  L'état  de  choses  en  1909:  —  statistiques  et  répartitions: 

2°  Le  progrès  accompli  dans  les  dix  années  1900-1909: 

3°  Les  obstacles  rencontrés  et  les  moyens  pris  pour  les  écarter. 

Sous  forme  d'appendice,  nou.s  ajouterons  un  mot  sur  rn^sistance  à  la 
Sainte  Messe,  la  visite  au  Saint-Sacrement,  l'étlucation  eucharistique 
des  tout  petits  enfants  et  la  communion  fréquente  chez  les  enfants  qui 
viennent  de  faire  leur  Première  Communion. 

Ce  rapport  a  été  fait  à  l'aitlo  des  réponses  données  j)nr  ^lessieurs  les 


3 


—  192  — 

Curés  du  diocèse  (1),  auxquels  a  été  transmis,  par  l'Ordinaire  de 
Québec,  en  février  dernier,  un  questionnaire  destiné  à  recueillir  des 
renseignements  sur  la  piété  et  le  culte  eucharistique  dans  le  diocèse  de 
Québec. 

Ces  réponses  sont  une  documentation  de  premier  choix,   dont  nou: 
allons  vous  communiquer  un  résumé. 

Ah  !  les  statisticiens  passeraient  quelques  belles  heures  à  parcourir  ces 
chiffres,  à  les  comparer,  à  les  coordonner  par  coefficients  et  proportions. 
Mais  ici  il  faut  nous  borner. 


PRATIQUE  DE  LA  SAINTE  COMMUNION 


A  • —  Etat  actuel 

Voici,  pour  l'an  de  grâce  1909,  le  nombre  des  communions  dans  le. 
diocèse  de  Québec  : 

Dans    les    212    églises   paroissiales 4,352,000 

Dans  les  chapelles  et  couvents 1,469,000 

Ce  qui  nous  vaut  un  total  de     5,821,000 

Vous  entendez  :  cinq  millions  huit  cent  vingt  et  un  mille 

communions  ! 

Mais  ce  chiffre  en  soi  a  peu  de  valeur,  c'est  la  proportion  qui  fait  tout. 
Donnons  donc  ces  chiffres  proportionnels. 

Le  diocèse  a  une  population  catholique  de  369,616  âmes,  dont  244,018 
communiants. 

Nous  avons  donc  une  moyenne  de  24  communions  par  communiant, 
in  gloho,  paroisses  et  communautés.  —  Cette  moyenne  ne  vous  satisfait 
pas,  et  vous  avez  raison.  Vous  voulez  savoir  combien  l'on  fréquente  la 
Sainte  Table,  abstraction  faite  des  couvents,  communautés,  maisons  reli- 
gieuses et  pensionnats.  Eh  bien,  pour  les  212  églises  paroissiales,  la 
moyenne  de  communions  dans  l'année  par  communiant  est  de  19  ! 

Voilà,  Messieurs,  une  belle  moyenne,  que  peuvent  nous  envier  nombre 
de  pasteurs  des  deux  continents,  même  des  régions  encore  foncièrement 
catholiques. 


(1)  Douze  paroiss(!S  n'ont  pu  donner  de  renseignements;  nous  y  avons  suppléé 
assez  bien  par  les  derniers  rapports  annuels,  —  par  les  témoignages  des  curés 
voisins,  —  et  (pour  le  nombre  des  communions)  par  les  factures  des  fournis- 
seurs de  pains  d'autel. 


^  La   iIÎ:OAILLE   DU   CoNCRtS. 

t, 

TiiE  C'oxGiîEss  ;Mei)al. 


K.    I'.    l'ri.i.KTii;!!.  s.  s.  s.. 

Secr^itaiiH'  (ir-ni'-ial   <ln   <  oiiurt^s. 

GciHM-al  Si-c-ictary  of  tli.-  (nii-ri-ss. 


193 


Comment  se  répartissent  ces  5  millions  821.000  communions  ? 

a)  D'après  les  jours 

Chaque  jour  "ouvrier"  (nons  on  avons  environ  300  dans  l'année),  il 
se  donne  dans  nos  paroisses  6644  eouimunions,  soit  une  moyenne  de  3 
communions  par  100  communiants.  Cette  moyenne  se  trouve  dépassée 
en  certaines  paroisses  : 


Dans   11  paroisses  elle  est  de  1  % 

9         '•             "  "  "  5  % 

«       6         "             "  "  "  6  % 

«       4         "             "  "  "  7  % 


Trois  enfin  tiennent  les  premiers  ranofs  avec  9,  12  et  même  20  %  ! 
Qu'il  me  soit  permis  de  nommer  ici  ce  lauréat  de  TEucharistie  :  c'est  la 
paroisse  rurale  de  Saint- Alban  (comté  de  Portneuf). 


Yoilà  pour  les  Jours  sur  semaine.  Voici  maintenant  pour  le  jour  du 
Seigneur,  le  Saint  Jour  du  dimanche. 

Chaque  dimanche  et  jour  de  fête,  19,637  communions  sont  distri- 
buées dans  nos  212  paroisses.  (Encore  une  fois,  il  n'est  pas  question 
des  couvents  et  de  leurs  œuvres.) 

19,637  communions,  donc  une  moyenne  de  8  coinnui nions  par  100 
communiants. 

5  paroisses  comptent  de  10  à  20  % 
5  autres  "         de  20  à  30  % 

1  arrive  avec  36  %  ! 


Quand  il  s'agit-  des  communions  mensuelles,  ce  qui  était  du  "  luxe  ", 
il  y  a  un  quart  de  siècle,  est  devenu  un  bon  ordinaire,  et  encore!  cet 
ordinaire  est  insuffisant  à  heaucou]).     Deo  ffratias! 

Kion  c|ue  jjour  le  premier  vendredi  de  chaque  mois,  nous  comptons 
45,000  communions. 

Soit  une  moyenne  de  18  pour  100  communiants. 

39  paroisses  vont  plus  haut  avec  une  moyenne  de  2.')  %. 

39  autres  avec  35%. 

10  montent  à  50% 
et  cinq  se  disputent  la  palme  avec  66  ou  70%  !  TTeureuses  paroisses! 
7 


194  — 


* 
*        * 


Viennent  dans  l'année  les  circonstances  "  eucharistiques  "  :  Missions 
et  Eetraites,  Jubilés  et  Triduums,  Quarante-Heures  et  "  grands  con- 
cours "  : . . .  Tous  les  fidèles  seront  là,  à  la  Table  Sainte  ;  dans  beaucoup 
de  paroisses,  non  pas  seulement  une  fois,  mais  deux,  trois,  quatre  fois. , . 
autant  qu'il  sera  possible. 


Telle  est  la  répartition  de  nos  communions  d'après  les  jours.     Si  nous 
la  faisons  maintenant. 


h)   D'après  les  lieux 

nous  constaterons  une  noble  émulation  entre  la  ville  et  la  campagne. 
Xous  avons  dit  que  la  moyenne  de  communions  par  communiant  avait 
été,  en  1909,  pour  les  paroisses  (retenez  le  mot)  du  diocèse,  de  19. 

Les  paroisses  de  la  cité  de  Québec  s'adjugent  1,036,763  communions, 
lesquelles  réparties  entre  les  49.435  communiants,  fournissent  comme 
moyenne  20.9,  en  chiffres  ronds  21  ! 

Le  reste  du  diocèse,  petites  Aalles,  villages  et  paroisses  rurales,  auront 
alors  une  moyenne  de  17.  C'est  moins,  mais  les  grandes  distances  à 
parcourir  pour  se  rendre  à  l'église,  les  difficultés  du  ministère  là  où  il 
n'y  a  qu'un  seul  prêtre,  les  travaux  de  chantiers  vous  diront  assez  pour- 
quoi. 

Il  y  a  plus  encore  :  certaines  paroisses  de  campagne  nous  donnent  une 
moyenne  vraiment  exemplaire  : 

Nous  en  comptons  37  qui  ont  de  20  à  25  communions  par  commu- 
niant, et  20  qui  ont  de  25  h  30  communions  par  communiant,  au-dessus 
desquelles  émergent  Plessisville  (comté  de  Mégantic),  avec  33  et  Saint- 
Denis  (comté  de  Kamouraska)  qui  surpasse  tout  avec  35  (1). 


Bien  entendu  que,  dans  ces  chiffres,  la  grosse  moitié  appartient  au 
sexe,  qu'on  a  nommé  le  sexe  dévot.  Toutefois,  ce  qu'il  faut  constater 
avec  plaisir,  c'est  que,  dans  127  paroisses,  les  jeunes  gens  so  présentent 
plus  nombreux  (prautrefois  à  la  Sainte  Table,  grâce  aux  associations  qui 
les  unissent  et  en  font  de  bons  chrétiens. 


(1)  Les  rapports  fournis  dirccteinent  par  lo  curé,  donnent  un  total  de  11,300 
communions  pour  le  premier  semestre  de  1910,  ce  qui  portera,  pour  cette  année, 
la  moyenne  des  communions  >\  39. 


— 19.:;  — 

En  bon  nombre  de  paroisses,  une  quarantaine,  on  voit  les  garçons 
communier  plus  souvent  que  les  gens  mariés.  Dieu  soit  béni  !  Dans  une 
forte  paroisse  de  Québec,  depuis  deux  ans,  un  progrès  "  immense  "  s'est 
opéré. 

En  règle  générale,  il  y  a  augmentation  notable  de  communion?  cliez 
les  hommes,  spécialement  dans  la  jeunesse. 


B  • —  Progrès  accompli 

Xous  parlons  d'augmentation.  Ici  il  nous  faudrait  une  nouvelle  sta- 
tistique. Celle  que  nous  venons  de  donner  ne  concerne  (]ue  Vétat  actuel 
de  la  pratique  de  la  Sainte  Communion.  Mais  ce  n'est  que  la  moitié 
de  la  question.  Un  bon  statisticien  cherche  surtout  à  connaître  le 
mouvement,  le  progrès. 

A  ce  point  de  vue.  nous  avons  moins  de  doctiments  à  fournir,  mais  ce 
que  nous  pouvons  offrir  suffira  à  vous  donner  tme  idée  du  mouvement 
général. 

Grâce  aux  renseignements  donnés  par  les  communautés  religieuses 
qui  font  les  pains  d'autel,  nous  constatons  dans  le  plus  grand  nombre 
des  paroisses  une  progression  inespérée.  Voyons  la  comparaison  dans 
les  dix  années  (1900-i'909)  : 

Une  paroisse  passe  durant  ce  temps  de       (i.OOO  à     :^2,600 
Une  autre  "  '•  '•  IT^OOO  à     62,000 


i(  a  ((  a  (i 


'• 

a: 

a 

« 

et 

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a 

ce 

a 

4,960  à  15.400 

"   "      "     "       "       4,500  à  12.600 

3,700  à  9.200 

4,800  à  12.300 

2,800  à  7.000 

6,400  à  17.000 

5,000  à  12,000 

3,400  à  7.20O 

58,000  à  113,000 

7,000  à  14.500' 

12,500  à  26,500 

6,675  à  12^918 

92,000  à  173.700 

150,000  à  266,000 


(i  Ci  ce  ce  ce 

ce  ce  ce  ce  ce 

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ce  ic  ce  ce  ce 

ce  ce  te  ce  ce 

ce  ee  ce  ce  ce 

ce  ce  ee  ce  ee 

ce  ce  ce  ee  ce 

ce  ce  ee  ee  ce 

ce  ce  ee  ce  ce 

ce  ce  ce  ce  ce 

ce  ce  ee  ce  ce 


Dans  les  communautés  et  maisons  d'éducation,  la  progression  est  à  peu 
près  la  même  : 

l'une   passe    (1900-1909)    de         1,000  à     10,000 
une  autre  ])asse    (1900-1909)    de       17,600  à     54,800 

41,500  à     81.500 


ee 
ee 


25,700  à     50.000 
104,000  à  156,000   (1) 


(1)    Dan 5  un  collège  classique,  le  nombre  des  communions  est  monté,  dans  les 
trois  dernières  années  scolaires,  de  35,000  a  55,000. 


—  196  — 

Mais  je  commence  à  abuser  de  votre  bonne  volonté  avec  cette  ava- 
lanche de  cliiffres.  Passons  vite  au  résumé  de  ce  progrès  opéré  en  10 
ans: 

En  1900:  sur  une  population  de  325,000  nous  avions  211,000  com- 
muniants. 

En  ]i)09:  sur  une  population  de  369,000  nous  avions  24-1,000  com- 
muniants. 

En  1900  En  1909 

3  millions  868,000  communions 5  millions  821,000 

Moyenne  in  ffl oh 0  13.6 24 

Dans    les    maisons    religieuses    et 

d'éducation) 588,000 1,469,000 

(Dans  les  paroisses. .    ..2,210,000 4,352,000 

Moyenne  de  communions  par 
communiant  dans  les  paroisses 
seulement lOy.^ .    19 

* 

Cette  progression  dans  la  fréquence  de  la  Sainte  Communion  a  eu 
pour  résultat,  vous  le  devinez,  la  progression  dans  la  vertu  et  la  diminu- 
tion du  règne  du  péché. 

"  Le  bien  augmente  en  proportion  des  communions  ". 

Bien  des  désordres  ont  cessé  ou  à  peu  près,  depuis  les  décrets  de  1905. 
Ici  c'est  rivrognerie  qui  diminue  beaucoup,  là  c'est  le  blasphème,  ce  sont 
les  danses  mauvaises  qui  disparaissent. 

Mais  surtout  le  vice  est  battu  en  brèche  :  ''  Pour  notre  jeunesse,  le  seul 
grand  moyen  de  lutter  contre  le  vice,  c'est  la  communion  fréquente. 
Combien  ne  sont  pas  guéris  et  corrigés  par  l'Eucharistie? 

Et  puis,  l'éducation  des  enfants  !  Comment  résister  au  courant  du 
libéralisme  qui  corrompt  l'éducation  ?  Grâce  à  l'Eucharistie,  les  enfants 
sont  plus  soumis,  les  parents  plus  exemplaires  et  plus  vigilants. 

Enfin  le  peuple  fidèle  est  plus  chrétien,  moins  routinier  et  plus  con- 
vaincu. Tl  aime  mieux  son  église  et  son  curé,  il  parle  plus  souvent  et 
plus  fidèlement  à  son  Dieu. 

La  parole  du  Sauveur  ne  peut  faillir:  "  Qui  manducat  meain  carnem, 
in  me  manet  et  ego  in  illo  ". 

*       * 

Mais  je  devine  facilement  (jue  vous  ave;^  une  question  à  me  poser. 
"Vous  nous  mettez  sous  les  yeux  l'aspect  consolant  —  seml)lez-vous  me 
dire,  —  montrez-nous  un  peu  la  contre-partie...  Parlez-nous  de  ceux 
qui  ne  communient  pas  même  à  Pâques.     Combien  sont-ils?" 

Voici  les  réponses  de  Messieurs  les  Curés  : 

Dans  81  paroisses,  tous  les  fidèles  communiants  sans  exception  font  leurs 

pâques. 
"     29         "  on  compte  1  abstention, 

a     34  «  '^       "  2 

u       09  ii  a         a  o  « 


—  197  — 

Sur  k"  total  de  244.000  eoinniuniants  du  diocèsi',  il  y  en  aurait  1418 
qui  n'accomplissent  j)as  leur  devoir  pascal.  Et  sur  ce  nombre  les  deux 
tiers  reviennent,  comme  Ijien  vous  pensez,  aux  sept  grandes  paroisses  de 
la  ville  de  Québec. 

La  grande  moyenne  reste  donc  de  6  pour  lUOO.  C'est  encore  bien 
trop,  sans  doute,  mais  combien  de  pasteurs  et  d'âmes  zélées  sur  Fun  et 
l'autre  continents  voudraient  n'en  pas  déplorer  de  ])lus  triste! 

Fermons  la  parenthèse,  et  constatons  que  soit  comme  état,  soit  comme 
mouvement.  Québec  peut  offrir  au  Saint- Père  une  gerbe  bien  consolante 
par  sa  richesse  et  sa  l)eauté. 


C  —  Obstacles 


X"allez  pas  croire  (pie  ces  résultats  se  soient  a])érés  sans  effort. 

Xos  campagnes  offrent  une  moyenne  annuelle  (1909)  de  17.3  com- 
munions par  communiant. 

Pour  qui  connaît  nos  paroisses  rurales,  vastes  comme  des  diocèses  ita- 
liens. —  la  longueur  des  distances  qui  séparent  les  fidèles  de  leurs 
églises  (1,  2.  3  lieues!)  —  le  mauvais  état  des  chemins  (19  fois  sur  20). 

—  les  intempéries  des  saisons,  les  rigueurs  et  la  longue  durée  de  l'hiver. 

—  le  groupement  des  hommes  dans  les  chantiers,  durant  le  tiers  ou  la 
moitié  de  l'année,  à  vingt  ou  trente  lieues  de  toute  église.  —  le  nombre 
considérable  des  enfants  qui  retient  la  mère  de  famille  à  la  maison:  — 
on  ne  pourra  s'empêcher  d'admirer  la  bonne  volonté  de  notre  peuple 
pour  se  rendre  à  la  Sainte  Table. 

Plût  au  ciel  qu'il  n'y  eût  d'autres  obstacles  que  ceux-là  !  La  routine 
et  l'insouciance.  —  la  mollesse  et  la  lâcheté,  —  un  reste  de  préjugés 
jansénistes,  —  l'amour  des  plaisirs  mondains,  l'inconduite,  les  divertis- 
sements dangereux  (théâtre.^,  vues  animées,....)  —  i)ai-fois  aussi  une 
sourde  opposition  de  la  part  de  la  famille  et  des  voisins  —  et  chez  cer- 
tains parents  une  crainte  ridicule  pour  la  santé  de  leurs  enfants  qui 
devront  se  lever  de  bonne  heure.  .  .  :  tout  cela  paralyse  l'âme  et  la  retient 
dans  son  apathie  et  son  terre-à-terre. 


D  —  Moyens 


Mais  nos  pasteurs  ont  attaqué  l'ennemi  de  front.  Tous  les  moyens 
ont  été  employés:  prédication,  —  exhortations  au  confessionnal,  — 
triduums  eucharistiques,  —  facilités  pour  l'heure  de  la  confession  et  de 
la  communion,  aux  ouvriers,  "habitants"  et  mères  de  famille,  —  distri- 
butions de  revues,  brochures,  images,  tracts  "  orl  hoc",  —  célébration 
plus  solennelle  des  Premiers  Vendredis,  —  apostolat  auprès  des  enfants, 
—  établissement  ou  réorganisation  <les  confréries  du  Saint-Sacrement, 
etc.,  —  tiers-ordre,  etc.,  —  zèle  des  instituteurs  et  institutrices    (par 


—  19S  — 

mallieur,  le  zèle  des  institutrices  laïques  n'est  pas  toujours  ce  qu'il  de- 
vrait être). 

Aucun  de  ces  moyens  n'a  été  employé  en  vain.  Parmi  ceux  qui  don- 
nent les  plus  beaux  fruits,  mentionnons  (d'après  les  rapports  de  MM. 
les  curés)  : 

Dans  un  grand  nombre  de  paroisses  :  assiduité  au  confessionnal. 

Dans  25  paroisses  :  confréries  et  réunions  de  jeunesse. 

Dans  20  paroisses:  travail  sur  l'âme  des  enfants. 

Dans  13  paroisses:  prédication  eucharistique  (persistante). 

Ailleurs  :  la  dévotion  au  Sacré-Cœur  et  la  Communion  des  premiers 
vendredis...  (avec  une  seconde  communion  pour  les  âmes  du  purga- 
toire). 

Ailleurs  les  "  concours  ",  —  les  "  chaînes  de  communions  ". 

Dans  une  paroisse  rurale:  l'exemple  du  personnel  du  presbytère,  au- 
quel le  curé  donne  toutes  facilités  pour  entendre  la  Sainte  Messe,  se 
confesser  et  communier   (1). 


RENSEIGNEMENTS  SUPPLEMENTAIRES 


On  peut  affirmer  d'une  manière  générale  que  l'assistance  au  Saint 
Sacrifice  a  profité  de  l'élan  des  âmes  vers  la  Sainte  Table.  Dans  quelle 
proportion  ? 

En  cette  matière,  on  ne  peut  exiger  une  rigoureuse  exactitude  de 
chiffres.     Voici  pourtant  des  moyennes  fournies  par  des  prêtres  sérieux: 

Parlons  d'abord  de  la  ville  de  Québec.  Quatre  paroisses  donnent  les 
nombres  suivants  : 

telle  paroisse  de    5,546  âmes  comi)te    500  iiersonnes 
15,073     "  "      1,000 

12,044     "  ''  750 

12,224     "  "  700  " 

qui  assistent  aux  diverses  messes  chaque  jour  de  semaine. 

Pour  la  campagne,  nous  avons  comparé  le  chiffre  de  l'assistance  à  la 
messe  en  semaine  avec  celui  des  familles  du  village: 

Dans  47  paroisses,  le  nombre  des  assistants  égale  le  nombre  des  fa- 
milles dnns  le  village. 

Dans  30  paroisses,  le  nombre  des  assistants  dépasse  le  nombre  des 
familles  dans  le  village. 


ce 

a 

ce 

Ci 

ce 

ce 

ce 

ce 

ce 

(1  )  "  Je  donne,  dit  le  curé,  le  temps  d'entendre  la  messe  tous  les  matins  et  de 
faire  leur  visite  au  Saint-Sacrement  tous  les  jours  aux  personnes  de  mon  pres- 
bytère. De  même,  ma  voiture  est  il  leur  disposition,  lorsqu'elles  désirent  aller 
se  confesser;  et,  par  ce  moyen-là,  elles  communient  tous  les  jours  ou  presque 
tous  les  jours  ". 


—  199  — 

Dans  7  paroisses,  le  nombre  des  assistants  double  le  nombre  des  fa- 
milles dans  le  village. 

Dans  3  paroisses,  le  nombre  des  assistants  triple  le  nombre  des 
familles  dans  le  village. 

Dans  1  paroisse,  le  nombre  des  assistants  quadruple  h  nombre  des 
familles  dans  le  village. 

Cela  nous  donne  donc  88  paroisses  sur  212,  où  l'assistance  à  la  messe 
est  en  honneur. 

Ajoutons  ceci,  c'est  qu'à  la  question  suivante  :  '•  chaque  famille  du 
village  est-elle  représentée  à  la  messe  quotidienne  au  moins  par  quel- 
qu'un de  ses  membres?"  —  54  curés  ont  répondu  affirmativement  (soit 
le  quart  des  paroisses). 

L'assistance  à  la  messe,  en  semaine,  dans  bon  nombre  de  paroisses 
(même  dans  la  ville),  n'est  pas  encore  ce  qu'elle  pourrait  et  devrait  être. 
Dans  un  grand  nombre  de  familles,  on  se  couche  trop  tard  et.  le  matin, 
on  reste  au  lit. 


Quant  à  la  visite  au  Saint-Sacrement,  moins  faciles  encore  à  recueillir 
sont  les  statistiques.     Voici  pourtant  quelque  chose  de  précis: 

Dans  37  paroisses,  outre  les  Quarante-Heures,  il  y  a  des  jours  (de  3 

Dans  37  paroisses,  outre  les  Quarante-Heures,  il  y  a  des  jours  (de  3 
à  60  par  an)  où  le  Saint-Sacrement  reste  exposé  toute  la  journée.  Et 
alors,  presque  toujours,  il  y  a  des  heures  spéciales  d'adoration  en  com- 
mun pour  les  diverses  catégories  de  fidèles  :  enfants,  garçons,  filles,  gens 
mariés. 

118  curés  nous  ont  répondu  que  la  visite  au  Saint-Sacrement  est  en 
lionneur  dans  leurs  paroisses. 

Dans  les  paroisses  de  la  ville,  cette  dévotion  tend  à  se  répandre  de 
plus  en  plus. 

Dans  la  grande  majorité  des  paroisses  dii  diocèse,  la  prière  du  soir 
(souvent  suivie  du  chapelet)  se  fait  en  commun  à  l'église. 


Les  moyens  employés  pour  favoriser  le  culte  de  la  Sainte  Eucharistie 
sous  toutes  les  formes,  (spécialement  l'assistance  à  la  Sainte  Messe  et  la 
visite  il  l'Hôte  de  nos  tabernacles),  sont,  entre  autres: 

Les  confréries  eucharistiques  (celle  du  Saint-Sacrement  dans  62  pa- 
roisses),. ...  et  du  Sacré-Cœur. 
Les  solennités  eucharistiques  (exposition  du  Saint-Sacrement). 
La  prédication  des  "  motifs  "  de  cette  dévotion. 
L'action  du  prêtre  sur  l'enfance  et  la  jeunesse. 
La  diffusion  des  publications  eucliaristiques,  (revues,  l)rochures,  etc.) 


—  200 


4e 


jSTous  avions  demandé  à  nos  correspondants  quelle  serait  d'après  eux 
"  la  niétliode  pratique  pour  inspirer  aux  enfants,  dès  le  premier  âge,  une 
grande  dévotion  au  Très  Saint-Sacrement." 

Ils  sont  presque  unanimes  à  recommander  au  curé  l'éducation  eucha- 
ristique des  parents  (de  la  mère  surtout)  et  des  institutrices,  qui  à  leur 
tour  exerceront  un  véritable  apostolat  sur  les  enfants,  même  les  tout 
petits. 

Les  prêtres  ont  de  plus  un  apostolat  tout  particulier  à  exercer  direc- 
tement sur  les  enfants,  au  catéchisme  et  dans  les  réunions  spéciales  ;  et 
cet  apostolat  n'est  jamais  aussi  efficace  que  quand  il  s'exerce  par  l'ex- 
emple en  même  temps  que  par  la  parole.  Ils  doivent  exiger  que  le  sa- 
cristain et  les  enfants  de  chœur  soient  à  l'église  un  sujet  d'édification 
pour  les  fidèles,  surtout  jjour  les  petits. 


Pour  terminer,  ajoutons  un  mot  sur  la  communion  fréquente  chez  les 
enfants  qui  viennent  de  faire  leur  Première  Communion. 

Tout  en  conservant  la  deuxième  communion  solennelle  (un  mois  ou 
trois  semaines  après  la  première),  il  y  a  près  d'un  tiers  des  paroisses  où 
les  enfants,  en  partie,  communient  dès  le  lendemain,  continuent  pendant 
quelques  jours,  quelques  semaines  au  plus,  puis  prennent  l'ancienne  cou- 
tume de  tous  les  mois. 

Il  y  a  cependant  une  tendance  générale  et  prononcée  à  faire  commu- 
nier ces  enfants  au  moins  toutes  les  semaines. 

Quand  il  y  a  dans  la  paroisse  un  pensionnat  de  garçons  ou  de  filles, 
les  enfants  y  communient  dès  le  lendenuiin,  et  continuent  de  le  faire  à 
peu  près  tous  les  jours. 

Dans  les  paroisses  oii  les  enfants  font  la  communion  fréquente,  "  il  y 
a,  disent  les  curés,  augmentation  de  ])iété,  —  les  enfants  sont  plus  ver- 
tueux, —  ils  conservent  plus  facilement  leur  innocence  ". 

Voilà,  en  résumé,  le  résultat  de  notre  enquête.  Vous  en  conclurez 
que  le  diocèse  de  Québec  ne  fait  ])as  mauvaise  figure  dans  le  monde  catho- 
lique. Et  pourtant  "  iniiK/iiain  isatis";  il  faut  encore  terminer,  comme 
les    aml)itioux:  toujoui'S     plus    haut!    toujours    davantage    et    toujours 


mieux  ! 


Et  poui-  préciser  nous  aurons  deux  vœux,  l'un  général,  l'autre  spécial: 

Notre  voeu  r/énéral,  c'est  de  voir  le  clergé,  par  la  jjrédication  eucharis- 
tique "  jersistante"  et  l'assiduité  an  confessionnal,  presser  le  peuple 
daraiitaf/e  encore  i  ers  la  Sainte  Tahle,  —  et  populariser  le  plus  possible 
l'assistance  quolidicnnr  à  la  Scnnle  Messe. 

Notre  voeu  spécial  est  en  faveur  d'une  classe  d'hommes  périodiquement 
privée  de  secours  religieux;  je  nomme  les  ouvriers  des  chantiers  de 
forêts.     Trois,  quntre,  six  mois  de  Vannée,  ils  vivent  enfouis  an  fond  des 


hi:.s  OiiATi:ri{s  di-  Concijks. 
Sim:.\ki;i!s  oi-   tiii:  C'oxciiiEss. 


—  201  — 

hois,  à  4,  10,  1.")  lieues  de  loute  église.  Généralement  une  fois  par  hiver, 
deux  fois  au  plus,  ils  auront  la  visite  du  prêtre,  la  Sainte  Messe,  les  sa- 
crements de  J'énitence  et  d'Eucharistie.  Aussi  quel  détriment  pour  les 
âmes!  Il  faut  lire  les  plaintes  des  curés  sur  l'état  dans  lequel  leur  re- 
viennent ces  pauvres  bâcherons!  Notre  voeu  c'est  que  ces  plaintes  aillent 
droit  au  coeur  des  prêtres  zélés,  des  missionnaires  eucharistiques  :  la 
guerre  au  péch"  et  le  règne  d"  Jésns-IIostie  feront  aimer  à  plus  d'un 
ces  longs  et  pénibles  voi/ages  d'hiver,  cet  apostolat  populaire,  cette  sai- 
son de  privations  et  de  fatigues.  Quand  viendra  le  beau  jour,  où  nous 
pourrons  dire  :  Même  au  sein  de  nos  iui iiieii.'<es  forêls  l'on  communie  fré- 
quemment ? 


En  même  temps  que  notre  enquête  se  faisait  dans  les  paroisses,  les 
directeurs  et  aumôniers  des  principales  maisons  d'éducation  du  diocèse 
étaient  invités  à  ré]iondre  au  questionnaire  suivant  :  (1) 

1°  La  pratique  de  la  communion  tréi|uente  et  quotidienne  est-elle  en 
progrès  dans  votre  collège  depuis  la  promulgation  du  décret  Sacra  Tri- 
dentina  Synodus? 

2°  Quel  est,  chez  vous,  le  chiffre  des  élèves,  et  quelle  est  la  moyenne 
des  communions  de  chaque  jour?  Combien  d'hosties  consommées  dans 
l'année  ? 

3°  Parmi  les  communiants,  les  grands  élèves  sont-ils  en  uuijorité? 

4°  Cette  fréciuence  de  la  comuiuniou  a-t-elle  produit  chez  vous  des 
fruits  appréciables  ? 

5°   Ces  fruits  quels  sont-ils? 

6°  Comment  est  organisée  et  fonctionne  chez  vous  la  pratique  de  la 
communion  sur  semaine? 

Vingt-trois  rapports  ont  été  reçus  et  analysés. 

X.  B.  —  On  pourra  compléter  ces  renseignements  par  tous  ceux  qu"on 
jugera  utile  d'ajouter. 

Tous  les  directeurs  et  aumôniers  proclament  unanimement  que  la  pra- 
tique de  la  communion  fréquente  e,st  en  progrès  dans  Icui-  pensionnnat, 
depuis  la  promulgation  du  décret  Sacra  Tridentina  Synodus. 

Six  rapports  donnent  une  moyenne  de  ])rès  des  deux  tiers  des  élèves 
communiant  chacpie  dimanche  ; 

Six  autres  disent  que  ])rès  de  la  moitié  des  élèves  coin  nui  uicnt  chaciue 
jour; 

Onze  affirment  que  près  des  trois-quarts  des  élèves  connnunient  cha- 
que jour. 


(1)    Emprunta  A  l'intéressante  revue  Lr  l'rvirr  cdiicatrur.  jiiillcl    lîlOO. 


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Ces  onze  derniers  rapports  se  répartissent  ainsi: 

6  présentés  par  des  pensionnats  de  filles. 
2         "  "       "    collèges  commerciaux. 

2         "  "       "    juvénats. 

1         "  "     ;in  collège  classique. 

Quant  aux  fruits  produits  chez  eux  par  la  communion  fréquente,  voici 
ce  que  les  directeurs  et  aumôniers  s'accordent  à  dire  : 

Pensionnats  de  filles.  —  "  Un  excellent  esprit  règne  parmi  les  élèves. 
Elles  sont  plus  dociles,  plus  confiantes  à  l'égard  des  maîtresses,  plus  cha- 
ritables entre  elles  —  surtout  la  piété  y  a  gagné." 

Pensionnats  de  garçons.  — -  '"  Le  niveau  de  la  morale  a  monté  de  beau- 
coup. La  règle  est  mieux  observée.  La  tâche  du  directeur  est  devenue 
plus  facile."  — ^  "  Il  v  a  plus  de  piété  et  d'application  au  travail,  plus  de 
délicatesse  de  conscience.  Moins  de  respect  humain,  pour  toutes  les 
pratiques  de  la  religion."  — •  "  Dans  les  collèges  classiques  on  constate 
chez  les  élèves  plus  de  déférence  à  l'égard  des  supérieurs.  Le  nombre 
des  vocations  sacerdotales  a  augmenté." 

Pour  établir  la  pratique  de  la  communion  sur  semaine  : 

1°  On  a  rendu  la  confession  facile,  le  plus  possible,  en  laissant  aux 
élèves  la  liberté  de  se  présenter  au  confessionnal  aussi  souvent  que  cela 
peut  être  utile. 

2°  Le  directeur  ou  l'aumônier  prêche  très  souvent  sur  la  Sainte 
Eucharistie,  a  recours  aux  solennités  eucharistiques,  surtout  au  triduum 
eucharistique  demandé  par  S.  S.  Pie  X. 

Les  nombreux  et  intéressants  renseignements  que  contiennent  nos 
vingt-trois  rapports  seront  utilisés  par  un  des  membres  de  notre  comité 
diocésain,  qui  a  été  prié  de  traiter  devant  le  Congrès  cette  question  spé- 
ciale de  la  commwiion  dans  les  7naisons  d'éducation. 

Il  y  a  dans  le  diocèse  une  portion  chérie  du  troupeau,  objet  de  la  pré- 
dilection du  Dieu  de  l'Eucharistie  :  ce  sont  les  communautés  religieuses. 

La  voix  de  Pie  X.  ces  saintes  filles  l'ont  entendue,  et  avec  joie.  Mais 
déjà,  elles  étaient  des  convives  assidues  de  la  Table  sainte.  Elles  n'ont 
fait  que  redoubler  de  ferveur,  en  venant  s'asseoir  au  banquet  tous  les 
jours. 

Les  religieuses  se  font  aussi  un  devoir  de  développer  l'amour  de  la 
Sainte  Eucharistie  chez  les  orphelins,  les  malades  et  les  invalides  dont 
elles  prennent  soin,  et  de  les  amener  à  la  communion  fréquente  par  leurs 
douces  invitations  et  leur  exemple. 

C'est  une  partie  du  diocèse,  où,  sur  ce  point,  tout  va  pour  le  mieux. 

Loué  et  aimé  soit  Jésus  aii  T.  S.  Sacrement  de  l'Autel  ! 


—  203  — 

Le  rapport  suivant  est  présenté  par  Mgr  Emard,  évêque 
de  Valleyfield. 

DE  L'INFLUENCE  EUCHARISTIQUE 

SUR  L'APOSTOLAT 

DES 

PEEMIERS  MISSIOXXAIRES 

AU  CANADA 


L'unique  ambition  des  premiers  missionnaires  au  Canada  était  de  con- 
quérir un  royaume  immense  à  Xotre-Seigneur,  et  de  lui  gagner  par  la 
foi  et  par  l'amour  le  plus  grand  nombre  d'âmes  possible. 

L'évangélisation  d'un  peuple  infidèle  est  par  elle-même  une  œuvre 
qui  dépasse,  et  de  beaucoup,  les  seules  forces  humaines.  Dans  les  cir- 
constances même  les  plus  favorables,  elle  demande  et  de  façon  plus 
qu'ordinaire  l'action  surnaturelle  de  la  grâce  qui  inspire,  dirige,  sou- 
tient les  apôtres,  rend  leur  ministère  efficace  et  par  lui  pénètre  les  âmes 
sur  lesquelles  il  s'exerce.     Toute  Tlnstoire  do  l'Eglise  en  est  là. 

Au  Canada,  le  dévouement  religieux  devait  se  heurter  de  prime  abord, 
et  faire  face  ensuite  constamment,  à  des  obstacles  nombreux  et  qui  cons- 
tituaient par  eux-mêmes  des  difficultés  apparemment  insurmontables. 

Le  pays  très  vaste,  entièrement  inconnu,  offrait  des  différences  topo- 
graphiques et  des  variations  climatériques  presque  indéfinies;  ce  qui 
rendait  les  déplacements  et  les  voyages  extrêmement  péniljles.  La  ])opu- 
lation  se  partageait  en  un  grand  nombre  de  tribus,  de  mœurs  et  de 
langues  différentes.  Ce  qu'elles  avaient  de  commun  rendait  encore  plus 
forte  leur  opposition  naturelle  à  la  lumière  de  l'Evangile. 

Ces  peuples  étaient,  pour  la  plupart,  nomades,  polygames,  matériels, 
superstitieux,  d'instinct  cruel,  grossiers  dans  leurs  croyances,  dépourvus 
à  peu  près  complètement  de  tontes  traditions  religieuses  ou  simplement 
spiritualistes.  S'ils  croient  en  la  vie  future,  s'ils  espèrent  aller  au  ciel 
c'est  pour  y  manger  du  champignon,  c'est-à-dire  plus  généralement  pour 
y  jouir  de  tous  les  plaisirs  des  sens.  Toujours  en  guerre  les  uns  contre 
les  autres,  ils  ne  savent  que  savourer  la  vengeance  dans  les  abominal)les 
tortures  qu'ils  infligent  à  leurs  prisonniers. 

En  somme,  tout  bon  sentiment  qui  pourrait  devenir  vertu  leur  est 
étranger,  tous  les  vices,  même  les  plus  honteux  leur  sont  familiers.  En 
fait  de  religion  ils  ont  bien  le  culte  du  Manitou,  la  fêle  des  morts,  les 
sacrifices  offerts  par  intervalle  à  certaines  divinités,  les  festins,  les  danses, 
ils  ont  leurs  jongleurs  et  leurs  sorciers  ;  mais  impossible  de  voir  en  tout 
cela  un  point  d'appui  quelconque  à  l'action  d'un  prêtre  qui  se  présente 
soudainement  pour  prêclier  la  religion  chrétienne,  ses  mystères,  ses  pré- 


—  204  — 

ceptes,  ses  grandeurs,  ses  beautés  et  ses  promesses  de  bnnlieur  et  de  vie 
éternelle. 

Ajoutons  (jue  le  trafie  de-l'eau-de-vie  allait  bientôt  aggraver  encore  la 
situation,  et  (pie  des  Héaux  de  toutes  sortes,  venant  décimer  les  familles 
au  début  même  de  leur  apostolat,  menaçaient  de  tourner  contre  les  mis- 
sionnaire une  haine  mortelle  de  la  part  des  sauvages. 

Avant  d'aller  plus  loin,  il  faut  insister  sur  ce  qu'offrait  de  particuliè- 
rement difficile  la  langue  sauvage  dans  ses  différents  dialectes,  A 
raison  même  de  leur  mentalité  commune,  les  sauvages  qui  avaient  des. 
mots  pour  désigner  tous  les  objets  matériels  tombant  sous  leurs  sens,  ne 
pouvaient  offrir  aux  questions  du  missionnaire  aucune  expression  capable 
de  rendre  une  idée  tant  soit  peu  abstraite.  Comment  donc  arriver, 
même  après  de  longues  études  et  de  grands  efforts,  à  leur  expliquer  ce 
que  c'est  qu'un  mystère,  la  grâce,  un  sacrement,  l'Eglise,  etc.  .  .  .  Bien 
plus,  l'Evangile  lui-même,  spécialement  dans  les  paraboles  ou  dans  les 
discours  de  Xofre-Seigneur,  parle  de  beaucoup  de  choses  absolument 
inconnues  parmi  ces  peuplades,  le  sel,  le  levain,  le  château,  les  mon- 
naies, etc.^  etc .  .  . 

Le  lexique  indien,  d'ailleurs  très  varié  et  d'acquisition  difficile,  sera 
donc  pendant  longtemps  sur  les  lèvres  du  missionnaire  un  moyen  bien 
imparfait  de  catéchisme  et  de  prédication. 

Les  missionnaires  eux-mêmes  sont  très  pauvres,  ils  n'ont  point  de 
présents  à  offrir  à  leurs  néophytes,  loin  de  là,  ils  leur  sont  à  charge,  leur 
demandant  un  abri  dans  leurs  cabanes  ou  sous  leurs  tentes,  et  une  part 
de  leur  pêche  ou  de  leur  chasse.  Ils  se  plaignent  doucement  de  n'avoir 
pas  reçu  le  don  des  miracles  qui  leur  serait  d'un  secours  si  puissant. 
Leurs  personnes  n'offrent  rien  de  prestigieux,  leurs  vêtements  sont  bien- 
tôt usés  jusqu'à  hi  corde,  et  tout  au  plus"  possèdent-ils  un  petit  coffret  qui 
renferme  tout  ce  qu'il  faut  pour  dire  la  sainte  messe.  Là  est  toute  leur 
richesse,  mais  elle  leur  suffit. 

C'est  qii'en  effet  ces  apôtres,  poussés  par  une  vocation  sublime,  ont 
apporté  avec  eux  la  pensée,  le  sentiment  qui  dominera  toujours  dans  leur 
âme  et  qui  dès  le  principe  vivifie  tous  leurs  travaux,  c'est  la  pensée  et  le 
sentiment  eucharistique,  c'est-à-dire  que  Notre-Seigneur  est  leur  vie 
unique,  et  cette  vie,  ils  veulent  la  communiquer  abondante  et  surabon- 
dante à  ceux  vers  qui  ils  sont  envoyés.  Le  l)rasier  s'allume  avec  eux. 
sur  nos  plages,  il  ne  s'éteindra  plus,  c'est  le  brasier  de  l'amour  divin. 
Au  foyer  eucharistique  les  âmes  viendront  innombrables  renaître  à  la 
vie  surnaturelle,  et  s'enflammer  au  point  qu'après  deux  ou  trois  siècles 
écoulés,  en  relisant  l'histoire  de  ces  temps  héroïques,  on  reste  confondu, 
d'admiration  d('\aiit  ce  miracle  de  la  grâce. 


* 

■X-      * 

C'est  en  la  fête  du  Très  ftaint-Sacremcnt  que  l'un  d'entre  eux.  faisant 
vœu  de  se  consacrei-  aux  missions,  prononce  ces  ])ai'oles:  "Moi,  étant  en 
la  présence  du  Très  Saint-Sacrement  de  votre  corps  et  de  votre  sang 
précieux  .qui  est  le  tabernacle  de  Dieu  avec  les  hommes,  etc.,  etc.''. .  .  . 


—  205  — 

Ces  simples  mots  condensent  tonte  la  pensée^  résunu'ut  tous  les  senti- 
ments des  Missionnaires. 

Ce  tabernacle  ils  vendront  l'avoir  partout  où  ils  se  trouvcni.  Leur 
plus  terrible  perspective  est  de  demeurer  des  semaines  et  des  mois  entiers 
sans  pouvoir  dire  la  sainte  messe,  ni  communier.  Pour  s'épargner  ce 
chagrin,  ils  feront  des  courses  à  travers  bois,  en  raquettes,  de  dix  ou 
douze  lieues  parfois,  i^our  atteindre  leurs  pauvres  cabanes  et  y  offrir  le 
saint  sacrifice.  C'est  du  reste  au  Sang  du  Sauveur  ainsi  versé,  auquel 
ils  sont  prêts  à  mêler  le  leur,  qu'ils  attribuent  l'extension  merveilleuse, 
dès  le  principe,  de  la  connaissance  et  de  l'amour  de  Jésus-Christ.  Je 
crois,  disent-ils,  que  c'est  de  cet  adorable  sacrifice  que  ces  bonnes  âmes 
tirent  des  lumières  pour  reconnaître  les  beautés  de  nos  croyances,  des 
forces  pour  résister  aux  attaques  de  leurs  compatriotes,  et  de  la  charité 
pour  leur  porter  compassion  et  les  attirer  à  la  participation  de  leur 
bonheur. 

Aussi  avant  toute  chose,  quand  ils  arrivent  au  milieu  d'une  tribu,  leur 
première  préoccupation  est-elle  d'ériger  un  sanctuaire.  Oh  !  ces  pre- 
mières chapelles  plantées  sur  le  sol  canadien,  que  leur  histoire  est  tou- 
chante ! 

C'est  d'abord  une  simple  cabane,  celle  même  du  missionnaire  et  dont 
il  fait  deux  pièces,  séparées  simplement  par  des  couvertures.  Le  prêtre 
habite  avec  son  Dieu.  Il  n'y  a  rien  de  riche  ((u'un  autel  où  les  anges 
adorent  tous  les  jours  ce  qu'ils  voient  de  plus  auguste  dans  le  ciel.  Puis 
ce  sont  des  écorces  jetées  sur  cinq  ou  six  perches,  ou  y  dresse  un  petit 
autel,  sur  le  terrain  humide  et  fangeux  on  étend  une  robe  de  caribou 
pour  servir  de  marche-pied.  I"ne  petite  nappe  de  communion  sépare 
les  fidèles  d'avec  les  infidèles.  C'est  si  pauvre  et  si  cliétif  (pie  si  le  Sau- 
veur du  monde  n'eût  autrefois  accepté  lui-même  le  logement  de  Beth- 
léem, nous  aurions  de  la  peine  de  lui  donner  une  espèce  de  nouvelle 
naissance  en  ce  lieu,  .qui  n'est  couvert  cpie  de  méchantes  écorces,  par  où 
le  vent  entre  de  tous  côtés. 

Les  premiers  fidèles  ont  été  bien  vite  épris  du  bonheur  de  posséder  le 
sanctuaire  où  réside  Celui  qui  a  tout  fait.  "Viens,  disent-ils,  nous  te 
ferons  une  petite  église  ou  une  nu^ison  de  prières  pour  y  célébrer  la 
messe  et  pour  nous  y  administrer  les  sacrements.'"  Elle  sera  bâtie  en  deux 
heures.  Dix  ou  douze  perches  et  quatre  ou  cinq  rouleaux  d'écorces  com- 
])oseronl  tout  l'édifice. 

Le  missionnaire  arrive,  le  capitaine  fait  mettre  tout  le  monde  en  cam- 
pagne. Los  jeunes  hommes  vont  abattre  des  poutres  et  des  chevrons^ 
c'est-à-dire  de  longues  perches,  les  femmes  apportent  des  planches,  c'est- 
à-dire  des  écorces,  les  filles  vont  chercher  des  tapisseries,  c'est-à-dire  des 
feuilles  de  sapin.  Tant  d'ouvi'iers  si  lestes  et  si  exjierts  ont  bientôt  bâti 
à  Xotre-Seigneur  un  ])alais  qui  avait  ])lus  de  rapport  à  celui  de  Bethléem 
qu'au  tabernacle  dont  saint  Pierre  donna  l'idée  sur  le  Thabor.  Une 
femme  a  fait  un  bénitier  avec  un  cornet  de  bouleau.  T  es  Pères  fixent 
autour  de  l'autel  queli|ues  images  apportées  de  France  et  plus  ou  moins 
artistiques,  elles  excitent  naturellement  la  curiosité  inquisitive  des  In- 
diens. Le  Saint-Esprit  est  représenté  sous  le  symbole  d'uP'^  colombe. 
Ils  demandent  si  ce  n'est  pas  là  le  tonnei-re  (ju'ils  se  représentent  sous  la 


—  306  — 

forme  d'im  oiseau.  S'il  y  a  deux  images  de  la  Sainte  Vierge,  le  bou 
Dieu  a-t-il  plusieurs  mères  ?  Et  ce  n'est  pas  sans  eiîort  que  Ton  parvient 
à  éclaircir  leurs  idées  trop  naïves. 

Mais  du  sein  de  ce  palais,  Jésus  Eucharistique  règne  et  étend  graduel- 
lement son  empire.  Les  âmes  viennent  à  lui  comme  par  un  attrait  irré- 
sistible, et  dans  toutes  les  bourgades  s'élève  la  maison  de  prières.  Une 
chrétienne  se  dépouille  de  sa  robe  de  castor  :  "  j'en  fais,  dit-elle,  une 
offrande  à  Notre-Seigneur,  ce  sera  pour  tapisser  notre  cliapelle  quand 
on  l'aura  accommodée.  Si  j'avais  quelque  chose  de  plus,  je  le  donnerais 
de  bon  cœur  afin  que  Dieu  ait  pitié  de  moi."  C'est  bien  Notre-Seigneur 
et  lui  seul  qui  appelle  et  captive  les  cœurs,  puisqu'il  n'y  a  point  cet 
appareil  extérieur  qui  réveille  et  entretient  la  dévotion.  La  foi  n'est 
aidée  d'aucune  marque  sensible  de  sa  grandeur,  non  plus  que  les  mages 
jadis  dans  l'étable,  mais  Dieu  supplée  par  une  action  plus  directe  de  sa 
grâce.  Il  récompense  une  ferveur  plus  méritoire  et  comble  de  ses  béné- 
dictions un  ministère  si  entièrement  privé  de  ressources  et  de  consola- 
tions extérieures. 

Oh  !  notre  petite  chapelle  champêtre,  je  m'imagine  que  les  anges  du 
ciel  avaient  les  yeux  collés  sur  ce  spectacle,  et  qu'ils  prenaient  plus  de 
plaisir  à  voir  ces  saintes  cérémonies  pratiquées  tout  simplement  dans  une 
église  de  feuilles  et  dans  un  sanctuaire  d'écorces.  que  celles  qui  se 
font  avec  tant  de  pompes  sous  le  marbre  et  sous  le  porphyre  des  grandes 
basiliques. 

Une  femme  indienne  qui  a  contribué  quelque  chose  à  l'embellissement 
de  la  chapelle  en  est  si  heureuse  qu'elle  passe  la  nuit  sans  dormir,  remer- 
ciant Dieu  de  lui  avoir  inspiré  d'imiter  la  veuve  de  l'Evangile. 

Ces  sanctuaires  rustiques  sont  comme  autant  de  forteresses  élevées  à 
la  gloire  du  Christ  en  plein  pays  satanique.  Elles  sont  jetées  ici  et  là 
sur  les  rives  de  tous  nos  fleuves,  le  Saguenay,  le  Saint-Laurent,  le  Ei- 
chelieu,  l'Outaouais;  en  pénétrant  dans  l'intérieur  du  pays  on  donnera 
à  l'une  des  principales  missions  le  nom  du  Très  Saint-Sacrement. 

Autant  de  fois  que  nous  présentons  au  Dieu  du  ciel  l'adorable  sacri- 
fice de  l'autel  en  quelque  nouvel  endroit,  il  nous  semble  que  nous  en 
bannissons  les  démons  et  que  nous  prenons  possession  de  ces  terres  au 
nom  de  Jésus-Christ,  notre  Souverain  Seigneur  et  Maître,  que  nous  dé- 
sirons de  voir  régner  pleinement  dans  les  cœurs  de  nos  Français,  et  dans 
la  croyance  de  nos  sauvages. 


La  messe  est  pour  les  missionnaires  leur  force  et  leur  consolation. 
C'est  la  communion  eucharistique  qui  les  anime  dans  leurs  travaux,  les 
soutient  dans  leurs  souffrances,  qui  les  réjouit  même  au  milieu  des  tor- 
tures, et  s'ils  vont  jusqu'au  martyre,  c'est  le  souvenir  des  messes  offertes 
qui  leur  fait  accepter  les  plus  affreux  supplices.  Une  femme  vient  de 
couper,  par  ordre,  avec  une  cruauté  inouïe  le  pouce  de  la  main  droite  du 
Père  Jogues.  "  Je  vous  le  présente,  ô  mon  Dieu  !  dit-il,  me  souvenant 
des  sacrifices  que  je  vous  présentai  sur  vos  autels  depuis  sept  ans.  J'ac- 


—  2or  — 

cepte   ce   suppliée  comme   une   amoureuse   vengeance   du   manquement 
d'amour  et  de  respect  que  j'avais  en  touchant  votre  saint  corps  ". 

Les  chapelles  sont  bien  aussi  chères  aux  nouveaux  convertis  qu'aux 
missionnaires  eux-mêmes.  Ils  savent  que  Celui  qui  a  tout  fait  s'y  tient 
enfermé  dans  le  tabernacle.  Ce  dogme,  si  étranger  par  lui-même  à 
toute  conception  humaine,  a  été  par  eux  accepté  plus  facilement  que  tout 
autre,  il  allait  droit  à  leur  cœur.  Aussi  la  chapelle  est-elle  leur  maison 
par  excellence  où  ils  aiment  à  entrer  fréquemment  pour  faire  leur  prière. 
S'ils  sont  au  travail  dans  les  champs,  leur  propre  dévotion  leur  a  en- 
seigné à  se  tourner  le  corps  et  l'esprit  vers  le  tabernacle  où  repose  le 
Très  Saint-Sacrement  parce  que,  disent-ils,  je  me  sens  attiré  de  ce  côté- 
là. 

La  chapelle  a  son  tabernacle  et  dans  le  tabernacle  il  }•  a  Jésus-Christ, 
Celui  qui  a  tout  fait,  comme  disent  les  sauvages,  et  qui  est  là  renfermé, 
prisonnier  divin  qui  les  invite,  les  attend,  sera  toujours  prêt  à  les 
accueillir,  à  écouter  et  à  exaucer  leurs  prières,  aussi  bien  qu'à  recevoir 
leurs  hommages.  Comme  ils  ont  vite  saisi  cette  vérité  cependant  si 
incompréhensible.  D'eux-mêmes,  à  la  suite  des  explications  rudimen- 
taires  qu'ils  ont  reçues,  ils  trouvent  par  comparaison  des  façons  naïves, 
si  l'on  veut,  mais  assez  justes  tout  de  même,  d'exprimer  ce  dogme  de  la 
présence  réelle,  voir  même  de  répondre  aux  objections  trop  faciles  des 
infidèles. 

Les  mystères  divins  dépassent  l'intelligence  humaine,  ils  l'ont  tout  de 
suite  compris.  "  Dieu  n'est  pas  un  homme  comme  moi,  dit  un  chef.  Si 
un  chien,  disais-je  en  moi-même,  voulait  songer  quelles  sont  les  pensées 
des  hommes,  que  devrait-il  dire  autre  chose,  si  non  que  l'homme  n'est 
pas  du  tout  de  même  qu'un  chien.  Eh  bien.  Dieu  ne  serait  pas  tout 
puissant  et  ce  qu'il  est,  si  l'homme  pouvait  comprendre  tout  ce  qu'il  est." 
"  Oui,  mes  frères,  croyons  sans  aucun  doute  parce  qu'il  l'a  dit  et  qu'il 
est  Dieu  tout-puissant,  "croyons  que  Jésus-Christ  est  dans  l'hostie,  qu'il 
est  proche  de  nous  et  dedans  nous  lorsque  nous  communions.  Il  s'est 
voulu  cacher  comme  le  petit  enfant  dans  le  sein  de  sa  mère.  Si  la  mère 
ne  croyait  pas  à  la  vie  de  son  enfant  et  qu'elle  voulût  le  voir  avant  le 
temps,  jamais  elle  ne  le  pourrait  voir  que  mort  et  elle  se  ferait  mourir 
elle-même.  Ainsi  quiconque  refusera  de  croire  que  Jésus-Christ  est  en 
riTostie  s'il  ne  le  voit  pas.  jamais  ne  méritera  de  le  voir.  Attendons 
que  lui-même  veuille  se  découvrir,  et  alors  nous  l'envisagerons  avec 
autant  de  joie  qu'une  mère  voit  son  enfant  dont  elle  a  patiemment 
attendu  la  naissance." 

Cette  pensée  me  surprit  beaucou]),  dit  le  missionnaire,  l'entendant  de 
la  bouche  de  ce  chrétien.  Ce  qui  est  le  plus  étonnant,  c'est  que  de  telles 
pensées  viennent  d'elles-mêmes  à  ces  bonnes  gens.  Ce  qui  me  fait  avouer 
que  vraiment  leur  foi  est  un  ouvrage  de  Dieu  seul. 

Il  est  bien  admirable,  et  il  seml)le  qu'il  faille  voir  en  cela  une  mani- 
festation spéciale  de  la  miséricorde  divine  envers  les  pauvres  sauvages, 
que  le  mystère  du  Saint-Sacroment  ait  si  facilement  et  comme  de  lui- 
même,  trouvé  le  chemin  de  leurs  cœurs.  On  dirait  qu'ils  sont  fiers 
d'avoir  le  bon  Dieu  avec  eux.     Ils    aiment   à   lui    rendre  visite.     Ils   se 


—  208  — 

tiennent  longtemps  devant  lui,  et  ils  lui  rendent  grâce  en  termes  tou- 
chants de  ce  qu'il  a  daigné  les  amener  ainsi  dans  sa  maison. 

Ils  lui  apportent  leurs  enfants,  les  lui  présentent  ave-j  les  sentiments 
d'une  tendresse  vraiment  amoureuse.  Ils  parlent  tout  haut,  on  entend 
cette  prière  :  ''  Toi  qui  as  tout  fait,  tu  sais  tout,  tu  vois  au-delà,  bien  loin 
tout  ce  qui  arrivera,  voici  mon  enfant,  si  tu  connais  qu'il  ne  veuille  point 
avoir  d'esprit  quand  il  sera  grand,  s'il  ne  veut  point  croire  en  toi, 
prends-le  devant  qu'il  t'offense;  tu  me  l'as  prêté,  je  te  le  rends,  mais 
comme  tu  es  tout-ii^uissant,  si  tu  veux  lui  donner  de  l'esprit  et  me  le 
conserver,  tu  me  feras  bien  plaisir." 

Des  orphelins  vont  d'eux-mêmes  aux  pieds  de  Xotre-Seigneur  cher- 
cher leur  consolation  :  ''  c'est  vous  qui  serez  mon  père,  qui  serez  ma  mère, 
puisque  je  n'en  ai  plus  sur  la  terre." 

Les  sauvages  ne  partent  jamais  en  voyage  sans  se  rendi'e  à  l'église  et 
demander  la  bénédiction  du  Maître. 

Le  missionnaire  est-il  absent,  la  chapelle  fermée,  ils  se  mettent  à 
genoux  devant  la  porte  ou  aux  fenêtres,  et  prient  quand  même  avec  une 
égale  ferveur. 

Les  catéchumènes  eux-mêmes  éprouvent  en  présence  du  Saint-Sacre- 
ment quelque  chose  d'indéfinissable,  dont  ils  se  rendront  mieux  compte 
plus  tard,  après  le  baptême  et  à  leur  première  communion.  "  C'est  donc 
cela,  diront-ils,  'que  j'avais  tant  de  plaisir  à  m'approcher  du  tal)ernacle, 
je  n'y  pouvais  rien  comprendre."  Mais  c'est  bien  la  réflexion  attendrie 
des  disciples  d'Emmalis. 

A  certaines  heures  on  les  appelle  à  l'aide  d'un  vieux  chaudron  sus- 
pendu à  un  arbre  et  qui  sert  de  cloche.     Ils  accourent  de  partout. 

C'est  le  dimanche,  non  seulement  les  fidèles  de  la  bourgade  se  rendent 
fidèlement  pour  la  messe.  On  accourt  de  très  loin,  de  cinq  lieues,  lors- 
qu'on est  au  plus  fort  de  la  pêche  ou  de  la  chasse,  que  la  neige  et  le  froid 
rendent  le  voyage  pénible,  en  dépit  des  oragesi,  souvent  même  en  s'expo- 
sant  à  tomber  aux  mains  d'une  peuplade  ennemie.  "  Eh,  quoi  donc  ! 
Dieu  n'est-il  pas  avec  moi,  si  je  suis  tué  en  chemin  pourrais-je  mieux 
mourir,  n'irai-je  pas  droit  dans  le  ciel,  puis-je  craindre  la  mort  quoique 
je  marche  au  milieu  des  périls,  m'entretenant  dans  ces  pensées!  " 

Pour  guider  leur  piété  le  missionnaire  a  donné  aux  chefs  un  calendrier 
de  sa  façon  qui  leur  fait  connaître  le  dimanche  et  les  prinicpales  fêtes, 
Le  chef  avertit  ses  gens,  personne  ne  voudrait  manquer  au  précepte,  dès 
(|u'il  est  seulement  possible  de  raccomplir.  Il  en  est  (|ui  durant  sept 
ans  n'auront  manqué  la  messe  qu'une  seule  fois,  et  encore  par  pur  acci- 
dent. Les  catéchumènes  eux-mêmes  se  rendent  fidèlement,  bien  qu'on 
ne  leur  permette  pas  de  pénétrer  dans  l'église  pendant  le  saint  sacrifice. 
Ce  qui  d'ailleurs  active  leur  désir.  Une  mère  infidèle  apporte  dans  un, 
berceau  son  bébé  baptisé.  Obligée  de  rester  à  la  porte,  elle  tient  son 
enfant  au  bout  des  l>ras  de  inanière  à  se  trouver  par  lui  présente  à  la 
messe. 

De  même  ceux  (pii  oui  commis  (pielque  faute  tant  soit  ]H'\\  |)ul)lii|ii(^ 
doivent  se  soumettre  à  la  pénitence  que  leur  impose  le  missionnaire.  Ils 
l'aeceptent  volontiers,  pourvu  (pi'avec  le  ])ardon  on  leur  accoi'de  l'aduiis- 
sion  à  la  messe.     "  Mon  Dieu,  disent-ils  alors  à  genoux  devant  l'autel, 


—  209  — 

iaites-nioi  miséricorde,  je  vous  ai  offensé,  je  vous  en  demande  pardon. 
Avez  ])itié  de  moi.  j'ai  commis  un  «'rand  ]>éché,  mais  vous  êtes  bon, 
faites-moi  misériiorde.  je  ne  comnu'ttrai  ])hi>  jamais  cette  offense,  je  me 
confesserai.  Ayez  pitié  de  moi  et  vous  autres  qui  êtes  ici  assemblés, 
priez  pour  nmi  afin  que  Dieu  me  fasse  miséricorde,  je  suis  bien  marri  de 
l'avoir  fâcbé."  Puis  ils  baisent  la  terre.  Un  des  cliefs  s'écrie:  '^  prions 
pour  lui,  afin  (|ue  Dieu  lui  fasse  miséricorde.''  Et  tout  le  monde  à  genoux 
priait  tout  haut  Xotre-Seigneur  d'avoir  pitié  de  ce  pauvre  pénitent.  Ceci 
ne  nous  reporte-t-il  pas  aux  premiers  temps  du  christianisme?  Les  mis- 
sionnaires confessent  (pie  de  'pareils  spectacles  leur  perçaient  le  cœur. 
"Mon  Père,  dit  un  capitaine,  j'entendrai  la  messe  hore  de  l'église,  je  ne 
mérite  pas  d'y  entrer,  —  Pourquoi,  lui  dit  le  Père?  —  J'ai  bu  avec  des 
gens  qui  ont  commis  des  excès.  —  As-tu  excédé  toi-même?  —  Xon,  J'ai 
bu  avec  ceux  qui  l'avaient  fait.  —  Cela  ne  doit  point  t'em|)êcher  que  tu 
n'entres  dans  l'église.  —  Je  t?  prie,  mon  Père,  répond-il,  que  je  sois 
puni,  afin  que  les  auties  haïssent  la  boisson  qui  nous  perd." 

Ces  ])énitences  publi(pu's,  inspirées  ])ar  le  resi)ect  dû  à  la  présente  de 
Dieu,  vont  ([uelquefois  jusqu'à  la  discipline  et  au  fouet.  —  "'  Je  vous  sup- 
plie. Seigneur,  que  ce  que  je  sens  maintenant  sur  ma  chair,  ce  que  je 
sens  par  les  coups  de  fouet  efface  les  péchés  que  j'ai  écrits  mal  à  propos 
sur  votre  livre.  Seigneur!  ayez  pitié  de  moi  qui  ai  mérité  l'enfer  et  qui 
vous  demande  pardon.  Je  vous  abandonne  mon  corps  et  mon  âme  et 
vous  promets  de  vous  être  plus  fidèle  à  l'avenir,  moyennant  votre  grâce." 
Ces  châtiments  étaient  adoucis  par  le  sentiment  du  profond  respect  que 
ces  nouveaux  chrétiens  comprenaient  devoir  porter  à  la  maison  du  Sei- 
gneur. Ce  lieu  est  saint  et  terrible,  c'est  la  vérité  dont  ils  étaient  avant 
tout  pénétrés. 

* 
*       * 

Du  reste,  cette  crainte  toute  filiale  n"em))êclie  pas  leur  amour  d'être 
ardent  et  leur  confiance  d'être  très  vive.  C'est  ce  qui  inspire  surtout 
leur  regret  amer  d'avoir  été  si  longtemps  privés  des  lumières  de  la  foi. 

Sachant  que  Jésus-Christ  s'était  premièrement  donné  aux  hommes 
sous  les  espèces  du  pain  et  du  vin  le  jour  (pii  précédait  sa  nu)rt,  ils  té- 
moignent de  grands  sentiments  de  reconnaissance.  Ils  lui  demandent 
très  humblement  pardon  tous  ensemble  de  ce  qu'ils  n'avaient  pas  rendu 
auparavant  tous  les  devoirs  de  vénération  et  d'honneur  à  cette  adorable 
victime  et  à  ce  divin  sacrifice. 

Ils  entendent  la  messe  avec  une  modestie  et  une  piété  qui  ravissent  les 
missionnaires.  Les  enfants  eux-mêmes  y  mettent  une  telle  joie  et  une 
telle  attention  qu'on  les  compare  à  leur  avantage  aux  petits  Européens. 
Ceux  qui  servent  à  l'autel  le  font  avec  autant  de  grâce  et  de  modestie 
que  s'ils  avaient  été  élevés  dans  une  académie  hini  réqléc. 

Si  par  suite  de  l'absence  des  missionnaires  il  n'y  a  point  de  messe  cé- 
lébrée le  'dimanche,  on  se  rend  quand  même  en  «rrand  nombi-e  à  la  vlia- 
pelle.  T^n  des  anciens  ou  des  chefs  dirige  la  prière  et  même,  avec  toute 
l'assistance,  fait  les  cérémonies  habituelles  de  la  messe.  T^a  même  chose 
se  pratique  dans  les  maisons,  oii  la  famille  réunie  se  figure  être  à  l'église 


—  210  — 

auprès  du  Saint-Sacrement  et  procède,  mais  avec  une  dévotion  réelle  et 
un  grand  sérieux,  comme  font  nos  enfants  de  chœur  quand  ils  s'amusent 
entre  eux  à  dire  la  messe. 

C'est  qu'ils  ont,  ces  sauvages,  très  sincèrement  acquis  le  sentiment  de 
la  réalité  du  sacrilice  divin  et  de  la  présence  réelle,  et  que  la  sainte  messe 
concentre  effectivement  pour  eux  toute  la  doctrine  qui  leur  a  été  en- 
seignée. 

Aussi  ne  se  contentent-ils  pas  de  l'office  dominical.  Ils  veulent  en- 
tendre la  messe  sur  semaine  et  même,  dans  toutes  les  chrétientés  aussitôt 
organisées,  ils  vont  autant  qu'ils  le  peuvent  à  la  messe  quotidienne.  On 
leur  a  bien  expliqué  qu'ils  n'y  sont  point  tenus,  que  c'est  affaire  de  pure 
dévotion.  "  Père,  ne  nous  dis  point  que  Dieu  n'est  pas  fâché  si  nous 
n'assistons  pas  à  la  sainte  messe,  dis-nous  seulement  qu'il  agrée  que  nous 
nous  y  trouvions,  cela  suffit  pour  nous  y  faire  venir.  Les  j^aresseux  se 
pourraient  prévaloir  de  la  moitié  de  ton  discours."  Plusieurs  en  ont 
fait  la  promesse  :  j'irai  tous  les  jours  à  la  sainte  messe,  j'aimerai  Dieu  de 
tout  mon  cœur,  je  le  prierai  souvent.  Au  son  de  la  cloche  ou  à  son  dé- 
faut au  lever,  du  soleil,  avec  une  diligence  qui  est  ensemble  une  des  causes 
et  un  fruit  de  leur  ferveur,  souvent  en  s'imposant  de  véritables  priva- 
tions, malgré  les  intempéries,  hommes,  femmes  et  enfants  accourent 
comme  invités  à  un  festin. 

La  chapelle  est  trop  petite,  bon  nombre  entendent  la  messe  dehors,  au 
milieu  des  neiges  et  du  froid,  avec  autant  de  dévotion  que  si  chaque  jour 
était  un  jour  de  fête.  On  en  a  vu  entendre  ainsi  jusqu'à  cinq  messes  à 
genoux,  ce  qui  était  un  véritable  martyre  pour  des  gens  à  qui  pareille 
posture  était  auparavant  inconnue. 

Un  Français  avait  été  tout  émerveillé  de  voir  tous  les  habitants  d'une 
bourgade,  debout  en  un  tour  de  main,  enveloppés  de  leurs  couvertes  qui 
servaient  de  robe  et  de  lit,  rendus  à  la  chapelle  en  cet  équipage.  Les 
voir  entendre  la  messe,  dit  un  missionnaire,  ce  me  fut  le  plus  doux  ra- 
fraîchissement que  j'aie  eu  pendant  ce  voyage  et  qui  a  entièrement 
essuyé  mes  fatigues  passées. 

*       * 

Si  tel  est  pour  les  sauvages  l'attrait  de  l'église  et  du  sacrifice  eucha- 
ristique, que  dire  de  leur  désir  de  la  communion  et  de  la  ferveur  qu'ils 
apportaient  à  la  recevoir. 

Pour  les  enfants,  la  première  commiinion  est  l'oljjet  d'une  attente 
anxieuse  et  d'une  espérance  très  vive.  Tout  jeunes  encore,  à  huit  ans, 
on  les  voit  supplier  le  Père  de  les  instruire  au  plus  tôt.  S'il  les  renvoie 
ou  fait  mine  de  les  remettre  à  plus  tard,  ils  se  jettent  à  ses  pieds,  le  ca- 
jolent et  le  supplient  juscju'à  ce  qu'enfin  on  leur  accorde  les  leçons  de 
catéchisme  qu'ils  implorent.  Notre-Seigneur  s'empare  vite  de  leur 
cœur.  Ils  se  préparent  au  grand  jour  avec  une  ferveur  incroyable.  Ils 
s'imposent  même  des  jeûnes  et  diverses  mortifications  qui  causent  au 
Père  autant  d'étonnement  que  d'édification.  Si  on  leur  demande  pour- 
quoi ils  ont  un  si  grand  désir  de  communier,  ils  répondent  que  Jésus  les 
viendra  baiser  au  cœur,  et  qu'il  embellira  leur  âme. 


—  211  — 

Chez  les  adultes  nouvellement  bai^tisés,  le  désir  est  le  même.  "  Je  n'ai 
point  encore  communié.  Mon  Père,  je  t'en  prie,  accorde-moi  le  bonheur 
de  la  communion,  je  vais  partir  au  loin,  je  ne  sais  si  je  reviendrai 
jamais."  Un  autre:  ''Mon  Père,  serait-ce  donc  à  ce  coup  que  je  commu- 
nierai? "  Et  cehii-ci,  un  capitaine  s'il  vous  plaît:  "  Tu  m'as  toujours  re- 
fusé ce  bonlieur,  tu  m'as  remis  du  printemps  à  l'automne,  j'ai  eu  peur 
pendt-nt  tout  l'été  de  mourir  devant  que  l'on  m'ait  porté  à  la  bouche  cette 
nourriture  de  mon  âme.  Dieu  m'a  conservé  la  vie,  me  voici  de  retour, 
que  diras-tu  maintenant?  Xe  m'afflige  pas  plus  longtemps.  Tu  ne  sais 
pas,  mon  Père,  combien  mon  âme  est  triste,  si  tu  le  savais,  tu  lui  donne- 
rais la  communion  qu'elle  demande." 

Les  parents  eux  aussi  veulent  voir  communier  leurs  enfants  et  s'em- 
ploient à  les  préparer.  Ainsi  cette  mère  qui  vient  demander  pour  elle 
et  ses  deux  filles  le  pain  de  vie,  voulant  qu'on  les  instruise  au  plus  tôt. 
C'est  le  dimanche  matin,  elles  espéraient  communier  ce  jour  même,  le 
seul  Père  qui  est  là  n'entend  pas  leur  langue,  son  confrère  ne  viendra 
que  dans  la  soirée,  elles  sont  à  jeun  depuis  la  veille  à  midi,  et  cependant 
elles  attendent  qu'il  arrive.  "  Mais  pourquoi  êtes-vous  restées  si  long- 
temps ?  "  Cette  (juestion  les  étonne.  "  Mais  nous  resterions  volontiers 
tout  le  jour,  nous  revicndro:is  souvent,  nou  ne  pouvons  pas  nous  en- 
nuyer ..." 

Leur  humilité  n'est  pas  moins  admirable  et  ils  ont  des  manières  à  eux 
d'exprimer  leur  pénitence  et  leur  néant  en  présence  d'un  Dieu  qui  se 
donne  comme  aliment  au  moment  de  communier  :  "  Il  me  semblait  que 
j'étais  comme  une  pauvre  petite  puce,  et  je  m'étonnais  qu'un  si  grand 
capitaine  voulût  entrer  dans  le  corps  d'un  si  petit  animal."  Ils  ne  crai- 
gnent pas  de  se  proclamer  publiquement  indignes  de  communier,  exagé- 
rant même  les  fautes  légères  qu'ils  peuvent  avoir  commises,  et  se 
confessant  plusieurs  fois  avant  de  s'approcher  de  la  sainte  Table.  Avant 
de  recevoir  ainsi  Xotre-Seigneur,  "ils  étaient,  disent-ils,  comme  de  pau- 
vres chiens  qui  ne  mangent  que  ce  que  mangent  les  chiens  et  ne 
connaissent  d'autre  nourriture." 

Ils  comprennent,  comme  le  Père  l'a  dit.  que  le  Fils  de  Dieu  se  cache 
sous  la  blancheur  du  pain  pour  éprouver  notre  foi.  ''  Oui  c'est  vrai, 
disent-ils  tout  haut  dans  l'église,  nous  avons  beau  nous  déguiser,  il  vient 
exprès  dans  notre  cœur  pour  voir  tout  ce  qui  se  passe.  Il  connaît  bien 
si  nous  croyons  par  feintise  ou  non.  C'est  pour  cela  qu'il  se  cache  afin 
de  découvrir  si  nous  avons  de  la  malice  dans  l'âme." 

Leur  foi  est  si  vive  et  leur  ferveur  si  grande  que  le  missionnaire  ne 
]:eut  s'empêcher  d'éc:ire  :  "  Toutes  les  peines  ([u'on  a  i)rises,  toutes  les  dé- 
penses qu'on  a  faites  pour  le  salut  des  sauvages  sont  plus  que  suffisam- 
ment payées  par  la  conversion  des  âmes  amenées  à  de  pareils  sentiments. 
Si  les  sauvages  pouvaient  tirer  ces  phrases  et  ces  pensées  d'un  autre  livre 
que  celui  de  Jésus-Christ,  je  douterais  s'ils  disent  vrai,  mais  non,  la 
source  eu  est  absolument  divine,  c'est  à  elle  que  remonte  leur  amour 
pour  le  sacrement  de  l'Eucharistie." 

Ils  comprennent  ce  ((ue  c'est  que  la  grâce  sanctifiante,  qui  rend  l'âme 
belle  aux  yeux  de  Dieu  et  qu'il  faut  posséder  pour  communier  digne- 
ment.    Eux-mêmes  cherchent  et  trouvent  autour  d'eux  des  termes  de 


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comparaison  naturellement  typiques.  La  grâce  sanctifiante,  c'est  comme 
nne  peau  de  castor  très  belle,  très  soyeuse,  très  riche,  sans  déchirure, 
([u"un  père  aimant  son  fils  et  satisfait  de  sa  conduite  lui  donne  en  ré- 
compense. Celui-ci  est  tout  fier  d'être  ainsi  vêtu  et  tout  le  monde 
l'admire.  Et  son  père  lui-même  l'en  aime  davantage.  Il  la  conserve 
tant  qu'il  se  comporte  bien,  mais  s'il  lui  arrive  de  se  montrer  ingrat  et 
d'offenser  son  père,  celui-ci  poiir  le  châtier  enlève  au  fils  coupal)le  la 
l)elle  robe  dont  il  l'avait  enveloppé,  nuiis  il  ne  la  dédiire  ni  ne  la  briile. 
Oh  non,  il  la  serre  précieusement,  la  tient  en  réserve  et  attend  dans  la 
tristesse  que  son  fils  revienne  à  de  meilleurs  sentiments  et  lui  demande 
pardon.  Au  fils  repentant  et  absous  le  père  rendra  la  peau  de  castor. 
X'est-ce  pas  la  parabole  de  la  robe  nuptiale? 

Ils  goûtent  sensiblement  la  communion.  "  Nous  sommes  venus  toui 
exprès  pour  nous  confesser  et  pour  recevoir  Celui  qui  nous  a  faits  ses 
enfants  par  le  baptême.  C'est  l'unique  commerce  et  le  seul  trafic  qui 
nous  amène."  Et  ces  gens,  qui  sont  venus  de  très  loin  avec  grande  fa- 
tigue, reçoivent  la  communion  avec  mille  bénédictions  et  actions  de 
grâces,  et  repartent  pour  leur  chasse. 

"  Mon  cœur  est  tout  autre  qu'il  n'était,  je  sens  je  ne  sais  quelle  douceur, 
quelle  joie  inexprimable,  avant  j'étais  comme  un  petit  animal,  renfermé 
dans  son  trou  et  qui  n'ose  sortir.  Il  se  présente,  il  sort  à  demi,  mais  la 
peur  le  fait  relancer  dans  sa  tanière.  Voilà  comme  j'étais  avant  d'avoir 
]'eçu  ce  mets  divin.  Mon  Sauveur  a  visité  mon  cœur,  vous  diriez  qu'il 
n'est  plus  dedans  moi,  qu'il  vole  dedans  l'air,  prêt  à  faire  en  quoi  que  ce 
soit  la  volonté  de  Dieu."  L'amour  divin  les  transporte.  "  Il  me  semble 
que  rien  au  monde  ne  me  saurait  séparer  de  vous,  dit  une  mère,  je  ne 
crains  ni  la  pauvreté,  ni  la  douleur,  ni  la  mort,  je  sens  néanmoins  que 
j'aime  ma  petite  fille,  mais  je  vous  aime  l)ien  davantage,  si  vous  la 
voulez,  prenez-la,  mon  Seigneur,  je  ne  vous  quitterai  pas  pour  cela,  ni 
pour  chose  aucune  qui  soit  au  monde." 

Ne  croirait-on  pas  relire  saint  Paul? 

Ils  disent  tout  haut,  au  sortir  de  la  sainte  Table,  que  Jésus-Christ  est 
le  maître  de  leur  cœur,  possède  leur  esprit  et  les  rendra  robustes. 

"  A  l'heure  même  que  je  communiai,  je  sentis  Jésus-Christ  dans  mon 
cœur  et  j'aperçus  en  même  temps,  que  c'était  lui  qui  m'élevait  à  soi  et 
m'enseignait  ce  que  jamais  je  n'aurais  su  comprendre.  J'avais  été 
jusqu'alors  comme  un  homme  qui  s'égare  ou  qui  craint  de  s'égarer  au 
milieu  de  la  nuit,  mais  maintenant  je  marche  en  assurance  comme  nous 
faisons  en  plein  jour.  Croyez,  dit-il,  tout  ce  qu'on  nous  enseigne,  mais 
surtout,  croyez  fermement  que  Jésus-Christ  entre  dans  notre  cœur  lors- 
que nous  mangeons  le  pain  sacré." 

''  Après  avoir  reçu  Notre-Seigneur,  mon  cœur  est  plein  de  joie,  je  ne 
sais  ce  qu'il  dit,  je  sais  bien  qu'il  parle  mais  je  ne  l'entends  pas.  Il  va 
plus  vite  que  ma  pensée.  Il  me  semble  que  ce  que  Dieu  me  fait  est 
admirable.  Je  tremble  tant  j'ai  peur  de  salir  ce  qui  est  en  moi.  Il 
m'est  avis  qu'on  me  dit  dans  l'âme  qu'il  faut  que  je  sois  bon,  puisque 
je  crois  en  lui,  et  que  je  ne  commette  aucun  mal." 

"  C'est  la  communion  qui  donne  le  courage,  ce  n'est  point  un  mensonge 
rpie  Jésus-Christ  soit  dans  riiostic.  je  Tv  sentis  après  aAoir  coniniunié, 
mais  je  ne  sais  si  depuis  ce  temps-là  il  denunire  toujours  dans  mon  cœur. 


.       —213  — 

Car  bien  souvent,  faisant  tout  antre  chose,  je  nie  sens  tout  tliangé, 
comme  s'il  y  avait  en  moi-même  quelqu'un  qui  me  parlât,  et  souvent  je 
lui  parle  sans  dire  mot,  il  me  répond  et  je  vois  bien  pour  lors  qu'il  en- 
tend mes  désirs.'" 

Ils  s'entretiennent  avec  Dieu  et  s'animent  nuituellement  à  l'action  de 
grâces.  Quand  vous  avez  communié,  il  faut  regarder  Jésus-Christ  dans 
votre  cœur  sans  parler,  il  le  faut  adorer  en  silence  et  lui  dire  au  fond  de 
votre  âme  :  ''  Oh  Seigneur,  je  me  donne  à  vous,  prenez  mon  cœur,  pos- 
sédez votre  pauvre  créature,  et  quand  vous  lui  aurez  parlé  quelque  temps 
du  cœur,  alors  vous  ])ourrez  remuer  vos  lèvres."  C'est  une  mère  sauva- 
gesse  qui  parle  ainsi  à  ses  enfants. 

Avant  la  communion,  on  répétait  à  satiété  l'invocation  :  Jésus,  ayez 
pitié  de  moi  !  Au  sortir  de  la  sainte  Table,  on  entendait  :  Jésus,  je  te 
remercie  !  Jésus,  je  te  remercie  ! 

On  comprend  (jue  les  sauvages  s'éloignaient  avec  peine  du  sanctuaire 
où  ils  avaient  éprouvé  de  si  douces  jouissances  :  "  Oh  !  que  j'ai  eu  de  peine 
à  me  résoudre  à  ce  voyage.  Il  me  semblait,  cpiand  je  quittai  la  chapelle 
pour  m'eml)arquer,  ([u'on  m'arrachait  le  cieur,  et  jamais  ie  n'eusse  pu 
me  résoudre  à  partir,  n'était  que  j'espérais  te  trouver  à  Tadoussac  et  que 
j'aurais  le  moyen  de  me  confesser  et  de  communier."'  Ils  reviennent 
aussitôt  qu'ils  le  peuvent  pour  retremper  leurs  âmes  dans  la  communion  : 
"  Je  viens.  Père,  te  dire  qu'il  me  semble  que  je  ne  sens  plus  rien  dans 
mon  cœur,  il  y  a  tro])  longtemps  (jue  j'ai  reçu  Celui  qui  a  tout  fait,  je 
t'en  prie,  fais-moi  communier  de  nouveau  pour  renouveler  mon  courage." 


Ils  aiment  à  communier  souvent,  bon  nombre  même  en  viennent  à  la 
commtinion  fréquente,  apportant  cha(|ue  fois  le  môme  soin  à  s'y  pré- 
parer. Les  missionnaires  se  voient  même  contraints  de  modérer  leurs 
désirs  et  leurs  transports.  Ils  leur  enseignent,  et  ils  apprennent  faci- 
lement la  méthode  de  la  communi(Ui  spirituelle,  (pi'ils  ])rati(|uent  avec 
une  piété  étonnante  (|uand  ils  sont  privés  du  bonheur  de  s'approcher 
effectivement  de  la  sainte  Table. 

Ce  sont  les  malades  surtout  qui  sentent  le  besoin  de  recevoir  un  ali- 
ment qui  leur  tiendra  lieit  parfois  de  nourriture  corporelle,  dans  lequel 
ils  puiseront  la  force  de  supporter  leurs  souffrances,  et  trouveront  le 
remède  à  leur  faiblesse. 

Aussi  longtemps  qu'ils  le  peuvent,  ils  se  font  transporter  de  leur  lit 
et  de  leur  cabane  à  la  chapelle  pour  y  recevoir  Celui  'lui  a  tout  fait,  (pii 
est  le  maître  de  la  vie,  de  la  santé,  de  la  mort  et  qui  nutintes  fois  récom- 
pensera par  une  guérison  soudaine  leur  foi,  leur  amour  et  leur  confiance. 

Une  jeune  fille  impotente  est  couchée  ))ar  terre  sur  une  ])eau  d'ori- 
gnal, sa  mère  l'en  envelo])])e  et.  aidée  d'une  autre  femme,  la  transporte 
à  l'église  où  elle  peut  entendre  encore  une  fois  la  sainte  messe  et  rece- 
voir la  communion.  Si  on  porte  le  bon  Dieu  dans  une  cabane  pour  le 
donner  en  viati(|ue  à  un  mourant,  on  l'accompagne  tout  le  long  de  la 
route  avec  une  grande  ]uété.  récitant  tout  haut  et  en  commun  des 
prières  et  des  invocations   appro])riées.     A   l'entrée   d(^   Xotre-SeiLnieur 


—  21-1  — 

dans  la  maison,  la  foi  du  malade  est  si  vive  qu'elle  lui  donne  des  forces 
étonnantes.  11  se  lève  de  son  lit,  se  jette  à  deux  genoux  en  terre  et 
d'une  voix  mourante  :  ""  Ici,  mon  Seigneur,  je  crois  fermement  que  c'esc 
vous  qui  venez  pour  me  visiter,  je  me  meurs  dans  cette  foi,  et  dans  le 
repentir  d'avoir  été  ainsi  longtemps  sans  vous  connaître,  ayez  pitié  de 
moi."  Sur  son  visage  resplendit  la  joie  qui  remplit  son  cœur.  Il  respire 
le  contentement  d'une  âme  qui  s'en  allait  sciemment  au  ciel.  Et  jusqua 
dans  son  agonie,  il  semblera  qu'elle  prend  plaisir  à  adorer  Celui  dont 
elle  va  bientôt  jouir. 

"  Jésus,  ma  vie,  et  mon  capitaine,  je  crois  en  votre  parole,  vous  êtes 
dans  mon  cœur  quoique  vous  ne  paraissiez  pas,  je  le  crois,  oui,  en  vérité, 
je  le  crois;  déterminez  de  moi  comme  il  vous  plaira.  Je  vous  verrai, 
oui,  je  vous  verrai." 

Un  autre  peut  difficilement  parler  tant  il  est  faible,  mais  le  sentiment 
est  plus  fort  que  la  maladie,  il  s'écrie  :  "  Oh  !  que  vous  êtes  bon  de  m'être 
venu  visiter,  ô  mon  Sauveur,  je  ne  vous  vois  pas  maintenant,  vous  vous 
cachez,  mais  je  vous  verrai  bientôt.  Vous  m'avez  promis  le  paradis, 
j'attends  la  mort  joyeusement,  quand  il  vous  plaira  de  l'envoyer.  Je 
vous  aime,  j'irai  avec  vous  et  là  je  vous  prierai,  notamment  pour  ceux 
qui  m'ont  instruit  et  m'ont  fait  vous  connaître." 

Tels  sont  les  sentiments  dont  nous  retrouvons  fréquemment  l'expres- 
sion chez  les  malades  en  présence  de  la  Sainte  Eucharitie. 

Si  le  missionnaire  est  absent,  si  le  bon  Dieu  se  fait  attendre,  c'est  une 
véritable  angoisse  qui  étreint  le  cœur  du  malade.  L'ardeur  de  son  désir 
égale  l'inquiétude  qui  le  tourmente  de  mourir  sans  avoir  communié. 
"  ISF'aurai-je  point  cette  consolation  devant  mon  trépas,  de  recevoir  Celui 
que  je  verrai  bientôt  au  ciel  !  " 

Le  bonheur  du  moribond  d'avoir  reçu  son  Dieu  est  partagé  par  ses 
parents  et  par  toute  la  famille,  qui  expriment  tout  haut  leur  admiration 
et  leur  reconnaissance  pour  l'excès  des  bontés  de  Celui  qui  n'avait  pas 
dédaigné  la  bassesse  de  leur  hutte  et  de  leur  cabane,  et  ils  gardaienc 
pieusement  la  mémoire  du  jour  béni  oii  Jésus  était  entré  dans  leur 
pauvre  demeure. 

* 
*       * 

Une  foi  si  vive,  et  qui  s'était  emparée  dès  l'abord  des  premiers  chré- 
tiens que  la  grâce  s'était  choisis  parmi  les  sauvages,  leurs  sentiments  de 
respect  et  d'amour  envers  l'Auguste  Sacrement  devaient  comme  natu- 
rellement recevoir  leur  expression  solennelle  au  jour  de  la  fête  consacrée 
par  la  liturgie  à  Jésus  Eucharistique,  et  spécialement  aux  processions 
que  les  missionnaires  n'eurent  garde  d'omettre  partout  où  elles  pou- 
vaient s'organiser.  D'autant  moins  qu'elles  entraient  mieux  dans  les 
goûts  des  sauvages,  très  friands  de  ces  démonstrations  éclatantes  et 
bruyantes.  Aussi  n'y  a-t-il  pas  lieu  de  s'étonner  de  voir  l'empressement 
et  la  joie  avec  lesquels  s'y  portaient  les  nouveaux  fidèles.  Us  mettaient 
ce  jour-là  leurs  plus  beaux  costumes,  se  rangeaient  docilement  deux  a 
deux  pour  le  défilé.     L'honneur  de  porter  le  dais  était  très  envié  par  les 


:.nû 


capitaines  :  c'était  un  spectacle  très  agréable  au  ciel  et  à  la  terre  de  voir 
ce  sauvage  qui  a  fait  le  jour  mtme  si  première  communion,  couvert 
d'une  modestie  vraiment  chrétienne,  sous  uYic  belle  robe  de  fourrure, 
porter  le  dais  à  la  procession  avec  la  première  personne  du  pays,  le  gou- 
verneur. 

Une  escouade  d'arquebusiers  fait  entendre  des  salves  d'escopetteries, 
on  chante  des  motets  et  des  cantiques  en  l'honneur  du  Très  Saint-Sacre- 
ment. Les  païens  eux-mêmes  se  mettront  de  la  partie,  entraînés  par 
l'exemple  et  par  le  bonheur  manifeste  des  chrétiens.  C'est  la  fête  de 
toute  la  tribu.  Il  est  bien  difficile,  dit  un  Père,  au  soir  même  d'une  de 
ces  manifestations  triomphales,  de  voir  Jésus-Christ  ainsi  honoré  par 
des  barbares,  sans  en  rts-^entir  de  la  joie  Jusqu'au  profond  de  son  cœur. 


Après  avoir  lu  ce  qui  précède,  on  pourrait  être  tsnté  de  croire  que 
nous  avons  simplement  voulu  établir  une  thèse,  formulée  au  préah\ble, 
que  nous  avons  trop  facilement  généralisé  quelques  cas  particuliers, 
donnant  crédit  aux  sauvages  répandus  par  l'immensité  de  notre  pays,  de 
ce  qui  aurait  pu  n'être  que  l'éclosion  de  sentiments  isolés,  partagés  tout 
au  plus  par  une  élite  d'âmes  plus  ferventes,  en  rapports  plus  intimes  et 
plus  habituels  avec  les  missionnaires,  bref,  que  nous  aurion>  fait  res- 
sortir des  exceptions  pour  en  faire  la  règle  ;  il  n'en  est  rien,  c'est  le  con- 
traire qui  est  vrai. 

Les  quelques  traits  que  nous  avons  cités  se  retrouvent  à  chaque  page 
de  nos  premières  annales.  Ils  sont  rapportés  |  ar  cliaeun  des  apôtres  de 
la  Xouvelle-ï'rance.  Ils  nous  sont  donnés  comme  traduisant  en  termes 
trop  concis,  ce  qui  était  pour  eux-mêmes  et  à  leur  grand  étonnement  la 
caractéristique  des  âmes  qu'ils  amenaient  à  la  foi,  et  des  chrétientés  que 
leur  infatigable  zèle  avait  en  peu  d'années  groupées  autour  des  chajielles 
et  multipliées  un  peu  partout.  Xous-mêmes,  nous  n'avons  pu  que  glaner 
dans  leurs  récits  déjà  trop  brefs.  Ce  que  nous  avons,  comme  une  sorte 
d'essence,  exprimé  de  leurs  Relations,  suffit  cependant  à  convaincre  le 
lecteur  que  la  dévotion  eucharistique  sous  tous  ses  aspects  a  imprégné 
l'atmosphère  et  pénétré  le  sol  du  Canada  dès  les  débuts  de  son  évangé- 
lisation. 

Les  missionnaires  qui  avaient  apporté  avec  eux  l'amour  intense  de 
Jésus-Christ,  le  désir  de  travailler  pour  sa  gloire,  la  volonté  même  de 
verser  pour  lui  leur  sang,  ne  ])ouvaient  puiser  ailleurs  que  dans  le  sacri- 
fice de  l'autel  et  dans  la  communion  eucharistique  le  courage,  la  force, 
la  constance  qu'ils  devaient  porter  jusqu'à  la  confession  de  la  foi.  jus- 
qu'au martyre  dans  les  plus  affreux  supplices. 

La  flamme  divine  qui  les  consumait,  devait  se  communiquer  comme 
d'elle-même  aux  nouveaux  convertis  et,  dans  l'ensemble  de  la  doctrine 
qui  leur  est  enseignée,  ce  qui  les  touche  et  les  attire  plus  que  tout  le 
reste,  c'est  l'amour  immense  d'un  Dieu  qui  se  donne  jusqu'à  se  faire 
l'ami  habituel  et  même  la  nourriture  des  âmes.  C'est  par  là  que  la 
grâce  les  a  surtout  captivées.     Elles  ont  été  ravies,  au  point  de  produire 


—  216  — 

cette  élévation  de  pensées  et  de  sentiments  (jiie  les  missionnaires  se 
plaisent  à  nous  traduire.  C'était  partout  la  même  chose,  les  faits  re- 
latés se  répètent  avec  la  même  généralité  à  Tadoussac,  à  Québec,  à  Sil- 
lery,  à  Trois-Eivières,  à  Montréal,  à  Laprairie,  sur  les  bords  du  Eiche- 
lieu  ou  du  Lac  Champlain  aussi  bien  que  sur  les  rives  de  TOutaouais  et 
dans  toutes  les  contrées  d'alentour  et  jusque  sur  les  chemins  de  l'Ouest 
et  de  la  Baie  d'Hudson. 

Et  traînés  en  captivité  avec  leurs  missionnaires,  torturés  et  mis  à 
mort  comme  eux  au  milieu  des  plus  atroces  souffrances  et  jusqu'à  leur 
dernier  soupir,  c'est  le  souvenir  Eucharistique  qui  garde  ces  nouveaux 
chrétiens  contre  toute  faiblesse,  les  défend  contre  toute  apostasie  et  leur 
fait  conquérir  la  palme  de  la  victoire  finale. 

Il  y  aurait  d'ailleurs  tout  un  autre  travail  à  faire  pour  redire  l'his- 
toire des  martyrs  Eucharistiques  de  la  Nouvelle-France. 

Hâtons-nous  de  conclure  à  la  vérité  de  cette  parole  que  prononçait 
au  Congrès  de  Londres  Mgr  l'archevêque  de  Montréal:  "Le  Canada  est 
une  terre  Eudiaristique  '". 

L'Eglise  en  a  fait  la  conquête  par  le  sang  du  Christ  et  par  celui  de 
ses  apôtres.  Puisse-t-elle  le  garder  toujours  avec  ce  titre  qui  a  été  et 
qui  est  encore  sa  plus  grande  gloire  !  Ce  vœu  se  réalisera  avec  le  se- 
cours de  la  grâce. 

Tel  sera  l'espoir  de  tous  après  les  éclatantes  manifestations  de  foi, 
d'amour  et  de  piété,  offertes  par  tout  un  peuple  à  Notre-Seigneiir  au 
cours  et  à  l'occasion  du  Congrès  Eucharistique  de  Montréal. 


Comme  complément  au  travail  de  Monseigneur  Emard,  le 
R.  P.  Pacifique  envoie  au  Congrès,  du  sein  de  ses  missions,  les 
notes  ci-jointes  sur  "  Véûucation  eucharistique  des  sauvages  Mic- 


macs. " 


LES  PSAUMES  EUCHARISTIQUES  CHEZ 
LES  MICMACS 


La  première  forme  sous  laquelle  les  S()Ui'i((U()is  ou  Micmacs  du  sud- 
ouest  (anciennement  su  rouet)  encore  païens,  ont  entendu  parler  de 
l'Eucharistie,  a  amené  une  confusion  dans  leur  esprit  peu  exercé.  On 
leur  disait  que  nous  nous  prosternions  devant  le  Soleil,  qui  est  Jésus.  Et 
ils  pensaient  qu'il  s'agissait  du  soleil  du  firmament,  et  non  point  du 
soleil  ou  ostensoir  du  Saint-Sacrement.  Mais  dès  (pi'ils  furent  chré- 
tiens, ils  se  rendirent  compte  du  dogme  eucharistique  et  ils  comprirent 
Texcès  d'amour,  par  le(|uel  le  Fils  de  Dieu  devenu  homme,  s"est  fait 
notre  nourriture  —  mit  jipt  jeoaJsii.  —  ils  en  furent  vivement  touchés 
et  appelèrent  ce  sacrement  Petjiîi  (ijii  jiHingeoei  ou  le  Bienfait  par  excel- 
lence.    Quant  à  la  merveilleuse  application  de  ce  bienfait  ])ar  la  messe 


—  217  — 

et  la  communion,  il  a  fallu  introduire  dans  leur  langue  ces  deux  mots 
l'ran^-ais,  dont  on  a  fait  —  Alames  —  et  —  Cemnieoti. 

Leur  foi  bien  éclairée  et  leur  dévotion  bien  affermie  se  sont  mainte- 
nues avec  une  admirable  constance,  jusqu'à  nos  jours.  Pendant  près  de 
150  ans,  ils  n'avaient,  qu'à  de  rares  intervalles,  la  visite  du  missionnaire, 
mais  ils  conservaient  toujours,  copiés  de  leur  main  (en  hiéroglyphes  ou 
en  caractères  de  leur  petit  alphabet  de  douze  lettres)  les  prières,  les 
instructions  et  surtout  les  hymnes  et  les  psaumes,  composés  ou  intro- 
duits dans  les  offices  publics  par  l'abbé  Maillard  (1T35-1T62).  C'est  en 
effet,  par  le  moyeu  des  psaumes  et  autres  chants  doctrinaux  sur  les 
grandes  vérités,  les  sacrements  et  la  vie  de  Xotre-Seianeur  Jésus-Christ, 
que  cet  apôtre  de  génie  a  réussi  à  imprégner  de  foi  et  de  religion,  cette 
petite  tribu  privilégiée,  restée  toujours  fidèle.  Ils  se  réunissaient  seuls, 
dans  les  bois,  les  dimanches  et  les  jours  de  fêtes,  pour  réciter  le  cha])clet 
et  chanter  leurs  offices.  Les  vérités  de  la  foi,  répétées  harmonieuseiuent 
par  toutes  les  voix,  entretenaient  ainsi  dans  leur  esprit  et  dans  leur 
cœur,  la  vie  surnaturelle:  elles  avivaient  le  désir  de  l'cvoir  le  uiinistre  de 
ces  grandes  choses,  de  jouir  de  la  présence  du  Sauveur,  et  de  recevoir  en 
alinient  son  Corps  très  saint. 

Les  psaumes  eucharistiqties  tenaient  une  grande  place  dans  ces  offices. 
Il  y  en  avait  muitre,  outre  les  hymnes,  antiennes,  motets,  etc.  Le  pre- 
mier —  Oedaolg,  ogtinin  —  chante  les  merveilles  de  la  présence  réelle 
et  les  motifs  de  les  croire.  Le  deuxième  —  Ocleg,  mif/natof  —  chante 
la  communion,  ses  effets,  les  dispositions  requises,  le  malheur  de  la  mau- 
vaise communion.  Le  troisième  —  Sesogoli,  mignntot  —  rappelle  l'ins- 
titution de  l'P^ucharistie  et  de  la  sainte  messe,  prodiae  d'amour,  ciment 
d'union,  etc.  Le  quatrième  —  Gil,  Sesos,  ola  nigetj  —  est  une  pieuse 
aspiration  de  l'âme  à  Jésus-Hostie. 

"  0  Jésus,  qui  vous  mettez  sous  les  apparences  du  pain  pipnagaiieino- 
goalsin  (huit  mots  en  un  seul)  *  nous  vous  saluons  avec  humilité. 

"■'  Quoique  nous  ne  vous  voyions  pas  clairement,  *  nous  vous  croyons 
présent  dans  l'hostie  (osgitjipenegoigtog,  dans  l'extérieur,  l'enveloppe 
du  pain). 

"  Qu'ils  vous  louent  ceux  qui  jouissent  déjà  dans  le  ciel.  *  les  anges  et 
les  bienheureux. 

"  Que  nous  vous  bénissions  et  vous  aimions,  *  nous  qui  continuons 
d'être  vivants. 

"Qu'ils  tremblent  tous  devant  vous.  *  les  suppliciés  de  l'enfer  {incn- 
toagi.  royaume  du  Manitou). 

'*'  Xous  saluons  également,  ô  Jésus,  votre  sang  *  élevé  maintenant  dans 
le  calice. 

"  C'est  le  même    que  vous  avez  ré])andu,  *  étant  attaché  à  la  croix, 

"Afin  de  nous  préserver  *  des  tourments  éternels. 

"Vous  le  répandez  de  nouveau  sur  l'autel  *  pour  nous  faire  miséri- 
corde. 

"C'est  ainsi  (|ue  pour  nous  vous  daignez  vous  tenir  *  devant  \otre 
Père,  que  nous  ne  cessons  d'affirmer. 

"  Xous  ne  voulons  pas  num  juer  de  vous  en  remercier,  ô  Jésus;  *  ayez 
pitié  de  nous  pauvres  pécheurs. 


—  318  — 

'•'  ISTe  cessez  point  de  nous  écouter,  ô  Jésus  ;  *  ne  vous  fatiguez  pas  de 
nous  purifier  de  nos  iniquités. 

"  Et  nous,  puissions-nous  ne  pas  cesser  de  vous  obéir,  ô  Jésus,*à  vous 
qui  ne  cessez  pas  de  tant  nous  aimer. 

'*'  Gloire  soit  au  Père,  etc." 

Nous  n'avons  trouvé  en  usage  à  Eistigouclie  que  ce  dernier  psaume, 
avec  un  grand  nombre  d'h\Tnnes  et  autres  cliants  en  l'honneur  du  Saint- 
Sacrement.  Les  autres,  à  la  longue,  avaient  été  oubliés.  Echappant 
au  contrôle  efficace  du  missionnaire,  ces  chants  sacrés  avaient  été 
maintes  fois  recopiés  par  les  sauvages  avec  des  inexactitudes  considé- 
rables ;  bien  des  versets  ne  signifiaient  plus  grand'chose,  et  on  les  laissait 
de  côté.  Mais  on  les  retrouve  dans  leur  intégrité  et  leur  beauté  litté- 
raire dans  les  manuscrits  de  l'Abbé  Maillard;  et  il  n'est  pas  très  difficile 
de  les  remettre  eu  honneur,  au  grand  profit  de  la  piété.  Un  prêtre 
docte  et  pieux,  à  qui  je  donnais  un  jour  le  mot-à-mot  d'un  passage  de 
cette  littérature,  s'émerveilla  de  la  profondeur  théologique,  de  l'exacti- 
tude et  de  la  popularité  de  ces  chants.  On  enttnd  les  Micmacs  les 
répéter  dans  les  wigwams,  dans  les  champs,  sur  les  rivières,  dans  les  bois, 
mais  jamais  par  moquerie  ni  plaisanterie,  même  quand  ils  ont  pris  nu 
coup  de  trop.  Il  y  en  a,  comme  chez  les  blancs,  qui  ne  fréquentent  pas 
l'église,  à  cause  de  certains  obstacles,  qu'ils  ne  savent  pas  vaincre;  mais 
chez  eux  ils  chanteront  la  messe,  les  vêpres,  le  salut. 

Aussi,  le  souvenir  du  grand  Bienfait,  le  respect  de  la  présence  réelle, 
l'estime  de  la  communion  sont-ils  profonds  chez  les  Micmacs.  Les 
étrangers  ont  souvent  remarqué  avec  quel  respect  ils  saluent  l'Eglise,  en 
passant;  et  celui  qui  se  permettrait  quelque  irrévérence  dans  le  saint 
lieu,  ou  aux  environs,  ne  pourrait,  sans  scandale,  être  admis  aux  sacre- 
ments avant  de  faire  une  réparation  publique.  Un  jour,  un  ivrogne 
ayant  réussi  à  s'introduire  dans  l'église  de  Eestigouehe,  sans  être  remar- 
c|ué,  prononça  quelques  mots  à  haute  voix  pendant  Tinstruction  ;  il  dut. 
on  le  comprend,  faire  cette  réparation.  Mais  une  personne  de  piété  très 
ordinaire,  qui  avait  été  témoin  du  scandale,  me  dit  ensuite  qu'elle 
n'avait  pu  s'empêcher  de  pleurer  en  voyant  aius^i  outrager  Notre- 
Seigneur,  dans  sa  maison.  Elle  aurait,  dit-elle,  préféré  se  sentir  percer 
le  cœur,  que  de  voir  ainsi  blesser  le  cœur  du  bon  Sauveur.  Je  me  sou- 
viendrai aussi  toujours  de  la  désolation,  j'allais  dire  du  désespoir,  d'un 
Micmac  de  Terreneuve,  qui  très  éloigné  de  l'église,  n'avait  pu  commu- 
nier depuis  longtemps,  et  eut  encore,  malgré  une  marche  rapide,  le  mal- 
heur d'arriver  à  ma  messe,  après  la  communion. 

On  peut  juger  par  là,  de  la  vivacité  des  sentiments  religieux,  et  en 
particulier  de  la  dévotion  au  Saint-Sacrement  chez  cette  petite  nation 
indigène.  On  doit,  sans  aucun  doute,  l'attribuer,  en  grande  partie  à 
l'usage  des  cliants  eucharistiques,  si  bien  appropriés  à  leur  caractère  et 
à  leurs  besoins  spirituels. 


—  219  — 

Mgr  La  pointe,  vicaire-général  do  Chicoutimi,  présente  à  son 
tour  le  résultat  de  son  enquête  sur  le  culte  et  les  œuvres  eu- 
charistiques dans  le  diocèse  de  Chicoutimi.  Ce  diocèse,  situé 
à  l'extrême  Nord-Est  canadien,  s'est  beaucoup  développé  en 
ces  dernières  années,  grâce  à  la  colonisation  de  ses  terres 
fertiles  et  à  un  accroissement  de  la  population  presque  exclu- 
sivement canadienne -française. 


LES  ŒUVRES  EUCHARISTIQUES 

DU 

DIOCESE  DE  CHICOUTIMI 


I.  —  Historique  du  Culte  Eucharistique  au  Saguenat 

Le  diocèse  de  Chicoutimi  compte  6-i  paroisses  ou  missions,  un  sémi- 
naire diocésain  et  un  nombre  considérable  d'établissements  religieux 
d'enseignement  ou  de  charité. 

La  popuhation  catholique  du  diocèse  est  tout  entière  canadienne- 
française.  Les  non-catholiques,  au  nombre  d'une  trentaine  au  phis, 
sont  ou  protestants  ou  juifs. 

Depuis  le  premier  voyage  de  Cartier  à  Québec,  en  1535,  jusqu'au  mi- 
lieu du  XVIIe  siècle,  tous  les  vaisseaux  d'outre-mer  qui  remontaient  le 
Saint-Laurent,  faisaient  escale  à  Tadoussac,  à  l'embouchure  du  Sa- 
guena}',  où  les  aborigènes  venaient  par  milliers  chaque  année  échanger 
leurs  riches  pelleteries  pour  divers  produits  de  l'industrie  européenne. 
Tadoussac  devint  célèbre  dans  le  monde  entier,  et  les  cartes  géographi- 
ques du  temps  nous  montrent  la  partie  connue  de  l'Amérique  du  Nord 
divisée  en  trois  grands  territoires  :  La  Xouvelle-France,  le  Canada  et  le 
Eoyaume  de  Saguenay,  dont  Tadoussac  était  la  capitale.  En  fait,  Ta- 
doussac ne  fut  toujours  qu'un  poste  de  traite;  il  n'est  aujourd'hui 
encore  qu'un  modeste  bourg  de  quelques  centaines  d'habitants.  La  ca- 
pitale actuelle  du  "  Eoyaume  de  Saguenay  "  est  Chicoutimi.  siège  du 
diocèse  du  même  nom,  situé  à  75  milles  de  Tadoussac,  sur  la  rivière 
Saguenay. 

D'aucuns  prétendent  que  le  saint  sacrifice  de  la  messe  fut  célébré 
pour  la  première  fois  sur  le  continent  américain  du  nord,  à  Tadoussac, 
à  l'époque  du  second  voyage  de  Cartier,  en  1535.  Cette  date  marquerait 
donc,  en  quelque  sorte,  la  prise  de  possession  par  Jésus-Hostie  des  nou- 
velles terres  (|ue  le  hardi  navigateur  malouin  venait  de  découvrir  et  dont 
il  faisait  hommage  à  son  Dieu  et  à  son  roi. 

L'heure  n'était  pourtant  pas  venue  où  Jésus  allait  enfin  fixer  sa  de- 
meure au  Saguenay.  et  une  multitude  de  peuples  assis  à  l'ombre  de  la 
mort  depuis  de  nombreux  siècles  devaient  être  privés  longtemps  encore 
du  pain  de  vie,  jusqu'à  ce  que  le  Père  Dolbcau,  Récollot,  vint  en  ]fil5, 
évangéliser  les  sauvages  réunis  à  Tadoussac  et  y  offrir  de  nouveau  le 
Saint  Sacrifice. 


—  220  — 

De  Uil.")  à  1()28,  les  courageux  fils  de  saint  François  furent  fidèles  à 
venir  tous  les  étés  instruire  les  pauvres  enfants  des  bois  et  leur  distribuer 
la  sainte  Eucharistie. 

En  1G33,  la  mission  de  Tadoussac  échut  aux  Pères  de  la  Conipaguie  de 
Jésus,  qui  la  desservirent  sans  interruption  jusqu'en  1782.  Durant  ce 
siècle  et  demi,  25  missionnaires  jésuites,  bravant  comme  l'apôtre  saint 
Paul  les  dangers  de  terre  et  de  mer,  sillonnèrent  en  tous  sens  cette 
immense  région  qui  s'étend,  sur  la  rive  nord  du  Saint-Laurent,  du  La- 
brador à  La  Malbaie,  sur  la  rive  sud,  de  la  Baie-des-Chaleurs  à  l'Ile- 
Verte,  et,  dans  l'intérieur,  des  Sept-Iles  à  la  Hauteur-des-Terres,  et  de 
Tadoussac  aux  sources  du  Saint-Maurice  et  à  la  Baie  d'Hudson.  Xeuf 
peuplades  indiennes,  vivant  dans  un  rayon  de  plusieurs  centaines  de 
milles  autour  de  Tadoussac,  furent  évangélisées  simultanément  durant 
cette  période  par  les  Pères  de  la  Compagnie  de  Jésus  :  ce  sont  les  Mon- 
tagnais,  les  Algonquins,  les  Papinachois,  les  Esquimaux,  les  Mistassins, 
les  Outabitibies,  les  Xaskouapis,  les  Etchemins  et  les  (Jaspéïiens.  Leurs 
principales  missions  ou  lieux  de  réunions  furent  Tadoussac,  Chicoutimi, 
Métabetchouan,  Nékoubeau,  le  Lac  Mistassini,  ITle-Verte.  Cacouna,  les 
Trois-Pistoles,  Eimouski,  Ristigouche,  les  Sept-Iles,  les  Ilets-Jérémie, 
Betsiamis,  les  Escoumains  et  les  Bergeronnes. 

On  frémit  en  lisant  le  compte-rendu  d'une  si  éloquente  simplicité  que 
chacun  de  ces  missionnaires  fait  à  son  supérieur  des  travaux  accomplis 
dans  ce  vaste  champ  oii  s'exerce  leur  activité  d'apôtres  ;  des  routes  par- 
courues, tantôt  en  canot,  tantôt  à  la  raquette,  à  travers  bois,  par  ime 
chaleur  torride  ou  un  froid  à  pierre  fendre,  des  fatigues  imposées,  des 
privations  généreusement  acceptées,  des  souffrances  physiques  et  morales 
glorieusement  supportées  pour  la  gloire  de  Jésus  crucifié.  Quelle  belle 
lignée  d'hommes  !  Quels  vaillants  soldats  du  Christ  !  Quels  héros  que 
ces  Religieux  souvent  issus  de  familles  nobles  et  de  mœurs  jiatriciennes, 
tous  habitués  en  tout  cas,  sinon  au  luxe,  du  moins  au  confort  et  aux 
jouissances  intellectuelles  de  la  société  la  plus  policée  de  l'Europe,  et  qui, 
apparemment  sans  regret,  sans  une  minute  d'hésitation,  le  crucifix  sur 
la  poitrine,  le  bréviaire  sous  le  bras,  s'enfoncent  jioui-  des  mois,  (pielque- 
fois  pour  des  années,  seuls,  dans  la  forêt,  en  compagnie  d'hommes  d'une 
grossièreté  repoussante,  pour  vivre  avec  eux  dans  une  afl^reuse  promis- 
cuité et  une  misère  qui  n'a  pas  de  nom. 

Seul  le  Dieu  de  l'Eucharistie  pouvait  les  consoler  et  les  soutenir  au 
milieu  de  tant  d'épreuves.  Aussi  célébraient-ils  aussi  souvent  (|u"ils 
pouvaient  les  saints  mystères  pour  se  nourrir  et  nourrir  leurs  néophytes 
du  pain  dc.s  forts.  Les  premiers  autels  des  missionnaires  furent  tantôt 
un  arbre  renversé,  tantôt  les  flancs  d'un  canot  d'écorce  de  bouleau.  Les 
premier  temples  de  Tadoussac,  du  Saguenay  et  du  Lac  Saint-. lean  m\ 
furent  d'abord  que  de  longues  cabanes  d'écorce  et  de  feuillage.  C'est 
ainsi  que  la  première  mission  à  Tadoussac,  en  ÏGL"),  fut  dite  dans  une 
de  ces  chapelles  rustiques.  Le  Père  DeQuen,  en  1052,  dit  ainsi  la  messe 
sur  les  bords  du  Saguenay  et  du.  Lac  St-Jean  (ju'il  avait  découvert  en 
1647.  En  juillet  16G1,  les  Pères  Dablon  et  Dreuillettcs  sont  à  îv^ékou- 
beau,  à  plusieurs  cents  milles  du  Lac  St-Jean.  En  1671,  le  Père  Albanel 
atteint  la  Baie  d'Hudson.     Yai  cette  môme  année  1671,  le  Pèi'e  de  Cres- 


—  221  — 

pieul  (lil  la  messe  sur  les  bords  de  la  Baie  des  Ha  !  Ha  !,  le  12,  le  13  et 
le  14  novembre.  11  passe  Tliiver  au  Lac-à-la-Croix,  aujourd'hui  dans  la 
paroisse  d'Hébertville,  et  y  dit  la  messe  tout  Thiver. 

A  la  période  des  chapelles  très  primitives  dont  nous  Tenons  de  parler, 
succéda  celle  des  temples  un  peu  plus  stables.  C'est  ainsi  que  Tadoussac 
eut  sa  première  chapelle  en  l(i48.  Elle  fut  construite  par  le  Père  De- 
Quen.  Onze  ans  après,  elle  était  remplacée  par  une  chapelle  en  pierre. 
Celle-ci  ayant  été  incendiée  en  1GG5,  le  Père  de  Crespieul  en  bâtit  une 
troisième  sur  les  mêmes  fondations  en  1671.  Enfin  une  quatrième,  la 
plus  ancienne  chapelle  en  bois  de  l'Amérique,  que  les  touristes  de  nos 
jours  vont  en  si  grand  nombre  contempler  et  vénérer,  fut  érigée  par  le 
Père  Coquart  en  1T4Î.  Fai  KÎGS,  le  Père  de  Beaulieu  fait  élever  une 
chapelle  à  l'Anse-St-Jean  et  y  dit  la  messe  une  partie  de  l'hiver.  En 
1676.  le  Père  de  Crespieul  fait  bâtir  à  Chicoutimi  une  chapelle  de  30 
pieds  de  longueur,  dédiée  à  saint  François-Xavier.  Cette  chapelle  fut 
incendiée  en  1692.  Le  Père  Laure  la  remplaça  en  1726  par  une  autre 
de  25  pieds  de  longueur  sur  15  pieds  de  largeur.  Celle-ci  fut  démolie 
en  1856.  Dans  l'année  1676.  en  même  temps  qu'à  Chicoutimi,  le  Père 
de  Crespieul  fit  bâtir  à  l'embouchure  de  la  rivière  Métabetchouan  la  pre- 
mière chapelle  qu'on  ait  vue  sur  les  bords  du  Lac  St-Jean.  Elle  était 
dédiée  à  saint  Charles.  L'infatigable  Père  de  Crespieul,  qui,  durant 
trente  ans  desservit  presque  toujours  seul  le  '"  Koyaume  de  Saguenay  '', 
fit  ériger  encore  deux  autres  chapelles  :  l'une  à  Xékoubeau,  en  1686.  qu'il 
dédia  à  saint  Antoine,  l'autre  au  lac  Mistassini,  sous  le  vocable  de  Saint- 
Xicolas,  en  1678.  Après  la  mort  du  Père  Jean-Baptiste  de  la  Brosse, 
dernier  des  missionnaires  jésuites  au  Saguenay.  arrivée  en  1782.  la  mis- 
sion de  Tadoussac  fut  desservie  assez  irrégulièrement  jusqu'en  1845. 

Xous  osons  espérer  qu'on  nous  pardonnera  d'avoir  par  ces  notes  brèves 
au  moins  fait  entrevoir,  au  commencement  de  ce  ra])p<)rt,  à  quel  ])rix 
ces  hommes  aussi  illustres  par  leurs  vertus  que  par  l'étendue  de  leurs 
travaux  apostoliques  que  furent  les  missionnaires  du  Saguenay,  établi- 
rent le  règne  do  Jésus-Christ  dans  ce  '*  lîoyaume  "  qui  est  devenu,  pour 
la  plus  grande  partie,  le  diocèse  de  Chicoutimi.  Il  y  a.  nous  semble-t-il, 
entre  le  Saguenay  d'aujourd'hui  et  celui  d'autrefois  un  admirable  lieu 
de  filiation  surnaturelle.  Qui  seminat  in  henedictionibus,  de  henedic- 
tionibus  et  metet.  La  race  cpii  habite  ce  pays  n'est  plus  la  même:  mais 
la  terre  paraît  avoir  reçu  une  bénédiction  spéciale,  et  Jésus  qui  y  fut  si 
bien  accueilli  aux  temps  anciens,  s'y  est  établi  en  pennanence  et  y  règne 
sans  conteste.  Il  y  règne  sur  tout  le  peuple  par  sa  loi  fidèlement  oljservée. 
Il  y  règne  dans  les  familles  oxx  fleurissent  les  vertus  des  ancêtres.  Il  y 
règne  dans  ses  temples,  nombreux  et  beaux,  où  se  réunissent  en  rangs 
pressés  le  dimanche,  aux  jours  de  fêtes,  à  la  messe  quotidienne  et  à  la 
prière  du  soir,  d'innombrables  fidèles  au  visage  franc  et  ouvert,  à  l'âme 
vaillante,  et  à  qui  l'éducation  catholique  a  donné  un  cachet  d'une  rare 
distinction.  Il  y  règne  enfin  par  son  Saint-Sacrement  pieusement  adoré 
et  fréquemment  reçu. 

Il  est  digne  de  remarque,  en  effet,  que  les  tribus  sauvages  du  Saguenay 
et  des  environs,  d'un  caractère  doux  et  de  mœurs  paisibles,  reçurent  avec 
empressement  et  docilité  les  enseignements  des  missionnaires. 


—  222  — 

D'autre  part  il  est  à  noter  que  toute  la  côte  nord  du  Saint-Laurent, 
depuis  La  Malbaie  jusqu'à  Portneut'  ainsi  que  les  deux  comtés  de  Chi- 
coutimi  et  du  Lac  St-Jean,  furent  presque  entièrement  colonisés,  surtout 
au  début,  par  le  surplus  de  la  population  de  Charlevoix.  Or,  on  sait  que 
nulle  part  ailleurs  plus  que  dans  ce  coin  des  Laurentides  isolé  du  reste 
du  pays  ne  se  sont  conservées  dans  toute  leur  pureté  les  mœurs  simples, 
honnêtes  et  profondément  religieuses  de  nos  ancêtres.  Aussi,  à  peine 
les  premiers  pionniers  étaient-ils  venus  se  fixer  à  la  Baie  des  Ha  !  Ha  !, 
qu'ils  y  construisirent  une  modeste  chapelle  en  1845,  et  le  curé  de  La 
Malbaie,  le  lîévérend  M.  Bourret,  vint  y  célébrer  la  sainte  messe  l'année 
suivante. 

En  cette  même  année,  1845,  le  Père  J.tB.  Honorât,  O.M.L,  qui,  avec 
trois  confrères,  venait  d'être  chargé  de  la  desserte  de  ce  qui  restait  de 
sauvages  au  Saguenay  et  de  quelques  blancs  qui  s'y  étaient  fixés,  érigea 
une  autre  chapelle  à  Saint-Alphonse  et  y  dit  une  première  messe  le  jour 
de  Noël.  La  même  année  surgissait  une  nouvelle  chapelle  à  Chicoutimi, 
à  l'usage  des  colons.  Après  un  demi-siècle  d'abandon,  l'héritage  des 
Jésuites,  cultivé  par  eux  avec  tant  de  soins  et  au  prix  de  si  grandes 
misères,  et  dont  les  fruits  duraient  encore  «malgré  tout,  ne  pouvait  tomber 
en  de  meilleures  mains  que  dans  celles  des  Pères  Oblats.  Ceux-ci, 
aidés  de  deux  prêtres  séculiers,  MM.  Lazare  Marceau  et  J.-B.  Gagnon, 
fondèrent  les  premières  paroisses  et  desservirent  toutes  les  missions  sau- 
vages du  Saguenay  de  1844  à  1853.  Les  anciens  de  Chicoutimi  et  du 
Lac  St-Jean  gardent  un  souvenir  attendri  des  Pères  Honorât,  Durocher, 
Bourassa,  Fiset,  Arnaud  et  Babel,  pour  ne  mentionner  que  les  principaux 
d'entre  eux. 

II  —  Etat  actuel  du  Culte  Eucharistique 

Aujourd'hui,  grâce  au  dévouement  apostolique  inlassable  du  clergé  sé- 
culier et  régulier  et  au  rude  labeur  de  ces  intrépides  colons  qui  eurent 
le  courage  de  s'arracher  à  leurs  foyers  et  à  la  fascination  du  grand  fleuve 
sur  les  bords  duquel  s'était  écoulée  leur  vie  si  tranquille  et  de  franchir 
à  travers  bois  100  milles  de  montagnes  pour  venir  s'ensevelir  dans  les 
profondes  solitudes  du  Saguenay  et  du  Lac  St-Jean,  le  vieux  Eoyaume 
de  Saguenay,  devenu  les  riches  comtés  de  Chicoutimi  et  du  Lac  St-Jean, 
forme  avec  Charlevoix,  qui  leur  a  été  annexé,  l'un  des  diocèses  les  plus 
fortement  organisés  au  point  de  vue  religieux  et  éducationnel. 

Le  clergé  du  diocèse  de  Chicoutimi,  se  composait  à  l'origine  presque 
exclusivement  de  prêtres  qui  reçurent  leur  éducation  au  Séminaire  de 
Québec  et  au  Collège  de  Ste-Anne  de  la  Pocatière.  Ce  sont  encore  des 
prêtres  sortis  de  ces  deux  institutions  qui  furent  mis  à  sa  tête  comme 
évêques  ou  préposés  à  la  formation  des  clercs  dans  le  séminaire  diocé- 
sain. Les  uns  et  les  autres  continuèrent  à  Chicoutimi  les  traditions  de 
piété  et  de  zèle  apostolique  qui  ont  rendu  chère  au  peuple  canadien  la 
mémoire  des  hommes  illustres  qui  furent  leurs  maîtres,  et  ceux  qu'ils 
ont  formés  à  leur  tour  ne  s'écartent  point  de  la  voie  qu'ils  leur  ont 
tracéo.  Nous  en  trouvons  la  preuve  notamment  dans  leur  amour  de  la 
sainte  Eucharistie  et  dans  les  pieuses  industries  par  lesquelles  ils  en  pro- 
pagent activement  le  culte  parmi  les  fidèles. 


—  323  — 

C'est  tiusi  (jue  tou?,  à  de  rares  exceptions  près,  sont  membres  de 
l'Association  des  Prêtres-Adorateurs,  et  que  la  plupart  des  curés  font 
diaque  semaine  l'heure  d'adoration  en  public  et  groupent  régulièrement 
autour  d'eux  aux  pieds  du  Très  Saint-Sacrement  un  grand  nombre  de 
leurs  paroissiens.  Cette  piété  et  ce  zèle  des  pasteurs  obtinrent  de  tout 
temps  les  résultats  les  plus  consolants.  Aussi,  en  1890,  l'évêque  de  Chi- 
coutimi,  qui  était  alors  Mgr  Bégin.  aujourd'hui  archevêque  de  Québec, 
pouvait-il  rendre  au  Saint-Père,  lors  de  sa  visite  ad  limina,  cet  élogieux 
témoignage  que  dans  tout  son  diocèse  cinq  personnes  seulement  n'avaient 
pas  fait  leurs  pâques  cette  année-là.  "  Dio  sia  bencdctto!  "  s'écria  Léon 
XIII  en  levant  les  mains  au  ciel.  Et  le  saint  Pontife  ajouta:  "  pKit  à 
Dieu  qu'il  y  eût  beaucoup  de  diocèses  comme  celui-là  dans  le  monde 
entier  ". 

L'année  dernière,  une  vingtaine  de  fidèles  tout  au  plus  n'ont  pas 
accompli  le  devoir  pascal.  La  presque  totalité  communient  régulière- 
ment aux  Quarante-Heures  et  aux  quatre  ou  cinq  principales  fêtes  de 
l'année,  telle  que  la  Sainte-Anne,  la  Toussaint,  JSToël,  etc.  La  commu- 
nion du  premier  vendredi  du  mois  est  en  honneur  chez  la  plupart.  On 
peut  dire  que  la  masse  des  fidèles  communient  chaque  mois.  La  com- 
munion hebdomadaire  et  même  quotidienne  entre  de  plus  en  plus  dans 
les  habitudes.  Partout  oii  l'on  s'occupe  de  faire  communier  fréquem- 
ment les  enfants,  le  zèle  des  curés  récolte  des  fruits  abondants.  Les 
triduums  eucharistiques  sont  suivis  et  appréciés.  La  Confrérie  du  Très 
Saint-Sacrement  existe  en  un  certain  nombre  d'endi-oits,  quoiqu'elle  ne 
soit  généralement  pas  affiliée.  Dans  beaucoup  de  paroisses  on  expose  le 
Très  Saint-Sacrement  le  premier  vendredi  du  mois.  Presque  partout 
le  curé  fait  la  prière  du  soir  à  l'égïise.  et  tous  ceux  qui  le  pouvcnt  en 
profitent  pour  faire  leur  visite  au  Saint-Sacrement. 

Au  reste,  le  tableau  suivant  nous  donnera  peut-être  une  idée  plus  juste 
encore  de  la  condition  présente  des  œuvres  eucharistiques  dans  le  diocèse. 
Xous  avons  pris  au  hasard  34  paroisses  dont  la  population  totale  est  de 
45,358  âmes.  Le  nombre  de  communiants  dans  les  34  paroisses  est  de 
28.810. 

Le  nombre  de  familles  dans  les  villages  est  de 3,563 

Le  nombre  approximatif  des  assistances  à  la  messe  chaque  jour 

de  la  semaine  est  de 1,934 

La  moyenne  des  communions  quotidiennes  est  de 921 

La  moyenne  des  communions  hebdomadaires  est  de       1,891 

Le  nombre  d'hosties  consacrées  dans  l'année  est  de 227.481 

Voici  donc  une  population  de  28,810  communiants  qui  accuse  un 
total  de  227,481  communions  dans  le  cours  d'une  année. 

Ce  résultat  offre  un  intérêt  tout  particulier  si  l'on  tient  compte  du 
fait  que  toutes  ces  paroisses,  moins  deux,  sont  des  paroisses  rurales,  dont 
la  très  grande  majorité  des  habitants  demeurent  à  une  distance  de  1  à  6 
milles  de  l'église,  qu'ils  ne  peuvent  atteindre  qu'en  voiture. 

La  paroisse  de  Chicoutimi  (cathédrale)  a  une  population  de  3,285 
communiants,  dont  la  moitié  environ  sont  des  cultivateurs  résidant  à 


—  224  — 

une  grande  distance  de  la    ville.     La    moyenne  des    assistances  quoti- 
diennes à  la  messe  est  de 230 

La  moyenne  des  communions  quotidiennes  est  de 140 

La  moyenne  des  communions  hebdomadaires  est  de 350 

Le  nombre  des  hosties  consommées  en  une  année  est  de..    ..      05,000 
La  moyenne  des  communions  annuelles  par  communiant  est  de         19.7 

Paroisse  du  Sacré-Cœur  du  Bassin  (Chicoutimi)  : 

Communiants 1,250 

Moyenne  des  assistances  ([uotidicunes  à   la  messe  sur  semaine.  150 

Communions  quotidiennes 80 

Communions  hebdomadaires 350 

Hosties  consommées  en  une  année 34.000 

Moyenne  des  communions  annuelles  par  communiant 27.2 

La  paroisse  du  fSacré-CVcur  du  Bassin  se  compose  i)ros(]u'entièrement 
d'ouvriers  employés  dans  les  grandes  usines  de  la  Compagnie  de  Pulpe 
de  Chicoutimi  ou  dans  diverses  industries  qui  se  rattachent  à  la  fabrica- 
tion de  la  pâte  de  l)ois.  Un  certain  nombre  d'entre  eux  font  le  travail 
de  nuit  à  l'usine.  Le  personnel  de  l'industrie  de  la  pulpe  à  Chicoutimi, 
si  l'on  tient  compte  de  ceux  qui  sont  employés  la  plus  grande  partie  de 
l'année  dans  la  forêt  à  la  coupe  et  au  flottage  du  bois,  comprend  environ 
800  hommes.  Tous  n'appartiennent  pas  à  la  paroisse  du  Bassin;  mais 
tous,  depuis  les  Directeurs  de  la  compagnie  jusqu'au  plus  humble  des 
manœuvriers,  sont  catholiques  et  canadiens-français.  Le  succès  prodi- 
gieux de  l'entreprise,  qui  est  peut-être  la  plus  florissante  de  ce  genre  en 
Amérique,  il  nous  plaît  de  le  constater  en  passant,  est  l'illustration  la 
plus  éclatante  de  ce  que  peut  produire  le  génie  canadien-français  aidç 
du  travail  consciencieux  d'ouvriers  formés  à  cette  grande  école  de  res- 
pect, d'honnêteté  et  de  courage  viril  qu'est  l'Eglise  catholique.  Nous  ne 
croyons  pas  qu'on  puisse  trouver  ailleurs  dans  le  monde  entier  nn  groupe 
d'ouvriers  mieux  édujués,  plus  sobres,  plus  moraux,  à  l'esprit  plus  délié, 
aux  allures  plus  bourgeoises,  et  disons  le  mot,  plus  heureux  aussi,  que 
ceux  de  la  Compagnie  de  Pulpe  de  Chicoutimi.  Ces  belles  et  puissantes 
usines  qui  ne  datent  que  d'hier  ont  groupé  autour  d'elles  des  centaines 
de  familles  de  huit  à  douze  enfants,  dont  le  chef  est  généralement  pro- 
priétaire d'une  maison  qui  ressemble  souvent  bien  plus  à  un  joli  "  cot- 
tage "  suburbain  qu'à  une  habitation  ouvrière.  Au  centre,  s'élève  une 
vaste  et  imposante  église  en  pierre,  qui  n'a  pas  coûté  moins  do  $60,000, 
dont  le  paiement  s'eilectue  graduellement  sans  impositiun  forcée,  par 
les  contributions  volontaires  des  ouvriers. 

Ceux-ci  n'ont  jamais  permis  aux  Unions  internationales  de  ])énétrer 
dans  leurs  ranirs.  Au  contraire,  ils  ont  com])ris  qu'ils  jjou valent  se  suf- 
fire à  eux-mêmes  sur  le  terrain  de  l'association  comme  sur  tous  les 
autres,  et  ils  ont  fondé,  il  y  a  trois  ans,  une  union  locale:  la  Fédération 
ouvrière  de  (chicoutimi,  qui  est  l'âme  de  tout  leur  organisme  social  et 
économique,  ("est  en  même  temps  une  société  éinincmnient  é(lucatri<'e.. 
où  se  discutent  une  foule  de  questions  et  où  s'élaborent  ((uantité  de  pro- 
jets dont  la    réalisation  apporte   toujours    aux    ouvriers   soit   une    aug- 


Li.>  OiiAii.i  K-  m    l  it.N(.i:i;s. 

SpKAKKItS    Ol      TIIK    C'OXdHKSS. 


—  225  — 

iiientalion  de  bien-être,  soit  de  nouveaux  moyens  de  s'instruire  ou  de  se 
récréer  honnêtement.  Inutile  de  dire  que  cette  Union  s'inspire,  dan?  isa 
constitution  comme  dans  sa  direction,  des  principes  catholi(|ues.  notam- 
ment de  ceux  (pie  renferme  l'immortelle  encyclique  de  Léon  XIII  sur  la 
condition  des  ouvriers. 

Mais  le  foyer  où  s'alimente  continuellement  et  où  se  purifie  ce  mairni- 
fique  esprit  chrétien  ;  le  centre  véritable  où  viennent  se  fondre  toutes 
les  bonnes  volontés,  où  germent  et  se  développent  sous  les  clutudes 
effluves  de  la  grâce  divine,  pour  de  là  rayonner  dans  les  familles  et 
jusque  dans  l'usine,  les  saines  idées  sociales  et  les  sentiments  de  foi  et 
de  charité  fi'aternelle  dont  nous  venons  d'énumérer  sommairement  les 
heureux  fruits,  c'est  l'église  paroissiale,  c'est  le  Très  Saint  Sacrement, 
compris,  aimé  et  reçu  fréquemment.  On  a  l'impression  de  (pieUpie 
chose  de  neuf,  en  ce  pays  du  moins,  mais  de  grand  dans  son  admirable 
simplicité,  quand  on  voit,  le  jour  de  la  fête  du  travail,  par  exemple,  pa- 
trons, contre-maîtres  et  ouvriers,  s'a])procher  enseml)le  de  la  Tal)le 
sainte,  entL'udre  pieusement  la  messe  solennelle,  assister  ou  prendre  part 
même,  dans  raprès-niidi.  aux  jeux  organisés  par  la  jeunesse,  puis  le  soir, 
assister  tous  ensemble  à  \ine  représentation  récréative  dont  les  ouvriers 
font  tous  les  frais. 

Quand  l'étranger  visite  l'important  établissemeni  industriel  de  la 
Compagnie  de  Pulpe,  il  aperçoit  de  loin  le  drapeau  du  Sacré-Cœur  qui 
flotte  sur  la  principale  usine,  et  en  y  entrant,  son  attention  est  tout  de 
suite  attirée  ])ar  les  statues  de  la  Sainte  Vierge  et  de  saint  Joseph  dont 
une  auréole  de  lumières  électriques  signale  la  ])résence  à  l'ouvrier  d^'  nuit. 

On  ne  s'étonne  plus  alors  de  voir  l'ordre  et  la  bonne  entente  régner 
partout.  Quand  les  patrons  ont  un  tel  souci  de  rappeler  sans  cesse  à 
l'ouvrier  ([u'au-dessus  d'eux  il  y  a  un  Maître  commun  à  qui  tous  doivent 
foi  et  hommage,  si  avec  cela  ils  traitent  leurs  subordonnés  avec  justice 
et  charité,  s'ils  leur  témoignent  en  toute  occasion  les  égards  dus  à  U'ur 
qualité  d'hommes  et  de  chrétiens,  ceux-ci  ne  peuvent  guère  être  autr;' 
chose  (|ue  des  travailleurs  consciencieux  et  fidèles.  L'œuvre  accomplie 
à  Chicoutimi  par  les  Directeurs  de  la  Compagnie  de  Pulpe  n'est  donc 
pas  comme  celle  de  tant  d'autres  industries,  exclusivement  une  œuvre 
d'argent.  C'est  aussi  une  ceuvre  catholique  et  nationale.  Ils  font  plus 
que  répandre  le  hien-être  matériel  autour  d'eux!  ])ar  l'autorité  de  leur 
parole  et  ])ar  l'entraînement  de  leur  exem])le,  ils  édu(iuent  leurs  em- 
ployés: ils  leur  donnent  conscience  de  leur  dignité  d'ouvriers  catholicpies 
et  accumulent  ainsi  à  Chicoutimi  un  capital  moral  autrement  stal)le  et 
autrement  pi'oductif  que  le  cajutal  ai'gcnt. 

Nous  aurions  heaucou])  à  dire  des  institutions  reliiiieuses  diocésaines, 
mais  ce  rapport  est  déjà  trop  long,  et  l)on  gi'é  mal  gré.  non-;  devons 
abréger. 

Le  Séminaire  de  la  Sainte-Famille  coni])te  2G0  élèves.  Le  fondateur 
de  cette  maison,  ^Igr  I).  lîaciiu'.  premier  évêtpie  de  Chicoutimi,  ses  suc- 
cesseurs sur  le  trône  épiscopal.  N'X.  SS.  Bégin  et  Lal)rec(pu'.  hommes 
très  pieux,  serviti'urs  très  fidèles  et  assidus  de  Jésus-Hostie,  ont  eu  à  cn'ur 
d'v  faire  fleurir  avant  tout  la  piété.  On  peut  dire  (|ue  la  communion 
8 


—  22G  — 

fréquente  y  fut  toujours  en  très  grand  honneur.  Pour  être  exact,  toute- 
fois, nous  devons  ajouter  qu'elle  ne  devint  générale  que  petit  à  petit, 
sous  la  poussée  des  Directeurs  qui  se  succédèrent  depuis  1880.  L'un 
d'eux,  au  cours  de  ses  vacances  d'étudiant  en  Europe,  avait  l'honneur 
d'être  durant  quelques  jours  l'hôte  des  Salésiens,  au  Valdocco,  près  de 
Turin.  A  l'air  discipliné  des  enfants  que  recueille  et  élève  cette  célèbre 
institution,  à  leur  assiduité  au  travail,  à  leur  évidente  piété,  à  la  familia- 
rité respectueuse  et  toute  la  confiance  qui  réglait  leurs  rapports  avec 
leurs  maîtres,  il  comprit  la  profonde  sagesse  et  l'actualité  de  la  parole 
si  souvent  citée  de  cet  incomparable  éducateur  que  fut  Don  Bosco  :  "  Il 
n'y  a  que  deux  moyens  de  gouverner  les  enfants,  le  bâton  et  la  commu- 
nion. J'ai  choisi  le  dernier."  Le  spectacle  édifiant  de  ces  centaines 
d'enfants  de  la  rue  se  rendant  dans  la  chapelle  aussitôt  après  le  lever,  se 
confessant  librement,  simplement,  sans  l'ombre  de  respect  humain,  en 
grand  nombre,  durant  la  messe,  et  communiant  presque  tous  chaque 
matin,  valut  au  jeune  visiteur  plus  que  la  lecture  du  meilleur  traité 
d'éducation,  et  l'impression  qu'il  en  rapporta  eut  sur  sa  vocation  d'édu- 
cateur une  influence  décisive.  Aussi,  déjà  avant  le  décret  de  Pie  X  stir 
la  communion  fréquente,  la  communion  quotidienne  existait  au  Sémi- 
naire de  Chicoutimi.  Aujourd'hui  tous  les  élèves  communient  au  moins 
le  dimanche  et  le  jeudi  de  chaque  semaine;  les  4/5  communient  quatre 
ou  cinq  fois  la  semaine;  les  2/3  tous  les  jours.  Inutile  d'énumérer  les 
résultats  obtenus. 

Parmi  les  institutions  de  filles,  l'Ecole  Normale  et  le  couvent  de  Chi- 
coutimi, dirigées  par  les  Eévérendes  Sœurs  du  Bon-Pasteur  de  Québec, 
avec  leurs  90  communions  quotidiennes  sur  97  communiantes;  le  couvent 
des  Ursulines  de  Roberval,  dont  les  216  communiantes  consomment 
36,000  hosties  en  10  mois;  l'Orphelinat  de  l'Hôtel-Dieu  Saint-Valier  de 
Chicoutimi,  dont  30  élèves  sur  50  communient  chaque  jour,  méritent  évi- 
demment une  mention  spéciale;  car  les  chiffres  ci-dessus  témoignent 
éloquemment  de  la  ferveur  qui  règne  dans  ces  maisons. 

On  pourrait  en  dire  à  peu  près  autant  des  autres  institutions  simi- 
laires dirigées  soit  par  les  Sœurs,  soit  par  les  Frères,  notamment  de  l'Or- 
phelinat des  Frères  de  saint  François  Eégis,  à  Péribonca,  qui  n'est  qu'à 
ses  débuts,  mais  dont  les  30  élèves  montrent  une  remarquable  piété 
envers  la  sainte  Eucharistie. 

Le  culte  de  la  sainte  Eucharistie,  on  le  voit  par  ces  quelques  notes,  a 
de  profondes  racines  au  Saguenay.  Ce  fut  sans  doute  pour  le  bon 
Maître  une  invitation  d'y  asseoir  son  trône  et  d'ouvrir  plus  largement 
aux  âmes  pieuses  de  Chicoutimi  les  trésors  de  son  cœur,  par  l'institution 
de  l'adoration  perpétuelle.  L'établissement  de  cette  œuvre,  sainte  entre 
toutes,  fut  départi  aux  dignes  filles  du  Vénérable  Père  Eymard,  les 
Servantes  du  Très  Saint-Sacrement. 

Arrivées  à  Chicoutimi  en  1903.au  nombre  d'une  quinzaine,  ces  pieuses 
filles  reçurent  d'abord  l'hospitalité  des  Kévérendes  Sœurs  du  Bon-Con- 
seil, puis  s'installèrent  provisoirement  l'année  suivante  dans  une  maison 
de  la  rue  Paeino.     La  pauvreté  et  l'exiguité  du  local  attiraient  la  com- 


—  227  — 

passion  de  tous  les  visiteurs.  La  chapelle  n'avait  pas  plus  de  8  pieds  de 
haut;  mais  Jésus  était  là  dans  son  ostensoir,  qu'importait  le  reste.  Le 
9  juillet  1904,  dans  ce  modeste  local,  eut  lieu  la  première  cérémonie  de 
vêture  et  de  profession  perpétuelle  de  sujets  canadiens  et  américains.  Le 
25  mars  1906,  la  petite  communauté  prenait  possession  du  couvent 
actuel,  bâti  sur  une  des  collines  de  Chicoutimi.  Mais  il  n'y  avait  point 
encore  de  chapelle.  Le  Seigneur,  toujours  bon  pour  ceux  qui  mettent 
en  Lui  toute  leur  confiance,  avait  choisi  une  famille  dont  la  générosité 
inspirée  par  une  foi  ardente  pourvut  au  temple  du  Eoi  de  l'Eucharistie. 
Le  18  juin  1909,  Mgr  Larocque  consacrait  la  nouvelle  chapelle  ainsi  que 
l'autel  de  marbre  blanc,  et  plaçait  Xotre-Seigneur  dans  un  ostensoir 
d'or  pur.  Lui  faisant  prendre  possession  d'un  trône  duquel  II  ne  des- 
cendra plus.  Le  grain  de  sénevé  a  grandi  :  il  n'est  pas  encore  devenu 
un  grand  arbre,  mais  32  Sœurs  professes,  novices  et  postulantes,  en- 
tourent Jésus  de  leur  amour  et  le  jour  et  la  nuit.  Aussitôt  qu'elles  le 
purent,  les  Servantes  du  T.  S.  Sacrement  établirent  l'œuvre  de  l'Agré- 
gation des  laïques,  faisant  ainsi  de  leur  sanctuaire  un  centre  de  dévo- 
tion eucharistique  pour  les  personnes  du  monde. 

L'Agrégation  compte  actuellement  645  membres  actifs,  dont  425 
dames  et  demoiselles  et  220  hommes.  Le  compte-rendu  des  adorations 
pour  les  quatre  dernières  années  accuse  les  chiffres  suivants  : 

1907 2,986  adorations. 

1908 6  677  adorations. 

1909 6.903  adorations. 

1910..     ..    probablement 8,000  adorations. 

Ces  chiffres  parlent  d'eux-mêmes. 

Comme  on  le  voit,  le  culte  de  l'Eucharistie,  implanté  au  milieu  des 
tribus  indiennes  du  Saguenay  au  prix  de  tant  de  souffrances  par  les  mis- 
sionnaires Récollets,  puis  étendu  et  généralisé  par  les  Jésuites  et  les 
Oblats,  soigneusement  entretenu  jusqu'à  nos  jours  par  nos  pieux  évêques 
et  notre  fervent  clergé  séculier  et  régulier  dans  nos  64  paroisses  et  nos 
nombreuses  maisons  d'éducation  et  de  charité,  a  produit  de  précieux 
fruits.  Xotamment,  il  a  contribué  à  garder  la  foi  vive  dans  le  peuple, 
à  protéger  les  colons  ainsi  que  les  ouvriers  des  villes  et  des  villages  con- 
tre l'envahissement  des  fausses  doctrines,  à  sauvegarder  la  pureté  des 
mœurs,  à  tremper  les  caractères  et  à  infuser  dans  les  âmes  des  vertus 
domestiques  et  sociales  qui  nous  justifient  de  concevoir  les  plus  belles 
espérances. 

L'antique  Royaume  de  Saguenay,  en  effet,  avec  son  sol  d'une  éton- 
nante fertilité;  avec  son  domaine  forestier  le  plus  étendu  et  le  plus  riche 
de  la  Province  de  Québec;  avec  ses  nombreuses  chûtes  d'eau,  source  iné- 
puisable de  force  motrice;  avec  sa  population  homogène  et  entièrement 
catholique;  protégé  qu'il  est,  du  reste,  contre  le  flot  de  l'immigration 
étrancrère  par  son  éloignement  des  grands  centres  et  par  sa  chaîne  des 
Laurentides,  qui,  comme  une  muraille  de  Chine,  le  sépare  du  reste  du 
monde-  possédant  tout  de  même,  des  moyens  de  communications  faci  es 
dans  son  chemin  de  fer  et  dans  son  profond  fleuve  Saguenay  qui  relie 


—  238  — 

directement  Chieoutinii  à  l'Europe;  ce  royaume,  dis-je,  constitue,  à 
notre  avis,  une  des  plus  l)elles  réserves  nationales  canadiennes-françaises 
et  catholiques.  Puisse  le  règne  de  Notre-Seigneur  sV  affermir  de  plus 
en  plus! 


Le  rapport  qui  suit  sur  "  I<t  dfvoiinn  séculaire  des  Espagnols 
à  rEticharistir  dû  à  la,  plume  de  M.  le  riian.  Mimaz  Rci/na,  di- 
recteur des  œuvres  eucharistiques  de  Malapja,  a  été  envoyé  au 
<''on<i,rès  de  ]Montréal,  comme  une  préparation  au  Conorès  eu- 
charistique qui  se  tiendra  en  Espa<»ne,  Tan  prochain.  Lec- 
ture en  est  faite  par  le  R.  P.  Pitre  de  la  Communauté  des 
Pères  du  T.  S.  Sacrement,  de  Montréal. 

Avant  de  reprendre  son  siè«e,  le  Rév.  Père  Pitre  transmet 
à  Passistance  le  vœu  formulé  par  Pauteur,  à  savoir  :  '^  que  les 
Canadiens  réunis  en  Congrès  eucharistique  à  Montréal,  sym- 
pathisent avec  PEspaj^ne  dans  la  crise  relioieuse  qu'elle  tra- 
verse, et  il  demande  des  prières  pour  que  l'Espagne  catholique 
fasse  du  prochain  Congrès  eucharistique,  un  triomphe  nou- 
veau au  Christ  eucharistique.  "  Ce  vœu  est  unanimement  ap- 
plaudi. 

"  LA  DEVOTION  DU  PEUPLE  ESPAGNOL  A  LA 
TRES  SAINTE  EUCHARISTIE  " 

Messeigneup.s, 

Mesdames,  Messieurs, 

T^a  théorie  scientifique  du  centi'e  de  notre  système  planétaire  fut 
controversée  pendant  de  longues  années,  jusqu'à  ce  qu'enfin  prévalut 
dans  les  écoles  l'opinion  du  savant  chanoine  Nicolas  Copernic.  Cette 
opinion  se  résume  dans  les  termes  suivants:  le  soleil  est  le  centre  de 
notre  systènu'  planétaire,  et  c'est  autour  de  ce  centre  que  se  meuvent  la 
terre  et  les  autres  planètes  avec  leurs  satellites. 

Selon  cette  théorie,  quand  la  terre  dans  son  mouvement  de  rotation, 
ramène  sur  nos  têtes  les  irradiations  des  rayons  solaires,  les  ténèbres 
s'illuminent,  les  ombres  dis])araissont,  les  horizons  resplendissent:  c'est 
le  Jour  radieux:  c'est  le  règne  de  hi  lumière,  de  la  chirté,  de  la  splen- 
deur; mais  quand  le  roi  des  astres  a  fourni  sa  course,  (pi'il  est  disparu, 
les  oiubres  reviennent,  l'obscurité  nous  envahit  de  nouveau,  les  ténèbres 
nous  enveloppent:  c'est  la  nuit. 

Ainsi,  la  Très  Sainte  Eucharistie  étant,  comme  l"a  dit  l'insigne  Père 
Faber.  le  cœur  et  le  centre  de  la  vie  chrétienne  et  du  culte  catholique, 
autour  duf|uel  tournent  les  sacrements  avec  leurs  satellites,  les  sacra- 
jnentaux,  nous  pourrions  dire  que  (piand  les  âmes  qui  hal)itont  la  terre 
se  posent  devant  le  Soleil  diviti.  la  Tiès  Sainte  Eucharistie,  pour  rece- 
voir les  clartés  qu'elle  répand  autour  d'elle,  ces  âmes  vivent  dans  le  plein 
jour,  au  zénith  du  jour  eucharistique.     C'est  ce  qui  arrive  maintenant 


9-)0  

aux  liabitants  de  la  ville  si  cultivée  et  si  relipiouse  de  Montréal  qui 
prennent  part  au  Yingt-et-unième  Con^rrès  EuchariïJtiqup  International. 
A'oici  le  jour  que  le  Dieu  des  tabernacles  a  fait  j)nur  les  catholiques  de 
1" Amérique  du  Xord  et  pour  ceux  qui  sont  venus  y  reievoir  les  irradia- 
tions et  la  chaleur  (ju'envoie  le  Soleil  de  l'Eucharistie,  llaec  dies  quam 
fecit  Dont  in  us. 

Mais  tandis  cjue  brille  ici  le  l)eau  jour  du  Vingt-et-unicuu'  Congrès 
Eucharistique  International,  l'aurore  d'un  autre  jour  eucharistique 
s'approche  de  l'Espagne.  Alaintenant,  sur  ce  point  de  la  terre,  il  y  fait 
nuit.  ]\fais  la  nation  catholi<|ue  par  excellence,  n'est-elle  pas  digne  de 
recevoir  thms  son  sein  k^s  clartés  de  ces  jours  splcndides  qui  s'appellent 
les  Assemblées  eucharistiques  internationales?  Est-ce  que  ])ar  hasard  la 
foi  fervente  du  peuple  espagnol  en  Jésus  au  Très  Saint-Sacrement,  ne 
mérite  pas  ([ue  brille  sur  son  territoire,  le  Vingt-deuxième  Congre-' 
Eucluiristifjue  ? 

Il  me  semble  ouïr,  à  cette  proposition,  des  lèvres  de  cette  auguste 
assend)lée,  la  phrase  biblique  du  prophète  Isaïe:  "Ciistos  quid  de  nocte?" 
Toi,  (|ui  viens  à  nous  au  nom  de  l'Espagne  eucharistique,  comme  le 
représentant  des  prêtres  adorateurs  et  de  la  Ligue  Sacerdotale  Eucha- 
ristique, toi  (jui  veilles  sur  ce  mouvement  des  lignes  avancées  des  fils 
d'Aaron,  que  nous  dis-tu  de  la  foi  du  peuple  espagnol  en  la  Très  Sainte 
Eucharistie  comnu^  élément  préparatoire  du  futur  Congrès?  Ciisfos  quid 
de  nocte?  (Isaïe,  XXIII). 

Permettez  qu'avant  de  répondre  à  votre  demande,  je  vous  salue  res- 
pectueusement et  affectueusement  au  nom  de  ma  Patrie  bien-aimée,  la 
nation  es])agnole,  la  terre  natale  de  notre  illustre  ])atron  saint  Pascal 
Baylon,  au  nom  de  l'Espagne  (jui  avec  le  grand  Christophe  Colomb, 
envoya  les  premiers  prêtres  qui.  sur  ces  nouvelles  terres,  offrirent  le 
Saint  Sacrifice  de  no.s  autels,  et  eurent  le  bonlieui-  de  déposer  Jésus- 
Eucharistie  dans  la  poiti-ine  des  fils  de  rAméri(|ue.  Pecevez.  auguste 
Assemblée,  la  salutation  chaleureuse  que  par  l'entremise  de  ce  prêtre,  le 
dernier  de  ceux  qui  lui  ap])artiennent,  vous  envoie  affectueusement  la 
catholi(|ue  Espagne. 


Pour  rendre  plus  brève  l'exposition  de  notre  sujet,  nous  diviserons 
l'histoire  eucharistique,  en  trois  épo(|ues:  la  première  depuis  la  prédica- 
tion apostoli(|Ue  jusqu'au  troisième  Concile  de  Tolède;  la  seconde  jus- 
qu'à la  découverte  des  Améri(|Ues.  et  la  troisième  depuis  la  découverte 
des  Améri(|ues  jus(|u'à  nos  jours. 


La  foi  des  enfants  de  l'Lspagne  en  la  divine  Kucharistie  est  aussi 
ancienne  (|ue  le  christianisme,  et  nous  pouvons  l'esciuisser  en  nous  ser- 
vant de  ces  synd)()les  par  les(|uels  le  Seigneur  Dieu  d'Isi'aël  voulut  main- 
tenir et  conserver  la  foi  de  son  peuple,  durant  les  (|uarante  années  qu'il 
voyagea  dans  le  désert,  cheminant  vers  la  Terre  Promi.se.     Jéhovah  lui 


—  230  — 

envoya  le  pain  du  ciel,  comme  dit  le  Livre  sacré  de  l'Exode,  et  une  nuée 
en  forme  de  colonne  qui  éclairait  ses  pas  pendant  les  obscurités  de  la 
nuit,  tandis  que  lui  faisant  ombre  elle  le  préservait  pendant  le  jour  des 
ardeurs  du  soleil.  Le  Seigneur  a  fait  une  chose  semblable  pour  les 
enfants  de  l'Espagne  en  leur  accordant  la  grâce  -de  la  foi  par  le  moyen 
de  la  prédication  de  l'Apôtre  saint  Jacques. 

Depuis  l'invention  du  corps  du  bienheureux  apôtre,  vérifiée  à  la  fin 
du  siècle  dernier,  fait  authentiquement  confirmé  par  l'Archevêque,  le 
Chapitre  et  les  autorités  de  la  cité  de  Santiago  de  Compostelle  (Ga- 
lice) ;  la  venue  de  cet  apôtre  (saint  Jacques)  en  Espagne  et  ses 
travaux  apostoliques  dans  la  région  aragonaise,  particulièrement  dans 
la  ville  de  César-Auguste,  aujourd'hui  Saragosse,  sont  une  vérité  histo- 
riquement certaine.  Là,  le  célèbre  fils  de  Zébédée,  Jacobus,  célébra  les 
divins  mystères;  là,  il  illumina  des  splendeurs  de  la  foi  les  intelligences 
de  ses  premiers  auditeurs,  sur  qui  il  fit  pleuvoir,  dans  le  Saint  Sacrifice, 
la  manne  du  ciel,  le  corps  sacré  du  Christ. 

Ce  fut  alors,  le  2  janvier  de  l'an  40  de  l'ère  chrétienne,  que  l'infati- 
gable apôtre,  se  reposant  des  labeurs  du  jour  et  se  trouvant  près  du 
rivage  de  l'Ebre,  entendit  ces  harmonies  célestes,  précurseurs  de  cette 
visite  extraordinaire  dont  il  plut  à  la  Très  Sainte  Vierge  de  favoriser 
son  envoyé  en  terre  d'Espagne.  Après  que  les  chœurs  angéliques  eurent 
chanté  l'Ave  Maria,  ils  remirent  à  saint  Jacques  la  colonne  de  marbre  et 
la  petite  image  qu'elle  devait  porter.  ISTotre-Dame  promit  à  son  disciple 
aimé  que  le  pilier  béni,  emblème  et  signe  de  son  amour,  soutiendrait  et 
conserverait  à  travers  les  siècles  la  foi  des  fils  croyants  de  l'Espagne. 

Conformément  aux  indications  de  la  Vierge  Immaculée,  l'apôtre 
éleva  autour  de  la  sainte  colonne  une  modeste  chapelle,  le  premier  temple 
dédié  en  ce  monde  à  la  Mère  de  Dieu,  dans  lequel  se  célébraient  les 
divins  mystères  et  où  les  premiers  chrétiens  recevaient  tous  les  jours  la 
Sainte  Communion.  L'office  liturgique  de  Notre-Dame  du  Pilier 
approuvé  et  ordonné  dans  toutes  les  églises  d'Espagne  le  12  octobre  par 
Sa  Sainteté  Pie  IX,  est  un  témoignage  remarquable  en  faveur  de  la  tra- 
dition aragonaise,  qui  nous  montre  la  foi  du  peuple  espagnol  alimentée 
non  plus  par  la  manne  du  désert,  mais  par  la  Très  Sainte  Eucharistie, 
et  éclairée  non  par  une  colonne  aérienne  et  lumineuse,  mais  par  le  pilier 
béni  apporté  miraculeusement  à  cette  terre. 

Cette  divine  semence  cultivée  par  les  sept  hommes  apostoliques 
envoyés  plus  tard  par  l'apôtre  Saint  Pierre  afin  de  continuer  l'œuvre 
du  protomartyr  du  Collège  Apostolique,  commença  à  produire  des 
fruits  multiples  et  variés  dans  tous  les  alentours  de  cette  Province 
Romaine,  qui  en  même  temps  qu'elle  embrassait  la  doctrine  du  Crucifié, 
prenait  l'habitude  de  fréquenter  la  Sainte  Table.  Mais  quand  le  bras 
puissant  des  empereurs  romains  se  leva  pour  détruire,  s'il  était  possible, 
cette  Table  Sacrée  et  pour  en  arracher  ses  fervents  convives,  les  mêmes 
faits  qui  se  produisaient  dans  les  catacombes  de  Piome,  se  renouvelèrent 
dans  ces  régions.  Les  catacombes  de  Sainte  Engrace  à  Saragosse  et  les 
cavernes  saintes  du  Sacré-Mont  de  Grenade,  furent  témoins  de  la  pré- 
sence réelle  de  Jésus  au  Très  Saint-Sacrement.  Dans  ces  lieux  véné- 
rables, il  se    donnait  en    communion    aux    fidèles,  les   nourrissait   et   les 


—  231  — 

fortifiait  i)our  rcâiriter  à  la  cruauté  inouïe  des  Dèce,  des  Maxime  et  des 
Dioelétien  dont  les  violences  firent  d'innombrables  victimes,  très  parti- 
culièrement à  Saragosse,  où  s'élève  un  temple  grandiose  aux  nombreux 
martyrs  immolés  dans  cette  cité  près  du  Pilier  Mariai. 

Le  Sang  Précieux  du  Christ  qui,  par  la  communion  produisit  ces  glo- 
rieux martyrs  appelés  Laurent  et  Vincent.  Fructueux  et  Narcisse,  Léo- 
cadie  et  Eulalie,  Justine  et  Rufine,  Cyriaque  et  Paula  avec  d'autres  sans 
nombre,  féconda  le  sol  de  l'Espagne  et  le  peupla  de  chrétiens  éprouvés 
et  fervents,  comme  l'atteste  saint  Jérôme  dans  sa  lettre  à  Lucinien, 
séculier  de  la  Bétique  marié  à  Théodora.  Saint  Augustin  l'atteste  de 
même  dans  sa  cinquante-quatrième  épître  à  l'évêque  Jénarol,  où  il  lui 
recommande  la  conservation  de  cette  belle  pratique  de  la  communion 
quotidienne.  Une  preuve  très  éloquente  de  la  foi  du  peuple  espagnol 
en  l'Eucharistie  est  le  Décret  du  fameux  Concile  appelé:  de  Aquis  Coe- 
lenis,  (Compostelle)  réuni  par  ordre  du  Pape  saint  Léon  pour  écarter 
les  périls  des  priscillianistes  et  de  l'irruption  des  barbares.  Les  Pères 
ordonnèrent  que  le  Très  Saint-Sacrement  serait  exposé  dans  le  taber- 
nacle, afin  d'animer  la  foi  professée  par  les  chrétiens  et  la  conserver  au 
moyen  de  l'adoration  du  Très  Saint-Sacrement.  A  partir  de  l'année 
448  dans  laquelle  se  tint  le  Concile  précité,  commença  à  Lugo  l'exposi- 
tion de  sa  Divine  Majesté,  coutume  qui  s'est  conservée  jusqu'à  nos  jours 
dans  l'Eglise  Cathédrale. 

En  outre  du  Concile  de  Aquis  Coelenis,  celui  de  Illiberis,  le  premier 
de  Saragosse,  le  premier  et  le  second  de  Tolède,  témoignent  du  culte  et 
de  la  discipline  eucharistique  à  cette  époque,  qui  atteignirent  leur 
apogée  dans  la  célèbre  Assemblée  de  Tolède  convoquée  sur  les  instances 
du  fils  de  Léovigilde,  le  célèbre  Eécarède.  Celui-ci  était  parvenu  à 
étendre  sa  domination  sur  toute  la  Péninsule  Ibérique,  en  unissant  le 
royaume  des  Suèves  à  l'empire  Visigoth;  mais  l'unité  de  la  foi  catho- 
lique manquait  pour  fondre  les  diverses  tribus  que  comprenait  le  nouveau 
royaume. 

Le  troisième  Concile  de  Tolède  fut  la  reconnaissance  solennelle  de  la 
souveraineté  sociale  du  Christ  dans  notre  Evspagne.  Divisée  d^abord  en 
tribus  ou  nations  différenciées  par  leurs  religions,  soumise  plus  tard  à 
l'empire  romain,  et  assujettie  depuis  au  joug  puissant  et  terrible  de  la 
barbarie  des  Suèves,  des  Gotlis,  des  Visigoth»,  elle  vit  arriver  avec  une 
allégresse  indicible  le  jour  du  8  mai  de  l'année  589.  Ce  jour-là,  firent 
serment  au  pied  du  trône  de  Jésus-Christ  au  Très  Saint-Sacrement, 
les  Galiciens,  les  Visigoths  et  les  Hispano-Romains,  les  vaincjucurs  et  les 
vaincus,  les  ariens  d'hier  et  les  catholiques  d'aujourd'hui  chantent  d'un 
commun  accord  le  Symbole  de  Nicée  :  "  Nous  croyons  en  un  seul  Sei- 
gneur, Jésus-Christ,  Fils  unique  de  Dieu,  Dieu  de  Dieu,  lumière  de 
lumière,  vrai  Dieu  de  vrai  Dieu  engendré  et  non  fait,  consubstantiel  au 
Père."  Alors,  dit  un  historien  de  cette  assemblée,  retentit  la  voix  puis- 
sante du  Christ  Jésus,  qui  fait  toujours  ce  qu'elle  dit,  et  qui  répond  au 
Credo  des  Espagnols  en  disant  :  "  Espagne,  dès  aujourd'hui  tu  es  une 
Xation.  N'oublie  pas  que  tu  nais  en  confessant  ma  divinité."  Et 
c'est  bien  là,Messieurs,  le  caractère  propre  et  providentiel  de  notre 
nation.     Celui-là  n'entend  pas  l'histoire,  qui  ne  voit  pas  que  l'Espagne 


—  232  — 

n'existe  au  milieu  des  peuples  (pie  pour  défendre  et  propager  la  souve- 
raineté sot'iale  de  .Jésus  au  Très  Saint-Saerenieut,  eomuie  eela  se  vérifie 
depuis  k'  troisièuie  C'oneile  de  Tolède  jusqu'aux  Kois  Catholiques. 

II 

A'ous  me  direz  que  toutes  les  gloires  du  trône  de  Ixécarède^  sous  le  bel 
étendard  de  l'unité  catholique  placé  sur  les  hauteurs  de  l'impériale 
Tolède,  disparurent  bien  vite,  le  trône  et  la  bannière  s'enfonçant  dans 
les  eaux  ensanglantées  du  Guadalete.  pour  laisser  passage  aux  fils  du 
Coran.     L'Espagne  eucharistique  mourut-elle?  Non,  Messieurs. 

Regardez  les  rochers  de  la  Auseba  et  vous  verrez  le  vaillant  Pelage 
implorant  le  secours  divin  dans  la  grotte  de  Covadonga  où  il  assemble 
les  troupes  chrétiennes  pour  ressusciter  l'empire  et  la  souveraineté  de 
Jésus-Eucharistie. 

"  Si  on  lit  impartialement  notre  histoire,  a  dit  l'éminent  cardinal 
Sancha,  on  ne  pourra  se  dissimuler  que  la  lutte  séculaire  de  la  recon- 
quête fut  soutenue  et  couronnée  de  succès  par  la  vertu  et  l'attraction  du 
Sacrement  Eucharistique,  d'où  Jésus-Christ,  irradiant  d'abondantes  lu- 
mières sur  les  chrétiens,  et  échelonnant  les  miracles  des  Hosties  con- 
sacrées en  diverses  régions,  leur  traçait  les  grandes  lignes  de  défense 
qu'ils  devaient  suivre  et  leur  communiquait  l'unité  d'action  et  l'énergie 
héroïque  pour  guerroyer  contre  les  Maures  et  vaincre  les  ennemis  du  nom 
chrétien." 

Depuis  le  troisième  Concile  de  Tolède,  il  n'y  a  dans  notre  histoire  ni 
pactes,  ni  serments,  ni  codes,  ni  batailles,  ni  victoires,  ni  conquêtes,  ni 
monuments  notables  qui  n'aient  été  conçus  et  exécutés  si  ce  n'est  en 
prenant  pour  base  la  souveraineté  sociale  de  Jésus-Christ  et  sa  présence 
réelle  dans  le  Sacrement  de  l'Autel. 

"La  Ligue  de  Galice  et  d'Asturie,  ou  encore  le 'pacte  de  Pelage,  formé 
en  716  dans  la  grotte  de  Cavadonga,  prescrit  le  respect  et  la  vénération 
du  Très  Saint-Sacrement,  et  exige  des  guerriers  l'assistance  à  la  Messe 
et  la  sainte  communion  avant  d'entreprendre  la  bataille  contre  les 
Maures.  De  cette  foi  ardente,  de  cette  confiance  absolue  dans  le  Sacre- 
ment eucliaristi(iue  naquit  la  coutume  des  coffrets  et  des  chariots  de 
l)ataille  dans  lesquels  la  Sainte  Eucharistie  était  conduite  à  la  tête  des 
armées  chrétiennes,  ce  dont  témoignent  les  coffrets  précieux  qui  se  con- 
servent encore:  celui  de  Jaime  le  batailleur  à  Daroca,  celui  du  Cid  à 
Burgos,  celui  des  rois  d'Aragon  à  Barcelona,  celui  de  saint  Ferdinand 
et  d'Isabelle  à  Grenade.  On  exposait,  planté  sur  ces  chariots,  le  pennon 
royal,  tout  couvert  de  syud)oles  et  d'emblèmes  se  rapportant  à  l'Hostie 
consacrée  ". 

Ce  fut  api'è>  avoi)'  assisté  au  Saint-Sacrifice  et  avoir  reçu  la  sainte 
communion  des  mains  des  cM'iniles  \'oto  et  Félix,  ([ue  se  réunirent  dans 
l'erniitage  de  Xotre-Danic  de  bi  Cave,  près  de  -laca,  les  trois  cents  gen- 
lilshoninH'S  (jui  proclamèrent  rim]é|)!'mhince  chrétienne  des  royaume-^ 
de  Sobrarbe,  de  Xavarre  et  d'Ai'agon  et  les  délivrèrent  fie  la  domination 
sarrasine;  et  en  vertu  de  ce  même  pacte,  la  ligue  de  Sobrai'l»'  exigea  ])lus 
tard  des  garanties  de  justice  et  de  liberté  des  Pois  de  Léon,  et  les  obligea 


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à  consigner  dans  leurs  chartes  (|Ue  Xotre-Seigneur  Jésiis-Christ  est  celui 
qui  règne  et  qui  gouverne  le  royaume  ". 

"  De  même,  les  Vasques  ne  prêtaient  serment  qu'au  moment  de  la 
célébration  de  la  Messe,  à  l'autel  placé  sous  l'arbre  de  (iuernica,  et  les 
députés  étaient  ol)ligés  d'y  assister  comme  comlition  nécessaire  pour 
pouvoir  prendre  part  aux  sessions  et  aux  résolutions  des  délégations". 

Le  même  esprit  informe  la  loi  d'Aragon,  dans  laquelle  selon  le  pacte 
posé  au  début,  les  rois  sont  obligés  à  donner  des  garanties  de  liberté  et 
de  rectitude  avant  d'être  consacrés  et  d'exercer  leur  pouvoir.  Aj)rès  avoir 
entendu  la  Messe  et  reçu  la  sainte  connnunion,  ils  devaient  prêter  ser- 
ment devant  la  Divine  Majesté  des  autels,  et  le  grand  Justicier  qui  le 
recevait  au  nom  des  Etats,  déclarait  ((u'ils  avaient  été  élus  chefs  du 
royaume,  à  condition  de  conserver  les  droits  et  les  libertés  des  mêmes 
Etats,  et  que,  s'ils  ne  le  faisaient  pas,  l'élection  serait  tenue  pour  nulle. 
Sous  la  puissante  influence  eucharistique,  le  peuple  Aragonais,  dont  la 
valeur  et  la  bravoure  n'ont  pas  leurs  pareilles  dans  le  monde,  conserve 
sa  dignité,  repousse  la  tyrannie,  bannit  de  ses  lois  la  torture  et  le  juge- 
ment secret,  délivre  les  Baléares  et  Valence  de  la  domination  agaré- 
nienne,  règne  sur  la  Méditerranée  et  j)orte  le  noui  glorieux  de  la  Tatrit' 
jusqu'aux  portes  de  l'Asie. 

Les  quatre  pactes  ici  mentionnés  sont  les  ([uatre  grands  piliers  de  la 
foi  eucharistique  sur  lesquels  s'élève  l'indépendance  régionale  d'abord, 
ensuite  l'indépendance  nationale,  et  sur  lesquels  se  fondent  l'autorité,  la 
législation,  les  libertés   (fueros)  et  la  puissance  militaire  de  notre  pays. 

Les  Maures,  dit  un  historien,  furent  vaincus  par  la  croisade  de  Jaime  I 
d'Aragon,  et  pour  témoigner  que  cette  victoire  est  due  au  pouvoir  du 
Christ  au  Saint-Sacrement,  le  roi  don  Jaime  lui  dédie  mille  églises,  et 
lègue  au  Sanctuaire  de  Daroca  le  coffret  eucharisti(|ue  qu'il  avait  porté 
dans  les  batailles,  pour  que  s'y  gardent  les  corporaux  et  les  Hosties  en- 
sanglantées et  cachées  à  Luchante.  Saint-Jean-des-rois  de  Tolède, 
église  élégante  et  d'un  mérite  artistique  incomparable,  est  de  même 
dédiée  à  r.Vgneau-[nnnaculé  en  actions  de  grâces  des  triimiphes  obtenus 
par  Ferdinand  le  Saint,  qui  consacre  toute  rEsjiagne  au  Très  Saint- 
Sacrement  dans  la  Cathédrale  de  Tolède. 

Mais  si  grands  (|ue  soient  les  triomphes  obtenus  par  nos  rois,  pen- 
dant cette  glorieuse  épopée  de  sept  siècles,  ])our  éteudre  rem|)ire  de  la 
souveraineté  au  Christ  Eueharisticiue  sur  les  territoires  qui  en  même 
temps  étaient  recon(|uis  à  l'Espagne,  la  découverte  de  l'Amérique,  réa- 
lisée par  le  Génois  Cbristophe  Colomh  avec  l'aide  et  la  ])rotection  d'Lsa- 
belle  la  Catholi(|ue.  porte  à  son  apogée  et  ferme  dignement  la  période 
historiiiue  de  la  foi  eucharistique  du  peuple  espagnol. 

Ce  fut  après  avoir  communié  avec  ses  éipiipages  que  l'intréjiide  Colomb 
monta  sur  ses  caravelles,  pour  affronter  les  sombres  mystères  des  océans. 

TTT 

Avant  la  déiouverte  des  .Vmériques  et  l'accroissement  des  possessions 
espagnoles  pendant  les  règnes  de  l'empereur  Charles  I  d'Espagne  (»u 
Charles-Quint  d'Alleuiagne,  et    surtout    du    grand    Philippe  TL  ou    pût 


—  234  — 

affirmer  que  le  Soleil  Divin  de  l'Eucliaristie  dominait  tout  le  royaume, 
à  tel  point  qu'il  n'y  en  avait  pas  un  coin  qui  manquât  de  recevoir  la 
lumière  du  Dieu  du  Sacrement  :  Non  est  qui  se  abscondat  a  colore  eis. 

Nous  sommes  arrivés  à  la  troisième  période  indiquée  pour  examiner  la 
foi  du  peuple  espagnol  dans  l'Eucharistie,  c'est-à-dire  au  XVIe  siècle 
marqué  dans  l'histoire  générale  de  l'Eglise  par  le  célèbre  Concile  de 
Trente. 

L'influence  importante  que  les  prélats  et  les  théologiens  espagnols 
exercèrent  au  Concile  de  Trente,  est  connue  de  tous  ;  je  vous  rappellerai 
à  ce  propos  cet  avis  des  Pères  :  "  hodie  sessio  non  celehratur,  quoniam 
Lainez  infirmatur."  Les  théologiens  espagnols  avec  Salmeron,  Lainez 
et  Pierre  de  Soto,  portèrent  le  "  pondus  diei  et  aestus  "  à  la  tête  de  ces 
mémorables  sessions,  et  ce  furent  eux  qui  proposèrent  au  Concile  de  res- 
taurer la  pratique  de  la  communion  fréquente  et  quotidienne,  ce  qu'ac- 
ceptèrent avec  grande  joie  les  Pères  dans  la  vingt-et-unième  session. 

C'est  pourquoi  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'étonner,  si,  à  partir  de  cette  gran- 
diose Assemblée,  et  à  peine  la  doctrine  de  la  communion  fréquente  et 
quotidienne  enseignée  par  les  Pères  de  Trente  connue  du  peuple  espa- 
gnol, la  fréquentation  de  la  Table  Sainte  et  l'adoration  publique  et 
solennelle  de  l'auguste  Sacrement  se  développèrent  si  magnifiquement  en 
Espagne.  Saint  Ignace  de  Loyola  avec  sa  Compagnie  illustre  et 
aguerrie:  sainte  Thérèse  de  Jésus  avec  saint  Jean  de  la  Croix  et  leurs 
nobles  enfants  du  Carmel  ;  saint  Pierre  d'Aleantara  avec  ses  frères,  les 
fils  et  les  imitateurs  fidèles  de  leur  saint  Patriarche  saint  François; 
l'apôtre  de  la  charité  envers  les  malades,  saint  Jean-de-Dieu,  avec  ses 
frères  hospitaliers,  et  beaucoup  d'autres  hommes  insignes  dans  la  piété 
et  dans  la  science,  promurent  et  propagèrent  la  pratique  de  la  commu- 
nion fréquente  en  harmonie  avec  les  enseignements  du  Concile  de 
Trente;  ce  furent  eux  qui  formèrent  cette  belle  constellation  eucharis- 
tique autour  de  Jésus  au  Saint-Sacrement  dans  le  ciel  de  l'Eglise  d'Es- 
pagne durant  les  XVIe  et  XVIIe  siècles. 

Il  faut  avouer  cependant,  que  malgré  tous  les  efforts  de  nos  rois  pour 
empêcher  l'entrée  des  doctrines  protestantes  et  jansénistes  dans  le  sein 
de  l'Eglise  espagnole,  les  pays  étrangers  imprégnés  de  ces  doctrines  anti- 
eucharistiques  qui  devaient  nécessairement  produire  des  résultats  mortels 
à  la  communion  fréquente  finirent  par  s'y  faire  jour  ;  ce  qui  fit  qu'on  ne 
communia  plus  qu'une  ou  deux  fois  par  semaine  dans  les  maisons  reli- 
gieuses et  que  furent  rares  les  personnes  qui  fréquentèrent  le  Banquet 
Eucharistique  dans  les  siècles  postérieurs.  Depuis  la  seconde  moitié,  ou 
plutôt  depuis  le  dernier  tiers  du  XIXe  siècle  jusqu'à  nous,  très  particu- 
lièrement depuis  le  Décret  Sncrn  Tridentina  Synodus,  une  puissante 
réaction  eucharistique  s'est  opérée  dans  le  peuple  espagnol,  puisque  l'on 
compte  aujourd'hui  par  milliers  les  communions  des  dimanches  et  des 
jours  de  fête  dans  beaucoup  d'églises  des  principales  villes  du  royaume. 

Il  est  impo^siljle  d'insérer  dans  les  étroites  limites  de  ce  mémoire,  tous 
les  témoignasres  éloquents  de  la  foi  eucharistique  du  peuple  espagnol 
pour  l'adoration  de  l'auguste  Sacrement  pendant  l'époque  moderne  de 
notre  histoire.  Depuis  le  beau  temple  du  Corpus  Christi  érigé  au  com- 
mencement  du    XVIIe   siècle  par    l'archevêque  de  Valence,  si  dévot  à 


—  235  — 

l'Eucharistie,  jusqu'à  la  modeste  chapelle  dédiée  à  Tolosa,  il  y  a  trois 
ans,  à  l'adoration  du  Très  Saint-Sacrement  que  pratiquent  les  religieux 
de  la  Congrégation  fondée  par  le  Vénérable  Père  P.  Julien  Eymard,  la 
péninsule  Ibérique  est  parsemée  de  monuments,  d'associations  et  de  con- 
fréries du  Saint-Sacrement,  les  unes  antérieures,  les  autres  postérieures 
à  celle  de  Sainte-Marie  de  la  Minerve,  fondée  par  Paul  III,  publiant 
toutes,  la  foi  du  peuple  espagnol  à  l'Eucharistie.  Ainsi  s'explique  la 
splendeur  et  la  magnificence  des  processions  du  Corpvs,  pour  lesquelles 
on  conserve  comme  autant  d'insignes  reliques,  les  riches  et  artistiques- 
custodes  d'or  et  d'argent  qui,  imitant  la  litière  des  anciens  rois,  servent 
au  Roi  Suprême,  au  Christ-Eucharistie  pour  circuler  à  travers  les  rue& 
et  les  places  des  cités  espagnoles. 

Il  est  certain  qu'aujourd'hui  il  ne  reste  plus  que  des  vestiges  de  ces 
associations,  parce  que  les  vents  arides  et  brûlants  de  l'impiété  moderne 
ont  desséché  notre  terre,  flétrissant  tant  d'institutions  eucharistiques- 
pour  la  restauration  desquelles  nous  attendons  avec  anxiété  le  prochain 
Congrès  Eucharistique  International.  Cependant  le  nombre  des  Adora- 
teurs du  Très  Saint-Sacrement  va  croissant  dans  notre  Espagne,  se  dé- 
veloppe tous  les  jours  et  couvre  le  pays  tout  entier  d'une  splendide 
moisson  eucharistique.  C'est  ce  que  proclament  l'adoration  perpétuelle 
toujours  vivace  dans  l'antique  Basilique  de  Lugo,  la  multitude  des  villes 
espagnoles  où  se  pratique  l'exposition  des  Quarante-Heures.  C'est  ce  que 
proclament  ces  chœurs  de  vierges,  magnifique  efflorescence  de  notre  terre 
eucharistique  :  les  Esclaves  du  Très  Saint-Sacrement.  l'Institut  de 
espagnoles  où  se  pratique  l'exposition  des  Quarante-Heures.  C'est  ce  que 
proclament  cette  armée  innombrable  d'adorateurs  nocturnes  dans  tous 
les  diocèses  de  la  péninsule,  et  surtout  cette  illustre  pléiade  de  milliers 
de  prêtres-adorateurs  qui,  avec  les  Religieux  du  Très  Saint-Sa<?renient, 
forment  autour  des  tabernacles  de  toutes  nos  églises  la  cour  du  Divin 
Roi. 

Pour  terminer  le  résumé  que  nous  venons  de  faire,  des  dernières  ma- 
nifestations de  la  foi  eucharistique  du  peuple  espagnol,  je  vous  dirai  un 
mot  de  l'action  sociale  eucharistique  réalisée  en  Espagne  jusqu'au- 
jourd'hui. 

Deux  Congrès  Eucharistiques  nationaux,  de  grande  importance,  y  ont 
été  tenus,  celui  de  Valence  convoqué  en  1893  par  le  Cardinal  Sancha,  et 
qui  fut  célébré  par  un  grand  concours  de  Prélats  et  d'Associés  inscrits 
au  nombre  de  cinq  mille  et  celui  qui  eut  lieu  trois  ans  plus  tard  à  Lugo 
sur  l'invitation  du  Prélat  de  ce  siège  épiscopal,  l'excellentissimo  seigneur 
Don  Benito  Murua.  Il  ne  fut  pas  inférieur  au  précédent,  et  saint 
Pascal  Baylon  y  fut  proclamé  Patron  des  Œuvres  Eucharistiques  espa- 
gnoles, un  an  avant  que  Sa  Sainteté  Léon  XIII  proclamât  et  désignât 
l'humble  convers  franciscain  avocat  et  protecteur  des  Œuvres  Eucharis- 
tiques du  monde  entier. 

Trois  Assemblées  eucharistiques  se  sont  tenues  aussi  à  Saragosse,  à 
Lugo  et  à  Séville;  elles  eurent  pour  objet  principal  l'organisation  des 
centres  eucharistiques  pour  le  meilleur  gouvernement  et  le  service  de 
l'action  eucharistique  en  Espagne. 

Il  est  certain,  comme  il  a  déjà  été  dit  précédemment,  que  le  Décret 


—  236  — 

sur  la  communion  fré(|uente,  a  été  mervcilU'Usement  mis  en  pratique  par 
les  catholiques  espagnols,  avec  la  coopération  puissante  de  Tarchicon- 
frérie  de  la  Ligue  Sacerdotale  Eucharisticiue  (\m  compte  déjà  en 
Espagne,  quinze  mille  huit  cent  douze  prêtres.  Il  est  indéniable  qu'il 
man.jue  pour  illustrer  la  foi  fervente  (lu  peuple  espagnol  un  Congrès 
International  (pii  soit  comme  un  phare  lumineux  répandant  ses  clartés 
sur  tout  le  territoire  espagnol,  et  mettant  à  profit  les  précieux  éléments 
que  renferme  aujourd'hui  l'Espagne  Eucharistique,  ranime  la  foi,  res- 
suscite les  anciennes  associations  et  indique  enfin  les  routes  que  doit 
suivre  l'action  eucharistique  pour  arriver  à  la  restauration  du  culte 'de 
l'Eucharistie. 

Vous  me  direz  peut-être,  (jue  les  circonstances  actuelles  (|ue  traverse 
la  nation  espagnole  dans  l'ordre  politico-religieux,  ne  sont  pas  les  plus 
favorables  à  la  réalisation  de  l'arrêté  pris  par  le  Comité  directeur  des 
Congrès  Eucharistiques  Internationaux  et  accepté  par  Son  Eminence  le 
Cardinal  Archevêque  Primat  de  Tolède,  de  célébrer  en  Espagne  l'an 
prochain,  1911,  le  vingt-deuxième  Congrès  Eucharistique  International. 
Pour  répondre  à  cette  objection,  il  me  suffira  de  vous  rappeler  le  haut 
et  grandiose  exemple  que  vient  de  donner  aux  catholiques  du  monde 
entier  la  foi  catholique  du  peuple  espagnol,  lorsque  l'immense  majorité 
de  la  nation  espagnole  s'est  levée  comme  un  seul  homme  à  la  voix  de 
leurs  vaillants  Prélats  pour  adhérer  à  la  belle  et  énergique  protestation 
qu'ils  faisaient  respectueusement  devant  les  hauts  pouvoirs,  afin  d'ob- 
tenir la  suspension  des  ])rojets  de  loi  et  de  dispositions  ayant  pour  but 
la  diminution  des  Ordres  Eeligieux  et  l'affaiblissement  de  la  foi  catho- 
lique. Il  y  a  encore  de  la  foi  en  Espagne!  Sa  Sainteté  Pie  X  a  été 
très  consolée  par  de  si  belles  manifestations. 

Pour  moi,  j'estime  qu'au  milieu  de  ces  aridités  qui  régnent  dans  le 
désert  de  l'incrédulité  et  de  l'impiété,  et  qui,  pour  notre  malheur,  ont 
pris  en  Espagne  leurs  lettres  de  naturalisation,  et  malgré  ces  aridités, 
j'estime  que  le  Dieu  de  l'Eucharistie  veut  donner  à  la  nation  espagnole, 
la  Manne  Divine  et  les  torrents  de  grâces  qui  jaillissent  du  Cœur  de 
Jésus-Eucharistie,  ]iar  le  moyen  du  prochain  Congrès  Eucharistique  In- 
iernational,  au(|uel  vous  invite  pai'  le  dernier  de  ses  enfants,  l'Espagne 
Eucharistique  f|u"ont  formée  les  fils  de  saint  Jacques  et  de  la  A'ierge  du 
Pilier. 


—  2;3r  — 

M.  Tabbé  Prud'homme,  secrétaire  de  rarelievêché  de  Saiut- 
Bouiface,  traite  ensuite  de  l'état  de  la  piété  eucharistique  au 
Mauitoba  et  dans  le  Nord-Ouest  du  Canada. 


ETAT  DE  LA  PIETE  EUCHARISTIQUE  AU 

MANITOBA 


En  parcourant  les  annales  des  premiers  temps  apostoliques  du  Xord- 
Oiiest,  on  se  sent  invinciblement  saisi  d'un  sentiment  d'admiration,  à  la 
pensée  des  souffrances  et  des  privations  de  tous  genres  endurées  avec  un 
courage  héroïque  par  ces  chevaliers  du  Christ.  Xe  me  demandez  pas  à 
quelle  source  ces  athlètes  de  la  foi  allaient  fortifier  leur  âme,  car  ils  ont 
pris  soin  eux-mêmes  de  nous  confier  le  secret  de  leur  touchante  cons- 
tance. Ils  se  retrempaient  dans  le  sang  de  leur  Tîédemi)teur.  Sur  la 
plage  déserte,  au  sein  de  la  forêt  vierge  ou  sous  la  loge  de  miséi'al)les  sau- 
vages ne  respirant  que  la  guerre  sanulante,  rajiines  et  satisfaction  des  sens, 
le  missionnaire  offrait  le  saint  Sacrifice  de  la  messe  pour  la  conversion  de 
ces  barbares,  et  demandait  à  Jé-^us-Hostie  de  féconder  la  semence  jetée 
en  terre  par  son  serviteur.  Aussi  bien,  le  trioin])he  de  la  foi  dans  ces 
vastes  contrées,  plongées  naguère  dans  les  honteuses  servitudes  du  paga- 
nisme et  des  vices  qu'il  engendre,  montre  sous  un  jour  hiniineux  la  vie 
débordante  qui  s'échappe  du  Sacrement  d'Amour.  C'est  bien  au  sein 
de  ces  peuples  primitifs.  qiu>  l'on  touche  du  doigt  pour  ainsi  dire,  la 
transformation  (|ui  s'opère  dans  ces  anus  neuves  ])ar  la  manducation 
eucharisticiue.  ^Fais  il  send)le  qu'il  fallait  pour  triouiphor  des  préjugés 
séculaires  des  tribus  nomades  de  l'Ouest,  et  élever  leur  intelligence  à  la 
hauteur  des  vérités  évangéli(iues,  non  sculeuuMit  1;'  uiarl-vv  (piotidien  de 
toute  une  vie  de  fatigue  et  d'abandon,  uiais  le  sacrilice  sanulant  sous  la 
hache  meurtrière  de  ces  barbares.  T.e  Père  Aulnault,  S.J.,  sera  la  vic- 
time ])ure  dont  le  sang  coulera  sur  les  rives  désolées  de  l'Ile-au-Massacre. 

On  rapporte  f|ue  trois  jeunes  Sioux,  fils  d'une  veuve,  s'acharnèrent 
au  Père  Aulnault,  et  lui  enfoncèrent  le  crâne  au  moment  où  il  élevait  la 
main  pour  absoudre  s?s  comj)agnons  de  voyage.  Tls  s'em])arèrent  de 
son  calice.  Dieu  les  punit  d'une  manière  épouvantable  de  ce  sacrilège. 
Dès  le  premier  soir  du  campement,  au  moment  où  ils  s'apprêtaient  à 
prendre  leur  repas,  l'un  des  trois  se  levant  tout  à  coup,  poussa  un  cri 
affreux  et  tomba  foudroyé.  Le  lendemain  soir,  le  second  mourait  dans 
les  mêmes  circonstances.  La  mère,  en  essuyant  ses  larmes,  dit  alors  : 
"Je  sais  la  cause  de  mes  malheurs.  C'est  le  ^Manitou  de  la  rol)e  noire 
qui  a  foudroyé  mes  deux  enfants."  Et  au  même  instant,  olle  i>rit  le 
calice,  le  jeta  au  fond  d'une  rivière,  et  le  dernier  de  ses  fils  fut  épargné. 


—  238  — 

Il  semblerait  que  le  sang  versé  sur  le  Lac-des-Bois  criait  vengeance 
comme  celui  d'Abel.  Taudis  que  les  sauvages  des  Prairies  courbaient 
leur  front  sous  l'eau  régénératrice,  les  aborigènes  du  Lac-des-Bois  de- 
meuraient réfractaires  à  la  grâce. 

Un  jour,  Mgr  Langevin  assistait  à  leur  traité  à  l'île  Wabiscoug.  Jus- 
qu'à ce  jour,  ils  avaient  refusé  d'écouter  Le  missionnaire.  Monseigneur 
demanda  la  permission  de  leur  parler.  Us  se  montrèrent  peu  disposés 
à  se  rendre  à  cet  appel  ;  toutefois  ils  promirent  de  rendre  réponse  le  len- 
demain. Le  jour  suivant  Monseigneur  et  ses  jjrêtres  qui  l'accompa- 
gnaient offrirent  le  saint  Sacrifice  de  la  Messe  pour  la  conversion  de  ces 
infidèles.  A  peine  les  messes  étaient-elles  terminées,  que  les  chefs  ve- 
naient annoncer  à  Monseigneur  qu'ils  permettaient  à  ses  missionnaires 
de  leur  parler  d'Ecoles  Industrielles.  On  sait  que  depuis,  grâce  à  ces 
écoles,  bon  nombre  de  conversions  ont  eu  lieu.  Le  Dieu  Eucharistique 
avait  dompté  le  cœur  endurci  de  la  tribu  la  plus  païenne  de  l'Ouest.  — 
On  T'a  répété  bien  souvent,  c'est  par  le  sacrement  de  son  amour  que  le 
Christ  a  pris  possession  de  nos  immenses  prairies.  Jésus-Hostie,  mieux 
encore  que  la  colonne  lumineuse  qui  couvrait  l'Arche  sainte,  et  dirigeait 
le  peuple  de  Dieu  vers  la  terre  promise,  a  illuminé  les  intelligences,  ré- 
chauffé les  cœurs,  et  fortifié  les  volontés  de  ces  pauvres  enfants  de  la 
nature. 

Les  missionnaires  ont  constaté  souvent  que  là  où  le  saint  Sacrifice 
avait  été  offert,  les  invocations  démonologiques  des  forts  en  médecine 
étaient  frappées  d'impuissance.  C'est  que  le  Christ  sur  nos  autels, 
comme  sur  l'étendard  de  la  croix,  terrasse  les  puissances  infernales,  pour 
laisser  s'épancher  de  son  côté  ouvert  les  immenses  trésors  de  ses  grâces, 
et  s'emparer  des  âmes  par  l'excès  de  son  amour  pour  elles.  Il  com- 
prenait bien  les  effets  merveilleux  de  l'Eucharistie  pour  l'établissement 
du  règne  de  Dieu  dans  l'Ouest,  le  premier  évêque  de  la  Rivière-Eouge, 
Mgr  Provencher.  A  cette  époque,  on  ne  connaissait  presque  jamais  le 
pain  au  repas,  et  il  arriva  à  Mgr  Provencher  de  souffrir  de  la  faim,  par 
le  manque  absolu  de  toute  nourriture.  Et  pourtant,  ce  saint  évêque  avait 
à  sa  disposition  les  argents  nécessaires  pour  avoir  une  table  convenable. 
C'est  qu'il  donnait  tout  à  ses  missionnaires,  afin  qu'ils  pussent  élever 
quelque  chétive  cabane,  oii  l'Hostie  sainte  pût  être  exposée,  et  bénir  de 
ce  trône  élevé  au  prix  de  bien  des  larmes  et  des  souffrances,  la  popula- 
tion de  ce  pays. 

Mgr  Provencher  travailla  de  ses  propres  mains  à  la  construction  de 
sa  cathédrale  et  de  son  évêché.  Et  depuis,  que  de  missionnaires  ont  suivi 
cet  exemple.  Elles  ne  sont  pas  rares  les  maisons-chapelles  qui  ont  été 
construites  en  grande  partie  par  le  missionnaire.  Dans  un  grand  nom- 
bre de  paroisses,  des  églises  substantielles,  dont  quelques-unes  pourraient 
rivaliser  avec  colles  des  paroisses  du  Saint-Laurent,  ont  été  construites, 
mais  nous  comptons  encore  un  nombre  considérable  de  maisons-cha- 
pelles. Quelques-unes  sont  tellement  pauvres  que  le  prêtre  peut  à  peine 
empêcher  le  vin  de  geler  durant  Thiver.  Nous  comptons  104  églises  avec 
prêtres  résidents,  100  cbapelles  de  mission,  60  églises  ou  chapelles  des 
Ruthènes  du  rite  ruthène,  1  collège,  1  petit-séminaire,  30  couvents,  3 


—  239  — 

hôpitaux,  1  hospice,  1  maternité,  1  crèche,  3  orphehnats,  1  école  indus- 
trielle et  9  écoles-pensionnats,  autant  d'endroits  où  le  Dieu  de  l'Eucha- 
ristie reçoit  les  a/dora tions  de  123,073  catholiques,  dont  78,073  du  rite 
latin,  et  45,000  du  rite  ruthène. 

Xous  sommes  heureux  de  le  dire  ici,  les  catholiques  de  rarchidiocèsc 
de  Saint-Boniface  ont  hérité  de  leurs  pères  dans  la  foi,  du  respect  et  de 
la  dévotion  envers  le  Saint-Sacrement.  Dans  nos  paroisses,  la  Fête-Dieu 
se  célèbre  avec  éclat  et  piété.  Sur  le  parcours  de  la  procession,  se  dres- 
sent des  arcs  de  triomphe,  couverts  de  banderolles  et  de  draperies.  Les 
chemins  sont  ornés  de  verdure,  tandis  que  les  reposoirs  chargés  de 
fleurs,  se  dressent  sous  les  portiques  de  catholiques  honorés  de  recevoir  la 
visite  du  Christ.  La  communion  du  premier  vendredi  du  mois  est  soli- 
dement établie  partout,  tandis  que  la  cathédrale  et  plusieurs  autres 
églises  des  différentes  paroisses,  voit  chaque  semaine  une  foule  nom- 
breuse assister  à  l'Heure-Sainte.  Partout,  un  nombre  de  plus  en  plus 
nombreux  de  fidèles,  répondant  aux  vœux  de  Pie  X,  s'approchent  chaque 
semaine  et  même  pour  une  élite,  chaque  jour,  de  la  Table  Sainte. 

Xous  assistons  en  ce  moment  dans  l'Ouest  au  spectacle  réconfortant 
d'une  intensité  merveilleuse  dans  la  vie  catholique.  Le  drapeau  du  ca- 
tholicisme se  déploie  sous  la  brise  de  l'Ouest,  dans  tous  les  coins  du  pays. 
Xous  sommes  en  bonne  voie  de  placer  sur  tous  les  coins  stratégiques,  des 
autels  d'où  ra^'onne  l'influence  de  la  foi  catholique.  Les  prêtres  se 
prodiguent  avec  un  dévouement  admirable  pour  soutenir  le  zèle  de  ces 
groupes  nouveaux  qui  surgissent  avec  une  fécondité  étonnante.  Les  ca- 
tholiques se  comptent  et  se  forment  en  cette  phalange  invincible  qu'on 
appelle  la  Paroisse.  Ces  paroisses  naissantes  ne  se  laissent  jamais  en- 
tamer. Elles  essaiment  plutôt  et  la  vie  catholique  coule  à  pleins  bords. 
Cette  floraison  extraordinaire  promet  une  abondante  moisson  pour 
l'avenir.  Fondées  dans  le  dévouement  et  le  sacrifice,  ces  chrétientés  nous 
permettent  d'espérer  un  avenir  consolant  pour  la  jeune  Eglise  de 
l'Ouest.  '' Introibo  ad  altare  Dei,  ad  Deum  qui  lœtificat  juveniiitem 
meam."  —  Je  m'approcherai  de  l'autel  de  Dieu,  du  Dieu  qui  réjouira 
ma  jeunesse,"  peuvent  répéter  ces  noyaux  de  paroisse  qui  s'imposent  des 
sacrifices  énormes  pour  faire  briller  dans  la  prairie  la  croix  de  salut. 

Cette  marche  triomphale  de  l'Eglise  nous  donne  droit  de  livrer  nos 
cœurs  aux  plus  consolantes  espérances  pour  l'avenir,  parce  que  les 
œuvres  fondées  dans  le  sacrifice  ne  peuvent  manquer  d'attirer  les  béné- 
dictions de  Dieu.  Ce  n'est  point  cependant  sans  des  difficultés  de  toutes 
sortes  que  se  poursuit  encore  à  l'heure  actuelle  cette  marche  conquérante 
et  triomphante  du  Christ-Hostie  à  travers  nos  plaines  sans  fin.  A  un 
moment  même  on  aurait  cru  l'œuvre  catholique  paralysée.  En  effet, 
l'arrivée  dans  nos  contrées  de  peuples,  venus  de  tous  les  points  de  la 
vieille  Europe  avec  leur  langue  et  même  leur  rite  divers,  semblait  une 
difficulté  insurmontable.  Où,  en  effet,  trouver  des  prêtres,  parlant  toutes 
ces  langues,  et  pouvant  desservir  ces  populations?  Allemands,  Hongrois, 
Polonais,  Italiens  et  Flamands  purent  cependant  bientôt  trouver  dans 
le  clergé  séculier  et  régulier  des  prêtres  parlant  leur  langue. 

La  difficulté  semblait  plus  grande  et  insoluble  pour  ce  qui  coni  orne 


—  240  — 

les  populations  du  l'ite  l'utliènc.  Les  seliisinatiques  et  certaines  sectes 
protestantes  eseoni})tant  reuibarras  dans  lequel  se  trouvait  Tépiscopat  de 
l'Ouest,  s'efforcèrent  tle  semer  le  trouble  et  la  division  parmi  ces  braves 
gens.  Mais  ils  avaient  compté  sans  le  dévouement  des  prêtres  latins 
belges,  canadiens-français  et  français.  Bravement  et  sans  crier  leur 
héroïsme  sur  tous  les  toits,  humblement  mais  héroïciuement,  ces  prêtres 
s'imposèrent  l'étude  de  la  langue  ruthène,  afin  de  pouvoir  se  dévouer 
plus  complètement  à  l'œuvre  du  Christ  Eucharistique,  au  milieu  de  ces 
bonnes  populations,  où  les  RK.  PP.  Basiliens  exercent  déjà  un  apostolat 
si  fécond. 

Grâce  à  ce  dévouement  qui  fait  de  jour  en  jour  des  recrues  toujours 
plus  nombreuses,  parmi  nos  jeunes  prêtres  de  langue  française,  le  pro- 
blème des  langues  et  des  rites  est  en  voie  sûi'e  de  se  régler. 

C'aurait  été,  en  effet,  une  erreur  grave  et  une  faute  lamentable  de 
chercher  à  amener  ces  divers  peuples  à  une  uniformité  de  langue,  pour 
parer  aux  inconvénients  de  l'heure  présente.  L'expérience  est  là  pour 
prouver,  quoi  qu'on  en  dise  en  certains  milieux,  que  l'abdication  de  la 
langue  entraîne  hélas  et  comme  fatalement  l'apostasie  de  la  foi.  Il  n'y 
a  jias  de  raisonnement  qui  tienne  devant  le  fait  brutal,  dont  la  constata- 
tion est  quotidienne.  11  y  a  mille  fibres  intimes  de  l'âme,  que  la  langue 
maternelle  seule  fait  vibrer  avec  une  émotion  intense,  créant  une  menta- 
lité particulière,  et  qui  cessent  de  répondre  aux  échos  d'une  langue 
étrangère.  Quand  ces  liens  se  brisent,  on  obtient  une  transformatioii 
dangereuse.  Lin  catholique  qui  se  dépouille  de  sa  langue  pour  embrasser 
celle  de  la  majorité,  risque  fort  d'épouser  également  la  manière  de  penser 
et  de  croire  de  cette  majorité.  Et  certes,  nous  pouvons  le  dire  sans 
crainte  ,  nul  plus  que  l'archevêque  de  Saint-Boniface  n'a  compris,  et  ne 
com])rend  encore  cette  vérité.  Il  s'est  donné  beaucoup  de  mal  pour  don- 
ner à  chaque  nationalité  et  à  chaque  rite  des  prêtres  de  même  langue  et 
de  même  rite,  et  à  cet  effet,  il  s'est  rendu  à  Vienne  même,  voir  l'Em- 
pereur d'Autriche.  Aussi,  nul  plus  que  lui  ne  s'est  fait  le  défenseur  de 
ce  droit  naturel  et  imprescriptil)le  que  les  fidèles  ont  d'apprendre  à  con- 
naître et  à  prier  Dieu  en  la  langue  que  Dieu  leur  a  donnée. 

Et  c'est  ainsi  qu'en  travaillant  à  donner  à  cha(|ue  race  des  prêtres 
parlant  sa  langue,  il  a  travaillé  à  conserver  à  l'Eglise  des  milliers  dQ 
fidèles,  et  à  Jésus-Hostie  des  conirs  heureux  de  le  recevoir  dans  son  au- 
guste sacrement. 

Nous  avons  doru-  l)i;'ii  raison  d'espérer  que  Jésus-Hostie  qui  nous  a 
protégés  dans  le  passé,  et  (|ui  a  suscité  tant  de  dévouement  juscprà  ce 
jour,  continuera  de  protég<M'  l'Eglise  de  l'Ouest,  afin  (prelle  reste  fidèle 
à  son  passé  de  gloire. 


A]>rcs  ce  derniVr  rai)p()rt,  le  secrétaire  annonce  que  le 
temps  manque  ponr  la  Icctnre  des  denx  deiniei-s  travaux  an 
j)rf)iiramme  :  '' L'Associtilion  de  l'(envi-e  des  E|>lises  pauvres 
à  Ivome  ",  par  Mj'r  Laurent!  ;  rap])()rt,  qui  devait,  être  lu  par 
^r.  l'aV)bé  (MaT)in,  supérieur  du  ('o]lèi>e  (^anadien  à  Rome  ;  et 
1'  "  Eu(diaiistie  dans  les  pr<'miers  siècles  d'après  les  fouilles 


—  241  — 

aicliéoloiiiciiies  d'Afrique  "",  par  le  Kév.  Père  Delatre,  des 
l*ères  l^laiics  d'Afii(iiie,  travail  (jui  devait  être  lu  par  le  Supé- 
rieur de  leur  Postulat  de  (Québec. 

Nous  dounous  ci-dessous  le  texte  de  ces  deux  travaux  : 

L'ARCHIASSOCIATION    DE    L'ADORATION 

PERPETUELLE  ET  DE  L'ŒUVRE  DES 

EGLISES  PAUVRES  A  ROME 


I  OlUGIXE. 

Au  treizième  siècle,  Dieu  abaissa  ses  regards  sur  une  humble  fille  de 
la  Belgique  —  Julienne  de  Eetinne  —  pour  entourer  de  nouvelles  splen- 
deurs le  culte  du  Très  Saint-KSacren)ent.  La  Fête  du  Corpus  Domini, 
célébrée  pour  la  première  fois,  en  1246,  dans  la  Collégiale  de  St-Martin 
à  Liège,  fut  quelques  années  après,  par  un  de  ses  archidiacres  devenu 
le  Pape  I^rbain  IV  —  qui  l'un  des  premiers  avait  reconnu  en  Julienne 
rinspiration  divine  —  étendue  à  toute  l'Eglise  j)ar  une  bulle  à  jamais 
célèbre. 

Lorsqu'en  1846,  avec  un  magnifique  élan  de  foi.  la  Belgique  se  pré- 
parait au  Jubilé  six  fois  séculaire  de  cette  fête  triomphale,  apparut  le 
IÛIl'  rayon  d'une  œuvre  bien  plus  humble  et  plus  intime,  inais  également 
inspirée  par  le  Seigneur  à  une  autre  vierge  belge,  pour  l'honneur  et  la 
gloire  de  la  Sainte  Eucharistie. 

Depuis  trois  ans,  cette  œuvre  germait  dans  l'ombre,  sous  les  yeux  de 
Monseigneur  Joachim  Pecci,  qui.  nommé  au  commencement  de  1843, 
Xonce  Apostolique  en  Belgique,  ne  tarda  pas  à  se  trouver  on  rapport 
avec  le  comte  Ferdinand  de  Meeiis.  et  à  assister  par  là  même,  au  château 
dArgenteuils  aux  premiers  essais  d'une  entre])ris('  destinée  à  recevoir 
un  jour  de  son  autorité  suprême,  bénédiction  et  couronnement.  Ce  fut 
à  \i\  fin  de  cette  mênu^  année  1S43,  cpie  Mik'  de  Meeiis,  alors  âgée  de  vingt 
ans,  fit  la  découverte,  pour  elle  très  inattendue,  de  la  pauvreté  des  églises 
de  paroisses  de  campagne,  l)ien  proches  cependant  de  la  capitale.  .Sa 
))iété  en  fut  alarnuH'.  et  en  même  temps,  une  grâce  puissante  airissant 
sur  son  âme.  concentra  toutes  ses  aspirations  vers  le  Très  Saint-Sacre- 
ment et  le  profond  respect  dû  à  son  culte. 

Peconnaissant  bientôt  la  valeur  éphémère  des  eiforts  individuels  pour 
poui'voir  à  des  liesoins  qui  chaque  jour  se  dévoilaient  plus  nond)reux, 
elle  conçut  la  pensée  d'une  As-^oeiation  à  laquelle  le  lî.  Père  Boone  de 
la  Compagnie  de  Jésus  accorda  tout  son  zèle  d'apôtre,  et  dont,  pour  la 
première  fois,  il  fit  entrevoii'  la  pensée,  en  parlant  à  Bruxelles  de  la  pau- 
vreté du  Divin  ^laître.  au  moment  oii  le  grand  Jubilé  de  1S46  était 
polennellenient  annoncé.  Par  une  de  ces  coïncidences  doid  la  Providence 
a  le  secret,  l'Association  de  l'Adoration  perpétuelle  et  de  r(Euvre  des 
Eelises  pauvres  abi-itait  ses  premiers  ])as  sous  le  trioiuplie  de  l'Eucba- 
ristie,  sous  l'auréole  de  sainte  Julienne:  de  l'origine  de  Tune  et  de 
l'autre  institution  un  futur  pape  avait  élé  le  témoin. 


—  242 


II  —  But. 


Comme  l'indique  le  titre  porté  par  l'Association^  cette  œuvre  a  un 
double  but  :  l'adoration  du  Très  Saint-Sacrement,  et  le  secours  aux 
églises  pauvres.  Sous  ce  double  aspect,  elle  ne  fut  pas  toujours  com- 
prise. La  splendeur  des  chiffres  représentant  ses  offrandes,  éblouit  par- 
fois ceux  qui,  dans  des  congrès  ou  ailleurs,  entreprirent  de  la  louer; 
l'éclat  et  la  charité  matérielle  absorba  l'attention,  provoqua  des  applau- 
dissements; beaucoup  firent  de  nouveaux  appels  à  sa  générosité,  croyant 
en  cela  répondre  à  son  unique  désir. 

Mais  l'œuvre  est  plus  que  cela  et  doit  être  considérée  soiis  un  jour  plus 
noble  et  plus  digne.  Son  esprit,  son  âme,  le  point  de  mire  de  tous  ses 
efforts  consistent  à  faire  connaître,  aimer  et  adorer  Jésus  dans  la  Sainte 
Eucharistie  ;  là  est  sa  vie,  sa  force,  le  secret  de  cette  vertu  qui  lui  donne 
un  poste  éminent  parmi  les  œuvres  eucharistiques,  qui  la  rend  digne 
d'une  prédilection  spéciale  du  Souverain  Pontife,  qui  la  fait  croître  et 
fleurir  plus  et  mieux  chaque  jour. 

Elle  veut  donc  et  elle  obtient  que  du  décor  requis  par  le  culte  divin, 
découlent  les  eaux  abondantes  de  la  foi,  le  feu  de  la  charité,  l'expansion 
de  la  piété,  l'enthousiasme  des  peuples  pour  Jésus.  A  l'œuvre  de  Marie, 
elle  joint  celle  de  Marthe;  elle  cherche  à  attirer  les  âmes  par  le  bienfait, 
ce  à  quoi  les  cœurs  ne  résistent  pas. 

De  ses  rangs  elle  n'exclut  personne;  à  tous  elle  s'adresse.  A  l'homme 
elle  demande  son  esprit,  son  cœur,  son  courage  et  sa  vaillance  contre  le 
respect  humain.  La  femme,  elle  la  fait,  selon  la  belle  expression  de 
Léon  XIII,  entrer  en  quelque  manière  dans  le  Sancta  Sanctorum  par  le 
travail  de  ses  mains.  Elle  la  fait  concourir  indirectement  au  saint  sa- 
crifice par  les  ornements  qu'elle  prépare.  Elle  l'appelle  au  sublime 
apostolat  de  chercher,  non  seulement  des  associés,  mais  des  zélatrices  qui 
gagnent  des  âmes  au  plus  grand  des  mystères,  au  plus  saint  des  amours. 

Jamais  elle  ne  dévia  de  ses  principes. 

Afin  d'en  assurer  la  stabilité  et  l'inamovibilité,  elle  les  appuya,  dès 
1856  sur  l'Institut  des  Sœurs  de  l'Adoration  perpétuelle  auquel  elle 
donna  naissance,  pour  qu'il  devînt  son  centre  et  son  soutien,  ce  que  le 
Saint-Siège  daigna  sanctionner  en  1872  par  sa  haute  et  définitive  appro- 
bation. 

III  —  Histoire. 

Pendant  le  cours  de  ces  années  d'organisation  et  d'affermissement, 
l'Association  avait  pris  une  extension  considérable.  En  Belgique,  elle 
était  érigée  dans  tous  les  diocèses,  et  les  églises  secourues  se  comptaient 
par  milliers.  La  Hollande,  l'Autriche,  la  Bavière  et  le  nord  de  l'Italie 
avaient  adopté  ses  règlements  et  travaillaient  dans  le  même  but  et  le 
même  esprit.  Depuis  douze  ans,  elle  avait  étendu  son  champ  d'action 
aux  missions  étrangères,  et,  connue  par  ses  bienfaits  en  Orient  et  en 
Occident,  recevant  de  partout  les  témoignages  de  la  plus  vive  reconnais- 
sance, elle  en  bénissait  d'autant  plus  le  Seigneur,  que  ses  dons  étaient 


—  243  — 

toujours  accompagnés  de  la  prière,  généralement  prise  en  considération, 
de  répandre  dans  le  peuple  la  dévotion  au  Très  Saint-Sacrement  par 
l'établissement  de  l'heure  publique  et  mensuelle  d"adoration. 

Telle  était  l'Œuvre  à  la  mort  de  S.  S.  Pie  IX.  Soit  pour  l'encou- 
rager, l'approuver  ou  la  bénir,  le  saint  et  vénéré  Pontife  avait  daigné,  à 
dix-neuf  reprises  différentes,  lui  donner  des  preuves  touchantes  de  sa 
bonté  paternelle.  Le  moment  était  venu  pour  ITnstitut  de  s'établir  à 
Eome;  en  18T8,  il  y  fonda  une  maison. 

Léon  XIII  n'avait  pas  perdu  de  vue  aucun  de  ses  souvenirs  de  Bel- 
gique. Mis  au  courant  par  Son  Eminence  le  Cardinal  Dechamps.  arche- 
vêque de  Malines,  de  l'emploi  qu'avait  fait  l'Association  de  son  temps  et  de 
ses  ressources,  Sa  Sainteté  la  trouva  digne  d'être  appelée  au  pied  de  son 
trône  Pontifical  et  par  un  décret  de  1879,  confirmé  par  un  bref  de  1881, 
il  en  transféra  le  siège  de  Bruxelles  à  Eome.  lui  conférant  en  même 
temps  le  droit  de  s"agréger  licitement  et  validement  les  associations  de 
même  nom  et  de  même  but  de  l'univers  entier,  lui  accordant  ainsi  l'in- 
signe honneur  d'être  à  Jamais  "  Œuvre  Catholique  Eomaine  ",  honneur 
encore  accentué  par  le  titre  de  Prima  Primaria  reçu  en  1895. 

A  ces  hautes  et  paternelles  bienveillances,  l'Archiassociation  répond 
par  un  profond  amour,  par  le  respect  le  plus  filial,  le  plus  soumis,  le 
plus  dévoué  envers  la  Sainte  Eglise  et  son  Auguste  Chef,  faisant  de  ces 
sentiments  le  lien  qui  l'unit  intimement  et  inséparablement  à  toutes  ses 
affiliations,  d'autant  plus  encore  actuellement  que,  par  son  précieux 
autographe  du  21  décembre  1908,  Sa  Sainteté  Pie  X  exprime  le  vif 
désir  qu'ils  soient  ravivés  sans  cesse  à  la  source  de  tout  amour  et  de 
toute  unité,  le  Très  Saint-Sacrement. 


IV  —  Avenir. 

Dès  le  transfert  de  l'Archiassociation  à  Eome,  les  demandes  d'affilia- 
tion affluèrent  vers  son  centre.  Par  397  branches,  dont  plusieurs  ont 
de  nombreux  rameaux,  elle  s'étend  aujourd'hui  en  Europe,  en  Asie,  en 
Afrique  et  en  Amérique. 

Beaucoup  de  ces  Associations,  non  contentes  de  secourir  les  églises  pau- 
vres de  leur  propre  pays,  ont  grandement  à  cœur  les  missions  étrangères. 
Toutes  sont  généreuses,  toutes  sont  ardentes  et  pieuses,  et  chaque  année 
les  Anges  du  Seigneur  ont  à  enregistrer  des  multitudes  d'actes  de  dévoue- 
ment, marqués  au  coin  du  sacrifice  et  de  l'abnégation.  Que  dire  des 
actes  pieux,  des  heures  d'adoration,  des  chants,  des  hymnes  et  des  can- 
tiques en  l'honneur  du  Très  Saint-Sacrement?  Le  concevoir  se  peut  à 
peine  ;  le  langage  humain  se  refuse  à  les  nombrer. 

Dans  ce  vaste  et  beau  pays  du  Canada,  le  Centre  de  Eome  ne  compte 
que  trois  affiliations:  l'une  à  Montréal,  l'autre  à  Québec,  la  troisième  à 
St-Albert,  d'où  Mgr  Légal  écrit:  "Qu'il  veut  répandre  de  plus  en  plus 
cette  Association  qui  encourage  et  spiritualise  les  travaux  des  Altar  So- 
cieties".  . . .  Puisse  l'écho  de  ces  paroles  d'or  résonner  au  cœur  de  cha- 
cun des  membres  de  ce  Congrès,  afin  que.  d'une  voix  unanime  ils  agréent 
et  émettent  le  vœu  que,  selon  l'expression  du  Saint-Père,  "par  l'appui 


—  244  — 

des  Erêqiies.  le  itomhrc  des  Associulioiis  euciniristiques  s'aiigmenle  ",  et 
<|ue  rini  des  fruits  des  iiu mortelles  assises  sur  lesquelles  sont  fixés  en  ce 
moment  les  yeux  des  deux  mondes,  soit  l'érection  de  l'Association  de 
l'Adoration  perpétuelle  et  de  r(Euvre  des  églises  pauA'res  dans  tous  les 
diocèses  du  Canada. 


LES    SYMBOLES    EUCHARISTIQUES 

d'après  les  Monuments  de  Carthage. 

En  1886,  le  Cardinal  Lavigerie,  'archevêque  de  Cartha<ïe,  à  l'occasion 
de  rétablissement  do  l'Adoration  perpétuelle,  publiait  une  magnifique 
lettre  ])astorale  sur  l'histoire  du  dogme  et  du  culte  de  la  Sainte  Eucha- 
ristie dans  l'ancienne  Eglise  d'Afrique. 

Parmi  les  précieux  documents  dont  cette  siavante  étude  était  abon- 
damment nourrie,  l'éminent  Prélat  faisait  connaître  les  principaux 
symboles  eucharistiques  fournis  par  l'archéologie  chrétienne  de  Car- 
thage dont  il  était  le  fondateur. 

T^n  quart  de  siècle  après  la  publication  du  beau  travail  de  l'illustre 
Cardinal,  son  successeur  Mgr  Combes,  héritier  de  son  zèle,  a  désiré  voir 
cette  (puvre  complétée  d'après  nos  dernières  découvertes.  CV'tte  fois, 
c'est  à  l'occavsion  du  Congrès  Eucharistique  de  Montréal,  que  Sa  Gran- 
deur m'a  demandé  d'entreprendre  ce  travail,  mais  pour  le  conduire  à 
bonne  fin,  il  m'eût  fallu  passer  en  revue  des  centaines  de  monuments,  je 
])ourrais  dire  des  milliers,  et  pour  cela  des  loisirs  me  faisaient  défaut. 

Il  m'en  eût  cependant  coûté  beaucoup  de  ne  pouvoir  répondre  au  désir 
dont  m'honorait  Mgr  l'Archevêque.  Une  autre  raison  encore  me  pressait 
de  tenter  rimi)ossible  ])our  satisfaire  Sa  Grandeur,  c'est  que  le  Congrès 
Eucharistique  auquel  ce  travail  est  destiné  va  se  tenir  au  Canada,  dans 
cette  ville  de  Montréal  où,  missionnaire  d'Afrique,  conservant  mon  cos- 
tume arabe  de  Pèi-e  Blanc,  je  reçus,  il  y  a  35  ans,  pendant  tout  un  hiver, 
la  ])liis  sympathique  et  généreuse  hospitalité.  Jamais  je  n'oublierai 
l'accueil  que  nous  firent  le  saint  Evêque  Mgr  Bourget,  l'aimable  Mgr 
Eabi'e,  les  congrégations  religieuses,  le  clergé  et  les  fidèles  du  diocèse  de 
^Foiiti-éal.  lors(|ue  nous  leur  tendions  la  main  \)(n\v  le-s  (cuvres  aposto- 
li(|iics  du  Cardinal  Lavigerie. 

Le  souvenir  de  mon  séjour  au  Canada  m]est  demeuré  trop  cher  pour 
que  je  ne  saisisse  avec  un  vif  empi-essement  cette  occasion  providentielle 
de  dire  aux  Canadiens  toute  ma  l'ecoiinaissance  et  ma  fidèle  affection. 

Je  me  suis  donc  luis  à  l'œuvre  et  j'ai  été  heureux  de  consacrer  à  ce 
travail  le  peu  de  temps  dont  je  pouvais  disposer  durant  le  l)eau  mois  de 
Sacré-Cceuf. 

Ce  travail,  n'est  encoi-e  ([u'unc  ébauche.  Xoti'c  eiu|uête  faite  trop  pi'é- 
cipitamment  est  nécessiairenuMil  incom))lète.  Elle  suffira  cependant  à 
montrer  "quelle  place  le  Sainl-Saii'ciiieni  icnail  dans  l'esprit  et  dans  le 
cfpiir  "  des  chrétiens  d'Afriiiuc 


—  243  — 

Xos  collections  du  Muséi'  l.avigcrie  renfernieiit  quantité  de  }uonu- 
ments  olt'i'ant  des  synil)oles  eucharistiques.  Xous  eu  relevons  sur  le 
marbre,  sur  la  pierre,  sur  les  mosaïques  et  sur  les  terres  cuites  de  toute 
sorte:  carreaux,  plats,  lampes. 

(^ertains  sujets,  je  dois  le  faire  remaniuer.  offrent  jjlusieurs  sens  em- 
hlématiques.  Ainsi  telle  représentation  qui  symbolise  la  grâce  ou  le 
baptême,  peut  aussi  s'appliquer  à  TEucharistie,  source  de  miséricorde  et 
de  salut  où  selon  Texpression  de  la  PSienlieureuse  Margueiito-Marie, 
Tâme  se  lave  dans  le  précieux  sang  de  Jésus-Clirist.  (1)  Pour  y  recon- 
naître le  sens  eucharisti(iue.  il  faudra  tenir  compte  des  motifs  dont  ces 
sujets  sont  accompagnés. 

LES  MAKBIJES. 

La  découverte  de  plusieurs  basiliques  chrétiennes  à  Cartilage  a  con- 
sidérablement augmenté  dans  les  collections  du  Musée  Lavigerie  la  série 
des  symboles  eucharisti(]ues. 

Des  ruines  de  la  Basilica  Majoruin  qui  renferme  les  corps  de  sainte 
Perpétue  et  de  sainte  Félicité,  et  dans  laquelle  saint  Augustin  prêcha 
plusieurs  fois,  nos  fouilles  ont  exhumé  des  milliers  de  marbres  funé- 
raires. Malgré  la  rage  des  destructeurs  (jui  s'est  acharnée  sur  ces  mo- 
numents, j'ai  pu  y  reconnaître  bon  nombre  de  symboles  eucharisti(iues. 

Voici  les  principaux  : 

La  grappe  de  raisin  avec  épi  de  blé. 

Des  épis  disposés  en  couronne. 

Le  calice  d'où  émerge  une  croix  accostée  de  deux  ]ietits  cercles  et  sur- 
montée d'une  colombe. 

D'autres  marbres  portent  aussi  des  récipients  accompagnés  de  la  pahne 
ou  de  la  colombe. 

Dans  ces  diverses  représentations  il  est  facile  de  reconnaîti'e  l'emblème 
de  la  divine  f^ucharistie  sous  l'une  ou  l'autre  des  espèces  sacramentelles 
—  le  pain  et  le  vin.  Il  en  est  de  même  dans  une  scène  où.  au  premier 
plan  d'un  paysage,  emblème  sans  doute  du  paradis,  se  voit  une  fontaine 
au  milieu  de  laquelle  s'élève  une  vasque  en  forme  de  grand  calice  accom- 
pagnée d'arbres,  de  colondjes  et  de  Ijrebis. 

Xon  loin  de  la  Basilica  Majorum,  on  a  trouvé,  au  mois  d'août  1909, 
une  petite  plaque  de  marbre  blanc  portant  un  nom  cher  à  Carthage: 


I»  E  K  I^  E  T  A'  A 

IX     r  A  C  E 

et  sur  la  droite  de  cette  inscription,  a  été  gravée,  avec  une  brandio  de 
grenadier,  une  jolie  grappe  de  raisin,  symbole  eucharistique  qui  se  ren- 
contre d'ailleurs  fréquemment  sur  les  dalles  funéraires  de  Carthage.  Il 
serait  trop  long  de  citer  tous  les  exemples. 

(1)   Le  K^irnc  du  Ca'ur  dc.TC'sns.   l'nris,  Montmartre  1000.     T.  II.  y.   127. 


—  246  — 

On  peut  voir  dans  le  Musée  Lavigerie  un  curieux  fragment  de  chancel 
ou  fenestdla,  marbre  travaillé  à  jour  et  ayant  servi  de  clôture  soit  à  une 
chapelle,  soit  à  un  cihorium  ou  à  un  tabernacle.  Sur  le  bandeau  hori- 
zontal séparant  deux  rangées  de  baies  étroites  et  arrondies  au  sommet  (1) 
se  lit  le  premier  mot  d'ime  inscription  :  IKTHUS  avec  cette  particularité 
que  l'iota,  initial  du  mot  est  barré  de  façon  à  former  la  croix. 

IKTHUS 

Ici  nous  avons  en  toutes  lettres  avec  la  croix,  le  mot  grec  qui  signifie 
Poisson  et  avait  pour  les  chrétiens  le  sens  de  Jésus-Christ,  Fils  de  Dieu 
Sauveur.  Cette  fenestella  convenait  bien  au  lieu  où  Notre- Seigneur  de- 
meurait réellement  présent  dans  la  Sainte-Eucharistie;  Lui,  le  divin 
Poisson  adoré  par  les  Fidèles  que  Tertullien  appelle  les  pisciculi,  petits 
poissons. 

Lorsque  fut  construite,  il  y  a  quinze  ans,  par  les  Franciscaines  Mis- 
sionnaires de  Marie,  la  chapelle  de  sainte  Monique,  on  découvrit  une 
dalle  de  pierre  sur  laquelle  était  gravé  un  calice  entre  deux  colombes, 
symbole  eucharistique  bien  évident.  C'est  en  ce  lieu  qu'avait  été  établie 
dès  1886,  par  Son  Eminence  le  Cardinal  Lavigerie,  l'Adoration  perpé- 
tuelle du  Très  Saint-Sacrement. 

Dans  sa  lettre  sur  l'histoire  du  dogme  et  du  culte  de  la  Sainte  Eucha- 
ristie, écrite  à  cette  occasion,  le  Cardinal  Lavigerie  mentionne  d'abord 
comme  symbole  eucharistique  le  Bon  Pasteur  que  Tertullien  signale  sur 
les  calices,  pastor  quem  in  calice  depingis  (Lib.  de  Pudicit.  C.  X).  A 
Carthage,  dans  les  monuments  que  nous  avons  découverts,  nous  le  voyons 
souvent  figurer  soit  gravé  au  trait,  soit  plus  fréquemment  sculpté  en  re- 
lief sur  les  dalles  funéraires  et  sur  les  sarcophages.  Nous  y  remarquons 
aussi  le  vase  pectoral  ou  vase  à  lait  Mulitra  qui  rappelle  la  bouchée  de 
caillé  dont  parle  sainte  Perpétue  dans  sa  vision  et  qu'elle  reçut  les  mains 
jointes,  ce  qui  était  une  manière  de  faire  comprendre  qu'elle  avait  com- 
Tuunié.  De  là  vient  qu'on  a  voulu  voir  dans  la  Mulitra  un  symbole 
eucharistique. 

jSTos  marbres  de  Carthage  nous  ont  aussi  fourni  le  Poisson,  symbole 
dont  il  sera  parlé  plus  loin. 

En  dehors  de  Carthage  je  ne  citerai  que  quelques  exemples  de  sym- 
boles eucharistiques  gravés  ou  sculptés  sur  la  pierre.  A  Sidi-Abich,  près 
d'Enfîdaville,  on  a  découvert  une  basilique  dont  les  chapitaux  étaient 
ornés  d'un  calice  en  relief. 

Dans  la  même  région,  à  Herglah,  l'ancienne  ville  épiscopale  Houea 
Coelia,  je  me  souviens  d'avoir  vu,  il  y  a  une  trentaine  d'années,  une 
pierre  sculptée  portant  un  calice  accosté  do  deux  paons.  Du  calice  sort 
une  double  tige  dont  les  feuilles  et  les  fruits  sont  becquetés  par  des  co- 


(1)    Ces  baie^  ont  0  m.  08  de  large  et  0  m.  28  de  hauteur.     Les  lettres  de 
l'inscription  ont  0  m.  03. 


—  247  — 

lombes.  La  pierre  était  encastrée,  la  tête  en  bas,  dans  le  mur  d'une 
maison  arabe. 

La  même  représentation  symbolique  apparaît  à  Henehir-Kouki  (1) 
sur  une  pierre  offrant  deux  paons  qui  boivent  dans  un  calice  d'oii  sortent 
des  pampres. 

On  pourrait  multiplier  les  exemples. 


LES  mosaïques. 

Parmi  les  mosaïques  de  Cartilage  offrant  des  symboles  eucharistiques, 
une  des  plus  curieuses  se  voit  dans  la  salle  romaine  du  Musée  Lavigerie. 
Elle  provient  des  ruines  de  la  grande  basilique  Damonsel-Karita ,  où  elle 
recouvrait  une  tombe.  Des  deux  côtés  de  l'épitaphe  inscrite  dans  une 
couronne,  apparaissent  divers  s}Tnboles  eucharistiques.  C'est  d'abord 
un  grand  calice  à  anses,  puis  un  petit  calice  sans  anses,  à  pied  étroit 
accompagné  d'une  grappe  de  raisin  qui  ne  laisse  aucun  doute  sur  le  sens 
des  emblèmes  et,  détail  plus  particulièrement  intéressant,  se  voit  à  côté 
le  chalumeau  qui  servait  à  absorber  le  précieux  sang.  Ces  symboles 
eucharistiques  sont  complétés  par  deux  colombes. 

M.  Rohaut  de  Fleury,  dans  son  grand  ouvrage  :  La  Messe,  en  parlant 
de  l'usage  des  deux  calices  pour  la  célébration  du  saint  sacrifice,  signale 
notre  mosaïque  comme  un  monument  archéologique  d'une  importance 
capitale. 

Les  calices  sont  souvent  représentés  sur  les  mosaïques  chrétiennes  de 
Carthage,  même  en  dehors  des  dalles  funéraires.  En  1887,  je  vis  près 
de  Bordj-Djédid  une  mosaïque  offrant  un  calice  à  anses  dont  la  coupe 
était  marquée  d'une  croix  gammée,  c'est-à-dire  de  quatre  gamma  (  V  ) 
et  dont  l'orifice  semblait  montrer  des  pains. 

Sur  le  terrain  appelé  Bir-Ftouha,  emplacement  probable  du  martyre 
de  saint  Cyprien,  les  ruines  d'une  basilique  et  d'un  baptistère  nous  ont 
fourni  d'abord  une  mosaïque  ornée  de  poissons  disposés  par  quatre  en 
forme  de  croix,  la  tête  appliquée  à  un  petit  cercle. 

Le  même  sujet  se  retrouve  au  Musée  Lavigerie  sur  le  fond  intérieur 
d'une  poterie  d'argile.  On  y  voit  un  disque  formé  de  cercles  concentri- 
ques très  serrés,  au  nombre  de  13  ou  14,  le  plus  grand  ayant  43  milli- 
mètres de  diamètre.  Autour  de  ce  disque  de  la  forme  et  de  la  grandeur 
d'une  hostie,  aboutissent  les  têtes  de  cinq  poissons,  symboles  des  fidèles 
puisant  la  vie  et  la  force  dans  la  Sainte  Eucharistie. 

Une  autre  grande  mosaïque  de  la  même  basilique  était  décorée  de  nom- 
breux médaillons  renfermant  soit  un  oiseau,  soit  un  calice  à  deux 
anses,  soit  encore  un  calice  sans  anses,  dont  l'intérieur  do  couleur  rouge 
figurait  le  sang  du  divin  Agneau  immolé  par  amour  pour  nous.  Le  ca- 
lice rempli  de  sang  est  placé  sur  un  monticule  duquel  s'échappent  les 
quatre  sources  symboliques.  Un  cerf  et  une  biche.  em])lèmes  des  fidèles 
avides  de  puiser  la  grâce  dans  le  Sacrement  de  l'Eucharistie,  viennent 
s'y  désaltérer.     Le  sujet  se  termine  à  droite  et  à  gaucho,  par  une  palnio. 


1  )   Cagnat-Explorations.     3e  fasc.  )>.  28. 


—  24S  — 

-l'ai  reconnu  trois  varianti'S  de  cette  scène  synil)()li((ue  et  elle  devait  se 
répéter  un  plus  grand  nombre  de  fois  dans  rensend)le  de  la  mosaïque 
dont  la  dis])nsition  m'a  ]iaru  convenir  à  une  très  vaste  l)asiliqne  cir- 
culaire.   (1). 

Elle  renfermait  des  sépultures  et  la  toud)e  d'un  ])rêtr(>  y  était  ornée 
d'une  croix  dans  un  cercle  entre  deux  colombes. 


LES  LAMPES. 

Les  lampes  cli retiennes  sorties  des  niines  de  Cartilage  se  comptent  par 
milliers,  et  malgré  tout  ce  cjui  a  été  recueilli  jusqu'à  ce  jour,  le  sol  sur- 
tout dans  certains  endroits,  en  est  encore  rem])li. 

Souvent  ce  ne  sont  que  des  débris,  mais  les  débris  quand  ils  sont  nom- 
breux donnent  une  idée  plus  complète  de  l'abondance  incalculable  de  ces 
lampes. 

Des  lampes  intactes,  comme  des  lampes  réduites  en  morceaux,  il  me 
serait  aussi  dil'Hcile  d'apprécier  le  nombre  (pie  d'essayer  de  compter 
les  feuilles,  les  fleurs  ou  les  fruits  d'un  grand  arbre  en  plein  rapport. 
Parmi  ces  milliers  de  lani[)es  chrétiennes,  il  y  a  des  centaines  de  sujets 
et  de  variétés  de  sujets. 

Les  Missions  Cdtlioliqucs,  en  18<S0,  ont  donné  mon  premier  travail  sur 
les  lampes  chrétiennes.   (2) 

Plus  tard,  la  Rente  de  rArf  Clivétien  a  pul)lié  la  liste  des  diverses  re- 
présentations figurées  sur  nos  lampes  (3).  Cette  série  compte  près  d'un 
millier  de  numéros.  D'autres  listes  ont  été  données  dans  des  rapports 
sur  nos  fouilles.  Enfin,  il  me  reste  à  publier  un  choix  comprenant  une 
centaine  de  lampes  inédites.  Plusieurs  trouveront  place  dans  la  pré- 
sente notice. 

Parmi  ces  milliers  de  lampes  chrétiennes,  il  y  a  quantité  de  sujets 
divers,  et  si  certains  reviennent  souvent  absolument  identicpies  parce 
qu'ils  proviennent  du  môme  moule,  il  y  en  a  cpii  se  présentent  avec  un 
grand  nombre  de  variantes. 

Dans  ces  séries,  au  point  de  vue  eucharistique,  nous  n'aurons  que  l'em- 
barras du  choix.  Disons  d'abord  que  pour  les  premiers  chrétiens,  la 
lampe  elle-même  <pii  produit  et  répand  la  lumière  était  le  symbole  de 
Notrc-Seigneur  Jésus-Christ,  la  vraie  lumière  qui  est  venue  éclairer  le 
monde:  "  Erat  lit.r  vera  quœ  illuiiilnaf  omneiii  lioiiiineni  veniente)n  in 
hune  mundum."  (Joan.  1,  9).  Elle  était  aussi  un  symbole  eucharistique, 
car  Notre-Seigneur  est  le  Verbe  de  Dieu,  et  saint  Augustin  l'appelle 
Panis  CœlesUs  (Ps.  cx.41,  I). 

Xous  possédons  à  Cai'thage  des  lampes  qui  n'ont  d'autre  sujet  que 
plusieurs  poissons,  lions  ou  lièvres  emblèmes  des  âmes  qui  puisent  la 
lumière  avec  la  vie  et  la  force  dans  la  réception  de  l'adorable  sacrement. 


M)    Cf.     Inscriptions  clirétiennes,  Paris,  189ô,  p.  7 

(2)  Lampes  C'iiri'tiennes  de   Cartliufre.     Explications   dos   svmbolo?.     fi4   p.   et 
60  gr. 

(3)  Les  lampes  chrétiennes  de  Carthage.     Lille  1890. 


—  249  — 


DAXIEL  EXTEE  LES  LIOXS. 


Un  sujet  qui  revient  fréquemment  sur  nos  lampes  et  dans  lequel  il 
convient  de  reconnaître  un  syuibole  eucharistique,  est  la  scène  de  Daniel 
entre  les  liens  au  moment  où  le  prophète  Habacuc  lui  présente  le  paia 
miraculeux  qui  doit  le  soutenir  dans  son  épreuve  et  lui  tonserver  la  vie 
au  milieu  des  animaux  féroces. 


LE  POISSOX. 

L"n  des  principaux  et  des  plus  anciens  emblèmes  de  Jésus-Eucharistie 
est  le  Poi'sson. 

Les  Carthaginois,  surtout  ceux  ipii  étaient  cKorigine  phénicienne,  les 
Punici  christiuni,  comme  les  appelle  saint  Augustin,  devaient  avoir  une 
prédilection  pour  le  Poisson  employé  comme  symbole  de  Xotre-Seigneur. 
Beaucou]!  descendaient  des  Sidoniens,  comme  on  peut  s'en  convaincre 
par  nos  stèles  votives.  Or,  le  mot  Sidon,  au  rapport  de  l'historien 
Justin,  n'était  autre  que  le  mot  Poisson.  La  ville  phénicienne  portait 
ce  nom  à  cause  de  l'abondance  de  poissons  dans  les  eaux  (pii  la  baignaient. 
SIdoïKi  appellaveriint.  nain  piscem  FJioenices  Sidon  vacant.  (Liv. 
XVlII-3.) 

Aussi  voyons-nous  le  poisson  figurer  à  Carthage.  durant  la  période 
puniciue,  non  seulement  sur  les  stèles  votives,  mais  encore  sous  forme  de 
réci])ient,  ou  de  marque  de  potier  sur  les  terres  cuites  ou  encore  comme 
amulette. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  symbole  du  Poisson  fut  adopté  de  bonne  heure 
par  les  chrétiens  de  Carthage  pour  figurer  Xotre-Seigneur.  et  nous  le 
voyons  se  multiplier  à  foison  sur  nos  lampes  comme  symbole  de  Xotre- 
Seigneur  et  des  Fidèles.  Cet  usage  est  d'ailleurs  c(mforme  au  mot  bien 
connu  (le  Tertullien:  Xos  piscicnli  secunduin  IKTIHV  nostrum  Jesum 
Cliristum,Tious  sommes  de  petits  poissons  à  Timitation  de  notre  IKTIIUS. 
Jésus-Christ.  Un  grand  nombre  de  ]am])e3  chrétiennes  de  Carthage 
offre  le  Poisson  entouré  de  pisciculi  ou  petits  poissons. 

Le  sens  eucharisti(pie  n'est  pas  douteux.  Il  suffit  pour  s'en  con- 
vaincre de  s'en  rapporter  à  la  laineuse  inscription  (rAiitiin:  "  l'rmez  la 
douce  nourriture  du  Sauveur  des  Saints  —  Mangez  avidemcui  1  KTJIJ'V 
reçu  sur  vos  mains. 

C'était  de  cette  facjon,  la  main  drdite  croisée  sur  la  gauche.  (|ue  dans 
les  premiers  siècles  de  l'Eglise,  les  fidèles  recevaient  le  pain  consacré.  Ils 
se  communiaient  ensuite  eux-mêmes.  Sainte  Per{)étue  mentionne  cet 
usage  lors(|u'elle  écrit  de  la  Sainte  Eucharistie:  Accepi  junctis  uiauibus. 

Je  crois  à  j)eine  nécessaire  de  rajjpelcr  ici  que  le  mot  IKTHUS  est 
formé  des  initiales  des  mots:  lESOUS  XPTSTOS  THEOU  UIOS  SO- 
TEP.  Jésus-Christ,  Fils  de  Dieu.  Sauveur.  C'est  i)récisément  à  caus'i 
de  cette  signification  que  les  chrétiens  firent  du  Poisson  leur  signe  de 
reconnaissance,  leur  arcane  par  excellence,  et  cette  loi  du  secret,  vis-à-vis 
des  païens  fut  lidèleiniMil  observée  dan-;  l'Eglise  d'Afrique.  C'est  ce 
qui  explique  l'usage  si  général  qu'elle  fît  des  synd)oles. 


—  250  — 

Sur  nos  lampes,  riIvTHUS  ayant  la  fonne  de  dauphin  ou  de  toute 
autre  espèce  de  poisson,  quand  il  est  entouré  de  petits  poissons  {pisci- 
culi)  signifie  que  le  fidèle  se  nourrissant  de  la  Sainte  Eucharistie,  doit  re- 
produire en  lui  les  vertus  de  Jésus-Christ  selon  cette  parole  qui  est,  je 
crois,  de  saint  Grégoire  de  Nysse,  Christiamis  alter  Christus. 

Les  motifs  qui  entourent  le  Poisson  représentent  les  fidèles,  et  c'est 
ainsi  que  nous  voyons  riKTHUS  entouré,  non  seulement  de  pisciculi, 
mais  de  colombes,  de  lièvres,  symbolisant  les  âmes  qui  ont  horreur  du 
péché  et  en  fuient  l'occasion,  puis  entouré  de  croix,  de  cœurs,  de  palmes, 
de  fleurons,  de  feuilles  de  vigne,  d'ornements  en  forme  de  grappe,  ou 
de  forme  géométrique,  tels  que  disques,  carrés,  triangles,  losanges,  etc. 
Autant  d'éléments  dont  la  disposition  et  le  nombre  peuvent  offrir,  d'après 
les  œuvres  des  Pères  d'Afrique  et  en  particulier  de  saint  Augustin, 
ample  matière,  à  de  minutieuses  et  savantes  interprétations.  Si  jamais 
on  fait  une  édition  illustrée  des  œuvres  du  saint  évêque  d'Hippone  pres- 
que tous  les  sujets  de  nos  lampes  y  trouveront  place. 

ISTulle  part  cependant  le  sens  eucharistique  du  Poisson  n'apparaît  avec 
plus  d'évidence  que  sur  nos  lampes  où  il  figure  sur  l'orifice  d'un  calice. 

Le  Musée  Lavigerie  possède  plusieurs  exemplaires  de  lampes  avec  ce 
sujet  tout  à  fait  caractéristique. 

Voici  la  description  des  deux  dernières  lampes  au  Poisson  trouvées  à 
Cartilage  et  entrées  au  Musée  Lavigerie. 

Dans  la  première,  le  Poisson  est  représenté  nageant,  c'est-à-dire  plein 
de  vie,  entre  deux  petites  croix,  une  au-dessus  et  l'autre  au-dessous.  Au- 
tour du  Poisson  ainsi  accompagné  de  deux  croix,  figurent  six  pisciculi 
ou  petits  poissons. 

Dans  la  seconde,  le  Poisson  est  entouré  de  six  fleurons,  un  fleuron  cru- 
ciforme entre  deux  fleurons  en  forme  d'S  à  gauche;  et  au  côté  opposé  un 
fleuron  en  S  entre  deux  fleurons  cruciformes. 


LE  CALICE. 

Nous  avons  vu  plus  haut  l'usage  cité  par  Tertullien  de  peindre  le  Bon 
Pasteur  sur  les  calices  qui  servaient  au  divin  sacrifice,  nous  avons  vu  le 
calice  portant  Notre-Scigneur  Jésus-Christ  sous  la  forme  du  Poisson. 

Comment  maintenant  ne  pas  reconnaître  sur  nos  lampes  de  Carthage, 
un  sens  eucharistique  dans  le  calice  dont  l'orifice  est  rempli  de  petits 
ronds  figurant  des  pains;  dans  le  calice  au-dessus  duquel  se  tiennent 
deux  colombes  becquetant  une  grappe  de  raisin  ;  dans  le  calice  orné 
d'une  croix  latine  (1)  ou  d'une  rosace  en  forme  de  croix;  dans  le  calice 
accosté  de  deux  pisciculi  et  entouré  d'autres  motifs  parmi  lesquels  sont 
encore  deux  pisciculi,  avec  deux  cœurs,  deux  disques,  etc .  .  .  .  enfin  dans 
le  calice  où  se  désaltère  un  cerf,  application  du  premier  verset  du  psaume 
XLI  :  Quemadmodum,  desiderat  rervvs. . . . 

Voici  la  description  des  dernières  lampes  au  calice  entrées  au  Musée 
Lavigerie. 


n  )  Notes  archéologiques.     Lillo,  1894,  p.  29  avec  fig. 


—  251  — 

1.  Le  calice  surmonté  d'une  colombe  est  accosté  de  deux  brebis.  Au- 
tour: deux  oiseaux,  deux    poissons,  quatre  cœurs  et  deux  carrés. 

Au  revers,  cercles  concentriques. 

2.  Le  Calice. 

Autour  quatre  poissons,  quatre  cœurs,  quatre  carrés;  au  bout  douze 
motifs  disposés  symétriquement. 

Au  revers  sept  petits  fonds  disposés  en  forme  de  grappes. 

Le  calice  orné  extérieurement  d'une  croix. 

Autour  :  disques,  carrés  et  motifs  en  forme  de  V. 

L-e  calice  surmonté  d'une  croix  latine  entre  deux  palmes  ;  croix  et 
palmes  semblent  sortir  de  l'orifice. 

Autour:  fleurons  cruciformes,  cœurs  et  triangles. 

L'AGXEAU. 

Un  autre  symbole  eucharistique,  c'est  l'Agneau.  Jésus-Christ  est 
notre  agneau  pascal,  immolé  pour  nous  (Tert.  Contr..  Marc,  Liv.  Y.  ch. 
7). 

Sur  plusieurs  lampes  chrétiennes  il  apparaît  avec  buste  humain  por- 
tant la  croix.  Nous  le  voyons  aussi  placé  au-dessous  de  deux  croix  et 
encore,  ce  qui  est  plus  significatif,  surmonté  du  monogramme  du  Christ 
X  et  K  (X  KIST  OS)  dans  une  couronne  et  entouré  de  feuilles  de  vigne 
pour  indiquer,  comme  dit  le  Cardinal  Lavigerie,  '"  non  l'agneau  du  sa- 
crifice ancien  ou  celui  du  Calvaire,  mais  l'agneau  du  sacrifice  de  l'autel 
dont  la  vigne  donne  la  matière  et  dont  le  glaive  de  la  parole  fait  seul 
couler  le  sang."     {Lettre  pastorale,  p.  15.) 

Sur  une  autre  lampe  l'agneau  est  accosté  d'une  croix  et  entouré  de 
cœurs.  * 

Mais  le  plus  souvent  il  se  présente  accompagné  d'une  feuille  de  vigne, 
et  pour  confirmer  le  symbole  eucharistique,  on  le  voit  entouré,  soit  de 
médaillons  renfermant  chacun  un  agneau  la  tête  retournée  vers  une  croix 
qui  se  dresse  sur  sa  croupe  (il  y  a  de  ces  petits  médaillons  d'une  finesse 
presque  microscopique  (1);  soit  de  cœurs  renfermant  une  feuille  de 
vigne,  soit  encore  de  colombes,  de  croix,  de  palmes,  etc .  .  .  . 

LE  LIOX. 

On  sera  peut-être  étonné  qu'après  l'agneau,  symbole  eucharistique, 
nous  placions  ici  le  Lion,  Mais  saint  Augustin  nous  dit  que  ces  deux 
animaux  si  différents  représentent  Xotre-Seigneur.  Multa  diversa  sunt 
Léo  et  Agnus  et  tamen  utroque  sigtiificatur  Christus,  et  il  ajoute:  "Si 
l'Agneau  est  l'emblème  de  l'innocence  de  la  victime  divine,  le  Lion  est 
l'emblème  de  sa  force.  Christus  autem  et  innocens  est  ut  Agnus  et  for- 
tis  ut  Léo  (In  ps.  CVIII.  20).  Lorsque  sur  nos  lampes,  le  Lion  est  en- 
touré de  poissons,  de  colombes,  de  croix,  de  cœurs,  etc.,  je  pense  qu'il 


(1)  Désormais  nous  désignerons  ces  petits    médaillons  sous  la  simple  dénomi- 
nation de  médaillons  à  l'Agneau. 


—  252  — 

faut  reconnaître  l'intiMition  de  figui-cr  Xotre-Seip-nenr  dans  ]"y^]ucha- 
ri>tie. 

Une  de  nos  lampes  inédites  olîre  le  Lion  entouré  de  deux  di5i|ues.  et 
de  quatre  petits  lions  courant  chacun  vers  une  feuille  de  vigne. 

Ici  le  symbole  ne  peut  être  plus  clair.  Les  fidèles  ne  doivent-ils  pas, 
selon  le  langage  de  saint  Jean-Chrvsostôme,  sortir  du  banquet  sacré  sem- 
blables à  des  lions  respirant  la  Hamme  et  devenus  terribles  au  démon. 


LA  C'OLOMBE. 

La  Colombe  doit  être  aussi  classée  parmi  les  symboles  eueliaristiques. 
Christum  Columha  demonstrare  solita  est,  dit  TertuUien  (adv.  Avalent. 
c.  III).  Détail  curieux,  le  mot  grec  PEK  ISTEKA  qui  signifie  colombe, 
a  la  même  valeur  numérique  (801)  que  les  lettres  AI  plia  et  Oniega  par 
lesquelles  est  désignée  la  divinité  de  Jésus-Christ. 

La  colombe  est  donc  la  figure  de  Notre-Seigneur,  et  on  ne  peut  douter, 
ce  me  semble,  de  sa  signification  eucharistique,  lorsqu'on  la  voit  sur  nos 
lampes,  portant  au  bec  une  feuille  de  vigne  ou  une  grappe  de  raisin, 
remplacée  parfois  j)ar  la  croix  ou  un  fleuron  cruciforme. 

Il  en  est  de  même  quand  elle  se  montre  entourée  de  pisciculi,  de 
petites  colombes,  de  lièvres,  de  médaillons  à  l'Agneau  ou  disques,  de 
croix,  de  cœurs,  de  palmes,  etc .... 

Voici  la  description  d'une  lampe  à  la  colombe,  trouvée  récemment. 

La  colombe  est  accompagnée  d'un  fleuron  circulaire  renfermant  une 
croix.  Autour  se  voient  dix  motifs  en  forme  de  l)oucliers  du  genre  pelia 
alternés  avec  dix  fleurons. 

Plusieurs  de  nos  lampes  offrent  un  oiseau  sous  un  ])orti(iue  ou  taber- 
nacle, dans  l'attitude  de  la  souffrance  et  accompagné  d'une  palme.  On 
ne  saurait  mieux  figurer  la  divine  victime  de  nos  autels.  Nous  croyons 
y  reconnaître  le  Pélican  et  le  triomphe  des  humiliations  et  des  souf- 
frances de  Jésus-Cbrist.  Parmi  les  motifs  qui  entourent  ce  sujet,  nous 
trouvons  les  coloml)es,  les  médaillons  k  l'Agneau,  les  cœurs,  les  fleurons 
cruciformes. 

Une  de  nos  lam])es  porte  aussi  le  J^hénl.r  aceom]iagné  de  pisciculi. 


L'AKBRE  DE  VIE. 

L'Eucharistie  est  aussi  figurée  par  TArbre  (pic  j'appellci'ai  avec  Ori- 
gène,  l'Arbre  de  Vie.  ''Le  Christ  qui  est  la  vertu  de  Dieu,  la  sagesse 
de  Dieu,  est  aussi  l'Arbre  de  Vie  sur  lequel  nous  avons  été  entés."  (Mar- 
tigny,  Dict.  des  Ant.  chr.,  art.  Arbre.)  Quant  au  sens  eucharistique  de 
l'arbre,  quelle  que  soit  son  es])èce  ou  sa  forme,  nous  le  reconnaîtrons  aux 
motifs  dont  les  chrétiens  de  Carthage  l'accompagnaient. 

Voici  la  dcscri[)tion  d'une  lampe  inédite  (pii  ne  laisse  pas  de  doute  à 
ce  sujet. 

Elle  poite  le  Palmier.  D'un  ti-oiU'  droit  sortent  deux  groupes  de 
jjalmes  sur  lesquels  se  tiennent  deux   colondjes  affrontées,  ayant  entre 


—  253  — 

elles  im  petit  cercle  imprimé  en  creux.  A  droite  el  à  gauche  une  palme. 
Au  revers  de  cette  lampe,  le  potier  a  tracé  le  monogramme  du  Christ 
(X  et  E). 

Ici  l'intention  de  figurer  Xotre-Seigneur  par  l'Arbre  de  Yie  en  même 
temps  que  l'Eucharistie  paraît  manifeste.  En  tout  cas,  on  ne  peut 
douter  c[ue  l'auteur  de  cette  lampe  n'ait,  en  la  façonnant,  pensé  à  Jésus- 
Christ,  puisqu'il  l'a  marquée  du  monogramme  sacré. 

C'est  le  même  sens  ({u'il  convient  de  donner  à  l'arbre  accosté  d'un 
lièvre  et  d'une  colombe. 

Xous  avons  dans  ce  sujet,  à  côté  de  l'arbre  de  vie,  le  symbole  du  fidèle 
prompt  à  fuir  le  péché  et  l'emblème  de  l'innocence,  conservée  ou  recou- 
vrée, nécessaire  pour  se  présenter  au  banquet  eucharistique. 

Mais  parmi  les  arbres  et  les  arbustes,  parmi  tous  les  végétaux,  le  s^^n- 
bole  le  plus  caractéristique  de  l'Eucharistie,  est  la  Vigne.  Xotre- 
Seigneur  est  appelé  vigne,  dit  saint  Augustin,  tout  comme  il  est  appelé 
brebis,  agneau,  lion,  pierre  angulaire,  etc.  .  .  Dicitur  Doniinus  vilis  per 
similitudinem  quemadmodum  dicitur  ovis,  agnus,  Ico,  petra,  lapis  angii- 
laris,  et  cetera.  {Tract.  LXXX^  in  Joan-1). 

Un  sujet  qui  revient  assez  souvent  sur  nos  lampes  de  Carthage  est 
celui  de  deux  Hél)reux  rapportant  de  la  Terre  Promise  l'énorme  grappe 
de  raisin.  Xous  le  rencontrons  même  entouré  de  pampres  pour  en 
accentuer  le  sens  eucharistique.  Bien  des  textes  de  saint  Augustin  pour- 
raient être  cités:  En  voici  deux:  "  Dictiis  est  enim  Dominus  Botriis 
uvae."  (In.  ps.  YIII,  2).  Primas  Boiras  in  torcahtri  pressas  Christas 
e^t  (In  ps.  LV,  4). 

Deux  lampes  de  notre  collection  portent  comme  sujet  principal  la 
feuille  de  vigne  et  sur  l'une  la  feuille  de  vigne  est  accompagnée  d'un 
lièvre.  Autour  se  voient  d'une  part  dix  fleurons  et  d'autre  part  quatre 
feuilles  de  vigne  alternées  avec  six  disques. 

LE  MOXOGKAMME  DF  CHRIST. 


Les  différentes  sortes  de  monogrammes  du  Christ  doivent  aussi  parfois 
représenter  Xotre-Seigneur  dans  l'Eucharistie.  Le  monogramme  du 
Christ,  soit  qu'il  se  présente  sous  la  forme  de  six  rayons  équidistants, 
c'est-à-dire  formé  de^  lettres  iôta  et  Khi-I  et  X,  initiales  des  deux  mots 
lESOrS  XKISTOS.  ou  bien  sous  la  même  forme  avec  I  transformé  en 
rhô  (K)'  on  t'ncore  S')us  hi  forme  de  croix  conservant  la  boucle  du  rhô.  a 
souvent  un  sens  eucharistique  (|ui  se  l'ecounaît  surtout  lorsqu'il  est  en- 
touré de  colombes,  de  piscicali,  de  médaillons  à  l'Agneau,  de  lièvres,  de 
calices,  de  fleurons  cruciformes,  de  cipurs,  de  feuilles  de  vigue,  de  croix, 
de  palmes,  etc. 

Sur  une  de  nos  lampes,  le  monogranune  constant inien  (X  et  P)  esr 
acc()m])agné  d'une  grappe  de  raisin,  sur  ])lusieurs  autres,  la  croix  mono- 
grammatique  est  ornée  intériourenu-nt  des  médaillons  à  l'Agneau  et  dans 
ce  cas,  c'est  la  divine  victime  immolée  pour  nous  qui  est  figurée. 


—  254 


LA  CEOIX. 


Nous  pouvons  eu  dire  autant  de  la  croix. 

Xos  lampes  de  Cartilage  offrent  une  variété  sans  nombre  de  représen- 
tations de  l'instrument  sacré  de  notre  salut.  Il  y  aurait  un  magnifique 
album  à  faire  avec  les  diverses  sortes  de  croix  —  les  unes  fort  simples, 
les  autres  paltées  et  gammées  que  différents  moules  ont  imprimés  sur  nos 
lampes. 

Fréquemment  la  croix  figure  en  honneur  sous  une  sorte  d'arc  de 
triomphe  ou  de  tabernacle.  On  la  voit  portant  une  colombe,  symbole  de 
Notre-Seigneur  Jésus-Christ.  On  la  trouve  aussi  accostée  des  deux 
lettres  Alpha  et  Oméga  dont  la  valeur  numérique,  comme  je  l'ai  dit  plus 
haut,  est  égale  à  celle  du  mot  PERISTEEA  qui  signifie  Colombe.  Le 
plus  souvent  la  croix  a  des  bras  larges  et  paltés,  dont  le  champ  se  rem- 
plit d'une  grande  variété  de  motifs  ou  de  symboles. 

Parmi  les  croix  de  cette  forme,  il  convient  de  signaler  tout  spéciale- 
ment la  croix  ornée  de  médaillons  à  l'Agneau  et  la  croix  toute  remplie 
de  grappes  de  raisin.  Lorsque  je  vois  la  croix  ainsi  décorée  d'agneaux  ou 
du  fruit  de  la  vigne,  je  ne  puis  la  désigner  sous  un  autre  nom  que  celui 
de  Croix  Eucharistique.  L'Eglise  n'invoque-t-elle  pas  ISTotre-Seigneur, 
avant  la  communion  sous  ce  titre  d'Agneau  de  Dieu  qui,  victime 
d'amour,  s'est  immolé  pour  notre  salut  ?  D'autre  part,  Jésus-Christ  n'a- 
t-il  pas  dit  de  lui-même:  Ego  sum  vitis  vera,  je  suis  la  vraie  vigne? 

On  peut  appliquer  à  la  vigne  des  croix  de  nos  lampes  ce  mot  très  an- 
cien puisqu'on  l'avait  attribué  à  saint  Cyprien  :  Ista  beata  vitis  a  Christi 
stipite  surgens,  cette  bienheureuse  vigne  surgissant  de  la  croix.  (Marti- 
gny,  art.  vigne) . 

La  croix  eucharistique  se  montre  entourée  de  poissons,  de  colombes,  de 
calices,  de  croix,  de  monogrammes  et  de  cœurs. 

Une  des  plus  belles  lampes  du  Musée  Lavigerie,  longue  de  dix-huit 
centimètres  et  large  de  douze,  porte  une  belle  croix  paltée  dont  le  centre 
est  orné  d'une  petite  croix  de  la  forme  de  celle  de  Malte,  et  tout  le  reste 
du  champ  est  rempli  de  grappes  de  raisin.  Cette  croix  eucharistique 
est  accostée  de  deux  colombes  et  entourée  de  six  cœurs.  Au  revers  le 
potier  a  imprimé  six  doubles  cercles  qu'il  a  eu  soin  de  disposer  en  forme 
de  grappe   triangulaire  et  il  y  a  là  encore  un   symbole  qui  confirme  les 


autres. 


EPILOGUE. 


Nous  aurions  encore  à  passer  en  revue  les  carreaux  d'argile  et  les 
fonds  de  plats.  La  description  de  ces  derniers  nous  fournirait  l'occasion 
de  dire  un  mot  de  la  représentation  du  cœur  dans  l'iconographie  chré- 
tienne. On  aura  sans  doute  été  frappé  du  nombre  de  fois  que  le  cœur 
apparaît  parmi  les  motifs  symboliques  entourant  sur  nos  lampes  le  sujet 
principal,  emblème  de  Notre-Seigneur.  Nous  l'avons  vu  renfermant  la 
feuille  de  vigne.  Nous  le  verrions  sur  les  plats  de  terre  rouge,  tantôt 
renfermant  sous  diverses  formes  le  monogramme  du  Christ,  tantôt  ren- 
fermant la  croix  elle-même. 


—  255  — 

Il  y  a  là  un  problème  nouveau  à  étudier.  La  représentation  du  cœur 
de  Jésus  dont  on  connaît  déjà  un  exemple  indubitable  pour  le  XlVe 
siècle  (1)  ne  pourrait-elle  pas  être  plus  ancienne? 

En  tous  cas,  j'aurais  plaisir  à  grouper  les  monuments  que  j'ai  trouvés 
et  qui  peuvent  jeter  quelque  rayon  de  lumière  sur  cette  question.  Des 
descriptions  exactes  confinnées  par  des  desseins  fidèles  permettraient  de 
voir  quelle  conclusion  en  tirer. 

Mais  il  a  fallu  nous  borner.  Toutefois,  le  présent  travail  sur  les  sym- 
boles eucharistiques  de  Carthage,  rédigé  à  la  hâte  et  tout  incomplet  qu'il 
est,  suffit  à  donner  une  idée  de  la  quantité  et  de  la  grande  variété  de  ces 
symboles,  et  à  prouver  une  fois  de  plus  quelle  place  occupait  la  divine 
victime  de  nos  autels  dans  l'esprit  et  le  cœur  des  chrétiens  d'Afrique  (2). 


* 

* 


Au  coup  de  midi,  le  président  lève  la  séance,  en  se  faisant 
l'interprète  des  sentiments  de  l'auditoire  pour  remercier  les 
distingués  rapporteurs  qui  ont  dit  des  choses  si  remplies  d'in- 
térêt. 


§  2°   AU  MONUMENT  NATIONAL 


Cette  séance  devait  être  consacrée  à  des  études  générales 
de  la  plus  haute  importance  sur  le  Mvstère  Eucharistique. 

C'est  S.  G.  Monseigneur  Heylen,  Evêque  de  Xamur.  qui  pré- 
side la  séance. 

Aux  côtés  de  Mgr  le  Président  sont  assis  Mgr  Odelin,  vi- 
caire général  de  Paris,  et  le  R.  P.  Galtier,*des  Pères  du  T.  S. 
Sacrement,  Secrétaire  du  Comité  des  Travaux. 


(  1  )   Le  règne  du  Cœur  de  Jésus.     2e  éd.  T.  IV,  p.  464. 

(2)   Lettre  pastorale  du  Cardinal  Lavigerie  sur  l'Eucharistie,  p.  13. 


250  — 


Le  A*.  P.  GaUicr,  Père  du  T.  S.  Sacrement,  et  secrétaire  de 
la  séance,  se  lève  le  premier  et  lit  le  travail  suivant. 


APERÇU  DU  MOUVEMENT  EUCHARISTIQUE  DANS 
LE  MONDE  ET  AU  CANADA 


Dès  le  (lél)ul  de  ce  XXie  Congrès  Eueliaristique,  le  premier  qui  se 
tienne  dans  ees  pays  d'Amérique  si  éloignés  des  régions  où  ils  sont  nés 
et  où,  jusqu'à  ce  jour,  ils  ont  tenu  leurs  assises,  il  a  ])aru  utile,  sinon 
nécessaire,  de  consacrer  la  première  étude  de  nos  réunions  de  travail  à 
préparer  un  champ  propice  aux  délibérations  qui  vont  suivre,  en  éclai- 
rant les  esprits  sur  le  véritable  état  de  la  dévotion  eucharistique  dans  le 
monde  et  en  particulier  au  Canada,  à  l'heure  actuelle.  C'est  le  travail 
(jue  Ton  a  bien  voulu  me  confier.  Puis-je.  en  le  traitant,  ne  pas  tromper 
votre  attente  et  réussir  à  vous  intéresser. 

I  —  Le  Mouvement  Eucharistique  dans  le  Monde. 

Si  l'on  étudie  attentivement  l'histoire  religieuse  des  temps  modernes 
(et  par  là,  j'entends  surtout  la  dernière  moitié  du  XIXe  siècle  passé,  et 
une  partie  de  notre  XXe  siècle  actuel),  l'on  est  frappé  d'une  chose,  c'est 
que  cette  époque,  qui  s'est  signalée,  dans  toutes  les  branches  de  l'activité 
humaine  et  du  domaine  religieux,  par  une  magnifique  effloraison  d'œu- 
vres  de  toute  sorte,  s'est  aussi  distinguée  par  un  si  puissant  mouvement 
des  âmes  vers  l'Eucharistie,  que  l'on  a  pu,  en  toute  vérité,  appeler  notre 
siècle,  une  époque  eucharistique. 

Et  quand  j'appelle  ainsi  notre  temps  un  siècle  eucharistique  je  ne 
prétends  nulh'ment  faire  entendre  que  l'Eglise  ait  attendu  le  XIXe 
siècle  pour  honorer  l'Eucharistie  et  en  exploiter  les  immenses  richesses. 

Xon  certes  ! —  A  toutes  les  époques  de  son  histoire,  et  dès  les  premières 
années  de  son  existence,  l'Eglise  a  compris  que  l'Eucharistie  était  le 
centre  de  sa  vie,  le  Mystère  fondamental  de  son  culte  le  grand  foyer  de 
sa  force,  le  grand  Don  qui  lui  était  confié  par  son  divin  Fondateur,  et 
elle  lui  a  toujours  payé  le  tribut  de  son  adoration,  de  sa  reconnaissance 
et  de  son  amour. 

Et  j)ourtant  si  je  (•f)mpare  notre  siècle  à  ceux  (pii  l'ont  i)réc'édé.  je  ne 
puis  m'empécher  d'y  constater,  d'une  part,  une  telle  gloi'ification  de 
l'Eucharistie  par  l'Eglise  par  des  moyens  si  nouveaux  et  si  nombreux, 
et,  d'autre  part,  un  te!  mouvement  des  âmes  vers  ce  Sacrement  de  vie, 
qiU'  notre  époque  m'apiJîii'aît  comme  une  Epoque  fïiiinrmwpul  ciirlinris- 
tique. 

Et  par  là,  entendons  une  épocpie  échiirée  par  une  affiniuition  plus  écla- 
tante, plus  solennelle  et  ])\\\^  universelle  de  la  présence  de  Jésus  au  Saint- 
Sacrement:  —  une  épo(jue  oii  l'Eucharistie  a  été  plus  manifestée,  plus 
adorée,  plus  reçue  et  a  pris  dans  la  vie  chrétienne  une  place  prépomlé- 


Le  ComitI^;  dks  Tkavai  x. 
thk  c'ommittek  ox  e.s.says. 


—  257  — 

rante;  —  une  époque  où  les  Œuvres  eucharistiques  se  sont  le  plus  déve- 
loppées et  épanouies. 

A  vrai  dire,  ce  renouvellement  de  la  Dévotion  au  plus  grand  des  Mys- 
tères, qui  a  marqué  notre  siècle,  a  son  point  de  départ  plus  haut  :  j'aime 
à  en  saluer  l'aurore  dans  la  Révélation  du  Sacré-Cœur  de  Jésus  à  Parav  ; 
vous  savez  dans  quelles  circonstances. 

Et  pourtant,  mes  Frères,  il  était  dit  que  cette  manifestation  eucharis- 
tique, commencée  à  Paray,  devait  attendre  notre  siècle  pour  se  dévelop- 
per et  atteindre  son  épanouissement. 

Le  XVIIIe  siècle  devait  passer  sur  le  Eévélation  du  Sacré-Cœur,  l'en- 
sevelissant, pour  ainsi  dire,  sous  la  pierre  du  silence  le  plus  glacial,  dans 
le  tombeau  de  l'oubli  le  plus  profond;  l'éclat  qui  avait  brillé  un  instant 
autour  du  tabernacle  allait  s'éteindre  dans  une  obscurité  plus  profonde 
encore;  et  le  siècle  du  Philosophisme  incrédule  allait  succéder  au  siècle 
de  l'hérésie  Protestante  et  Janséniste,  pour  aboutir  enfin  au  règne  de 
l'impiété  triomphante  et  de  la  Eévolution. 

Le  XIXe  siècle  s'était  ouvert  sous  un  double  souffle:  au  dehors  de 
l'Eglise,  dans  la  société,  un  souffle  d'incrédulité,  d'irréligion  et  d'immo- 
ralité, fruit  de  la  Eévolution;  au  dedans  de  l'Eglise,  un  souffle  d'indiffé- 
rence et  de  froideur,  reste  vivace  du  Jansénisme,  se  traduisant  par  un 
culte  triste  et  froid,  des  Sacrements  peu  fréquentés,  une  Table  Sainte 
abandonnée,  des  autels  désertés  et  un  tarissement  presque  complet  des 
Œuvres  de  la  piété  et  de  l'apostolat. 

Et  voici,  que,  à  l'inverse  de  ce  mouvement  d'irréligion  ou  d'indiffé- 
rence, se  dessine  peu  à  peu  dans  l'Eglise  un  puissant  et  magnifique  cou- 
rant de  foi,  de  charité,  et  d'apostolat  ;  il  se  produit  une  renaissance  de 
la  vie  chrétienne  dans  les  âmes,  se  manifestant  par  une  admirable  efflo- 
raison  d'Œuvres  de  toute  sorte,  telle  que  n'en  avait  peut-être  point  vu  les 
âges  précédents  :  Congrégations  religieuses,  Apostolat  des  missions,  Asso- 
ciations charitables  et  sociales,  et  toutes  ces  œuvres  innombrables  au 
sujet  desquelles  on  a  pu  dire,  qu'il  n'est  pas  resté,  dans  notre  siècle,  un 
besoin  des  âmes  qui  n'ait  été  satisfait,  ni  une  misère  qui  n'ait  été  se- 
courue. 

Or,  si  nous  cherchons  à  savoir  où  ce  puissant  renouveau  de  la  vie 
chrétienne  a  pris  son  origine,  de  quelle  source  il  est  sorti,  nous  ne  tar- 
dons pas  à  nous  apercevoir  qu'il  est  contemporain  d'un  retour  très 
accentué  de  la  piété  chrétienne  vers  le  grand  Sacrement  de  la  Piété,  vers 
le  Sacrement  d'où  dérive  toute  vie  pour  l'Eglise  et  pour  les  âmes:  vers 
l'Eucharistie. 

C'est  dans  ce  culte  du  Cœur  de  Jésus  cherché,  adoré,  honoré  au  Très 
Saint-Sacrement,  que  les  âmes  fidèles  sont  venues  de  plus  en  ])his  re- 
tremper leur  foi,  embraser  leurs  ardeurs  et  puiser  une  vie  abondante. 

Ainsi,  la  dévotion  au  Saint-Sacromont  semble  bien  avoir  été.  aux  mains 
de  la  Providence,  l'instrument  dont  Dieu  s'csi  servi  pour  renouveler  la 
vie  chrétienne  et  raviver  la  piété  dans  l'Eglise. 

Et  c'est  pour  ce  motif  que  je  salue  dans  le  siècle  actuel,  l'Ere  eucha- 
ristique par  excellence,  annoncée  et  promise  par  le  divin  Cœnr  à  Parav. 
9 


—  258  — 

L'Ere  eucharistique!...  ah!  voyez  donc,  mes  Frères,  si  elle  ne  Test 
pas  notre  époque,  plus  encore,  j'ose  le  dire,  qu'aucun  des  siècles  qui  l'ont 
précédée  ! 

Je  ne  puis  rentrer  présentement  dans  tout  le  détail  des  Œuvres  innom- 
brables que  le  siècle  dernier  a  vu  surgir  en  l'honneur  du  Très  Saint-Sa- 
crement, mais  un  regard  d'ensemble  vous  convaincra  de  la  vérité  de  mon 
assertion. 

Ce  siècle  a  vu  l'Exposition  du  Très  Saint-Sacrement,  si  rare  jadis,  de- 
venir de  plus  en  plus  fréquente,  et  se  répandre  partout.  L'institution 
des  Quarante-Heures,  cette  sorte  de  Fête-Dieu  perpétuelle,  dont  le  signal 
est  parti  de  Kome  au  seizième  siècle,  a  attendu  pour  ainsi  dire  notre 
siècle,  pour  prendre  des  développements  inespérés  et  se  répandre  dans 
presque  tous  les  diocèses  de  l'univers.  —  La  salutaire  pratique  de  VHeure 
Sainte,  inspirée  il  y  a  deux  siècles  et  demi,  par  le  Sacré-Cœur  à  la  Bien- 
heureuse Marguerite-Marie,  est  entrée  décidément  dans  les  habitudes  de 
la  vie  chrétienne.  —  ïj'Adorationj  diurne  et  nocturne,  s'est  établie  un 
peu  partout,  groupant  autour  de  l'Hostie  des  Gardes  d'Honneur,  des 
Confréries,  des  phalanges  vaillantes  et  dévouées,  surtout  au  sein  de  nos 
grandes  cités.  L'Adoration  Réparatrice  s'est  établie  en  divers  lieux 
pour  répondre  à  un  des  grands  besoins  de  l'époque  actuelle,  tantôt  con- 
voquant toutes  les  nations  aux  pieds  de  l'Hostie  outragée,  comme  dans 
le  sanctuaire  érigé  par  Léon  XIII  à  Rome,  et  tantôt  se  donnant  pour  but 
de  réparer  les  crimes  d'un  peuple  en  particulier,  comme  à  Montmartre, 
en  France.  —  Des  Instituts  Religieux  sont  fondés,  plus  nombreux  qu'en 
aucun  autre  siècle,  avec  la  fin  unique  ou  du  moins  principale,  de  glorifier, 
d'honorer  le  Mystère  Eucharistique  par  l'adoration  ou  par  l'apostolat. 
Du  côté  des  femmes,  ces  congrégations  religieuses  ne  se  comptent  déjà 
plus. 

Parallèlement  aux  Œuvres  d'adoration  et  de  glorification  de  l'Eucha- 
ristie, nous  avons  assisté,  en  nos  temps,  à  un  puissant  retour  des  âmes 
vers  Ja  Sainte  Communion. 

Ce  mouvement  a  commencé  à  se  dessiner  vers  le  milieu  du  siècle  der- 
niier  où  l'on  vit  des  hommes  comme  Montalembert,  Ozanam,  Cortès, 
Daniel  O'Connell,  Veuillot,  Marceau,  Sonis,  et  bien  d'autres,  s'appro- 
cher de  la  Table  Sainte,  jusque-là  presque  déserte  et  y  entraîner  de  nom- 
breux imitateurs.  Le  mouvement  ne  s'est  plus  arrêté  depuis,  et  comme 
une  vague  de  fond  venue  du  large,  il  s'est  fortifié,  accru  et  grossi  sans 
cesse,  pour  aboutir  enfin  au  geste  magistral  de  Pie  X,  montrant  la  Table 
Sainte  à  tous  les  chrétiens  et  leur  disant  :  "  Allez-y  tous,  et  souvent." 

Aussi,  avons-nous  vu,  à  notre  époque,  des  Œuvres  comme  la  Cammu- 
nion  Réparatrice,  la  Communion  des  Premiers  Vendredis  du  Mois,  la 
Communion  Hebdomadaire  s'établir  partout.  Nous  avons  vu  des  mul- 
titudes de  fidèles,  des  bataillons  d'hommes,  de  véritables  armées,  se  pré- 
cipiter à  la  Table  Sainte  aux  jours  des  Communions  pascales,  à  certaines 
solennités,  et  dans  les  sanctuaires  célèbres  où  elles  venaient  en  pèleri- 
nage. Nous  avons  vu  les  Œ^uvres  de  la  Jeunesse,  les  Conférences  de 
Saint-Vincent  de  Paul,  les  Cercles  Catholiques,  en  un  mot  toutes  les 
Associations  chrétiennes,  donner  un  contingent  de  plus  en  plus  nom- 
breux de  convives  au  Banquet  sacré. 


—  259  — 

Que  dis-je?  Xotre  siècle  a  vu  et  voit  encore  (et  cela  est  symptoma- 
tique  au  plus  haut  point),  le  plus  grand  pèlerinage  des  temps  modernes, 
le  plus  fréquenté,  le  plus  célèbre,  LOUKDES,  devenir  un  pèlerinage 
eucharistique,  et  une  glorification  sans  pareille  du  Très  Saint-Sacrement. 
La  terre  de  Lourdes  n'est-elle  pas  désormais  la  terre  du  Saint-Sacre- 
ment, celle  où  le  Christ  Eucharistique  est  plus  manifesté,  plus  adoré, 
plus  reçu,  plus  glorifié  que  jamais  il  ne  l'a  été  au  cours  des  âges  ? 

Mais  parmi  toutes  les  Œuvres  qu'a  fait  surgir  le  puissant  mouvement 
eucharistique  de  l'heure  présente,  il  en  est  une  qui  brille  entre  toutes  les 
autres  d"un  plus  vif  éclat  et  qui  démontre  bien,  aux  yeux  les  moins  pers- 
picaces, le  caractère  eucharistique  de  l'heure  actuelle;  c'est  TŒuvre  des 
Congrès  Eucharistiques. 

Qui  ne  connaît  cette  magnifique  institution,  l'une  des  plus  belles,  des 
plus  florissantes  et  des  plus  fécondes  qu'ait  fait  surgir  dans  l'Eglise  l'ac- 
tivité religieu&e  des  temps  modernes? 

iJ-ins  les  trente  années  de  leur  courte  existence,  ces  Congrès  ont  par- 
couru une  partie  de  l'univers  et  tenu  leurs  assises  solennelles  dans  les 
villes  les  plus  illustres.  On  les  a  vus,  comme  dans  une  course  triomphale, 
promener  le  Eoi  de  l'Hostie  à  travers  le  monde,  lui  dresser  des  trônes 
dans  les  plus  grandes  capitales,  et  convoquer  tous  les  peuples  à  la  glori- 
fication du  Christ  Eucharistie.  Hier  c'était  la  France,  la  Belgique, 
l'Italie,  l'Angleterre,  l'Allemagne;  aujourd'hui,  c'est  l'Amérique;  de- 
main ce  sera  l'Espagne,  l'Autriche,  l'Afrique  et  d'autres  pays  encore; 
car  le  mouvement  ne  s'arrêtera  pas  en  si  belle  voie. 

Oh  !  n'est-ce  pas.  Messieurs,  que  le  XIXe  siècle  a  bien  été  un  sièclfr 
eucharistique  ? 

Et  pourtant  il  me  semble  que  le  XXe  siècle  le  sera  plus  encore  et  que 
scion  toute  apparence,  il  assistera  à  une  glorification  incomparable  de 
l'E'ucharistie. 

Car,  ce  n'est  qu'au  cours  du  nouveau  siècle  que  nous  verrons  l'épa- 
nouissement complet  de  la  dévotion  au  Saint-Sacrement,  en  même  temps 
que  se  tireront  les  dernières  et  les  plus  terribles  conséquences  des  prin- 
cipes funestes  de  la  Révolution  anti-chrétienne. 

C'est  alors  qu'en  face  de  l'excès  du  mal  apparaîtra,  comme  l'a  promis 
le  Sacré-Cœur,  le  Grand  Remède,  le  Grand  Moyen  de  Salut  ! 

Ce  siècle  a  commencé  par  un  hommage  solennel  au  Saint-Sacrement. 
A  l'heure  où  sonnait  son  premier  minuit,  des  milliers  de  prêtres,  sur 
tous  les  points  du  monde,  montaient  à  l'autel  pour  consacrer  à  Dieu^ 
avec  la  Victime  eucharistique,  l'aurore  des  temps  nouveaux;  et  le  XXe 
siècle  naissant,  baptisé  pour  ainsi  dire  dans  le  sang  précieux  de  Jésus- 
Christ,  est  apparu  dès  la  première  heure,  spectacle  unique  dans  l'his- 
toire des  siècles  passés,  comme  un  siècle  eucharistique. 

Depuis  ce  premier  jour,  que  d'événements  religieux  de  la  plus  liaute 
importance  sont  venus  confirmer  ce  caractère  particulier  de  notre 
époque  !  En  aucun  temps,  l'Eglise  semble  n'avoir  multiplié  les  Actes  en 
riionneur  du  Très  Saint-Sacromont,  et  favorisé  la  dévotion  eucharis- 
tique, autant  qu'en  ces  temps  derniers. 

Plus  que  jamais,  l'Eucharistie  devient  le  foyer  où  s'alimente  la  vie 


—  260  — 

chrétienne,  le  centre  vers  lequel  convergent  tontes  les  âmes  et  autour  du- 
quel gravitent  toutes  les  dévotions. 

Aussi,  est-ce   avec   conviction  que    je    salue  le    XXe  siècle  comme  le 
siècle  de  l'Eucharistie  ! 


II  —  Au  Canada. 

Dans  ce  mouvement  eucharistique  contemporain  qui,  grâce  aux  Con- 
gre;; Eucharistiques,  grâce  surtout  à  l'action  persévérante  des  Papes, 
s'étend  de  plus  en  plus  dans  le  monde  entier,  quelle  a  été  la  part  du  Ca 
nada?  Il  est  légitime  de  nous  le  demander.  Un  regard  attentif,  mais 
rapide,  sur  ces  dernières  années  nous  le  dira. 

Je  n'ai  pas  à  vous  démontrer  ici  que  le  Canada  catholique  (son  his- 
toire en  fait  foi),  est  une  terre  eucharistique. 

Baptisé  dès  sa  naissance  par  ses  premiers  pionniers,  qui  furent  des 
missionnaires  du  Christ;  grandi  à  l'ombre  des  autels  de  l'Eucharistie, 
qu'il  sut,  au  besoin,  défendre  vaillamment;  groupant  toujours,  au  cours 
de  son  évolution  trois  fois  séculaire,  ses  villes  et  ses  villages  autour  d'un 
clocher  et  d'un  tabernacle  ;  le  peuple  canadien  est  demeuré  non  seulement 
croyant  mais  aussi  dévot  à  l'Eucharistie. 

On  peut  dire  que  la  foi  de  notre  peuple  au  Sacrement  de  l'Autel  est 
demeurée  vive  et  profonde,  et  que  ce  Mystère  a  toujours  été  le  grand 
objectif  de  sa  vie  religieuse;  témoin  cette  Fête-Dieu  qui  est  vraiment 
restée  la  fête  populaire  des  Canadiens  et  ces  Pâques  annuelles  qui  ont 
toujours  été  jusqu'ici,  grâce  à  Dieu,  une  fête  de  vie  pour  la  grande  masse 
de  notre  peuple  croyant. 

Je  ne  m'attarderai  pas  à  vous  faire  l'histoire  eucharistique  du  Canada. 
Un  érudit  de  la  plus  haute  compétence  le  fait,  aujourd'hui  même,  dans 
une  des  réunions  de  ce  Congrès. 

Je  ne  veux,  pour  m'en  tenir  aux  limites  de  mon  travail,  que  vous 
donner  un  aperçu  du  mouvement  eucharistique  au  Canada,  à  l'heure 
actuelle. 

Il  est  certain  que  depuis  quelques  années  (20  ans,  peut-être,  environ), 
un  mouvement  eucharistique  assez  puissant  s'est  dessiné  chez  nous  :  faible 
et  imperceptible  d'abord,  mais  augmentant  graduellement  de  puissance 
et  d'étendue,  pour  devenir  de  plus  en  plus  général  et  pour  ainsi  dire 
irrésistible.  Le  changement  est  si  grand,  que  les  anciens  l'avouent  et, 
comparant  leur  temps  avec  le  nôtre,  ils  nous  disent  parfois  naïvement: 
que  c'est  à  ne  plus  s'y  reconnaître,  tant  l'évolution  des  âmes  vers  la  dé- 
votion eucharisti(|Tip  a  été  profonde  et  générale. 

C'est  surtout  depuis  qu'a  paru  le  décret  de  Pie  X  sur  la  Communion, 
suivi  d'année  en  année  par  d'autres  actes  pontificaux  qui  en  précisaient 
encore  le  sens  et  la  portée,  que  le  mouvement  des  âmes  vers  l'Eucharis- 
tie s'est  accentué  et  a  marché  chez  nous  à  pas  de  géant. 

Si  nous  considérons  d'abord,  le-s  (euvres  d'adoration,  nous  verrons 
qu'elles  se  sont  beaucoup  développées  au  Canada.  L'Exposition  per- 
pétuelle des  Quarante-Heures  a  été  organisée  dans  la  plupart  des  dio- 


—  261  — 

cèses,  et  il  est  certains  d'entre  eux  où  elle  fonctionne  aclmiral)lement 
d'un  bout  de  l'année  à  l'autre.  Partout  où  elles  ont  lieu,  les  Quaranto- 
Heures  sont  devenues  une  solennité  paroissiale  de  la  plus  grande  impor- 
tance, une  date  de  rénovation  pour  les  âmes,  et  comme  une  seconde 
Pâque  où  tout  le  monde  à  peu  près,  surtout  dans  les  campagnes,  tient  à 
s'approcher  de  la  Sainte  Table. 

L'Exposition  et  l'Adoration  mensuelle  du  Très  Saint-Sacrement,  ont 
lieu  aussi  dans  la  plupart  des  paroisses,  des  communautés  et  des  mai- 
sons d'éducation;  ici  toute  la  journée,  là  durant  une  ou  plusieurs  heures 
seulement,  au  jour  fixé  d'avance,  le  plus  souvent,  le  premier  vendredi. 

Cet  exercice  n'est  pas  toujours  laissé  à  l'initiative  et  à  la  piété  privée. 
En  beaucoup  de  lieux,  il  devient  un  office  public  et  solennel  où  tout  le 
monde  est  convoqué.  Cette  heure  d'adoration  se  fait  alors  par  les  quatre 
Fins  du  Sacrifice,  avec  des  prédications  ou  des  lectures,  des  prières  et 
des  chants. 

Il  est  telle  paroisse  populeuse  de  ville  où  l'assistance  à  ces  exercices 
se  compte  par  1500  à  2000  personnes. 

Dans  une  autre  paroisse,  que  je  pourrais  nommer,  on  a  établi  une 
Heure  d'Adoration  spéciale  pour  les  hommes,  une  pour  les  femmes,  une 
pour  les  enfants  des  écoles,  et  à  chacune  de  ces  Heures,  l'église  est  tou- 
jours pleine  à  regorger. 

En  beaucoup  de  lieux  on  a  été  plus  loin  et,  sous  la  zélée  impulsion  du 
Prêtre,  l'Adoration  est  devenue  hebdomadaire.  Au  jour  et  à  l'heure 
jugée  la  plus  convenable,  le  jeudi  soir,  par  exemple,  ou  le  dimanche,  les 
âmes  de  bonne  volonté  de  la  paroisse  se  réunissent  à  l'église;  le  prêtre 
ouvre  le  Tabernacle  ou  même  expose  le  Très  Saint-Sacrement  et  l'Ado- 
ration se  poursuit  pendant  une  heure  de  la  manière  indiquée  plus  haut. 
n  est  de  petites  paroisses  rurales,  où  l'on  voit  de  50  à  100  personnes 
assister  à  cet  exercice  hebdomadaire;  et  des  paroisses  de  ville  où  l'assis- 
tance va  jusqu'à  200  ou  300  personnes. 

Dans  beaucoup  de  pensionnats  et  de  collèges,  l'Heure  Sainte,  c'est-à- 
dire  l'Adoration  mensuelle,  parfois  même  liebdomadaire,  s'est  établie 
avec  un  succès  étonnant  et  elle  est  devenue,  en  quelque  sorte,  par  la  seule 
force  des  choses,  un  point  dii  règlement  très  aimé  et  très  goûté. 

Ailleurs,  le  zèle  du  prêtre  est  ])arvonu  à  introduire  dans  la  paroisse  la 
Visite  quotidienne  du  Très  Saint-Sacrement,  et  l'on  voit  aux  moments 
les  plus  favorables  de  la  journée,  de  bonnes  âmes,  de  rudes  ouvriers,  des 
enfants  au  sortir  de  l'école,  aller  saluer  l'Hôte  divin  du  Tabernacle. 
Ailleurs  encore,  le  prêtre  profite  de  la  prière  du  soir  pour  attirer  les 
fidèles  à  l'église  et  leur  faire  ainsi  visiter  le  Très  Saint-Sacrement. 

2°  Mais  il  est  un  point  de  la  dévotion  eucharistique  sur  lequel  le 
mouvement,  depuis  quelques  années,  a  été  plus  accentué  et  plus  consolant 
encore,  si  l'on  tient  compte  des  anciens  préjugés  et  de  ra1)stention  géné- 
rale de  jadis:  Je  veux  dire  la  fréquentation  de  la  Sainte  Table.  C'es^ 
bien  ici  que  se  trouve  le  vrai  étiage  auquel  on  peut  juger  le  mouvement 
eucharistique  dans  un  pays. 

Le  Canada  est,  à  ce  qu'il  me  semble,  je  le  disais  à  Cologne  l'an  der- 
nier, l'un  des  pays  du  monde  où,  depuis  l'apparition  du  décret  do  Pie  X, 
le  retour  des  âmes  vers  la  Sainte  Table  s'est  dessiné  avec  le  plus  de  rapi- 


—  2G2  — 

tlité  et  de  puissance  et  le  nombre  des  communions  a  le  plus  considéra- 
blement augmenté. 

Dans  la  plupart  des  paroisses,  surtout  rurales,  où  il  était  déjà  de  tra- 
dition que  presque  tout  le  monde  s'approchât  de  la  Communion  une  à 
deux  fois  par  an,  Ijeaucoup  ont  été  amenées  à  la  communion  de  tous  les 
trois  mois. 

Aux  premiers  vendredis  du  mois  le  nombre  des  communions  est  très 
considérable,  et  cette  habitude  de  la  communion  mensuelle  va  toujours 
s'alïermissant  et  se  généralisant  partout,  pour  peu  que  le  prêtre  se 
montre  dévoué  et  zélé.  Ce  matin-là,  la  Table  Sainte  voit  accourir  des 
convives  par  centaines;  et  je  pourrais  citer  telles  paroisses  de  ville  oii 
l'on  distribue  deux  ou  trois  mille  communions  tous  les  premiers  ven- 
dredis du  mois.  En  certains  lieux^  l'exposition  du  Très  Saint-Sacrement 
a  lieu  de  bon  matin,  diirant  les  messes,  et  les  ouvriers  et  les  ouvrières 
sont  conviés  à  venir  adorer  et  communier  à  la  fois,  avant  d'aller  à  leur 
travail. 

Pour  beaucoup  d'hommes  et  de  femmes  peu  libres  en  semaine,  nous 
voyons  fleurer  la  communion  hebdomadaire  ;  et  je  pourrais  vous  parler  de 
nombreuses  congrégations  d'hommes  où  l'on  voit  un  grand  nombre  de 
membres  communier  tous  les  dimanches. 

Dans  les  paroisses  urbaines  et  même  rurales,  la  Table  Sainte  réunit, 
tous  les  jours,  un  groupe  assez  nombreux  de  convives.  Il  est  telle  église 
de  Montréal  où  se  distribuent,  chaque  année,  environ  200,000  commu- 
nions. 

Mais  c'est  surtout  dans  les  Collèges,  les  Pensionnats,  les  Communautés 
religieuses,  que  la  communion  fréquente  et  quotidienne  a  été  mise  en 
honneur.  Sous  les  efforts  répétés  des  confesseurs,  des  directeurs  et  au- 
môniers, les  préjugés  sont  tombés,  et  l'on  a  vu  le  banquet  sacré  réunir  un 
groupe  toujours  croissant  de  convives. 

Dans  tel  collège  de  300  jeunes  gens,  dans  tel  pensionnat  de  jeunes 
filles,  il  y  a  une  moyenne  de  cent  à  150  communions  quotidiennes,  et 
presque  tous  les  élèves  communient  deux  ou  trois  fois  la  semaine.  Dans 
les  communautés,  la  communion  qui  n'est  pas  quotidienne  est  devenue 
l'exception.  • 

*       * 

Tous  ces  résultats  eucharistiques  ont  été  obtenus  par  le  zèle  du  clergé, 
secondé  par  l'esprit  de  foi  de  nos  populations. 

Dès  que  parut  le  décret  de  Pie  X,  dès  que  fut  connue  la  vraie  doctrine 
de  l'Eglise  et  le  désir  du  Pape,  les  prêtres,  un  peu  partout,  se  mirent  à 
l'œuvre. 

Les  Prêtres- Adora  tours,  au  nombre  de  2,000,  pour  la  plupart  mem- 
bres aussi  de  la  Ligue  Sacerdotale  de  la  Communion,  donnèrent  l'ex- 
emple. 

Par  la  parole  publique,  par  la  direction  privée,  et  surtout,  par  une 
assiduité  plus  grande  au  confessionnal,  ils  se  sont  efforcés  d'attirer  de 
plus  en  plus  les  âmes  à  l'Adoration,  à  la  communion,  à  la  dévotion  au 
Très  Saint-Sacrement. 


—  263  — 

Deux  moyens  leur  ont  particulièrement  réussi  pour  attirer  les  âmes  à 
l'Eucharistie  :  la  Prédication  eucharistique,  surtout  celle  des  Triduums 
eucharistiques  tant  recommandés  par  Pie  X;  et  l'établissement  de  r.4?-- 
chiconfrérie  du  Très  Saint-Sacrement.  Ils  sont  de  plus  en  plus  nom- 
breux les  centres  de  Confréries  érigés  dans  les  paroisses,  communautés, 
maisons  d'éducation  qui  se  sont  fait  affilier  à  l'Archiconfrérie  ou  l'Agré- 
gation eucharistique  dont  le  siège  est  dans  l'église  des  Eeligieux  du  Très 
Saint-Sacrement  à  Rome.  Une  paroisse  où  l'Archiconfrérie  est  vivante 
devient  vite  une  paroisse  eucharistique. 


Pour  être  complet  je  devrais  dire  un  mot,  en  terminant  ce  rapide 
aperçu  des  Institutions  Eucharistiques  qui  ont  germé  sur  la  terre  du 
Canada,  depuis  quelques  années. 

Je  sais  bien  que  toute  famille  religieuse  honore  l'Eucharistie  de  toutes 
ses  forces,  et  à  ce  point  de  vue,  le  Canada  compte  une  magnifique  cfflo- 
raison  de  communautés  où  le  Saint-Sacrement  est  entouré  d'hommages 
assidus. 

Cependant  il  est  certains  Instituts  religieux  dont  la  fin  plus  spéciale 
et  plus  directe  est  de  glorifier  le  Saint-Sacrement  de  nos  autels.  Notre 
siècle,  je  vous  le  disais,  en  a  vu  éclore  un  certain  nombre  en  divers  pays. 

Le  Canada  n'en  est  pas  dépourvu,  et  c'est  ainsi  que  l'on  a  vu  il  y  a 
vingt  ans,  les  Fils  du  Père  Eymard,  venir  ériger  à  Montréal  leur  pre- 
mier sanctuaire  d'adoration  et  d'apostolat,  qui  est  devenu  le  berceau  et 
le  centre  de  plusieurs  œuvres  eucharistiques. 

Après  eux,  on  a  vu  les  Franciscaines  fonder  à  Québec,  un  sanctuaire 
d'Adoration. 

Puis  un  peu  plus  tard,  en  1902,  était  fondé  à  IIull,  diocèse  d'Ottawa, 
la  Communauté  des  Servantes  de  Jésus-Marie,  avec  le  but  de  réparer  les 
péchés  du  monde  et  de  prier  pour  les  prêtres  aux  pieds  de  l'Hostie 
exposée.  Enfin,  c'était  la  ville  de  Chicoutimi  qui  ouvrait  ses  murs,  en 
1903,  aux  filles  du  Vén.  Père  Eymard,  les  Servantes  du  Très  Saint-Sa- 
crement dont  le  but  est  l'Exposition  solennelle  et  l'Adoration  du  Très 
Saint-Sacrement,  et  dont  les  sanctuaires  deviennent  vite  un  foyer  ardent 
de  dévotion  eucharistique. 

Je  m'arrête,  forcément  obligé  d'être  incomplet  dans  cette  étude  rapide, 
car  que  d'autres  choses  il  y  aurait  encore  à  ajouter. 

La  vérité  m'oblige  pourtant  à  dire  que  tout  n'est  pas  parfait  au  Ca- 
nada, pas  plus  qu'ailleurs,  sous  le  rapport  de  la  piété  eucharistique. 
Bien  des  préjugés  restent  à  vaincre,  des  indifi'ércnces  à  secouer,  en  cer- 
tains milieux,  soit  parmi  les  fidèles,  soit  même  parmi  les  prêtres.  Il  est 
des  collectivités  et  des  individus  qui  sont  restés  en  dehors  du  mouvement 
eucharistique  et  réfractaires  aux  directions  pontificales  et  à  la  grâce 
eucharistique  des  temps  actuels. 

Tel  qu'il  est  pourtant,  cet  aperçu  rapide  du  développement  actuel  do 
la  dévotion  eucharistique  en  notre  ])ays  est  très  consolant,  dans  son  en- 
semble; et  j'ose  même  dire,  en  terminant,  que  c'est  à  sa  foi  et  à  son 
amour  envers  l'Eucharistie  que  le  peuple  canadien  doit  d'être  resté  jus- 
qu'à ce  jour  un  des  peuples  les  plus  religieux  de  l'univers. 


264 


III  —  La  Mission  du  P.  Eymard. 

Mais  notre  étude  demeurerait  incomplète  si  nous  n'indiquions,  au 
moins  en  passant,  les  instruments  providentiels  dont  Dieu  s'est  servi 
pour  provoquer  dans  son  Eglise  ce  mouvement  des  âmes  vers  l'Eucharistie 
qui  a  marqué  notre  époque  contemporaine. 

Vous  le  savez,  en  effet,  Dieu  ne  fait  rien  directement  par  lui-même 
ici-bas,  et  toutes  ses  œuvres,  toutes  ses  interventions  providentielles  dans 
le  domaine  de  notre  histoire,  il  les  réalise  par  des  instruments  providen- 
tiels qu'il  choisit  librement. 

Quels  furent  les  instruments  et  les  ouvriers  de  Dieu  pour  pousser  les 
âmes  vers  la  dévotion  eucharistique?  Je  ne  parle  pas  des  Précurseurs 
éloignés  de  ce  mouvement  parmi  lesquels  je  pourrais  citer  la  Bienheu- 
reuse Marguerite-Marie,  saint  Vincent  de  Paul,  saint  Alphonse  de  Li- 
guori  et  beaucoup  d'autres  saints  du  XVIIe  et  XVIIIe  siècle;  je  veux 
uniquement  parler  des  ouvriers  effectifs  de  la  dévotion  eucharistique  qui 
marque  l'heure  actuelle. 

Or,  si  l'on  examine  attentivement  l'histoire  religieuse  du  siècle  dernier, 
l'on  constate  sans  peine  que  le  mouvement  des  âmes  vers  l'Eucharistie 
ne  s'est  puissamment  dessiné  que  vers  le  milieu  du  XIXe  siècle. 

A  cette  époque,  on  voit  apparaître  une  pléiade  de  saints  personnages 
que  la  Providence  semble  susciter  tout  exprès  pour  cette  œuvre  de  réno- 
vation eucharistique. 

Toute  une  légion  d'apôtres  de  l'Eucharistie  se  mettent  en  campagne. 
A  leur  tête  marche  Pie  IX,  puis  plus  tard  Léon  XIII,  qui,  à  plusieurs 
reprises,  recommandent  instamment  la  communion  fréquente  et  encou- 
ragent les  Œuvres  Eucharistiques.  Puis  viennent  Mgr  Gerbet  avec  son 
ouvrage  si  célèbre  sur  "  le  dogme  régénérateur  de  l'Eucharistie."  Mgr 
de  la  Bouillerie  avec  ses  méditations  inspirées,  Mgr  de  Ségur  avec  ses 
précieux  opuscules,  le  P.  Hermann  avec  ses  hymnes  enflammées,  M.  Des- 
genettes  qui  pousse  les  hommes  à  la  communion  hebdomadaire,  le  E.  P. 
Eamière  avec  ses  collaborateurs  de  l'Apostolat  de  la  prière,  M.  Ozanam, 
de  Cuers,  Marceau,  de  Benque  et  leur  œuvre  de  l'Adoration  Xocturne, 
Mgr  Doutreloux,  Mgr  Mermillod  qui  donnèrent  une  si  forte  impulsion 
aux  Congrès  Eucharistiques. 

Or,  parmi  ces  hommes  surnaturels  dont  la  Providence  se  servit  pour 
susciter  ou  pour  aider  le  mouvement  des  âmes  vers  l'Eucharistie,  deux 
ont  eu  une  action  plus  puissante,  une  part  prépondérante,  et  ont  brillé 
d'un  éclat  plus  grand. 

Le  premier  de  ces  grands  apôtres  de  rEueharistie  fut  le  B.  Curé 
d'Ars.  Il  n'épargna  aucun  effort  pour  donner  à  ses  paroissiens  l'estime 
et  l'amour  de  ce  Sacrement.  A  tous  ceux  qui  venaient  à  lui,  à  tous  les 
innombrables  pénitents  qu'il  réconcilia  avec  Dieu,  il  prêchait  avec  un 
charme  délicieux  et  un  pittoresque  imprévu  do  langage,  les  divines  effi- 
cacités de  l'Eucharistie;  et  à  tous  les  chrétiens  il  proposait  la  pratique 
vitale  de  la  communion  fréquente. 

Mais  à  côté  de  Jean-Marie  Vianne}',  la  Providence  avait  suscité  dans 
le  même  temps,  un  autre  prêtre  dont  elle  voulait  faire,  plus  spécialement 


Lk  CoMiri':   i)i:s    1'i.\.\N(  es. 
Tiii:  CoMMii  ii:i;  on    l"i\\N(r:s. 


—  205  — 

encore,  l'instrument  de  ses  desseins  pour  propager  dans  l'Eglise  la  dévo- 
tion au  Très  Saint-Sacrement. 

Cet  homme  est  celui  que  le  Vénérable  Curé  d'Ars  appelait  son  sain- 
ami  :  c'est  le  Vénérable  Pierre-Juliex  Etmaed. 

Voilà  l'homme  providentiel,  qui,  par  sa  dévotion  ardente,  son  apos- 
tolat fécond  et  les  œuvres  qu'il  a  établies  a  vraiment  été:  l'Ouvrier  des 
temps  eucharistiques. 

Je  ne  vous  dirai  pas  comment,  prêtre,  vicaire  de  campagne,  curé,  le 
Père  Eymard  apparut  partout  l'adorateur  assidu  et  l'apôtre  zélé  de 
l'Eucharistie. 

Pour  être  plus  encore  au  Très  Saint- Sacrement,  le  Père  Ejmaard  em- 
brassa la  vie  religieuse  et  fut  dix-sept  ans  Mariste.  Au  milieu  des  di- 
verses fonctions  qu'il  exerça  et  des  charges  qu'il  occupa,  sa  dévotion 
eucharistique  ne  fît  que  s'accroître.  Son  assiduité  au  pied  des  saints 
autels;  sa  prédication  qui  revenait  sans  cesse  sur  l'Eucharistie,  comme 
sur  un  thème  favori  :  son  zèle  ardent  à  favoriser  la  communion  fré- 
quente: tout  cela  lui  avait  fait  décerner,  avant  l'heure,  comme  par  un 
mystérieux  pressentiment,  le  surnom  populaire  de  Père  du  Très  Saint- 
Sacrement. 

Mais  ce  qui  fit  surtout  du  Père  Eymard,  l'ouvrier  de  la  dévotion 
eucharistique  en  nos  temps  modernes,  ce  fut  la  double  fondation  des 
Eeligieux  et  des  Servantes  du  Très  Saint-Sacrement. 

C'est  un  fait  d'observation,  qu'à  toutes  les  époques  de  l'Histoire  de 
l'Eglise,  on  a  vu  tout  grand  mouvement  religieux,  tout  nouveau  besoin 
des  âmes  provoquer  la  fondation  d'un  Institut  religieux.  Or.  la  dévo- 
tion particulière  de  l'Eglise,  en  ce  siècle,  dit  Mgr  Beaunard,  dans  son 
beau  livre  "Un  siècle  de  l'Eglise  de  France,"  appelait  un  Institut  qui 
eût  pour  dévotion  spéciale  d'honorer  Jésus-Christ  et  de  le  faire  honorer 
dans  le  plus  grand  de  tous  ses  Mystères  :  l'Eucharistie.  Ce  fut  la  Con- 
grégation du  Très  Saint-Sacrement,  "  Pie  IX  avait  déjà  dit  de  son  côté  : 
"L'Eglise  a  besoin  de  cette  œuvre:  qu'on  se  hâte  de  l'établir." 

Conclusion  :  Il  m'est  donc  permis  de  conclure  ce  rapide  aperçu  du 
mouvement  eucharistique,  à  l'heure  actuelle,  en  affirmant  que  le  Vén. 
Père  Eymard,  tant  par  ses  vertus  et  son  action  ])ersonn(>lle  si  féconde, 
que  par  sa  double  Congrégation  religieuse  a  exercé  ime  influence  prépon- 
dérante sur  ce  mouvement  eucharistique,  dont  il  a  été  l'ouvrier  provi- 
dentiel, à  l'heure  actuelle. 

Même,  à  ne  considérer  que  le  Canada,  l'on  doit  constater  (c'est  sans 
doute  pure  coïncidence?)  que  le  mouvement  eucharistique  actuel  si  pro- 
noncé, est  contemporain  de  l'établissement  on  notre  pays  des  Congréga- 
tions du  Vén.  Père  Eymard.  De  sorte  qu'ici,  comme  ailleurs,  le  A^éné- 
rable  Père  a  été  même  après  sa  mort,  l'apotre  de  la  dévotiox  eucha- 
ristique. 

C'est  à  ce  titre  que  j'ose,  on  tenuinant.  exprimer  un  vœu  que  jo  vous 
demande  de  partager. 

Il  y  a  deux  ans.  l'Eglise  a  accepté  l'introduction  de  la  cause  do  béati- 
fication de  ce  grand  S(>rvitoiir  do  Dieu,  do  cet  apôtre  zélé  du  Très  Saiut- 
Sacrement,  de  cet  Initiateur  do  la  dévotion  eucharistique  que  fut  le  Père 


—  266  — 

Eymard.  A  cette  occasion,  un  concert  unanime  de  louanges  et  de  vœux 
s'est  élevé  de  tous  les  points  du  monde  et  de  tous  les  rangs  de  la  hiérar- 
chie catholique.  La  cause  a  été  reprise  activement  avec  im  second  procès 
informatif  et  déjà  elle  est  en  excellente  voie  de  succès.  Mais,  l'Eglise, 
prudente  et  sage,  attend  toujours  pour  glorifier  et  couronner  ses  enfants, 
l'heure  choisie  par  Dieu. 

Je  forme  donc  le  désir  et  je  dépose  le  vœu,  déjà  formulé  en  plusieurs 
Congrès  et  ratifié  unanimement  au  Congrès  Eucharistique  de  Lourdes: 

"  Que  le  Congrès  Eucharistique  de  Montréal  veuille  bien 
"  accorder  ses  suffrages  a  la  cause  de  béatifcation  du  vén.  père 
"  P.  J.  Eymard,  et  déposer  humblement  aux  pieds  du  Vicaire  du 
"  Christ  le  désir  de  la  voir  le  plus  tôt  possible  couronnée  d'un 
"  plein  succès." 

La  mise  du  Vénérable  Père  Eymard  sur  les  autels,  contribuerait  puis- 
samment à  faire  du  XXe  siècle,  un  siècle  eucharistique  et  donnerait  à 
l'Œuvre  des  Congrès  un  nouveau  et  glorieux  Patron. 

Puisse  ce  jour  être  hâté  par  nos  vœux  ! 


* 


La  parole  est  ensuite  donnée  au  second  rapporteur,  M.  Fab- 
bé  Curotte,  professeur  de  dogme  à  l'Apollinaire  à  Rome  et 
Consulteur  de  la  Congrégation  des  Sacrements,  qui  doit  trai- 
ter de  "  VEîwharistie  envisagée  comme  Centre  du  dogme  et  de  la 
vie  de  l'Eglise.  " 

Nous  ne  pouvons  malheureusement  donner  le  texte  com- 
plet de  ce  remarquable  travail. 

Le  rapporteur  commence  par  ss  demander  :  Qu'est-ce  que  le  dogme 
chrétien?  Puis,  après  avoir  répondu  à  cette  question,  il  se  demande  si 
ce  dogme  chrétien  admet  une  vérité  qui  en  soit  comme  le  point  central  ; 
et  si  l'Eucharistie  peut  être  considérée  comme  cette  vérité.  Enfin,  étant 
admis  que  le  Christ-Eucharistie  soit  le  dogme  central  de  l'Eglise,  est-il 
aussi  le  fait  central  de  son  histoire  et  le  principe  de  sa  vie? 

Le  dofçme  catlioliquo,  expose  le  dif^tingiKî  rai)portenr,  comporte  deux  aspects  : 
il  se  compose  de  vérités  et  de  faits,  quoi  qu'en  ait  dit  le  modernisme.  Or,  dans 
e(it  ensemlde  d>i  dogme,  il  est  un  ))oiiit,  à  la  fois  vérité  et  fait  dopmatique,  autour 
duquel  tournent  toutes  les  autres  vérités  :  c'est  le  dogme  de  la  personnalité  du 
Verbe  résumant  en  lui  il  la  fois  la  nature  humaine  et  la  nature  divine  du  Verbe, 
c'e.st  le  fait  de  l'Incarnation  ofl  l'on  voit  e:;  même  Verbe  accomplissant  le  (roi- 
pième  et  dernier  acte  (Réparation)  d'un  drame  commencé  avec  l'aide  de  Dieu 
seul    (Création)   et  continué  par  l'd'uvre  de  l'iiomme  seul    (Péché  orijrinel). 

L"  Verbe  incarné.  Jésus-Clirist,  réunit  eu  lui  les  deux  trrand(;s  réalités  vt  les 
deux  termes  de  la  religion  :  Dieu  et  l'homme.  Aussi  l'Incarnation  du  Wrbo 
constitue-t-elle  1:;  fait  central  de  l'histoire  relitjieuse  de   riuimanité. 


—  267  — 

Si  donc  le  Verbe  Incarné  renferme  en  lui  toutes  les  réalités  dogmatiques,  b£ 
rincarnation  constitue  le  fait  central  de  l'histoire  de  l'Eglise,  il  s'en  suit  ijue- 
l'Eucharistie,  simple  prolongement  de  l'Incarnation,  constitue  à  la  fois  la  vërité- 
centrale  et  le  fait  central  du  dogme  chrétien.  Et  il  s'en  suit  enfin  que,  le  Dieu- 
eucharistique  étant  le  chef  de  la  société  catholique  et  les  membres  de  celle-ci  Jie 
vivant  que  de  la  vie  du  chef,  la  vie  de  l'Eglise  repose  tout  entière  sur  l'Eucha- 
listie.  Aucune  source  de  grâces  n'est  plus  abondante,  puisque  nous  recevons 
l'auteur  même  de  la  grâce. 

Il  convient  donc  que  le  prêtre,  dans  la  prédication  comme  au  catéchisme, 
insiste  sur  cette  valeur  de  l'Eucharistie  qui  apparaît  comme  un  centre  dans, 
l'unité  et  la  variété  du  plan  divin.    C'est  le  voeu  du  rapporteur. 

Le  résumé  que  nous  venons  d'exposer  no  saurait  donner  qu'une  faible- 
idée  du  travail  développé,  avec  force  argumentations,  par  le  savant  pra- 
fesseur  qu'est  M.  l'abbé  Curotte. 


* 


* 


C'est  encore  une  autre  belle  et  profonde  étude  que  l'audi- 
toire eut  le  plaisir  d'entendre  avec  le  rapport  du  R.  P.  Lopi- 
cier  sur  "  les  Relations  de  Marie  et  de  C Eucharistie ^ 


RELATIONS   DE   LA   TRES    SAINTE   VIERGE   AVEC 
LE  TRES  SAINT-SACREMENT 

Nous  lisons  dans  le  troisième  livre  des  Eois,  qu'un  jour  Bethsabée, 
mère  de  Salomon,  se  rendit  auprès  de  son  fils,  pour  lui  présenter  une 
requête.  Aussitôt  le  grand  roi  se  leva,  alla  à  la  rencontre  de  sa  mère  et 
se  prosterna  devant  elle.  Puis  il  s'assit  sur  son  trône,  fit  placer  un  trône 
pour  Bethsabée,  sa  mère,  et  l'invita  à  s'asseoir  à  sa  droite.  (1) 

Je  félicite  Messieurs  les  Membres  du  Congrès  Eucharistique  de  ]\ront- 
xéal,  qui  ont  préparé  un  si  beau  trône  pour  le  nouveau  Salomon,  le  Eoi 
Hostie,  de  n'avoir  pas  oublié  Marie,  sa  Mère.  Je  constate  avec  joie  qu'ils 
ont  voulu  qu'elle  aussi  ait  son  trône  dans  ces  splendides  manifestations, 
et  je  leur  suis  tout  reconnaissant  de  m'avoir  choisi  pour  ériger,  ou  du 
moins  pour  orner  de  mon  mieux,  en  ce  Congrès  solennel,  le  trône  do 
JSTotre-Dame  du  Très  Saint-Sacrement. 

Vous  n'auriez  pas  pu,  Messieurs,  faire  une  chose  en  elle-mênu^  plus 
utile,  et  à  moi  plus  agréable.  Jésus  est  bien,  comme  il  le  dit  lui-même, 
"  la  voie,  la  vérité,  la  vie  ;  "  (2)  et  cependant,  l'Eglise  l'enseigne  expres- 
sément, en  Marie  se  trouve  "  toute  la  grâce  de  la  voie  et  de  la  vérité, 
toute  l'espérance  de  la  vie  et  de  la  vertu."  (3) 


(1)3  Rois.  IL  19. 

(2)  S.  Jean.  XIV.  6. 

(3)  Ecclé.,  XXIV,  17. 


—  268  — 

Aussi,  parler  de  Jésus  au  Sacrement  de  son  amour,  montrer  comment 
l'Hostie  Sainte  rayonne  ainsi  qu'un  soleil  brillant  sur  l'Eglise  et  sur  la 
société,  eût  été  chose  incomplète,  si  l'on  n'avait  rappelé  le  souvenir  de 
cette  Vierge  incomparable,  que  saint  Jean  vit  dans  l'île  de  Patmos,  re- 
vêtue du  soleil,  ayant  la  lune  sous  ses  pieds,  et  autour  de  sa  tête  une  cou- 
ronne de  douze  étoiles  (1).  D'ailleurs  le  Dante,  dans  son  admirable  canti- 
que, ne  met-il  pas  dans  la  bouche  de  Béatrice  ces  remarquables  paroles  : 
"  Elève  maintenant  tes  regards  vers  la  figure  qui  plus  que  tout  autre  res- 
semble au  Christ  (c'est-à-dire  vers  Marie),  car  sa  clarté  est  la  seule  qui 
puisse  disposer  à  voir  le  Christ."  (2) 

En  effet,  pour  voir  un  objet  haut  placé,  il  faut  fortifier  notre  vue  :  et 
la  vision  de  Marie,  l'étoile  du  matin,  est  en  réalité  la  meilleure  disposi- 
tion pour  connaître  Jésus-Christ  le  soleil  de  gloire. 

Et  je  vous  remercie  d'avoir  choisi,  pour  préparer  le  trône  de  notre 
Mère,  un  servite  de  Marie.  L'Ordre  des  Servîtes  ou  Serviteurs  de 
Marie,  fondé  au  treizième  siècle  par  sept  nobles  patriciens  de  Florence, 
a  pour  but  d'honorer  tout  spécialement  notre  Mère  des  Cieux.  Et  leur 
souci  principal,  comme  aussi  la  gloire  de  leurs  fils,  a  toujours  été  de 
s'occuper  de  la  Mère  de  Jésus,  de  promouvoir  son  culte,  de  compatir  à 
ses  douleurs,  d'exalter  ses  louanges,  en  même  temps  qu'ils  se  sont  dis- 
tingués en  tout  temps  par  une  dévotion  toute  spéciale  à  l'auguste  Sacre- 
ment de  l'autel. 

Je  ne  puis  cependant  oublier  que  c'est  à  la  reconnaissance  bienveil- 
lante de  mes  anciens  élèves  du  Collège  Canadien  de  Eome,  que  je  dois 
d'assister  à  ce  magnifique  Congrès.  Leur  invitation  a  été  si  pressante, 
l'élan  de  leur  générosité  si  spontané,  l'accueil  à  mon  arrivée  si  cordial, 
que  je  resterais  confus,  si  je  ne  savais  qu'ils  ont  voulu,  en  honorant  mon 
humble  personne,  témoigner  leur  attachement  à  la  doctrine  qu'ils  ont 
puisée  dans  la  ville  éternelle.     A  eux  aussi  mes  vifs  remerciements. 

Mais  surtout  merci  pour  le  plaisir  que  vous  me  donnez  aujourd'hui  de 
parler,  devant  cette  auguste  assemblée,  de  la  glorieuse  Mère  de  Dieu.  Il 
y  a  longtemps  que  mes  goûts  personnels  et  mes  études  de  prédilections 
m'ont  attiré  vers  Celle  que  l'on  considère  à  juste  titre  comme  le  plus 
riche  joyau  dans  la  couronne  de  l'Eternel,  Celle  que  l'on  a  nommée  en 
toute  vérité  un  luminaire  de  splendeurs,  le  complément  de  la  Très  Sainte 
Trinité.  Il  y  a  dans  Marie  tant  de  trésors  cachés,  de  beautés  spiri- 
tuelles, tant  de  richesses,  de  perfections  et  de  grâces,  que  la  considéra- 
tion des  privilèges  de  cette  divine  Mère,  l'étude  de  sa  vie,  de  ses  gran- 
deurs, forment  l'occupation  la  plus  agréable  qu'on  puisse  imaginer  pour 
l'esprit  et  pour  le  cœur.  Chose  merveilleuse,  plus  on  étudie  Marie,  plus 
on  trouve  en  elle  des  beautés  jusqu'alors  inconnues.  Comme  les  pre- 
miers explorateurs  qui  posèrent  le  pied  sur  le  sol  du  Canada,  à  mesure 
qu'ils  s'avan(^aient  dans  ce  pays  féerique,  ajoutaient  aux  découvertes 
déjà  faites  des    découvertes  toujours    plus    merveilleuses,  ainsi,  en  étu- 


(  1 1  Apof..  XI r.  1. 

(2)    Parail.,  cant.  XXXII,  F4.  SS. 


—  269  — 

diant  Marie^  on  passe  de  surprise  en  surprise.  Ses  privilèges  ne  se 
comptent  pas,  et  l'œil  humain  ne  trouvera  jamais  en  elle  un  horizon 
pour  s'arrêter. 

J'avoue  qu'en  lisant  le  titre  du  thème  que  Messieurs  les  organisateurs 
du  Congrès  m'avaient  destiné  (Relations  de  Marie  avec  le  Très  Saint 
Sacrement),  je  n'étais  pas  de  prime  abord  pleinement  convaincu  qu'il  y 
eût  là  l'énoncé  d'une  vérité  strictement  théologique;  je  croyais  qu'il  y 
avait  là  un  champ  ouvert  à  l'imagination  fertile  des  âanes  pieuses,  plutôt 
qu'aux  solides  raisonnements  de  la  saine  théologie.  Je  craignais  que  le 
sujet  ne  vint  à  me  manquer:  et  voilà  que  maintenant,  au  contraire,  j'ai 
grand  peur  de  manquer  à  mon  sujet. 

Car,  en  réfléchissant  sérieusement,  j'ai  découvert  tant  de  liens  intimes 
entre  Marie  et  la  sainte  Eucharistie,  que  j'ai  dû  me  convaincre  que  le 
thème  qui  m'a  été  proposé  constitue  une  de  ces  vérités  déposées  en  germe 
par  Notre-Seigneur  soit  dans  les  Ecritures,  soit  dans  la  Tradition,  avec 
l'intention  qu'elle  se  développe  dans  le  cours  des  siècles,  c'est-à-dire  au 
moment  opportun  où,  de  la  profession  explicite  de  ces  vérités,  résulte- 
rait un  bien  notable  pour  la  foi  et  la  morale  chrétiennes. 

Or  le  moment,  nous  semble-t-il,  est  venu  de  proclamer  bien  haut  que 
Marie  est  intimement  unie  à  la  très  sainte  Eucharistie;  de  reconnaître 
que  c'est  à  elle  surtout  que  nous  devons  l'institution  de  ce  saint  Sacre- 
ment; que  la  foi  en  Marie  nous  conduit  directement  à  la  foi  au  Sacre- 
ment de  l'autel  ;  et  qu'une  dévotion  filiale  à  la  Eeiue  des  Cieux  est  le 
moyen  le  plus  efficace  pour  porter  les  fidèles  à  une  plus  grande  dévotion 
à  Jésus-Hostie. 

Voilà,  ô  Eeine,  le  tribut  d'hommage  que,  en  ma  qualité  de  votre  servi- 
teur attitré,  je  tiens  à  déposer  à  vos  pieds;  voilà  la  couronne  que  je  vou- 
drais voir  suspendue  au-dessus  de  votre  trône.  Permettez  que  dès 
maintenant,  tous  tant  que  nous  sommes  ici  présents,  nous  vous  saluions, 
nous  vous  proclamions  avec  tout  l'enthousiasme  de  notre  dévotion  filiale, 
avec  toute  la  solennité  que  nous  inspire  cette  auguste  assemblée  :  "  Xotre- 
Dame  du  Très  Saint-Sacrement." 

Dieu  éprouve  un  désir  immense  de  distribuer  à  ses  créatures  d'innom- 
brables faveurs,  mais  il  veut  d'ordinaire,  comme  condition  de  sa  libéra- 
lité, qu'on  les  lui  demande  avec  instance  ou  même  qu'on  ait  recours  à 
l'intercession  de  certaines  âmes  privilégiées.  Nous  en  avons  une  preuve 
dans  les  nombreux  passages  de  la  Sainte-Ecriture,  qui  nous  montrent 
tantôt  Moïse  s'interposant  pour  les  juifs,  tantôt  Job  intercédant  pour 
ses  faux  amis,  tantôt  Esther  suppliant  Assuérus  d'épargner  son  peuple. 

Parmi  toutes  les  créatures  liumaines  ou  angéliques,  la  préférée  do 
Dieu  est  celle  qu'il  a  lui-même  choisie  pour  la  Mère  de  son  Fils  unique. 
Aussi  .Marie  est-elle  notre  médiatrice  auprès  de  Dieu,  la  trésorière  du 
Ciel,  la  toute-puissance  suppliante.  Toutes  les  grâces  doivent  passer  par 
ses  mains,  ou  se  donner  à  sa  prière.  Or.  l'Eucharistie  est  une  grâce  de 
choix,  la  grâce  par  excellence.  Elle  nous  sera  donc  donnée  par  l'inter- 
médiaire de  Marie,  à  cause  de  ses  mérites  surabondants  et  à  sa  prière 
toujours  efficace. 

D'abord  le  Dieu  de  l'Eucharistie  n'a  pas  voulu  s'incarner  sans  le  con- 
sentement de  Marie.     Dans  les  desseins  divins,  pour  que  le  Fils  de  Dieu 


—  370  — 

s'incarnât  et  vînt  raclieter  le  monde,  il  fallait  qu'une  jeune  fille,  éprise 
de  Tamour  de  la  sainte  virginité,  consentît  néanmoins  à  devenir. la  mère 
du  Dieu  Rédempteur  et  par  là  même  la  Co-Rédemptrice  du  genre  hu- 
main.    Cette  femme  fut  Marie. 

Les  soixante-dix  semaines  annoncées  par  Daniel  touchaient  à  leur  fin. 
On  parlait  dans  les  familles  juives  de  Tattente  du  Eoi  Sauveur;  on  lisait 
les  prophéties.  Marie  compte  à  peine  trois  printemps,  que  déjà,  éclairée 
par  les  lumières  de  l'Esprit-Saint,  elle  comprend  les  grandeurs,  les 
exquises  beautés  de  la  sainte  virginité.  Elle  ne  sait  pas  avec  certitude 
si  la  mère  de  l'Emmanuel  serait  vierge  ;  Dieu  ne  lui  a  pas  révélé  le  sens 
précis  des  paroles  :  ''  Ecce  Virgo  concipiet;  "  ce  qu'elle  sait,  c'est  que  les 
vierges  seules  seront  admises  à  la  cour  du  grand  Eoi  et  de  sa  Mère, 
"  Adducentur  Régi  virgines  post  eam."  Marie  veut  être  de  cette  Cour 
virginale,  pour  mériter  d'approcher  le  Messie  et  de  servir  sa  Mère.  Elle 
devient  par  là  même  l'initiatrice  de  cet  élan,  de  cette  passion  de  la 
pureté,  qui,  plus  tard,  portera  tant  d'âmes  vers  l'état  glorieux  de  la  sainte 
virginité.  C'est  ainsi  qu'elle  remplit,  sans  le  savoir,  la  première  con- 
dition pour  être  la  Mère  de  Dieu. 

Voici  bientôt  le  messager  divin,  qui,  de  la  part  de  la  Trinité  sainte 
vient  lui  offrir  ce  titre  glorieux.  0  mystère  ineffable!  Elle-même,  la 
mère  de  l'Emmanuel  !  Ce  qui  la  frappe  maintenant,  c'est  moins  la  gloire 
qui  lui  est  offerte,  que  la  proximité  du  salut  d'Israël.  Toutefois  le  sou- 
venir des  prophéties  rappelle  à  l'humble  Vierge  que  la  mission  du  Ré- 
dempteur doit  s'accomplir  dans  la  souffrance  et  les  larmes.  "  Nous 
l'avons  vu,  il  était  sans  beauté ....  homme  de  douleur  et  connaissant  la 
souffrance."  (1)  Elle  comprend  qu'il  s'agit  pour  elle  d'être  associée  à  la 
passion  de  son  Fils  et  de  devenir  la  co-Rédemptrice  du  genre  humain. 
Elle  sera  généreuse  ;  elle  ne  refusera  rien  à  son  Dieu  ;  elle  nous  donnera 
le  Sauveur,  quoi  qu'il  puisse  lui  en  coûter.  C'est  ce  "  Fiat  "  qui  a  rendu 
possible  l'Incarnation  et  l'Eucharistie  qui  en  est  l'application  prolongée 
dans  la  suite  des  siècles. 

Dès  lors,  entre  la  Vierge  mère  et  l'Eucharistie  se  forme  un  lien  essen- 
tiel, un  lien  indissoluble.  Le  corps  de  Jésus  dans  l'Eucharistie  c'est  le 
corps  né  de  la  Vierge  Marie,  formé  de  son  sang,  nourri  de  son  lait  ;  c'est 
le  corps  de  l'homme  Dieu  qui  est  à  jamais  le  fils  de  Marie.  (3)  Oui 
c'est  bien  au  "  Fiat  "  de  l'Annonciation  qu'on  doit  la  vérification,  com- 
plétée plus  tard  dans  l'Eucharistie,  de  cette  parole  de  Jésus  :  "  Voici  que 


(1)  Isaie.,  LUI.  2.  .S. 

(2)  Comme  toute  génération  suppose  un  changement  substantiel,  il  serait  faux 
do  supposer  que  l'Eucharistie  contient,  ne  fût-ce  que  dans  une  porportion  mi- 
nime, la  chair  même  de  la  Très  Sainte  Vierge,  loutefois,  si  l'on  considère  la 
source  d'où  le  Verbe  s'est  fait  chair,  on  peut  affirmer  que  sa  chair  est  la  chair 
de  Marie,  en  tant  que  c'est  d'elle  qu'il  a  pris  son  corps.  C'est  dans  ce  sens  qu'il 
faut  interpréter  les  paroles  souvent  citées  et  qu'on  attribue  à  tort  à  Saint- Au- 
gustin: "  Caro  Chrisli  caro  est  Mariae."  Le  passage  du  grand  D  >etour  d'ilip- 
pone,  qui,  seml)le-t-il,  a  donné  origine  à  cette  formule,  est  le  suivant,  dont 
cependant  la  signification  est  toute  différente:  "  kSicut  vera  caro  Mariae,  vera 
caro  Christi,  tjuae  indc  suscepta  est"  Sermo  CCCLXII  de  Resurr.  mortuorum. 
Alias  de  diversis,  221. 


—  271  — 

je  suis  avec  vous  tous  les  jours  jusqu'à  la  consommation  des  siècles-"  (1) 
aussi  jusqu'à  la  consommation  des  siècles,  l'Eglise  chantera  dans  lar- 
deur  de  son  enthousiasme  :  ' 

"  Ave  verum  corpus  natum  de  Maria  Yirgine." 

"  Pange  lingua  gloriosi 

"  Corporis  mysterium, 

"  Sanguinisque  pretiosi 

"  Quem  in  niundi  pretium, 

"  Fructus  ventris  generosi 

"Rex  effudit  gentium." 

Soyez  bénie,  ô  mère  incomparable,    pour    ce    généreux  ''  Fiat  "'  tout- 
puissant  mot    d'ordre  qui  a  déterminé    la  venue  du    Dieu    Emmanuel 
c  est-a-dire  du  Dieu  Eucharistique.     A  ce  titre  donc,  vous  méritez  déjà 
o  Marie,  qu  on  vous  invoque:  "  Xotre-Dame  du  Très  Saint-Sacremcni." 

-Les  relations  de  Marie  avec  l'Eucharistie  ne  se  bornent  pas  au  fait  de 
nous  avoir  donné  l'Emmanuel,  le  Dieu  avec  nous  jusqu'à  la  fin  des 
siècles;  Marie  a  eu  dans  l'institution  même  de  ce  Divin  Sacrement  une 
part  plus  spéciale.  Eappelons-nous  en  efïet  cette  règle  générale  que  Dieu 
s  est  imposée  dans  la  collation  de  ses  bienfaits.  Il  veut  nous  accorder 
ses  grâces,  mais  il  établit  comme  condition  préalable  le  bon  plaisir  et  la 
pnere  de  Marie.  Ainsi  que  de  même  c'est  aux  ferventes  supplications 
de^  Marie  que  Dieu  a  accéléré  l'accomplissement  de  l'Incarnation,  de 
même  pour  se  mettre  sous  les  apparences  eucharistiques,  le  Verbe  fait 
homme  a  eu  égard  aux  prières  et  aux  ardents  désirs  de  sa  Mère  bien 
aimee. 

Xous  aimons  à  penser,  et  la  plus  stricte  théologie  nous  autorise  à 
croire  que  Marie,  si  privilégiée  de  Dieu,  n'a  pas  été  sans  connaître  long- 
temps à  l'avance,  plus  ou  moins  ouvertement,  le  mystère  de  l'Eucharistie. 
Elle  comprenait  mieux  que  personne  le  besoin  qu'ont  les  hommes  de  la 
société  de  Dieu  pour  vivre  dans  la  sainteté.  Elle  a  dû  souvent 
demander  à  Dieu,  soit  avant,  soit  après  la  naissance  de  Jésus,  qu'il  dai- 
gnât accomplir  son  ardent  désir  exprimé  par  ces  paroles  :  "  Mes  délices 
sont  d'être  avec  les  fils  des  hommes."  (2)  En  souhaitant  le  venue  du 
Messie,  Marie  réclamait  également  sa  permanence  sur  notre  terre  qui  a 
tant  besoin  de  lui.  Du  reste,  elle  n'était  pas  sans  connaître,  par  les 
lumières  de  l'Esprit-Saint,  que,  dans  le  royaume  messiani(|ue,  le  peuple 
de  Dieu,  plus  favorisé  que  sous  la  conduite  de  Moïse,  serait  nourri  d'un 
pain  céleste  dont  la  manne  n'était  que  le  symbole  ;  que  le  festin  de 
l'Agneau  Pascal  n'était  qu'une  figure  imparfaite,  l'ombre  éloignée  d'un 
festin  bien  plus  merveilleux  préparé  pour  les  générations  futures;  que 
le  Messie  venant  remplacer  les  victimes  anciennes,  serait  la  victime  nou- 
velle, offerte  en  sacrifice  et  donnée  en  nourriture  sur  toute  la  terre,  selon 
cette  parole  de  Malachie  :  ''Du  levant  au  couchant.  ...  en  tout  lieu  on 


(1)  S.  Mathieu.  XXVTTI,  20. 

(2)  Prov.,  VIIT,  .31. 


—  2:2 


offre  en  mon  nom  ime  oblation  pure/'  (1)  Elle  connaissait  assez  les 
desseins  de  Dieu  pour  le  supplier  de  les  accomplir  sans  délai.  Elle  posait 
ainsi  la  condition  préliminaire,  nécessaire  à  la  réalisation  de  ce  grand 
bienfait,  c'est-à-dire  son  intercession  maternelle. 


.  * 

*       * 


Vous  êtes-vous  jamais  demandé  pourquoi  le  jjremier  miracle  accompli 
par  Jésus  dans  le  but  de  manifester  son  caractère  messianique,  se  fit  à 
l'occasion  d'une  noce,  et  consista  à  convertir  l'eau  en  vin?  ^e  voulait-il 
pas,  l'époux  de  nos  âmes,  nous  présenter  ce  fait  significatif  comme  le  pré- 
lude et  le  s}TTibole  de  cet  autre  banquet  où  il  nous  aurait  donné  en 
nourriture  son  corps  et  son  sang,  scellant  ainsi  l'union  mystique  des 
iidèles  avec  lui-même?  Or,  de  même  que  Jésus  n'opéra  qu'à  la  prière  de 
Marie  le  changement  de  l'eau  en  vin,  de  même  c'est  seulement  à  la  prière 
de  cette  divine  Mère  qu'il  opérera  plus  tard  le  miracle  de  la  transsubs- 
tantiation, c'est-à-dire  le  changement  du  pain  et  du  vin  en  son  corps  et 
en  son  sang.  D'ailleurs,  comment  douter  que  Marie  n'eut  déjà  présente 
à  l'esprit  l'institution  de  l'Eucharistie,  quand  elle  prononçait  à  Cana  de 
Galilée  les  charitables  paroles:  "Ils  n'ont  pas  de  vin."  (2)  Xe  connais- 
sait-elle pas  les  Ecritures  annonçant  le  moment  où  Dieu  donnerait  aux 
hommes  un  pain  possédant  toute  douceur  et  un  vin  (pii  fait  germer  les 
vierges  ? 

Mais  nous  avons  une  preuve  plus  éclatante  encore  que  c'est  à  l'inter- 
cession de  Marie  que  Jésus-Christ  a  daigné  instituer  le  sacrement  de  son 
amour. 

ISTotre-Seigneur,  à  mesure  qu'il  voyait  s'avancer  le  terme  fixé  pour  sa 
vie  publique,  manifestait  à  ses  disciples,  l'un  après  l'autre,  les  mystères 
du  Eoyaume  des  cieux.  Et  voilà  qu'un  an  à  peine  de  prédication  écoulé, 
il  choisit  ses  apôtres  et  leur  enseigne  la  prière  par  excellence,  l'oraison 
dominicale,  la  prière  qui  doit  être  le  résumé  de  toutes  les  autres  prières. 
Il  y  est  dit:  " Panem  nostrum  quotidianurn  supers uhstantialem  da  nobis 
liodie."  ('■])  "  Supersubstantialem  ",  c'est-à-dire  non  seulement  le  pain 
(|ui  fortifie  le  corpis,  mais  le  pain  qui  nourrit  l'âme,  qui  la  fait  vivre  de 
la  vie  surnaturelle  de  la  grâce.  (4)  Quelques  mois  plus  tard,  Jésus  ex- 


il)   Mal..  TI.  11. 

(2)  S.  Jean,  II,  4.  —  Par  rapport  aux  paroles  de  Notre-Seigneur :  "Quid  mihi 
et  tibi,  mulier  ",  les  commentateurs  les  plus  autorisés  font  observer  qu'elles  sont 
l'équivalent  de  laissez  faire,  c'est-a-dire,  soyez  tranquille,  la  chose  se  fera.  Quant 
au  mot  femme,  il  était,  cliez  les  orientaux,  l'expression  du  respect  joint  à  la 
tendresse. 

(3)  S.  Mathieu.  VI. 
S.  Luc,  XI. 

(4)  Les  paroles  de  S.  Thomas  sont  ici  Ti  remarniici':  '■  Sivc  hoc  intelligatur 
de  pane  sicramentali,  quotidianus  usus  proficil  hon.ini.  in  qito  etiam  intelli- 
r/untur  omnia  alia  saeramenta,  sive  eiiam  intcHi<jatnr  de  pane  corpurali."  2/2ae 
LXXXIIL  art.  0. 


273  — 

])lique  à  ses  disciples  la  nature  de  ce  pain  céleste.  Ce  pain,  c'est  lui- 
même  :  '"'  Je  suis  le  pain  de  vie."  ''  Voici  le  pain  descendu  du  ciel,  afin 
que  si  quelqu'un  en  mange,  il  ne  meurt  pas."  (1)  Mais  il  faut  relire  en 
entier  ce  magnifique  chapitre  de  saint  Jean,  pour  comprendre  qu'il  s'agit 
ici  d'un  pain  tout  spécial,  qui  n'est  autre  que  le  corps  même  du  Sauveur. 
Cette  promesse  de  l'Eucharistie  nous  rappelle  la  promesse  faite  à  la 
Samaritaine,  d'un  fleuve  d'eau  vive  qui  doit  apaiser  notre  soif  spiri- 
tuelle: "Celui  qui  boira  de  Feau  que  je  lui  donnerai,  n'aura  jamais 
soif  ".  (2)  C'est  par  excellence  le  don  de  Dieu  à  l'humanité.  "  Si  tu 
connaissais  le  don  de  Dieu,"  (3)  Or,  si  la  Samaritaine,  entendant  les 
paroles  de  Jésus,  s'est  écriée  dans  l'enthousiasme  de  sa  foi  ardente: 
"  Donnez-moi  cette  eau,  afin  que  je  n'aie  pas  soif,"  (4)  a  fortiori  notre 
divine  Mère,  qui,  plus  que  tout  autre  comprenait  et  goûtait  les  paroles 
du  Maître  a-t-elle  dû  penser  souvent  à  ce  jDain  surnaturel  et  répéter  au 
moins  chaque  jour  dans  l'élan  de  son  cœur  :  "  Panem  nostrum  supersuh- 
stantiaîem  da  nohis."  Marie  a  donc  prié  longtemps,  au  moins  pendant 
plus  d'une  année,  en  se  servant  des  paroles  mémos  enseignées  par 
Jésus-Christ,  pour  obtenir  l'institution  de  l'Eucharistie.  Or,  comme  la 
prière  de  la  Mère  de  Dieu  est  toujours  exaucée,  on  peut  dire  en  toute 
vérité  que  c'est  à  sa  prière  et  à  ses  ferventes  supplications  que  nous  de- 
vons l'immense  bienfait  de  l'institution  de  la  Très  Sainte  Eucharistie. 


* 

*       * 


On  nous  objectera  peut-être  que  l'Eucharistie  est  un  miracle  :  que  dans 
le  miracle  c'est  Dieu  qui  opère  lui-même  directement,  en  produisant  des 
effets  dont  la  nature  n'est  pas  capable:  que  pour  cette  raison  on  ne 
saurait  admettre  la  coopération  de  Marie  dans  l'institution  de  la  Sainte 
Eucharistie. 

Il  est  vrai  que  dans  la  production  du  miracle.  Dieu  opère  directement, 
mais  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  exclut  toute  coopération  de  la  part  des  créa- 
tures. Selon  l'enseignement  de  la  théologie,  la  créature  joue  toujours, 
dans  la  production  du  miracle,  un  rôle  actif:  quelquefois  elle  dispose  la 
matière  à  recevoir  la  forme  à  laf|uelle  Dieu  la  destine,  ou  tout  au  moins 
elle  intercède  auprès  du  Très-Haut  afin  que  le  miracle  ait  lieu  en  réalité. 
C'est  ainsi  que,  généralement  parlant,  Dieu  n'accomplit  de  miracle  qu'à 
la  prière  de  ses  Saints:  c'est  par  eux  qu'il  se  laisse  émouvoir  pour 
accorder  aux  sourds  l'ouïe,  aux  aveugles  la  vue.  et  en  général  aux  ma- 
lades la  santé  du  corps.  Ainsi  donc  Dieu  avait  décrété  que  dans  Tac- 
complissement  du  grand  miracle  de  l'institution  du  Très  Saint-Sacre- 
ment. Marie  aurait  une  part  active,  en  procurant  au  monde  par  pog 
prières  si  ferventes  et  si  agréables  à  la  divine  Majesté,  ce  témoignage 


(1)  S.  Jean,  VT,  àO.  50. 

(2)  S.  Jean.  Vî,  13. 

(3)  Ibid.,   10. 

(4)  Ihid..   15. 


—  374  — 

sensible  et  durable  de  l'amour  d'un  Dieu  Sauveur  envers  l'humanité 
déchue.  D'ailleurs,  Marie  n'avait-elle  pas  déjà  hâté  par  ses  vœux,  ses 
soupirs  et  ses  ardentes  supplications,  le  moment  de  la  venue  du  Messie? 
Merci,  ô  Eeine.  d'avoir  ainsi  intercédé  pour  nous.  C'est  à  vos  prières 
que  Jésus-Christ  nous  a  été  donné  dans  l'Incarnation  ;  c'est  à  vos  prières 
et  à  vos  supplications  qu'il  a  daigné  faire  en  sorte  de  rester  avec  nous 
présent  sur  nos  autels  jusqu'à  la  consommation  des  siècles. 

* 
*       * 

Marie  a  encore  un  autre  titre  à  notre  reconnaissance  pour  ce  qui 
regarde  l'institution  de  la  sainte  Eucharistie,  car  nous  pouvons  dire  en 
toute  vérité,  sans  exagération  aucune,  que  c'est  principalement  pour  sa 
divine  Mère  que  Jésus  a  voulu  opérer  ce  miracle  de  son  amour:  c'était 
pour  lui  rendre  par  la  communion,  son  Corps  et  son  Sang  qu'il  avait 
reçus  d'elle  par  l'Incarnation,  c'était  aussi  en  vue  de  la  ferveur  de  dévo- 
tion avec  laquelle  elle  devait,  elle,  la  mère  du  bel  amour,  recevoir  son  fils 
caché  sous  les  voiles  sacramentels. 

C'est  un  sentiment  pieux  que  Marie  a  communié  à  la  dernière  Cène, 
probablement  dans  une  salle  adjacente  au  Cénacle.  Plus  tard,  après 
l'Ascension,  une  pieuse  tradition  nous  représente  la  Vierge-Mère  rece- 
vant journellement,  des  mains  de  saint  Jean,  le  corps  de  son  Eils  (1). 
Oh  !  avec  quelle  ferveur  Marie  s'unissait  à  Jésus  caché  sous  les  voiles  sa- 
cramentels !  C'était  alors  dans  son  cœur  la  réitération  des  sentiments  de 
foi,  d'amour,  de  dévotion  sans  bornes,  qu'elle  avait  éprouvés  au  moment 
oîi  elle  avait  conçu  dans  son  chaste  sein  le  Verbe  de  Dieu.  Jamais 
aucune  âme,  quelque  privilégiée  qu'elle  ait  été,  n'a  apporté  dans  ses  com- 
munions autant  d'ardente  charité  qu'en  apportait  Marie  dans  les  siennes. 
La  dévotion  qu'ont  éprouvée  les  plus  grands  Saints  dans  les  moments  de 
plus  intense  ferveur  n'a  été  qu'un  faible  reflet  de  celle  de  Marie  au  mo- 
ment où  elle  reçut  le  pain  consacré  des  mains  de  son  propre  Fils. 

Ainsi  donc,  nous,  disons  que  c'est  à  Marie  que  nous  sommes  redevables 
de  l'institution  du  Sacrement  de  l'autel  puisque  c'est  surtout  en  vue  des 
dispositions  saintes  avec  lesquelles  elle  devait  le  recevoir,  que  Jésus  a 
voulu  se  donner  à  nous  sous  les  espèces    du  pain  et  du  vin. 


Ah  !  il  est  bien  certain  qu'avant  d'instituer  le  sacrement  de  son  amour, 
Jésus  prévoyait  déjà  toutes  les  profanations  auxquelles  il  serait  exposé 
dans  le  courant  des  siècles,  de  la  part  d'hommes  impies,  blasphémateurs 
des  choses  saintes,  d'hommes  à  l'âme  noircie  d'ingratitude  ;  il  connaissait 
les  indifférences  dont  il  serait  l'objet  même  de  la  part  de  ses  amis;  la 


(1)  On  peut  lire  sur  ce  sujet  le  pieux  et  édifiant  ouvrage  "La  communion  de 
Marie,  Mère  de  Dieu  ",  par  le  P.  Bernardin,  Capucin,  édité  par  le  P.  Félix  Si- 
xnounct,  Paris,  Lecoffrc,  18G0. 


—  275  — 

tiédeur  et  presque  la  froideur  avec  lesquelles  bien  des  âmes  le  recevraient  ; 
et,  ce  qui  est  plus,  pour  beaucoup,  l'inutilité  de  ce  sacrement  qui  devien- 
drait même  pour  plusieurs  une  cause  de  ruine  spirituelle.  Oui,  toutes 
ces  considérations  auraient  bien  pu  détourner  le  divin  Maître  du  projet 
de  donner  aux  hommes  son  Corps  et  son  Sang  en  nourriture  dans  TEu- 
charistie.  s'il  n'avait  eu,  pour  le  consoler,  la  vision  des  saintes  ferveurs 
et  des  parfaites  adorations  dont  son  Sacrement  d'amour  serait  l'objet  de 
la  part  de  sa  Mère  bénie.  Marie,  par  une  seule  communion,  suppléa  à 
la  tiédeur,  aux  indifférences,  aux  apostasies  des  siècles  à  venir.  Aussi, 
malgré  ces  abus,  l'Eucharistie  est  instituée,  et  c'est  surtout  à  la  ferveur 
de  Marie  que  nous  devrons  cet  immense  bienfait  de  l'amour  d'un  Dieu, 
comme  d'ailleurs  c'est  à  cette  divine  Mère  que  nous  sommes  redevables 
pour  la  création  de  l'univers  tout  entier,  puisque,  au  dire  de  docteurs 
catholiques,  c'est  surtout  pour  l'amour  de  Marie  que  Dieu  a  créé  le 
monde.  Honneur  donc  et  reconnaissance  à  Notre-Dame  du  Très  Saint- 
Sacrement  ! 


* 


Nous  avons  dit  que  l'un  des  motifs  de  Notre  Divin  Sauveur,  en  insti- 
tuant l'Eucharistie,  était  de  rendre  à  sa  Mère  bien-aimée,  autant  qu'il 
était  en  lui,  ce  même  corps  et  ce  même  sang,  qu'il  avait  reçus  d'elle  par 
l'Incarnation,  en  les  lui  communiquant,  dans  les  espèces  du  pam  et  du 
vin,  pour  être  sa  nourriture  à  la  Table  Sainte. 

Notre-SeigneuT  ne  se  laisse  vaincre  par  personne  en  généreuse  recon- 
naissance, lui  qui  a  promis  qu'un  verre  d'eau  donné  en  son  nom,  ne  serait 
pas  sans  récompense.     Or,  il  savait  que  c'était  au  consentement  de  Marie 
qu'il  devait  d'avoir  pris  un  corps  semblable  au  nôtre,  et  il  brûlait  de  lui 
en  témoigner  toute    sa    reconnaissance.     Mais  que  pourra-t-il  offrir  de 
mieux  à  sa  Mère  que  ce  même  Corps   et   ce  même   Sang  qu  il   a  reçus 
d'elle      Ainsi  donc,  ô  Marie,  cette  chair  que  vous  avez  donnée  au  Verbe 
pour  qu'il  se   fît   homme,  il  vous   la   rendra  dans   l'Eucharistie  comme 
déifiée,  pour  vous  déifier  vous-même;  ce  sang  que  vous  lui  avez  donne 
mortel  et  passible,  il  vous  le  rendra  immortel  et  glorieux,  d  abord  dans 
l'Eucharistie,  afin    que   vous   vous    en    abreuviez,  puis   sur   le  Calvaire, 
sortant  de  ses  plaies  douloureuses.     Comme  les  fleuves  retournent  a  la 
source  d'où  ils  découlent,  ainsi  le  Sang  précieux  de  Jésus  qui  est  sorti 
de  vous,  retourne  à  vous;  et  c'est  ainsi  que  votre  Fils  vous  recompense: 
tout  ce  qu'il  a  reçu  de  vous,  il  vous  le  rend,  après  l'avoir  déifie  en  lui- 
même.     C'est  donc  là  pour  vous  un  nouveau  titre  pour  mériter  detre 
saluée  Notre-Dame  du  Très  Saint-Sacrement:  car  s'il  est  vrai  que  Jésus 
s'est  donné  spontanément  pour  chacun  do  nous.  'Umdidit  semetipsum 
pro  me  ",  il  est  également  vrai  que  pour  Marie  seulement  ce  don  inf>ffab  e 
a  été  provoqué  par  un  sentiment  de  reconnaissance  du  plus  doux  des  nia 
envers  la  plus  aimable  des  mères. 


—  276  — 


Si  nous  sommes  redevables  à  Marie  pour  l'institution  de  la  Sainte 
Eucharistie,  nous  ne  lui  sommes  pas  moins  redevables  pour  la  perma- 
nence de  l'Eucharistie  au  milieu  de  nous,  en  ce  sens  que  le  recrutement 
et  la  formation  des  premiers  prêtres  furent  surtout  l'œuvre  de  la  bien- 
heureuse Mère  de  Jésus. 

Dès  l'origine  de  la  prédication  évangélique,  le  rôle  de  la  femme  chré- 
tienne nous  apparaît  entouré  d'une  auréole  glorieuse,  brillant  reflet 
d'une  noble  mission  que  le  paganisme  n'avait  pas  soupçonnée,  et  que  le 
judaïsme  n'avait  pas  pleinement  compris.  Ce  rôle  consiste  à  aider  le 
prêtre  dans  sa  mission  sanctificatrice.  Les  saintes  femmes  servent  les 
apôtr-es,  et  leur  sont  de  précieuses  auxiliaires  pour  instruire  les  per- 
sonnes de  leur  sexe,  pour  s'occuper  surtout  des  enfants  et  des  pauvres. 

Mais  au-dessus  de  ces  saintes  femmes,  Marie  domine  toute  l'Eglise. 
Sa  sollicitude  maternelle  embrasse  tous  les  hommes  ;  elle  veut  les  attirer 
tous  à  son  Fils  survivant  sur  la  terre,  à  la  divine  Eucharistie.  Elle  leur 
parle  des  bontés  de  Jésus,  de  la  loi  d'amour  qu'il  est  venu  apporter  au 
monde:  "Aimez-vous  les  uns  les  autres,  comme  moi-même  je  vous  ai 
aimés."  Ils  ne  doivent  avoir  qu'un  cœur  et  qu'une  âme,  car  ils  sont  tous 
frères,  enfants  du  même  père  et  de  la  même  mère,  nourris  du  même  pain 
de  vie.  Et  ce  pain  de  vie  n'est  autre  que  son  bien-aimé,  caché  sous  les 
espèces  sacramentelles,  et  son  souvenir  la  rend  "malade  d'amour."  (1) 
"  Qu'a  donc  ton  bien-aimé  de  plus  que  les  autres,  lui  demandaient  les  pre- 
miers chrétiens,  qu'a  donc  ton  bien-aimé  de  plus  que  les  autres,  pour  que 
tu  nous  conjures  de  la  sorte  ?" 

"  Mon  bien-aimé,"  répondait  Marie,  "  est  blanc  et  vermeil  ;  il  se  dis- 
tingue entre  dix  mille. . .  Son  aspect  est  celui  du  Liban,  élégant  comme 
le  cèdre...  et  toute  sa  personne  est  pleine  de  charme.  Tel  est  mon 
bien-aimé,  tel  est  mon  ami,  filles  de  Jérusalem. "(2) 

Et  comment  ce  bien-aimé,  qui  est  si  beau,  se  rend-il  présent  dans 
l'Eucharistie?  Par  le  ministère  des  prêtres.  Marie  prend  donc  soin 
surtout  de  ceux,  parmi  les  premiers  chrétiens,  qui  sont  appelés,  par  leur 
vocation,  à  être  les  ministres  de  l'autel,  la  source  permanente  de  l'Eu- 
charistie. Elle  aime  à  les  rassembler  autour  d'elle  dans  sa  modeste 
demeure;  elle  est  zélée  pour  la  sanctification  de  chacun  d'eux;  elle  prie 
pour  eux,  afin  que  leur  foi  ne  chancelle  pas,  que  leur  vertu  demeure 
intacte  ;  elle  comprend  plus  que  personne  l'éminence  de  leur  dignité,  l'in- 
fluence de  leurs  actes,  la  responsabilité  qui  pèse  sur  leurs  épaules;  elle 
sait  quels  fruits  de  salut  seront  produits  par  leur  sainteté  et  leur  zèle,  et 
combien  seraient  funestes  à  l'Eglise  leur  négligence  et  leur  infidélité. 
Elle  aime  à  raviver  en  eux  les  souvenirs  de  la  vie  dx\  Sauveur,  et  à  les 
enflammer  par  la  chaleur  communicative  de  ses  pieux  entretiens:  en  un 
mot,  sa  modeste;  demeure,  là,  sur  le  mont  Sion,  à  côté  du  Cénacle,  est  le 
premier  séminaire  catholique. 


H)    Cant.,  VT.  8. 

(2)   Cant..  VI.  10.  s.  s. 


—  2?7  — 

Marie  entoure  les  premiers  prêtres  et  évêques  du  respect  qui  leur  est 
dû,  et  quoiqu'étant  leur  reine  et  leur  mère,  elle  vénère  en  eux  les  repré- 
sentants de  l'autorité  de  son  divin  Fils.  Elle  enseigne  ce  respect  aux 
fidèles;  elle  leur  fait  comprendre  que  sans  les  apôtres  ou  les  prêtres,  on 
ne  saurait  avoir  ni  la  doctrine  de  Jésus,  ni  l'Eucharistie,  source  de  toute 
grâce,  et  qu'ainsi  pour  s'unir  à  Dieu,  il  faut  se  tenir  uni  au  prêtre  qui 
le  représente  et  qui  est  son  ministre.  *'  Qui  adhaeret  sacerdoti,  adhaerel 
Deo/' 

Ainsi  donc,  après  l'Ascension  du  Sauveur,  Marie  est  uniquement 
occupée  à  honorer  l'Eucharistie,  à  attirer  les  fidèles  à  l'Eucharistie,  à 
sanctifier  et  à  former  les  prêtres,  consacrés  surtout  pour  produire  et 
donner  l'Eucharistie.  Elle  s'est  donnée  tout  entière  au  service  de  l'Eu- 
charistie; et  de  même  que  c'est  à  elle  que  l'on  doit  la  formation  des 
premiers  ministres  de  l'Evangile,  de  même  aussi  veillera-t-elle  jusqu'à 
la  fin  des  siècles,  pour  que  le  front  du  prêtre  soit  toujours  entouré  de 
l'auréole  de  la  vertu  et  de  la  sainteté,  et  le  titre  de  '''  Eegina  Coeli  ",  avec 
lequel  on  aimera  à  honorer  Marie,  ne  sera  que  la  traduction  du  titre 
''  Xotre-Dame  du  Très  Saint-Sacrement,"  que  nous  revendiquons  pour 
notre  Mère  et  notre  Eeine. 


DEUXIEME  PAETIE 

Une  foi  vive  et  sincère  en  Marie  dispose  l'âme  à  la  foi 
en  la  Très  Sainte  £ucliaristie 


Il  est  difficile  d'exalter  autant  qu'elle  le  mérite  l'excellence  de  la  foi. 
C'est  cette  vertu  divine  qui  soulève  l'homme  au-dessus  de  ce  bas-monde, 
et  qui  le  transporte  dans  une  région  supérieure  où  il  peut  contempler  de 
loin  les  biens  inestimables  qui  nous  attendent  dans  la  patrie.  Avec  la 
grâce,  la  foi  est  notre  plus  précieux  trésor.  C'est  la  foi  qui  a  suscité 
cette  glorieuse  phalange  de  martyrs,  qui  forme  la  plus  belle  couronne  de 
l'Eglise  catholique;  c'est  elle  qui  a  soutenu,  au  milieu  des  plus  grands 
sacrifices  et  des  plus  cruelles  privationss,  les  vaillants  explorateurs  de  ce 
riche  et  immense  territoire.  Cette  foi,  ô  mes  frères  du  Canada,  ces  pre- 
miers apôtres  vous  l'ont  léguée  comme  la  portion  la  plus  précieuse  de 
leur  héritage,  et  vous-mêmes  vous  l'avez  conservée  jusqu'ici  avec  un  soin 
jaloux.     Dieu  en  soit  loué  ! 

Or,  l'Eucharistie  est  le  centre  de  la  foi  catholique.  Elle  nous  rappelle 
le  dogme  de  la  Très  Sainte  Trinité,  la  chute  d'Adam,  son  relèvement  par 
la  promesse  d'un  Rédempteur,  l'Incarnation  avec  toutes  ses  circonstances 
de  travaux,  de  souffrances,  d'humiliation,  le  divin  bienfait  de  la  grâce 
qui  nous  rapproche  de  Dieu,  nous  transforme  dans  les  splendeurs  mêmes 
de  la  divinité.     Chose  merveilleuse,  un  simple  acte  de  foi  en  la  pré.sonce 


—  278  — 

réelle  de  Jésus  au  Sacrenieut  de  son  amour  équivaut  virtuellement  à  des 
actes  réitérés  autant  de  fois  qu'il  y  a  d'articles  distincts  dans  le  symbole 
catholique.  Oh  !  quelle  consolation,  pour  une  âme  vraiment  chrétienne, 
de  pouvoir,  par  un  acte  de  foi  et  d'amour  en  la  présence  de  Jésus  dans 
le  tabernacle,  affirmer  sa  croyance  dans  ces  sublimes  vérités  que  Dieu 
lui-même  nous  a  révélées  ! 


Mais  quel  est  le  moyen  le  plus  efficace  pour  conserver  intacte  la  foi 
en  la  divine  Eucharistie?  îs^ous  n'hésitons  pas  à  le  dire:  c'est  la  foi  en 
Marie,  une  foi  vraie  et  sincère  en  sa  maternité  divine  et  en  ses  étonnants 
privilèges. 

Remarquez  bien  que  je  dis  "  une  foi  vraie  et  sincère  "  en  la  maternité 
divine;  une  telle  foi  en  effet  ne  fait  qu'un  avec  la  foi  au  mystère  de 
l'Incarnation;  aussi,  la  vraie  foi  en  la  maternité  de  Marie  est-elle  in- 
compatible avec  une  erreur  quelle  qu'elle  soit,  touchant  rincarnation. 
Ce  n'est  pas  croire  en  l'Incarnation  que  d'admettre  deux  personnes  en 
Jésus-Christ,  comme  a  fait  Nestorius,  ou  de  confondre  en  une  seule,  la 
nature  divine  et  la  nature  humaine,  comme  a  fait  Eutychès;  dans  l'un 
et  l'autre  cas,  on  en  vient  à  rejeter  la  maternité  divine,  car  Marie  n'est 
pas  Mère  de  Dieu,  si  elle  n'a  engendré  qu'une  personne  humaine,  et  elle 
n'est  pas  Mère  de  Jésus-Christ  si  elle  a  engendré  un  Dieu  en  qui  la  na- 
ture humaine  est  comme  absorbée  par  la  divinité. 

Le  protestantisme,  pour  avoir  rejeté  l'autorité  de  l'Eglise  et  avoir 
voulu  se  reposer  sur  ses  propres  forces,  en  est  arrivé  à  renier  Jésus- 
Christ,  Dieu  et  Homme.  Si  nous  examinons  bien  les  écrits  de  ses 
docteurs  modernes,  nous  verrons  qu'ils  sont  tous  ou  presque  tous  tombés, 
soit  dans  le  Nestorianisme,  soit  dans  rEutATliianisnie,  c'est-à-dire  qu'ils 
divisent  la  personne  du  Sauveur,  ou  bien  ils  confondent  ses  deux  natures. 
L'erreur  moderniste,  empruntée  des  théologiens  protestants,  allemands 
et  anglais,  et  vulgarisée  en  France  par  le  malheureux  abbé  Loisy,  n'est 
autre  chose,  au  fond,  que  la  reproduction,  avec  quelques  variantes,  de  ces 
anciennes  hérésies.  Ces  gens-là  n'ont  pas  la  vraie  foi  en  la  divine  ma- 
ternité, parce  qu'ils  n'ont  pas  la  vraie  foi  en  l'Incarnation  du  Verbe. 

Tout  autre  est  la  foi  des  catlioliques  aux  grandeurs  de  Marie,  et  par 
conséquent  au  m3'Stère  de  l'Incarnation.  Oui,  ô  Mère  bien-aiméc,  nous 
croyons  à  vous  et  à  vos  privilèges.  D'abord  vous  êtes  la  Mère  de  Dieu  : 
vous  avez  non  seulement  consenti,  mais  concouru  à  l'accomplissement 
du  mystère  de  l'Incarnation.  Vous  êtes  en  outre  pleine  de  grâce.  Ce 
qui  fait  votre  bonheur  et  votre  gloire,  c'est  moins  votre  titre,  pourtant 
si  éminent  de  Mère  de  Dieu  selon  la  chair,  que  votre  privilège  d'avoir 
reçu  en  plénitude  dans  votre  cœur  la  vie  divine,  d'avoir  été  toute  trans- 
formée par  l'union  de  votre  âme  avec  la  divinité.  La  vie  divine  qui 
illumine  l'âme  de  Jésus  vous  a  été  communiquée  avec  abondance.  Vos 
dispositions  intérieures  sont  les  mêmes  que  celles  de  votre  Fils,  comme 
dans  un  cercle  plus  grand,  un  cercle  plus  petit  contient  en  lui  tous  les 
rayons  du  premier,  bien  que  dans  une    plus  petite    mesure.     Vous  êtes 


—  279  — 

une  photographie  micrographique  de  Jésus,  contenant  eu  abrégé  tous 
les  traits  de  sa  beauté  parfaite.  Vous  êtes  le  canal  de  toutes  les  grâces, 
la  Co-Eédemptrice  du  genre  htunain,  le  bouclier  de  notre  foi,  l'extermi- 
natrice des  hérésies,  la  porte  du  ciel  et  la  Keine  de  l'univers. 

Qu'on  ne  s'étonne  donc  plus  si  je  dis  que  la  foi  aux  privilèges  de 
Marie  nous  dispose  à  croire  à  l'Eucharistie  et  aux  bienfaits  qu'elle  pro- 
duit dans  nos  âmes.  La  foi  en  Marie  c'est  d'abord  la  foi  en  l'Incarna- 
tion qui  a  son  prolongement  dans  l'Eucharistie;  c'est  ensuite  la  foi  au 
chef-d'œuvre  de  Dieu  parmi  ses  créatures;  c'est  la  foi  à  l'immense  cha- 
rité de  Dieu;  croire  aux  ineffables  prérogatives  de  Marie  nous  dispose 
donc  à  croire  au  grand  miracle  de  l'Eucharistie  et  aux  faveurs  de  notre 
union  avec  Dieu  dans  ce  Sacrement. 


Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  seulement  que  l'on  a  refusé  de  croire  aux 
merveilles  eucharistiques.  Déjà,  à  la  promesse  de  ce  don  divin,  les  habi- 
tants de  Capharnaùni  s'écriaient  dans  un  moment  d'infidélité 
perfide  mêlée  d'ingratitude  :  "  Cette  parole  est  dure,  et  qui  ijeut 
l'écouter?  (1) 

Mais  d'où  vient  donc  la  difficulté  de  croire  en  l'Eucharistie?  De  ce 
qu'il  y  a  dans  ce  divin  sacrement  deux  sortes  de  miracles  :  le  miracle  de 
la  présence  réelle  de  Jésus-Christ  sous  les  saintes  espèces  et  le  miracle 
des  effets  de  cette  présence.  Par  la  transsubstantiation,  il  arrive  que 
sur  tous  les  autels  de  l'univers,  se  trouvent,  sous  les  apparences  du  pain 
et  du  vin  et  sans  occuper  d'étendue  extrinsèque,  le  vrai  corps  et  le  vrai 
sang  du  Fils  de  Marie;  ensuite  la  réception  du  sacrement  de  l'autel 
donne  la  vie  à  nos  âmes  en  nous  unissant  intimement  à  Dieu. 

Or,  si  en  vénérant  la  divine  maternité  de  Marie,  nous  croyons  et 
admettons  que  la  chair  née  de  cette  vierge  est  une  chair  divine,  une  chair 
unie  hypostatiquement  au  Yerbe  de  Dieu,  trouverons-nous  impossible 
qu'elle  reçoive  un  honnetir  moindre,  celui  de  pouvoir  être  comme  Dieu 
en  dehors  de  l'espace  et  présente  simultanément  en  mille  lieiix  divers  ? 
L'Incarnation,  en  effet,  est  le  plus  grand  des  miracles.  Qu'un  homme 
soit  vraiment  Dieu  et  qu'une  femme  soit  vraiment  la  ]\Ière  de  Dieu, 
voilà,  enseigne  le  Docteur  angélique.  le  point  culminant  de  toutes  les 
œuvres  les  plus  merveilleuses  du  Très-Haut.  La  présence  réelle  de  Jésus 
au  Saint-Sacrement.  l)ien  qu'étant  une  œuvre  extraordinaire,  est  ceix'n- 
dant,  comme  miracle,  inférieuro  à  l'Incarnation:  il  faut  une  ])ui.-sance 
plus  grande  pour  faire  qu'un  homme  soit  vraiment  Dieu,  que  pour 
mettre  sur  nos  autels  le  corps  de  Jésus-Christ  caché  sous  les  saintes 
espèces. 

En  outre,  si  le  Verbe  de  Dieu  peut  devenir  le  vrai  fils  d'une  femme, 
pourquoi  ne  pourrait-il  pas  contracter  avec  chacun  de  nous  une  union 
admirable,  mais  cependant  moins  intime?  Et  si  en  devenant  le  fils  de 
Marie,  il  a  voulu  euricliir  sa  ^tère  do.>  plus  glorieux  privilèges  de  nature 


1  )    S.  Jean,  VI,  GO. 


—  280  — 

et  de  grâce,  pourquoi,  en  s'unissant  à  nos  âmes,  ne  pourrait-il  pas  y  ré- 
pandre à  profusion  ses  grâces  de  choix?  Marie  recevant  de  Jésus,  en 
tant  que  sa  vraie  Mère,  tous  les  trésors  de  perfection  et  de  grâce  dont 
une  pure  créature  peut  être  ornée,  voilà  bien  la  figure  d'une  âme  qui,  par 
le  fait  de  recevoir  le  Saint-Sacrement,  est  inondé  des  bienfaits  du  Très- 
Haut. 

Donc,  en  croyant  à  la  maternité  divine  et  aux  grâces  qui  en  ont  découlé 
pour  Marie,  nous  sommes  tout  portés  à  croire  à  la  réelle  présence  de 
Jésus  dans  le  Sacrement  de  l'autel,  et  à  ses  effets  merveilleux  dans  les 
âmes;  au  contraire,  en  rejetant  les  privilèges  de  Marie,  on  en  vient  à  ré- 
duire l'Eucharistie  aux  proportions  d'un  symbole  :  c'est  ce  qu'ont  fait  les 
protestants. 


* 
*       * 


Peut-être  nos  frères  séparés,  ou  du  moins  plusieurs  d'entre  eux,  recon- 
naissent-ils que  Marie  a  réellement  formé  le  corps  de  THomme-Dieu  et 
que  par  conséquent  on  peut  vraiment  l'appeler  Mère  de  Dieu  ;  néanmoins 
ils  ne  veulent  pas  comprendre  que  Jésus  se  devait  à  lui-même  de  combler 
sa  Mère  des  plus  sublimes  prérogatives.  Aussi  n'ayant  pas  le  moindre 
soupçon  des  merveilles  opérées  en  Marie,  de  sa  vie  surnaturelle,  de  sa 
toute-puissance  agréée  par  son  Fils,  ils  ne  peuvent  admettre  que  Dieu 
s'abaisse  jusqu'à  s'unir  réellement  à  nous,  vivre  en  nous  et  avec  nous.  La 
vie  divine  en  nous,  ils  l'ignorent,  parce  qu'ils  ne  veulent  pas  reconnaître 
cette  même  vie  dans  Celle  qui  mit  au  monde  l'auteur  de  notre  vie. 

Pour  nous,  catholiques,  à  la  vue  de  tant  de  bienfaits  accordés  par  le 
cœur  si  aimant  de  Jésus  à  une  pure  créature,  sa  Mère,  nous  comprenons 
tout  de  suite  et  croyons  sans  aucune  hésitation,  qu'il  peut,  en  nourrissant 
nos  âmes  dans  le  banquet  eucharistique,  nous  communiquer  à  nous  aussi 
sa  vie  divine.  Si  nous  reconnaissons  qu'il  a  traité  si  généreusement  sa 
Mère,  nous  qui  sommes  ses  frères,  nous  lui  faisons  l'honneur  d'avoir  con- 
fiance en  Lui,  quand  il  nous  offre  son  Corps  et  son  Sang  comme  un  gage 
de  participation  à  la  vie  divine  et  immortelle,  quand  il  nous  dit  :  "  Ceci 
est  mon  Corps,  recevez-le  et  vous  vivrez." 

Ah  !  la  foi  vive,  ardente  en  l'Eucharistie,  que  de  consolation  elle  cause 
à  Notre  divin  Sauveur!  Comme  elle  le  dédommage  des  infidélités  de 
beaucoup  ;  comme  elle  satisfait  son  Cœur  assoiffé  d'amour  !  Oh  oui,  Jé- 
sus, nous  faisons  nôtre,  cette  si  noble  et  spontanée  protestation  de  l'apôtre 
bien-aimé  :  "  Et  nous,  nous  avons  connu  l'amour  que  Dieu  a  poiir  nous, 
et  nous  y  avons  cru."  fl)  Oui.  nous  croyons  que  vous  êtes  réellement 
présent  au  sacrement  de  votre  amour,  et  que,  en  vous  donnant  à  nous, 
vous  nous  comblez  de  tous  les  bienfaits,  vous  qui,  venant  dans  le  sein  de 
votre  Mère  bénie,  l'avez  ornée  de  tous  les  plus  excellents  privilèges  de 
grâce  et  de  perfection. 


Il)    l  Ep..  IV.  ](i. 


—  281  — 


Mais  nous  aimons  à  aller  plus  loin  encore;  nous  n'hésitons  pas  à  dire 
que  l'Eucharistie,  qui  nous  donne  la  vie  à  tous  individuellement,  doit 
aussi  donner  la  vie,  le  salut  et  le  bonheur  à  nos  sociétés;  et  c'est  la  foi 
en  Marie  qui  est  destinée  à  préparer  cette  transformation  merveilleuse. 

A  nos  sociétés  qui  languissent  dans  la  souffrance,  Jésus,  du  tabernacle, 
fait  entendre  cette  aimable  invitation  :  '"'  Venez  à  moi,  vous  tous  qui 
peinez  et  ployez  sous  le  fardeau,  et  je  vous  soulagerai.''  (1)  C'est  la  mul- 
tiplication des  pains  au  désert  qui  a  ranimé  les  foules  dél'ailhuites.  La 
multiplication  du  pain  eucharistique  nous  est  offerte  comme  un  remède 
salutaire  aux  défaillances  sociales.  Or,  en  croyant  à  Marie,  on  est  tout 
porté  à  reconnaître  l'action  salutaire  de  l'Eucharistie  sur  la  société. 
Quand  on  croit  que  Dieu  sur  le  Calvaire  nous  a  confiés  à  une  Mère  si 
bonne,  qui  est  notre  Mère  à  tous,  on  croit  plus  aisément  à  son  amour 
dans  l'Eucharistie,  à  ce  sacrement  d'unité  et  de  paix,  à  ce  "  Pain  Eucha- 
ristique qui,  affranchi  de  l'espace  et  de  toute  division,  est  destiné  à 
réunir  les  terres  séparées  par  l'océan."  (2)  Oui,  en  croyant  à  Marie,  on 
croit  à  la  possibilité  de  s'aimer  les  uns  les  autres  et  à  l'efficacité  de  cet 
amour  mutuel  pour  le  bonheur  de  tous;  on  comprend  qu'à  cette  grande 
famille,  née  du  Cœur  de  Jésus  en  Croix  et  spirituellement  engendrée  par 
Marie,  selon  cette  parole  :  "  Voici  votre  mère  ",  Dieu  ne  voulait  pas  seu- 
lement acorder  cette  vie  par  laquelle  chacun  de  nous  est  devenu  à  la  fois 
enfant  de  Dieu,  frère  de  Jésus  et  fils  de  Marie,  mais  encore  une  vie  de 
famille,  où  nous  vivions  réellement  en  frères,  sous  l'égide  maternelle  de 
notre  commune  Mère,  Marie.  La  maternité  universelle  de  Marie  par 
rapport  au  genre  humain,  vérité  proclamée  par  Jésus  sur  la  croix,  est 
la  clef  pour  comprendre  la  fraternité  universelle  que  le  Sauveur  veut  lui- 
même  sceller  de  son  Corps  et  de  son  Sang,  au  Sacrement  de  son  amour. 

D'autre  part,  voyons  de  quelle  manière  le  monde  souffre  par  Tabsence 
de  foi  en  Marie,  et  comme  le  refus  de  croire  aux  prérogatives  de  cette 
Vierge  bénie  mène  à  l'incrédulité  envers  le  Très  Saint-Sacrement. 

D'abord,  n'est-ce  pas  un  fait  bien  frappant  que  là  où  la  foi  en  Marie 
est  languissante  ou  morte,  la  foi  en  l'Eucharistie  est  également  tiède  ou 
entièrement  al)sente?  X"est-ce  pas  un  fait  que  les  protestants  ont  rejeté 
"  in  globo  "  le  culte  de  l'Eucharistie  avec  le  culte  de  Marie,  tandis  que 
les  Eglises  grecques,  chez  lesquelles  le  culte  de  Maire  est  en  honneur, 
ont  conservé  la  foi  et  le  culte  en  la  présence  réelle  de  Jésus  au  Sacre- 
ment de  l'autel?  Et  n'y  a-t-il  pas  un  indice  encore  plus  frappant  de 
cette  union  intime  entre  la  foi  en  Marie  et  la  foi  en  l'Eucharistie,  dans 
ce  fait,  que  les  Ritualistes,  qui  reviennent  à  la  foi  en  la  présence  réelle 
de  Jésus-Christ  dans  l'Eucharistie,  au  point  de  soutenir  envers  et  contre 


(1)  S.  Mathieu,  XI,  28. 

(2)  Lettre  de  S.  Sainteté  Pie  X  au  Card.  Vincent  Vaniuitclli.  Kv.hiu.'  <h-  l'ié- 
veste,  le  déléguant  comme  son  représentant  au  Congrès  Kucliaristi<nic  d.-  Mont- 
réal, 26  mai  1910. 


—  282  — 

tous  la  validité  des  ordinations  anglicanes,  jDour  ne  pas  s'avouer  privés 
dans  leurs  églises  du  Sacrement  de  Tautel,  sont  en  même  temps  récon- 
ciliés à  notre  belle  et  consolante  doctrine  touchant  la  maternité  et  les 
privilèges  de  Marie?  Ces  faits  ne  semblent-ils  pas  indiquer  clairement 
que  nier  les  privilèges  extraordinaires  de  cette  divine  Mère,  c'est  se  dis- 
poser à  nier  l'Eucharistie  ? 

Nous  n'en  sommes  pas  étonnés.  Comment  admettre  en  effet  une 
union  spirituelle  de  l'homme  avec  la  divinité  au  Sacrement  de  l'autel, 
union  destinée  à  sanctifier  nos  âmes,  si  nous  n'admettons  pas  en  Celle 
qui  a  engendré  le  Verbe  et  qui  par  conséquent  lui  est  unie  par  les  liens 
les  plus  forts  qui  puissent  exister,  une  semblable  communication  de 
grâces  et  de  vertus,  produite  en  son  âme  par  Celui  même  qu'elle  avait 
engendré  ?  Si  le  Verbe  de  Dieu,  l'auteur  de  la  grâce  n'a  pas  communiqué 
cette  même  grâce,  et  dans  une  mesure  exceptionnelle,  à  sa  Mère,  qui  som- 
mes-nous, pour  que  nous  prétendions  nous  unir  à  ce  même  Verbe  de  Dieu 
dans  l'Eucharistie? 

Du  reste,  puisque  l'Eglise  nous  enseigne  que  Marie  est  le  dispensatrice 
des  dons  de  Dieu,  il  est  évident  que  rejeter  volontairement  la  foi  en 
Marie,  refuser  de  croire  en  ses  privilèges,  c'est  offenser  Dieu,  en  n'hono- 
rant pas  comme  il  le  désire  Celle  qu'il  a  tant  honorée  lui-même  et  qu'il 
veut  tant  voir  honorée  de  tous  les  hommes;  c'est  le  blesser  au  cœur  en 
doutant  de  sa  sagesse,  de  sa  bonté  ou  de  sa  puissance  dans  le  choix  qu'il 
dût  faire  de  sa  Mère  et  dans  l'amour  qu'il  lui  a  témoigné.  C'est  aussi 
offenser  Marie,  qui  désire  que  les  bienfaits  du  Très-Haut  envers  elle 
soient  connus  et  loués  par  tout  l'univers;  elle  veut  que  toutes  les  créa- 
tures unissent  leurs  voix  à  la  sienne  pour  remercier  Dieu  des  faveurs 
qu'elle  en  a  reçues  ;  c'est  l'offenser  parce  que  son  cœur  maternel,  désireux 
de  nous  faire  du  bien,  est  réduit  à  l'impuissance  par  le  fait  de  notre  in- 
crédulité ;  n'allant  pas  à  elle,  nous  ne  pourrons  pas  être  conduits  à  Jésus. 

Cette  double  offense  de  Dieu  et  de  Marie  a  de  douloureuses  consé- 
quences. La  première  condition  pour  obtenir,  c'est  de  demander  :  "  pe- 
tite et  accipieiis  ",  et  c'est  de  demander  comme  il  convient,  "  en  mon 
nom  ",  a  dit  Notre-Seigneur,  et  "  par  Marie  ",  ajoute  la  tradition.  Celui 
qui  prie  Dieu  avec  l'intention  de  donner  à  sa  prière  toutes  les  conditions 
requises,  même  celles  auxquelles  il  ne  pense  pas,  peut  espérer  d'être 
exaucé.  Celui  qui  exclut  la  condition  de  l'intervention  de  Marie,  n'a  pas 
le  droit  d'être  exaucé.  Dieu,  dans  sa  miséricorde,  peut  avoir  égard  à  une 
telle  prière  individuelle  faite  de  bonne  foi,  mais  en  règle  générale  de 
semblables  demandes  ne  lui  sont  pas  agréables.  Il  n'est  donc  pas  éton- 
nant que  ceux  qui  ne  reconnaissent  point  les  grandeurs  de  Marie,  errent 
de  plus  en  plus  dans  la  foi,  et  surtout  n'aient  pas  le  bonheur  de  croire 
en  l'Eucliaristie,  centre  de  notre  foi.  La  foi,  qui  est  la  racine  et  le  fon- 
dement de  notre  justification,  nous  vient  par  Marie,  la  dispensatrice  de 
toutes  les  faveurs  divines. 

0  mes  frères  séparés,  pourquoi  faut-il  que  vous  nous  donniez  conti- 
nuellement ce  spectacle  de  méconnaître,  de  mépriser  Jésus  au  tabernacle 
de  son  amour?  Pourquoi  faut-il  que  vous  passiez  dans  nos  églises  devant 
l'autel  du  Très  Saint-Sacrement,  sans  même  soupc;oiincr  que  là  se  trouve 
le  plus  grand  trésor  que  nous  possédions,  le  Corps  sacré  de  notre  divin 


—  283  — 

Sauveur?  Pourquoi  faut-il  que  nous  vous  voyions,  dans  Tamertume  de 
nos  âmes,  vous  raidir  en  présence  du  Dieu  d'amour  caché  sous  les  appa- 
rences du  pain,  rejeter  ses  libéralités,  lui  reprocher,  presque  comme  une 
folie,  ses  excès  de  charité  ?  Pourquoi  ne  tombez-vous  pas  à  genoux  devant 
l'Hostie  consacrée?  Pourquoi  n'adorez-vous  pas  le  Sauveur  présent  sur 
nos  autels  ?  Pourquoi  ne  vous  approchez-vous  pas  de  la  Table  Sainte,  où 
un  pain  vous  serait  servi  qui  possède  toutes  les  douceurs,  un  mets  des 
plus  exquis,  qui  fortifie  l'âme  et  l'empêche  de  mourir?  Ah!  c'est  parce 
que  vous  vous  obstinez  à  méconnaître  Marie,  Marie  qui  nous  a  donné  ce 
pain,  Marie  qui,  par  sa  médiation,  nous  en  fait  goûter  les  délices,  nous 
en  fait  percevoir  tous  les  fruits. 

Oh  !  puissiez-vous  revenir  à  Marie,  pour  que,  par  elle,  vous  reveniez  à 
Jésus  !  Puissiez-vous  entendre  l'invitation  maternelle  que  vous  fait  cette 
Eeine  de  miséricorde  :  "  Venez  à  moi,  vous  dit-elle,  et  rassasiez-vous  de 
mes  fruits,  vous  tous  qui  me  désirez.  Car  mon  souvenir  est  plus  doux 
que  le  miel,  ma  mémoire  passera  dans  toute  la  suite  des  siècles.  Ceux 
qui  me  mangent  auront  encore  faim,  et  ceux  qui  me  boivent  auront 
encore  soif.  Celui  qui  m'écoute  n'aura  jamais  de  confusion,  et  ceux  qui 
agissent  par  moi  ne  pécheront  point."     (Eccli.  XXIV,  18,  seqq.) 


TROISIEME  PAETIE. 

La  dévotion  à  Marie  nous  conduit  à  la  dévotion  à 

l'Eucharistie 


Si  une  foi  vive  et  profonde  on  Marie,  dans  sa  maternité,  dans  ses  pri- 
vilèges, est  un  chemin  sûr  qui  nous  conduit  à  Jésus-Hostie,  un  moyen 
pour  augmenter  en  nous  la  croyance  en  la  présence  réelle  et  dans  les  mer- 
veilleux effets  que  produit  en  nous  l'Eucharistie,  une  dévotion  filiale 
envers  cette  divine  Mère  est  également  le  meilleur  moyen  pour  aug- 
menter dans  nos  âmes  la  dévotion  envers  la  très  sainte  Eucharistie. 

Et  d'abord,  n'est-ce  pas  un  fait  remarquable,  que  partout  où  la  dévo- 
tion envers  la  sainte  Eucharistie  a  pris  un  ])liis  grand  essor,  ce  mouve- 
ment a  été  précédé,  par  une  dévotion  spéciale  envers  la  Mère  de  Dieu? 
Voyez  Lourdes  où  l'on  peut  dire  que  s'est  développé  plus  que  dans  n'im- 
porte quel  autre  endroit  du  monde,  le  culte  envers  riuicharistie.  par  les 
communions  quotidiennes,  par  ces  adorations  fréquentes  qui  frappent 
quiconque  visite  ce  sanctuaire  béni,  par  ces  admirables  processions  où 
Jésus  distribue,  comme  autrefois,  aux  pauvres  malades  la  santé  et  la  vie. 
Est-ce  que  tout  cet  élan  de  foi  et  d'amour  envers  Jésus-Hostie  n'est  pas 
l'œuvre  de  Marie?  Xe  semble-t-il  pas  que  la  lîeine  du  ciel  no  soit  a]ii»iiriio, 
à  Bernadette,  n'ait  voulu  l'érection  de  cette  grandiose  Basilique  qui  cou- 
ronne les  rochers  de    Massabielle,  la    consécration,    par  des    pèlorinagei» 


—  284  — 

sans  précédent,  de  ces  endroits  privilégiés,  qu'afin  d'y  faire  honorer, 
adorer  par  le  monde  entier,  son  Fils  caché  sous  les  voiles  eucharistiques  ? 
A  Lourdes,  qui  doit  sa  célébrité  à  Marie,  Marie  se  dérobe,  pour  mettre 
en  relief  Jésus-Hostie.  Voyez  aussi  cette  admirable  Congrégation  des 
Pères  du  Très  Saint-Sacrement,  qui  passent  leur  vie  en  adoration  aux 
pieds  des  autels,  n'est-ce  pas  à  l'inspiration  de  Marie  qu'elle  doit  sa  pre- 
mière inspiration,  à  Marie  qui  demandait  au  vénérable  P.  Eymard  d'ins- 
tituer une  société  de  prêtres,  dont  le  but  exclusif  serait  d'adorer  Jésus  au 
Sacrement  de  l'autel,  et  de  s'offrir  ainsi  en  holocauste  avec  la  divine  Vic- 
time pour  les  péchés  du  monde? 

Et  pourquoi  cette  liaison  intime  du  culte  de  l'Eucharistie  avec  le  culte 
de  Marie?  C'est  jjarce  que  Marie  est  à  la  fois  la  mère  de  Jésus  et  la 
nôtre.  Comme  notre  mère,  elle  veut  notre  bien,  et  dès  là  que  nous  nous 
jetons  dans  ses  bras  par  une  dévotion  sincère,  elle  nous  conduit  à  son 
Fila  bien-aimé,  qui  est  plein  de  puissance  et  de  bonté,  elle  incline  nos 
cœurs  suavement  mais  fortement  vers  la  très  sainte  Eucharistie. 

Or,  de  quelle  manière,  par  quels  ressorts  cachés,  la  Vierge  bénie 
accomplit-elle  ce  rapprochement  de  l'âme  qui  lui  est  fidèlement  dévouée, 
avec  la  sainte  Eucharistie? 

C'est  d'abord  parce  que  Marie  est  la  Vierge  très  pure,  et  Jésus  dans 
l'Eucharistie  se  manifeste  de  préférence  aux  âmes  pures,  exemptes  des 
souillures  de  la  terre.  Il  est  impossible  d'aimer  Marie,  de  lui  être  dévoué, 
de  vivre  avec  elle  de  la  vie  de  l'Esprit,  sans  se  sentir  porté  à  la  pureté. 
A  une  époque  de  péril  national.  Dieu  suscite,  des  marches  de  Lorraine, 
une  vierge  pure,  pour  sauver  la  France.  Au  milieu  des  camps,  Jeanne 
était  comme  une  fleur  suave,  dont  le  parfum  inspirait  aux  âmes  des 
guerriers  le  saint  amour  de  la  pureté.  Si  l'influence  d'une  jeune  fille  a 
été  si  puissante  sur  le  cœur  des  hommes  d'armes,  que  ne  fera  pas  le  très 
pur  lys  de  virginité  de  la  mère  de  Dieu  sur  l'âme  de  ses  enfants,  qui 
n'ont  qu'un  désir,  .qu'une  préoccupation,  celle  de  lui  plaire  et  de  lui  res- 
sembler autant  que  possible?  Oui,  il  est  impossible  d'approcher  Marie 
et  de  l'aimer,  sans  se  sentir  grandir  en  sainteté,  et  surtout  sans  être  épris 
d'horreur  pour  tout  ce  qui  pourrait  quelque  peu  ternir  la  pureté  de  l'âme 
ou  du  corps. 

Or,  la  pureté  est  une  lumière  douce  et  suave,  qui  nous  fait  reconnaître 
Dieu  dans  toutes  ses  manifestations,  et  surtout  dans  la  plus  grande  de 
toutes,  l'Eucharistie.  Notre-Seigneur  l'a  dit  :  "  Heureux  ceux  qui  ont 
le  cœur  pur,  car  ils  verront  Dieu  !  "  (1)  Autrefois,  quand  sur  les  bords 
du  lac  de  Génésareth,  Jésus  ressuscité  se  montra  à  ses  disciples,  seul  saint 
Jean,  l'heureux  fils  de  la  Vierge,  le  reconnut.  C'est  que  la  virginité  dont 
il  était  orné,  était  pour  lui  comme  un  flambeau  qui  lui  découvrait,  sous 
la  figure  de  ce  mystérieux  personnage,  celui  que  les  autres  ne  pouvaient 
pas  voir  :  Jésus,  le  Fils  de  la  Vierge  Marie. 

Ah!  qu'elles  sont  vaines,  les  protestations  pharisaïques  soulevées  na- 
guère contre  cette  remarque  de  la  dernière  Encyclique  de  Notre  Saint 
Père  le  Pape,  oii  il  est  dit  que  les  Eéformateurs  "  occupés  non  pas  à  cor- 


n  )   S.  Mathieu,  IV,  8. 


—  2S5  — 

riger  les  mœurs,  mais  à  nier  les  dogmes,  multipliaient  les  désordres,  re- 
lâchaient pour  eux  et  pour  les  autres  les  freins  apportés  à  la  licence..  .  . 
et  mettant  à  profit  les  passions  des  princes  ou  des  peuples  plus  cor- 
rompus, ruinaient  avec  une  sorte  de  violence  tyrannique,  la  doctrine,  la 
constitution,  la  discipline  de  l'Eglise."'  Ah!  qu'il  est  déplacé  tout  le 
bruit  qu'on  a  voulu  susciter  autour  de  cette  phrase  ! 

Il  y  a  longtemps  que  le  verdict  impartial  de  l'histoire  avait  prononcé 
le  même  jugement;  et  les  actes,  aussi  bien  que  les  paroles  des  patriar- 
ches de  la  Eéforme  protestante  sont  là,  pour  prouver  que  l'une  des 
causes  principales  de  l'abandon  de  la  foi  en  la  divine  Eucharistie  a  été 
la  corruption  des  mœurs.  La  débauche  et  l'impureté  s'accommodent  mal 
de  la  présence  de  Jésus  au  sein  de  la  société  chrétienne.  Ah!  si  du  moins 
ces  pseudo-réformateurs  avaient  conservé  une  dévotion  filiale  envers 
Marie  !  Cette  divine  Mère  aurait  pu  reconduire  ces  enfants  prodigues  à 
la  sainteté  et  à  Jésus.  Mais  ils  s'éloignèrent  de  la  Eeine  des  Vierges, 
pour  n'avoir  pas  à  être  conduits  par  elle  au  Eoi  de  la  pureté.  Allons, 
nous,  à  Marie  la  plus  pure  des  Mères  ;  elle  nous  conduira  à  l'Eucharistie, 
la  nourriture  des  âmes  pures. 


Voulez-vous  connaître  encore  une  autre  raison  qui  doit  nous  faire  re- 
courir à  Marie  pour  accroître  notre  dévotion  envers  l'Eucharistie,  une 
autre  raison  qui  nous  pousse  à  aller  à  Jésus  par  sa  Mère  Immaculée  ? 
C'est  que  Marie  est  "  la  Mère  du  bel  Amour  "  (1).  Et  quel  est,  après 
Dieu,  l'objet  privilégié  de  cet  amour,  sinon  Jésus,  son  bien-aimé:  "  Mon 
bien-aimé,  dit-elle,  est  à  moi,  et  je  suis  à  lui."  Or  l'amour  aime  à  se 
communiquer  :  plus  nous  aimons  une  personne,  plus  nous  souhaitons  de 
la  voir  aimée  par  d'autres.  Oh  !  combien  Marie  ne  souhaitait-elle  pas, 
durant  sa  vie  mortelle,  de  voir  Jésus  aimé  des  foules  !  Comme  elle  souf- 
frait de  le  voir  méconnu,  persécuté,  haï  !  Et  maintenant  que  votre 
Jésus,  bien  que  dans  la  gloire,  est  encore  parmi  nous  au  tabernacle  de 
l'autel,  qui  pourra  dire,  ô  Marie  !  de  quelle  affection  vous  entourez  ce 
divin  Sacrement?  Les  circonstances  dans  lesquelles  ce  banquet  d'amour 
a  été  institué,  les  espèces  accidentelles  sous  lesquelles  se  cache  votre  Fils, 
l'usage  auquel  ce  pain  céleste  lui  est  exclusivement  réservé,  tout  cela 
contribue  à  faire  de  la  sainte  Eucharistie  le  centre  de  votre  affection 
toute  spéciale.  Du  haut  des  cieux,  vous  contemplez,  avec  un  intérêt 
jaloux,  l'Eucharistie  conservée  dans  nos  tabernacles  ;  les  espèces  sacra- 
mentelles sont  pour  vous  une  figure  des  langes  dans  lesquels  vous  enve- 
loppiez, avec  quel  amour  !  les  membres  si  délicats  de  votre  Jésus  que  vous 
veniez  mettre  au  monde  à  Betliléem,  et  l'état  d'annihihition  dans  lequel 
vous  voyez  votre  Bien-aimé  réduit,  vous  rappelle  Taniour  infini  qui  l'a 
porté  à  se  faire  homme  comme  nous. 

Or.  entre  Marie  et  ses  dévots  serviteurs,  il  s'établit  une  intime  com- 


(1)   Eccli.,  XXIV,  17. 


—  286  — 

munauté  de  sentiments  et  d'affection.  Cette  divine  Mère,  en  effet,  nous 
communique  et  fait  grandir  en  nos  cœurs  ce  qu'on  pourrait  appeler  sa 
passion  unique,  son  amour  immense  pour  son  Fils  et  son  Dieu,  gon  besoin 
de  jouir  de  sa  divine  présence,  besoin  qui  se  traduit  par  une  soif  insa- 
tiable de  l'Eucharistie,  et  par  un  désir  véhément  de  l'honorer  et  de  la 
faire  honorer  par  tous  les  moyens  possibles.  Et  comme  ce  sacrement 
d'amour  est  l'application  faite  à  chaque  âme  des  fruits  de  la  Passion  du 
Sauveur,  et  que  cette  application  ne  peut  manquer  d'intéresser  souve- 
rainement la  Co-Eédemptrice  du  genre  humain,  Marie  nous  communique 
cet  attrait  personnel  qu'elle  conserve  au  ciel  pour  la  sainte  Eucharistie,  à 
ce  point  que  plus  une  âme  croît  en  dévotion  envers  Marie,  plus  aussi  elle 
se  sent  attirée  vers  le  Sacrement  de  l'autel. 


* 

*       * 

Permettez,  mes  Frères,  que  je  vous  rappelle  ici  un  fait  authentique, 
soigneusement  conservé  dans  les  annales  de  l'Eglise.  Il  s'agit  de  sainte 
Julienne  de  Falconieri,  fondatrice  des  Tertiaires  Servîtes  de  Marie  et 
nièce  de  saint  Alexis  Falconieri,  l'un  des  sept  fondateurs  du  même 
Ordre.  Arrivée  au  terme  de  sa  vie,  cette  glorieuse  sainte  dont  l'amour 
avait  été  partagé  entre  la  dévotion  à  Marie  et  la  dévotion  à  l'Eucharistie, 
après  avoir  reçu  les  sacrements  de  Pénitence  et  d'Extrême-Onction,  se 
vit  refuser  le  Saint-Viatiquè,  faute  de  pouvoir  conserver  les  saintes 
espèces  dans  son  estomac  délabré  par  la  maladie.  C'était  pour  une  âme 
comme  celle  de  Julienne,  assoiffée  de  Jésus,  une  bien  grande  douleur  que 
de  quitter  cette  vie  mortelle  sans  être  munie  du  Saint- Viatique  et  de  se 
voir  en  quelque  sorte  séparée  de  son  Epoux  bien-aimé  à  ce  moment  su- 
prême. 'Ne  pourrait-elle  pas  du  moins  satisfaire  sa  dévotion,  en  con- 
templant, une  dernière  fois,  l'Hostie-Sainte?  Elle  prie  donc  son  confes- 
seur de  vouloir  bien  lui  apporter  le  saint  Ciboire,  pour  qu'au  moins  la 
vue  de  l'auguste  Sacrement  soit  pour  la  douleur  de  son  âme  une  suprême 
consolation.  Le  prêtre  se  rend  à  ses  désirs.  A  la  vue  du  pain  eucha- 
ristique, Julienne,  quoique  extrêmement  affaiblie,  mais  soutenue  par  la 
force  de  sa  charité,  se  prosterne  à  terre,  les  bras  en  croix,  pour  adorer 
son  Dieu.  Sa  figure  méconnaissable  auparavant  par  sa  maigreur  et  dé- 
faite par  la  maladie,  brille  maintenant  d'une  beauté  angélique. 

Mais  la  présence  du  très  saint  Corps  de  Jésus,  loin  d'éteindre  l'ardeur 
de  sa  charité  immense,  ne  fait  qu'augmenter.  Julienne  demande  la  per- 
mission de  baiser  le  Divin  Sacrement;  le  prêtre  refuse;  elle  le  supplie 
avec  instance  de  poser  la  sainte  hostie  sur  sa  poitrine;  on  se  rend  à  ses 
vœux,  et  pour  cela  on  la  couvre  d'un  blanc  corporal.  Mais  à  peine  le 
pain  céleste  a-t-il  touché  la  poitrine  de  la  vierge  qu'aussitôt  il  y  pénètre 
miraculeusement  et  disparaît  aux  yeux  des  assistants.  En  même  temps, 
Julienne  pousse  vers  son  bien-aimé  ce  cri  d'amour:  "0  mon  doux 
Jésus  !  "  et  rend  son  âme  à  Dieu  dans  les  chastes  embrassements  de  ce 
divin  époux.  Plus  tard,  on  procède  comme  d'ordinaire  à  la  toilette  fu- 
nèbre du  saint  corps. —  Oh  merveille!  Que  trouve-t-on?  la  poitrine  de 
Julienne  au   côté  gauche,  porte  l'emprointo  d'une  hostie   représentant 


—  287  — 

l'image  de  Jésus  crucifié.  Ainsi  par  la  toute-puissance  de  Dieu,  l'image 
du  Christ  que  pendant  sa  vie  elle  avait  toujours  portée  dans  sa  pensée 
et  dans  son  cœur,  se  montrait  après  sa  mort  aux  yeux  de  tous,  sur  son 
corps,  comme  le  sceau  du  Divin  Amour,  rappelant  ces  exhortations 
faites  par  l'époux  à  sa  bien-aimée:  '•■  Placez-moi,  ô  ma  bien-aimée,  comme 
un  cacliet  sur  votre  cœur  !"  Julienne  était  une  des  plus  fidèles  servantes 
de  Marie,  et  Marie  lui  avait  inspiré  l'amour  du  Saint-Sacrement. 

Cette  étude  sur  les  relations  qui  relient  Marie  à  la  sainte  Eucharistie 
serait  incomplète,  si  nous  ne  rappelions  un  autre  trait  de  ressemblance 
entre  la  divine  Mère  et  Jésus-Hostie,  ressemblance  qui  l'ait  qu'une  dévo- 
tion sincère  et  forte  envers  Marie  porte  l'âme  à  s'approcher  fréquemment 
de  l'Eucharistie,  et  à  recevoir  les  fruits  de  salut  qu'elle  nous  apporte. 


* 


L'Eucharistie,  mes  bien  chers  frères,  n'est  pas  seulement  le  plus  grand 
don  que  Dieu  nous  a  fait,  c'est  encore  une  école  de  souffrance  et  de  sacri- 
fices. Par  le  temps  oii  ce  divin  Sacrement  a  été  institué,  c'est-à-dire 
avant  la  Passion  du  Sauveur,  et  par  la  manière  dont  il  s'accomplit  tous 
les  jours  sur  nos  autels,  c'est-à-dire  par  l'état  d'anéantissement  et  de  su- 
jétion où  Jésus  se  réduit  dans  l'Eucharistie,  il  nous  rappelle  les  souf- 
frances et  la  mort  de  Jésus-Christ.  "  0  sacrum  conviviuvi,"  s'écriait 
saint  Thomas,  "  in  quo  Christus  sumitur,  recolitur  memoria  passionis 
ejus!"  Oui,  ce  fut  immédiatement  avant  que  commençât  la  passion  de 
Jésus  que  l'Eucharistie  fut  instituée;  et  ce  sacrement  ne  s'accomplit  pas 
à  l'autel,  sans  que  le  prêtre  forme  sur  les  saintes  espèces  de  nombreux 
signes  de  croix,  qui  rappellent  la  mort  ignominieuse  soufferte  par  Jésus 
sur  le  calvaire.  L'Eucharistie  est  donc  une  école  de  sacrifice,  dans  la- 
quelle, en  nous  rappelant  sa  passion,  Jésus  nous  donne  l'exemple  souve- 
rainement éloquent  des  plus  sublimes  et  des  plus  héroïques  vertus.  L'Eu- 
charistie, c'est  l'école  de  l'humilité  la  plus  profonde,  du  renoncomont  à 
ses  propres  désirs,  de  l'immolation  parfaite. 

Il  y  a  quelques  années,  une  dame  anglaise,  riche  et  généreuse,  mais 
protestante,  désirant  doter  son  pays  d'un  hôpital  bien  aménagé,  où  les 
malades  pussent  trouver  la  santé,  ou  du  moins  un  soulagement  dans  leurs 
misères,  s'en  vint  à  Paris  pour  visiter  un  de  ces  magnifiques  établisse- 
ments érigés  par  la  charité  catholique,  où  les  plus  affreuses  maladies 
étaient  naguère  soignées  par  des  religieuses  avec  un  dévouement  sans 
limites.  Elle  allait  se  retirer,  remplie  d'admiration  surtout  à  cause  de 
la  joie  qu'elle  voyait  peinte  sur  tous  ces  visages  ravagés  par  la  maladie, 
et  en  se  proposant  de  reproduire  ce  qu'elle  avait  vu.  quand  la  supérieure 
lui  fit  remarquer  qu'il  y  avait  encore  un  local  qu'elle  n'avait  pas  visité, 
mais  dont  la  reproduction  ne  serait  pas  possible  dans  l'établissement  pro- 
jeté. Et  pourtant,  ajouta  la  Supérieure,  sans  cela,  vous  n'obtiendrez 
certainement  pa5  le  but  que  vous  poursuivez.  —  Et  quel  est  ce  local, 
demanda  anxieusement  la  dame  ?  —  Voici,  répondit  la  Supérieure,  en 
ouvrant  toutes  grandes  les  portos  de  la  chapelle.  C'est  ici  que  se  con- 
serve le  Très  Saint-Sacrement,  où  les  malades  pnisont  la  force  pour  sup- 
porter leurs  misères. 


—  288  — 

L'Eucharistie  est  donc  une  école  de  sacrifice.  Or  c'est  précisément  à 
une  telle  école  que  nous  conduit  une  dévotion  sincère  à  Marie  qui  est 
appelée  la  Mère  des  Douleurs,  la  Reine  des  Martyrs,  car  tout  ce  que 
Jésus  a  souffert,  Marie  l'a  également  souffert,  et  sa  compassion  n'a  été 
que  le  contrecoup  de  la  passion  de  Jésus.  Or  Marie  ne  veut  pas  que  nous 
dégénérions  ;  elle  veut  que  nous  soyons  des  héros  marchant  sur  les  traces 
de  notre  frère  aîné.  Elle  nous  mène  donc  à  l'école  de  l'Eucharistie,  afin 
que  nourris  du  Corps  de  son  Fils^  nous  fassions  revivre  en  nous  son  cou- 
rage, son  esprit  de  sacrifice,  l'héroïsme  de  sa  sainteté. 

Tout  récemment,  en  descendant  le  Saguenay,  j'ai  voulu  m'arrêter  à 
Tadoussac,  cet  endroit  trois  fois  sacré  où  la  première  messe  a  été  célébrée 
dans  le  Nouveau-Monde.  Tandis  que  je  visitais,  l'âme  remplie  d'émo- 
tion, ces  souvenirs  vénérables,  mes  regards  tombèrent  sur  une  image  de 
Marie  tenant  sur  ses  genoux  le  corps  inanimé  de  Jésus.  Ah  !  c'est  bien 
là  ce  que  nous  voyons  à  peu  près  partout  dans  nos  églises:  l'image  de 
Marie,  Mère  de  Douleurs,  à  côté  de  l'autel  où  se  conserve  le  Corps  de 
Jésus,  montrant  aux  affligés  le  chemin  pour  arriver  à  Celui  qui  est  le 
pain  des  forts  ! 


* 

*       * 

D'autre  part,  nous  voyons  que  la  dévotion  envers  Jésus-Hostie  conduit 
l'âme  spontanément  et  d'une  manière  irrésistible  à  une  plus  grande  et 
plus  filiale  dévotion  envers  Marie.  Jésus  ne  veut  pas  être  inférieur  à  sa 
Mère  en  bonté,  en  générosité:  Marie  amène  les  hommes  au  banquet 
eucharistique;  Jésus,  par  un  secret  de  sa  grâce,  incline  leurs  cœurs  à 
l'amour  envers  cette  divine  Mère,  et  les  attire  doucement  mais  fortement 
h  elle.  Il  y  a  entre  Jésus  et  Marie,  comme  une  sainte  émulation  pour 
se  faire  connaître  et  aimer  mutuellement.  Aussi  partout  où  se  trouve 
une  hostie  consacrée,  là  nous  pouvons  être  sûrs  de  trouver  également  une 
image  de  Marie  :  et  c'est  ce  qui  justifie,  de  ce  côté  aussi  le  titre  de 
"  Notre-Dame  du  Très  Saint-Sacrement."  Titre  glorieux  qu'exprime 
si  bien  le  désir  de  ISTotre-Seigneur,  son  soin  jaloux  de  procurer  toujours 
la  T)lus  grande  gloire  de  sa  Mère  ! 

Et  comment  pourrait-il  en  être  autrement?  Est-ce  qu'un  fils  peut  se 
désintéresser  de  l'honneur  de  sa  mère?  Est-ce  qu'il  ne  cherche  pas  à  la 
faire  honorer,  surtout  quand  cette  mère  se  dépense  pour  la  gloire  de  son 
fils?  Est-ce  que  la  dévotion  à  Marie  ne  produit  pas  précisément  dans 
l'âme,  bien  que  d'une  autre  manière,  les  mêmes  effets  que  la  dévotion  au 
Très  Saint-Sacrement  de  l'autel  ?  L'une  et  l'autre,  en  effet,  communi- 
quent à  l'âme  cette  force  de  vie  qui  la  rend  capable  des  plus  généreuses 
entreprises,  des  plus  nobles  héroïsmes;  l'une  et  l'autre  inondent  le  cœur 
de  paix  et  de  joie  spirituelle,  première  condition  pour  avancer  résolu- 
ment dans  le  service  de  Dieu.  Oui,  on  peut  appliquer  à  la  dévotion 
envers  la  très  sainte  Vierge  aussi  bien  qu'à  la  dévotion  envers  l'Eucha- 
ristie ce  que  les  Livres  Saints  disent  "de  la  Sagesse  (1)  :  "  Elle   est   un 


(1)   Prov.,  III,  18. 


Le  Comité  di:  RfxKPTiox. 
Thk  ('()M\tiTTi;i;  ox  lîia  kptiox. 


—  289  — 
arbre  de  vie  pour  ceux  qui  la  possèdent,  et  celui  qui  s'y  attache  est  heu- 


reux ". 


On  ne  peut  pas  lire,  sans  émotion,  les  origines  de  cette  grande  ville  de 
Montréal.  Le  18  mai  1642,  M.  de  Maisonneuve  et  ses  intrépides  com- 
pagnons mettaient  pied  à  terre  sur  cette  île,  en  chantant,  dans  l'excès  de 
leur  reconnaissance,  des  psaumes  et  des  hymnes.  Leur  premier  soin, 
avant  de  rien  entreprendre,  fut  d'y  faire  célébrer  solennellement  le 
Saint-Sacrifice,  et  l'Hostie  Sainte  demeura  exposée  toute  la  journée,  qui 
fut  toute  consacrée  aux  exercices  de  piété  et  d'actions  de  grâces  envers  la 
personne  adorable  du  Sauveur  présent  dans  les  saintes  espèces,  et  (|ui 
prenait  ainsi  possession  de  votre  île.  Ce  fut  le  premier  Congrès  Eucha- 
ristique de  Montréal. 

Mais  qui  donc  avait  préparé  cette  démonstration,  digne  prélude  des 
solennités  que  nous  célébrons  aujourd'hui?  X'est-ce  pas  Marie,  six  ans 
auparavant,  qui,  le  jour  de  la  Purification,  avait  inspiré  simultanément 
à  M.  Olier  et  à  M.  de  la  Dauversière,  l'idée  d'envoyer  des  prêtres  et  des 
religieuses  pour  évangéliser  le  Canada?  (1)  Oui.  c'est  l)icn  à  l'interces- 
sion, à  la  protection  à  l'inspiration  de  Marie  que  l'on  doit  ce  splendide 
épanouissement  de  vie  religieuse  que  nous  admirons  ici.  C'était  la  Mère 
de  Dieu  qui  poussait  les  premiers  explorateurs  à  voguer  vers  Montréal, 
afin  d'y  faire  ériger  par  eux  un  trône  pour  son  Fils. 

Mais,  comme  toujours,  Jésus  ne  se  laissera  pas  vaincre  en  générosité. 
La  ville  qui  bientôt  s'érigera  sur  les  rives  du  grand  Saint-Laurent  sera 
tout  spécialement  consacrée  à  la  Eeine  des  cieux.  elle  s'appellera,  par 
excellence,  Ville-Mcn'ie,  Marianapolis  (2).  Elle  sera  grande  et  verra 
surgir  dans  son  sein,  de  nombreux  centres  de  vie  religieuse,  on  t'appel- 
lera la  Eome  de  l'Amérique.  Les  institutions  qui  se  développeront  à 
l'ombre  de  sa  montagne  royale,  seront  si  grandes  et  si  prospères,  que  son 
évêque  s'appellera  à  juste  titre  le  vicaire  de  Marie.  Marie  avait  érigé  à 
Jésus  un  trône  à  Montréal;  Jésus  veut  que  sa  Mère  y  ait  son  trône  à 
côté  du  sien.  Oh  !  qu'ils  se  multiplient  dans  le  monde  entier  les  trônes 
à  Notre-Dame  du  Très  Saint-Sacrement  ! 


(1)  Histoire  (le  la  Coloiiic  française  en  Canada,   1865,  t.   1.  pp.  3SG.  441. 

(2)  Dan^  la  lettre  que  les  Associés  de  :Montréal  écrivirent  au  Paiic  Urbain 
VIII  (164.3)  il  est  dit  expressément:  "L'île  de  Montréal,  que  (la  C'onipapnie 
des  Associés)  possédait  lé<ritinienieiit.  elle  l'a  donnée  en  propre  a  l'Immaculée 
Mère  de  Dieu,  (ju'elle  a  choisie  i)our  la  patronne  de  la  conversion  des  infidèles: 
et  voulant  qu'elle  fût  la  Mère  et  la  Heine  de  t.ius  les  habitants  de  l'île  de 
^lontréal,  elle  lui  a  dédié  une  chapelle,"  etc. 

10 


—  290  — 


CONCLUSION". 


Combien  est  justifié  ce  beau  titre  que  les  Souverains  Pontifes  Pie  IX 
et  Léon  XIII,  et  Notre  Saint  Père  le  Pape  Pie  X  consacraient  solen- 
nellement, en  l'enrichissant  de  nombreuses  indulgences  :  "  Notre-Dame 
du  Saint-Sacrement  "  !  Ce  titre  n'est-il  pas  le  complément  obligé  de  cet 
autre  titre  si  cher  au  cœur  chrétien  :  "  Notre-Dame  de  la  Compassion  "  ? 
Saluer  Marie  Peine  des  Martyrs,  c'est  la  prier  de  nous  faire  participer 
aux  mérites  de  la  passion  de  Jésus  ;  l'invoquer  "  Notre-Dame  du  Saint- 
Sacrement  ",  c'est  reconnaître  la  part  qui  lui  revient  dans  l'institution 
de  la  sainte  Eucharistie;  c'est  affirmer  solennellement  notre  foi  dans  ce 
mystère  d'amour;  c'est  chanter  d'un  cœur  pur  et  joyeux  le  glorieux 
Credo  de  la  foi  catholique;  c'est  prier  Marie  de  nous  aider  à  recevoir 
souvent  et  dignement  le  pain  des  élus,  le  vin  qui  fait  germer  les  vierges. 


* 
*       * 


Ah!  mes  bien-aimés  frères  du  Canada,  que  vous  êtes  heureux,  que 
votre  sort  est  enviable  !  En  entrant  dans  vos  églises,  nous  voyons,  même 
aux  jours  de  semaine,  des  foules  recueillies  se  prosterner  au  pied  des 
autels  et  s'approcher  en  masse  de  la  table  eucharistique;  nous  voyons 
vos  œuvres  catholiques  prospérer  et  grandir,  étendant  au  loin  leur  action 
bienfaisante;  l'enfance,  vous  l'élevez  dans  de  purs  sentiments  d'honnê- 
teté et  de  droiture  ;  vos  prêtres  vous  les  entourez  de  ce  respect  et  de  cette 
vénération  que  mérite  leur  caractère  sacré,  et  avec  cela  vous  voyez  gran- 
dir votre  prospérité  temporelle  à  tel  point  qu'elles  vous  semblent  ré- 
servées, les  bénédictions  d'Isaac  à  Jacob.  "  Oui,  l'odeur  de  mon  fils  est 
comme  l'odeur  d'un  champ  qu'a  béni  Jéhovah  :  Que  Dieu  te  donne  de  la 
rosée  du  ciel  et  de  la  graisse  de  la  terre  et  abondance  de  froment  et  de 
vin  "  ! 

Et  tout  ceci,  pourquoi  ?  Parce  que  vous  avez  soigneusement  conservé 
le  précieux  germe  de  la  foi  catholique  déposé  dans  vos  cœurs  par  le  bap- 
tême; parce  que  vous  avez  repoussé  généreusement  toute  compromission 
avec  l'esprit  d'erreur  et  de  mensonge;  parce  que  vous  avez  jalousement 
conservé  le  dépôt  des  vérités  révélées.  Oui,  c'est  à  vous  que  s'appliquent 
les  paroles  du  psalmiste  :  "  On  a  appelé  heureux  le  peuple  qui  jouit  de 
ces  biens,  oui  heureux  le  peuple  dont  Jéhovah  est  le  Dieu  ".  Vous  êtes, 
ô  mes  frères  du  Canada,  la  preuve  la  plus  évidente  que  la  grâce  parfait 
la  nature,  que  la  foi  catholique  est  une  source  de  bénédictions  même  dès 
ce  monde,  que  plus  on  est  soumis  à  l'Eglise,  plus  on  la  vénère  et  plus  on 
en  suit  les  directions,  plus  aussi  on  participe  aux  bienfaits  de  la  pros- 
périté temporelle.  Et  cette  prospérité,  oii  a-t-elle  sa  raison  d'être,  sinon 
dans  votre  foi,  dans  votre  dévotion  ardente  à  Jésus-Eucharistie,  le  centre 
d'oii  rayonne  la  vie  chrétienne,  et  dans  votre  amour  à  Marie,  à  qui  nous 
sommes  redevables  pour  ce  grand  Sacrement,  et  qui  en  est  comme  la  gar- 
dienne attitrée.  Amour  donc  et  louange  à  Jésus-Hostie  et  à  Notre-Dame 
du  Très  Saint-Sacrement! 


—  291  — 


Il  ne  faudrait  cependant  pas,  mes  frères,  vous  bercer  d'illusion  et  vous 
imaginer  que  l'ennemi  du  genre  humain  demeure  spectateur  impassible 
en  présence  du  bien  qui  se  fait  au  Canada,  en  présence  de  la  foi  qui 
anime  vos  populations  heureuses  et  tranquilles.  Déjà  des  bruits  de 
guerre  se  font  entendre.  Il  y  a  dans  l'air  comme  des  senteurs  de  pou- 
dre. Des  conventicules  se  forment  dans  des  endroits  écartés,  à  la  faveur 
des  ténèbres,  dans  le  but  d'attaquer  le  Christ  et  son  Eglise.  Il  fallait 
toute  l'intuition,  toute  la  persévérance  de  quelques  jeunes  héros,  pour 
déjouer  les  ruses  des  ennemis  et  pour  briser  leur  trame  criminelle.  Hon- 
neur à  ces  chevaliers  sans  peur  et  sans  reproche,  qui  ont  employé  leur 
temps,  leurs  forces  et  leurs  énergies  à  dévoiler  ces  traîtres  de  la  patrie 
et  de  la  foi  ! 

Mais  l'expérience  du  passé  doit  être  un  avertissement  pour  l'avenir. 
La  prospérité  de  ce  pays  ne  peut  pas  ne  pas  exciter  les  âpres  convoitises 
de  l'esprit  d'infidélité  et  d'erreur.  Aux  plans  déjoués  et  aux  désirs  déçus 
succède  d'ordinaire  une  passion  que  rien  n'assouvit;  un  appétit  mal  sa- 
tisfait fait  place  quelquefois  à  une  faim  vorace.  D'autre  part  des 
dénonciations,  bien  que  justes  et  inspirées  par  le  devoir,  provoquent  sou- 
vent, comme  dans  le  cas  de  Joseph,  des  vengeances  mortelles. 

Ainsi  donc,  il  vous  faut  envisager  la  perspective  d'attaques  ultérieures,, 
plus  sérieuses,  plus  terribles  que  les  précédentes.  Il  vous  faut  vous  pré- 
parer à  la  lutte.  Et  pour  cela  vous  avez  besoin,  plus  que  jamais,  de 
vous  fortifier  par  la  nourriture  de  l'Eucharistie.  Ce  pain  des  élus  vous 
rendra  capables,  comme  autrefois  Elie,  d'accomplir  l'ascension  de  la 
sainte  montagne,  en  foulant  aux  pieds  les  ennemis  du  Christ.  Et  afin 
de  vous  mieux  disposer  à  recevoir  souvent  et  avec  fruit  Jésus-Hostie,  à 
savourer  les  délices  de  sa  présence,  à  vous  sanctifier  au  contact  de  ses 
chairs  sacrées,  adressez-vous  d'abord  à  Marie.  La  glorieuse  Eeine  du, 
Ciel  qui  a  contribué,  par  sa  maternité  divine  et  ses  ferventes  supplica- 
tions, à  l'accomplissement  du  mystère  de  l'Eucharistie,  vous  enseignera 
à  recevoir  fréquemment,  et  avec  d'heureux  résultats  pour  vos  âmes,  ce 
sacrement  de  force,  de  pureté  et  de  salut.    (1) 


(  1  )  Nous  avons  parlé  de  la  célébration  ck-  la  sainte  Messe  en  union  avec  Marie 
dans  notre  ouvrage  "  L'Immaculée  Mère  de  Dieu,  Corédomptrice  du  genre  hu- 
main." Turnhout.  in06,  c.  XXVI.  Nous  aimerions  il  recommander  aux  prêtres, 
toutes  les  fois  qu'ils  doivent  célébrer  la  Sainte  :Messc,  la  récitatioii  attentive  des 
deux  prières  indulgenciées.  "  O  Mater  pietatis  ",  et  "  O  felicem  virum  ".  Saint- 
Joseph  est  par  excellence  le  patron  de  la  vie  intérieure;  ain^  est-ce  il  lui  qu'il 
faut  aussi  s'adresser,  pour  obtenir  de  recevoir  les  fruits  de  grflces  que  la  com- 
munion est  appelée  il  produire  dans  nos  ftmes.  Le  pouvoir  d'intercession  du 
Saint  Patriarche  donnera  au  prêtre  la  consolation  de  voir  se  vérifier  en  lui  la 
belle  parole  de  Saint- Air broi se  (L.  v  Comin.  Luc,  c.  5)  :  "Qui  tlmuinlio  Christum 
recipit  in  teriun,  maximis  ddeclalionibus  eiuhirunlium  pascilur  rolxtjititum,  ". 


292 


* 
*       * 


Il  ny  a  pas  à  en  douter  :  en  associant,  dans  nos  prières  et  nos  médita- 
tions la  Sainte  Vierge  avec  le  Très  Saint-Sacrement,  non  seulement 
nous  honorons  Marie  par  le  fait  que  nous  reconnaissons  la  part  qui  lui 
revient  dans  l'institution  de  ce  mystère  d'amour,  mais  aussi  nous  hono- 
rons Jésus-Christ  lui-même,  qui  aime  à  s'entendre  appeler  et  qui  se  glo- 
rifie d'être  le  vrai  Fils  d'une  Vierge  si  sainte  et  si  pure.  Oui,  rien  n'est 
plus  doux  aux  oreilles  de  Jésus-Eucharistie  que  cette  pieuse  salutation 
que  redisent  si  souvent  les  échos  de  nos  temples  : 

"  Ave  Verum 

"  Corpus  natum 

"  De  Maria  Virgine .  . . .  " 

'"'  0  Jesu  clemens, 

"  0  Jesu  pie, 

"  0  Jesu  fili  Mariae  "  ! 

C'est  encore  pour  cette  raison  que  l'Eglise  approuve  et  encourage  la 
pieuse  coutume  de  chanter  les  litanies  de  la  Sainte  Vierge  ou  quelque 
autre  motet  en  son  honneur,  à  l'exposition  du  Très  Saint-Sacrement. 
D'ailleurs,  la  bénédiction  du  Très  Saint-Sacrement,  ne  fut-elle  pas,  dans 
l'origine,  une  prière  populaire  en  l'honneur  de  la  Sainte  Vierge?  au 
moyen-âge,  à  la  clôture  de  l'office  divin,  on  avait  coutume  de  réciter, 
surtout  le  samedi,  jour  dédié  à  Notre-Dame,  des  antiennes,  des  versets 
et  des  oraisons,  en  l'honneur  de  la  Très  Sainte  Vierge,  en  présence  du 
Saint-Sacrement  exposé.  On  considérait  alors  avec  raison  qu'on  ne 
peut  mieux  honorer  Marie,  qu'en  invitant  Jésus,  à  prendre  part,  pour 
ainsi  dire,  aux  louanges  que  nous  adressons  à  cette  divine  Mère.  Il 
supplée,  par  son  amour  filial,  à  ce  que  nos  hommages  ont  de  froid  et 
d'imparfait.  Maintenant,  que  le  rite  de  la  bénédiction  du  Saint-Sacre- 
ment a  été  modifié  dans  une  autre  direction,  et  que  c'est  Jésus  surtout 
(jue  l'on  veut  honorer  dans  le  sacrement  de  son  amour,  nous  invitons 
Marie  à  venir  prendre  place  dans  nos  concerts  de  louange  et  de  remer- 
ciement envers  le  Dieu-Eucharistie.  Oui,  il  est  juste,  le  titre  que  nous 
revendiquons  pour  notre  Mère  du  Ciel  :  "  Notre-Dame  du  Très  Saint- 
Sacrement  "  ! 


Mais  je  me  reprocherais  de  n'avoir  pas  ici  fait  mention  du  glorieux 
saint  Joseph,  fjui  a  arraché  aux  fureurs  d'Hérode,  la  vie  de  Jésus,  le 
futur  pain  de  vie  et  que  vos  ancêtres  ont  eu  à  cœur  do  vénérer  tout  spé- 
cialement dès  les  premières  années  de  la  colonie.  Déjà  en  1624  le  glo- 
rieux patriarche  avait  été  choisi  comme  premier  patron  de  la  Nouvelle- 
France;  quelques  années  plus  tard,  1637,  les  pieux  colons  le  proclamaient 
patron  du  Canada  tout  entier,  ot  lo  premier  algoii(|uin  reçu  dans  la  reli- 
gion catholique,  recevait   au    baptême   le   nom    du   chef    de   la   Sainte- 


—  293—         ■ 

Famille.  Et  aujourd'hui  ne  voyons-nous  pas  se  développer  rapidement, 
sur  les  flancs  du  Mont-Eoyal,  en  l'honneur  du  saint  Patriarche,  un 
sanctuaire  qui,  par  les  grâces  et  les  faveurs  que  le  ciel  y  dispense,  promet 
de  devenir  le  Lourdes  du  Canada  ?  Ah  !  ils  comprenaient,  les  premiers 
colons  de  ce  vaste  pays,  ils  comprennent  les  pieux  fidèles  de  Montréal, 
que  par  saint  Joseph  nous  arriverons  sûrement  à  Marie,  sa  sainte  épouse, 
et  qu'une  dévotion  vraie  et  sincère  à  ce  très  chaste  époux  de  l'auguste 
Vierge,  nous  rapprochera  de  la  Sainte-Eucharistie  et  nous  en  fera  per- 
cevoir tous  les  fruits.  Unissons  donc,  dans  notre  amour  à  l'Eucharistie, 
une  tendre  dévotion  envers  Marie  et  saint  Joseph.  Demandons-leur  de 
nous  bien  disposer  à  recevoir  Jésus  au  Sacrement  de  rautel.  et  une  fois 
que  nous  l'avons  reçu,  de  recueillir  toutes  les  grâces  de  salut  que  Dieu 
nous  destine  par  ce  moyen. 

Je  terminerai.  Messieurs,  en  vous  demandant  de  ratifier  solennelle- 
ment la  résolution  prise  jadis,  par  vos  glorieux  ancêtres,  sous  l'inspira- 
tion de  saint  Joseph.  Cette  résolution  est  aussi  fidèlement  rapportée 
par  le  Père  Le  Jeune,  jésuite  :  "  Par  la  faveur  et  par  les  mérites  (de  saint 
Joseph),  les  habitants  de  la  Xouvelle-France,  demeurant  sur  les  rives 
du  grand  fleuve  Saint-Laurent,  ont  résolu  de  recevoir  toutes  les  bonnes 
coutumes  de  l'ancienne,  et  de  refuser  l'entrée  aux  mauvaises."  (1) 


Oui,  continuez  à  ouvrir  vos  ports  à  l'élan  de  générosité  qui  a  de  tous 
temps  distingué  la  France,  à  sa  dévotion  envers  Marie,  dont  elle  est  le 
royaume  choisi,  —  "  regjium  Galliae,  regiiiiin  Mariae,"  à  son  ardeur  à 
combattre  les  ennemis  de  la  foi,  à  son  entreprenante  activité  pour  tout 
ce  qui  touche  à  la  gloire  de  Dieu  et  au  salut  des  âmes;  mais  fermez  ces 
mêmes  ports  impitoyablement  aux  invasions  sournoises  de  l'esprit  sec- 
taire, à  l'orgueil  intolérable  d'une  science  trompeuse  et  mensongère,  aux 
insinuations  perfides  d'une  fausse  critique,  mais  surtout  à  ce  mépris 
qu'affectent  certains  esprits,  aussi  légers  que  hautains,  par  rapport  à  la 
vraie  méthode  d'études  théologiques  que  la  tradition  nous  a  léguée  et  que 
l'Eglise  nous  ordonne  de  suivre. 

Puisse  le  Père  nourricier  de  Jésus,  en  écartant  les  dangers  qui  mena- 
cent notre  foi,  nous  inspirer  une  tendre  dévotion  envers  Marie,  l'ancre 
de  notre  espérance;  puisse  cette  Mère  bénie,  à  son  tour,  nous  conduire 
à  l'Eucharistie,  le  sacrement  de  l'amour  de  Jésus  ! 

Saint  Joseph,  époux  fidèle  de  Marie,  priez  pour  nous  ! 
Xotre-Dame  du  Très  Saint-Sacrement,  priez  pour  nous  ! 
Jésus  présent  dans  la  Sainte  Eucharistie,  soyez  jusqu'à  la  mort  notre 
nourriture  ! 


(1)    Relation  de   1C37,  Edition  de  Québec,  p. 


—  294  — 


* 
*       * 


En  terminant  son  Etude,  le  R.  Père  exprime  le  Vœu  :  "  que 
"  la  dévotion  à  Notre-Dame  du  T.  8.  Saerement,  qui  résume  et 
"  honore  tous  les  rapports  si  étroits  enti-e  Marie  et  rEucha- 
"  ristie,  se  répande  de  plus  en  plus  dans  la  piété  chrétienne. 
"  C'est  bien  au  Congrès  de  Montréal  "  Ville  de  Marie  "  et  à 
"  Monseigneur  son  archevêque,  vicaire  pour  ainsi  dire  de  Ma- 
"  rie  en  tant  que  pasteur  de  "  Ville-Marie  ",  à  promouvoir 
"  cette  dévotion  dans  le  Nouveau-Monde.  " 

Ce  vœu  est  à  peine  formulé  que  Mgr  Labrecque,  Evêque  de 
Chicoutimi,  se  lève  pour  l'appuyer  en  ces  termes  : 

"  Me  serait-il  permis  d'ajouter  un  vœu  à  l'étude  si  intéressante  et  à  la 
motion  présentée  par  le  E.  P.  Lépicier  ?  Attendu  :  les  fondements  théolo- 
giques si  profonds  et  les  raisons  d'opportunité  sur  lesquelles  se  base  la 
dévotion  à  IST.-D.  du  T.  S.  Sacrement,  qui  unit  Marie  à  l'Eucharistie,  il 
serait  à  désirer  que  pour  favoriser  cette  dévotion  qui  répond  aux  besoins 
des  âmes  à  l'heure  actuelle,  l'Eglise  institue  une  fête  et  un  office  de 
ISTotre-Dame  sous  ce  vocable,  permettant  ainsi  aux  Evêques  d'ériger  des 
paroisses  sous  le  titulaire  de  Notre-Dame  du  T.  S.  Sacrement.  Ce  désir, 
je  l'ai,  et  comme  évêque,  je  le  formule  ici,  demandant  au  Congrès  de  le 
partager  et  de  l'appuyer  en  vue  de  démarches  à  faire  à  Eome." 

Mgr  Archamhaiilt,  Evêque  de  Joliette,  se  rallie  pleinement  à 
l'Evêque  de  Chicoutimi  et  fait  remarquer  que  déjà  dans  son 
diocèse,  comme  en  plusieurs  autres,  il  a  ordonné  d'ajouter 
aux  invocations  à  réciter  après  la  bénédiction  du  T.  S.  Sacre- 
ment :  "  Bénie  soit  Notre-Dame  du  T.  S.  Sacrement  !  " 

C'e  vœu  de  Mgr  Labrecque  et  cette  remarque  de  Mgr  Ar- 
chambault  reçoivent  l'approbation  enthousiaste  de  toute  l'as- 
sistance. 

Ici  Mgr  le  Président  fait  remarquer  qu'il  n'appartient  pas 
à  un  Congrès  de  provoquer  lui-même  directement  des  dé- 
marches en  Cour  de  Rome  :  il  doit  se  contenter  d'exprimer  le 
vœu  qu'elles  soient  faites.  Et  pour  ce  qui  est  du  vœu  présent, 
concernant  la  dévotion  à  Notre-Dame  de  T.  S.  Sacrement,  il 
•se  dit  heureux  de  s'y  rallier  avec  l'assistance,  autant  que 
Rome  jugera  opportune  sa  réalisation. 


—  295  — 

Alors  Mgr  Archambault  propose  la  modification  suivante  : 

"  Le  vœu  pourrait  donc  être  exprimé  en  ce  sens  :  que  la 
section  d'études  du  Congrès  verrait  avec  bonheur  Rome  ac- 
corder l'office  de  Notre-Dame  du  Très  Saint -Sacrement  ;  — 
sans  qu'il  y  ait  de  demande  directe  au  Saint-Siège,  faite  au 
nom  du  Congrès  —  ". 

Toute  l'assemblée  se  rallie  à  ce  vœu  à  l'unanimité. 


Les  rapports  déjà  nombreux,  mais  si  brillants  présentés 
jusque-là  n'avaient  pas  fatigué  l'auditoire.  Aussi  accueillit-il 
avec  empressement  le  travail  si  impatiemment  attendu  de 
M.  le  Docteur  J.  I.  Desroches,  l'un  des  médecins  les  plus  distin- 
gués de  Montréal,  sur  un  sujet  palpitant  d'intérêt  : 

LA  MORT  APPARENTE  ET  REELLE 

en   rapport   avec   l'administration    des   sacrements 


De  tout  temps  les  médecins  ont  apporté  beaucoup  de  soins  dans  l'étude 
des  signes  de  la  mort.  A  toutes  les  époques  des  doutes  ont  existé  sur  la 
certitude  de  ces  signes,  et  ces  soupçons  ont  amené  à  faire  sans  cesse  de 
nouvelles  recherches.  De  nos  jours,  les  praticiens  n'accordent  pas  assez 
d'attention  à  ce  grave  sujet;  dans  tous  les  cas,  on  se  contente  du  témoi- 
gnage d'un  proche  qui  vient  vous  dire  que  le  malade  n'est  plus.  Pour- 
tant, on  reconnaît  qu'il  y  a  une  vie  latente  avant  la  mort  véritable. 
N'est-ce  pas  un  grand  danger  pour  de  regrettables  et  terribles  méprises  ? 
Il  importe  donc  de  s'en  occuper,  et  c'est  la  raison  de  ce  travail. 

Il  intéresse  à  la  fois,  les  médecins  et  les  prêtres  :  les  médecins,  pour  les 
mettre  en  garde  contre  les  verdicts  trop  précipités  de  mort  :  les  prêtres, 
pour  leur  donner  des  facilités  plus  grandes  à  venir  en  aide  aux  âmes  à 
l'heure  suprême  de  la  vie. 


Vie  et  Mort. 

Comment  vous  entretiendrais-je  de  la  mort  sans  vous  parler  de  la  vie, 
car  la  mort  se  définit  par  la  vie,  et  mon  sujet  ne  serait  pas  complet  si  je 
ne  traitais  de  l'une  et  de  l'autre. 


—  296  — 

La  vie  est  une  énigme  que  le  savant  et  le  penseur  n'ont  encore  pu 
bien  pénétrer  ni  bien  définir.  Pourtant  cette  mj-stérieuse  inconnue  plane 
et  agit  sur  la  nature  entière  ;  la  vie  est  où  la  plante  végète  ;  la  vie  est  où 
l'animal  sent  et  agit;  mais  c'est  dans  l'homme,  que  la  vie  s'épanouit 
dans  tout  son  éclat  et  apparaît  sous  la  forme  la  plus  belle  et  la  plus 
achevée.  Qu'y  a-t-il,  en  eiîet,  de  plus  beau  que  la  machine  humaine  qui 
se  répare  et  se  renouvelle  sans  cesse  elle-même?  Qu'y  a-t-il  de  plus  mer- 
veilleux que  l'aliment,  corps  inanimé,  qui  entretient  la  vie  et  qui  se 
transforme  en  la  substance  humaine? 

Pour  mieux  comprendre  comment  la  mort  accomplit  son  œuvre  de 
destruction,  pénétrons  dans  cette  étonnante  machine  qu'est  notre  corps 
et  voyons  comment  la  vie  y  apparaît  et  s'y  maintient. 

î^otre  organisme  représente  une  fédération  d'éléments  cellulaires 
étroitement  associés  et  animés  sous  l'action  d'un  principe  formateur. 
L'activité  humaine  peut  être  envisagée  dans  chaque  cellule  comme  en 
autant  de  vies  partielles.  Il  y  a  environ  trente  trillions  de  cellules  dans 
l'homme,  qui  sont  comme  autant  d'ouvriers  qui  respirent,  qui  se  nour- 
rissent et  qui  travaillent,  accomplissant  ainsi  les  fonctions  multiples  de 
la  vie  en  nous.  La  cellule  vivante  n'a  aucun  repos,  son  activité  ininter- 
rompue concourt  aux  grands  phénomènes  d'assimilation,  de  défense  ou 
de  destruction.  C'est  un  moiivement  continuel  du  dehors  au  dedans,  du 
dedans  au  dehors,  qui  est  appelé  le  tourbillon  vital. 

L'appareil  digestif  élabore  les  aliments  destinés  à  nourrir  et  à  entre- 
tenir l'organisme.  Douées  d'un  pouvoir  réparateur,  ces  substances  pénè- 
trent dans  le  sang,  dans  la  lymphe,  et  finalement  dans  leur  milieu  vrai- 
ment physiologique  qui  est  cette  atmosphère  liquide  dans  laquelle 
baignent  les  myriades  de  nos  cellules  organiques.  Les  deux  facteurs  de 
la  nutrition  sont  d'une  part,  une  cellule  vivante,  d'autre  part,  un  milieu 
extérieur  où  elle  baigne  et  avec  lequel  elle  opère  un  échange  continuel 
de  matériaux. 

N'essayons  pas  d'expliquer  cet  incompréhensible,  cet  insondable  mys- 
tère qui  fait  que  la  cellule  vivante  attirant  à  elle  les  matériaux  du 
dehors,  les  change  en  sa  propre  substance. 

Ainsi  tout  notre  être  physique  est  dominé  par  la  nécessité  de  la  vie 
cellulaire.  On  a  conscience  que  la  vie  se  réalise  dans  une  immense 
multitude  de  cellules  associées  par  groupes,  mais  ayant  entre  elles  un 
lien  de  solidarité  vitale.  On  conçoit  du  même  coup  que  la  mort,  pour 
s'étendre  à  toutes  ces  cellules,  demande  un  temps  plus  ou  moins  long. 
Y  a-t-il  une  atteinte  grave  dans  les  mécanismes  compliqués  qui  président 
au  ravitaillement  ou  à  la  décharge  de  l'organisme,  la  vie  alors  est  com- 
promise, périclite  et  s'éteint.  Divers  groupes  de  cellules  peuvent  sur- 
vivre plus  ou  moins  longtemps,  mais  privées  progressivement  de  s'ali- 
menter ou  de  s'exonérer,  elles  sont  enfin  entraînées  dans  la  mort. 

Que  le  cœur  cesse  de  battre,  c'est  la  famine  universelle.  Que  le  pou- 
mon soit  gravement  lésé,  c'est  l'asphyxie  partout.  Que  le  rein  cesse  de 
fonctionner,  c'est  l'empoisonnement  par  les  matériaux  usés  retenus 
dans  le  sang.  Mais  comme  la  vie  active  et  anime  environ  trente  tril- 
lions de  cellules  associées  par  groujjes  dans  notre  organisme,  et  que 
chaque  élément  cellulaire  est  plus  ou  moins  nécessaire  à  tous  les  autres 


Lk  ('oMin';  i)i;.s  ('f:Ri';M()Mi:.s  irr  DricoRATioNS. 

Tut:    COMMITTKK    ON    ('KRKMOMIiS    AMI    l)K( OKM  IONS. 


—  297  — 

suivant  que  le  lien  de  solidarité  vitale  est  plus  ou  moins  étroit,  il  s'en- 
suit que  la  mort  est  tout  simplement  un  état  produit  par  l'arrêt  de  l'un 
des  rouages  les  plus  essentiels  à  la  vie,  tels  que  le  cerveau,  lé  cœur,  les 
poumons,  les  reins,  le  foie. 

Quand  on  dit  d'une  personne  qui  vient  d'espirer  qu'elle  est  morte,  c'est 
lin  pronostic  d'une  mort  réelle  que  l'on  fait  plutôt  qu'un  jugement  de 
fait.  On  exprime  que  la  personne  est  en  train  de  mourir,  et  non  pas 
qu'elle  est  morte  d'ores  et  déjà.  De  là  l'importance  de  bien  di:5tinguer 
la  mort  élémentaire  de  la  mort  générale. 

Considérons  la  mort  dans  ses  degrés,  et  nous  reconnaîtrons  une  mort 
apparente  qui  est  la  suspension  incomplète  et  temporaire  des  phéno- 
mènes vitaux,  et  la  mort  réelle  ou  l'arrêt  définitif  et  total  de  ces  phé- 
nomènes. 

La  mort  se  définit  par  la  vie:  elle  est  la  cessation  des  actes  et  des  phé- 
nomènes qui  caractérisent  la  vie.  La  vie  et  la  mort  apparente  sont 
encore  conciliables  et  peuvent  coexister.  Mais  la  mort  réelle  est  l'arrêt 
de  la  fonction  cellulaire,  c'est  la  dissolution  du  composé  humain,  c'est 
la  séparation  de  l'âme  d'avec  le  corps,  c'est  l'entrée  de  l'âme  dans 
l'éternité. 

Dans  tous  les  cas  de  mort,  il  s'écoule  après  le  dernier  soupir,  un  temps 
plus  ou  moins  long  avant  que  la  mort  ait  envahi  tous  les  éléments  cel- 
lulaires, qu'elle  devienne  générale. 

jSTous  voilà  en  face  d'un  problème  dont  la  solution  est  pleine  de  gra- 
vité et  entraîne  de  troublantes  responsabilités.  Entre  le  moment  vul- 
gairement dit  de  la  mort  et  la  mort  réelle,  il  existe  une  rie  latente  ou  à 
l'état  de  force  radicale.  En  conséquence,  nos  semblables,  lorsqu'ils 
sont  supposés  défunts,  doivent  encore,  pendant  un  certain  temps,  être 
l'objet  de  l'assistance  spirituelle  et  de  l'assistance  corporelle. 


SiGXES   DE   LA    MoRT. 

Depuis  longtemps  la  médecine  pratique  est  à  la  recherche  des  signes 
certains  de  la  mort  réelle.  En  voici  douze  que  nous  fournit  la  médecine 
légale  : 

1° — L'arrêt  de  la  respiration; 

2°  —  L'arrêt  de  la  circulation; 

3° — La  rigidité  cadavérique; 

4°  —  L'absence  de  la  contractibilité  musculaire; 

5° — Le  défaut  de  redressement  de  la  mâchoire  inférieure: 

6° — La  perte  de  transparence  de  la  main: 

7° — La  formation  d'une  tache  sur  la  cornée; 

8°  —  L'obscurcissement  des  yeux: 

9° — La  vacuité  des  carotides: 
10°  —  Le  défaut  de  crépitation  vitale: 
11° — Le  manque  de  vésicules  après  les  brûlures: 
12^^ — Enfin  la  putréfaction. 


—  298  — 

On  a  recours  à  la  bougie  et  au  miroir  pour  constater  si  la  respiration 
existe  encore.  Ces  moyens  ne  peuvent  autoriser  une  conclusion  de  mort 
certaine. 

Le  vase  d'eau  placé  sur  l'abdomen  n'est  pas  un  signe  sûr,  vu  que  des 
oscillations  peuvent  se  produire  par  le  déploiement  des  gaz  intestinaux. 

L'auscultation  du  cœur  ne  permet  pas  toujours  de  percevoir  les  bat- 
tements de  cet  organe,  qui  sont  souvent  imperceptibles  même  à  l'oreille 
la  plus  exercée. 

La  saignée  est  un  moyen  sans  valeur,  vu  que  l'incision  des  veines 
peut  être  suivie  d'un  écoulement  sanguin  chez  des  sujets  morts  et  inca- 
pables de  retour  à  la  vie.  L'on  sait  que  les  vrais  cadavres  ne  saignent 
pas  ordinairement  à  l'ouverture  des  vaisseaux  sanguins.  Mais  le  même 
fait  peut  avoir  lieu  chez  des  malades  comme  les  cholériques.  On  ne 
peut  donc  pas  se  servir  de  ce  procédé  en  toute  confiance. 

Le  seul  signe  qui  permet  d'affiriner  que  la  vie  est  éteinte  et  ne  se  ra- 
nimera point,  est  celui  de  la  putréfaction. 

S'en  rapporter  aux  autres  signes,,  en  dehors  de  la  décomposition  cada- 
vérique, pour  se  soustraitre  à  toute  inquiétude  avant  l'inhumation,  c'est 
exposer,  plus  souvent  qu'on  ne  se  l'imagine,  les  prétendus  morts  à  être 
enterrés  vivants. 

Quand  un  père,  une  mère,  un  frère,  une  sœur,  un  proche,  un  ami,  en- 
tourés de  personnes  qui  leur  sont  chères,  rendent  le  dernier  soupir,  ne 
nous  empressons  pas  de  les  juger  comme  réellement  morts. 

Encore  moins,  dans  les  cas  de  mort  violente,  comme  un  effet  d'acci- 
dent, surtout  si  les  victimes  ne  sont  pas  sérieusement  meurtries,  broyées 
et  écrasées,  on  ne  peut  dire  que  la  vie  cellulaire  soit  éteinte,  que  la  sé- 
paration de  l'âme  et  du  corps  ait  eu  lieu  immédiatement. 

De  même,  dans  les  cas  de  mort  subite,  par  suite  de  syncope,  de  con- 
vulsions, d'apoplexie,  de  submersion,  de  pendaison,  d'inhibition  sous 
l'influence  d'un  choc  nerveux,  comme  les  personnes  concernées  n'ont 
plus  de  manifestations  vitales,  nous  ne  devons  pas  les  considérer,  à 
l'heure  même,  comme  absolument  mortes. 

Aussi  les  individus  trouvés  dans  les  chambres  d'hôtel  ne  sont-ils  pro- 
bablement, en  bien  des  cas,  que  des  morts  apparents,  lorsqu'on  constate 
qu'ils  ont  cessé  de  vivre. 

Il  est  admis  aujourd'hui  que  le  moment  de  la  mort  absolue  ne  suit  pas 
immédiatement  la  suspension  des  fonctions  visibles  et  perceptibles.  Il 
s'écoule  un  temps  plus  ou  moins  long,  entre  ce  qu'on  appelle  le  dernier 
soupir  et  la  réalisation  de  la  mort  véritable. 

La  mort  nlisolne  ou  iiTémédinble  est  le  commencement  de  la  désagré- 
gation des  éléments  cellulaires  et  est  suivie  de  leur  retour  à  l'état  in- 
organique. 

Disons  donc  qu'avant  la  mort  réelle,  sous  les  apparences  d'une  mort 
qu'on  peut  désigner  sous  le  nom  de  mort  intermédiaire  ou  relative,  il  y 
a  toujours  une  période  de  vie  latente,  ou  à  l'état  de  puissance. 

Le  docteur  Bergie,  rapporteur  au  Congrès  international  de  Bruxelles, 
en  1896,  exprimait  ainsi  l'opinion  des  savants  de  l'Europe: 

"Les  inhumations  précipitées  ont  répandu  dans  le  public  une  terreur 


—  299  — 

légitime  que  les  récits  populaires  ont  parfois  exagérée.  Mais  à  côté  de 
faits  mal  établis,  combien  l'histoire  n'enregistre-t-elle  pas  d'horribles 
méprises?  Les  craintes  sont  donc  justifiées  et  il  ne  faut  pas  que  de  nou- 
velles victimes  soient  enterrées  vivantes.  L'humanité  impose  le  devoir 
d'employer  tous  les  moyens  de  constater  la  mort  d'une  manière  indu- 
bitable. 

Des  Sessartz,  doyen  de  la  Faculté  de  médecine  de  Paris,  écrivait  : 

"  Dès  l'antiquité  la  plus  reculée,  les  hommes  voués  à  l'étude  ont  re- 
connu que  les  signes  de  la  mort  étaient  incertains.  Leurs  successeurs, 
plus  éclairés  et  plus  attentifs,  ont  démontré  qu'il  existe  un  intervalle 
entre  l'apparence  et  la  réalité  de  la  mort,  que  la  longueur  de  cet  inter- 
valle, allant  parfois  à  plusieurs  jours,  est  en  raison  inverse  de  la  durée 
de  la  maladie,  et  enfin  qu'il  n'est  .qu'une  seule  preuve  sûre  et  infaillible 
que  l'homme  n'est  plus  vivant,  c'est  la  putréfaction." 

Le  docteur  Josat,  inspecteur  des  décès  à  Paris,  après  de  sérieuses  re- 
cherches, arrive  à  la  conclusion  suivante  : 

"  De  ce  qui  précède,  il  résulte  que  la  science  n'a  point  trouvé  et  ne 
trouvera  probablement  jamais  le  moyen  de  distinguer  la  mort  réelle  de 
la  mort  apparente  ;  que  la  putréfaction  est,  au  contraire,  le  signe  cer- 
tain de  la  mort,  et  que  toutes  les  institutions  propres  à  empêcher  les 
inhumations  précipitées  doivent  avoir  pour  but  de  constater  ce  signe  de 
la  mort  réelle." 

Les  signes  pris  de  l'arrêt  du  cœur,  de  l'absence  de  la  respiration  ne 
peuvent  être  regardés  comme  des  preuves  de  la  réalité  de  la  mort. 
Combien,  en  effet,  sont  nombreux  les  cas  de  rappel  à  la  vie  ou  de  revi- 
viscence après  une  période  plus  ou  moins  prolongée  de  mort  intermé- 
diai]'e  où  la  circulation  et  la  respiration  avaient  complètement  cessé  ! 
La  science  établit  que  certains  animaux  après  congélation  complète  ont 
pu  être  rappelés  à  la  vie.  Qui  peut  croire  que  dans  ces  faits  naturels 
ou  artificiels,  le  cœur  n'avait  cessé  de  battre  et  les  poumons  de  respirer. 

Brouardel,  doyen  de  la  Faculté  de  médecine  de  Paris,  disait: 

"  On  doit  considérer  l'absence  des  battements  du  cœur  comme  un 
signe  de  la  mort  apparente,  mais  on  ne  saurait  l'envisager  comme  un 
signe  de  la  mort  réelle." 

"  Les  grandes  fonctions  de  la  respiration  et  de  la  circulation  peuvent 
persister  sous  une  forme  imperceptible  et  échapper  aux  observations  les 
plus  minutieuses.  Tout  ce  qu'on  peut  affirmer,  c'est  qu'on  ne  perçoit 
plus  d'opérations  vitales  des  pulsations  cardiaques  et  de  la  fonction 
respiratoire;  mais  on  ne  peut  jamais  prétendre  avec  certitude  qu'il  n'en 
existe  pas." 

Pour  affirmer  le  passage  suprême,  on  a  coutume  de  relever  d'autres 
signes,  comme  la  pâleur  des  membres,  l'aspect  cadavérique  de  la  face, 
les  taches  livides,  le  refroidissement  ou  la  disparition  de  la  chaleur 
vitale  et  l'œil  flasque,  affaité  et  terne.  Comme  le  soutient  le  Kév.  P. 
Ferrères,  ces  signes  ne  constituent  guère  que  des  signes  de  mort  pro- 
bable, même  très  probable,  mais  non  absolument  certains.  On  en  peut 
donc  en  déduire  des  preuves  pour  préciser  le  moment  de  la  mort 
véritable. 

L'apparition  des  taches  livides  dites  cadavériques.  8  à  15  heures  après 


—  300  — 

la  mort,  n'est  pas  admise  comme  une  preuve  que  la  vie  est  éteinte  irré- 
médiablement. Elles  apparaissent  quelquefois  chez  les  cholériques  avant 
la  mort  réelle;  elles  se  sont  manifestées  plus  d'une  fois  chez  des 
asphyxiés  qui  sont  revenus  à  une  santé  parfaite. 

Les  signes  tirés  de  l'œil  cadavérique  ne  démontrent  pas  qu'ils  est  im- 
possible de  ranimer  le  corps. 

D'après  Xiederkorn,  la  raideur  cadavérique  commence  de  2  à  6  heures 
après  le  moment  dit  communément  la  mort.  Après  34  heures,  elle 
est  généralement  complète,  et  elle  disparaît  après  36  à  48  heures. 

Pour  Capellman,  la  rigidité  cadavérique  s'observe  certainement  de 
une  à  vingt-quatre  heures  après  le  dernier  soupir.  Elle  a  une  grande 
valeur,  mais  elle  expose  à  de  graves  erreurs,  vu  qu'elle  se  manifeste 
durant  la  vie  chez  des  malades,  comme  chez  ceux  qui  sont  atteints  de 
tétanos,  d'asphyxie,  de  syncope,  de  convulsions,  etc. 

Le  refroidissement  du  prétendu  mort  est-il  propre  à  établir  la  cer- 
titude absolue  de  l'état  cadavérique? 

Selon  Icard,  ce  signe  est  quelque  chose  de  très  troublant  au  point  de 
vue  de  sa  valeur.  Il  prétend  qu'il  ne  vaut  pas  pour  tous  les  climats  et 
ne  peut  être  constatée  par  une  température  atmosphérique  qui  n'est  pas 
inférieure  à  20°  C. 

La  science  varie  sur  la  détermination  du  degré  de  température  au- 
dessous  duquel  la  vie  est  impossible.  Pour  être  à  peu  près  complet,  le 
refroidissement  prend  une  durée  moyenne  de  quinze  à  trente  heures. 

Il  reste  donc  que  le  seul  signe  de  la  mort  réelle  est  la  putréfaction 
quelque  peu  avancée. 

La  putréfaction  est  précédée  de  la  coloration  verdâtre  de  l'abdomen 
et  commence  après  le  troisième  jour.  Mais  un  grand  nombre  de  cir- 
constances font  varier  cette  époque  entre  quelques  heures  et  dix-huit  à 
vingt  jours. 


Fréquence  de  la  vie  latente. 

Après  la  mort  au  sens  vulgaire,  il  existe  toujours  une  vie  latente. 
C'est  une  vérité  proclamée  par  l'expérience  et  reçue  aujourd'hui  par  la 
science.  Dans  ces  dernières  années  surtout,  des  faits  fréquents  et  nom- 
breux l'ont  démontrée  à  l'évidence.  Il  importe  de  faire  pénétrer  dans 
toutes  les  couches  sociales  la  connaissance  sur  cette  grave  réalité,  ei 
nous  avons  à  cœur  de  ne  pas  laisser  embaumer  un  prétendu  mort  ayant 
encore  la  vie,  et  d'éviter  tout  enterrement  précipité.  On  ne  saurait  trop 
y  réfléchir,  et  qu'on  se  représente  tout  ce  qu'il  y  a  d'épouvantable  dans 
le  fait  d'être  mis  vivant  dans  une  ])ière  et  de  s'y  trouver  condamné  à 
faire  face  à  une  mort  irrémédiable. 

Pour  éviter  l'inhumation  précipitée,  la  constatation  d'un  décès  doit 
être  fondée  sur  la  plus  rigoureuse  inspection.  Il  y  a  des  cas  nombreux 
où  la  vie  latente,  sous  les  apparences  de  la  mort,  ne  se  révèle  pas  aux 
yeux  des  gens  étrangers  à  la  médecine,  mais  se  montre  à  l'coil  et  au  juge- 
ment du  savant  observateur. 

Dans  le  premier  degré  de  la  vie  latente,  certains  mouvements  sont 


—  301  — 

difficilement  perceptibles;  dans  le  second  degré,  il  n'y  a  plus  possibilité 
de  distinguer  la  plus  minime  vibration  vitale,  c'est  la  mort  intermé- 
diaire ou  relative  de  certains  auteurs.  Cet  état  intermédiaire  ne  serait 
plus  la  vie  à  proprement  parler,  mais  elle  s'y  trouve  pourtant  encore  à 
l'état  de  puissance;  il  ne  serait  non  plus  la  mort  absolue,  puisque  le 
retour  à  la  vie  a  pu  être  réalisé  pour  un  certain  temps,  qui  a  permis 
d'exprimer  certains  désirs  et  de  recevoir  en  pleine  connaissance  les  der- 
niers Sacrements. 

Cette  vie  latente  peut  s'expliquer  par  la  vie  nutritive  qui  se  continue 
dans  les  cellules  ou  qui  peut  être  suspendue  sans  le  départ  de  l'âme, 
pendant  une  période  difficile  à  déterminer,  mais  qui  dure  généralement 
une  à  trois  heures,  d'autres  fois  dix-liuit  à  vingt  heures,  parfois  même 
plusieurs  jours. 

La  vie  latente  est  certainement  possible  à  l'état  de  force  radicale  dans 
les  éléments  cellulaires.  Tout  le  mécanisme  extérieur  de  la  vie  orga- 
nique peut  être  aboli,  et  peuvent  faire  défaut  toutes  les  oscillations 
vitales  dans  les  différents  groupes  de  cellules  qui  constituent  l'être  hu- 
main, et,  cependant,  il  y  a  encore  possibilité  de  la  vie  tant  que  les  centres 
réflexes  du  système  nerveux  sont  en  puissance  fonctionnelle. 

Aucun  ne  peut  déterminer  exactement  la  durée  du  temps  qui  s'écoule 
entre  le  dernier  soupir  et  la  cessation  de  la  vie  cellulaire,  d'où  résulte 
la  séparation  de  l'âme  d'avec  le  corps.  L'on  sait  que  l'âme  rationnelle 
est  le  principe  formel  de  l'être  humain.  Après  la  cessation  de  tout  mou- 
vement dans  la  vie  organique,  l'âme  peut  persister  comme  principe 
formel.  Or,  la  présence  de  l'âme  suffît  à  maintenir  l'excitabilité  à  l'état 
de  puissance,  et  l'expérience  en  a  établi  le  fait  incontestable  pai-  la  rani- 
mation. 

D'après  le  docteur  Blanc,  la  vie  latente  serait  très  fréquente,  surtout 
chez  ceux  qui  succombent  à  la  suite  d'accident,  soit  de  blessure,  de  con- 
tusion, de  chute,  de  submersion,  d'asphyxie,  d'hémorrhagie,  d'inhibition, 
d'anesthésie,  de  narcotisme,  de  décharges  électriques,  de  la  foudre, 
d'ivresse,  etc. 

Voici  une  autre  série  de  faits  en  faveur  de  la  vie  latente: 

Le  docteur  Barnardès  raconte  des  cas  de  noyés  qui.  restés  submergés 
pendant  un  quart  d'heure,  deux  heures,  seize  heures  et  qui,  retirés  dans 
un  état  de  mort  apparente,  recouvraient  toutes  les  fonctions  vitales  et  la 
santé  parfaite. 

D'après  le  docteur  Surl)led,  des  noyés  ont  pu  être  ranimés  après  plu- 
sieurs heures  d'insensibilité  absolue,  de  même  que  des  individus  étouffes 
par  les  moyens  de  carbone  ou  la  fumée  d'incendie. 

Fne  digression  ici  pour  dire  qu'il  y  a  deux  catégorie?  de  noyés  :  les 
noyés  bleus  et  les  noyés  blancs.  T^e  docteur  Geniesse  affirme  que  chez 
les  seconds  la  syncope  peut  être  prolongée  quelquefois  un  temps  consi- 
dérable. 

L'accident  subit  ])eut  venir  de  causes  extrinsèques,  comme  cliez  les 
noyés,  les  pendus,  les  individus  frappés  par  la  foudre  ou  de  décharges 
électriques,  etc.;  de  causes  intrinsèques,  comme  Tapoplexie,  Tépilopsie, 


—  302  — 

les  convulsions,  l'iiémorrliagie,  rempoisonnement,  le  choléra,  la  peste, 
etc. 

Selon  Zaccliias,  parfois  ceux  qui  paraissaient  morts  par  efïet  de  ces 
accidents  furent  ranimés,  deux  ou  trois  jours  après  être  demeurés  en 
état  de  vie  latente. 

Pour  M.  Witz,  quelques  hommes,  tués  apparemment  par  décharge 
électrique,  furent  ranimés  après  une  et  trois  heures  d'efforts  incessants. 

Le  '•  Cosmos,"  en  1903,  relatait  qu'un  soldat,  qui  s'était  pendu,  revint 
à  la  vie  après  l'emploi,  durant  plusieurs  heures,  de  tractions  rythmées 
de  la  langue. 

Ils  sont  nombreux,  dit  le  docteur  Blanc,  les  cas  de  soldats  blessés  sur 
le  champ  de  bataille,  morts  d'hémorrhagie,  qu'on  rappela  à  la  vie  après 
deux,  quatre  et  même  douze  heures  de  mort  apparente. 

A  ce  propos,  qu'on  me  permette  de  citer  ici  un  fait  bien  suggestif, 
une  triste  aventure  dont  un  prêtre  distingué  de  cette  ville  faillit  être  le 
héros  malheureux. 

Un  jour  qu'il  voyageait  sur  mer,  venant  d'Europe  en  Amérique,  et 
que  la  traversée  l'éprouvait  durement,  le  E.  Père  X . . .  se  sent  tout  à 
coup  plus  gravement  indisposé.  Puis  survient  une  syncope,  accompa- 
gnée de  toutes  les  apparences  de  la  mort.  —  Il  n'y  a  plus  de  doute,  le 
bon  Père  est  bien  passé  de  vie  à  trépas.  Or,  mourir  en  mer  c'est  avoir 
l'abîme  pour  tombeau.  —  Au  bout  des  24  heures  réglementaires,  le  décès 
étant  dûment  constaté,  on  s'apprête  à  immerger  le  pauvre  défunt,  et 
tous  les  préparatifs  sont  terminés,  quand  tout  à  coup  le  mort  se  réveille, 
s'agite  et  revient  à  lui  peu  à  peu.     Mine  des  assistants  ! . .  . . 

Et  le  pauvre  malheureux,  qui  vit  encore  aujourd'hui,  nous  racontait 
que,  durant  sa  prétendue  mort,  sans  pouvoir  faire  un  signe,  il  enten- 
dait néanmoins  tout  ce  qui  se  disait  autour  de  lui.  —  Encore  un  peu,  et 
il  se  réveillait  au  froid  contact  de  son  tombeau  liquide  ! 

X'est-ce  pas  à  la  fois  horrible  et  suggestif  ? 

Le  docteur  Laborde,  dans  une  communication  adressée  à  l'Académie 
de  Médecine  de  Paris  en  1900,  établit  que  le  terme  moyen  de  la  vie  la- 
tente dans  tous  les  cas  est  de  trois  heures. 

Le  docteur  Coutenot  soutient  que  la  durée  moyenne  de  la  vie  latente 
est  de  une  à  trois  heures,  le  maximum  correspondant  aux  morts  subites, 
et  le  minimum  aux  morts  occasionnées  par  les  maladies  longues. 

A  cette  partie  de  ce  travail,  qu'il  me  soit  permis  de  vous  dire,  avec  le 
Rcv.  P.  Ferreres  que  les  fœtus,  les  nouveaux-nés  se  présentent  souvent 
dans  un  état  de  mort  apparente  et  peuvent  demeurer  ainsi  des  heures, 
et  parfois  des  jours,  sans  que  l'on  puisse  saisir  en  eux  aucun  signe  de 
vie,  et  qu'un  grand  nombre  ont  été  rappelés  à  la  vie  ou  trouvés  vivants 
après  un  temps  plus  ou  moins  long. 

Les  docteurs  Laborde,  Icard,  Mossart,  Soirro,  Delineau  et  autres,  té- 
moignent avec  de  nombreuses  observations  en  faveur  de  la  grande  téna- 
cité de  la  vie  chez  l'enfant  qui  naît  en  état  d'asphyxie  ou  de  mort 
apparente.  Le  Rév.  P.  Ferreres  en  conclut  que  l'on  ne  doit  pas  priver 
du  Baptême  le  nouveau-né  apparemment  mort,  à  moins  qu'il  ne  pré- 
iente  le  signe  de  la  putréfaction. 


303  — 


* 
*       * 


CONCLUSIOXS    PRATIQUES, 

Je  pourrais  continuer  à  raconter  des  faits  à  l'appui  de  la  vie  latente, 
mais  je  crois  en  avoir  assez  dit  pour  porter  la  conviction  dans  tous  les 
esprits  et  me  permettre  d'en  déduire  les  conclusions  suivantes  : 

1°  La  vie  humaine  est  servie  par  une  immense  multitude  d'élé- 
ments cellulaires.  Ces  cellules  sont  autant  d'organes  indispensables  à 
l'entretien  de  la  vie,  mais  elles  sont  insuffisantes  pour  expliquer  ce  qu'est 
la  vie.  On  sent  bien  qu'elles  sont  au  service  d'une  puissance  supé- 
rieure que  le  savant  et  le  penseur  n'ont  encore  pu  définir  scientifique- 
ment. La  vie  demeure  toujours  pour  nous  un  profond  mystère.  Ces 
trente  trillions  de  cellules  animées  par  le  souffle  de  Dieu-Créateur  sont 
autant  de  vies  partielles.  Que  la  mort  arrive,  soit  par  la  maladie  ou 
par  un  accident,  elle  n'envahit  pas  d'emblée  tous  les  éléments  cellulaires, 
mais  progressivement;  elle  est  d'abord  élémentaire,  puis  elle  devient 
générale.  Ce  qui  permet  de  dire  qu'il  y  a  dans  tous  les  cas,  d'abord  une 
mort  apparente  et  intermédiaire  puis  une  mort  réelle. 

2°  Attendu  les  difficultés  du  diagnostic  de  la  mort  réelle  et  les  dan- 
gers de  la  mort  apparente,  surtout  dans  les  décès  subits,  il  est  désirable 
que  le  corps  soit  examiné  d'une  manière  attentive  et  complète  par  im 
médecin,  et  qu'un  certificat  de  décès  ne  soit  délivré  avant  qu'il  ait  cons- 
taté la  rigidité  cadavérique  et  le  signe  de  la  putréfaction. 

3°  Que  le  médecin  soit  tenu  d'attendre  plusieurs  heures  après  le  mo- 
ment supposé  de  la  mort  pour  pouvoir  constater  certains  signes  impor- 
tants et  certifier  le  décès. 

4°  Avant  la  déclaration  du  décès  par  le  médecin,  qu'il  soit  défendu 
de  procéder  à  l'autopsie,  à  l'embaumement,  à  l'ensevelissement  et  à  la 
mise  en  bière. 

Voilà  des  précautions  que,  me  semble-t-il,  nous  devrions  mettre  en 
pratique  et  qui  seraient  à  l'avantage  de  nos  chers  défunts. 

5°  Il  ne  m'appartient  pas  de  déterminer  les  cas  où  la  licéité  et  la  va- 
lidité de  l'absolution  et  de  l'Extrême-Onction  sont  parfaitement  claires. 
Seulement  si  l'on  considère  sérieusement  toute  chose,  on  comprend  que, 
les  Sacrements  étant  pour  les  vivants,  ils  peuvent  être  administrés, 
quand  même  on  aurait  devant  soi  tous  les  signes  de  la  mort,  à  part  celui 
de  la  putréfaction,  surtout  dans  les  cas  de  mort  accidentelle  et  subite. 

Laissez-moi  vous  dire  que  je  n'ai  pas  la  prétention,  par  ce  travail,  de 
jeter  des  clartés  nouvelles  sur  la  question  si  troublante  de  la  vie  latente 
avant  la  mort  véritable.  Seulement,  je  veux  attirer  l'attention  publi- 
que, et  surtout  celle  des  Messieurs  du  Clergé  sur  cette  question,  Caril 
serait  désirable  que  ces  Messieurs  fissent  là-dessus  l'éducation  des  fidèles 
confiés  à  leurs  soins,  et  les  avertissent  de  ceci  : 


—  304  — 

Qu'après  qu'une  personne  a  rendu  le  dernier  soupir^  il  y  a  toujours 
pendant  un  temps  plus  ou  moins  long,  une  vie  latente  ou  une  mort  ap- 
parente qui  n'est  pas  la  mort  réelle. 

Après  une  longue  maladie,  la  vie  latente  ou  la  mort  apparente  dure 
au  moins  une  heure. 

A  la  suite  d'accident  ou  de  mort  subite,  la  vie  latente  ou  la  mort 
apparente  dure  de  trois  à  dix-huit  heures,  parfois  même  plusieurs  jours. 

C'est  dire  qu'une  personne  qui  vient  d'expirer  a  droit  à  l'assistance  du 
prêtre,  et  qu'il  est  du  devoir  de  toute  personne  présente  de  l'aller  quérir. 

Encore  un  mot  et  je  termine. 

J'ai  lu  quelque  part  ces  belles  paroles  :  "  Un  homme  qui  va  mourir 
doit  agir  comme  un  homme  qui  va  mourir  et  non  pas  comme  im  homme 
assuré  du  temps." 

Comme  il  n'y  a  que  le  médecin  qui  puisse  faire  le  pronostic  des  cas 
de  maladie,  à  lui  iticomhe  le  devoir  d'avertir  à  temps  le  malade  de  la 
gravité  de  son  état. 

La  tâche  est  parfois  difficile,  souvent  pénible,  mais  la  pensée  de  l'âme, 
de  la  vie  future  et  de  Dieu  l'engagera  toujours  à  l'accomplir. 

La  pensée  de  la  mort,  quand  on  la  voit  de  près,  ne  donne-t-elle  pas  à 
notre  vie  un  sens  particulier?  JST'est-elle  pas  propre,  si  le  malade  a 
gardé  son  intelligence  intacte,  à  lui  fournir  une  heureuse  occasion  de 
prendre  plus  au  sérieux  le  salut  de  son  âme,  et  parfois  de  réparer  toute 
une  mauvaise  vie? 

Que  chacun  de  nous,  médecins,  fasse  siennes  ces  paroles  de  Sir  John 
Fayrer,  membre  de  la  Société  Eoyale  de  Londres  : 

"Je  n'admets  pas  que  la  mort  surprenne  un  malade  sans  qu'il  en  ait 
été  infoiTué." 

Soyons  donc,  nous  médecins,  vigilants  et  prudents,  et  ne  laissons 
jamais  mourir  un  malade  sans  l'assistance  du  prêtre. 


Vœu. 

Un  voeu  est  déposé  pour  que  les  Messieurs  du  Clergé  se  convainquent 
mieux  de  la  fréquence  des  morts  plus  apparentes  que  réelles;  qu'ils  ins- 
truisent sur  ce  grave  sujet,  les  fidèles  confiés  à  leurs  soins  et  combattent 
leurs  préjugés;  enfin,  pour  qu'ils  se  montrent  très  larges  à  administrer 
l'absolution  et  V Extrême-Onction  à  ceux  qui,  apparemment  morts,  ne  le 
sont  probablement  pas  encore. 

Une  grande  latitude  est  laissée  sur  ce  point  ])nr  la  théologie:  le  juge- 
ment et  le  zèle  du  prêtre  lui  dicteront,  dans  ces  cas.  sa  conduite  pra- 
tique. Mais  qu'il  se  rappelle  qu'il  vaut  mieux,  pour  le  salut  des  âmes, 
pêcher  par  excès  de  largeur  que  par  trop  de  sévérité  dans  l'administra- 
tion des  derniers  Sacrements. 


Sacranicnta  propter  homines: 


—  305 


* 
*       * 


Après  co  travail  magistral,  très  écouté  et  souvent  applaudi,  Mgr  le 
Président  félicite  le  bon  et  chrétien  Docteur  qui  l'a  fait.  Il  insiste  pour 
que,  dans  la  pratique,  on  s'inspire  de  ses  conclusions  pour  le  plus  grand 
bien  des  âmes. 


« 
»   * 


Il  reste  à  peine  le  temps  au  dernier  rapporteur,  le  R.  1*. 
Guillot,  Rédemptoriste,  de  donner  connaissance  de  son  tra- 
vail ;  mais  comme  il  a  eu  soin  de  le  faire  distribuer  imprimé 
à  l'assistance,  il  se  contente  d'en  faire  ressortir  les  idées  maî- 
tresses et  d'en  accentuer  les  conclusions  auxquelles  se  rallie 
l'auditoire,  car  elles  n'appellent  aucune  discussion. 


RAPPORT 


SUR  LA 


DEVOTION  AU  CŒUR  EUCHARISTIQUE  DE  JESUS 


MivSSIEURS, 

J"ai  riionneur  de  vous  présenter  un  rapport  sur  la  dévotion 
au  Cœur  Eucharistique  de  Jésus  et  sur  l'Archiconfrérie  du  même  nom. 
Comme  cette  dévotion  est  encore  peu  connue  au  Canada,  il  est  bien  na- 
turel qu'on  nous  demande:  "  Qu'entendoz-vous  par  ''Cœur  Eucharis- 
tique?" Qu'est-ce  que  cette  dévotion  ])eut  ajouter  à  celles  du  Sacré- 
Cœur  et  du  Saint-Sacrement?  Pourquoi  cette  nouvelle  terminologie?" 

Je  tâcherai  de  répondre  à  ces  questions  en  comparant  brièvement  ces 
diverses  dévotions,  et  j'espère  par  là  vous  faire  conuaîiro  suffisamment 
l'origine,  la  nature  et  l'utilité  de  la  dévoti(m  au  Cceur  Eucharistique,  et 
engager  efficacement  le  clergé  et  le  peuple  canadiens  à  l'adopter  avec 
im  pieux  empressement. 

OPTGTNE.  —  A  mesure  que  la  charité  se  refroidit  dans  le  monde. 
■NTotre-Seigneur  se  plaît,  pour  reconquérir  les  âmes,  à  leur  manifester, 
sous  de  nouvelles  formes,  rincroyablo  amour  qu'il  leur  porte. 


—  306  — 

C'est  ainsi,  pour  nous  borner  aux  dévotions  mentionnées,  qu'en  1208 
il  se  révèle  à  la  Bienheureuse  Julienne  de  Liège  et  lui  demande  de  faire 
établir  la  fête  du  Saint-Sacrement.  En  1264,  le  Pape  Urbain  IV  or- 
donne la  célébration  de  cette  belle  fête  dans  l'Eglise  Catholique  tout 
entière,  et  la  Fête-Dieu  donne  tout  à  coup  une  splendeur  inouïe  au  culte 
eucharistique. 

En  1675,  Notre-Seigneur  dévoile  à  la  Bienheureuse  Marguerite-Marie 
les  secrets  de  son  Cœur  "  qui  a  tant  aimé  les  hommes,  et  qui,  pour  re- 
connaissance, ne  reçoit  de  la  plupart  que  des  ingratitudes,"  et  bientôt, 
malgré  d'inévitables  contradictions,  le  culte  du  Sacré-Cœur  est  approuvé 
par  les  papes  et  allume  dans  le  monde  des  incendies  d'amour  pour  notre 
divin  Sauveur. 

Oserai-je  comparer  à  ces  grands  événements  l'origine  de  la  dévotion 
au  Cœur  Eucharistique?  Il  le  faut  bien,  puisqu'elle  porte  les  mêmes 
caractères  :  il  y  a  de  part  et  d'autre  la  révélation  des  desseins  de  Dieu  à 
une  humble  femme,  l'approbation  solennelle  de  l'Eglise,  et  une  merveil- 
leuse et  salutaire  diffusion  dans  le  peuple  chrétien.     Jugez-en. 

Le  22  janvier  1854,  dans  une  chapelle  de  Communauté,  le  Saint-Sa- 
crement était  exposé  à  l'adoration  des  fidèles;  au  milieu  de  la  foule 
recueillie  se  trouvait  de  passage  une  sainte  religieuse  profondément 
vouée  à  l'amour  de  la  divine  Eucharistie.  Ce  fut  l'heure  où  le  Sauveur, 
faisant  d'abord  vivement  sentir  à  cette  âme  fervente  l'oubli  dans  lequel 
on  le  laisse,  ainsi  que  les  outrages  dont  on  l'abreuve  dans  son  Sacrement 
d'amour,  daigna  lui  adresser  ces  touchantes  paroles  :  "  Que  d'âmes  m'en- 
tourent et  ne  me  consolent  pas  !  Mon  Cœur  demande  l'amour  comme 
un  pauvre  demande  du  pain  ! . .  .  C'est  mon  Cœur  Eucharistique,  fais-le 
connaître,  fais-le  aimer  !  Eépands  cette  dévotion  !  " 

La  servante  de  Dieu  aurait  voulu  entendre  :  "  Mon  Sacré-Cœur  ;"  mais 
non,  le  terme  de  "  Cœur  Eucharistique  "  inconnu  jusqu'alors,  retentit 
nettement  et  se  formula  distinctement  et  à  plusieurs  reprises  dans  son 
âme,  et  c'est  uniquement  sous  ce  titre  que  Notre-Seigneur  ne  cessa  dès 
lors  de  la  favoriser  des  grâces  les  plus  admirables  et  de  lui  confier  la 
mission  de  répandre  ce  culte  béni. 

Depuis  lors,  la  dévotion  au  Cœur  Eucharistique  a  été  étudiée,  exa- 
minée, discutée,  combattue  même,  et  elle  a  triomphé  de  toutes  les 
entraves  que  l'enfer  lui  a  suscitées.  Elle  a  su  conquérir  l'amour  des 
Princes  de  l'Eglise  et  de  son  Chef  Suprême.  Deux  cent  quatorze  Car- 
dinaux, Archevêques  et  Evêques  de  diverses  nations  l'ont  recommandée 
avec  instance  ou  louée  avec  enthousiasme.  Les  trois  derniers  Souve- 
rains Pontifes,  les  seuls  qui  l'ont  connue,  Pie  IX,  Léon  XIII  et  Pie  X, 
en  vingt-quatre  Brefs  ou  Eescrits,  l'ont  approuvée  solennellement  et 
enrichie  de  très  précieuses  indulgences. 

Aussi,  elle  s'est  répandue  rapirlement,  et  au  dernier  Congrès  Eucha- 
ristique international,  le  R.  P.  Kécheur  pouvait  dire  sans  crainte  d'être 
démenti:  "Elle  est  maintenant  connue  et  pratiquée  dans  tout  l'univers 
catholique." 

Telles  sont  les  raisons  qui  nous  font  penser  que  notre  divin  Eédemp- 
teur  veut  la  diffusion  de  cette  belle  dévotion. 


—  307  — 

NATUEE.  —  Mais  que  signifient  les  mots:  "  Cœur  Eucharistique?" 
Ces  mots  désignent  tout  simplement  Tamour  que  Jésus  nous  témoigne 
par  le  don  de  la  divine  Eucharistie. 

Tel  est  le  sens  qu'a  fixé  la  suprême  autorité  de  la  Sainte  Eglise. 
Dans  un  Bref  du  16  février  1903,  par  lequel  il  érige  cette  dévotion  en 
Archiconfrérie,  Léon  XIII  ne  s'est  pas  contenté  d'en  consacrer  le  nom 
et  d'en  approuver  les  pratiques,  mais  il  a  voulu  encore  en  déterminer 
l'objet  précis.  Vous  trouverez  dans  la  Raccolta  la  note  suivante  qu'il 
a  rédigée  lui-même  et  répétée  dans  le  Bref  d'érection,  et  qui  donne  la 
notion  exacte  de  la  dévotion.     "  Xous  n'avons  rien  plus  à  cœur  et  rien 

ne  nous  est  plus  doux  que  de  donner  dans  cette  Auguste  Ville un 

siège  digne  d'elle  à  cette  association  de  fidèles,  qui,  tout  en  ayant  envers 
le  Sacré-Cœur  une  dévotion  ne  différant  en  aucune  manière  de  la  dévo- 
tion de  l'Eglise,  s'appliquent  à  rendre  un  culte  spécial  d'amour,  de  re- 
connaissance et  de  vénération  à  cet  acte  de  dilection  suprême,  en  vertu 
duquel  notre  divin  Eédempteur,  prodiguant  toutes  les  richesses  de  son 
Cœur  institua  l'adorable  Sacrement  de  l'Eucharistie,  pour  demeurer 
avec  nous  jusqu'à  la  consommation  des  siècles  !  " 

Le  Eévérendissime  Père  Lepidi,  O.P.,  Maître  du  Sacré  Palais,  a  fort 
bien  formulé  la  même  idée  dans  la  page  suivante  :  "  Il  n'y  a  pas  de  dé- 
votion plus  excellente  que  la  dévotion  au  Cœur  Eucharistique  de  Jésus. 
Cette  excellence  provient  de  son  objet  qui  n'est  autre  que  l'amour  su- 
prême de  Jésus  voulant  instituer  l'Eucharistie,  pour  demeurer  présent 
au  milieu  de  nous,  renouveler  sur  la  terre,  jusqu'à  la  consommation  des 
siècles  le  sacrifice  de  la  croix  et  nous  donner  sa  chair  en  nourriture  et 
son  sang  en  breuvage.  Il  veut  par  là  nous  communiquer  son  esprit  de 
mort  et  de  vie,  nous  unir  à  Lui  et  nous  transformer  en  Lui  et  ainsi  nous 
pénétrer  de  son  esprit  divin,  réunir  tous  les  croyants  en  un  seul  tout  et 
composer  un  seul  corps  animé  d'un  même  esprit  sous  l'unique  Chef,  le 
Christ-Jésus.  De  la  sorte  l'Eglise  est  une,  soumise  et  consacrée  à  Dieu, 
servante,  amie  et  fille  de  Dieu. 

"  Telle  est  l'idée  qu'il  faut  se  former  de  la  dévotion  au  Cœur  Euclia- 
ristique,  si  l'on  veut  en  mesurer  toute  l'excellence,  et  qu'il  faut  faire 
passer  dans  la  pratique,  si  l'on  veut  en  recevoir  tous  les  bienfaits.  Quelle 
est  la  dévotion  comparable  à  la  dévotion  au  Cœur  Eucharistique  de 
Jésus,  puisqu'elle  réalise  le  but  final  de  la  prière  de  Jésus:  ut  sint 
unum  !  Qu'ils  soient  un  !  " 

La  dévotion  au  Cœur  Eucharistique  est  distincte  de  la  dévotion  au 
Sacré-Cœur  comme  le  spécial  est  distinct  du  général.  Elles  ont  quelque 
chose  de  commun  l'une  et  l'autre  ont  pour  objet  principal  Tamour  de 
Jésus-Christ  s\Tnbolisé  par  l'objet  matériel  qui  est  son  Cœur  de  chair 
uni  personnellement  au  corps,  à  l'âme  et  à  la  divinité  du  Verbe  incarné. 
Mais  elles  ont  aussi,  dans  leur  réalité  comme  dans  leur  nom.  quelque 
chose  de  distinct.  Le  voici  :  tandis  que  la  dévotion  au  Sacré-Cœur  ho- 
nore d'une  manière  générale  l'amour  de  Jésus  donnant  à  rhonime  tous 
les  bienfaits  de  la  rédemption,  la  dévotion  au  Cœur  Eucharistique  honore 
d'une  manière  spéciale  l'amour  qui  a  déterminé  l'institution  du  Saint- 
Sacremont  et  du  sacerdoce  chrétien.  La  première  regarde  le  Cœur  du 
Sauveur  comme  le  SMnbole  universel  de  sa  vie  morale,  ou  du  moins  de 


—  308  — 

sa  charité  pour  nous,  et  sa  charité  connue  la  source  d  où  sont  sortis  tous 
ses  bienfaits  :  l'Incarnation  et  la  Passion,  l'évangile  et  la  grâce,  la  Sainte 
Vierge  et  l'Eglise,  l'Eucharistie  et  le  ciel.  Dans  le  Cœur  de  Jésus,  la 
seconde  ne  considère  que  l'amour  qui  a  été  le  motif  princiiDal  de  sa  vie 
sacramentelle.  Cet  acte  d'amour  est  si  merveilleux,  si  touchant  et  si 
bienfaisant  pour  nous,  et  en  même  temps  si  méconnu  et  si  outragé,  qu'il 
mérite  bien  un  culte  spécial  d'amour  et  de  reconnaissance,  ainsi  que  le 
disait  encore  l'illustre  Pontife  Léon  XIII. 

Le  Cœur  Eucharistique  se  distingue  du  Saint-Sacrement  comme  la 
cause  de  l'effet  et  le  donateur  du  don  qu'il  fait.  Le  culte  du  Saint- 
Sacrement  a  pour  objet  d'honorer  la  présence  réelle  du  Sauveur  devenu 
notre  hôte,  notre  nourriture  et  notre  victime;  le  culte  du  Cœur  Eucha- 
ristique s'élève  jusqu'à  l'amour  qui  a  été  la  cause  de  ce  don  ineffable,  et 
s'efforce  de  le  payer  de  retour  et  de  lui  faire  réparation  des  ingratitudes 
dont  il  est  l'objet,  en  lui  rendant  ses  hommages  au  lieu  même  où  il 
réside  ici-bas  par  amour  pour  nous,  comme  l'indiquent  les  statuts  de 
l'Archiconfrérie. 


* 
*       * 


UTILITE.  —  Bien  que  distincte  de  l'une  et  de  l'autre,  la  dévotion 
au  Cœur  Eucharistique  contient  le  secret  d'unir  admirablement,  dans 
la  foi,  le  culte  et  la  charité,  les  belles  dévotions  au  Sacré-Cœur  et  au 
Saint-Sacrement.  Par  elle,  en  effet,  l'attention  des  fidèles  est  attirée  et 
retenue  sur  les  relations  du  Sacré-Cœur  et  de  l'Eucharistie,  et  ces  deux 
objets  préférés  du  culte  catholique,  leur  apparaissant  dans  l'intime  rap- 
port de  cause  à  effet,  se  rendent  témoignage  l'un  à  l'autre,  se  font  mieux 
connaître  et  mieux  aimer  l'un  l'autre.  Le  Sacré-Cœur  proclame  l'Eu- 
charistie l'œuvre  de  son  amour  pour  nous,  et  celle-ci  nous  montre  la 
grandeur  de  cet  amour. 

Or,  contempler  l'Eucharistie,  non  pas  seulement  en  elle-même,  mais 
dans  le  Cœur  de  Jésus,  dans  les  desseins  de  son  amour  qui  a  conçu  et 
réalisé  cette  merveille  des  merveilles,  n'est-ce  pas  le  moyen  le  plus 
simple  et  le  plus  efficace  de  la  mieux  comprendre  et  d'en  goûter  toute 
la  suavité?  "Eclairée  par  le  rayonnement  du  Cœur  de  Jésus,  l'Eu- 
charistie, dit  le  P.  Tesnière,  voit  les  profonds  mystères  dont  elle  se  com- 
pcse,  dissipés  par  la  lumière  la  plus  douce  et  la  plus  bienfaisante.  Si 
l'amour  ne  l'explique  pas,  elle  est  un  scandale  et  ime  folie  pour  le  sens 
humain.  Mais  si  l'amour  intervient,  tous  ces  excès  sont  sagesse  et 
chef-d'opiuvre.  attrait  et  charme,  séduction  et  conquête  de  nos  cœurs. 
Or  l'amour  dans  son  symbole,  c'est  le  Cœur.  Que  le  fVimi-  Eucharis- 
tique soit  donc  mis  en  lumière  aussi  directe  et  aussi  intense  (|ue  possible 
et  le  culte  de  l'Eucharistie  atteindra  à  son  apogée." 

Mais,  direz-vous,  n'a-t-on  pas  toujours  vu  l'amour  dans  le  Saint- 
Sacrement?  Oui,  sans  doute,  et  pourtant  saint  Alphonse  .se  plaignait  de 
ce  que  l'amour  de  Jésus  n'était  pas  assez  prêché.  Sainte  Marie-Made- 
leine de  Pazzi  gémi>sait  de  ce  fju'il  n'était  pas  connu.     L'Ame  privilé- 


~  309  — 

giée,  dont  je  vous  parlais  il  n"v  a  qu'un  instant,  éclairée  de  Dieu  dans 
Toraison,  tra(;ait  ces  mots  qui  l'ont  jjartie  de  la  belle  prière  au  Cœur 
Eucharistique:  "Cœur  Eucharistique  de  Jésus,  Cœur  humilié,  délaissé, 
oublié,  méprisé,  outragé,  méconnu  des  hommes."  Sera-t-il  jamais 
assez  connu,  assez  aimé  et  assez  honoré,  le  Saint-Sacrement?  Et  si  une 
dévotion  peut  aider  à  obtenir  ce  résultat  infiniment  désirable,  faut-il  la 
repousser  sous  prétexte  qu'on  peut  l'atteindre  sans  elle?  Or,  la  dévotion 
au  Cœur  Eucharistique  jious  oriente  vers  l'Eucharistie,  pour  la  mettre 
en  évidence  et  la  l'aire  resplendir  aux  rayons  du  foyer  d'amour  d'où  elle 
a  jailli  jusqu'à  nous. 

Donner,  et  encore  plus,  se  donner,  c'est  le  besoin  de  l'amour;  c'est  sa 
vie,  sa  joie,  sa  gloire,  et  son  dernier  acte.  Or,  le  Fils  de  Dieu  s'est  donné 
lui-même,  comme  personne,  excepté  lui,  n'est  capable  de  se  donner  :  il 
s'est  donné  dans  sa  vie  mortelle;  il  se  donnera  un  jour  à  nous  dans  sa  vie 
glorieuse  ;  il  se  donne  dans  sa  vie  eucharistique.  Cette  donation  peut 
nous  jouissons  actuellement  nous  dévoile  toute  la  tendresse  de  son  Cœur, 
toutes  les  richesses  de  son  amour,  ''  l'acte  suprême  de  sa  dilection."  "  In 
finem  dilexit."  Ce  qu'il  donne,  c'est  lui-même,  le  Fils  de  Dieu  et  le  Fils 
de  Marie;  lui-même  avec  tous  ses  dons  précédents  et  la  semence  de  tous 
ses  dons  futurs.  Il  a  comme  ramassé  tous  ses  bienfaits  dans  ce  bien- 
fait plus  grand  que  tous  les  autres;  il  y  a  réuni  sa  vie.  sa  mort  et  sa  ré- 
surrection; ses  prières,  ses  actions,  ses  souffrances,  ses  vertus  et  ses 
mérites;  la  grâce  et  la  gloire,  le  Calvaire  et  le  ciel,  fondus  en  un  pour 
être  offerts  à  Dieu  en  sacrifice  et  aux  hommes  en  aliment.  Si  vous 
aimez  à  juger  d'un  cœur  à  la  valeur  de  ses  dons,  comme  on  juge  d'un 
arbres  à  ses  fruits,  que  dites-vous  d'un  cœur  capable  de  faire  un  pareil 
préseoit  ? 

Jésus  ne  se  contente  pas  de  nous  donner  tout  son  être  d'une  nuinière 
purement  extérieure  comme  un  objet  de  contemplation  ou  de  culte. 
Non,  c'est  dans  notre  intérieur  qu'il  prétend  se  jeter;  c'est  au  cœur 
qu'il  nous  vise.  Il  lui  plaît  de  venir  en  nous,  d'y  demeurer,  d'y  vivre, 
que  dire  de  plus? 

Il  se  donne  à  nous  en  nourriture.  C'est  la  forme  la  plus  complète  et 
la  mes<ure  suprême  de  la  donation.  Y  a-t-il  rien  qui  soit  plus  à  nous 
que  le  pain  que  nous  mangeons,  et  qui,  passé  en  nous,  devient  natre 
substance  ?  Jésus  sans  doute  ne  se  transforme  pas  en  nous,  mais  il 
nous  assimile  plutôt  à  lui;  il  alimente  en  nous  la  vie  la  plus  précieuse 
que  nous  possédions,  la  vie  chrétienne,  éternelle  et  divine.  Et  comment 
douter,  quand  ce  Sauveur  réside  dans  notre  poitrine,  qu'il  nous  aime 
individuellement,  particulièrement,  intimement  et  tendrement? 

Enfin,  Jésus  se  donne  au  prix  des  plus  sensibles  douleurs  et  des  plus 
grands  sacrifices.  Il  lui  faut  être  victime  au  Calvaire  et  victime  à 
l'autel.  Il  le  sait  mieux  que  tout  autre:  il  connaît  d'avance,  il  rossent 
vivement  les  douleurs  de  sa  passion  et  les  anéantissements  plus  profonds 
et  plus  prolongés  de  l'autel,  qui  le  livre  plus  faible  encore  aux  injures 
des  pécheurs.  Son  amo'ur  n'en  est  pas  découragé:  d'un  seul  bond,  il 
franchit  ces  montagnes  d'ingratitudes,  de  haine,  d'impiété;  il  s'élance 
au  travers  des  siècles  d'outrages  vers  l'âme  pure  et  chérie  pour  lui 
porter  sa    substance  en    nourriture  et    lui    dire:  '*  .\nio    bien-ainiéc.  ni 


—  310  — 

jamais  tu  doutes  de  mon  amqur,  regarde  ce  Sacrement  dans  lequel  je  me 
donne  totalement  à  toi  :  avec  un  tel  gage,  tu  ne  peux  plus  douter  que  je 
ne  t'aime  et  que  je  ne  t'aime  beaucoup." 

Eridemment,  c'est  par  les  aspects  les  plus  touchants  et  les  plus  sanc- 
tifiants que  le  Cœur  Eucharistique  unit  dans  la  doctrine  le  Sacré-Cœur 
et  le  Saint-Sacrement.  Il  est  comme  le  trait  d'union  qui  donne  à  ces 
deux  mots  d'affection  un  sens  encore  plus  frappant  et  une  éloquence  plus 
persuasive;  lé  cristal  qui,  pour  les  enflammer,  fait  converger  sur  les 
âmes  ces  deux  rayons  ardents;  l'harmonie  dans  laquelle  se  fondent  ces 
deux  chants  d'amour;  enfin  la  synthèse  naturelle  qui  ravit  les  savants, 
dès  qn'ils  l'approfondissent,  et  reste  accessible  à  un  enfant,  dès  qu'il 
comprend  le  sens  des  mots  :  aimer  et  donner. 


* 


Mais  c'est  surtout  dans  la  pratique  du  culte,  que,  selon  la  parole  du 
Cardinal  Guibert,  "  la  dévotion  au  Cœur  Eucharistique  réunit  en  elle 
ce  que  les  dévotions  au  Très-Saint-Sacrement  et  au  Sacré-Cœur  oait  de 
plus  excellent." 

Pour  atteindre  à  la  perfection  de  l'une  et  de  l'autre,  il  faut  les  unir 
le  plus  étroitement  possible.  Le  Sacré-Cœur  réclame  des  hommages 
eucharistiques.  Il  disait  à  la  Bienheureuse  Marguerite-Marie  :  "  J'ai 
une  soif  ardente  d'être  aimé  des  hommes  dans  le  Saint-Sacrement,  et  je 
ne  trouve  presque  personne  qui  s'efforce  de  me  désaltérer."  D'un  autre 
côté,  le  culte  de  l'Eucharistie  se  porte  volontiers  de  nos  jours  vers 
l'amour  du  Sacré-Cœur  qui  en  est  la  source,  et  vers  la  réparation  des 
ingratitudes  qu'il  y  reçoit. 

Mais  si  telle  est  heureusement  la  tendance  des  âmes  les  plus  éclairées 
et  les  plus  pieuses,  combien  d'autres,  hélas  !  par  ignorance,  irréflexion, 
défaut  de  foi  ou  d'entraînement  d'une  dévotion  tout  extérieure,  séparent 
dans  leur  piété  ces  deux  cultes  qui  s'appellent  et  se  complètent  l'un 
l'autre  !  Ne  s'est-on  pas  lamenté  justement  de  voir  bien  des  personnes 
dévotes  s'attarder  devant  une  image  du  Sacré-Cœur,  en  laissant  dans 
l'abandon  le  Dieu  d'amour  réellement  présent  dans  la  même  église  et 
avide  de  se  communiquer  à  elles?  N'a-t-on  pas  toujours  à  déplorer  la 
froide  indifférence  des  multitudes  croyantes  elles-mêmes,  .qui  ne  s'ap- 
prochent que  rarement  de  ce  grand  ami  de  l'homme,  et  encore,  moins 
par  amour  que  par  crainte,  devoir  ou  coutume. 

Le  secret  le  plus  simple  et  le  plus  direct,  le  plus  populaire  et  le  plus 
efficace  pour  combattre  ces  égarements  de  la  piété,  rapprocher  dans  la 
pratique  les  deux  cultes  et  en  cueillir  les  meilleurs  fruits  de  sainteté, 
c'est  la  dévotion  au  Cœur  Eucharistique.  Après  avoir  justifié  ce  rap- 
prochement devant  l'esprit,  et  l'avoir  fait  goûter  au  cœur,  elle  en  sus- 
cite et  aiguillonne  la  continuelle  pratique.  Son  nom  seul  est  déjà  une 
invitation  à  participer  aux  mystères  de  l'autel.     Mais  l'idée,  la  grande 


—  su- 
idée, bien  comprise  et  prêchée  avec  zèle,  d'un  Dieu  qui  nous  aime  et  nous 
convoite  jusqu'à  l'union  eucharistique,  voilà  la  provocation  qui  triomphe 
des  âmes,  voilà  le  levier  le  plus  capable  de  soulever  les  masses  appe- 
santies par  les  dissipations  et  les  attaches  terrestres,  et  de  les  entraîner 
par  l'amour  vers  le  Jésus  de  nos  tabernacles. 

Eclairé  sur  cette  dévotion,  on  ne  peut  plus  penser  au  Sacré-Cœur  sans 
voir  aussitôt  sa  grande  préoccupation  de  s'unir  à  nous  dans  le  mystère 
eucharistique,  et  ce  qui  nous  presse  de  répondre  à  ses  desseins,  ce  n'est 
pas  seulement  la  magnificence  du  don  qui  nous  est  fait,  c'est  mille  fois 
plus  l'amour  gratuit,  désintéressé,  immense,  qui  a  choisi  et  nous  présente 
ce  don  inappréciable;  ce  sont  les  vertus,  les  douleurs,  les  intentions  que 
cet  amour  a  produites  dans  le  Cœur  le  plus  dévoué  qui  fut  jamais  à 
notre  bonheur.  Le  Cœur  Eucharistique  pousse  par  lui-même,  direc- 
tement et  immédiatement,  ceux  qui  le  contemplent,  à  des  actes  de  reli- 
gion envers  l'Eucharistie,  et  il  les  fait  réaliser  par  des  motifs  et  pour 
des  fins  de  charité.  Ces  hommages  eucharistiques,  rendus  en  esprit 
d'amour  et  de  réparation,  sont  la  conclusion  logique,  la  résultante  natu- 
relle de  la  notion  même  de  cette  dévotioiu. 

Sans  doute,  la  dévotion  au  Saint-Sacrement  est  essentiellement  ca- 
tholique; tous  les  chrétiens  ont  le  strict  devoir  d'adorer  la  présence 
réelle  de  l'Homme-Dieu,  d'assister  à  la  messe  les  dimanches  et  les  fêtes, 
et  de  communier  à  Pâques,  ou  plus  souvent,  si  leur  faiblesse  le  requiert. 
Mais  voulez-vous  un  moyen  puissant  de  faire  bien  remplir  ces  devoirs, 
et  de  susciter  en  outre  une  dévotion  spéciale,  ardente  et  fructueuse  à  ces 
divins  mystères?  Invitez  les  âmes  à  se  demander  souvent:  "D'où  vient 
cet  incomparable  don?"  Prêchez-leur  qu'évidemment,  ni  la  contrainte, 
ni  la  justice,  ni  l'intérêt  n'ont  pu  déterminer  l'infinie  Sagesse  et  la 
Toute-Puissance  à  nous  le  départir.  L'amour  seul  a  pu  réaliser  une 
telle  merveille. 

Lui  seul  y  manifeste  toutes  ses  tendances.  L'amour  en  effet  re- 
cherche la  présence  assidue,  l'union  intime,  le  bonheur  suprême  de  la 
personne  aimée.  Celui  de  Jésus  trouve  toutes  ces  satisfactions  dans  la 
Sainte  Hostie,  où  il  vit  au  milieu  de  ceux  qu'il  aime,  s'immole  pour 
leur  salut,  et  s'unit  au  corps  et  à  l'âme  de  ses  fidèles. 

De  son  côté,  comment  l'âme,  éprise  du  Cœur  Eucharistique,  pour- 
rait-elle négliger  de  chercher  le  Cœur  de  Jésus  dans  le  Saint-Sacre- 
mejit,  et  de  se  conduire  en  tout  avec  lui  comme  avec  un  ami  présent, 
vivant  et  aimant,  qui  la  charme  et  la  comble  de  ses  bienfaits? 

Dans  l'adoration  privée  ou  publique,  l'hostie  sainte  la  ravit,  parce 
qu'elle  contemple  l'auteur  de  cette  merveille:  le  Cœur  de  Jésus  "qui 
palpite  sous  le  voile  des  saintes  espèces  "  et  ne  se  présente  à  ses  adora- 
tions nulle  part  ailleurs  sur  la  terre;  la  sainte  messe  l'attire  puissam- 
ment, parce  que  le  Eédempteur  s'y  offre  lui-même  par  une  volonté  tou- 
jours actuellement  aimante  et  toute  dévouée  à  la  gloire  de  son  Père  et 
au  bonheur  de  ses  frères;  la  communion  la  transporto,  parce  qu'elle  la 
livre  à  Jésus  qui,  en  étant  épris,  l'envahit,  la  purifie  et  l'illumine,  Ycm- 
brase  et  l'emporte  dans  le  sein  de  Dieu,  pour  lui  communiquer  la  vie 
surnaturelle  de  la  divine  charité. 


—  312 


*       * 


Et  voilà  un  autre  lien  eaitre  les  dévotions  qui  nous  occupent  :  la  cha- 
rité, qui  est  leur  fin  commune  et  leur  effet  suprême. 

C'est  pour  entretenir  et  développer  la  vie  de  la  charité  reçue  au  Bap- 
tême que  Jésus  a  institué  son  "  Sacrement  d'amour."  L'union  au  corps 
du  Sauveur  n'est  qu'un  moyen  de  réaliser  l'union  des  âmes  avec  sa 
divinité  par  la  grâce  et  l'amour. 

En  nous  manifestant  son  Cœur  ou  son  amour,  le  Seigneur  ne  cherche 
qu'à  attiser  en  nous  le  même  feu  de  la  charité  qui  nous  transforme  en 
lui,  "  Pontife  innocent  et  saint,''  et  nous  unit  à  Dieu  et  à  tous  les 
enfants  de  Dieu. 

Lisez  son  discours  de  la  Cène.  C'est  l'Evangile  du  Cœur  Eucharis- 
tique :  tout  y  tend  à  l'amour  et  à  l'union  :  "Je  vous  fais  un  comman- 
dement nouveau,  a-t-il  dit  à  ses  apôtres,  c'est  que  vous  vous  aimiez  les 
uns  les  autres...  Comme  mon  Père  m'a  aimé,  moi  aussi,  je  vous  ai 
aimés  :  demeurez  dans  mon  amour." 

Dieu,  en  effet,  n'aime  que  pour  être  aimé.  Sachant  l'homme  sensible 
à  l'amour  qu'on  lui  témoigne.  Il  compte  gagner  plus  sûrement  son 
affection  en  aimant  le  premier  qu'en  faisant  valoir  ses  droits  absolus,  ou 
qu'en  vantant  ses  infinies  perfections.  Sans  doute,  le  motif  propre  de 
la  charité,  c'est  Dieu  lui-même,  et  dans  le  ciel,  c'est  la  vision  de  ses  in- 
finies perfections  qui  fait  la  joie  suj^rême  des  bienheureux;  mais  sur 
notre  terre  d'épreuve,  où  la  beauté  divine  nous  est  cachée,  rien  ne  pro- 
voque notre  cœur  à  l'amour  de  Dieu  comme  l'intime  persuasion  que  ce 
grand  Dieu  nous  aime  véritablement.  Du  moment  que  cette  conviction 
est  vivement  sentie,  une  complète  révolution  s'opère  dans  l'âme  :  si  c'est 
une  âme  pécheresse,  elle  se  convertit  avec  la  générosité  d'une  sainte 
Marie-Madeleine;  si  elle  est  déjà  pieuse  et  régulière,  elle  conçoit  de  plus 
hautes  vues  de  bien,  elle  forme  des  projets  de  plus  grande  perfection, 
elle  prend  de  nouvelles  voies  et  elles  les  suit  au  prix  des  plus  héroïques 
sacrifices.  Elle  s'écrie  avec  saint  Paul  :  "  La  charité  de  Jésus-Christ 
me  presse  de  l'aimer  en  retour;"  et  avec  saint  Jean:  "Aimons  donc 
Dieu,  puisque  Dieu  nous  a  aimés  le  premier."  "  C'est  un  grand  jour, 
écrit  le  P.  Faber,  un  jour  de  crise  que  celui  où  la  connaissance  de 
l'amour  de  Dieu  pour  nous  passe  à  l'état  de  conviction  sensible." 

La  dévotion  au  Cœur  Eucharistique  a  la  noble  ambition  de  provo- 
quer cette  bienheureuse  "  crise,"  en  persuadant  à  tous  que  Dieu  aime 
chacun  de  nous,  qu'il  désire  ardemment  son  amour,  qu'il  ne  s'immole  et 
ne  se  donne  tout  entier  à  chacun  de  nous,  que  pour  alimenter  en  nous 
la  vie  de  la  grâce  et  de  la  charité,  nous  unir  intimement  à  lui-même  et 
à  nos  frères,  nous  communiquer  ses  divines  affections  et  nous  préparer 
à  l'union  triomphante  du  ciel. 

Cette  idée  que  Dieu  nous  aime,  il  faut  s'en  convaincre  par  la  contem- 
plation du  Cœur  Eucharistique;  il  faut  la  prêcher  aux  foules,  et  nous 
auroas  pris  le  meilleur  moyen  de  les  faire  participer  avec  fruit  aux 
mystères  eucharistiques  et  de  sanctifier  par  la  divine  charité  leur  vie 
tout  entière. 


—  313  — 

Ces  considérations  sont  résumées  eu  excellents  ternies  dans  la  i)rière 
suivante  de  rArchiconfrérie  du  Cœur  Eucharistique. 

"  Seigneur  Jésus,  nous  croyons  fermement  à  cet  amour  suprême  qui 
institua  la  Très  Sainte  Eucharistie,  et  ici,  devant  cette  Hostie,  il  est 
juste  que  nous  adorions  cet  amour,  que  nous  le  confessions  et  l'exaltions 
comme  le  grand  foyer  de  la  vie  de  votre  Eglise.  Cet  amour  est  pour 
nous  une  pressante  invitation  ;  vous  semblez  nous  dire  :  "  Voyez  com- 
bien je  vous  aime  !  En  vous  donnant  ma  chair  en  nourriture  et  mon 
sang  en  breuvage,  je  veux,  par  ce  contact,  exciter  votre  charité,  vous 
unir  à  moi  ;  je  veux  réaliser  la  transformation  de  vos  âmes,  en  moi  le 
Crucifié,  en  moi  qui  suis  le  Pain  de  la  vie  éternelle;  donnez-moi  donc 
vos  cœurs,  vivez  de  ma  vie  et  vous  vivrez  de  Dieu."  Xous  le  recon- 
naissons, ô  Seigneur,  tel  est  l'appel  de  votre  Cœur  Eucharistique,  et 
nous  vous  en  remercions,  et  nous  voulons,  oui,  nous  voulons  y  ré- 
pondre ..." 

Confrérie.  —  La  dévotion  au  Cœur  Eucharistique  se  cultive  et  se 
])ropage  par  le  moyen  d"une  Archicunfrérie  de  même  nom.  dont  le  Sou- 
verain Pontife  Léon  XIII  a  fixé  le  siège  dans  l'Eglise  Pontificale  de  St- 
Joachim.  à  Eome,  et  confié  la  direction  aux  Pères  Eédemptoristes. 

"  Cette  association  se  répand  rapidement,  disait  le  E.  P.  Massélis  au 
congrès  eucharistique  de  Tournai  (1905),  et  là  où  elle  est  érigée,  on 
voit  se  produire  un  courant  de  piété  singulièrement  consolant  vers  le 
Sacrement  de  nos  autels." 

Parfois,  c'est  le  Cœur  Eucharistique  qui  attire  à  la  Confrérie  les  âmes 
ravies,  qui  espèrent  y  trouver  des  prédications  régulières  ou  des  exer- 
cices de  piété  fréquents  et  tous  eucharistiques,  propres  à  raviver  en  elles 
cet  aspect  admirable  de  nos  plus  touchants  mystères.  D'autres  fois,  on 
s'y  enrôle,  parce  qu'on  convoite  les  riches  et  nombreu.«;es  indulgences 
qu'elle  prodigue  libéralement.  Permettez-moi  d'en  signaler  une  :  Tin- 
dulgencc  plénière  accordée  aux  associés  une  fois  le  jour,  quand  ils  font 
une  demi-heure  de  prière  en  présence  du  Très  Saint-Sacrement,  dans 
n'importe  quelle  église  ou  chapelle,  même  si  durant  ce  temps  ils  enten- 
daient la  messe  d'obligation,  récitaient  l'office  divin  ou  faisaient 
l'oraison  mentale.  Vous  pensez  bien  qu'à  elle  seule,  cette  précieuse  in- 
dulgence multipliera  les  adorateurs  de  la  sainte  hostie,  et  favorisera 
l'assistance  à  la  messe  et  la  communion  fréquente. 

Les  conditions  d'admission  sont  des  plus  faciles.  Faire  inscrire  ses 
nom  et  prénom  dans  les  registres  d'une  confrérie  affiliée  à  l'Archicon- 
frérie  romaine,  et  réc-itor  la  consécration  au  Cœur  Eucharistique  le  jour 
choisi  pour  l'admission,  voilà  tout  ce  qui  est  de  rigueur. 

Les  autres  pratiques  et  prières  mentionnées  dans  les  "  Statuts  de 
l'Archiconfrérie,"  la  réunion  mensuelle  que  demande  le  diplôme  d'ag- 
grégation,  l'adoration  diurne  ou  hebdomadaire  qu'on  y  a  rattachée  par- 
fois, sont  dos  exercices  facultatifs,  purement  conseillés,  mais  nullement 
requis  pour  participer  aux  indulgences  et  bénéfices  de  l'Association. 
Grâce  à  cette  latitude,  les  Curés  de  paroisses,  les  Directeurs  de  commu- 
nautés ou  d'autres  établissements  peuvent  trouver  dans  cette  confréne 
un  excellent  moven  d'établir,  de  régulariser,  de  consacrer  ou  d'enrichir 


—  3M  — 

d'indulgences  les  divers  exercices  pieux  qu'ils  ont  l'habitude  ou  l'inten- 
tion de  faire  pratiquer  en  l'honneur  du  Saint-Sacrement. 

D'après  le  Cardinal  Parocchi  "  on  ne  saurait  trouver  rien  de  plus 
opportun  en  notre  temps  pour  alimenter  la  piété  chrétienne,  ainsi  que 
pour  favoriser  et  accroître  la  dévotion  envers  l'adorable  Sacrement  de 
nos  autels." 

Je  conclus  en  empruntant  les  éloquentes  paroles  du  regretté  Père 
Tesnière,  S. S. S.,  au  Congrès  de  Lourdes,  1899:  "C'est  parce  que  le 
nom  de  Cœur  Eucharistique  exprime  nettement  l'union  si  nécessaire  et 
si  féconde  du  Sacré-Cœur  et  de  l'Eucharistie,  que  Je  le  salue  avec  ma 
foi  et  ma  reconnaissance,  que  je  vous  demande  de  l'acclamer  ici,  de  vous 
habituer  à  le  dire  et  à  le  redire  souvent,  de  le  faire  connaître  partout; 
car  c'est  un  nom  de  vie  et  d'espérance,  un  nom  d'avenir  et  de  triomphe 
pour  toutes  les  saintes  causes  qui  l'auront  invoqué,  un  nom  qui  mérite 
la  chaude  acclamation  de  tous  ceux  qui  font  profession  de  piété,  soit 
envers  l'Eucharistie,  soit  envers  le  Sacré-Cœur." 

Messieurs,  ce  vœu  du  savant  et  pieux  religieux,  Je  le  propose  à  votre 
vénérable  assemblée,  dans  la  forme  suivante,  accueillie  déjà  par  plu- 
sieurs congrès  eucharistiques  internationaux  : 

Vœu  : 

"  Considérant  que  la  dévotion  au  Cœur  Euchanstique  est  un  des 
moyens  les  plus  efficaces  pour  faire  mieux  connaître,  aimer  et  fré- 
quenter la  Sainte  Eucharistie,  le  Congrès  international  de  Montréal 
émet  le  vœu  qu'elle  se  propage  de  plus  en  plus  et  soit  expliquée  aux 
fidèles.  Il  désire  également  que  l'on  établisse  dans  les  paroisses,  dans 
les  communautés  religieuses,  dans  les  maisons  d'éducation,  et  partout  où 
il  sera,  passible,  des  confréries  du  Cœur  Eucharistique  et  qu'elles  soient 
agrégées  à  l'Archiconfrérie  érigée  à  Rome  dans  l'Eglise  Pontificale  de 
Saint-Joachim. 


La  parole  est  ensuite  donnée  à  M.  le  Docteur  St-Pierre, 
de  Montréal,  qui  doit  donner  connaissance  d'un  rapport  de 
M.  le  Docteur Boissaric,  chef  du  Bureau  médical  des  Consta- 
tations à  Lourdes,  sur  les  : 

"  LES  MIRACLES  EUCHARISTIQUES  DE  LOURDES  " 


C'est  le  22  août  1888  que  commencèrent  à  Lourdes  les  grandes  mani- 
festations eucharistiques:  les  processions  avec  les  acclamations  des 
foules,  la  bénédiction  des  malades,  les  guérisons  sur  le  passage  du  Saint- 
Sacrement.  Depuis  cette  époque,  nous  avons  vu  d'année  en  année 
grandir  ces  pieuses  démonstrations.     Tous  les  pèlerinages  les  ont  adop- 


—  315  — 

tées,  elles  se  renouvellent  tous  les  jours  durant  les  six  mois  d'été,  et  ce 
sont  elles  qui  imjDriment  au  pèlerinage  de  Lourdes,  sa  note  dominante, 
son  caractère  spécial. 

Dans  les  congrès  eucharistiques  précédents,  cinq  fois  déjà,  Ton  vous  a 
fidèlement  rapporté  les  guérisons  qui  s'opèrent  à  Lourdes  sur  le  passage 
du  Très  Saint-Sacrement.  Et  je  ne  serais  pas  venu  continuer  devant 
vous  le  récit  de  ces  merveilles,  si  elles  ne  se  présentaient  chaque  fois  sous 
des  aspects  nouveaux.  Ce  n'est  pas  seulement  à  la  procession  qu'elles 
se  produisent,  mais  c'est  aussi  à  la  messe,  à  la  communion,  partout  où 
les  malades  se  trouvent  au  contact  ou  sous  le  regard  de  Jésus-Hostie. 

J'ai  vu  naître  et  grandir  ce  mouvement,  je  l'ai  suivi  depuis  1888  ; 
c'est  donc  un  témoin  qui  vous  apporte  une  histoire  vécue.  J'ai  recueilli 
les  premières  impressions  des  miraculés,  j'ai  noté  tous  les  changements 
survenus  dans  leur  état.  Et,  il  }■  a  deux  ans,  dans  les  grands  anniver- 
saires de  1908,  en  voyant  défiler  les  400  miraculés  que  précédaient  le 
Saint-Sacrement,  je  pouvais  retrouver  leur  nom.  reconstituer  leur  his- 
toire, car  ma  vie  avait  été  intimement  mêlée  à  la  leur. 


■'> 


MIEACLES  ! 

Mais  cette  histoire  est  écrite  par  Dieu  plutôt  que  par  les  hommes;  et 
pour  ce  qui  nous  regarde,  nous  avons  été  heureux  de  pouvoir  en  recueillir 
avec  un  soin  pieux  tous  les  détails  ;  jamais,  dans  aucun  temps,  dans 
aucun  pays,  Dieu  ne  s'est  manifesté  par  des  prodiges  plus  éclatants,  plus 
nombreux;  et  c'est  autour  du  Saint-Sacrement  que  toutes  ces  merveilles 
viennent  converger. 

Dans  les  premières  années,  j'ai  vu  les  malades  se  relever  à  la  proces- 
siçn,  mus  par  une  impression  violente  qui  les  soulevait  sur  leur  bran- 
card. C'était  la  première  fois  que  ces  résurrections  se  produisaient  sous 
les  yeux  de  la  foule.  J'ai  vu  se  lever  ainsi  nos  plus  grands  miraculés. 
Dans  les  piscines,  un  certain  mystère  entoure  les  malades;  mais  à  la 
procession,  c'est  à  ciel  ouvert,  à  une  heure  donnée,  dans  un  rendez-vous 
déterminé;  c'est  presque  le  miracle  demandé  par  les  incrédules. 

Et  voyez  vous-même.  Depuis  cinq  ans,  Jeanne  Gasteau  est  atteinte 
d'un  mal  de  Pott,  d'une  tuberculose  généralisée.  Sa  vie  n'est  plus 
qu'une  question  de  jours.  On  la  porte  sur  le  passage  de  la  procession; 
elle  est  sans  mouvement,  sans  parole.  Le  Saint-Sacrement  approche, 
Jeanne  soulève  un  peu  la  tête,  elle  entr'ouvre  les  yeux  :  "  Mais  bientôt 
dit-elle,  des  fourmillements  parcourent  tous  mes  membres  et  puis,  je 
sens  un  calme  absolu.  Je  me  redresse  sur  mon  matelas,  je  me  lève  et 
traverse  aisément  tous  les  rangs  des  brancards  qui  étaient  au-devant  de 
moi.  Il  y  avait  près  d'un. an  que  je  ne  m'étais  levée  ;  je  me  dirige  vers  la 
grotte,  je  me  mets  à  genoux  les  bras  en  croix  et  je  reste  une  demi-heure 
en  prière.  Je  ne  ressens  aucune  fatigue  et,  cependant,  après  ce  voyage 
de  trois  jours  je  n'ai  encore  pris  aucun  repas  et  à  peine  quelques  gouttes 
de  bouillon." 

Au  récit  de  ces  merveilles,  le  monde  entier  s'émeut  et  les  incrédules 


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même  se  mêlent  à  nos  pèlerins.  Un  romancier  célèbre  vient  d'étudier 
sur  place  le  secret  de  ces  guérisons.  On  attendait  de  sa  plume  un  ver- 
dict ofiiciel  et  le  Eévérend  Père  Picard  ne  craint  pas  de  le  placer  à  ses 
côtés  derrière  le  dais.  Il  suit,  pâle,  étonné  de  ce  spectacle  nouveau  pour 
lui,  et  lorsqu'il  arrive  dans  la  basilique,  tandis  que  les  malades  l'œil  fixé 
sur  leur  Dieu,  concentrent,  dans  une  ardente  prière,  toutes  les  puissances 
de  leur  âme.  le  romancier  cherche  une  porte  pour  s'enfuir.  Zola  est 
mort  depuis  longtemps,  mais  ses  miraculées  encore  vivantes  rendent 
toujours  témoignage  de  la  tendresse  et  de  la  puissance  de  la  Vierge 
Immaculée. 

Mais  j'ai  hâte  d'arriver  aux  guérisons  de  ces  dernières  années.  Au 
Congrès  de  Londres,  le  Dr  Duret,  professeur  à  la  Faculté  catholique  de 
Lille,  analysait  148  cas  de  guérisons  constatées  sur  le  passage  du  Saint- 
Sacrement.  Le  cadre  de  ces  guérisons  ne  cesse  de  s'agrandir,  surtout 
depuis  que  le  Saint-Père,  par  un  décret  du  mois  de  décembre  1905  a  re- 
commandé la  communion  quotidienne.  C'est  par  centaines  que  nous 
pourrions  noter  les  grâces  obtenues  au  moment  de  la  communion,  à 
Lourdes  et  dans  le  monde  entier,  partout  oii  les  malades  tournent  leur 
pensée  vers  la  grotte,  partout  où  l'on  fait  des  neuvaines  en  Invoquant 
Notre-Dame  de  Lourdes. 

Une  des  plus  remarquables  guérisons  est  certainement  celle  de  Marie 
Bernigau,  du  diocèse  d'Autun,  guérie  le  20  juillet  1908  en  recevant  la 
Sainte  Communion  à  la  Grotte.  Elle  était  atteinte  d'une  maladie  qui 
ne  pardonne  pas,  d'une  sclérose  en  plaques,  d'une  altération  très  étendue 
de  la  moelle  épinière.  Il  y  avait  douze  ans  qu'elle  était  malade.  Elle  mar- 
chait ou  plutôt  se  traînait  péniblement  avec  des  béquilles.  Elle  ne 
pouvait  détacher  ses  pieds  du  sol;  ses  yeux  étaient  agités  d'oscillations 
continuelles,  sa  vue  très  affaiblie,  sa  parole  embarrassée,  son  intelligence 
diminuée. 

Au  milieu  de  tous  ces  signes  de  déchéance  physique,  elle  conservait 
une  piété  très  vive  qui  l'avait  peu  à  peu  conduite  à  la  communion  quoti- 
dienne. A  l'hôpital,  nous  disait-elle,  je  communiais  chaque  jour,  et 
c'est  sans  doute  la  Sainte  Vierge  qui  m'avait  inspiré  cette  pensée,  car 
personne  ne  m'avait  conseillé  cette  dévotion.  C'est  devant  l'autel  de  la 
Visitation  de  Paray-le-Monial,  acheté  par  la  paroisse  de  Saint- Aubin, 
en  Charolais,  pendant  la  Eévohition,  ique  Mlle  Bernigau  fit  sa  première 
communion  et  prit  l'habitude  de  ces  communions  quotidiennes  qui  l'ont 
soutenue  durant  sa  longue  maladie. 

Eille  semble  avoir  été  préparée  par  le  Sacré-Cœur  pour  ces  grâces  de 
choix  et  elle  devait  encore  guérir  à  Lourdes  en  recevant  la  Sainte  Com- 
munion à  la  grotte. 

Marie  Bernigau  continue  la  série  de  ces  grandes  guérisons  eucharis- 
tiques qui  depuis  quelques  années  ne  cessent  de  se  multiplier  autour  de 
nous. 

Les  guérisons  se  produisent  paiiout  où  les  malades  sont  pour  ainsi 
dire  sous  le  regard  de  Jésus-Hostie.  Le  vendredi  matin,  28  août,  Mgr 
Marganti,   archevêque   de    Ravenne,  rapportait    le   Saint-Ciboire  de  la 


—  317  — 

grotte  au  Kosaire.  Ernestine  Guilloteau  était  couchée  sur  un  brancard 
à  côté  de  la  grotte.  Au  moment  où  le  Saint-Sacrement  pa<se  à  côté 
d'elle,  voilà  qu'elle  se  lève  tout  à  coup  et  suit  la  Sainte-Hostie  jusqu'au 
Kosaire.  A  la  vue  de  ce  squelette  ambulant,  la  foule  ne  peut  retenir  un 
cri  de  saisissement.  Sept  médecins  avaient  constaté  chez  elle  une  tu- 
berculose arrivée  aux  dernières  limites  de  la  résistance  organique.  Elle 
avait  perdu  70  livres  de  son  poids,  son  regard  éteint,  sa  maigreur  cada- 
vérique inspiraient  à  tous  ceux  qui  la  voyaient  un  sentiment  d'effroi  et 
de  compassion.  Ernestine  Guilloteau  est  une  de  nos  deux  ressuscitées 
de  19Û.S. 

Henriette  Hauton,  la  seconde  ressuscitée  de  la  même  année,  fut 
guérie  le  9  septembre  à  la  procession  du  Saint-Sacrement.  Elle  avait 
20  ans  et  ne  pesait  que  35  livres.  Sa  mère  la  portait  dans  son  tablier. 
Au  passage  du  Saint-Sacrement  Mlle  Hauton  se  lève  et  fait  quelques 
pas.  Elle  n'avait  pas  quitté  le  lit  depuis  cinq  ans.  Cette  guérison  s'est 
maintenue.  Aujourd'hui  Henriette  Hauton  pèse  120  livres.  C'est  donc 
bien  une  résurrection  complète  qui  s'est  opérée  chez  cette  malade. 

Madame  Biré,  du  pèlerinage  de  la  Vendée,  fut  guérie  dans  les  mêmes 
conditions.  Elle  était  absolument  aveugle,  incurable.  D'après  le 
rapport  de  trois  oculistes,  il  y  avait  chez  elle  une  destruction  complète 
des  fibres  nerveuses,  dernier  terme  de  l'atrophie  du  nerf  optique.  Ma- 
dame Biré  se  trouvait  à  la  Grotte  lorsque  le  prêtre  qui  rapportait  le 
Saint-Ciboire  au  Eosaire  passe  à  côté  d'elle.  Elle  ne  le  voit  pas,  mais 
lorsque  le  Saint-Sacrement  se  trouve  près  d'elle,  ses  yeux  s'ouvrent  et 
elle  aperçoit  la  Vierge  de  la  Grotte.  C'était  le  6  août  1908.  Encore 
une  guérison  de  l'année  du  cinquantenaire. 

Xous  avons  vu  Madame  Biré  souvent  depuis  cette  époque,  et  non  seu- 
lement sa  vue  est  parfaite,  mais  sa  santé  générale,  très  affaiblie  alors, 
a  retrouvé  son  équilibre;  elle  a  engraissé  de  52  livres.  H  ne  reste  plus 
trace  de  ce  choc  violent  qui  avait  ébranlé  tout  son  organisme. 


*       * 


Je  vous  ai  dit  que  des  guérisons  s'opéraient  à  distance.  Permettez- 
moi  d'en  citer  une  toute  récente  arrivée  en  Angleterre  le  22  mai  dernier. 
Joseph,  fils  de  Duncan  Boothman.  M. A.,  Membre  du  Sénat  de  l'Uni- 
versité de  Cambridge,  souffrait  depuis  dix  ans  d'otorrhée  avec  douleurs 
intermittentes,  et  d'une  surdité  absolue,  même  par  transmission  directe 
des  sons  à  travers  les  os  du  crâne. 

Le  certificat  d'un  chirurgien  auriste  de  Londres,  en  date  du  17  mai, 
cinq  jours  avant  la  guérison,  établit  que  la  vie  du  jeune  Joseph  est  en 
danger  imminent,  qu'une  opération  s'impose,  que  le  tympan  est  détruit 
et  que  l'inflammation  menace  de  gagner  le  cerveau  et  de  causer  la  mort. 
Le  certificat  du  médecin  ])roduit  au  bureau  des  constatation.-,  ajoute  (|ne, 
même  en  cas  de  succès  opératoire,  la  surdité  pour  toute  la  vie  reste 
absolument  certaine. 


—  318  — 

Après  avoir  consulté  la  science,  M.  le  Sénateur  voulut  s'adresser 
plus  haut.  Une  neuvaine  fut  commencée  le  14  mai.  Toute  la  famille 
du  jeune  malade  reçut  la  Sainte  Communion  chaque  jour  et  fit  le  vœu 
d'un  pèlerinage  à  Lourdes  si  on  obtenait  la  guérison  de  Joseph.  Et  le 
dimanche,  22  mai,  alors  que  l'enfant  servait  la  messe,  il  fut  radicalement 
guéri  juste  au  moment  de  l'élévation  de  la  Sainte  Hostie. 

C'est  aussi  à  l'élévation  qu'une  religieuse  de  Saint-Joseph  de  Cluny, 
complètement  aveugle,  fut  guérie.  En  mission  dans  les  environs  de 
Pondichéry,  elle  se  fit  conduire  à  la  messe  le  5ème  jour  d'une  neuvaine 
à  Notre-Dame  de  Lourdes,  et  sans  transition,  subitement,  à  l'élévation, 
elle  voit  le  prêtre  à  l'autel.  Depuis  ce  jour,  elle  lit  son  office,  fait  elle- 
même  sa  correspondance  et  jouit  du  grand  soleil  du  Bon  Dieu. 

Pendant  le  pèlerinage  national  de  1909,  la  procession  du  22  août 
nous  réservait  des  manifestations  inattendues.  La  procession  allait 
finir;  le  dernier  chant  devait  appartenir  à  Jeanne  d'Arc,  car  on  célé- 
brait un  triduum  en  son  honneur.  Le  maître  de  chapelle  d'Orléans 
monte  sur  les  degrés  du  Rosaire,  fait  un  signe  à  la  foule  qui  couvre  l'Es- 
planade, et  trente  mille  voix  entonnent  le  cantique  à  la  vierge  de  Dom- 
rémy  : 

"  Sonnez,  fanfares  triomphales  " 


A  peine  avait-on  chanté  une  strophe  que  des  acclamations  retentis- 
sent; un  malade  se  lève,  puis  un  autre,  puis  encore  un  autre.  Une 
poussée  formidable  se  produit,  le  chant  du  Magnificat  domine  tous  les 
chants  et  la  foule,  escortant  les  malades  guéris  se  précipite  vers  le  bureau 
des  constatations. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  le  détail  de  ces  guérisons,  mais  nous  dirons 
qu'à  côté  de  ces  merveilles,  nous  apercevons  Jeanne  d'Arc  qui  semble 
tendre  la  main  à  Bernadette. 

La  France  du  Moyen-Age  et  la  France  Moderne  se  rencontrent  dans 
les  grandes  manifestations  de  Lourdes.  La  France  du  Moyen- Age,  c'est 
Jeanne,  une  enfant  qui  pose  sa  quenouille  pour  se  mettre  à  la  tête  de 
nos  armées  et  rappeler  la  victoire  sous  nos  drapeaux.  C'est  le  triomphe 
de  la  force,  c'est  le  duel  gigantesque  de  deux  peuples  que  Dieu  vient 
terminer  par  la  main  d'une  enfant. 

La  mission  de  Bernadette  paraît  plus  difficile,  car  il  s'agit  de  con- 
vertir un  peuple  qui  a  fait  litière  de  toute  croyance,  un  peuple  qui,  rou- 
gissant de  sa  foi,  retourne  à  la  superstition  et  adore  sa  raison  divinisée. 
C'est  une  entreprise  d'une  portée  plus  haute. 

Cependant,  ce  n'est  plus  une  jeune  et  robuste  guerrière,  c'est  une 
enfant  de  14  ans  à  peine,  sans  aucune  instruction,  une  enfant  qui  ne 
parle  pas  même  le  français.  Avec  cet  intermédiaire,  aussi  humble 
qu'effacé,  Dieu  va  forcer  la  science  à  discuter,  à  reconnaître  le  surna- 
turel. 

Au  Moyen-âge,  on  ne  connaissait  que  les  lois  de  la  force.  En  1858, 
l'année  des  apparitions,  le  religion  de  la  matière  régnait  en  souveraine: 


—  319  — 

la  science  devait  résoudre  tous  les  problèmes.  Le  surnaturel,  l'au  delà, 
chimères,  chansons  avec  lesquelles  on  avait,  nous  disait-on,  bercé  la 
pauvre  humanité ....  C'est  à  ce  peuple  enorgueilli  de  ses  savants  et  de 
ses  découvertes  que  la  voix  d'une  enfant  est  venue  rappeler  avec  une 
force  nouvelle  la  chute  de  l'homme  et  le  mystère  de  sa  Eédemption. 
Jeanne  nous  apportait  sur  sa  bannière  les  deux  noms  :  "  Jésus  Maria," 
et  ces  deux  noms  donnent  tout  le  pèlerinage  de  Lourdes." 

Les  savants,  fascinés  par  ces  problèmes  nouveaux  viennent  en  foule 
dans  le  bureau  des  constatations.  Xous  les  voyons  suivre  pieux  et  re- 
cueillis nos  processions  du  Saint-Sacrement.  Depuis  vingt  ans,  cinq  ou 
six  mille  médecins  sont  venus  à  Lourdes  assister  à  nos  enquêtes,  un  cer- 
tain nombre  ont  pris  part  à  nos  travaux. 

Tous  les  peuples  ont  les  yeux  fixés  sur  Lourdes.  L'Allemagne  pro- 
testante discute  avec  passion  les  problèmes  qui  s'agitent  autour  de  nous  ; 
la  presse  des  deux  mondes  reproduit  nos  guérisons.  Les  évêques  font 
étudier  par  des  commissions  canoniques  les  faits  les  plus  importants,  et 
déjà  trente  et  quelques  guérisons  ont  été  proclamées  miraculeuses. 

L'Immaculée-Conception  et  le  Sacré-Cœur  sont  étroitement  unis,  et 
cette  union  se  lit  à  toutes  les  pages  de  notre  histoire.  Sur  les  rampes 
du  Eosaire  se  dresse  la  statue  de  saint  Hyacinthe  donnée  par  les  Polo- 
nais. Le  Saint  tient  dans  sa  main  droite  un  ciboire  qu'il  vient  de 
soustraire  aux  profanations  des  barbares,  et  sur  son  bras  gauche  repose 
une  Vierge  qui  n'a  pas  voulu  demeurer  plus  longtemps  dans  un  temple 
où  n'habitait  plus  son  Divin  Fils. 

Les  Polonais,  comme  tous  les  peuples  qui  ont  souffert  pour  leur  foi, 
perçoivent  avec  une  acuité  particulière  tous  les  besoins  de  cette  foi  per- 
sécutée. Ils  ont  compris  les  liens  indissolubles  qui  doivent  unir  l'Im- 
maculée-Conception  et  l'Eucharistie,  et  ils  ont  voulu  faire  revivre  ces 
pieuses  traditions  empruntées  aux  grands  siècles  de  foi,  traditions  que 
Dieu  vient  consacrer  par  des  prodiges  chaque  jour  renouvelés. 

Nous  entrevoyons  le  règne  social  de  jSTotre-Seigneur  Jésus-Christ  dans 
ces  manifestations  populaires,  grandioses,  inconnues  jusqu'ici,  qui  font 
retentir  nos  esplanades  de  chants  de  triomphe.  Xous  entrevoyons  aussi 
son  règne  plus  intime  dans  les  cœurs  depuis  le  décret  sur  la  communion 
quotidienne. 

A  Lourdes,  la  prière  est  incessante,  c'est  la  respiration  des  âmes. 
L'adoration  se  continue  et  la  nuit  et  le  jour.  Le  jour,  les  invocations 
remplissent  l'air,  et  la  nuit  deux  ou  trois  mille  âmes,  et  souvent  davan- 
tage, sont  absorbées  dans  la  contemplation  de  leur  Dieu.  Leurs  pensées 
comme  des  flèches  vivantes  sont  dirigées  toutes  ensemble  vers  le  Taber- 
nacle. 

Il  y  a  des  convertis  de  la  journée,  il  n'y  a  plus  d'indifférents;  tous 
adorent. 

A  Lourdes,  tout  se  concentre  autour  du  Saint-Sacrement,  et  les  ado- 
rations se  poursuivent  aussi  bien  au  dehors  sous  la  voûte  du  ciel  que 
dans  nos  églises.  Ce  ne  sont  pas  seulement  les  âmes  d'élite,  c'est  la  foule 
qui  acclame  le  Dieu  de  nos  autels;  c'est  le  règne  du  Sacré-Cœur  gravé 
dans  nos  poitrines  tout  comme  sur  nos  étendards. 


—  320  — 

Ce  n'est  plus  Jeanne  d'Arc  qui  bataille  pour  nous,  c'est  la  Vierge  qui 
prend  en  mains  le  soin  de  nos  destinées.  Et  sur  cette  terre  du  Canada, 
seconde  France,  qui  tient  en  réserve  nos  meilleures  traditions,  notre 
avenir  se  colore  d'espoirs  plus  certains,  et  nous  entrevoyons  pour  notre 
pays  une  nouvelle  renaissance  chrétienne. 

Avec  le  développement  du  culte  eucharistique,  notre  pèlerinage  a 
grandi  dans  des  proportions  inattendues.  Nous  avons  reçu  dans  une 
seule  année  plus  d'un  million  de  visiteurs.  Dans  le  même  temps,  on  a 
compté  cent  mille  messes  et  un  million  de  communions. 

Depuis  deux  ans,  onze  cents  médecins  sont  venus  dans  notre  bureau 
étudier  le  miracle.  Tout  cela  n'est  pas  œuvre  humaine.  Lourdes, 
pétrie  de  surnaturel  restera  comme  le  témoignage  de  ce  magnifique 
réveil  catholique  qui  a  marqué  le  cours  de  ces  cinquante  dernières 
années. 

Quand  vos  rues  et  vos  places  vont  retentir  des  chants  de  triomphe 
sur  le  passage  du  Saint-Sacrement,  vous  entendrez  les  échos  des  grandes 
manifestations  de  Lourdes,  et  vous  ferez  revivre  les  meilleurs  jours  de 
la  France  chrétienne  dont  vous  avez  gardé  intactes  les  plus  pures  tra- 
ditions. 

Si  notre  commune  patrie  a  créé  entre  nous  des  liens  indissolubles, 
notre  foi  que  Dieu  ravive  par  des  prodiges  éclatants  entretient  dans  nos 
âmes  la  même  flamme,  et  nous  sommes  heureux  de  célébrer  avec  vous 
les  merveilles  eucharistiques  qui  doivent  imprimer  à  notre  siècle  sa  note 
dominante. 

La  séance,  suivie  avec  attention  et  intérêt,  est  levée  à 
midi 


M  iAbbë  A.MARTIN 


J.i;s    OIM.A.MSAMJIK.S    l)i;    I.A    l*lJO(  l..S.Sl(l.\. 
'Jlli:    ORCAXrZKKS   (11-  TIli;    PlUtCllSSION. 


—  321  — 
ARTICLE     II 

SEANCES  DE  VENDREDI,  9  sept. 


§1°    A    L'UNIVERSITE    LAVAL 

•  Séance  Pédagogique. 

La  Séance  d'hier  matin  avait  été  une  séance  d'études  histo- 
riques ;  celle  de  ce  matin  devait  être  consacrée  à  VEducation 
eucharistique  de  la  Jeunesse  et  elle  portait,  au  programme,  le 
nom  de  "  Séance  pédagogique.  " 

A  10  heures,  la  vaste  salle  présentait  un  coup  d'œil  inac- 
coutumé :  au  premier  plan,  des  cornettes  blanches  de  tous  les 
styles  et  de  toutes  les  dimensions  ;  tout  autour,  les  costumes 
sévères  des  prêtres  et  des  religieux  enseignants  ;  dans  les 
galeries,  encore  des  prêtres  joints  aux  laïques  qu'intéresseni 
l'enseignement  et  l'éducation. 

Sur  l'estrade,  Monseigneur  Brunault,  Evêque  de  Nicolet, 
préside,  ayant  à  ses  côtés  Nos  Seigneurs  Heylen,  Emard,  Roy, 
Gabriels,  plusieurs  prélats  et  les  divers  rapporteurs.  Le  R. 
P.  Galtier,  S.  S.  S.,  remplit  l'office  de  secrétaire  de  la  séance. 


M.  l'abbé  Papineau,  Préfet  des  études  du  Séminaire  de  Ste- 
Thérèse,  ouvre  la  séance  par  un  travail  sur  : 

"L'ADORATION    DU   TRES    SAINT-SACREMENT 

DANS   LES    MAISONS    D'EDUCATION 

SECONDAIRE  ' 


L'adoration  du  Très  Saint-Sacrement  est  un  devoir  pour  tous  les 
chrétiens,  car  "  Il  est  digne  l'Agneau  qui  a  été  mis  à  mort,  de  recevoir 
la  puissance  et  la  divinité,  la  sagesse  et  la  force,  l'honneur,  la  gloire  et 
la  bénédiction."   (Apocal.  V,  12.) 

Elle  devient  une  source  de  grâces  pour  le  fidèle  adorateur:  "Heureux 
l'homme,  qui  chaque  jour,  est  de  garde  à  la  porte  de  mon  tabernacle,  il 
aura  de  moi  la  vie  et  le  salut."  (Prov.  VIII,34.)  Ainsi  l'ont  toujours 
compris  les  vrais  disciples  de  Jésus-Christ.  Los  premiers  chrétiens 
voulaient  avoir  avec  eux  le  Très  Saint-Sacrcanent.  On  a  vu  des  saints 
11 


—  322  — 

vivre  presque  continuellement  au  pied  des  autels.  Sainte  Gertrude  y 
passait  des  nuits  entières.  Saint  Louis  de  Gonzague,  saint  Stanislas  de 
Kostka  étaient  en  relations  constantes  avec  le  Christ-Hostie.  Tous 
connaissent  la  dévotion  tendre,  la  passion  Eucharistique  de  S.  Bonaven- 
ture,  de  S.  Alphonse  de  Liguori,  de  S.  Pascal  Baylon,  de  S.  Benoît 
Labre,  de  la  B.  Marguerite-Marie,  du  B.  Jean  Vianney,  curé  d'Ars. 

L'adoration  du  Très  Saint-Sacrement  est-elle  pratiquée  comme  il 
convient  dans  nos  maisons  d'enseignement  secondaire?  Je  suis  heureux 
de  pouvoir  dire  publiquement  qu'elle  y  est  très  en  honneur.  Une  visite 
commune  se  fait  quotidiennement,  des  saints  sont  donnés  fréquemment, 
le  premier  Vendredi  du  mois,  et  les  Quarante-ïïeures  sont  l'occasion  de 
belles  et  touchantes  cérémonies. 

La  visite  commune  se  fait-elle  partout  de  la  même  manière  et  à  la 
même  heure?  Une  réponse  affirmative  vous  surprendrait.  Ici,  on  va  à 
la  chapelle  avant  le  dîner  pour  l'examen  particulier;  là,  on  y  va  après 
les  repas;  ailleurs,  la  visite  se  fait  pendant  une  récréation;  dans  d'au- 
tres collèges  enfin,  elle  se  fait  à  la  prière  du  soir,  j^ous  pourrions 
peut-être  viser  à  plus  d'uniformité.  La  visite  commune  serait  bien  à 
sa  place,  il  me  semble,  après  la  prière  du  soir  :  une  page  des  "  Visites  " 
de  saint  Alphonse  par  exemple,  serait  lue  devant  le  tabernacle  ouvert; 
viendrait  ensuite  le  chant  du  Tantum  ei-go,  et  la  visite  se  terminerait 
par  la  bénédiction  avec  le  ciboire.  Je  laisse  ce  nouveau  jjlan  de  visite 
à  votre  appréciation. 

Les  réponses  que  j'ai  reçues  concernant  les  visites  individuelles  et  fa- 
cultatives sont  moins  consolantes.  Dans  quelques  maisons,  où  la  com- 
munion fréquente  est  pourtant  noml)reuse,  elles  se  pratiquent  fort  peu, 
et  dans  la  plupart  de  nos  collèges,  les  élèves  ne  vont  à  la  chapelle  que 
pour  y  faire  une  courte  prière.  Sans  doute,  il  faut  féliciter  ces  élèves 
même  de  cette  visite  de  trois  ou  quatre  minutes  :  ils  rendent  grâces  à 
Dieu  pour  le  grand  don  qu'il  nous  fait  de  l'adorable  Eucharistie,  ils  ré- 
parent, dans  une  certaine  mesure,  les  irrévérences  et  les  mépris  qu'il 
reçoit  dans  ce  Sacrement  d'amour  de  la  part  des  pécheurs.  Mais  qu'ils 
sont  encore  loin  de  la  vraie  pratique  de  l'adoration,  de  la  pratique  des 
saints  !  Je  ne  m'étonne  pas  que  nos  élèves,  après  leur  sortie  du  collège, 
abandonnent  si  vite  ce  salutaire  exercice  de  la  visite  individuelle.  Ils 
n'en  ont  Jamais  compris  l'importance,  ils  n'en  ont  jamais  goûté  les 
fruits.  On  croit  trop  généralement  que  tout  est  fait  lorsqu'on  est  resté 
à  genoux  durant  quelques  instants  devant  le  Saint-Sacrement,  les  mains 
jointes  et  le  corps  incliné.  Si  nous  n'avions  que  de  jeunes  enfants,  nous 
pourrions  difficilement  exiger  davantage.  Pour  eux.  im  regard  simple 
et  confiant  vers  le  tabernacle,  une  ardente  prière  qui  monte  vers  Dieu 
comme  une  flaiinne,  c'est  beaucoup;  ils  ne  peuvent  faire  plus.  Mais 
nous  avons  dans  nos  collèges  de  grands  jeunes  gens,  capables  de  réflé- 
chir, de  méditer  de  converser  avec  Dieu,  capables,  autant  que  le  paysan 
du  curé  d'Ars,  "  d'aviser  Notre-Seigneur  et  de  se  faire  aviser  par  lui." 
Ceux-là  ne  devraient  pas  se  contenter  d'une  simple  prière.  Quand  nous 
trouvons  sous  la  plume  de  saint  Alphonse  de  Liguori:  "Ce  qu'il  y  a  de 
certain,  c'est  que.  après  la  «ainto  communion,  il  n'y  a  point  de  dévotion 


—  323  — 

plus  agréable  à  Dieu,  plus  avantageuse  pour  nous  que  la  visite  au  Saint- 
Sacrement,''  nous  savons  bien  que  ce  grand  saint  n'entendait  pas  parler 
d'une  visite  de  trois  ou  quatre  minutes,  mais  d'une  visite  où  l'on  réflé- 
chit, où  l'on  médite,  où  l'on  dit  à  Dieu  ses  besoins  et  ses  misères,  où  l'on 
prend  le  temps  de  goûter  les  charmes  de  cette  parole  divine  qui  se  fait 
entendre  à  l'âme  humaine  au  pied  du  tabernacle. 

Nous  devons  à  nos  élèves  de  leur  donner  cette  formation;  nous  devons 
les  initier  peu  à  peu  à  la  pratique  si  importante  de  la  méditation  devant 
le  Saint-Sacrement.  A  la  chapelle,  ils  sont  dans  un  lieu  de  propitia- 
tion  —  locus  propitiationis,  —  dans  un  lieu  de  lumière  et  de  force 
—  locus  illuminationis  et  virtutis  —  . 

Locus  propitiationis.  —  Au  pied  de  l'autel,  en  présence  du  Dieu  trois 
fois  Saint,  de  Celui  qui  s'est  anéanti  jusqu'à  se  faire  l'esclave  de  tous, 
de  Celui  qui  souffrit,  sans  se  plaindre,  toutes  les  douleurs  humaines  pour 
les  péchés  du  monde,  nos  élèves  apprendront  à  s'humilier  de  leurs  fautes 
journalières,  à  rougir  d'eux-mêmes,  à  se  relever  de  leur  abjection,  à  se 
guérir  et  à  se  transformer  au  contact  de  l'Hôte  divin  do  nos  tabernacles. 

Locus  illuminationis  et  virtutis.  —  Xous  avons  maintes  fois  constaté 
combien  nos  élèves  aiment  à  s'instruire  auprès  d'une  âme  cultivée  qui 
sait  ouvrir  les  trésors  de  ses  connaissances  et  fixer  l'attention  sur  des 
choses  sérieuses.  Pourquoi  oublient-ils  Celui  qui  a  dit  :  "  Je  suis  la 
Voie,  la  Vérité  et  la  Vie,"  "  C'est  moi  qui  donne  aux  hommes,  et  j'ac- 
corde aux  petits  une  intelligence  plus  claire  que  celle  que  les  hommes 
peuvent  donner."  Un  quart  d'heure  d'attention  à  la  voix  discrète  du 
Docteur  des  docteurs  qui  se  cache  sous  les  voiles  eucharistiques,  leur  en 
apprendrait  plus  que  la  lecture  des  savants  ouvrages  et  que  la  conversa- 
tion des  hommes  les  plus  instruits.  Auprès  de  Lui,  ils  pénétreront  da- 
vantage les  profondeurs  des  vérités  éternelles,  ils  apprendront  quelle 
direction  ils  doivent  donner  à  leur  vie.  Combien  de  jeunes  gens  ont 
une  fausse  conception  de  la  vie.  Ils  ne  songent  aucunement  à  se  mettre 
en  complète  valeur.  Ils  estiment  que  vivre  c'est  s'épargner  toute 
espèce  d'ennuis  ou  se  procurer  le  plus  de  jouissances  possible,  se  tenir 
à  l'écart  de  la  bataille,  fuir  les  responsabilités,  éluder  les  difficultés.  Ce 
sont  ces  élèves-là  surtout  qu'il  faut  conduire  à  la  chapelle.  L'Homme 
des  douleurs  présent  à  l'autel  leur  inspirera  l'amour  des  souffrances,  il 
leur  montrera  ses  épines,  il  leur  présentera  sa  croix  :  il  leur  apprendra 
à  ne  pas  chercher  en  eux  leur  propre  fin,  il  les  enflammera  d'un  zèle 
ardent  pour  le  salut  des  âmes,  il  en  fera  des  apôtres.  Des  apôtres,  vous 
le  savez.  Messieurs,  on  nous  en  demande  de  toutes  parts  pour  faire 
obstacle  à  l'irréligion  qui  monte  et  à  la  corruption  qui  grandit.  Faisons 
de  nos  élèves  de  vrais  adorateurs,  des  adorateurs  convaincus,  et  nous 
aurons  formé  de  véritables  apôtres.  Soumis,  pendant  toutes  leurs  études, 
à  un  régime  de  suralimentation  spirituelle,  ayant  respiré  quotidienne- 
ment l'air  pur  de  nos  chapelles,  ils  sortiront  de  nos  collèges  avec  un 
tempérament  robuste  et  une  santé  inaltérable,  ils  auront  en  eux  cette 
forte  vie  qui  règne  sous  l'écorce  des  chênes.  Eclairés  à  la  lumière  du 
sanctuaire,  "  ils  ne  chercheront  pas  uniquement  à  luire  sur  le  chan- 
delier," ils  échaufferont  la  maison  de  Dieu  et  guideront  les  foules  h 
travers  les  obscurités  de  ce  monde.  ''  lîle  erot  lucerna  ardcns  et  lucens." 
(Jean,  V.  35.) 


—  324  — 

A  quel  moment  de  la  journée  convient-il  de  permettre  à  nos  élèves 
cette  méditation  quotidienne,  ou  de  plusieurs  fois  la  semaine,  devant  le 
Saint-Sacrement?  Le  temps  des  récréations  offre  bien  des  difficultés  et 
serait  peu  propice  à  la  méditation.  L'heure  toute  désignée  pour  cet 
exercice,  me  paraît  être  l'étude  du  soir.  Le  grand  silence  qui  règne 
alors  dans  la  maison  porte  bien  au  recueillement.  C'est  aussi  le  mo- 
ment de  faire  l'examen  de  la  journée.  Ceux  qui  ont  failli  dans  la  lutte 
éprouveront  le  besoin  de  se  confesser,  tous  prépareront  la  communion 
du  lendemain.  Quelques-ums  de  nos  élèves,  même  parmi  les  fervents 
de  la  communion  fréquente,  font  encore  et  pendant  longtemps,  des 
chutes  lamentables.  Ils  s'en  plaignent  et  se  découragent.  N'y  a-t-il 
pas  raison  de  croire  que  ce  quart  d'heure  d'adoration  joint  à  la  commu- 
nion déterminera  beaucoup  plus  vite  une  victoire  décisive? 

Messieurs,  c'est  un  fait  d'expérience  que,  dans  la  vie  chrétienne, 
l'homme  finit  bientôt  par  n'être  plus  touché  he  ce  qu'il  fait,  s'il  n'est 
ranimé  de  temps  en  temps  par  quelque  chose  d'extraordinaire.  Il  nous 
faudra  donc  profiter  des  Quarante-ïïeures  et  des  Premiers  Vendredis 
pour  donner  à  nos  cérémonies  religieuses  tout  l'éclat  possible,  tout  l'in- 
térêt de  la  nouveauté.  Nous  sommes  peut-être  un  peu  prévenus  contre 
les  manifestations  extérieures:  ce  qui  fait  croire  à  quelques  étrangers 
que  nous  sommes  froids  envers  l'Eucharistie.  Ne  craignons  pas  trop 
ces  manifestations.  Ceux  qui  ont  assisté,  au  moins  une  fois  à  la  gran- 
diose réunion  mensuelle  des  hommes  de  France  dans  l'église  du  Sacré- 
Cœur  de  Montmartre,  ceux  qui  ont  vu  ces  milliers  d'hommes  envahir 
les  grandes  nefs  de  la  basilique  et  faire  escorte  à  Notre-Seigneur  dans 
une  procession  triomphale,  ceux  qui  ont  entendu  ces  milliers  de  voix 
chanter  "  Adoremus  in  œtemum,  Hosanna  au  Fils  de  David,"  qui  les 
ont  entendu  crier  "  Seigneur,  nous  croyons,  nous  espérons  en  vous." 
"Nous  avons  blasphémé  votre  nom,  Seigneur,  pardonnez-nous.  Nous 
avons  profané  le  saint  jour  du  dimanche.  Seigneur,  pardonnez-nous," 
ceux-là  savent  bien  tout  ce  que  les  cérémonies  extérieures  ont  de  pou- 
voir pour  émouvoir  les  âmes  et  réchauffer  la  piété  envers  Jésus-Hostie. 

L'érection  de  l'Archiconfrérie  du  Très  Saint-Sacrement  dans  les  col- 
lèges, serait"  encore  un  grand  moyen  d'entretenir  la  vie  eucharistique  de 
nos  élèves.  Nous  l'avons  établie  au  Petit  Séminaire  de  Sainte-Thérèse 
en  1907.  Les  résultats  obtenus  sont  des  plus  consolants.  Presque  tous 
les  élèves  en  font  maintenant  partie.  Le  prêtre  directeur  de  cette  asso- 
ciation, a  non  seulement  la  mission  de  réunir  souvent  les  élèves  pour 
leur  parler  de  l'Eucharistie,  mais  il  préside  aux  grandes  cérémonies 
faites  en  l'honneur  de  Jésus-Hostie;  il  voit  par  lui-même  si  les  commu- 
nions et  les  visites  se  maintiennent  toujours  nombreuses  et  fréquentes. 
Un  groupe  d'élèves,  choisis  dans  les  différentes  classes  et  appelés  zéla- 
teurs, le  secondent  dans  son  œuvre.  Ils  ont  comme  premier  et  principal 
devoir  de  prêcher  d'exemple.  La  solennité  du  Premier  Vendredi  est 
l'objet  d'une  attention  particulière  do  la  part  des  membres  de  l'Archi- 
confrérie. Dès  le  mercrodi  soir,  les  confessions  sont  préparées  par  une 
visite  d'un  quart  d'heure,  devant  le  tabernacle  ouvert.  Une  revue  gé- 
nérale est  faite  d'abord  sur  le  mois  écoulé.     Puis  tous  ensemble  et  à 


—  325  — 

haute  \\  ix,  nous  demandons  pardon  des  péchés  commis  pendant  le  mois. 
Vient  ensuite  un  second  examen:  Ai-je  été  fidèle  à  mes  communions  et 
à  mes  visites?  Si  j'ai  failli  à  mes  résolutions,  quelle  en  est  la  cause? 
Ce  second  ''  cinq  minutes  "  se  termine  par  une  prière  à  Xotre-Seigneur, 
le  suppliant  de  conserver  toujours  vive  et  puissante  dans  la  maison,  la 
dévotion  à  l'Eucharistie.  Le  troisième  "  cinq  minutes  "  est  consacré 
au  "  mot  d'ordre  "  donné  par  le  directeur,  pour  le  mois  qui  commence. 

Ainsi  préparée,  la  communion  du  Premier  Vendredi  est  devenue  une 
revue  générale. 

L'heure  d'adoration  qui  clôt  cette  Journée  est  toujours  très  solennelle. 
Les  zélateurs  recueillent  des  aumônes  pour  l'illumination  et  voient  eux- 
mêmes  à  l'ornementation  de  l'autel  et  à  l'exécution  du  chant. 

Je  suis  parfaitement  convaincu  que  la  solennité  du  Premier  Vendredi 
est  toujours  la  source  d'un  regain  de  vie  spirituelle  chez  nos  élèves. 
Plaise  à  Dieu  qu'ils  retrouvent  pendant  leurs  études  universitaires  cette 
belle  journée  du  Premier  Vendredi  du  mois  ! 

Au  mois  de  juin  dernier,  nous  avons  voulu  profiter  de  la  dernière 
heure  d'adoration,  pour  donner  à  cette  cérémonie  un  éclat  inaccoutumé. 
Xous  avons  proposé  à  nos  finissants,  tous  membres  de  rArchicoafrérie, 
de  faire,  au  pied  de  l'autel,  en  présence  de  toute  la  communauté,  la  pro- 
messe solennelle  —  promesse  d'honneur  sans  doute  —  de  se  dévouer 
tout  entiers  au  salut  des  âmes  par  l'Eucharistie,  s'ils  devenaient  prêtres, 
et  de  ne  jamais  manquer  la  messe  le  dimanche,  de  communier  au  moins 
une  fois  par  mois,  le  premier  vendredi  autant  que  possible,  et  de  visiter, 
de  temps  en  temps  Xotre-Seigneur  présent  au  tabernacle,  s'ils  restaient 
dans  le  monde.  Il  me  semble  que  c'est  par  de  telles  promesses,  faites 
de  plein  gré,  par  tous  nos  finissants,  à  la  veille  de  leur  départ,  et  rem- 
plies courageusement  pendant  leur  cours  universitaire,  que  nous  prépa- 
rerons des  conducteurs  d'âmes  vraiment  dignes  de  ce  nom.  Nous  aurons 
plus  que  des  hommes  d'honneur,  nous  aurons  des  chrétiens. 
■  Je  vous  ai  dit  comment  fonctionne  à  Sainte-Thérèse  TArchiconfrérie 
du  Saint-Sacrement,  je  vous  ai  fait  connaître  les  résultats  heureux  de 
oette  association;  qu'il  reste  bien  entendu  que  je  n'ai  d'autre  pensée  que 
celle  de  soumettre  à  vos  sages  considérations  ce  nouveau  moyen  d'action. 

Enfin,  Messieurs,  pour  répandre  autour  de  nous  la  vie  eucharistique, 
la  vie  d'adoration,  il  faut  en  remplir  d'abord  nos  propres  veines.  "  Xe 
soyons  pas  du  nombre  de  ceux  qui  disent  et  ne  font  pas."  (Matth. 
XXIII. 5.)  Notre  parole  ne  sera  efficace  que  si  elle  est  accompagnée  de 
l'exemple,  "/n  omnibus  teipsum  praebe  exemplum  bonoriim  openirn." 
fTit.  II,  7).  Le  Christ  lui-même  a  d'abord  enseigné  par  l'exoniplo  et 
ensuite  par  la  parole  "  Cœpit  facere  et  doccre."  (Act.  I.  I.)  Il  ost  im- 
portant que  les  élèves  sachent  que  les  prêtres  sont  fidèles  à  la  visite.  A 
Sainte-Anne  de  la  Pocatière.  ils  sont  invités  à  s'unir  aux  professeurs 
pour  l'heure  d'adoration  hebdomadaire.     C'est  un  exemple  à  imiter. 

Je  ne  veux  pas  insister  sur  ce  dernier  point,  je  vous  demande  même 
pardon  d'avoir  touché  à  un  sujet  aussi  délicat,  je  me  reconnais  si  peu 
d'autorité  pour  prêcher  mes  confrères. 


—  326  — 

Vœu  : 

Je  termine  donc  ce  rapport,  en  exprimant  le  vœu  que  tous  les  prêtres 
éducateurs  s'appliquent  avec  zèle  à  développer  l'esprit  d'adoration  chez 
les  élèves  de  nos  collèges. 

Pour  réussir  dans  cette  œuvre  de  première  importance^  je  soumets  à 
votre  approbation  les  moyens  suivants  : 

1°  Faire  une  visite  commune  quotidienne  et  la  terminer  par  le  chant 
du  Tantum  Ergo,  et  la  bénédiction  du  Saint  Ciboire. 

2°  Favoriser  de  toute  manière  les  visites  individuelles  et  faculta- 
tives, initier  peu  à  peu  les  élèves  à  la  méthode  des  saints  :  courte  médi- 
tation devant  le  Saint-Sacrement. 

3°  Donner  spécialement  aux  cérémonies  des  Quarantc-Heures  et  des 
Premiers  Vendredis,  tout  l'éclat  possible,  tout  l'intérêt  de  la  nouveauté. 

4°  Eriger  dans  tous  les  collèges,  V Archiconfrérie  du  Très  Saint- 
Sacrement  et  faire,  une  fois  le  mois,  l'adoration  solennelle  en  commun. 

5°  Prêcher  d'exemple. 

* 

Après  lecture  de  ce  rapport,  la  parole  est     donnée  à  ]M. 
l'abbé  J.  Halle,  directeur  de  l'important  collège  de  Lévis. 

"LA    COMMUNION    DANS    LES     COLLEGES     CLAS- 
SIQUES   DE    LA    PROVINCE    DE    QUEBEC 


Un  questionnaire  assez  complet  avait  été  envoyé,  à  l'occasion  du  Con- 
grès de  Montréal,  aux  séminaires  et  aux  collèges  de  langue  française  de 
la  Province  de  Québec.  Tous,  je  crois,  ont  répondu  et  plusieurs  avec 
des  détails  très  intéressants.  Le  rapport  que  j'ai  l'honneur  de  vous 
présenter  est,  en  grande  partie,  le  résumé,  quelquefois  le  texte  même, 
des  réponses  reçues. 

Leurs  auteurs  ont  sans  doute  travaillé  pour  Notre-Seigneur  dans 
l'Eucharistie,  mais  ils  me  permettront  bien  tout  de  même  de  les  remer- 
cier très  sincèrement  de  leur  grande  bienveillance. 

Divisions  de  ce  travail 

Les  quinze  questions  posées  peuvent  être  ramenées  à  quatre  points 
principaux. 

1°  — L'état  de  la  communion  dans  les  séminaires  et  collèges  avant  et 
après  le  Décret  Sacra  Tridentina,  ainsi  que  le  degré  d'augmentation. 

2°  —  Les  résultats  de  cette  communion  fréquente  pour  la  moralité, 
la  piété,  l'obéissance  et  les  études. 

3°  —  L'adaptation  des  règlements  à  la  pratique  de  la  communion 
fréquente,  de  telle  sorte  que  ni  la  discipline,  ni  les  études  n'aient  à  en 
souffrir. 

4*^  —  Enfin,  les  mo3'ens  employés  dans  le  passé  ou  à  prendre  à 
l'avenir,  pour  développer  encore  ce  beau  mouvement  vers  la  Sainte- 
Table. 


—  327  — 

1°  —  Etat  de  la  communion 

Avant  le  Décret 

La  communion  fréquente  et  quotidienne,  telle  que  nous  l'entendons 
aujourd'hui,  ne  se  faisait  probablement  que  dans  un  seul  collège,  il  y  a 
trente  ans.  Dans  la  plupart  des  autres  il  était  question,  au  plus,  de  la 
communion  hebdomadaire,  et  de  celle  du  premier  Vendredi  de  chaque 
mois.  Dans  quelques-uns  même,  on  ne  faisait  que  la  communion  de  la 
quinzaine  ou  du  mois,  demandée  par  le  règlement. 

Vers  1890  ou  1893,  dans  huit  ou  dix  séminaires  et  collèges,  des  direc- 
teurs et  confesseurs  zélés  commencèrent,  non  sans  difficultés,  à  faire 
communier  sur  semaine.  On  y  amena  quelques  élèves  choisis  parmi  les 
meilleurs.  Cet  exemple  en  entraîna  d'autres  petit  à  petit;  mais  le 
nombre  ne  dépassa  jamais  trente,  quarante  ou  cinquante  par  jour. 
Encore  ces  chiffres  ne  furent-ils  atteints  que  dans  quelques  institutions. 

Après  le  Décret. 

Depuis  1905-06  il  y  a  eu  progrès  partout.  Dans  quelques  maisons  il 
a  été  extraordinaire,  surtout  là  où  le  mouvement  était  lancé  depuis 
quelques  années.  Chez  d'autres  il  y  a  eu  retard  et  la  marche  a  été  plus 
lente.  On  peut  affirmer  cependant,  que  depuis  deux  ans  il  n'y  a  pas 
une  seule  maison  d'enseignement  secondaire  —  je  n'ai  pas  à  m'occuper 
des  autres  ici  —  qui  ne  soit  pas  complètement  dans  le  mouvement  de  la 
communion  fréquente  et  quotidienne. 

Après  cet  aperçu  général  venons-en  au  nombre  des  communions  heb- 
domadaires, fréquentes  et  quotidiennes,  ainsi  qu'à  la  quantité  des  hosties 
distribuées  pendant  l'année  scolaire. — Vous  toucherez  du  doigt  le  pro- 
grès immense  réalisé  depuis  le  Décret. 

Nous  parlerons  des  internes  d'abord.  Il  est  bon  de  noter,  pour  les 
étrangers  qui  liront  ce  rapport,  que  le  nombre  moyen  des  élèves  pen- 
sionnaires est  d'à  peu  près  300  dans  plusieurs  de  nos  maisons.  Doux 
ou  trois  dépassent  ce  nombre.  Quelques-unes  sont  plutôt  près  de  2f!0  ; 
enfin  d'autres,  plus  rares  encore,  ont  moins  de  200. 

Voici  les  différentes  réponses.  La  communion  hebdomadaire  est  pra- 
tiquée par  les  quatre-cinquièmes  ou  quatre-vingt  pour  cent,  disent  deux 
rapports,  deux  cent  vingt-cinq  sur  deux  cent  quatre-vingt  quinze  com- 
munient chaque  semaine,  dit  un  autre.  Dans  un  séminaire  moins  con- 
sidérable, à  peu  près  tous  communient  doux  fois  par  semaine.  Plusieurs 
répètent  ceci:  Tous  communient  chaque  semaine,  il  n'y  a  que  quelques 
exceptions. 

La  communion  quolidienne  varie  depuis  20  par  jour  dans  doux  col- 
lèges, 25  ou  30  dans  doux  autres,  75  par  jour  dans  un  cinquième.  100 
dans  un  sixième,  la  moitié  dans  un  septième,  et  dans  les  autres  maisons 
jusqu'à  120.  130,  140,  170.  192  et  200  par  jour.  11  est  ici  question 
d'une  moyenne  prise  sur  toutes  les  communions  do  la  semaine. 


—  328-^ 

Le  nombre  des  hosties  distribuées  pendant  Tannée  scolaire  est  de 
25,000,  27,000,  32,000,  37,000,  41,800,  45,000,  53,000  et  même  55,000 
Eemarquons  bien  que  ces  cliifïres  sont  pour  les  internes  seulement. 
Plusieurs  maisons  ont  même  la  bonne  fortune  de  n'avoir  qu'un  très 
petit  nombre  d'externes.  Cette  catégorie  d'élèves  est  mentionnée  dans 
quelques  rapports  seulement.  On  y  remarque  qu'il  est  difficile  de  les 
faire  communier  sur  semaine  et  de  contrôler  ces  communions. 

Un  collège  cependant,  qui  a  250  externes  arrive  à  une  moyenne  de  75 
communions  par  jour.  Mais  il  faut  dire,  qu'il  ne  souffre  pas  des  incon- 
vénients ou  des  habitudes  des  grandes  villes. 

Quels  sont  les  plus  fidèles?  Les  grands  ou  les  petits? 

A  cette  question  secondaire,  les  trois  quarts  ont  répondu  en  faveur 
des  petits.  D'autres,  distinguant  entre  les  petits,  les  moyens  et  les 
grands,  disent  que  les  moyens  —  sans  doute  à  cause  des  passions  —  - 
sont  les  plus  retardataires.  En  général,  les  grands  donnent  l'exemple 
et  s'approchent  très  souvent  de  la  Sainte  Table.  Trois  collèges,  sans 
faire  cette  distinction,  ont  répondu  que  les  grands  sont  en  majorité,  que 
plusieurs  se  font  zélateurs  et  réussissent  bien  dans  cet  apostolat.  J'ai 
cru  voir  que  dans  ces  institutions,  par  les  Congrégations  ou  autrement, 
on  s'occupait  spécialement  des  grands. 


2°  —  Les  résultats 

Cette  augmentation  de  communions  depuis  le  Décret  a-t-elle  eu 
des  résultats  appréciables?  En  d'autres  termes,  y  a-t-il  maintenant 
dans  nos  séminaires  et  nos  collèges  plus  de  piété,  de  moralité,  de  travail 
et  d'obéissance  que  par  le  passé?  Y  a-t-il  plus  de  vocations  et  se  pré- 
pare-t-on  mieux  pour  l'avenir? 

Tous  répondent  avec  un  ensemble  vraiment  remarquable  :  Oui,  et 
grand  progrès  en  tout. 

La  piété  est  devenue  plus  solide,  plus  tendre  et  plus  générale;  tenue 
plus  recueillie  à  la  chapelle  ;  messe  mieux  entendue.  On  devient  plus 
respectueux  pour  tout  ce  qui  regarde  l'Eucharistie;  partout,  prières 
mieux  faites.  Les  élèves  aiment  l'heure  d'adoration.  La  préparation 
à  la  confession  est  plus  soignée. 

La  moralité  est  beaucoup  meilleure:  progrès  très  sensible  partout. 
Dans  plusieurs  collèges,  peu  d'élèves  se  présentent  à  confesse  sur  se- 
maine, le  mercredi  par  exemple,  et  cependant  le  nombre  des  commu- 
nions est  considérable,  surtout  le  jeudi  matin.  Certains  élèves  se  font 
les  défenseurs  de  la  morale,  en  arrêtant  les  mauvaises  conversations.  Il 
y  a  modestie  beaucoup  plus  grande  dans  les  paroles,  ajoutent  plusieurs 
rapports.  Conversations  mauvaises  à  peu  près  disparues,  dit  un  autre. 
Enfin,  un  dernier  affirme  que  la  communion  fréquente  a  été  la  ruine 
des  amitiés  particulières. 

Le  travail  est  de  beaucoup  supérieur  à  celui  des  années  précédentes; 
amélioration  très  sensible  sur  ce  point;  les  élèves  sont  plus  studieux. 
Voilà  ce  que  l'on  répète  presque  partout.  Un  rapport  fait  remarquer 
que  sur  ce  point,  le  progrès  n'a  pas  été  aussi  grand  que  pour  la  moralité^ 


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—  329  — 

l'obéissance  et  la  piété.     Il  attribue  ce  défaut  au  fait  qu'on  n'a  pas  assez 
attiré  l'attention  des  élèves  sur  ce  côté  de  la  question. 

Pour  la  discipline  et  l'obéissance  il  y  a  eu  progrès  remarquable  par- 
tout, quelques-uns  disent:  dans  toutes  les  salles,  d'autres  mentionnent 
particulièrement  les  grands.  En  somme,  l'esprit  est  changé:  plus  de 
coteries,  de  mutineries,  de  mauvais  esprit.  On  est  plus  charitable  entre 
condisciples.  Les  caractères  difficiles  se  transforment.  Quelques-uns 
remarquent  plus  de  confiance  et  de  respect  envers  les  maîtres.  L'esprit 
est  excellent,  les  cas  d'insubordination  sont  très  rares  maintenant. 

La  culture  des  vocations  est  devenue  plus  facile.  On  se  décide  plus 
jeune.  Le  nombre  des  vocations  à  l'état  sacerdotal  ou  religieux  aug- 
mente presque  partout,  même  beaucoup,  dans  certaines  maisons.  On 
aime  l'apostolat  :  la  raison  en  est  dans  la  piété  et  la  pureté  qui  sont  les 
fruits  de  l'Eucharistie. 

La  formation  pour  l'avenir  donne  de  grandes  espérances.  C'est  tout 
un  réveil.  Les  caractères  sont  plus  fermes.  On  est  compromis  dans  le 
bien  et  on  se  prépare  à  être  des  hommes  de  foi  et  des  chrétiens  fervents, 
cela  se  dit  en  conversation  et  se  répète  dans  les  discours.  Toutes  ces 
bonnes  volontés  et  ces  énergies  sont  dirigées  et  promettent  de  se  tenir 
groupées  dans  le  monde,  grâce  à  l'A.  C.  J.  C.  D'ailleurs,  si  nous  sui- 
vons ceux  qui  sont  sortis  depuis  deux  ou  trois  ans,  et  qui  sont  au  Grand- 
Séminaire  ou  à  l'Université,  ou  dans  le  commerce,  nous  voyons  déjà  "  le 
blé  qui  lève."  Et  comme  ils  seront  les  classes  dirigeantes,  ce  blé  qui 
lève  promet  d'abondantes  moissons  pour  l'avenir. 


3°  —  Organisation 

Dans  le  questionnaire  mentionné  plus  haut,  j'avais  demandé  ceci: 

Comment  est  organisée  et  fonctionne  chez  vous  la  pratique  de  la  com- 
munion sur  semaine? 

Indiquez,  s'il  vous  plaît,  quels  sont  les  moyens  pris  pour  la  faciliter 
sans  nuire  à  la  discipline  et  aux  études? 

Ici,  les  réponses  deviennent  plus  importantes  parce  qu'elles  compor- 
tent de  sérieuses  leçons  pour  le  progrès  de  la  communion  dans  l'avenir. 
Cette  remarque  a  encore  plus  sa  raison  d'être  pour  la  dernière  partie 
de  ce  travail. 


Pour  ce  qui  regarde  le  moment  de  la  confession  et  de  la  communion, 
voici  les  réponses  : 

En  général,  on  entend  les  confessions  des  internes  plusieurs  fois  par 
semaine,  le  soir:  dans  quelques  institutions  le  mercredi  et  le  samedi, 
dans  un  plus  grand  nombre,  quatre  fois,  et  dans  quelques-uns,  tous  les 
soirs  sans  exception.  C'est  un  maximum  qui  demande  des  sacrifices  de 
la  part  des  confesseurs;  mais  il  semble  que  la  confession  de  deux  fois 
par  semaine  est  un  minimum  que  l'on  devrait  atteindre  partout. 

Il  est  vrai  que,  là  où  il  y  a  confession  régulière  moins  fréquente,  les 
élèves  ont  la  permission  d'aller  le  soir  à  la  chambre  de  leur  directeur 
de  conscience,  mais  les  inconvénients,  au  point  de  vue  de  la  discipline. 


—  330  — 

seraient  certainement  moins  grands,  si  les  confesseurs  se  rendaient  enx- 
mêmes  à  la  chapelle,  chaque  jour. 

Dans  plusieurs  collèges,  il  y  a  confession  régulière  le  matin  à  la  cha- 
pelle, avant  la  communion.  Ah  !  voilà  l'idéal  :  la  confession  du  matin  ! 
Si  elle  était  de  règle,  bien  des  communions  seraient  favorisées  et  par- 
fois peut-être  des  sacrilèges  seraient  évités.  Les  raisons  en  sont  évi- 
dentes. Dans  d'autres  maisons,  quelques  prêtres  reçoivent  quelques 
pénitents  à  leur  chambre,  à  la  descente  du  dortoir.  Il  me  semble 
— •  sans  qu'il  soit  besoin  d'y  insister  —  que  c'est  encore  un  minimum 
très  désirable,  sinon  nécessaire. 

Quant  aux  externes,  s'ils  font,  le  soir,  l'étude  dans  le  séminaire,  ils 
pourraient  profiter  de  ce  temps  pour  leur  confession.  S'ils  s'en  vont 
dans  leur  famille  au  sortir  de  la  classe,  il  est  bien  inutile  de  leur  de- 
mander de  se  confesser  avant  leur  départ.  Eésister  au  courant  sera  un 
sacrifice  que  très  peu  pourront  s'imposer.     Voilà  pour  la  confession. 

L'organisation  pour  l'heure  de  la  messe  et  le  moment  de  la  commu- 
nion n'est  pas  moins  importante.  Plusieurs  collèges  et  séminaires  l'ont 
vu  dans  la  pratique. 

La  solution  est  facile  dans  les  pensionnats  oii  il  n'y  a  que  très  peu 
d'externes.  On  peut  alors  mettre  la  messe  de  communauté  avant  ou 
après  l'étude  du  matin,  mais  toujours  avant  le  déjeuner. 

Dans  les  institutions  oii  il  y  a  un  grand  nombre  d'externes,  on  a  com- 
mencé par  envoyer  les  communiants  internes  seuls,  à  une  messe  de  6 
hrs  par  exemple,  et  on  laissait  les  autres  à  l'étude.  A  cela  il  y  a  trois 
inconvénients:  celui  de  déranger  l'étude  au  départ  et  au  retour,  celui 
d'avoir  une  étude  supplémentaire  pour  les  communiants  avec  la  diffi- 
culté de  contrôler  ceux  qui  essaieront  d'y  aller  pour  gagner  du  temps, 
enfin,  celui  de  laisser  entendre  que  les  communiants  sont  ou  doivent 
être  une  minorité.  Cette  dernière  raison  est  plus  forte  qu'elle  ne  le 
paraît  à  première  vue,  parce  que  les  enfants  suivent  toujours  un  peu  le 
courant,  qui,  dans  ce  cas,  serait  contre  la  communion.  Sans  doute  un 
élève  ne  doit  pas  communier  parce  que  les  autres  y  vont,  mais  il  faut 
au  moins  qu'il  ne  soit  pas  retenu  par  l'exemple  du  grand  nombre  qui  n'y 
va  pas.  Ce  qu'il  y  aura  d'un  peu  défectueux  dans  le  bon  exemple  des 
condisciples  pourra  être  corrigé  d'un  mot  dans  les  instructions  du  soir, 
ou  par  une  bonne  préparation,  lue  par  le  maître,  avant  le  communion; 
et  l'enfant  ira  recevoir  Notre-Seigneur,  ce  qii'il  n'aurait  peut-être  pas 
fait  autrement  par  négligence  ou  par  légèreté. 

Qu'on  essaie  donc  d'avoir  deux  messes  de  communauté,  une  pour  les 
internes,  avant  le  déjeuner,  l'autre  pour  les  externes,  et  on  verra  l'aug- 
mentation de  la  communion  suivre  rapidement.  Pendant  cette  deuxième 
messe  les  pensionnaires  iront  à  l'étude  ou  resteront  en  récréation. 

La  messe  de  communauté  pour  les  internes,  a  lieu  dans  presque  toutes 
les  maisons  qui  ont  fait  le  changement,  à  la  descente  du  dortoir.  Des 
avantages  évidents  militent  en  faveur  de  cette  lieure  matinale.  Cepen- 
dant, dive7-.s('S  circonstances  tout  à  fait  indépendantes  de  la  volonté  des 
directeurs,  peuvent  empêcher,  en  quelques  endroits,  d'adopter  cette  ma- 
nière de  faire. 


—  331  — 

Yoilà  pour  l'heure  de  la  messe  et  pour  l'assistance;  que  reste-t-il  à 
dire  pour  ce  qui  concerne  la  communion  elle-même,  c'est-à-dire  ses  cir- 
constances. 

Quelques-uns  continuent  de  la  donner  comme  autrefois  à  la  commu- 
nion du  prêtre.  D'autres,  en  plus  grand  nombre,  la  distribuent  au 
commencement  de  la  messe  ou  à  l'Evangile.  Si  on  garde  la  première 
méthode,  les  non-communiants  ont  en  prime  un  quart  d'heure  de  récréa- 
tion ou  d'étude,  et  on  se  trouve  à  mettre  contre  la  pratique  de  la  commu- 
nion l'attrait  de  l'élève  pour  le  jeu  ou  pour  l'étude;  or,  si  on  tient 
compte  de  la  légèreté  de  cet  âge,  c'est  encore  un  obstacle  de  plus  à  sur- 
monter. 

Il  est  donc  mieux  de  les  faire  communier  au  commencement  de  la 
messe.  Qu'on  fasse  une  préparation,  c'est  très  bien.  11  n'est  pas  né- 
cessaire qu'elle  dure  dix  minutes,  même  si  elle  n'a  pas  été  immédiate- 
ment précédée  de  la  prière  du  matin.  Quatre  ou  cinq  minutes  d'une 
lecture  faite  lentement  et  distinctement,  par  le  maître  qui  préside, 
devrait  suffire.  Dans  quelques  collèges,  il  y  a  une  courte  méditation  au 
dortoir  le  soir  ou  le  matin,  même  le  soir  et  le  matin;  ailleurs  cet  exer- 
cice se  fait  à  l'étude  ou  à  la  chapelle.  Ce  sont  autant  de  raisons  pour 
abréger  la  préparation,  de  manière  que  les  non-communiants  n'en  soient 
pas  fatigués;  ainsi,  il  ne  serait  pas  nécessaire  de  faire  venir  les  com- 
muniants à  la  chapelle  avant  les  autres.  Ceux  qui  ne  communient  pas 
n'auront  que  ces  quelques  minutes  de  préparation,  auxquelles  ils  ne 
seraient  pas  obligés  d'ailleurs,  mais  avec  le  bon  esprit  qui  règne  partout, 
on  ne  voit  pas  comment  ils  y  trouveront  à  gloser.  Le  fait  est,  que 
quand  l'habitude  est  prise  personne  n'y  pense  plus,  si  tant  est  qu'ils  y 
aient  jamais  pensé. 

11  faudrait  aussi  aider,  de  temps  en  temps,  les  enfants  à  faire  Yaction 
de  grâces,  au  moins  leur  en  rappeler  souvent  les  quelques  points  prin- 
cipaux. Ils  sont  si  légers,  ces  jeunes.  Ce  serait  le  temps  de  leur  faire 
prendre  des  résolutions  pratiques  pour  la  journée,  et  ces  résolutions 
feront  éviter  la  routine.  Le  soir,  la  prière  ou  la  lecture  au  dortoir,  leur 
rappellera  l'idée  de  faire  un  petit  examen  particulier:  ils  verront  alors 
s'ils  ont  tenu  parole  à  Xotre-Seigneur.  Cet  examen  est  d'ailleurs  de 
règle  dans  plusieurs  maisons.  Ainsi  l'Eucharistie  deviendra  comme  le 
centre  aimé  de  leur  vie. 

La  tenue  doit  être  parfaite  :  tous  en  conviennent.  Ici,  on  s'approche 
de  la  Sainte  Table  les  yeux  baissés,  les  bras  croisés,  c'est  très  bien  —  et 
y  venir  les  bras  croisés  est  une  manière  plus  virile  que  les  mains 
jointes.  —  Mais,  de  grâce,  ne  réglementons  pas  les  sorties  des  bancs  ; 
que  jamais,  le  maître  ne  se  tienne  \k  debout  pour  présider  le  défilé: 
c'est  la  porte  ouverte  à  la  fausse  honte  et  au  sacrilège,  surtout  chez  les 
jeunes.     Pas  de  contrôle  apparent,  mais  l'atmosphère  de  la  liberté! 

Comme  dernier  détail,  voyons  par  qui  la  communion  doit  être  distri- 
buée; par  le  célébrant  ou  par  un  autre  ])rêtre. 

Quand  il  y  a  affluence.  le  célébrant  doit  au  moins  se  faire  aider: 
autrement  la  messe  durerait  trois  quarts  d'heure.  C'est  la  pratique  de 
plusieurs  maisons.  Ailleurs,  on  la  fait  distribuer  complètoniont  par 
im  autre  et  au  commencement  de  la  messe. 


OO.i  


4°  —  Moyens    pour    promouvoir    la    communion 

fréquente 

Pour  avoir  une  communauté  dont  les  élèves  s'approchent  en  grand 
nombre  de  la  Sainte  Table,  il  y  a  de  nombreux  obstacles,  mais  qui  ne 
sont  certainement  pas  insurmontables.  D'abord  les  difficultés  venant 
•de  la  perte  de  temps  doivent  être  écartées  par  une  meilleure  adaptation 
•du  règlement.  Ce  qui  s'est  fait  dans  plusieurs  maisons  peut  évidem- 
ment se  faire  partout.  Il  serait  vraiment  malheureux  qu'un  règlement 
qu'on  dit  être  l'expression  de  la  volonté  de  Dieu,  pût  être  et  restât  un 
obstacle  à  la  communion  fréquente  qui  est  certainement  conforme  à 
cette  même  volonté. 
^  Les  obstacles  concernant  les  écoliers  sont  intrinsèques  ou  extrin- 
sèques. Les  obstacles  intrinsèques  naissent  des  préjugés,  du  manque 
de  formation  eucharistique,  de  la  légèreté  ou  des  passions  indomptées, 
ou  enfin  de  l'apathie.  Les  difficultés  extrinsèques  viendront  des  pa- 
rents, du  respect  humain  ou  des  occasions  de  péché. 

En  face  de  ces  soldats  de  l'armée  du  mal,  quels  sont  les  officiers  de 
l'armée  de  Dieu? 

D'abord,  le  prédicateur,  et  le  prédicateur  de  retraite  ou  de  Triduum. 
On  comprend  que  dans  ces  moments  décisifs  de  la  grâce  où  les  âmes 
sont  éclairées  et  entraînées,  c'est  le  temps  convenable  pour  lancer  ou 
accroître  le  mouvement  de  la  communion  fréquente.  La  vie  divine 
dans  les  âmes  est  im  fruit,  une  résultante  de  plusieurs  éléments. 
Or,  c'est  principalement  dans  ces  instants  où  tout  conspire  pour  le  bien, 
que  les  éléments  de  salut  se  rencontrent.  Celui  qui  n'en  profiterait  pas 
pour  semer,  faire  germer  ou  enraciner  profondément  l'idée  de  la  com- 
munion serait  le  cultivateur  qui  laisserait  passer  les  beaux  jours  du 
printemps  sans  confier  le  grain  à  la  terre.  Plus  tard  il  manquera  tou- 
jours quelque  chose.  Quand,  après  une  retraite,  l'âme  sera  retournée 
à  ses  mauvaises  habitudes,  le  cœur  sera  comme  une  terre  desséchée  dans 
laquelle  la  divine  parole  ne  fera  presque  pas  de  fruit. 

Or,  prêche-t-on  suffisamment  la  communion  dans  les  retraites  de 
commencement  d'année.  Pour  ma  part,  je  ne  le  crois  pas.  Bon 
nombre  de  ces  prédicateurs  ne  sont  pas  encore  suffisamment  entrés  dans 
le  mouvement  inauguré  par  Pie  X.  Il  faut  des  Triduums  Eucharis- 
tiques ou  des  retraites  qui  ressemblent  à  ces  Triduums  demandés  par 
le  Pape:  c'est-à-dire  un  jour  pour  les  fins  dernières,  un  autre  pour  la 
confession  et  ses  éléments,  un  troisième  pour  la  communion.  Si  ce 
XXIe  Congrès  Eucharistique  donne  une  poussée  vigoureuse  dans  ce 
sens,  il  aura  fait  beaucoup  pour  la  communion  fréquente  dans  nos  sé- 
minaires. 

Le  deuxième  officier  du  Christ  dans  cette  croisade  c'est  le  prédicateur 
de  collège,  surtout  s'il  est  en  môme  temps  le  directeur  des  élèves,  et  s'il 
leur  parle  souvent  dans  les  conférences  spirituelles.  Le  devoir  des  pré- 
dicateurs est  tout  tracé  dans  le  fameux  Décret:  ''Les  prédicateurs  et 
les  confesseurs  exhorteront  fréquemment  et  avec  beaucoup  de  zèle,  etc." 


—  333  — 

Or,  qui  peut  exhorter  plus  fréquemment  et  avec  plus  de  zèle  que  le  di- 
recteur des  élèves?  Voyant  ce  qui  se  passe,  il  en  constate  la  nécessité 
plusieurs  fois  par  jour,  parce  qu'il  sent  le  manque  de  surnaturel  dans 
la  vie  de  l'écolier.  De  son  côté,  l'élève  ne  résiste  pas  très  longtemps  à 
la  prédication  persévérante  et  convaincue  d'une  même  vérité.  Cette 
répétition  de  la  parole  divine  est  une  force  naturelle  et  une  puissance 
surnaturelle.  Mais  pour  arriver  au  but,  il  ne  faut  pas  dire  seulement: 
communiez  !  communiez  donc  !  "  L'ennui  naquit  un  jour  de  l'unifor- 
mité." Au  lieu  de  répéter  la  thèse,  redisons  plutôt  les  arguments  de 
cette  thèse  ;  montrons  de  toute  manière,  et  en  profitant  de  toutes  les  cir- 
constances favorables,  le  désir  de  I^otre-Seigneur,  le  désir  de  l'Eglise, 
le  besoin  des  âmes,  et  cela  par  des  comparaisons  familières,  souvent  par 
leur  expérience  personnelle.  Demandez  à  l'écolier  si  la  communion  lui 
a  fait  du  bien?  Il  vous  répondra  presque  toujours  par  un  grand  oui! 
Le  K.  P.  Lintelo,  dans  un  "'  Triduum  Eucharistique  "  donne  tous  les 
arguments. 

L'expérience  prouve  que  de  tous  les  obstacles  énumérés  les  passions, 
et  les  passions  presque  seules,  peuvent  résister  à  la  prédication  fré- 
quente. Eepassons  un  à  un  les  principaux  obstacles.  D'abord,  les 
anciens  préjugés?  On  les  réfute;  et,  même  sans  qu'on  réfute  ces  objec- 
tions, elles  tombent  peu  à  peu  devant  l'exposition  claire  des  raisons 
données  dans  le  Décret.  —  Le  manque  de  formation?  On  la  donne 
cette  formation,  et,  à  force  d'entendre  répéter  les  arguments  avec  con- 
viction, il  faut  bien  que  ces  esprits  encore  neufs  en  gardent  une  em- 
preinte un  peu  durable.  —  La  légèreté  des  jeunes?  Une  exposition 
impressionnante  du  dogme  de  la  présence  réelle,  de  bonnes  préparations 
et  de  ferventes  actions  de  grâces  lues  avant  et  après  la  communion 
réussiront  à  fixer  leur  attention.  —  Enfin  Vapathie,  l'inertie  sera  se- 
couée par  une  prédication  forte  des  grandes  vérités.  La  crainte  sera 
pour  les  paresseux  le  commencement  de  la  sagesse.  C'est  le  moment  de 
mettre  au  service  de  la  plus  sainte  des  causes,  toute  l'éloquence  dont  on 
peut  disposer.  C'est  une  question  de  vie  ou  de  mort  surnaturelle.  A 
moins  de  supposer  vaguement  que  Xotre-Seigneur  n'a  pas  donné  à  son 
Eglise  les  moyens  surnaturels  suffisants  pour  sauver  les  âmes,  notre  foi 
doit  nous  faire  admettre  que,  avec  ces  moyens,  nous  pourrons  arracher 
à  l'enfer,  au  moins  celles  qui  ont  bonne  volonté.  Or  les  jeunes  gens 
de  mauvaise  volonté  sont  assez  rares.  La  cause  la  plus  fréquente 
de  cet  engourdissement  spirituel,  c'est  la  passion,  et  surtout  l'impu- 
reté. Cette  concupiscence  effrénée  reste  le  grand  obstacle  intrinsèque 
à  la  communion  fréquente.  Le  zèle  du  prédicateur  et  du  directeur  diri- 
gera donc  tous  les  efforts  contre  ces  habitudes.  Ce  sera  directement 
parfois  et  souvent,  par  des  attaques  détournées,  le  grand  ennemi  à  ré- 
duire. La  mort,  le  jugement,  l'enfer,  le  calvaire  seront  ces  moyens 
indirects  qui  feront  réfléchir.  Si  le  directeur  connaît  ces  passionnés 
—  comme  nous  verrons  plus  loin  —  sa  prédication  des  vérités  générales 
sera  mieux  dirigée  vers  le  but,  plus  claire  et  d'application  plus  facile: 
La  prière  et  les  sacrifices  des  autres  élèves  offerts  pour  ceux  qui  en  ont 
le  plus  besoin,  achèveront  peut-être  l'œuvre  commencée,  ou  obtiendront 
la  grâce,  tout  en  formant  ces  bons  à  l'apostolat. 


—  334  — 

Le  directeur  peut  avoir  encore  une  autre  influence  sur  ses  élèves. 

Plusieurs  parmi  les  plus  difficiles  et  qui  résisteront  même  à  la  prédi- 
cation, amèneront  pavillon  devant  une  parole  dite  à  propos,  avec  bonté 
et  avec  une  grande  foi.  Les  circonstances  ne  manqueront  pas  d'ail- 
leurs. Le  directeur  devra  presque  toujours  attendre  l'instant  favorable. 
Par  exemple,  un  élève  difficile  est  en  faute,  en  difficulté  avec  un  maître 
pour  paresse  ou  dissipation  ■ —  ce  qui  n'est  pas  inouï  pour  cette  catégorie 
d'écoliers  —  alors,  ce  sera  le  moment  propice,  très  souvent  le  moment 
de  la  grâce.  Sans  faire  aucune  interrogation,  le  directeur,  qui  connaît 
son  homme,  qui  sait  de  quel  tempérament,  de  quel  caractère  il  est,  en 
profitera  pour  lui  dire  ce  qu'il  pense  de  son  cas,  lui  montrant  où  sont 
les  causes  probables  du  mal  et  où  seraient  les  remèdes  naturels  et  sur- 
naturels les  mieux  appropriés.  C'est  là  que  viendra  la  question  de  la 
communion.  Il  est  évident  que  le  confesseur  ne  peut  remplir  ce  rôle 
aussi  bien  auprès  de  certains  élèves,  parce  qu'il  n"a  pas  sur  eux  les  ren- 
seignements que  possède  le  directeur.  Celui-ci  peut  donc  faire  beau- 
coup pour  la  communion  chez  les  élèves  difficiles  et  aider  le  confesseur. 

Le  directeur  peut  avoir  encore  une  influence  considérable  pour  éclairer 
les  consciences,  d'abord  en  chaire.  Si  le  prédicateur  de  retraite  n'en  a 
pas  suffisamment  parlé,  la  chose  est  nécessaire  et  capitale.  "  Que 
l'homme  s'éprouve  lui-même,''  a  dit  saint  Paul  ;  et  l'enfant  ne  fera  pres- 
que jamais  ce  travail,  un  peu  répugnant,  si  on  ne  vient  pas  à  son  se- 
cours. Il  faudra  donc  dire  à  tous  qu'il  y  a  beaucoup  de  consciences 
embrouillées,  et  beaucoup  de  confessions  à  reprendre  ;  on  peut  le  prouver 
en  prenant  des  textes  à  la  douzaine  dans  "  La  Confession  d'après  les 
grands  maîtres,"  du  E.  P.  Zelle,  S.J.  Au  préalable,  si  on  n'a  pas  soi- 
même  de  conviction  arrêtée  en  cette  matière,  on  fera  bien  de  lire  tout  ce 
beau  livre.  Si  après  cette  lecture,  même  rapide,  quelqu'un  n'était  pas 
convaincu,  je  ne  saurais  vraiment  pas  quoi  ajouter.  Il  est  difficile,  en 
effet,  de  supposer  qu'un  homme  puisse  ne  pas  se  ranger  du  côté  d'au- 
torités comme  saint  Augustin,  saint  Thomas  d'Aquin,  saint  Alphonse 
de  Liguori,  le  Curé  d'Ars,  saint  Léonard  de  Port-Maurice,  saint  Philippe 
de  N"éri  et  une  dizaine  d'autres.  D'ailleurs,  quand  on  n'en  a  pas 
trouvé  beaucoup  de  ces  confessions  mal  faites,  c'est  qu'on  n'en  a  pas 
cherché. 

Après  avoir  donné  ces  preuves  en  chaire  —  qu'on  répète  bien  ceci 
aux  écoliers — :  La  fausse  honte  existe  même  chez  ceux  qui  paraissent 
les  meilleurs:  peut-être  surtout  chez  ceux-là;  et  pour  se  débarrasser  de 
tout  ce  fardeau,  il  suffira  de  voir  dans  le  confesseur  le  représentant  du 
Christ,  un  prêtre  qui,  comme  une  mère  et  comme  Dieu  aussi,  aime  l'âme 
malade  plus  encore  que  celle  qui  se  porte  bien.  C'est  la  brebis  égarée 
de  la  parabole;  c'est  le  petit  enfant  maladif  qui  donne  tant  d'insomnies 
à  la  mère. 

Après  cette  prédication  générale,  il  restera  toujours  l'action  indivi- 
duelle du  directeur  sur  quelques  âmes  que  le  démon  tiendra  enchaînées 
malgré  le  prédicateur  et  même  malgré  le  confesseur.  Si  le  directeur 
est  un  peu  avisé  et  en  éveil,  il  pourra  juger  d'une  manière  très  probable 
où  est  lo  faible  de  chacun,     l'ourqnoi?     Parce    qu'il    est    au    meilleur 


,  —  335  — 

poste    d'observatiou.     C'est   lui    qui    connaît    la    conduite    générale    de 
l'élève,  son  caractère,  son  tempérament,  les  défauts  qui  percent  ou  appa- 
raissent au  grand  jour  en  classe,  à  la  chapelle  et  surtout  en  récréation. 
Connaissant    donc   la   manière    d'agir    de   ses    écoliers,    le    directeur, 
d'après  le    principe  qu'on   juge  de   l'arbre  à    ses  fruits,  remontera  aux 
causes.     Par  exemple,  voici  un  élève  qui  a  un  tempérament  où  domine 
l'affection;  il  ne  prie  pas  à  la  chapelle;  il  est  dissipé  ou  paresseux  aux 
études  et  en  classe;  il  ne  communie  qu'une  ou  deux  fois  tous  les  quinze 
jours,  et  c'est  fini;  ses  lèvres  proféreront  même  de  mauvaises  paroles; 
et  cela  dure,  sans  changement  aucun,  depuis  des  semaines.     Evidem- 
ment le  directeur  ne  peut  pas  laisser  continuer  indéfiniment  cet  état  de 
choses.     D'ailleurs,  le  mal  empirera  encore,  et  il  faudra  peut-être  ren- 
voyer cet  écolier  plus  tard.     Alors,  saisissant  une  occasion  favorable, 
par  exemple,  quand  l'élève  est  puni  ou  renvoyé  de  la  classe  pour  dissipa- 
tion, le  directeur,  à  mon  avis,  devra  en  profiter  pour  lui  dire  franche- 
ment son  opinion  sur  sa  conduite  et  surtout  sur  les  causes  probables  de 
ses  manquements  extérieurs;  et  s'il  juge  que  la  conscience  est  en  mau- 
vais état,  il   pourra  faire   à  cet   élève,  mais  d'une  façon  personnelle  et 
directe,  l'application  des  remarques  déjà  faites  en  chaire  sur  le  fait  que 
souvent  la  mauvaise  conduite  dépend  du  mauvais  état  de  l'âme  :  im  arbre 
bon  porte  ordinairement  de  bons  fruits.     Ces  paroles  répétées  pour  un 
seul,  feront  plus  d'impression.     L'écolier  réfléchira  et  verra  si,  fran- 
chement, CCS  remarques  de  son  meilleur  ami  ne  s'appliquent  pas  à  sa 
conscience.     Il  est  alors  facile  de  créer  des  circonstances  qui  aident  la 
réflexion  :  il  est  important  aussi  de  paraître  excuser  l'élève  et  de  lui  dire, 
par  exemple,  pour  l'encourager:  que  le  mal  commence  par  les  paroles 
des  compagnons  ;  que  bien  des  fois  le  mal  s'enracine  sans  qu'on  y  ait  mis 
de  malice  personnelle  ;  qu'ensuite  on  a  pu  être  dans  le  doute,  ne  sachant 
pas  clairement  si  c'était  bien  ou  mal;  que  probablement  la  conscience 
disait  d'en  parler  à  confesse,  et  qu'on  ne  savait  pas  comment  s'exprimer: 
c'était  si  facile  pourtant,  lui  suggérera-t-on,  de  dire  un  mot  qui  eut  pro- 
voqué l'éveil  du  confesseur  et  de  se  faire  interroger.     En  un  mot,  l'éco- 
lier verra  que  le  cas  en  question  n'est  pas  inouï  et  qu'on  en  sort  facile- 
ment.    On  laissera  l'élève  en  disant  :  faites-vous  interroger  depuis  quel- 
ques années,  depuis  que  vous  avez  rencontré  de  mauvais  amis,  ou  depuis 
que  vous  avez  des  doutes,  et  votre  cœur  sentira  ensuite  un  grand  bon- 
heur; vous  ne  serez  plus  sombre  comme  ces  jours  derniers.     En  classe, 
à  la  salle  tout  ira  mieux.     Le  diable  n'aura  pas  autant  de  facilités  pour 
vous  tenter.  —  Ou  encore,  suivant  les  circonstances,  si  on  le  jiigo  plus  à 
propos,  on  pourra  avertir  tout  simplement  le  confesseur  et  lui  dire:  M. 
un  tel  se  conduit  de  telle  manière;   (ce  dernier  moyen  est  évidemment 
le  seul  que  peut  employer  le  directeur  qui  n'est  pas  prêtre).     Que  de 
confesseurs  pensent  leur  pénitent  très  bon,  lorsqu'il  va  mal  ou  très  tïuiI  : 
ils  ne  s'accusent  de  presque  rien  au  Saint  Tribunal  :  on  interroge  ])('u 
ou  point.     L'attention  du  confesseur  une  fois  attirée,  il  devra  chercher 
la  cause  quelque  part  dans  la  vie  présente  ou  dans  les  confessions  pas- 
sées. '  Tous  ces  détails  énumérés  plus  haut  pour  enlever  la  fausse  lionte 
^dont  parlent  tant  les  Docteurs  et  les  saints  —  pourront  varier  beau- 
coup suivant  les  circonstances  et  les  individus.     L'important  est  de  sup- 


—  336  — 

poser  que  le  mal  existe  et  de  vouloir  prendre  les  moyens  pour  éclairer 
la  conscience  et  pour  faciliter  l'aveu  en  s'adressant  soit  au  pénitent,  soit 
au  confesseur. 

Je  demande  pardon  d'insister  autant  sur  cette  question  et  sur  ces 
détails.  Qu'on  me  permette  de  dire  que  ce  n'est  pas  pour  le  plaisir 
d'aligner  des  mots.  S'il  m'est  permis  d'apporter  ici  ma  faible  expé- 
rience de  cinq  années  de  direction  dans  une  maison  de  550  élèves  —  ex- 
ternes et  pensionnaires  —  je  ne  crains  pas  d'affirmer  devant  Dieu  que 
ces  deux  manières  d'agir  ont  produit,  à  ma  connaissance,  des  résultats 
merveilleux.  Que  d'enfants  après  ces  confessions  générales  ont  com- 
plètement changé  de  conduite,  ont  gagné  jusqu'à  dix,  quinze  et  vingt 
places  dans  leurs  classes,  et  sont  venus  me  remercier,  quelquefois  en 
pleurant  de  joie,  du  service  signalé  que  j'avais  rendu  à  leur  âme. 

Encore  une  fois,  il  ne  s'agit  pas  d'interroger,  ni  de  forcer  les  cons- 
ciences —  pas  de  crainte  chimérique  —  mais  seulement  d'éclairer  ces 
âmes  et  de  faciliter  l'aveu.  C'est  la  substance  de  la  doctrine  prêchée 
sur  ce  sujet  qu'on  applique  aux  circonstances  et  à  la  conduite  de  tel  ou 
tel  élève. 

Après  le  prédicateur  de  retraite,  le  prédicateur  ordinaire  et  le  direc- 
teur, celui  qui  peut  le  plus  pour  la  communion  fréquente,  c'est  bien  le 
confesseur.  Son  action  a  moins  d'extension  mais  beaucoup  plus  d'in- 
tensité que  celle  des  autres.  Presque  tous  les  rapports  mentionnent 
l'influence  exercée  par  tant  de  prêtres  zélés,  qui  se  dépensent  sans 
compter  pour  diriger  les  âmes  de  nos  élèves.  Le  texte  du  Décret  cité 
plus  haut,  et  la  nature  même  de  cette  fonction  sacrée  font  entrevoir  le 
bien  que  peuvent  faire  pour  la  communion  fréquente  des  confesseurs 
zélés  et  convaincus  de  la  vraie  doctrine. 

Le  professeur  lui-même  pourra  beaucoup  dans  ce  sens,  en  expliquant 
le  catéchisme  dans  sa  classe.  Bien  plus,  il  devrait  se  faire  un  devoir  de 
profiter  des  occasions  —  au  besoin,  les  faire  naître  —  pour  répéter  les 
arguments  de  la  communion  fréquente.  Si  le  maître  a  l'autorité  de  l'âge 
et  de  la  science,  s'il  a  l'avantage  de  préparer  des  élèves  aux  examens  du 
baccalauréat,  ou  à  des  fonctions  dans  le  commerce,  qui  ne  voit  l'immense 
appoint,  qu'un  mot  de  sa  part,  apportera  à  la  bonne  cause.  Dans  ces 
cas,  le  maître  se  trouvant  à  travailler  plus  immédiatement  et  plus  visi- 
blement dans  l'intérêt  de  l'élève  et  de  son  avenir,  tout  ce  qui  tombe  de 
ses  lèvres  est  recueilli  et  utilisé  avec  un  grand  soin. 

Ajoutons  encore  l'attrait  du  culte  extérieur,  l'importance  et  la  solen- 
nité données  aux  fêtes  eucharistiques  et  aux  premiers  Vendredis  de 
chaque  mois,  aux  fêtes  de  Notre-Seigncur.  Les  heures  d'adoration, 
avec  chant  bien  préparé  et  prédication  eucharistique,  auront  une  bonne 
part  d'influence  pour  éclairer  la  foi  et  réchauffer  l'amour  envers  l'Eucha- 
ristie. 

Les  obstacles  extrinsèques  venant  du  respect  humain  tendent  à  dis- 
paraître par  le  courant  même  vers  la  Sainte  Table,  et  aussi  par  l'ac- 
croissement de  la  foi. 


—  337  — 

Il  reste,  en  certains  milieux,  l'empêchement  de  la  part  des  parents, 
non  pas  tant  de  leur  mauvaise  disposition,  que  de  l'habitude  de  veiller 
très  tard  le  soir  et  de  l'opposition  ou  de  la  négligence  qu'ils  mettent  à  faire 
lever  leurs  enfants,  le  matin,  pour  la  communion.  Comme  on  le  voit, 
il  s'agit  ici  des  externes.  Ces  inconvénients  sont  plus  fréquents  dans 
les  grandes  villes,  là  où  on  se  promène  sur  la  rue,  quand  on  ne  va  pas  au 
club  ou  aux  spectacles.  Un  directeur  disait  dans  son  rapport  :  si  le 
Congrès  peut  me  donner  les  moyens  de  faire  pralicjuer  la  communion 
fréquente  à  mes  externes,  je  lui  en  serai  bien  reconnaissant.  Quelques- 
unes  des  conclusions  du  rapport  de  M.  l'Abbé  Camirand,  qui  sera  pré- 
senté tout  à  l'heure,  sur  la  communion  en  vacances,  auraient  sans  doute 
leur  application  pour  les  externes  pendant  l'année.  Si  on  a  d'autres 
suggestions  à  faire,  je  les  enregistrerai  ici  parce  que  cette  question  est 
d'une  grande  importance. 

Vœu  : 

Le  XXIe  Congrès  Eucharistique  émet  le  vœu  : 

1°  Qu'on  fasse  quelques  modifications  dans  les  règlements  des  col- 
lèges, s'il  y  a  lieu,  afin  de  faciliter  la  confession  et  la  com,munion.  Que 
pour  communier,  le  élèves  ne  soient  pas  obligés  de  sacrifier  une  part 
d'étude  ou  de  récréation.  Que,  pour  atteindre  toutes  ces  fins,  la  messe 
de  communion  soit  la  messe  de  communauté,  au  moins  pour  tous  les 
internes,  et  que  la  communion  soit  donnée  au  meilleur  moment. 

2°  Que  les  prédicateurs,  confesseurs  et  surtout  les  directeurs,  con- 
vaincus des  motifs  de  la  communion  fréquente,  tels  qu'exposés  dans  le 
Décret,  et  s'inspirant  des  instructions  données  à  la  Ligue  Sacerdotale 
"  exhortent  fréquemment  et  avec  beaucoup  de  zèle  à  un  usage  si  salu- 
taire." Que  les  professeurs  eux-mêmes  disent  un  bon  mot,  de  temps  en 
temps,  sur  la  communion,  l'Eucharistie,  la  piété,  etc.,  soit  dans  leurs 
catéchismes,  soit  en  d'autres  occasions,  soit  même  on  classe. 

3°  Que  le  directeur,  étant  le  mieux  placé  pour  connaître  ses  élèves, 
tâche  d'avoir,  à  part  son  influence  générale  dans  la  prédication  et  la  lec- 
ture spirituelle,  une  action  surnaturelle  efficace  sur  les  élèves  difficiles: 
et  cela,  soit  par  lui-même,  soit  en  avertissant  le  confesseur,  qui  explo- 
rera alors,par  l'interrogation  prudente  et  habile,  la  vraie  cause  cachée 
de  la  mauvaise  conduite  extérieure.  Ainsi,  pour  ces  écoliers  la  commu- 
nion quotidienne  deviendra  facile  et  beaucoup  de  sacrilèges  seront  évités. 


—  338  — 

Ce  rapport,  émiuemmeut  pratique,  est  applaudi,  comme  il 
le  méritait,  par  tous  les  prêtres  présents  dans  rassemblée. 

Après  les  collèges  classiques  et  ecclésiastiques,  voici  une 
autre  branche  importante  de  l'enseignement  secondaire,  dont 
va  maintenant  nous  entretenir  M.  l'abbé  Brosseau,  aumônier 
de  la  grande  Institution  du  Mont  St-Louis,  à  Montréal.  Son 
travail  a  pour  titre  : 


LA  CONFESSION,  LA  COMMUNION  ET  LA  LIBERTE 

DE  CONSCIENCE 

DANS  LES  PENSIONNATS  DE  FRERES 


Quand  le  Pape  d'aujourd'hui  aura  terminé  sa  carrière  féconde,  il 
passera  assurément  à  l'histoire  comme  le  Pape  de  la  vie  intérieure  de 
l'Eglise  :  son  Décret  de  1905  sur  la  communion  fréquente  et  quotidienne 
est  un  acte  d'une  portée  immense,  c'est  le  point  de  départ  d'un  mouve- 
ment régénérateur  qui  se  prolongera  à  travers  les  siècles,  c'est  la  vie  ca- 
tholique devenant  plus  intense  et  plus  profonde  par  l'Eucharistie. 

Et  si  nous,  prêtres,  nous  voulons  être  les  collaborateurs  du  Pape  dans 
cette  véritable  Eenaissance  moderne,  nous  devons  sans  doute  nous 
efforcer  d'amener  à  la  Table  de  vie  tous  les  membres  de  l'Eglise;  mais, 
si  nous  voulons  que  le  mouvement  soit  complet  et  durable,  c'est  surtout 
auprès  de  l'enfance  et  de  la  jeunesse  qu'il  nous  faut  porter  notre  apos- 
tolat; les  fidèles  avancés  dans  la  vie  répondront  plus  ou  moins  à  notre 
appel,  mais  peu  importe:  si  nous  réussissons  à  donner  à  la  jeunesse  l'ha- 
bitude de  la  communion  fréquente  et  quotidienne,  l'avenir  est  à  nous: 
Spes  messis  in  semine! 

Déjà  les  prêtres  consacrés  aux  œuvres  de  jeunesse  se  sont  mis  au  tra- 
vail avec  zèle,  déjà  dans  les  collèges  classiques,  oii  se  forme  la  classe 
dirigeante  de  l'avenir,  le  mouvement  de  la  communion  fréquente  et  quo- 
tidienne fait  des  progrès  consolants,  comme  l'a  montré  l'excellent 
travail  de  M.  l'Abbé  Halle. 

Mais  outre  les  collèges  classiques  il  y  a  d'autres  collèges  où  se  forme 
une  classe  très  importante,  la  classe  des  hommes  de  commerce  et  de 
finance,  la  classe  bourgeoise,  si  vous  le  voulez,  qui  par  son  nombre  ec 
son  influence  joue  un  rôle  si  considérable  dans  toute  société;  là  aussi  le 
mouvement  de  la  communion  fréquente  et  quotidienne  a  trouvé  des 
apôtres  et  donne  de  très  bons  résultats.  Le  modeste  travail  que  j'ai 
l'honneur  de  vous  présenter  a  pour  but  de  vous  exposer  ce  mouvement 
dans  les  pensionnats  de  garçons.  Si  l'on  traite  séparément  des  collèges 
commerciaux  et  des  collèges  classiques,  ce  n'est  pas  seulement  à  cause 
de  la  différence  des  études  ;  vous  le  comprenez,  c'est  plutôt  à  cause  de  la 
situation  particulière  du  prêtre  chargé  de  la  direction  spirituelle  dans 


—  339  — 

les  collèges  commerciaux.  Dans  les  collèges  classiques  il  y  a  en  moyenne 
de  quinze  à  vingt  prêtres,  chacun  de  ces  prêtres  a  son  petit  troupeau  de 
pénitents,  il  peut  exercer  son  action  sur  un  groupe  restreint,  il  peut 
contrebalancer  discrètement  le  manque  ou  l'excès  de  zèle  de  tel  confrère  ; 
et  puis,  les  élèves  peuvent,  au  besoin,  changer  de  confesseur.  Mais  dans 
les  pensionnats  ou  collèges  commerciaux,  il  n'y  a  qu'un  seul  aumônier; 
c'est  à  lui  de  pousser  tout  le  troupeau  vers  la  Table  Sainte;  sans  doute, 
il  a  l'avantage  d'une  plus  grande  unité  d'action  et  d'un  plus  grand 
mérite  dans  le  succès;  mais  aussi,  comme  il  est  l'unique  prédicateur  et 
confesseur  du  collège,  il  a  besoin  d'apporter  à  son  apostolat  plus  de  zèle 
encore  pour  remuer  toute  cette  masse,  il  a  besoin  de  plus  de  prudence 
aussi  pour  diriger  son  zèle  et  prévenir  les  abus. 

C'est  pourquoi,  dans  un  premier  point,  vous  me  pennettrez  de  vous 
soumettre  brièvement  le  résultat  d"une  enquête  sur  la  communion  fré- 
quente et  quotidienne  dans  nos  pensionnats  ou  collèges  commerciaux  ; 
dans  un  second  point,  évidemment  le  plus  important  parce  que  le  plus 
pratique,  nous  verrons  quelques  précautions  à  prendre  pour  ne  pas 
gêner  la  conscience  des  enfants,  et  pour  obvier  au  danger  des  mauvaises 
confessions,  des  communions  de  routine  et  des  communions  sacrilèges. 


Dans  la  province  de  Québec,  on  compte  quinze  ou  seize  pensionnats 
ou  collèges  de  garçons  à  un  seul  aumônier.  En  vue  du  présent  travail, 
des  questions  ont  été  adressées  à  l'aumônier  de  chacun  de  ces  collèges, 
lui  demandant  :  les  statistiques  de  la  communion  fréquente  et  quoti- 
dienne, les  moyens  employés,  les  résultats  obtenus,  les  suggestions  à 
offrir.  Presque  tous  les  aumôniers  ont  répondu,  avec  grande  prompti- 
tude et  courtoisie  parfaite,  et  de  leurs  réponses  il  ressort  : 

1.  Que  partout,  dans  les  collèges  en  cause,  la  pratique  de'  la  commu- 
nion fréquente  et  quotidienne  fait  des  progrès  constants,  surtout  depuis 
ces  trois  dernières  années;  inutile  de  donner  les  chiffres  pour  chaque 
collège,  qu'il  suffise  de  constater  que  le  groupe  de  ceux  qui  communient 
chaque  jour  s'est  doublé  la  seconde  année  et  s'est  triplé  la  troisième 
année,  et  qu'aujourd'hui  dans  la  plupart  de  ces  collèges,  le  tiers  des 
élèves  communient  quotidiennement,  et  même  dans  quelques-uns  cette 
proportion  s'élève  à  la  moitié;  la  communion  fréquente,  celle  de  deux 
ou  trois  fois  la  semaine,  a  suivi  les  mêmes  progressions. 

2.  Que  les  moyens  employés  sont  presque  partout  les  mêmes:  d'abord 
la  prédication  générale,  rappelant  très  souvent  le  rôle  de  l'Eucharistie 
comme  remède  aux  passions  et  comme  stimulant  de  la  piété;  cette  pré- 
dication revient  naturellement  en  annonçant  le  premier  Vendredi  de 
chaque  mois,  ou  les  Quarante-Heures,  ou  les  fêtes  de  Notre-Seigneur  et 
de  la  Sainte-Vierge.  Ensuite  V exhortation  individuelle  au  confes- 
sionnal beaucoup  plus  puissante  que  la  prédication,  puisque  le  confes- 
seur peut  faire  toucher  du  doigt  au  pénitent  la  maladie  et  le  remède: 


—  340  — 

c'est  par  là  surtout  qu'il  peut  atteindre  les  grands  élèves  et  leur  dé- 
montrer que  la  communion  est  le  salut  de  la  jeunesse  et  de  leur  avenir. 
Enfin  le  catéchisme  préparatoire  à  la  première  communion:  c'est  là 
l'occasion  par  excellence  d'inculquer  pour  toujours  aux  enfants  le  rôle 
normal  de  la  communion  quotidienne,  et  de  les  décider  à  s'y  adonner 
dès  leur  enfance. 

3.  Que  les  résultats  obtenus  sont  aussi  presque  partout  les  mêmes, 
c'est-à-dire:  accroissement  de  la  piété  personnelle  et  diminution  des 
fautes  graves,  surtout  des  fautes  contre  la  pureté;  meilleur  esprit  des 
élèves  à  l'égard  de  leurs  professeurs;  entrain  plus  grand  dans  les  récréa- 
tions, et  surtout  application  plus  marquée  à  l'étude  et  à  la  classe. 

Ce  sont  là  les  résultats  immédiats  de  la  communion  fréquente  et  quo- 
tidienne chez  les  jeunes  étudiants;  ils  sont  déjà  admirables,  et  ils  prou- 
vejit  que  la  communion  est  par  excellence  la  source  des  trois  grandes 
vertus  de  l'écolier  :  la  pureté,  l'obéissance  et  le  travail.  Mais  qui  pourra 
calculer  les  résultats  plus  éloignés?  Le  jeune  homme  qui  aura  passé  au 
collège  six  ou  sept  années  de  vie  régulière,  de  lutte  avec  lui-même  et  de 
contact  avec  Dieu,  ne  sera-t-il  pas  merveilleusement  préparé  à  jouer 
son  rôle  de  chrétien  et  d'apôtre  dans  le  monde?  Et,  si  Dieu  l'a  marqué 
d'une  vocation  religieuse  ou  sacerdotale,  ne  sera-t-il  pas  déjà  tout  formé 
à  la  vie  sublime  de  pureté,  'd'obéissance  et  de  travail  qui  sera  la  sienne  ? 
De  plus  en  plus  on  se  plaint  de  la  rareté  des  vocations,  on  désire  dans 
le  monde  des  jeunes  gens  fortement  trempés  pour  devenir  les  piliers  de 
l'Eglise  et  de  la  nation;  voilà  donc  la  source  de  la  vie  et  de  la  force, 
voilà  donc  l'espoir  de  l'avenir:  la  jeunesse  sauvée  et  formée  par  la  com- 
munion fréquente  et  quotidienne  :  "  Spes  messis  in  S&mine."  —  "  Semen 
est  verhum  Dei."  —  Voilà  ce  qui  doit  stimuler  le  zèle  des  prêtres 
chargés  des  œuvres  si  laborieuses  mais  si  fécondes  de  la  jeunesse. 


II 

Constatons-le  avec  bonheur,  ce  n'est  pas  le  zèle  qui  manque,  le  zèle 
existe  partout.  Ce  qui  pourrait  peut-être  manquer  parfois,  c'est  la  pru- 
fience  qui  doit  accompagner  le  zèle.  Jusqu'ici  je  vous  ai  fait  part  des 
prorjrès  de  la  communion  fréquente  et  quotidienne,  des  moyens  employés 
pour  la  promouvoir,  et  des  résultats  obtenus  :  il  me  reste  à  vous  commu- 
niquer la  dernière  partie  des  réponses  envoyées,  celle  des  suggestions 
relatives  aux  abus. 

Ces  abus  se  rapportent  aux  deux  dispositions  que  le  Pape  a  déclarées 
requises  pour  la  communion  :  l'état  de  grâce  et  l'intention  droite  ;  et 
dans  la  pratique  il  y  a  à  craindre  chez  les  enfants  —  pensionnaires 
n'ayant  qu'un  seul  confesseur  —  le  manque  de  rectitude  dans  l'intention 
et  le  manque  d'état  de  grâce.  Voyons  un  peu  comment  parfois  les  abus 
peuvent  être  provoqués. 

1.  Prenez  d'abord  l'aumônier  qui  dans  sa  prédication  n'encourage  pas 
seulement  les  élèves  pieux  à  communier  souvent,  mais  va  jusqu'à  s'em- 
porter  contre   ceux    qui    ne   répondent   pas  à  son  zèle,  et   jusqu'à   leur 


—  341  — 

donner  une  note  infamante:  qu'arrivera-t-il ?  Un  certain  nombre 
d'élèves  se  mettront  à  la  communion  fréquente  et  quotidienne  par  pur 
respect  humain,  pour  ne  plus  tomber  sous  les  foudres  du  prédicateur. 
D'autres  continueront  à  faire  la  sourde  oreille,  et  se  considéreront 
comme  des  espèces  d'impies,  et  sortiront  du  collège  avec  cette  attitude 
désastreuse;  et  pourtant  ils  communient  une  fois,  peut-être  deux  ou 
trois  fois  par  mois  :  sont-ce  là  des  impies  ?  Le  prédicateur  ne  doit-il  pas 
plutôt  se  contenter  de  montrer  les  avantages  immenses  de  la  commu- 
nion? Après  tout,  la  communion  fréquente  et  quotidienne  n'est  pas  de 
nécessité  absolue. 

2.  A  part  la  prédication  imprudente  de  l'aumônier,  il  peut  y  avoir 
l'intervention  des  professeurs  qui  produise  des  abus.  Assurément  les 
professeurs  ne  doivent  pas  s'imaginer  qu'ils  n'ont  absolument  rien  à  voir 
à  la  piété  de  leurs  élèves,  sous  prétexte  de  rie  pas  toucher  au  domaine  de 
l'aumônier;  ils  peuvent  seconder  puissamment  celui-ci,  par  exemple 
quand  vient  l'heure  de  la  confession  pour  la  classe,  en  rappelant  aux 
élèves  l'appel  qui  leur  a  été  fait  le  dimanche  précédent,  ou  la  grandeur 
de  la  fête  du  lendemain,  ou  les  bienfaits  de  la  communion.  Mais  ils  ne 
doivent  pas  aller  plus  loin,  ils  ne  doivent  pas  attirer  l'attention  des 
élèves  sur  ceux  qui  s'abstiennent  de  la  confession  et  de  la  communion; 
autrement  quelques-uns  de  ces  derniers  reçoivent  les  sacrements  par 
respect  humain. 

De  même  quand  vient  le  moment  de  la  communion,  surtout  de  la 
communion  générale,  il  ne  faut  pas  que  les  professeurs  semblent  s'aper- 
cevoir que  quelques  élèves  restent  à  leur  place  ;  encore  moins  que  chaque 
professeur  fasse  lever  ses  élèves  banc  par  banc  pour  aller  à  la  Sainte 
Table,  de  manière  à  faire  remarquer  ceux  qui  s'abstiennent:  ne  vaut-il 
pas  mieux  que  les  élèves  s'approchent  pêle-mêle,  comme  les  fidèles  le  font 
à  l'église  ?  l'esthétique  y  perdrait  un  peu,  mais  la  liberté  de  conscience  y 
gagnerait  beaucoup  !  Par-dessus  tout,  il  ne  faut  pas  que  les  professeurs 
fassent  des  sacrements  un  moyen  de  récompense  et  de  châtiment  ;  on  me 
dit  qu'en  un  certain  collège  un  élève  ayant  commis  une  faute  très  grave 
on  lui  donna  pour  pénitence  de  se  confesser,  et  puis  de  communier  trois 
fois  la  semaine:  si  là-dedans  les  professeurs  avaient  l'intention  droite, 
l'élève  pouvait  bien  ne  pas  l'avoir  du  tout  ! 

3.  Pour  faciliter  la  communion  fréquente  et  quotidienne  des  élèves, 
il  est  évident  qu'il  faut  de  même  leur  faciliter  la  confession  fréquente, 
c'est  là  le  côté  le  plus  onéreux  mais  le  plus  fécond  et  le  plus  méritoire 
de  l'œuvre.  Or,  combien  de  fois  par  semaine  l'aumônier  doit-il  en- 
tendre les  confession  —  Je  parle  des  séances  générales,  et  non  pas  de 
quelques  confessions  isolées  —  ?  Ici  les  avis  sont  partagés,  quelques  au- 
môniers croient  suffisante  la  confession  hebdomadaire,  d'autres  récla- 
ment la  confession  quotidienne:  ne  sont-ce  pas  là  deux  opinions 
extrêmes,  et  la  meilleure  n'est-elle  pas  entre  les  deux?  Un  aumônier 
me  fait  remarquer  que  la  confession  quotidienne  a  un  danger:  non- 
seulement  elle  expose  les  enfants  à  la  routine,  mais  dans  certains  cas 
les  enfants  y  comptent  pour  pécher  plus  facilement,  en  se  disant:  jo  ne 
manquerai  pas  ma  communion,  j'irai  à  confesse.     Xe  vaut-il  pas  mieux 


—  342  — 

que  les  enfants  s'habituent  à  marcher  par  eux-mêmes  au  moins  pendant 
quelques  jours?  Souvent  ils  hésiteront  de  tomber  à  la  seule  pensée  qu'ils 
doivent  communier  le  lendemain.  D'un  autre  côté,  s'ils  tombent  il  faut 
bien  qu'ils  puissent  se  relever  avant  longtemps  et  reprendre  leurs  com- 
munions, sinon  ils  resteront  dans  leur  péché  et  s'éloigneront  de  la  Table 
Sainte.  En  pratique,  deux  séances  régulières  de  confessions  par  semaine 
ne  sont-elles  pas  suffisantes,  puisqu'alors  les  élèves  ne  restent  que  trois 
ou  quatre  jours  sans  confessions?  Et  puis  chaque  matin  avant  la  messe 
n'j  suffit-il  pas  de  quelques  minutes  de  séance,  pour  les  cas  accidentels 
ou  urgents? 

4.  D'ailleurs,  il  y  a  ici  une  raison  particulière,  c'est  que  ces  confes- 
sions très  fréquentes  prennent  très  souvent  le  temps  des  études  ou  des 
récréations:  les  petits  élèves  ne  demandent  pas  mieux  que  de  passer  leur 
i('].i])s  à  la  chapelle,  mais  les  grands  élèves,  ceux  qui  par  exemple  pré- 
parent leur  diplôme,  s'insurgent  contre  ce  qui  leur  semble  une  perte  de 
temps,  et  prennent  la  confession  en  aversion.  Aussi  bien,  pour  la  com- 
munion, certains  aumôniers  croient  utile  de  prolonger  l'action  de  grâces 
après  la  messe,  et  enlèvent  ainsi  dix  ou  quinze  minutes  à  l'étude  du 
matin  ;  les  grands  élèves  s'en  plaignent,  les  professeurs  aussi,  au  détri- 
ment de  la  communion  quotidienne.  Pourquoi  ne  pas  enlever  ce  grief, 
et  ne  pas  rendre  la  Sainte  Messe  et  la  Sainte  Communion  aussi  courtes 
que  possible? 

L'aumônier  doit  se  souvenir  que  quelques-uns  seront  gênés  avec  lui, 
ot  qu'il  doit  inviter  de  temps  en  temps  un  confesseur  étranger.  L'ex- 
périence prouve  que  d'ordinaire  les  élèves  préfèrent  aller  quand  même  à 
l'aumônier,  mais  ne  fût-ce  que  pour  l'avantage  de  deux  ou  trois,  il  vaut 
mieux  prévoir  tout  danger  de  sacrilège.  Combien  de  fois  faut-il 
amener  un  confesseur  étranger?  —  Puisque,  selon  la  règle  ordinaire, 
l'Eglise  croit  qu'un  confesseur  extraordinaire  suffit  aux 'religieuses  tous 
les  trois  mois,  ne  serait-ce  pas  amplement  suffisant,  pour  les  élèves  des 
pensionnats,  d'avoir  un  confesseur  étranger  une  fois  par  mois  ? 

m 

Vous  le  voyez,  si  la  communion  fréquente  et  quotidienne  a  fait  des 
progrès  fort  constants,  nous  devons  nous  souvenir  qu'il  y  a  quelques 
précautions  à  prendre  pour  prévenir  les  abus.  Ces  précautions,  je  me 
permets  de  les  résumer  dans  le  vœu  suivant,  que  je  soumets  humblement 
à  votre  approbation  : 

Vœu  : 

La  section  pédagogique  du  XXIe  Congrès  Eucharistique  émet  le  vœu 
suivant  : 

Que  dans  les  pensionnais  de  garçons  à  un  seul  aumônier,  le  dit  aumô- 
nier tout  en  continuant  à  promouvoir  le  plus  possible  la  pratique  si 
salutaire  de  la  communion  fréquente  et  quotidienne,  s'efforce  de  pré- 
venir les  abus  : 


—  343  — 

(a)  En  ne  donnant  jamais  en  chaire  de  note  infamante  à  ceux  qui 

■     s'abstiennent  de  communier  ; 
(1))  En  prévenant  toute  intervention  intempestive  des  professeurs; 

(c)  En  entendant  les  confessions  au  moins  deux  fois  par  semaine; 

(d)  En  évitant  de  prendre  sur  le  temps  de  l'étude  pour  la  confes- 
sion ou  pour  l'action  de  grâces; 

(e)  En  évitant  toute  familiarité  avec  les  élèves,  et  en  leur  procu- 
rant un  confesseur  étranger  environ  une  fois  par  mois,  autant 
que  possible,  ou  au  moins  tous  les  trois  mois. 


C'est  à  peu  près  le  même  sujet  que  le  précédent  qu'étudie, 
à  un  autre  point  de  A-ue,  le  rapporteur  suivant,  M.  le  Chanoine 
Roij,  chancelier  de  l'Arclievêclié  de  Montréal,  dans  un  travail 
qui  a  pour  titre  : 

LA    COMMUNION    DANS    LES    PENSIONNATS    DE 

JEUNES    FILLES 


Le  Décret  de  Pie  X  sur  la  communion  fréquente  et  quotidienne  ne 
pouvait  manquer  d'exercer  une  action  salutaire  dans  les  pensionnats  de 
jeunes  filles.  Il  trouvait  là  un  terrain  tout  préparé  à  recevoir  la  pré- 
cieuse semence  :  des  âmes  neuves,  non  touchées  encore  par  les  habitudes 
du  péché  grave,  se  développant  dans  une  atmosi^hère  de  foi  et  de  piété, 
vivant  sous  le  même  toit  que  Jésus-Hostie,  conservant  dans  toute  leur 
fraîcheur  les  naifs  élans  d'amour  pour  le  Dieu  de  la  première  commu- 
nion et  sollicitées  doucement  chaque  matin  vers  la  Table  Sainte  par 
l'attrait  de  l'exemple. 

Et  de  fait,  la  communion  fréquente  n'a  pas  tardé  à  être  en  honneur 
dans  nos  couvents.  Autrefois  les  élèves  en  général  n'y  communiaient 
qu'une  fois  par  mois,  quelques-unes  tous  les  quinze  jours,  et  un  bien 
petit  nombre  toutes  les  semaines.  Mais  aujourd'hui,  d'après  des  rap- 
ports soigneusement  contrôlés,  presque  toutes  reçoivent  Xotre-Seigneur 
au  moins  trois  ou  quatre  fois  par  semaine  et  un  très  grand  nombre  tous 
les  jours. 

Qu'a-t-il  fallu  pour  provoquer  ce  mouvement  général  vers  la  Sainte 
Table?  Tout  simplement  faire  comprendre  à  ces  enfants  qu'elles  pou- 
vaient communier  souvent  et  même  tous  les  jours,  que  c'était  là  le  désir 
de  Xotre-Seigneur  et  de  l'Eglise,  et  qu'elles  en  retireraient  les  fruits  les 
plus  précieux.  Il  a  suffi  de  leur  expliquer,  par  le  Décret  du  Saint-Père, 
que  les  deux  seules  conditions  absolument  requises  pour  la  communion 
fréquente  et  quotidienne  étaient  l'état  de  grâce  et  l'intention  droite. 
Quand  de  plus  elles  ont  été  persuadées  que  leurs  légers  défauts,  leurs 
imperfections  ne  devaient  pas  en  soi  les  éloigner  du  bon  Maître,  elles  se 
sont  senties  disposées  à  aller  souvent  vers  lui.  De  pressantes  exhorta- 
tions au  catéchisme  et  au  confessionnal,  puis  l'entraînement  de  l'ex- 
emple, ont  fait  disparaître  les  dernières  hésitations.  Et  maintenant 
dans  nos  pensionnats  nous  pouvons  contempler  chiKjUo  malin  le  beau 
spectacle  de  ces  longs  délilés  d'enfants,  se  dirigeant  vers  la  Table  Sainte, 
pieuses,  recueillies  et  portant  dans  le  regard  comme  un  reflet  des  cieux. 


—  344  — 


Mais  les  bons  résultats  de  la  communion  fréquente  sont-ils  aussi 
facilement  constatés?  Je  n'hésite  pas  à  répondre  qu'ils  sont  très  réels 
et  très  bien  établis. 

C'est  déjà  un  elïet  d'une  haute  valeur  que  celui  qui  provient  de  l'aug- 
mentation de  la  grâce  par  la  réception  de  l'Eucharistie,  et  c'est  assu- 
rément une  excellente  chose  pour  ces  âmes  de  profiter  du  temps  où  elles 
peuvent  si  aisément  en  faire  bonne  provision  pour  l'avenir.  Plus  tard, 
quand  elles  sentiront  la  poussée  des  passions,  quand  elles  seront  envahies 
par  les  dangers  du  monde,  quand  elles  auront  à  porter  de  lourdes  res- 
ponsabilités, elles  n'auront  peut-être  plus  la  même  facilité  de  se  nourrir 
du  Pain  des  forts;  mais  au  moins  elles  pourront  alors  puiser  dans  le 
trésor  formé  par  de  nombreuses  communions  aux  beaux  jours  de  leur 
enfance.  Et  si  elles  venaient  à  tomber  dans  l'abîme  du  péché,  le  divin 
Maître  se  souviendrait  qu'autrefois  dans  leur  cœur  il  a  trouvé  bon 
accueil  et  il  les  ramènerait  à  lui  en  leur  accordant  avec  la  grâce  de  la 
conversion  la  reviviscence  des  mérites  acquis  au  temps  du  pensionnat. 

La  communion  fréquente  a  produit  encore  d'autres  résultats  plus  par- 
ticuliers, plus  précis,  plus  palpables,  si  je  puis  ainsi  parler  :  elle  a  fourni 
un  puissant  facteur  dans  l'œuvre  de  l'éducation.  Les  directrices  des 
couvents  sont  unanimes  à  proclamer  que  de  cette  union  intime  avec  le 
Dieu  de  l'Eucharistie  jaillissent  les  effets  les  plus  marqués  et  les  plus 
consolants  relativement  au  goût  pour  les  choses  de  la  piété,  au  perfec- 
tionnement du  sens  chrétien,  à  la  réforme  du  caractère,  à  la  lutte  contre 
les  défauts,  à  l'observance  de  la  règle,  au  sérieux  de  la  vie. 

L'une  d'entre  elles,  placée  en  bonne  position  pour  voir,  a  très  bien 
suivi  cette  action  salutaire  et  je  ne  crois  pas  pouvoir  mieux  faire  que 
de  donner  ici  quelques-unes  de  ses  précieuses  constatations. 

"  Nous  éprouvons  chaque  jour,  dit-elle,  les  effets  consolants  de  la  com- 
munion fréquente  dans  notre  pensionnat.  En  général,  nous  remarquons 
chez  les  élèves  une  piété  plus  profonde  et  plus  durable,  qui  se  manifeste 
non  seulement  par  la  bonne  volonté  qu'elles  apportent  à  s'acquitter  des 
prières  de  règle,  mais  encore  par  l'empressement  à  faire  en  leur  parti- 
culier de  petites  visites  à  la  chapelle  aux  heures  de  liberté. 

On  ne  voit  plus,  comme  autrefois,  d'airs  mécontents  et  ennuyés  à 
l'annonce  d'un  exercice  religieux  de  surérogation.  Leur  attitude,  leurs 
allées  et  venues  dans  le  lieu  saint  décèlent  un  esprit  de  foi  plus  vif,  un 
respect  plus  profond  pour  la  présence  réelle.  Ce  qui  frappe  toutes  les 
maîtresses  c'est  la  générosité  avec  laquelle  les  élèves  renoncent  au  repos 
du  matin  pour  assister  à  la  sainte  messe.  Personne  n'a  l'idée  de  rester 
au  lit  sous  prétexte  de  malaise  et  de  fatigue.  On  en  a  même  vu  plu- 
sieurs qui  ont  refusé  un  repos  peut-être  nécessaire  pour  ne  pas  manquer 
leur  communion. 

Il  est  vraiment  consolant  do  constater  l'amour  et  le  respect  qu'elles 
ont  pour  la  parole  de  Dieu.  C'est  avec  zèle  qu'elles  s'instruisent  de  la 
religion.     L'heure  du  catéchisme  ne  leur  pèse  pas.     Elles  apportent  de 


—  345  — 

l'émulation  à  la  préparation  des  examens;  elles  se  plaisent  à  discuter 
les  objections  que  l'on  formule  contre  la  religion,  afin  d'être  plus  en  état 
de  défendre  leurs  croyances. 

Le  sens  catholique  se  développe  de  plus  en  plus  chez  elles.  On  pour- 
rait mentionner  telles  élèves  en  particulier,  assez  portées  autrefois  à  cri- 
tiquer, ou  du  moins  à  trouver  sévères  les  décisions  des  supérieurs  ecclé- 
siastiques, et  qui  défendent  aujourd'hui  avec  feu  ou  acceptent  avec  une 
soumission  filiale  les  ordonnances  de  l'autorité  religieuse.  D'autres 
ont  le  désir  d'exercer  une  sorte  d'apostolat  au  sein  de  la  famille  en  en- 
gageant leurs  parents  à  s'approclier  plus  souvent  des  sacrements  et  à 
pratiquer  plus  fidèlement  les  devoirs  de  la  vie  chrétienne. 

L'esprit  mondain  tend  à  disparaître.  Les  grandes  élèves  semblent 
moins  avides  de  nouvelles  frivoles.  Les  bals,  les  théâtres,  les  parures 
sont  rarement  le  sujet  de  leurs  conversations.  Elles  ne  manifestent  plus 
de  désirs  impatients  de  goûter  elles-mêmes  les  plaisirs  du  monde.  Celles 
qui  soupiraient  après  leijr  liberté  et  rêvaient  d'une  vie  de  luxe  et  de 
jouissances  ont  perdu  l'illusion  de  croire  que  le  bonheur  d'une  jeune  fille 
consiste  uniquement  dans  la  toilette  et  les  fêtes  mondaines. 

Il  n'y  a  plus  chez  les  élèves  cet  esprit  de  caste  si  nuisible  à  la  charité 
fraternelle.  Les  petits  avantages  de  naissance  ou  de  fortune  sont 
laissés  dans  l'ombre.  Elles  forment  une  famille  unie  où  règne  l'amitié 
la  plus  cordiale. 

Quant  à  la  réforme  du  caractère,  la  communion  fréquente  a  opéré 
chez  un  grand  nombre  d'élèves  une  véritable  transformation.  Des  en- 
fants dont  l'insubordination,  le  mauvais  esprit,  l'influence  pernicieuse 
faisaient  le  tourment  des  maîtresses,  sont  devenues  des  sujets  d'édifica- 
tion pour  tout  le  pensionnat.  Les  unes  ont  corrigé  leur  indépendance, 
leur  opiniâtreté;  les  autres,  leur  apatbie  ou  leur  esprit  romanesque. 

On  constate  que  la  formation  du  caractère  devient  plus  facile  chez  les 
élèves  qui  pratiquent  la  communion  fréquente.  Les  réprimandes,  les 
avertissements  sont  pris  en  meilleure  part.  Il  suffit  parfois  de  rappeler 
le  souvenir  de  la  communion  du  matin  pour  faire  rentrer  dans  le  devoir 
une  élève  qui  s'en  écarte,  ou  encore  pour  provoquer  le  repentir  d'une 
faute. 

Nous  ne  trouvons  aucun  obstacle  à  ce  que  les  élèves  fassent  la  commu- 
nion fréquente.  Si  l'on  veille  à  les  préserver  de  l'esprit  du  monde  et  à 
les  maintenir  dans  une  atmosphère  de  piété,  si  on  leur  fait  prendre  à 
cœur  la  correction  de  leurs  défauts  et  la  pratique  des  vertus,  la  commu- 
nion fréquente  sera  assurément  le  moyen  le  plus  efficace  de  leur  eanc- 
tification." 

Tout  comme  leurs  chères  maîtresses,  les  enfants  elles-inênie.s  se 
rendent  compte  du  bien  que  produit  dans  leurs  âmes  la  réception  de 
l'Eucharistie.  Il  y  a  quelques  mois,  j'eus  l'idée  de  demander  aux  élèves 
du  pensionnat  dont  je  suis  chargé  de  m'écrire  tout  simplement  quels 
effets  elles  croyaient  avoir  retirés  de  la  sainte  communion.  A  ma  sug- 
gestion d'autres  aumôniers  ont  fait  de  même.  Et  nous  avons  reçu  des 
réponses  toutes  pleines  d'aveux  touchants  et  de  sentiments  délicats.  Ces 
lettres,  si  elles  étaient  publiées,  constitueraient  peut-être  le  plaidoyer  le 


—  346  — 

plus  éloquent  et  le  plus  décisif  en  faveur  de  la  eommuinon  fréquente,  en 
même  temps  qu'elles  pourraient  être  l'une  des  plus  belles  gerbes  de  fleurs 
offertes  à  Jésus-Hostie. 

Permettez-moi  de  détacher  une  ou  deux  de  ces  fleurs  pour  mieux  sa- 
vourer le  fortifiant  parfum  de  piété  qui  se  dégage  d'une  âme  par  le 
contact  journalier  avec  Notre-Seigneur, .  et  pour  mieux  constater  aussi 
combien  l'Eucharistie  développe  toutes  les  vertus  qui  se  résument  dans 
la  fidélité  au  devoir,  en  même  temps  qu'elle  ravive  et  anoblit  ce  qui  est 
le  plus  doux  et  le  plus  sacré  au  cœur  d'un  enfant  :  l'affection  filiale. 

"  La  communion,  écrit  une  jeune  pensionnaire,  a  produit  en  moi  de 
très  grands  effets.  Ce  qui  m'aide  à  le  constater,  c'est  la  différence  qui 
existe  entre  ma  conduite  passée  et  celle  de  cette  année.  Je  suis  plus 
soumise  et  je  ne  prononce  plus  ce  non  de  révolte  qui  jaillissait  de  mes 
lèvres  en  réponse  aux  ordres  de  mes  maîtresses.  Que  dire  de  mes  colères 
passées  !  Elles  étaient  continuelles,  elles  éclataient  en  classe,  pendant  la 
récréation,  l'étude,  provoquées  quelquefois  par  une  simple  plaisanterie 
de  mes  amies  ou  un  petit  reproche  des  autorités.  Alors  je  jetais  avec 
fracas  ce  que  j'avais  en  mains,  je  frappais  du  pied,  je  bousculais  tout,  au 
grand  effroi  de  quelques-unes  de  mes  compagnes  qui  s'enfuyaient,  et  au 
plaisir  des  autres  qui  se  moquaient  de  moi.  Eevenue  à  moi-même, 
j'avais  honte,  je  me  trouvais  sotte  d'avoir  agi  ainsi  pour  une  chose  qui 
n'en  valait  pas  la  peine.  Tout  de  même,  si  ma  maîtresse  me  faisait 
observer  que  j'avais  manqué  de  jugement,  je  ne  l'avouais  jamais,  et  dans 
mon  orgueil  je  persistais  à  dire  que  j'avais  raison,  bien  que  je  susse  avoir 
tort. 

"  Maintenant  toute  cette  colère  a  disparu,  bien  que  je  ne  sois  pas 
encore  confirmée  en  douceur.  Souvent  j'ai  envie  de  me  fâcher;  je  suis 
si  vive  que  je  dis  bien  encore  des  mots  aigres;  mais  je  les  regrette  tout 
de  suite  et  je  tâche  de  les  réparer  pour  me  corriger  entièrement.  Oh  ! 
j'ai  du  travail  à  faire  avant  de  ressembler  à  Celui  qui  a  dit:  "  Apprenez 
de  moi  que  je  suis  doux  et  humble  de  cœur."  Mais  il  vient  chaque  matin 
dans  mon  cœur,  et  je  suis  sûre  qu'il  m'aide  à  me  perfectionner. 

"  Il  me  semble  aussi  que  je  suis  un  peu  plus  consciencieuse  dans  l'ac- 
complissement de  mes  devoirs  d'élève.  Je  n'aime  pas  encore  la  règle, 
mais  j'en  remplis  les  moindres  obligations  pour  faire  plaisir  à  Dieu,  à 
mes  chers  parents,  à  mes  maîtresses.  Eien  ne  me  paraît  trop  difficile 
après  cela.  Et  quand  je  fais  plaisir  à  Jésus,  je  le  ressens  dans  ma  com- 
munion suivante:  il  m'aime  mieux  et  je  l'aime  mieux. ...  Je  constate 
que  je  suis  moins  rêveuse  depuis  que  je  reçois  chaque  jour  mon  Dieu. 
Cette  tendance  que  j'avais  à  laisser  errer  mon  imagination,  surtout  le 
soir  avant  de  m'endormir,  je  l'ai  réprimée.  Ces  rêveries  étaient  la 
cause  des  distractions  que  j'avais  le  matin  dans  mon  action  de  grâces. 
Les  projets  que  j'avais  faits  la  veille  me  hantaient  alors  l'esprit.  Ayant 
pour  ambition  que  Jésus  ne  trouve  pas  trop  long  le  temps  qu'il  passe 
dans  mon  cœur,  je  m'applique  à  faire  disparaître  tout  ce  qui  pourrait 
interrompre  la  causerie  intime  que  je  lui  fais.  J'ai  un  peu  plus  de  piété, 
je  crois.  La  prière  ne  m'ennuie  plus;  je  ne  la  recherche  pas  encore; 
mais  quand  je  dois  prier,  je  prie  de  mon  mieux. 


—  a4:  — 

"  Les  sacrifices  qu'exige  le  silence  me  coûtent  beaucoup  moins.  Quant 
à  ceux  que  nécessite  la  correction  de  ma  vanité,  de  ma  gourmandise,  je 
les  fais  aussi,  mais  avec  plus  de  peine.  Les  chagrins  que  le  bon  Dieu 
m'envoie  je  les  accepte  avec  plus  de  calme;  je  ne  murmure  plus  contre  la 
Providence  qui  éprouve  ma  famille  par  des  revers  de  fortune  et  des  in- 
succès dans  les  entreprises.  Et  cela  parce  que  je  comprends  que  c'est 
pour  mon  bien  que  Dieu  m'éprouve. 

"  Si  j'ai  perfectionné  un  peu  mon  vilain  caractère,  si  j'ai  acquis  plus 
de  force  de  volonté,  je  le  dois  à  la  bonté  de  Jésus,  qui  m'accorde  de  le 
recevoir  chaque  jour." 

"  La  sainte  communion,  dit  une  autre  enfant,  a  développé  en  moi  le 
désir  d'exercer  une  salutaire  influence  dans  ma  famille.  Je  veux  inspirer 
aux  miens  par  ma  conduite  et  par  ma  fidélité  à  mes  devoirs  religieux, 
une  vraie  dévotion  et  une  plus  grande  exactitude  à  accomplir  les  pra- 
tiques d'une  vie  chrétienne.  Je  me  dis  qu'il  y  a  quelque  chose  de  plus 
doux  que  d'avoir  ses  parents  près  de  soi,  c'est  de  les  savoir  près  de  Dieu." 

Ces  aveux  des  élèves,  comme  le  témoignage  de  leurs  maîtresses,  sont 
assurément  consolants  et  encourageants. 

Il  est  cependant  une  tendance  fâcheuse  que  la  pratique  de  la  commu- 
nion fréquente  n'est  pas  encore  parvenue  à  combattre  d'une  façon  satis- 
faisante :  c'est  la  propension  à  la  mollesse  qui  s'allie  d'un  côté  à  l'horreur 
de  l'effort  et  du  sacrifice,  de  l'autre  à  la  recherche  exagérée  des  jouis- 
sances et  du  confort.  Ce  penchant  funeste  se  fait  sentir  quelquefois  à 
l'intérieur  du  couvent;  il  se  manifeste  davantage  pendant  les  vacances; 
mais  il  se  révèle  surtout  quand  les  élèves  de  nos  grands  pensionnats  en 
viennent  à  étudier  l'importante  affaire  de  leur  vocation.  Ces  jeunes 
filles  qui  pourtant  ont  montré  un  goût  prononcé-  pour  les  choses  de  la 
piété,  une  volonté  bien  accentuée  de  marcher  dans  les  sentiers  du  devoir, 
une  noble  émulation  pour  réaliser  l'idéal  de  la  perfection  chrétienne, 
semblent  perdre  courage  quand  on  leur  laisse  entrevoir  la  perspective  de 
tout  abandonner  pour  suivre  le  divin  Maître.  Ce  qui  dans  la  vie  reli- 
gieuse leur  fait  peur  davantage  ce  n'est  pas  la  multiplication  des  longues 
prières,  ce  n'est  pas  le  travail,  ce  n'est  pas  le  dévouement,  ce  n'est  pas 
même  toujours  l'adieu  à  un  père  et  à  une  mère  aimés  :  mais  c'est  tout  ce 
qui  est  opposé  au  bien-être  et  aux  aises  que  donnent  le  luxe  et  le  con- 
fort; c'est  le  renoncement  aux  plaisirs  du  monde  tels  qu'ils  apparaissent 
à  leurs  yeux  de  16  ou  18  ans;  c'est  l'échange  de  riantes  toilettes  contre 
la  sombre  robe  de  bure  ;  c'est  l'assujettissement  à  une  règle  rigide  ;  c'est 
le  lever  de  bonne  heure;  c'est  en  un  mot  le  sacrifice  de  cette  vie  facile; 
commode,  exempte  de  toute  contrainte,  pleine  de  jouissances,  qu'elles  ont 
menée  jusque-là  au  foyer  paternel. 

Si  la  communion  fréquente  n'a  pas  réussi  encore  à  vaincre  la  mollesse, 
ce  grand  obstacle  à  la  vie  religieuse,  c'est  que  la  vague  de  bien-être 
amenée  par  la  vie  à  l'américaine  en  a  facilité  le  développement  parmi 
nous  et  y  a  fait  prendre  déjà  de  fortes  racines  :  c'est  que  nous  méritons 
peut-être  le  grave  reproche  que  faisait  naguère  Mgr  d'IIulst  à  son  audi- 
toire de  Notre-Dame:  "Il  n'est  pas  possible,  disait  l'illustre  conféren- 
cier, que  dans  nos  familles  aisées,  où  la  foi  est  professée,  Dien  ne  fasse 


—  348  — 

pas  plus  de  choix  qu'on  ne  voit  de  vocations  éclore  ;  donc  il  y  en  a  beau- 
coup qui  périssent  atrophiées.  Ah  !  c'est  que  cette  plante  délicate  ne 
peut  vivre  et  grandir  que  dans  un  milieu  propice.  L'austérité  d'un  in- 
térieur chrétien,  voilà  l'atmosphère  qu'elle  réclame.  Vous  la  con- 
damnez à  croître  côte  à  côte  avec  la  molesse  des  habitudes  et  la  dissi- 
pation de  l'existence  :  elle  en  meurt  et  c'est  par  votre  faute." 

Mais,  il  faut  l'espérer,  la  communion  fréquente,  quand  elle  se  sera 
propagée  encore  davantage,  quand  elle  aura  exercé  sur  l'âme  des  parents 
comme  sur  celle  des  enfants  une  action  plus  longue  et  partant  plus  effi- 
cace, parviendra  à  avoir  raison  de  cette  mollesse  et  de  ses  désastreuses 
conséquences.  Et  nous  pourrons  voir  éclore  de  nombreuses  vocations 
religieuses,  non  seulement  dans  les  humbles  couvents  des  campagnes, 
mais  encore  dans  les  grands  pensionnats  des  villes. 


II 

Mais  pour  que  la  sainte  communion  produise  tous  les  fruits  qi\e  nous 
en  attendons,  il  importe  de  recourir  aux  précautions  et  aux  moyens  re- 
connus comme  nécessaires  ou  efficaces  par  l'observation  et  l'expérience. 
Il  n'entre  pas  dans  mon  plan  de  les  indiquer  tous;  Je  veux  seulement  en 
signaler  quelques-uns  qui  me  paraissent  plus  appropriés  à  la  catégorie 
de  personnes  dont  nous  nous  occupons  en  ce  moment. 

Aux  jeunes  filles  des  couvents,  plus  encore  qu'aux  autres  fidèles,  il 
convient  de  répéter  souvent  la  grave  recommandation  de  l'apôtre  saint 
Paul:  " Prohet  autem  seipsum  homo  et  sic  de  pano  illo  edat."  (1  Cor. 
11,  28).  En  effet,  pour  atténuer  les  fâcheuses  conséquences  de  la  légèreté 
si  naturelle  à  l'enfant,  pour  écarter  les  dangers  de  la  routine,  et  aussi 
quelquefois  de  la  vanité,  il  faut  redire  et  redire  encore  aux  élèves  com- 
bien elles  doivent  être  pures  pour  recevoir  dignement  le  Dieu  de  toute 
sainteté,  que  plus  elles  éprouveront  la  pureté  de  leur  âme,  plus  elles  man- 
geront avec  profit  le  pain  céleste. 

Et  le  grand  moyen  de  se  purifier,  de  s'éprouver,  c'est  la  confession. 
Pour  bien  communier  il  faut  se  bien  confesser.  Or  c'est  là  surtout 
chez  les  élèves  des  pensionnats  le  point  délicat  et  difficile.  Dans  ces 
jeunes  consciences,  à  côté  de  beaucoup  de  candeur,  il  y  a  tant  de  petites 
complications;  malgré  une  certaine  ouverture  de  cœur,  il  y  a  tant  de  re- 
coins qui  tendent  à  rester  fermés;  aux  manifestations  de  confiance  se 
trouvent  mêlées  tant  d'hésitations  craintives  et  déconcertantes  !  Et  tout 
cela  naturellement  favorise  les  perfides  desseins  du  démon  muet,  tout 
cela  l'aide  à  embrouiller  les  consciences,  à  susciter  les  inquiétudes  para- 
lysantes, à  arrêter  l'aveu  libérateur. 

C'est  le  rôle  du  confesseur  d'entraver  une  action  si  funeste.  Et  pour 
y  réussir,  entre  autres  choses,  deux  qualités  lui  sont  nécessaires:  la  honte 
et  la  réserve.  Une  bonté  patiente,  qui  ne  se  lasse  de  rien,  une  bonté  agis- 
sante qui  se  révèle  en  toute  occasion,  et  par  les  paroles  et  par  les  actes, 
une  bonté  ingénieuse,  'qui  perce  dans  les  interrogations,  les  avis  et  sur- 
tout les  reproches.     Un   seul   mot  de    sévérité,  un   simple   mouvement 


—  349  — 

d'impatience,  le  moindre  signe  d'étonnement,  peut  engendrer  des 
frayeurs  qu'on  ne  soupçonne  pas,  fermer  la  porte  aux  aveux  jugés  néces- 
saires et  amener  l'irréparable  malheur  de  confessions  et  de  communions 
sacrilèges. 

A  la  bonté,  l'aumônier  doit  joindre  la  réserve.  Et  cette  qualité,  que 
je  considère  comme  capitale,  doit  le  porter  à  restreindre  le  plus  possible 
ses  rapports  avec  les  enfants  en  dehors  du  confessionnal. 

Pour  cela,  il  doit  séjourner  le  moins  possible  au  couvent,  et  s'abstenir 
de  se  trouver  dans  les  lieux  de  récréations,  de  rencontrer  les  élèves  en 
circulant  dans  la  maison,  de  causer  evec  elles,  de  leur  faire  de  petites 
taquineries.  Il  doit,  en  un  mot,  écarter  tout  ce  qui  tendrait,  même  de 
loin,  à  engendrer  la  familiarité  ou  à  diminuer  le  prestige  et  le  respect. 

De  plus,  à  mon  humble  avis,  le  confesseur  dans  les  pensionnats  de 
jeunes  filles  ne  doit  pas  s'occuper  des  études  d'une  manière  immédiate 
et  directe.  Il  y  a  pour  lui,  je  crois,  des  inconvénients  sérieux  à  donner 
des  cours,  à  visiter  les  classes,  à  prendre  part  aux  examens,  à  assister  à 
la  proclamation  des  notes.  L'encouragement  donné  aux  études  ne  serait 
pas  une  suffisante  compensation  au  danger  d'enlever  ainsi  beaucoup 
d'efficacité  à  son  ministère  auprès  des  âmes.  Une  enfant  qui,  au  cours 
d'une  leçon,  ou  pendant  la  lecture  des  mentions,  aura  été  embarrassée 
ou  réprimandée  en  présence  de  l'aumônier,  que  l'aumônier  lui-même 
aura  peut-être  interrogée  d'une  façon  gênante,  ou  grondée  avec  quelque 
sévérité,  ne  manifestera  pas  immédiatement  après  au  confessionnal  lu 
même  filiale  confiance  et  la  même  ouverture  de  cœur.  C'est  là  une 
constatation  basée  sur  l'expérience  et  conforme  du  reste  au  tempérament 
de  la  jeune  fille. 

Le  confesseur,  est-il  besoin  de  le  rappeler,  doit  être  d'un  accès  facile 
et  toujours  à  la  disposition  des  enfants,  pour  dissiper  leurs  doutes  et 
leur  inquiétudes  par  une  bonne  parole,  et  au  besoin  par  l'absolution.  Il 
saura  aussi  approprier  à  leur  jeune  âge  et  à  leur  caractère  ses  moyens 
de  direction;  il  les  amènera  à  se  servir  de  la  communion  pour  combattre 
leurs  défauts;  il  les  aidera  à  rendre  de  plus  en  plus  droites  et  pures  leurs 
intentions. 

Qu'il  entoure  aussi  d'un  soin  tout  particulier  les  finissantes.  C'est 
un  fait  admis  que  pendant  la  dernière  année  de  couvent  les  élèves  sont 
mieux  disposées  à  recueillir  les  bonnes  leçons,  les  salutaires  influences, 
les  impressions  durables;  c'est  pendant  ce  temps  que  la  pratique  de  la 
communion  s'établit  avec  plus  de  chance  de  persévérer  et  de  se  perpé- 
tuer ensuite. 

Toujours  dans  le  but  de  procurer  davantage  les  bons  ofl'ets  de  la  com- 
munion, il  est  encore  d'autres  précautions  que  de  leur  côté  les  directrices 
de  pensionnats  ne  doivent  pas  négliger.  Ainsi,  qu'elles  veillent  à  ne 
pas  fausser  la  conscience  de  leurs  élèves.  Cédant  au  très  louable  motif 
d'inspirer  de  l'horreur  pour  certaines  fautes,  par  exemple:  les  manques 
de  franchise,  les  petits  vols,  les  conversations   inconvenantes,  elles  ne 


—  350  — 

doivent  pas  parler  de  manière  à  créer  l'impression  que  ce  sont  là  tou- 
jours d'épouvantables  péchés  mortels.  Autrement,  les  enfants  qui 
auraient  eu  ces  faiblesses,  seraient  détournées  de  la  Sainte  Table  ou 
seraient  peut-être  exposées  à  faire  de  mauvaises  communions. 

C'est  aussi  le  devoir  des  directrices  d'assurer  aux  élèves  la  plus  com- 
plète liberté  de  conscience.  Sous  prétexte  de  ne  pas  chagriner  monsieur 
l'aumônier,  qu'elles  prennent  garde  d'exercer  aucune  pression,  d'user 
d'aucun  stratagème  pour  pousser  vers  son  confessionnal  celles  qui  se- 
raient portées  à  diriger  ailleurs. 

Je  les  prie  instamment  aussi  de  ne  pas  faire  d'une  façon  trop  évidente 
le  pointage  de  celles  qui  communient  et  de  celles  qui  ne  communient  pas, 
de  n'attacher  à  la  fréquence  de  la  communion  aucune  forme  de  récom- 
pense, aucune  note  appréciative  de  conduite,  et  cela  afin  de  ne  pas  ex- 
poser les  enfants  à  l'hypocrisie  et  à  la  tentation  de  se  servir  de  l'auguste 
Sacrement  de  l'autel  pour  gagner  des  bons  points  ou  autres  faveurs. 

Pour  écarter  toute  apparence  de  contrôle,  de  même  que  pour  respecter 
les  petits  mystères  et  les  troubles  de  conscience  qui  très  souvent  sur- 
gissent à  l'improviste  dans  ces  âmes  impressionnables  et  peu  éclairées, 
il  importe  de  ne  pas  marquer  à  la  chapelle  d'un  signe  extérieur  celles  qui 
veulent  s'approcher  de  la  Sainte  Table.  C'est  dire  qu'on  ne  peut  ap- 
prouver la  pratique  de  leur  donner  des  places  spéciales  ou  de  leur  faire 
porter  le  voile  blanc,  tandis  que  les  autres  gardent  le  voile  noir.  L'ex- 
périence a  démontré  que  cette  recommandation  a  sa  raison  d'être.  Une 
élève,  en  effet,  qui  se  proposait  de  communier,  pourra  tout  à  coup  sentir 
des  inquiétudes  :  c'est  la  pensée  d'une  faute  qu'elle  s'imagine  n'avoir  pas 
bien  accusée,  ou  encore  peut-être  une  petite  dissipation  à  laquelle  elle 
s'est  laissée  aller  en  se  rendant  à  l'oratoire.  Bien  qu'en  réalité  il  n'y 
ait  guère  matière  à  se  troubler,  la  pauvre  enfant  ne  peut  dominer  ses 
alarmes  et  elle  se  croit  indigne  de  recevoir  Notre-Seigneur.  Mais  comme 
elle  a  le  voile  des  communiantes  elle  a  peur  de  causer  de  l'étonnement 
en  restant  à  sa  place,  et  le  respect  humain  la  porte  à  suivre  ses  com- 
pagnes en  dépit  des  protestations  de  sa  conscience. 

Par  ces  différentes  situations  délicates  que  nous  venons  d'entrevoir  et 
par  bien  d'autres  qui  sont  d'occurrence  journalière,  les  maîtresses  peu- 
vent juger  combien  leur  action  sur  les  élèves  en  matière  de  communion 
doit  être  toute  de  tact,  de  mesure  et  de  discrétion. 

Voilà  quelques-unes  des  constatations  que  l'exercice  du  ministère  dans 
un  couvent  m'a  permis  de  recueillir.  En  me  laissant  vous  en  faire  part 
vous  avez  pu,  du  moins  j'ose  l'espérer,  suivre  l'essor  qu'a  pris  la  pratique 
de  la  communion  fréquente  dans  nos  pensionnats  de  jeunes  filles,  ad- 
mirer las  effets  consolants  qu'elle  a  produits  et  noter  aussi  les  résultats 
qui  restent  à  obtenir.  Si  vous  avez  en  plus  trouvé  quelque  chose  à  re- 
tenir dans  les  suggestions  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  soumettre,  je 
serai  amplement  dédommagé  de  ma  peine.  Je  me  réjouirai  à  la  pensée 
que  la  piété  eucharistique  de  nos  chères  enfants  du  Canada  contribuera 
peut-être  à  accentuer  chez  leurs  jeunes  sœurs  des  autres  pays  le  mouve- 
ment vers  le  Dieu  de  nos  autels. 


—  351  — 


Vœux 


Et  pour  donner  une  conclusion  pratique  à  ce  rapport,  je  soumets  au 
XXIe  Congrès  Eucharistique  International  le  vœu  suivant  : 

1.  Que  l'on  continue  à  promouvoir  avec  un  zèle  persévérant  et  éclairé 
la  pratique  de  la  communion  fréquente  et  quotidienne  dans  les  pen- 
sionnats de  jeunes  filles; 

2.  Qu'on  s'applique  sans  cesse  à  obtenir  de  la  sainte  communion  des 
effets  salutaires  relativement  à  la  piété  solide,  au  développement  du 
sens  chrétien,  à  la  réforme  du  caractère  et  à  la  fidélité  au  devoir. 

3.  Qu'on  travaille  avec  une  ardeur  particulière  à  combattre  par  la 
communion  la  mollesse  et  la  recherche  des  jouissances  et  à  faire  dispa- 
raître ainsi  le  plus  grand  obstacle  aux  vocations  religieuses. 


*   * 


Tout  le  monde  se  rallie  à  cette  conclusion  du  distingué  rap- 
porteur, et  la  parole  est  offerte  à  M.  l'abbé  Gronix,  professeur 
au  collège  de  Valleyfield,  qui  doit  nous  parler  de  : 

"LA  PERSEVERANCE  APRES  LA  SORTIE  DU 
COLLEGE,  ET  LA  COMMUNIOÎJ  " 


Mon  travail  m'imposait  comme  préliminaire,  une  petite  enquête  sur 
l'état  de  la  piété  eucharistique  dans  les  patronages,  dans  les  cercles, 
dans  la  vie  du  monde.  Je  me  suis  efforcé  de  la  faire  avec  tout  ce  que 
la  curiosité  et  la  discrétion  peuvent  avoir  de  compatible.  Je  vous  ap- 
porte aujourd'hui  le  résultat  de  mes  recherches,  avec  une  tentative 
d'explication  de  l'état  de  choses  que  j'aurai  à  vous  signaler,  et  la  propo- 
sition timide  de  quelques  remèdes. 


Les  constatations  peuvent  être  réduites  au  nombre  de  trois:  c'est  pre- 
mièrement —  et  de  cela,  je  pense,  chacun  se  doute  un  peu  —  une  dimi- 
nution notable  dans  les  pratiques  de  piété,  et  particulièrement  dans  le 
chiffre  des  communions,  après  la  sortie  du  collège;  c'est  ensuite  que 
cette  diminution  s'opère  d'ai)rès  une  loi  presque  rigoureuse,  à  savoir 
que  les  pratiques  de  piété  deviennent  de  moins  en  moins  fréquentes,  à 
mesure  que  le  jeune  homme  écliappant  davantage  à  une  réglementation 
de  ses  actes,  il  organise  lui-même  sa  vie  religieuse:  c'est  enfin  qu'il  n'y 
a  rien  dans  les  obstacles  rencontrés  par  les  jeunes  gens,  rien  qui  tienne 


—  353  — 

uniquement  aux  conditions  du  milieu,  rien  en  conséquence  qui  soit  vrai- 
ment insurmontable  et  dont  ne  puisse  faire  triompher  une  éducation 
virile  et  intégrale. 

La  communion  quotidienne  —  ainsi  en  ont  témoigné  les  jeunes  gens 
et  les  directeurs  de  groupes  que  j'ai  pu  entendre  —  est  partout  à  l'état 
d'exception  —  la  communion  hebdomadaire  n'est  le  fait  que  d'un 
nombre  trop  restreint;  il  en  faut  dire  presque  autant  de  la  communion 
mensuelle. 

Au  patronage,  les  communions  sont  encore  nombreuses,  bien  qu'assez 
souvent  le  jeune  homme  soit  déjà  pris  par  les  exigences  matinales  du 
travail  quotidien.  C'est  que  pour  être  en  dehors  du  collège  et  de  l'école, 
le  patronage  demeure  néarmioins  comme  un  abri  transitoire  avant  la 
vie  du  monde.  Les  directeurs  sont  encore  là  et  tout  près  pour  donner 
l'impulsion  aux  volontés  hésitantes. 

Dans  les  cercles  de  la  jeunesse,  et  même  de  l'A.  C.  J.  C.  —  en  dehors 
des  collèges,  bien  entendu  —  les  communions  se  font  déjà  plus  rares. 
Et  c'est  tout  simple  :  dans  les  cercles,  n'est-ce  point  la  vie  presque  entiè- 
rement libre?  La  direction  comprend  qu'il  lui  faut  respecter  l'auto- 
nomie des  individus  :  elle  se  fait  plus  discrète,  elle  n'agit  que  de  loin. 

Elle  n'agit  plus  du  tout  dans  la  vie  du  monde.  Les  messieurs  du 
monde  veulent  organiser  eux-mêmes  leur  vie  religieuse  —  quand  ils 
l'organisent.  Ils  prétendent  ne  relever  plus  que  de  leur  liberté,  de 
l'initiative  de  leur  conscience,  et  dans  ces  conditions,  il  arrive  —  ce  qui 
doit  arriver:  la  piété  eucharistique  perd  encore  quelque  chose. 

Et  voilà  comment,  Messieurs,  je  me  suis  cru  justifiable  d'énoncer  une 
loi  dont  vous  me  pardonnerez  la  hardiesse,  sinon  l'apparence  para- 
doxale :  chez  nous  plus  l'on  a  de  liberté,  moins  Von  a  de  piété;  ou  pour 
parler  plus  exactement,  moins  Von  n'a  d'exercices  de  piété. 


II 

Vous  attendez  une  explication  de  cet  état  de  choses. 

Si  l'on  veut  rendre  compte  d'une  différence  si  profonde  entre  la  piété 
au  collège  et  la  piété  dans  le  monde,  il  convient  assurément  de  faire  la 
part  des  difficultés  plus  nombreuses  et  plus  grandes.  Mais  si  considé- 
rable est  la  marge  qu'il  faut  aller  plus  outre  et  trouver  des  raisons  moins 
superficielles.  D'autant  que  le  jeune  homme  de  patronage,  quoique 
obligé  au  travail  matinal,  n'en  reste  pas  moins  capable  de  plus  d'efforts 
et  de  plus  de  régularité. 

Le  problème  devient  donc  plus  complexe  si  on  le  restreint  au  cas  des 
cercles  de  la  jeunesse  catholique  comme  à  celui  des  catholiques  d'action. 
Voici  des  jeunes  gens  et  voici  des  hommes  qui  mettent  leur  dévoûment 
au  service  de  la  religion,  qui  croient  à  la  nécessité  de  la  vie  pieuse  pour 
eux-mêmes  et  pour  les  autres,  et  néanmoins  ces  mêmes  gens  —  en  de- 
hors d'une  honorable  majorité  qui  tend  à  s'accroître  et  que  je  ne  mets 
pas  en  cause  —  restent  étrangement  économes  de  pratique  religieuse, 
de  l'i].«!age  de  la  communion. 


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—  353  — 

Quelle  sera  Texplication  pleinement  suffisante  de  ces  illogismes  de 
doctrine  et  de  conscience? 

Messieurs,  dès  son  entrée  dans  la  vie  du  monde,  un  angoissant  pro- 
blème se  pose  au  jeune  homme  :  celui  de  l'insertion  du  catholicisme 
dans  sa  vie.  A  l'école  comme  au  collège,  protégé  qu'il  était  par  l'âge, 
par  l'organisation  extérieure  de  sa  vie  contre  beaucoup  de  difficultés  et 
de  passions,  la  religion  lui  avait  paru  d'une  pratique  relativement 
facile.  Les  premiers  contacts  avec  le  monde  ont  bouleversé  cette  éco- 
nomie. Une  lutte  tragique  ne  tarde  pas  à  se  livrer  entre,  d'un  côté,  les 
intérêts  et  les  passions  juvéniles,  et  de  l'autre,  la  foi  en  la  vieille  loi  du 
monde.  La  pratique  de  la  religion  apparaît  gênante,  hérissée  de  sacri- 
fiices  coûteux.  Comptez  en  plus  avec  les  objections  plus  captieuses  et 
plus  redoutables  qui  se  dressent  sur  sa  route. 

Encore  que  le  problème  ne  se  pose  guère  souvent  sous  l'aspect  intel- 
lectuel, il  serait  téméraire  de  nous  dissimuler  que  notre  jeunesse  en  doive 
être  de  plus  en  plus  tourmentée,  à  mesure  que  se  fera  plus  lourde  l'in- 
fluence inévitable  de  l'atmosphère  rationaliste. 

Mais  c'est  surtout  le  problème  moral  qui  préoccupe  le  jeune  homme 
de  chez  nous.  Et  pourquoi  donc  résoudra-t-il  le  problème,  sinon  toujours 
contre  sa  foi  et  contre  la  loi  morale,  du  moins  très  souvent  contre  le  plus 
grand  nombre  de  ses  anciennes  pratiques  religieuses? 

Partageons,  si  vous  le  voulez  bien,  en  trois  catégorie?,  selon  la  solu- 
tion qu'ils  donnent  au  problème,  les  jeunes  gens  dont  le  cas  nous  occupe. 

C'est,  en  premier  lieu,  la  catégorie  infiniment  plus  nombreuse  des 
aspirants  esprits  forts,  libres-penseurs  en  herbe  qui  dans  l'orgueil  de 
leur  première  moustache  ne  se  reconnaissent  plus  capables  d'incliner 
leur  intelligence  devant  le  credo  de  Pasteur  et  de  Brunetière,  de  Bossuet 
et  de  Pascal,  de  Thomas  d'Aquin  et  des  Pères  de  l'Eglise,  et  à  l'instar 
des  jeunes  Romains  abandonnant  leurs  amis  d'enfance  avec  la  robe  pré- 
texte, se  croient  tenus  de  renier  leur  foi  en  dépouillant  la  défroque  de 
collégien.  De  ceux-ci  nous  n'avons  rien  à  dire,  si  ce  n'est  que  leur  cas 
ne  saurait  tout  de  même  laisser  insensible  une  âme  de  prêtre,  et  qu'il 
faut  leur  offrir  une  cure  moins  intellectuelle  que  morale,  à  base  de  pu- 
reté et  d'humilité. 

Bien  autrement  intéressant  le  groupe,  très  nombreux  celui-là,  des 
jeunes  hommes  qui  ont  résolu  de  faire  de  leur  vie  autre  chose  "^  qu'un 
commentaire  en  actions  des  chansons  de  Béranger  et  des  poésies  d'Alfred 
de  Musset,"  qui  toutefois  ne  se  soucient  guère  de  donner  une  part  pré- 
pondérante dans  leur  vie  à  la  religion,  et  cela  va  sans  dire,  aux  exercices 

de  piété  et  à  la  pratique  des  Sacrements.     Et  la  raison? Messieurs, 

je  ne  vous  livre  ici  que  des  confidences  d'étudiants:  dans  la  plupart  des 
cas,  il  faudrait,  paraît-il,  en  accuser  la  formation  religieuse.  ^Si  le  jeune 
homme  sacrifie  si  lestement  ses  pratiques  de  piété,  c'est  qu'en  face  du 
conflit  dont  je  vous  parlais  tout  à  l'heure,  ces  pratiques  il  ne  les  a  point 
crues  supérieures  à  la  grandeur  des  sacrifices  et  au  p<?ril  des  batailles 
qu'il  fallait  accepter  pour  les  défendre  et  les  garder. 

Il  reste  1.  groupe  des  apôtres,  de  ceux  qui  communient  souvent,  pas 
12 


—  354  — 

autant  néamnoiiis  qirau  collège,  ni  sans  doute  autant  qu'ils  le  devraient 
et  qu'ils  le  pourraient.  Ce  n'est  pas  du  tout,  pour  ces  derniers,  indif- 
férence ou  froideur,  c'est  très  peu  affaire  d'inconscience;  c'est  un  peu  le 
préjugé  du  temps  perdu  en  dévotions  trop  nombreuses;  c'est  beaucoup 
une  imparfaite  connaissance  des  conditions  d'efficacité  de  la  vie  d'apôtre. 


m 

Mais  déjà  une  évidente  conclusion  se  dégage  n'est-ce  pas,  de  l'analyse 
de  tous  ces  faits?  La  recherche  et  l'examen  du  mal  nous  en  aura  con- 
vaincus, Messieurs  :  s'il  y  a  des  remèdes,  et  si  l'on  peut  en  proposer 
d'efficaces,  il  faut  aller  les  demander  à  l'éducation.  La  fréquence  de 
la  communion  ne  tient  pas  chez  nous  à  une  question  de  foi,  mais  à  une 
question  de  ferveur;  ce  n'est  pas  une  question  de  conviction,  mais  de 
degré,  d'intégrité  dans  la  conviction.  Or  la  ferveur  comme  la  convic- 
tion intégrale,  c'est  l'école  d'abord  qui  peut  les  préparer. 

J^ous  avons  tous  lu  dans  "  La  Barrière  "  de  M.  Kené  Bazin,  cette  page 
de  psychologie  poignante  oii  Félicien  Limerel  avoue  à  sa  cousine  Marie 
qu'il  croit,  à  certains  symptômes,  avoir  perdu  la  foi  de  son  enfance.  Et 
comme  la  noble  et  naïve  Marie  s'étonne  : 

"  Comment  se  peut-il  ?  Toi,  élevé  dans  un  collège  dirigé  par  des 
prêtres?  toi,  élevé  par  eux?"  —  "  Xon,  instruil.  ce  n'est  pas  la  même 
chose,''  corrige  sévèrement  Félicien. 

Instruire  !  Elever  !  Ce  sont  là  plus  que  deux  mots  :  ce  sont  deux  édu- 
cations, si  toutefois  l'une  mérite  ce  nom.  Et  quand  on  voudra  se  rendre 
compte  du  progrès  ou  de  la  décadence  véritable  dans  un  pays,  il  faudra 
toujours. considérer  laquelle  de  ces  deux  conceptions  l'emporte  dans  les 
théories  comme  dans  les  pratiques  des  maîtres. 

Sans  doute,  il  ne  faut  point  accepter  qu'on  rende  nos  collèges  seuls 
responsables  de  la  banqueroute  des  consciences  et  de  tous  les  plongeons 
de  nos  élèves.  On  n'a  pas  encore  breveté  que  je  sache,  le  système  d'édu- 
cation qui  ait  pu  réussir  à  ne  faire  que  des  invulnérables,  par  une  cris- 
tallisation trop  commode  de  la  liberté  morale  en  une  sorte  d'immobilité 
déterministe. 

Il  n'empêclie  que.  si  l'on  fait  attention  à  la  complexité  et  à  la 
gravité  du  problème  que,  dans  son  éducation  doit -résoudre  un  adolescent, 
à  l'impossibilité  absolue  où  l'on  se  trouve  entre  douze  et  vingt  ans  de 
diriger  seulement  ])ar  soi-inêiiic.  un  travail  si  compliqué  et  si  mystérieux, 
à  l'inefficacité  par  ailleurs  trop  ordinaire  d'une  direction  générale  qui 
s'exerce  à  distance  et  sur  la  masse,  il  y  a  peut-être  ]ie\\  do  se  demander 
si,  pour  que  les  élèves  touchent  vraiment  au  succès,  on  leur  apporte  en 
même  temps  (|ii('  des  pi-iucipcs  siirfisaiiiiticiit  éclairés,  uiu'  direction  qui 
atteigne  d'assez  près  les  individus. 

Si  l'on  nous  permettait  de  dire  tout  le  fond  de  notre  pensée,  nous 
dirions  qu'il  conviendrait  peut-être,  (|uelles  que  soient  la  précision  et 
l'élévation  de  nos  théories,  de  chercher  s'il  y  a  entre  elles  et  leur  mise  en 
œuvre,  une  parfaite  et  continuelle  soudure. 


—  355  — 

Nous  pourrions,  après  cela,  examiner  un  peu  l'éducation  des  diverses 
facultés  du  jeune  homme.  Si,  par  exemple,  dans  toute  question  d'édu- 
cation même  religieuse,  il  y  a  une  question  de  conviction,  ont-ils  vrai- 
ment raison  ceux  qui  nous  demandent  d'orienter  nos  méthodes  vers  une 
conquête  plus  assurée  de  la  virilité  intellectuelle?  D'aucuns  ne  vont-ils 
pas  jusqu'à  prétendre  que  le  verbalisme,  le  psittacisme  qui  sont  la  mort 
des  intelligences,  seraient  chez  nous,  pas  plus  qu'ailleurs,  mais  chez  nous 
autant  qu'ailleurs,  le  défaut  actuel  de  la  formation  des  esprits  !  La  con- 
viction, dans  l'ordre  naturel,  est  un  produit  de  choix  qui  ne  vient  que 
dans  les  terres  fortes.  Toujours  elle  suppose  un  cerveau  d'une  particu- 
lière maîtrise,  d'une  active  spontanéité,  d'une  large  autonomie.  Elle 
ne  s'impose  pas;  elle  se  propose  et  elle  se  conquiert.  Et  aussi,  faute 
pour  la  vérité  de  rencontrer  des  intelligences  assez  viriles,  assez  libérées 
de  la  tyrannie  du  mot,  est-il  aisé  à  qui  veut  se  permettre  une  petite  en- 
quête, de  découvrir  tout  le  placage  intellectuel  des  prétendus  convictions 
de  nos  enfants  ?  Méritent-ils  le  nom  auguste  de  convictions  ces  principes 
et  ces  vérités  qui  flottent  à  la  surface  de  l'intelligence  comme  des  feuilles 
mortes  au  fil  de  l'eau,  et  que  le  plus  léger  souffle  emporte  à  la  dérive? 

Mais  il  y  a  mieux  qu'une  claire  et  solide  intelligence  pour  assurer  la 
dignité  et  la  continuité  d'une  belle  vie  :  il  y  a  le  caractère  et  il  y  a  la 
conscience.  Et  ce  serait  peut-être  une  question  de  savoir  si  les  capitu- 
lards  en  piété  ne  manquent  pas.  plus  que  de  toute  autre  chose,  d'énergie 
morale.  On  nous  insinue  parfois,  Messieurs,  que  nous  n'examinons 
pas  assez  d'après  les  ressorts  moraux  de  l'âme  de  nos  enfants,  que  dans 
l'appréciation  de  nos  élèves,  nous  regardons  trop  à  la  note  de  conduite 
quelconque  plutôt  qu'cà  la  valeur  en  or  morale  dont  cette  note  devrait 
être  comme  le  carat.  Et  nous  le  savons,  ce  qui  importe,  ce  n"e?t  pas  tant 
le  maximum  de  la  note  que  les  idées,  les  principes  qui  dirigent  inté- 
rieurement la  vie  des  jeunes,  les  sentiments  qui  les  échauffent  et  les  sou- 
tiennent, les  habitudes  et  les  attitudes  de  leur  conscience  en  face  du 
devoir.  Quoi  que  nous  fassions,  et  quel  (|ue  soit  le  système  d'éducation 
par  nous  ])réconisé,  c'est  un  principe  inéluctable  que  la  conscience  du 
jeune  homme  qui  ne  s'appuie  point  sur  une  forte  synthèse  morale,  où  les 
actions  ne  sont  point  comme  le  prolongement  naturel,  habituel  des 
idées,  où  l'idée  du  devoir  n'est  pas  directrice  souveraine,  est  une  cons- 
cience vouée  à  tous  les  naufrages. 

Et  l'on  ne  nous  reprochera  point  assurément  de  préparer  ici.  en  ma- 
tière d'éducation  religieuse,  un  dressage  assez  peu  surnaturel.  Xous 
maintenons  toute  son  action  au  surnaturel  qui  est  d'envelopper  ou  de 
développer  la  nature,  en  sorte  que  le  catholique  inté.crral  soit  toujours 
un  type  d'humanité  supérieure. 

Au  reste,  puisqu'on  chuchote  aussi  contre  l'éducation  religieuse, 
voyons  ce  qui  en  est. 

Xous  avons  constaté  tout  à  l'iieure  que  dans  la  mesure  où  il  écbappe 
à  la  direction,  le  catliolique  de  chez  nous  s'éloigne  de  ses  anciennes  pra- 
tiques religieuses.     Xe    serait-ce  qu'il    y  aurait  dans    la  direct i<»n  des 


—  35G  — 

consciences  une  défectuosité?  Qu'on  n'apprendrait  pas  suffisamment  au 
dirigé  à  se  passer  de  directeur?  Non  point  en  ce  sens  qu'il  serait  louable 
dans  les  afl'aires  de  sa  vie  religieuse  de  ne  relever  que  de  soi  et  de  ses 
petites  lumières.  Mais  encore  faudrait-il  qu'une  direction,  pour  avoir 
été  efficace,  eût  rendu  le  dirigé  capable  de  vivre  de  sa  vie  propre,  l'eût 
rompu  à  l'initiative  personnelle,  sans  le  besoin  d'attendre  toujours  un 
ordre  ou  un  avis  de  son  directeur  pour  aller  à  la  messe  ou  faire  une  gé- 
nuflexion. 

Peut-être  encore  serait-il  bon  de  surveiller  mieux  V éducation  de  la 
liberté,  d'habituer  au  sacrifice,  à  la  spontanéité,  en  laissant  libres  cer- 
tains exercices,  en  faisant  plus  d'efforts  pour  empêcher  en  vacances  ces 
ruptures  si  déplorables  entre  la  conduite  et  les  croyances,  cet  écart  si 
large  entre  les  principes  du  collège  et  les  pratiques  d'alors.  Les  allures 
de  nos  écoliers  pendant  les  mois  d'été,  l'inconcevable  volte-face  qu'ils 
semblent  faire  alors  à  tous  leurs  principes  et  à  toutes  leurs  habitudes 
devraient  alanner  profondément  sur  la  nature  de  leurs  convictions  et 
la  fragilité  de  leur  conscience,  leurs  maîtres  les  plus  optimistes.  Trop 
souvent,  l'expérience  l'a  démontré,  les  jeunes  gens  n'auront,  devenus 
hommes,  d'autre  fidélité  à  leur  foi  que  celle  qu'ils  auront  méritée  et 
acquise  dès  le  temps  du  collège,  par  leurs  sacrifices  personnels  à  l'étudier 
et  à  la  pratiquer.  Point  d'espérance  sérieuse  à  fonder  sur  le  jeune 
homme  qui  donne  à  sa  religion  les  seuls  sacrifices  que  lui  arrache  le  rè- 
glement collégial.  Et  le  sacrifice,  le  dévouement,  l'héroïsme  même, 
n'ayons  point  peur,  de  grâce,  de  les  demander  et  parfois  de  les  imposer. 
Le  plus  grand  tort  comme  le  plus  grand  outrage  qu'on  puisse  faire  à  la 
jeunesse  c'est  d'oser  ne  point  lui  demander  tout  son  cœur. 

Si  d'autre  part  la  piété  des  jeunes  gens  ne  semble  ni  intégrale  ni  vi- 
vante, est-il  au-dessus  des  efforts  d'un  bon  enseignement  et  d'une  intelli- 
gente direction  spirituelle  d'obtenir  que  nos  adolescents  ne  ramènent 
plus  la  piété  à  ce  qui  n'en  est  que  les  exercices?  qu'ils  ne  dénaturent 
point  la  prière,  l'usage  des  Sacrements,  et  en  particulier  de  l'Eucha- 
ristie jusqu'à  les  rabaisser  à  l'unique  rôle  de  préservatifs?  Ne  pouvons- 
nous  espérer  qu'ils  ne  jetteront  plus  par  dessus  bord,  avec  un  si  abomi- 
nable geste  d'insouciance,  leurs  pratiques  de  collège,  le  jour  où  nous 
aurons  appuyé  peut-être  davantage  sur  le  devoir  de  reconnaissance  et 
d'amour  à  l'égard  du  Christ,  sur  les  promesses  de  vie,  de  perfection  et  de 
grandeur  surnaturelles  qu'emporte  avec  elle  la  réception  de  l'Eucha- 
ristie? Tl  faut  leur  faire  sentir  que  le  catholicisme  est,  avec  son  fond 
surnaturel,  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  noblement  humanisant,  que  s'il 
entre  dans  une  vie  de  jeune  homme,  il  n'y  devient  pas  que  l'adversaire 
des  passions  inférieures,  mais  encore  et  surtout  l'allié  de  nos  instincts 
les  plus  nobles,  qu'il  s'y  introduit  comme  un  principe  vivant  et  assimi- 
lateur  pour  nous  défendre  sans  doute,  mais  encore  plus  pour  nous  trans- 
former, nous  grandir,  vivifier  tous  les  germes  supérieurs  dont  l'efferves- 
cence surnaturelle  fait  la  plus  haute  beauté  et  la  plus  sublime  noblesse 
de  l'homme,  parce  qu'elle  lui  fait  apparaître  au  front  l'empreinte  divine. 

Cette  persuasion  s'emparera  facilement  du  jeune  homme  apôtre  qui 


—  357  — 

n'aura  besoin,  pour  être  plus  avide  de  rEucharistie,  que  de  réfléchir 
qu'on  ne  répand  point  la  vie  autour  de  soi,  si  d'abord  on  ne  la  possède 
soi-même  intensivement.  Toute  vie  extérieure  ue  vaut  (.|ue  dans  la 
mesure  de  toute  vie  intérieure.  Sans  une  vie  chrétienne  profonde  et 
intense,  toute  action  devient  agitation.  Et  avant  de  prétendre  remuer 
les  masses  profondes  du  peuple,  il  importe  à  ceux  qui  ambitionnent  de 
jouer  le  rôle  de  levain  spirituel  de  porter  vraiment  en  eux  le  divin  et 
incoercible  ferment. 

IV 

Vous  le  voyez,  Messieurs,  je  n'offre  point  de  recettes  pour  pousser 
des  jeunes  gens  à  la  Table  Sainte  après  le  collège.  Des  recettes,  je  n'en 
ai  point  trouvé,  et  franchement  je  ne  crois  point  et  je  ne  souhaite  point 
qu'il  y  en  ait.  ISTos  élèves  ne  continueront  de  communier  et  ne  doivent 
continuer  de  communier  qu'entraînés  par  l'élan  de  la  foi  que,  avec  l'aide 
de  Dieu  nous  avons  fait  naître  dans  leurs  âmes. 

Ce  n'est  pas  à  dire  que  certaines  organisations  ne  puissent  soutenir 
nos  jeunes  gens  dans  leur  persévérance.  L'expérience  a  prouvé  qtie  rien 
n'est  propre  comme  une  charge  d'âmes  à  rendre  plus  intense  la  vie  reli- 
gieuse. Une  irrésistible  logique,  un  fort  sentiment  de  loyauté  entraîne 
l'apôtre  à  perfectionner  son  âme  et  à  chercher  pour  son  action  humaine 
un  appui  dans  l'action  divine.  N"e  sera-ce  point  dès  lors  travailler  à  la 
diffusion  de  la  communion,  que  d'organiser  un  ))eu  partout,  à  la  cam- 
pagne comme  à  la  ville,  des  groupes  d'apôtres  selon  les  vœux  et  l'esprit 
de  notre  Association  Catholique  de  la  jeunesse  Canadienne-française? 

Le  même  esprit  apostolique  ne  cessera  d'animer  nos  patronages,  puis- 
qu'ils ne  devront  pas  être  une  œuvre  de  préservation,  mais  d'abord  et 
toujours  une  école  de  formation,  une  caserne  féconde  d'où  sortiront  les 
soldats  et  les  chefs  de  l'armée  catholique. 

Je  me  demande  aussi  ce  qui  pourrait  bien  empêcher  nos  étudiants  des 
universités  catholiques  de  foinner  chez  eux,  comme  leurs  camarades  de 
Louvain,  de  Lille,  de  Paris,  etc.,  des  associations  de  l'Adoration  eucha- 
ristique, de  la  messe  et  de  la  communion  quotidienne  —  associations  où 
l'on  s'engage  à  payer  de  sa  personne  pour  entraîner  les  autres. 

Et  enfin,  puisque  la  transition  du  collège  à  la  vie  du  monde  ne  s'ac- 
complit pas  sans  danger  pour  les  pratiques  religieuses,  pourquoi  nos 
maisons  d'éducation  ne  s'efforceraient-ellcs  point  d'atténuer  le  trop 
brusque  de  cette  transition,  en  s'occupant  davantage  par  exemple  de  di- 
riger leurs  élèves  vers  les  cercles  universitaires  de  l'A.  C.  J.  C,  ou  encore 
en  imitant  dans  la  mesure  du  possible  l'initiative  des  ^lessieurs  du  Col- 
lège d'Antoing.  Ces  Messieurs  ont  fondé  un  bulletin  mensuel  pour 
demeurer  en  contact  avec  leurs  anciens  élèves,  et  les  gauler  fidèles  aux 
principes  du  temps  du  collège.  Dans  ce  bulletin,  les  vieux  et  les  jeunes 
ont  leur  part  de  rédaction.  Les  vieux  y  parlent  de  leurs  périls,  do  leurs 
expériences,  de  leur  persévérance:  c'est  une  leçon  d'énergie.  T.es  jeunes 
y  parlent  de  la  vie  du  vieux  collège,  de  leurs  aspirations  fraîches  et 
pures,  des  idéals  qu'il  ne  faut  point  trahir:  c'est  une  leçon  de  réconfort 
et  d'enthousiasme.     Quelques-uns    de    nos    collèges    possèdent    déjà    ce 


—  358  — 

bulletin.  Qui  sait  s'il  ne  serait  pas  i^ossible  de  le  transformer  un  peu 
et  d'en  faire,  à  Tusage  des  anciens  élèves,  un  Bulletin  de  persévérance? 
Il  reste  un  dernier  mo}x>n,  Messieurs.  Et  ce  sera  pour  tous  les 
prêtres  qui  célébreront  demain,  d'emporter  dans  leur  cœur,  à  l'heure  du 
Sacrifice,  le  souvenir  de  toute  la  jeunesse  canadienne.  iSTous,  ses  éduca- 
teurs et  ses  meilleurs  amis,  nous  prierons  tous  ensemble,  n'est-ce  pas, 
pour  qu'elle  apprenne  à  mieux  connaître  le  don  de  Dieu.  Quand  les 
jeunes  auront  gravi  avec  le  prêtre  les  degrés  de  l'autel,  ils  auront  la  force 
de  gravir  seuls  les  degrés  de  la  Table  Sainte. 


Vœux  ; 

1°  —  Que  les  éducateurs  de  la  jeunesse  préparent  la  persévérance 
future  des  jeunes  gens  confiés  à  leurs  soins,  en  leur  donnant,  dès  le  coU 
lège,  une  formation  virile   basée  sur  la  conviction  et  l'esprit  de  sacrifice; 

2°  —  Qu'on  habitue  la  jeunesse  à  voir  dans  la  Communion  un  acte 
vivant,  viril,  ennoblissant,  et  non  une  simple  pratique  de  piété; 

3°  —  Que  l'on  fonde  pour  la  jeunesse,  à  son  entrée  dans  la  vie  du 
monde,  des  associations,  patronages,  cercles  dont  le  but  principal  sera 
le  maintien  des  convictions  reçues  au  collège  et  la  pratique  religieuse 
poussée  jusqu'à  la  communion  fréquente. 


Une  autre  question  qui  préoccupe  beaucoup  les  éducateurs 
■de  la  jeunesse  c'est  la  persévérance  des  enfants  durant  les  va- 
cances.    C'est  le  sujet  que  va  traiter  M.  l'abbé  Camirand  : 

'LA  COMMUNION  DES  ENFANTS  PENDANT  LES 

VACANCES  " 


Les  enfants  et  les  jeunes  gens  qui  sont  dans  les  différentes  maisons 
d'éducation  de  notre  pays,  nous  donnent,  pendant  l'année  scolaire,  le 
spectacle  bien  édifiant  de  la  communion  fréquente  et  quotidienne,  et 
cela  pour  le  plus  grand  nombre  d'entre  eux.  (Certes,  la  parole  de  notre 
auguste  Pontife  a  été  cntciuluc  sur  cette  terre  canadienne,  et  nulle  part 
ailleurs,  peut-être,  le  clergé  n'a  répondu  à  son  appel  avec  un  zèle  plus 
empressé.  Aussi,  avons-nous  déjà  récolté  une  abondante  moisson,  riche 
des  plus  douces  consolations.  Mais  il  faut  le  dire,  si  l'âme  du  prêtre 
et  de  tout  chrétien  (|ui  aime  son  Dieu  et  son  pays,  éprouve  une  joie 
bien  grande  quand  elle  voit  ainsi  la  fleur  de  notre  jeunesse  se  nourrir, 
tous  les  matins,  du  pain  des  forts,  si  elle  se  prend  à  espérer  que  plus 
tard,  CCS  jeunes  gens  sauront  n'user  dos  choses  d'ici-bas  que  dans  la 
mesure  nécessaire  pour  acquérir  celles  de  l'éternité  —  nouveaux  soldats 


—  359  — 

de  Cédéon,  qui  marchant  vers  le  combat,  ne  ployèrent  pas  le  genou  en 
terre,  mais  se  contentèrent  de  prendre  dans  le  creux  de  leur  main  un 
peu  de  l'eau  du  torrent,  —  elle  se  sent  remplie  de  crainte  quand  elle  voit 
ces  mêmes  jeunes  gens  partir  joyeux  pour  le  temps  des  vacances.  C'est 
que,  en  effet,  un  bon  nombre  de  ceux  qui,  au  collège,  étaient  fidèles  à 
une  pratique  de  piété,  la  plus  utile  de  toutes  et  même  moralement  né- 
cessaire pour  plusieurs,  abandonnent  cette  pratique  pendant  les  jours 
de  liberté,  et  après  deux  mois  d'absence,  leur  âme  est  moins  belle,  leur 
volonté  moins  disciplinée,  un  trésor  de  bonnes  dispositions,  d'énergies 
et  de  mérite  est  perdu. 

Cet  état  de  choses  nous  afflige  profondément  et  nous  cherchons  un 
moyen  d'enrayer  ce  mal.  Comment,  en  effet,  pourrions-nous  ne  pas 
nous  intéresser  à  ces  jeunes  gens,  lorsque  Jésus  lui-même  appelait  à  lui 
les  petits  enfants  pour  les  embrasser  et  regardait  doucement  le  jeune 
homme  qu'il  aima  perce  qu'il  était  bon,  lorsque  notre  chef  vénéré,  Pie 
X,  leur  réserve  ses  plus  tendres  sollicitudes,  (1)  et  fonde  sur  eux  ses 
espoirs  les  plus  fermes  et  les  plus  consolants.  Oui,  à  l'exemple  de  Jésus 
et  de  Pie  X,  nous  les  aimons  aussi  ces  jeunes  gens,  car  ils  sont  bons; 
nous  les  aimons  car  ils  sont  les  soldats  pour  la  lutte  de  demain  qui  se 
prépare  rude  et  décisive  ;  nous  les  aimons  parce  qu'ils  sont  l'espérance 
de  l'Eglise  et  de  la  société. 

D'ailleurs,  n'est-ce  pas  sur  la  jeunesse  que  semblent  se  concentrer,  en 
grande  partie,  les  efforts  de  l'erreur?  c'est  donc  vers  elle  que  nous  de- 
vons aussi  orienter  notre  zèle  de  fils  dévoués  de  l'Eglise,  car  non  moins 
que  nos  ennemis,  nous  savons  que  celui  qui  possède  la  jeunesse  est 
maître  de  l'avenir. 

Dans  le  monde  on  se  plaît  à  répéter,  et  avec  raison,  que  les  succès 
appartiennent  à  l'organisation.  Aussi  pondant  que  sans  cesse  et  par- 
tout, les  partisans  du  mal  jettent  leurs  filets  pour  surprendre,  enlacer  et 
corrompre  la  jeunesse,  pourquoi  les  ouvriers  du  bien  n'auraient-ils  pas 


(1)  Voici  les  belles  et  nobles  paroles  que  le  Pape  a-lressait,  en  1908,  aux  étu- 
diants catholiques  des  universités  italiennes  :  "  J'éprouve  donc  une  vive  ronso- 
"  lation  de  vous  voir,  ô  chers  jeunes  gens,  vous  qui  avez  l'a.çe  des  nobles  senti- 
"  ments,  des  généreuses  actions,  des  splendides  victoire-.  Représentant  de  Jésus- 
"  Christ,  qui  trouvait  ses  délices  dans  la  jeunesse;  comme  lui  rcfrardant  nn 
"  jeune  homme  :  intuitus  eum  dilexit  illum,  ainsi  moi,  vous  regardant,  je  sens 
"le  besoin  de  vous  dire  que  je  vous  aime  et  que  j'apprécie  votre  courage.  \  ous 
"devez  donc  me  regarder  non  seulemnt  comme  un  père,  mai?  comme  un  frère  et 
"un  tendre  ami.  Pour  cette  raison,  je  m'approprie  les  paroles  de  rapôtre  bien- 
"  aimé  du  divin  Rédempteur,  qui  écrivit  aux  jeunes  gens  :  i^criho  robis  juvenes, 
"  qvoniam  fortes  csti^S',  et  verbum  Domini  manet  in  vobis.  et  vicifitis  T>inh;num 
"  (I  Jean  TI).  Sovez  forts  pour  garder  et  défendre  votre  foi  alors  que  tant  la 
"  combattent  et  la  "perdent  :  soyez  forts  pour  garder  la  parole  de  Dieu  et  la  ma- 
"nifester  par  les  œuvres,  alors  que  tant  d'autres  l'ont  chassée  de  leur  ilme; 
"  soyez  forts  pour  acquérir  la  vraie  science  et  pour  vaincre  les  obstacles  que  vous 
"  rencontrerez  quand  vous  voudrez  agir  en  faveur  de  vos  frères. 

"N'avez  pas  peur  qu'on  veuille  vous  imposer  de  graves  sacritices.  vous  d 
"  fendre  des  distractions  licites.  On  veut  seulement  vous  rendre  vraiment  cb 
"votre  âge.  qui  est  celui  des  belles  espérances,  rendre  splendide  votre  carrK^re 
"  afin  qu's^  l'automne  de  votre  vie  vous  puissiez  en  goûter  U-^  fruits  dont  les 
"  fleurs  de  votre  printemps  sont  le  présage. 


dé- 
er 


—  360  — 

eux  aussi  leur  organisation  serrée  et  ne  jetteraient-ils  pas  leurs  filets 
eucharistiques  ? 

Or,  si  nous  voulons  que  nos  enfants  répondent  à  nos  espérances  quand 
ils  seront  laissés  à  eux-mêmes  sur  l'âpre  chemin  de  la  vie,  si  nous  vou- 
lons qu'ils  soient  une  valeur  sur  ce  champ  de  bataille  qui  est  le  monde, 
où  l'on  n'a  plus  à  croiser  le  fer  pour  défendre  son  Dieu,  mais  oii  il  faut 
résister  au  choc  des  idées  malsaines,  se  tenir  debout  dans  un  conflit  de 
doctrines  et  de  tendances  diverses  et  opposées,  où  la  vie  chrétienne  in- 
tense et  passée  à  l'état  d'habitude  est  la  seule  cuirasse  qui  puisse  pro- 
téger le  soldat,  il  faut  de  toute  nécessité  qu'ils  apprennent,  ces  enfants, 
à  devenir  et  deviennent  de  fait  des  communiants,  car  ne  compteront  et 
ne  seront  soldats  demain,  que  ceux  qui  observeront  la  discipline  du  chef. 
Ainsi  l^a  jugé  Pie  X. 

Aussi  nous  avons  entendu  l'invitation  pressante  et  toute  débordante 
d'amour,  par  laquelle  le  chef  de  l'Eglise,  le  vicaire  du  Christ,  convie  nos 
enfants  et  notre  jeunesse  à  la  Table  Sainte.  Il  veut  les  former,  ces 
enfants,  à  une  école  de  vertu  et  de  force.  Que  pouvons-nous  faire  pour 
entrer  plus  efficacement  dans  l'accomplissement  de  ses  desseins;  que 
pouvons-nous  faire  pour  que,  après  avoir  suivi  fidèlement  Jésus  pendant 
dix  mois,  nos  enfants  ne  s'en  éloignent  pas  pendant  les  jours  de  va- 
cances ?  Telle  est  la  question  qui  se  pose  et  tel  est  le  problème  que  nous 
avons  à  résoudre. 

Nous  allons  d'abord  exposer  les  causes  du  mal  et  ensuite  nous  indi- 
querons les  remèdes. 


1° — Les  causes  du  mal. 

Nous  voyons  trois  principales  causes  de  cette  différence  entre  le 
nombre  de  communions  faites  par  nos  élèves  pendant  l'année  scolaire 
et  pendant  les  vacances  : 

1.  —  Le  milieu  dans  lequel  vit  l'enfant  pendant  les  vacances. 

2.  —  L'absence  d'une  préparation  à  faire  pendant  l'année  de  collège. 

3.  —  Le  caractère  et  la  nature  même  de  l'enfant. 

(a)  Le  milieu.  —  Je  ne  veux  pas  ici  généraliser  d'une  manière 
absolue,  mais  indiquer  seulement  un  certain  nombre  de  cas  qui  se  ren- 
contrent en  difierents  endroits  et  qui  ont  été  signalés  par  des  prêtres 
éducateurs  de  la  jeunesse. 

Considérez  dans  quelle  position  difficile  se  trouve  parfois  un  enfant 
pendant  ses  vacances. 

Il  est  jeté  brusquement  en  dehors  d'un  milieu  où  tout  l'édifiait  et  l'in- 
vitait à  communier:  règlement,  confrères,  supérieurs,  bons  exemples, 
pieuses  exhortations,  tout,  au  collège,  lui  créait  une  atmosphère  favo- 
rable. 

Suivez-le  maintenant  dans  sa  ville,  dans  sa  paroisse,  et  jusque  dans  sa 

famille. 


—  361  — 

Très  souvent,  tout  est  cliangé,  même  dans  beaucoup  de  nos  familles 
chrétiennes.  L'atmosphère  est  devenue  lourde  et  n'a  plus  ce  parfum  de 
piété  qui  l'invitait  là-bas,  à  s'approcher  souvent  de  la  Sainte-Table. 
Chez  ceux  avec  qui  il  est  en  contact,  il  trouve  une  indifférence  regret- 
table pour  tout  ce  qui  a  trait  à  la  communion  fréquente.  Les  siens, 
ceux-là  même  <jui  devraient  l'édifier,  son  père,  sa  mère,  ses  frères,  ces 
sœurs  ne  sont  pas  familiarisés  avec  cette  pratique,  et  avec  les  amis  de  la 
famille,  avec  les  fidèles  de  l'endroit,  ils  sont  habitués  à  envisager  la  fré- 
quentation de  la  Sainte-Table  comme  une  pratique  qui  doit  rester 
étrangères  aux  gens  du  monde.  Il  y  a  ici  un  premier  obstacle.  L'enfant 
est  obligé  de  faire  ce  que  les  siens  et  les  autres  ne  font  pas.  Il  est  seul 
pour  défendre  ses  idées,  seul  pour  se  soutenir  dans  ses  résolutions.  Seul 
pour  résister  à  l'influence  du  milieu,  il  n'aura  pas  la  force  d'aller  com- 
munier. La  peur  de  se  singulariser,  un  peu  de  respect  humain,  la  fai- 
blesse naturelle,  ont  vite  ébranlé  ses  résolutions  et  l'amènent  à  adopter 
une  ligne  de  conduite  toute  différente  de  celle  qu'il  s'était  proposé  de 
suivre. 

Mais  il  y  a  plus  que  cela,  dans  certaines  familles. 

Dès  son  arrivée  du  collège,  l'enfant  manifeste  le  désir  d'assister  à  la 
sainte  messe  tous  les  matins  afin  d'y  faire  la  sainte  communion,  et  pour 
cela  il  demande  qu'on  l'éveille  à  une  heure  régulière,  qui  est  celle  de  la 
messe.  A  cette  demande,  on  répond:  "Mon  enfant,  tu  es  fatigué,  tu 
es  en  vacances  et  tu  as  besoin  de  repos,  demeure  au  lit  et  dors  bien  aussi 
longtemps  que  tu  pourras."  "D'ailleurs,  tu  en  fais  assez  de  commu- 
nions pendant  Vannée,"  ajoutent  les  uns.  D'autres,  conservant  toujours 
l'esprit  d'une  formation  dont  le  diable  se  réjouit  beaucoup,  ajoutent  une 
leçon  de  catéchisme  à  leur  façon  et  font  comprendre  à  l'enfant  qu'iZ  est 
dange^-eux  d'abuser  de  la  communion  qvÀind  on  la  fait  souvent,  surtout 
quand  on  est  jeune."     Il  y  a  ici  opposition  directe  et  formelle. 

Donc  pour  ne  pas  compromettre  la  santé  de  l'enfant,  on  se  garde  bien 
de  l'éveiller  pour  l'heure  de  la  messe,  ça  serait  cruel  de  le  faire;  ou  bien 
parce  que  l'on  ne  croit  pas  à  l'efficacité  et  à  la  nécessité  de  la  commu- 
nion, on  persuade  à  l'enfant  qu'il  est  mieux  pour  lui  de  s'en  passer,  ou 
du  moins  qu'il  n'en  souffrira  aucun  dommage.  Et  la  douceur  du  lit, 
unie  à  la  douceur  de  l'invitation  des  parents  et  à  la  force  des  arguments 
donnés,  obtient  une  victoire  facile:  l'enfant  dort  et  oublie  ses  résolutions. 

L'influence  regrettable  du  milieu  peut  se  présenter  sous  une  autre 
forme. 

Sous  prétexte  que  l'enfant  a  bien  travaillé  pendant  l'année  et  qu'il 
mérite  une  récompense,  ou  bien  simplement  parce  que  les  vacances  doi- 
vent être  agréables,  ou  encore  par  négligence  et  bonasserie,  les  parents 
ne  se  préoccupent  guère  de  distraire  leurs  enfants  par  un  travail  hon- 
nête ou  par  des  amusements  l)ien  en  rapport  avec  leur  état.  En  agissant 
ainsi,  ils  méconnaissent  leur  rôle  de  protecteurs  et  de  gardiens,  ils  accor- 
dent trop  de  liberté,  ils  manquent  de  surveillance  et  sont  ainsi  cause  de 
l'éclosion  de  mauvais  penchants  dans  cette  jeune  nature  ;  en  somme  ils 
engagent,  ils  poussent  leur  enfant  vers  un  genre  de  vie  (jui  s'accommode 
mal  avec  la  communion  fréquente. 


—  362  — 

Souvent  encore  le  mal  vient  de  ce  que  Tenfaut  appartient  à  une  de 
ces  familles  qui  jouissent  d'une  certaine  aisance,  et  pour  cjui  les  vacances 
sont,  avant  tout,  un  temps  de  distractions,  d'amusements,  de  parties  de 
plaisirs,  de  villégiature,  de  mondanités  diverses.  Pour  mieux  jouir  du 
repos  on  va  demeurer  à  la  campagne,  loin  des  villes  et  souvent  aussi,  loin 
des  églises.  Dans  ces  familles,  tous  les  jours  les  veillées  se  prolongent 
jusqu'à  une  heure  assez  avancée,  et  le  matin  on  dort  jusqu'à  une  heure 
plus  avancée  encore.  L'enfant  vit  ainsi  dans  une  atmosphère  plus  ou 
moins  saturée  de  mondanités,  et  soit  à  cause  de  l'éloignement  de  l'église, 
soit  surtout  à  cause  du  régime  de  vie  aucjuel  il  est  soumis  (le  sommeil 
du  matin  étant  devenu  une  nécessité),  il  trouve  au  sein  de  sa  famille 
une  pierre  d'achoppement  pour  sa  piété,  et  ses  résolutions  de  communion 
fréquente  sont  abandonnées. 

Mais  la  cause  qui,  pour  le  plus  grand  nombre  des  enfants  de  nos 
maisons  d'éducation,  explique  ce  changement  d'habitude  dans  la  pra- 
tique de  leur  vie,  c'est  la  distance  qui  les  sépare  de  l'église. 

Pour  la  quasi  totalité  de  ceux-ci,  la  communion  sur  semaine  est  régu- 
lièrement impossible.  Ils  pourraient  la  faire  les  dimanches  et  les  jours 
de  fête,  mais  ici  encore  les  difficultés  sont  nombreuses,  car  dans  les  cam- 
pagnes il  n'est  pas  toujours  facile  de  se  rendre  à  l'église  dès  l'heure  ma- 
tinale. Ce  qui  est  pratiquement  possible,  presque  toiijours  du  moins, 
c'est  de  s'y  rendre  une  demi-heure  ou  un  peu  plus  avant  l'heure  de  la 
grand'messe,  mais  alors,  nouvelle  difficulté.  Pourront-ils  recevoir  la 
communion  lorsqu'elle  a  déjà  été  distribuée  une  ou  deux  fois  aux  per- 
sonnes qui  résident  dans  le  voisinage  de  l'église?  Le  curé  ne  peut  pas 
attendre  tous  les  retardataires,  et  puis  est-il  bien  convenable  d'ouvrir 
ainsi  le  tabernacle  pour  chacun  qui  se  présente? 

(b)  La  préparatio7i.  —  Peut-être  aussi  que  l'enfant  ne  laisse  pas  le 
collège  avec  une  préparation  suffisante,  parce  que  pendant  l'année  l'on  a 
négligé  de  le  foiTner,  et  à  la  veille  des  vacances,  on  ne  lui  a  pas  fourni 
des  armes,  on  ne  l'a  pas  prémuni  contre  les  dangers  qui  l'attendaient. 

(c)  L'enfant  lui-même.  —  Cependant,  la  volonté  de  l'enfant,  il  faut 
bien  l'avouer,  bien  qu'elle  puisse  être  aidée  et  soutenue,  dépend  aussi  de 
lui-même,  et  elle  n'est  pas  toujours  disposée  à  faire  les  petits  sacrifices 
nécessaires  pour  continuer,  pendant  les  vacances,  l'œuvre  commencée 
au  collège. 

Chez  les  uns  il  y  a  une  négligence,  une  apathie  naturelle,  ime  absence 
d'ambitions  nobles,  une  légèreté  qui  les  empêchent  de  profiter  des  cir- 
constances qui  leur  rendraient  facile  la  pratique  de  la  communion  fré- 
quente pendant  les  jours  de  repos.  Pour  d'autres,  rol)stacle  vient  de 
mauvais  compagnons.  Oh  !  combien  de  fois,  j'ai  entendu  cette  parole 
navrante:  "Mon  père,  j'ai  été  entraîné  par  un  mauvais  compagnon!" 
Et  l'histoire  de  sa  vie  démontrait  que  ce  mauvais  compagnon,  ce  démon, 
était  revenu  souvent  à  la  charge  et  avait  tenu  ca^ptif  dans  des  chaînes 
honteuses  cet  enfant  f|ui  sans  cela  aurait  conservé  son  cœur  pur. 


—  363  — 

L'obstacle  à  la  communion  fréquente,  c'est  enfin  la  jeunesse  avec  ses 
entraînements  et  ses  passions.  11  en  coûterait  trop  de  se  gêner  à  ce 
point.  On  ne  comprend  pas  le  danger  auquel  s'expose  un  Jeune  homme 
qui  volontairement  s'éloigne  du  chemin  de  la  vertu.  On  remet  à  plus 
tard  les  efforts  qui  peuvent  assurer  une  victoire  présente. 


2"  - —  Les  remèdes  au  mal. 

Le  premier  remède  à  employer,  le  plus  pressant  et  le  plus  important, 
c'est  celui  qui  consiste  à  préparer  un  milieu  à  l'enfant  pour  le  temps  des 
vacances.  C'est  une  vérité  incontestable  que  c'est  au  prêtre  qu'il  appar- 
tient de  former  la  jeunesse  et  de  diriger  le  monde  moral.  Mais  dans 
cette  œuvre  de  formation,  il  y  a  une  influence  avec  laquelle  le  prêtre  doit 
compter,  car  elle  est  une  force  à  laquelle  on  résiste  difficilement  et 
contre  laquelle  viennent  souvent  se  briser  et  s'évanouir  tous  les  efforts 
pour  la  formation  de  la  jeunesse  et  la  direction  des  âmes,  je  veux  parler 
de  la  famille.  (1) 

La  famille  est  le  milieu  dans  lequel  vit  l'enfant;  or  nous  connaissons 
l'influence  du  milieu.  Elle  n'est  pas  négligeable  pour  ceux  qui  ont  un 
caractère  déjà  formé;  pour  l'enfant  elle  est  plus  considérable  encore, 
parfois  même  décisive  pour  toute  une  vie.  Partout  où  il  se  trouve, 
l'enfant  fait  ce  qu'on  l'invite  à  faire,  et  sa  conduite  n'est  ordinairement 
que  la  reproduction  de  ce  qu'il  voit  faire  ou  entend  de  la  part  de  ceux 
avec  qui  il  vit.  Or,  quand  ceux  avec  qui  il  vit  sont  des  personnes  qu'il 
respecte  et  qu'il  vénère,  sont  les  auteurs  mêmes  de  ses  jours,  jugez  de 
l'influence  du  milieu.     N'est-ce  pas  qu'elle  sera  décisive,  irrésistible? 

Il  faut  donc  assurer  à  l'enfant  un  milieu  favorable  pour  le  temps  des 
vacances.  Même,  nous  le  disons  avec  ime  conviction  fondée  sur  le  té- 
moignage unanime  et  concordant  de  tous  ceux  qui  s'occupent  de  notre 
jeunesse  étudiante,  pendant  le  temps  des  vacances:  le  succès  de  l'œuvre 


(1)  Ce  n'est  pas  le  prêtre  qui  agit  le  premier  sur  ronfant.  s'empare  de  son  Ûme 
et  commence  son  éducation.  Ce  n'est  pas  lui  qui  par  la  parole  et  par  l'exemple, 
agit  le  plus  puissamment  et  le  plus  constamment  sur  l'enfant.  Ce  n'est  pas  lui 
qui  est  chargé  d'orienter  sa  vie  en  gouvernant  les  premiers  essais  de  sa  destinée. 
C'est  la  famille.  Elle  est  sa  première  école;  c'est  la  qu'il  recueille  les  premières 
leçons  et  qu'il  reçoit  les  premiers  exemple?.  Elle  e-;t  même  la  seule  pend;int 
quelque  temps,  et  pour  le  reste  du  temps,  qu'elle  le  veuille  o\i  non.  elle  continue 
a  exercr  son  influence,  h  côté,  au-dessus,  parfois  même  :"\  l'inverse  de  l'autre,  sur 
laquelle  elle  a  l'immense  avantage  de  venir  avant  elle.  Et  vous  savez  le  mot  fi» 
souvent  cité  d'Horace  -.  Quo  semel  est  inibuta  recens  servabit  odorem  testa  diu. 
Les  éducateurs  qui  ont  il  lutter  contre  les  tares  de  famille  et  contre  la  tyrannie 
de  leur  atavisme,  ou  contre  l'influence  d'une  éducation  première  mal  comprise, 
savent  très  bien  ce  que  cela  veut  dire. 

C'est  donc  la  famille  qui  apparaît  comme  arbitre  suprême  de  la  destinée  des 
enfants  ;  c'est  chez  elle  qu'il  faut  cherclier  le  secret  de  leur  avenir.  C'est  aux 
parents  que  Dion  a  confié  de  première  main,  l'avenir  des  enfants  ;  l'école  ne  vient 
qu'à  titre  d'auxiliaire  et  de  tuteur  subrogé,  pensée  que  'M>xr  Couraud  a  rendue 
d'un  mot  très  expressif  et  très  heureux  -.l'avenir  des  enfants  est  au  coeur  des 
parents.    (Enseignement  chrétien,  lî)10,  p.  7). 


—  36-i  — 

que  nous  poursuivons  dépend  de  Vatmosphère  dans  laquelle  vivra  l'en- 
fant au  sortir  du  collège.  Si  en  quittant  le  collège  l'enfant  trouve  dans 
la  famille  des  exemples  comme  il  en  avait  pendant  Tannée,  si  quelqu'un 
est  là  pour  le  surveiller  et  lui  donner  des  conseils,  la  transition  sera 
presque  sans  effet  sur  lui. 

Or,  cette  atmosphère,  ce  milieu  familial,  vie  et  salut  de  l'enfant,  c'est 
le  prêtre  dans  le  ministère  paroissial,  et  lui  seul,  qui  le  préparera,  qui  le 
créera  s'il  le  faut.  Le  curé  de  la  paroisse  sera  donc  le  premier  ouvrier 
qui  dépensera  ses  forces  pour  assurer  la  communion  fréquente  des 
enfants  pendant  le  temps  des  vacances. 

Pour  préparer  ce  milieu,  il  faut  d'abord  former  l'esprit  de  nos  popu- 
lations, ce  qui  est  un  travail  considérable.  Nous  savons  que  ce  travail 
a  déjà  été  généreusement  entrepris,  mais  personne  n'en  doute,  il  reste 
encore  beaucoup  à  faire.  Cependant  il  sera  relativement  facile  de  donner 
un  complément  et  une  pleine  efficacité  à  ce  travail,  car  nous  pouvons  le 
dire  avec  un  profond  sentiment  de  joie  et  même  de  fierté  nationale,  nos 
populations  ont  été  conservées  bonnes,  grâce  à  la  vigilance  et  à  l'action 
du  clergé  canadien,  et  aujourd'hui  elles  sont  bien  préparées,  elles  sont 
prêtes  à  recevoir  cette  nouvelle  et  divine  semence  de  la  communion  quo- 
tidienne, que  notre  Pontife  bien-aimé  nous  demande  d'y  jeter  à  pleines 
mains.  Nous  posons  en  principe  que  la  paroisse  sera  ce  que  la  fera  le 
Curé,  et  déjà  pour  illustrer  ce  principe  nous  avons  des  exemples  nom- 
breux. Nous  connaissons  plusieurs  paroisses  où  le  Curé,  avec  un  zèle 
infatigable,  s'est  appliqué  à  propager  la  communion  fréquente  et  quo- 
tidienne, en  employant  la  méthode  intensive  que  signifient  ces  mots  du 
décret  de  1905:  Crebris  admonitionihus  multoque  studio.  . .  .  rappelant 
à  tous  et  avec  soin  les  dispositions  nécessaires  mais  suffisantes  pour  com- 
munier avec  fruit,  et  répondre  ainsi  au  désir  ardent  du  Cœur  de  Jésus. 
Il  a  fait  connaître  et  apprécier  les  immenses  trésors  du  saint  sacrifice 
de  la  messe;  il  a  pressé  ses  paroissiens  de  ne  pas  négliger  ce  trésor  qui 
est  à  leur  disposition,  et  leur  a  proposé  que,  au  moins  un  ou  deux  mem- 
bres par  famille  assistassent  à  la  sainte  messe  chaque  jour;  il  leur  a  fait 
comprendre  que  selon  l'esprit  de  l'Eglise,  sacrifice  et  participation  au 
sacrifice  ne  doivent  jamais  être  séparés,  et  d'avance  il  a  réfuté  les  raisons 
futiles  et  détruit  les  vains  prétextes  que  l'on  se  donne  pour  négliger  l'un 
et  Fautre. 

Aujourd'hui,  dans  ces  paroisses,  l'on  communie.  Les  vains  scrupules 
ont  disparu  et  la  famille  est  devenue  un  des  milieux  les  plus  favorables 
pour  l'enfant  en  vacances.  Il  y  a  là  un  père  et  une  mère  qui  aiment  la 
communion  fréquente  et  y  encouragent  leurs  enfants,  car  ils  en  ont 
compris  la  souveraine  importance  ou  mieux  la  nécessité.  Il  y  a  de  plus 
des  frères  et  des  sœurs  qui  assistent  à  la  sainte  messe  tous  les  jours  et  y 
font  très  souvent  la  sainte  communion.  En  un  mot,  il  y  a  des  conseils 
et  des  exemples,  et  chose  très  consolante,  l'enfant  qui  y  passe  ses  va- 
cances communie  comme  pendant  l'année.  C'est  vraiment  le  cas  de 
rappeler  ces  paroles  de  saint  Pie  V:"^  Qu'il  y  ait  de  bons  confesseurs  et 
ce  sera  la  reforme  complète  de  tous  les  chrétiens." 

Dans  notre  cas  donc,  il  faut  que  par    la  voix  du  prêtre,  les    parents 


—  365  — 

soient  bien  instruits  sur  leurs  devoirs  envers  leurs  enfants.  Ils  doivent 
seconder  le  prêtre  dans  ses  efforts,  surveiller  leur  enfant  pendant  les 
vacances,  le  diriger  par  une  sage  discipline  et  une  régulière  distribution 
de  son  temps,  car  rien  ne  lui  serait  plus  funeste  que  de  l'abandonner  à 
lui-même,  à  ses  caprices,  aux  inclinations  de  sa  nature.  Trop  de  liberté 
amènerait  chez  lui,  et  à  courte  échéance,  la  ruine  morale.  Pendant 
l'année,  l'enfant  a  travaillé,  il  est  un  peu  fatigué,  c'est  vrai,  mais  la 
conclusion  est-elle  qu'il  ne  peut,  qu'il  ne  doit  pas  se  lever  le  matin  pour 
assister  à  la  sainte  messe?  Il  semble  bien  que  ce  sont  là  des  prétextes 
invoqués  par  un  amour  mal  entendu  et  qui  cachent  presque  toujours  un 
manque  de  piété  et  de  foi. 

Non,  ce  n'est  pas  causer  un  dommage  à  la  santé  de  l'enfant  que  de 
l'éveiller  le  matin  pour  qu'il  assiste  à  la  messe  et  y  communie  selon  sa 
dévotion.  Si  l'enfant  se  lève  à  une  'heure  raisonnable,  après  s'être 
couché  de  même,  sa  santé  n'en  sera  que  meilleure,  car  un  sommeil  pris 
à  des  heures  régulières  et  un  lever  qui  évite  la  mollesse  du  matin,  cons- 
tituent une  des  meilleures  lois  de  l'hygiène  physique  et  morale. 

Grâce  à  ce  travail,  nous  avons  vu  des  parents  comprendre  leur  devoir 
vis-à-vis  de  leur  enfant  et  devenir  un  aide  puissant  pour  le  Curé.  Au- 
jourd'hui, ils  secondent  ses  efforts  et  complètent  son  œuvre.  Ils  sont 
convaincus  que  leur  enfant  allant  baigner  les  premiers  instants  de  sa 
journée  dans  l'amour  et  le  sang  de  Jésus,  sera  une  joie  pour  toute  la 
famille;  ils  sont  débarrassés  des  fausses  idées  relativement  à  la  commu- 
nion fréquente  et  se  gardent  bien  d'invoquer  comme  arguments  la 
légèreté  et  l'irréflexion  du  jeune  âge  ou  le  danger  des  abus;  ils  n'osent 
plus  dire  à  l'enfant  qu'il  en  a  assez  fait  pendant  Tannée  et  que  Dieu  ne 
lui  en  demande  pas  autant  pendant  les  vacances  ;  ils  comprennent  que 
c'est  le  Pape,  que  c'est  Jésus  lui-même  qui  invite  les  enfants  à  venir  à 
lui,  disant  à  tous:  Laissez-les  venir  à  moi,  je  les  aime  et  je  les  veux  em- 
brasser. 

Loin  de  se  montrer  indifférents  ou  de  détourner  leur  enfant  de  la 
Sainte  Table,  ils  le  pressent  doucement  de  s'en  approcher,  et  l'amènent 
eux-mêmes  à  Jésus.  Le  régime  de  vie  a  été  changé  en  grande  partie, 
le  reflet  de  mondanité  a  fait  place  à  un  esprit  profondément  religieux, 
et  ceux  dont  la  fortune  le  permet  prennent  encore  les  moyens  pour 
passer  d'agréables  vacances,  mais  tout  en  s'éloignant  un  peu  des  villes 
pour  respirer  l'air  pur  des  campagnes,  ils  aiment  à  choisir  un  endroit 
près  d'une  église  ou  d'une  chapelle,  afin  que  la  distance  ne  devienne  pas 
un  obstacle  pour  ceux  de  la  famille  (lui  aiment  à  communier  .souvent. 
En  ceci,  rien  d'étonnant,  quand  on  se  rappelle  que  Jésus  peut  toujours 
subjuguer  les  cœurs  et  en  renouveler  l'esprit,  et  qu'il  n'est  pas  plus  dif- 
ficile de  soumettre  ces  familles  au  joug  doux  et  suave  de  la  vie  cliré- 
tienne,  qu'il  ne  le  fut  autrefois  de  faire  pénétrer  l'esprit  de  sacrifice  et 
d'abnégation  dans  les  milieux  païens  et  jusque  dans  les  familles  des 
puissants  de  la  Konie  des  César  et  des  Xéron. 

Cependant  le  prêtre,  dans  le  ministère,  n'a  pas  encore  satisfait  à  tonte 
l'étendue  de  son  devoir  quand  il  s'est  efforcé  île  pi-éparer  à  l'enfant  un 


—  36G  — 

milieu  eucharistique.  11  importe  en  effet  de  le  remarquer,  cette  in- 
fluence du  milieu  n'aura  pas  sa  pleine  efficacité,  ne  recevra  pas  sa  per- 
fection et  son  complément,  si  le  curé  ne  porte  ■  pas  personnellement  à 
l'enfant,  pendant  ses  vacances,  un  intérêt  particulier.  Je  dis  même  que 
si  son  zèle  ne  va  pas  jusque  là,  les  premiers  efforts  déployés  dans  l'ac- 
complissement de  ses  devoirs,  ne  seront  pas  suffisants  pour  faire  porter 
des  fruits  abondants. 

Nous  prêtres,  nous  sommes  les  coadjuteurs  de  Dieu  dans  le  monde, 
et  quand  il  s'agit  de  former  cette  classe  d'élite,  ces  citoyens  intègres  qui 
devront  diriger  la  société  et  protéger  les  droits  imprescriptibles  de 
l'Eglise,  le  curé  dans  sa  paroisse  a  sa  très  large  part  de  travail  à  faire. 
De  concert  avec  ceux  q.ui  se  dépensent  dans  une  maison  d'éducation,  il 
doit  faire,  de  la  jeunesse  surtout,  l'objet  particulier  de  son  zèle,  pendant 
le  temps  des  vacances,  puisque  tous  l'admettent,  cette  époque  est  sou- 
vent désastreuse.  Or,  pour  donner  à  la  jeunesse  cette  attention  parti- 
culière et  être  vraiment  un  prêtre  selon  le  cœur  de  Pie  X,  il  faut  qu'il 
trouve  des  moyens  pour  multiplier  son  action  et  assurer  son  influence 
auprès  d'elle. 

Le  temps  est  venu  où  pour  conserver  le  précieux  héritage  de  foi  que 
nous  avons  reçu  de  nos  pères,  il  nous  faut  le  disputer  à  un  ennemi  qui 
est  à  nos  portes,  que  dis- je,  qui  est  au  milieu  de  nous.  Pour  que  les 
avantages  soient  de  notre  côté  dans  cette  lutte,  il  faut  nous  préparer 
des  influences  puissantes  et  des  dévouements  généreux;  pour  cela 
sachons  nous-mêmes  nous  dévouer  sans  compter.  (1) 

Vous  donc  qui  avez  la  charge  des  âmes  dans  une  paroisse,  si  en  outre 
de  votre  action  auprès  des  parents,  vous  vous  appliquez  à  connaître  l'en- 
fant de  nos  collèges  pondant  ses  vacances,  si  vous  l'attirez  à  vous  en  lui 
témoignant  de  l'intérêt,  si  vous  l'engagez  souvent  à  être  fidèle  à  ses  pra- 
tiques de  piété,  si,  selon  les  circonstances,  vous  lui  parlez  de  ses  devoirs 
et  un  peu  de  son  avenir,  s'il  comprend,  s'il  sent  que  vous  l'aimez  pour 
son  Ame  et  par  amour  pour  l'Eglise  et  le  sang  de  Jésus,  en  un  mot,  si 
vous  vous  appliquez  à  le  diriger  en  gagnant  d'abord  sa  confiance,  il  est 


(1)  Xe  dites  donc  jamais  :  j'ai  fait  mon  devoir,  maintenant  advienne  que 
pourra,  je  demeure  tranquille.  .Te  serais  tenté  de  répéter  ici  cette  parole  qu'un 
apôtre  adressait  un  jour  auv  prêtres  de  son  pays  :  "  J'ai  fait  mon  devoir.  Oh  ! 
"  cette  parole  n'est  pas  de  l'Evangile.  Jésus-Christ  même  n'a  pas  parlé  ainsi  de 
"  ses  bourreaux.  J'ai  fait  mon  devoir  !  qu'est-ce  que  cela  ?  Le  devoir  c'est  si 
"froid,  c'est  glacial  comme  la  terre.  Aujourd'hui  ne  calculons  pas  tant,  agissons 
"  davantage.  Que  l'on  forme  les  jeunes  prêtres  à  la  science  et  à  la  parole,  mais 
"  aussi  qu'on  les  forme  il  l'action.  Le  monde  nous  dit  :  Vous  êtes  prêtres  et 
"  vous  tenez  la  France  dans  vos  mains,  voiis  avez  jusque  dans  le  dernier  village 
"  un  lionime  instruit  ;  si  vous  saviez,  si  vous  vouliez,  vou^s  pourriez  nous  écraser. 
"  Eli  hicn  !  sachons  et  voulons,  non  pour  écraser  qui  que  ce  soit.  Dieu  nous  en 
"garde  !  mais  pour  essayer  de  les  sauver  tous.  (Abbé  Mullois,  Industries  du  zèle 
'sacerdotal,  t.  T,  C.  I,  p.  6)  "Nous  pourrions  peut-être  rappeler  ici  l'opportunité 
de  ces  paroles  de  Léon  XIII,  dans  son  Encyclique  aux  Evêques  d'Italie,  le  8  dé- 
cembre 1902  :  "Nous  désirons  que  vers  la  fin  de  leur  éducation  dans  les  Sémi- 
"naires,  les  aspirants  au  sacerdoce  soient  instruits  comme  il  convient,  des  do- 
"  cuments  pontificaux  concernant  la  question  sociale  et  la  démocratie  chré- 
"  tienne."  L'Abbé  J.  Tuntes  a  traité  cette  question  dans  deux  tracts  de  l'action 
populaire. 


—  36;  — 

à  vous  et  nous  ne  craignons  plus  pour  lui.  Tous  le  verrez  à  la  Sainte 
Table  souvent  pendant  la  semaine,  et  votre  récompense  sera  d'avoir 
fortement  contribué  à  faire  un  grand  chrétien. 

Et  pour  dire  toute  notre  pensée,  pourquoi,  dans  l'intérêt  de  Fœuvre 
que  nous  poursuivons,  ne  nous  serait-il  pas  donné  de  voir  partout  ce 
que  nous  constatons  déjà  en  plus  d'un  endroit.  Les  élèves  étudiants 
pourraient  avoir  des  relations  plus  fréquentes  avec  le  curé,  qui  pour 
exercer  sur  eux  une  surveillance  et  une  influence  plus  efficaces,  les  in- 
viterait quelquefois  à  prendre  un  repas  au  presbytère,  et  saurait 
organiser  de  petites  réunions  d'amusements  auxquelles  seraient  invités 
tous  les  élèves  de  la  paroisse.  11  y  a  là  un  excellent  moyen  pour  le  pas- 
teur, de  multiplier  son  action  bienfaisante  dans  la  paroisse  et  surtout 
auprès  des  jeunes  gens.  (1) 

De  plus,  une  union  intime  et  sacerdotale  entre  les  prêtres  de  l'ensei- 
gnement et  ceux  du  ministère  devra  produire  les  meilleurs  résultats  au 
au  point  de  vue  qui  nous  occupe.  Les  premiers  pourront  communiquer 
aux  seconds  des  renseignements  utiles  et  réciproquement.  Ceci  aurait 
pour  effet  de  réchauffer  le  zèle  de  tous,  et  de  mettre  en  lumière  les  diffé- 
rents moyens  d'action  auprès  de  la  jeunesse.  Pour  entretenir  ces  bons 
rapports,  les  prêtres  de  l'enseignement  pourront  profiter  du  temps  des 
vacances  pour  visiter  les  curés  et  les  élèves  eux-mêmes.  11  est  certain 
que  ces  derniers  seront  touchés  de  l'intérêt  qu'on  leur  porte,  et  par  con- 
séquent encouragés  dans  leurs  bonnes  résolutions. 

Comme  conclusion,  nous  croyons  que  grâce  à  l'action  des  curés  et  des 
parents,  il  est  possible  (|ue  les  vacances  soient  vraiment  pour  nos  élèves 
des  jours  de  repos  passés  dans  la  pratique  de  la  vertu.  Ceux  donc  qui 
demeurent  dans  le  voisinage  de  l'église  seront  l'édification  de  tous  par 
la  fréquentation  de  la  Sainte  Table,  et  si  quelques-uns  étaient  pressés  par 
le  travail  ou  les  occupations,  ils  seront  moins  longtemps  dans  l'église, 
mais  ils  ne  se  priveront  pas  pour  cela  de  la  divine  nourriture,  car  quand 
on  est  pressé  ou  en  voyage,  on  reste  moins  longtemps  à  table,  mais  on 
ne  se  prive  pas  ])our  cela  de  manger. 

J'arrive  à  la  question  de  la  distance  de  l'église.  Xous  sommes  ici 
dans  le  Xou veau-Monde.  Xotre  pays  s'étend  entre  les  deux  océans  qui 
donnent  à  1,500  lieues  de  distance  l'un  de  l'autre,  et  la  population  ost 
loin  d'être  aussi  dense  que  dans  la  vieille  Europe.  Il  y  a,  répandu  dan? 
nos  campagnes,  un  peuple  actif  et  laborieux  qui  fournit  à  nos  collèges 


(1)  N'oublions  pas  que  dans  cf>  travail  do  snrvoillaiicp  et  (rcnc<)\na«roniPiit.  le 
curé  pourra,  avec  avantage,  mettre  A  profit  le  zèle  et  l'intelli.i.'eiie("  de  s..n  vicaire. 
Ce  dernier,  en  effet,  comme  tout  prêtre  de  Dieu,  aime  les  Ame-,  et  son  A.L'e  rel.ti- 
vement  peu  avancé,  lui  permet  de  consacrer  aux  œuvres  qu'il  entreprend,  un^  phi-^ 
gra-nde  somme  de  travail  et  <le  dévoilement.  S'il  est  en  même  temps  directeur 
d'un  cercle  de  jeunes  gens.  A.C'.J.C.  on  autre.  A  ce  titre  encor.'  il  i.oiirra  ren.  re 
de  grands  services  i\  notre  cause,  non  seulement  en  protégeant  1  enfant.  i>ar  des 
eus  nue  lui  suggérera  son  zèle,  contre  toute  influence  mauvaise  et  en  le  sr.u- 
int  dans  ses  résolutions,  mais  encore  en  l'intéressant  aux  affaires  du  c-r.de. 


moy 
tenant 


Q 


GS 


près  des  deux  tiers  de  nos  élèves  pour  renseignement  secondaire,  et  ces 
élèves,  pendant  les  vacances,  se  trouvent  séparés  de  l'église  par  une  dis- 
tance qui  varie  de  deux  à  cinq  et  même  à  huit  milles.     Pour  eux,  il  y  a 
généralement  impossibilité  physique  de  venir    très    souvent    à    l'église, 
mais,  remarquons-le  bien,  tout  n'est  pas  dit  quand  on  a  prononcé  ce  mot. 
Si  l'enfant  de  nos  braves  familles  de  cultivateurs  manifeste  le  désir 
de  faire  souvent  la  sainte  communion,  et  si  les  parents  qui  ont  conservé 
la  vieille  foi  des  ancêtres,  ont  été  formés  par  le  pasteur  selon  l'esprit  de 
Pie  X,  l'on  verra,  n'en  doutons  pas,  l'enfant  s'approcher  souvent  de  la 
Table  Sainte,  et  cela  malgré  une  distance  parfois  considérable.  (1)  Je 
n'en  veux  pour  preuve  que  le  fait  suivant:  Il  y  a  telle  paroisse  que  je 
connais,  où  le  curé  s'est  appliqué  avec  zèle  à  former  l'esprit  de  sa  popu- 
lation à  la  communion  fréquente.     Aujourd'hui  les  familles  éloignées 
de  l'église  se  rendent  au  village  parfois  les  jours  de  semaine,  mais  Bur- 
tout  les  dimanches  et  les  jours  de  fête  un  peu  avant  l'heure  de  la  grand'- 
messe,  afin  d"y  faire  la  sainte  communion.     Cette  paroisse  est  formée 
d'une  population    rurale,  le  village    est    composé  de  quelques    maisons 
seulement,  et   cependant   chez   ces   rudes   mais   honnêtes   laboureurs,  le 
nombre  des  communions  pendant  les  trois  dernières  années,  a  augmenté 
de  300  %,  ce  qui  donne  une  moyenne  de  20  communions  par  personne 
pour  l'année  1909,  lorsque  cette  moyenne  n'était  que  de  5  communions 
par  personne  en  1907.     Il  va  sans  dire  que  paniii  ces  personnes,  ainsi 
éloignées  de  l'église,  plusieurs  font,  en  moyenne,  plus  qu'une  communion 
par  semaine.     Ce  fait  prouve  d'abord  que  la  communion  fréquente  et 
quotidienne  est  une  chose  pratique  pour  tout  le  monde,  mais  ne  prouve- 
t-il  pas  aussi  d'une  manière  évidente  que  ceux  de  nos  élèves  qui  seraient 
enfants  de  familles  vivant  dans  de  semblables  paroisses,  pourraient  faire 
la  communion  hebdomadaire  et  môme  plus  qu'hel>domadaire? 

Il  se  présente  la  difficulté  mentionnée  dans  la  première  partie.  Pour 
obtenir  un  semblable  résultat,  il  faut  que  Varmoire  du  bon  Dieu  soit  tou- 
jours ouverte  selon  les  besoins  des  âmes,  mais  ce  qu'exige  ce  besoin  des 
âmes,  en  quoi  consiste-t-il  ?  Il  s'agit  de  la  distribution  de  la  commu- 
nion, le  dimanche,  dans  les  paroisses.  Voici,  je  crois,  une  solution  de 
la  question. 


(l)  Lon  me  citait  dernièrement  plusieurs  cas  de  communions  quotidiennes 
faites  dans  les  paroisses  par  des  personnes  assez  éloignées  de  l'église,  entre  autres 
celui-ci.  Pendant  le  catéchisme  de  première  communion  le  curé  et  le  vicaire 
avaient  bien  expliqué  aux  eîifants  le  désir  de  Notre-Seigneur  de  les  voir  com- 
munier tous  les  jours.  L'un  d'eux  comprit  ce  désir  de  Jésus.  Il  demeurait  il 
lin  mille  de  l'église,  et  cependant  les  temps  pluvieux  de  l'automne  et  les  froids 
de  1  hiver  ne  l'ont  pas  empêché  de  faire  a  pied  tous  les  jours  cette  distance  de 
un  mille  pour  faire  la  sainte  communion.  Il  est  aujourd'hui  dans  un  séminaire 
et  il  continue  sa  bonne  pratique. 

Dans  une  autre  paroisse,  le  cure  a  eu  le  bonlieur  de  voir  ses  enfants  de  pre- 
mière communion,  au  nombre  de  56,  revenir  tous  les  jours  a  la  sainte  Table 
pendant  près  d'une  semaine,  et  cela  malgré  la  distance  de  6  a  7  milles  qui  en 
obligeait  quelques-uns  ù.  partir  de  la  maison  a  4  ou  5  heures  du  matin.  Tous 
venaient  a  pied.  On  est  souvent  étf)iiné  des  merveilles  produites  par  l'Eucharistie 
cliez  les  enfants.     D'autres  cas  iiourraient  être  cités. 

I 


—  369  — 

En  premier  lieu  qu'il  soit  bien  entendu  et  bien  compris  que  la  sainte 
communion  sera  toujours  distribuée  à  des  heures  déterminées  et  inva- 
riables.    Cette  condition  paraît  essentielle  pour  le  progrès  de  l'œuvre. 

L'heure  de  cette  distribution  peut  varier  suivant  les  lieux,  mais  nous 
pouvons  dire  que  dans  les  paroisses  où  le  curé  est  seul,  la  distribution  à 
toutes  les  heures  depuis  6  heures,  et  immédiatement  avant  la  grand"- 
niesse  serait  convenable.  Dans  les  paroisses  où  il  y  a  plusieurs  prêtres, 
la  distribution  pourrait  avoir  lieti  avant  et  pendant  la  messe  basse,  et 
ensuite  à  toutes  les  demi-heures.  Cette  distribution  à  toutes  les  demi- 
heures  a  lieu  même  dans  des  paroisses  où  le  curé  est  seul. 

En  relation  très  intime  avec  cette  question  de  la  communion  avant  la 
grand'messe,  il  y  a  celle  du  nombre  de  confessions  qu'il  faudra  entendre 
le  dimanche  matin.  Ici  nous  nous  contentons  de  dire  que,  avec  le  temps, 
nous  pourrons  amener  les  fidèles,  en  très  grand  nombre,  surtout  ceux 
des  villages,  à  prendre  pour  habitude  de  se  présenter  à  confesse  les  jours 
de  semaine,  lorsqu'ils  croiront  devoir  le  faire,  de  manière  que  le  di- 
manche matin,  ils  n'aient  qu'à  se  présenter  pour  recevoir  la  sainte  com- 
munion. Une  semblable  pratique  supprimerait  de  beaucoup  la  fatigue 
des  confessions  le  dimanche  matin,  dans  les  paroisses  où  le  curé  est  seul. 
X'ayant  que  les  confessions  de  personnes  éloignées  de  l'église,  le  travail 
ne  serait  pas  trop  considérable.  (1) 

Grâce  à  ces  mesures,  le  pasteur  comme  autrefois  le  saint  curé  d'Ars, 
aura  le  bonheur  de  voir  ses  paroissiens  venir  en  grand  nombre,  faire  ce 
que  l'on  a  si  bien  appelé  le  bon  repas  du  dimanche.  Et  s'il  a  la  bon- 
heur d'avoir  des  enfants  de  nos  maisons  d'éducation  dans  sa  paroisse,  sa 
consolation  et  sa  récompense  seront  de  les  voir  s'approcher  souvent  de  la 
Sainte  Table,  et  marcher  sous  le  regard  de  Dieu. 

Cependant,  il  ne  faut  pas  oublier  que,  d'un  autre  côté,  l'enfant  doit 
entrer  en  vacances  bien  préparé  pour  les  différents  devoirs  et  obligations 
que  réclament  son  âge  et  sa  condition.  Or,  cette  préparation,  c'est  nu 
collège  qu'il  la  recevra.  Nous  touchons  ici  aux  devoirs  du  prêtre  édu- 
cateur, et  certes,  nous  pouvons  le  dire,  la  part  de  travail  qui  incombe  à 
ce  dernier  n'est  pas  la  moins  délicate.  En  premier  lieu  il  importe  de 
se  bien  rappeler  que  dans  une  maison  d'éducation,  il  faut  que  chaque 
prêtre,  directeur,  surveillant  ou  professeur,  soit  bien  convaincu  qu'il  a 
une  œuvre  à  faire.  Il  faut  qu'il  se  pénètre  de  l'importance  de  sa  mis- 
sion et  qu'il  voie  ouvert  devant  lui  le  champ  d'apostolat  le  plus  beau  ot 
le  plus  fertile:  l'âme  et  le  cœur  du  jeune  homme. 

Il  y  a  tout  d'abord,  une  préparation  éloignée  qui  se  fait  pendant 
l'année  qui  consiste  à  discipliner  l'enfant  de  manière  à  le  faire  entrer 
dans  la  vie  avec  des  convictions.     Pour  cela,  il  faut  se  servir  de  la  iné- 


(1)   Voir  la  lettre  pastorale  de  Slgr  Arclianibault  -^ur  la  cmiiimmi..ii  fréouente 
publiée  dans  les  annales  des  Prêtres  Adorateurs,  1909,  p.  H52. 


—  370  — 

thode  de  spontanéité  de  préférence  à  la  méthode  d'autorité  (1)  c'est-à- 
dire  qu'il  ne  faut  pas  mettre  comme  dans  un  moule  rintelligence  non 
encore  formée  du  jeune  homme  et  diriger  exclusivement  par  voie  d'au- 
torité sa  volonté  qui  en  est  à  ses  premiers  essais.  A  Tintelligence,  il 
faut  montrer  la  lumière  et  ouvrir  des  horizons  ;  à  la  volonté  il  faut  indi- 
quer line  direction  et  provoquer  son  activité  pour  que  d'elle-même  elle 
se  détermine  à  faire  ce  qu'il  y  a  à  faire.  Pour  cela  il  faut  rappeler 
souvent  à  l'enfant  les  paroles  si  lumineuses  du  décret  de  Pie  X.  La 
communion  quotidienne  est  le  vœu  le  plus  ardent  de  Notre-Seigneur  et 
de  l'Eglise,  et  le  régime  normal  du  chrétien  en  état  de  grâce.  Le  ré- 
sultat principal  à  obtenir  par  la  communion  quotidienne  est  le  triomphe 
sur  la  convoitise  et  la  préservation  des  péchés  mortels.  On  fait  aussi 
de  la  communion  quotidienne  une  question  pour  l'intelligence  d'abord, 
ensuite,  on  invite  l'enfant,  on  le  presse  doucement  pour  qu'il  fasse  l'ex- 
périence de  ce  régime,  et  bientôt  on  est  en  état  de  lui  faire  toucher  du 
doigt  la  vertu  puissante  du  Sacrement. 

Concurremment,  il  faut  s'appliquer  à  développer  dans  l'enfant  le  sen- 
timent de  l'honneur  et  de  la  responsabilité  personnelle,  à  allumer  dans 
cette  jeune  âme  la  flamme  de  l'apostolat,  le  désir  de  faire  du  bien,  de 
se  dévouer  pour  une  cause  sainte  :  VEglise  du  Christ  qui  a  besoin  de  dé- 
fenseurs de  tout  âge  et  de  toute  condition.  Vivant  ainsi,  l'enfant  pren- 
dra conscience  des  énergies  que  renferme  son  être,  il  s'appliquera  à  les 
diriger,  il  vivra  sa  vie  de  collège,  il  ne  la  subira  pas. 


(1)  Voir  Le  Père  Lacordaire  et  les  jeunes  gens",  par  le  Père  Noble,  0.  P. 
p.  66. 

"  Un  jeune  homme  qui  ne  délibère  jamais,  qui  ne  choisit  jamais,  qui  est  pas- 
"  sif  dans  tous  ses  actes,  ne  sera  propre  un  jour  qu'à  obéir  lâchement  aux 
"  hommes  et  aux  choses  qui  le  domineront  par  l'effet  du  hasard.  (Lettres  à  des 
jeunes  gens.  32e  lettre). 

L'  "  Apôtre  de  Marie  "  s'est  demandé,  tout  dernièrement,  comment  il  fallait 
préparer,  façonner  un  jeune  homme  en  vue  de  l'avenir.  Sa  conclusion  nous  est 
ainsi  rapportée  dans  la  Revue  Augustinienne,  t.  16,  p.  644. 

"  Il  faut  avant  tout  enraciner  dans  l'âme  du  jeune  homme  une  foi  à  toute 
'•"épreuve,  un  esprit  qui  ait  en  quelque  sorte  à  l'état  d'instinct,  le  sens  catholique 
'■  et  -ache  faire  rapidement  les  triages  nécessaires,  rejetant  les  éléments  inassi- 
'■  milables  ou  même  nuisibles  et  organisant  les  éléments  utiles.  Nous  ne  pouvons 
"empêcher  une  foule  d'idées  plus  ou  moins  dangereuses  d'arriver  aux  esprits; 
"  les  formations  de  serres  chaudes  sont  un  leurre  aujourd'hui.  Façonnons  donc 
'■'  les  esprits  de  manière  qu'ils  résistent  au  choc  inévitable.  Il  faut  élever  en 
"  conséquence  les  esprits,  non  pas  en  plein  air,  mais  pour  le  plein  air,  non  <lans 
*■'  la  liberté  effrénée,  mais  pour  la  liberté.  I^^es  objections  présentées  par  Jiou-^ 
*  n'auront  rien  de  dangereux  pour  l'âme  ni  l'esprit.  Les  difficultés  du  moment 
*■  conduiront  â  donner  un  enseignement  aussi  complet  que  possible,  fondé  sur  les 
"grands  principes  et  illuminé  par  leurs  expériences  successives.  De  cette  tna- 
'■  nière,  la  vérité,  mêlée  h  leur  vie  concrète,  leur  apparaîtra  plus  claire,  plus  Vi- 
"  vante,  ils  l'aimeront  comme  une  chose  personnelle,  comme  leur  vérité,  et  la 
"(défendront  contre  toute  attaque,  car  ils  se  sentiront  attaqués  et  contredits 
'  en  elle. 

"  Faites  en  sorte,  dit  Mgr  Baunard,  que  les  jeunes  gens  qui  sortiront  de  Vos 
"  mains  aient  la  tête  dans  la  lumière,  le  cœur  dans  la  charité  et  la  conscience 
"  dans  la  force." 


—  371  — 

Cependaut,  le  prêtre  éducateur  n'oubliera  pas  que,  quel  que  soit  le 
milieu  d'où  il  part-  et  celui  où  il  va,  l'enfant  reste  toujours  avec  les  fai- 
blesses de  sa  nature,  surtout  celles  qui  sont  inliérentes  à  son  jeune  âge. 
Pour  cela  il  a  besoin  d'être  aidé,  stimulé  par  des  moyens  qui  l'accom- 
pagnent et  qui  soient  pour  lui  une  sauvegarde  jusque  pendant  les  va- 
cances. Voici  ces  différents  moyens  qui  tous  semblent  pratiques  et 
efficaces. 

La  retraite  de  fin  d'année.  —  Xous  recommandons  fortement  de  ter- 
miner l'année  scolaire  par  une  petite  retraite,  pendant  laquelle,  si  on  ne 
l'a  fait  d'avance,  on  rappellera  aux  élèves  les  dangers  des  vacances,  et 
l'importance  pour  un  jeune  homme  de  conserver  son  cœur  pur  pendant 
ces  jours  et  de  se  donner  à  lui-même  une  preuve  de  la  sincérité  et  de  la 
vitalité  de  sa  vie  chrétienne.  Puis,  afin  de  soutenir  encore  plus  effica- 
cement sa  volonté,  on  aura  recours  aux  moyens  suivants  : 

Correspondance  avec  le  directeur  de  conscience.  —  Comme  il  y  a  obli- 
gation pour  le  confesseur,  au  moins  dans  une  certaine  mesure,  de  pré- 
server ses  pénitents,  même  pendant  les  vacances,  les  confesseurs  dans  les 
collèges  pourront  insister  auprès  d'eux,  afin  de  les  déterminer  à  leur 
écrire  deux  ou  trois  fois  pendant  les  huit  ou  neuf  semaines  de  vacances. 
Dans  ces  lettres,  les  enfants  pourront  dire  comment  se  passent  les  va- 
cances ;  quelles  sont  leurs  occupations  ;  ils  pourront  parler  de  leurs  joies, 
de  leurs  peines,  surtout  ils  devront  dire  s'ils  sont  fidèles  à  leurs  résolu- 
tions de  communier  un  certain  nombre  de  fois  chaque  semaine  ou  cha- 
que mois.  Bien  entendu,  le  confesseur  se  fera  un  devoir  de  répondre 
sans  retard  à  ces  lettres,  rappelant  à  son  pénitent  certains  conseils  ot 
l'assurant  que  cette  correspondance  est  sous  un  secret  inviolable.  Ce 
moyen  a  donné  d'excellents  résultats. 

Distribution  d'un  Billet-Souvenir.  —  Le  moyen  qui  est  peut-être  le 
plus  efficace  est  la  distribution  d'un  billet-souvenir,  sur  lequel  se  trou- 
vent résumés  les  principaux  devoirs  de  l'élève  en  vacances  et  sur  lequel 
aussi  l'enfant  écrit  le  nombre  de  communions  qu'il  s'engage  librement 
et  spontanément  à  faire  pendant  chaque  semaine  ou  chaque  mois.  Cet 
engagement  ne  doit  pas  être  pris  à  la  légère.  Il  doit  être  approuvé  par 
le  confesseur  qui  ne  permettra  pas  à  l'élève  de  le  signer  s'il  prévoit  (|ue 
son  pénitent  sera  forcé  d'y  manquer  à  cause  de  circonstances  indépen- 
dantes de  sa  volonté.  L'enfant  pourra  montrer  ce  billet-souvenir  à  Bei= 
parents  dès  les  premiers  jours  des  vacances  ot  leur  exprimer  son  désir 
d'y  être  fidèle.  Ces  images  conservées  avec  soin,  seront  pour  l'élèvo 
rendu  à  la  fin  de  ses  études  un  "aide  précieux"  pour  faire  sa  retraite 
de  vocation. 

Billet  de  confession.  —  T>e  directeur  du  collège  devra  insister  sur  la 
nécessité  d'apporter  au  retour  des  vacances,  un  billet  de  confession  pour 
chaque  mois.  Bien  entendu,  ceci  n'indiquerait  f|u'un  minimum  de  con- 
fessions. 

Le  tabh'ou-carte.  —  C'est  une  heureuse  combinaison  des  deux  moyens 
qui  précèdent,  et  qui  consiste  en  une  carte  spéciale  sur  la<|Uolle  est  ré- 


—  372  — 

serve  un  petit  carré  blanc  pour  chaque  jour  du  mois.  L'enfant  n'a  qu'à 
l'aire  une  croix  dans  le  carré  qui  correspond  au  jour  de  sa  communion, 
et  à  renvoyer,  chaque  mois,  sous  enveloppe,  cette  carte  à  son  directeur  de 
conscience  en  y  ajoutant  quelques  mots,  s'il  le  veut.  Comme  on  le  voit, 
ceci  peut  tenir  lieu  de  la  correspondance,  qui  se  trouve  rendue  facile  par 
ce  moyen,  et  de  billet  de  confession.  Bien  entendu,  l'engagement  dont 
nous  avons  parlé  sous  le  titre  de  billet-image,  demeure  requis  et  con- 
serve son  efficacité. 

Apostolat  spécial  dans  les  cercles  et  les  congrégations  de  la  S.  Vierge. 
—  Les  directeurs  des  cercles  de  l'A.C.  J.  C.  dans  les  collèges,  pourront 
s'appliquer,  à  la  veille  des  vacances  surtout,  à  faire  une  propagande 
parmi  les  membres  du  cercle.  Ils  y  développeront  l'esprit  d'apostolat 
et  les  nobles  ambitions.  Pour  cela  rappelant  souvent  aux  membres  le 
but  de  leur  association  et  les  moyens  de  l'atteindre,  ils  leur  demanderont 
d'affirmer  pendant  les  vacances  leurs  principes  de  vie  chrétienne  et  de 
semer  abondamment  par  le  bon  exemple.  Le  directeur  de  la  congréga- 
tion de  la  Sainte  Vierge  (1)  pourra  employer  la  même  méthode.  S'il  y 
a  un  cercle  déjà  formé  dans  la  paroisse,  le  directeur  de  ce  cercle,  comme 
nous  l'avons  indiqué  plus  haut,  y  recevra  les  étudiants  avec  une  attention 
spéciale. 

Recommandations  aux  parents.  —  L'attention  des  parents  pourrait 
être  attirée  d'une  manière  particulière,  par  une  lettre  circulaire,  mais 
surtout  par  une  exhortation  publique  à  la  fin  de  l'année,  sur  l'obliga- 
pendant  les  vacances,  et  de  ne  pas  laisser  ses  caprices  et  ses  passions 
pendant  les  vacances,  et  de  ne  pas  laisser  ses  caprices  et  ses  passions 
prendre  l'empire  sur  lui  par  suite  d'un  manque  de  surveillance  ou  d'une 
indulgence  trop  débonnaire  ;  en  un    mot  de  seconder  les  efforts  du  curé. 

Enfin,  avant  de  partir  pour  les  vacances,  le  directeur  de  conscience 
dira  à  l'enfant  :  En  arrivant  dans  votre  paroisse,  allez  en  toute  confiance, 
vers  les  prêtres  qui  sont  là,  faites-vous  bien  connaître  comme  écolier,  et 
si  vous  avez  besoin  d'aller  à  confesse,  allez  les  trouver  sans  gêne  à  l'église 
ou  même  au  presbytère,  toujours  vous  serez  le  bienvenu.  Le  prêtre  édu- 
cateur, de  son  côté,  se  fera  un  devoir  de  continuer  l'exercice  de  son 
ministère  auprès  des  jeunes  gens  qui  passent  les  vacances  dans  le  voisi- 
nage du  collège  en  leur  procurant  l'avantage  de  s'y  confesser  chaque 
semaine  comme  pendant  l'année,  et  même  plus  souvent  si  le  besoin  se 
fait  sentir. 

Avec  la  formation  acquise  au  collège,  muni  do  ces  moyens  qui  lui  rap- 
pelleront ses  résolutions  et  ses  obligations,  vivant  dans  un  milieu  fami- 
lial favorable,  objet  de  la  sollicitude  paternelle  du  curé  et  sous  la  sur- 
veillance éclairée  de  parents  chrétiens,  l'enfant  no  perdra  pas  ce  qu'il 
avait  acquis  au  collège.  Son  apathie  naturelle  sera  secouée,  sa  négli- 
gence vaincue,  les  mauvais  compagnons  éloignés;  il  sentira  naître  dans 
son  âme  un  noble  idéal,  de  pures  et  fortes  aspirations  qui  chasseront 


(1)    Lire  un  article  intéressant  sur  les  congrégations  de  la  Ste- Vierge  «lans 
les  collèges,  paru  dans  les  "Etudes",  20  novembre  1905. 


3-*  o 
(  o  — 

le  respect  humain,  et  les  vacances  ne  seront  pour  lui  que  la  continuation 
des  efforts,  des  luttes,  des  victoires  de  l'année.  Pour  obtenir  ces  heu- 
reux résultats,  il  faut  et  il  suffit  qu'il  y  ait  de  toutes  parts,  une  action 
commune,  uniforme,  méthodique,  et  pour  cela  il  faut  que  tous  soient 
convaincus  de  l'importance  du  travail  qu'il  y  a  à  faire  et  de  la  possibilité 
d'obtenir  un  résultat  pratique. 

Nous  avons  fini,  il  ne  nous  reste  plus  qu'à  exprimer  les  vœux  suivants  : 

1°  —  Que  les  directeurs  et  professeurs  des  maisons  d'éducation  s'ap- 
pliquent pendant  l'année,  à  donner  à  leurs  élèves,  une  formation  en  vue 
des  vacances,  et  qu'ils  organisent  la  croisade  de  la  communion  fréquente 
et  quotidienne  pendant  les  vacances,  en  employant  ceux  des  moyens  in- 
diqués qui  leur  paraîtront  les  plus  convenables; 

2°  —  Que  le  curé  fasse  connaître  aux  enfants  l'intérêt  particulier  qu'il 
leur  porte,  et  rappelle  souvent  aux  parents  le  concours  qu'ils  doivent  lui 
donner  pour  assurer  la  persévérance  des  enfants  durant  les  vacances. 

*   * 

Après  M.  l'abbé  Caïnirand,  M.  l'abbé  DescJuimps  vient 
entretenir  l'assemblée  de  l'"  Education  Eucharistique  des 
Sourdes-muettes"  : 

NOTES    SUR   L'EDUCATION    EUCHARISTIQUE   DES 

SOURDES-MUETTES 


Me  sera-t-il  permis,  au  commencement  de  ce  travail,  de  faire  remar- 
quer que  cette  question  de  l'éducation  eucharistique  des  sourds-muets 
n'a  jamais  été  traitée  dans  les  Congrès  Eucharistiques  précédents,  et  que 
cet  honneur  était  réservé  à  notre  pays  et  à  notre  chère  ville  de  Montréal 
en  particulier? 

Et  potirtant,  dans  le  monde  entier,  même  dans  les  milieux  non  catho- 
liques, on  se  préoccupe  de  l'enseignement  des  sourds-muets.  Naturelle- 
ment placés  à  un  tout  autre  point  de  vue  que  nous,  ils  n'ont  souci  que 
du  développement  intellectuel  et  moral  et  de  la  formation  de  citoyens, 
et  ils  mettent  en  œuvre  toutes  les  ressources  que  peut  fournir  la  science 
pédagogique  la  plus  étendue  pour  arriver  à  ce  but. 

Nous  qui  avons  outre  cette  fin  légitime  des  aspirations  beaucoup 
plus  grandes,  plus  nobles  et  plus  saintes,  celles  de  développer  chez 
ces  déshérités  avec  le  sens  intellectuel  et  moral,  un  sens  religieux  aussi 
parfait  que  le  permet  leur  infirmité;  n'avons-nous  pas  le  devoir  de  ne 
rien  négliger  pour  assurer  à  ces  âmes  en  détresse  le  moyen  de  participer 
aux  inappréciables  bienfaits  de  la  religion  et  particulièrement  de  l'Eu- 
charistie, centre  de  la  vie  des  âmes?  Or.  si  entre  les  catholiques  et  les 
non-catholiques  le  point  de  vue  est  différent,  les  moyens  de  formation 
sont  identiques,  savoir:  transplanter  l'enfant  sourd-muet  de  sa  famille 
dans  un  milieu  plus  favorable  à  l'éclosion  d'une  intelligence  normale  à 


—  374  — 

la  vérité,  mais  dépourvue  des  moyens  les  plus  propres  à  se  manifester, 
la  communication  avec  ses  semblables.  Ce  milieu,  c'est  (1)  l'institution 
des  sourds-muets  et  (2)  des  sourdes-muettes,  et  puisqu'il  s'agit  de  for- 
mation chrétienne,  j'ajouterai:  c'est  l'école  dirigée  par  ces  religieux  et 
ces  religieuses,  que  des  études  spéciales,  s'ajoutant  à  une  sublime  vocar 
tion  ont  rendus  plus  aptes  que  tous  autres  à  ce  genre  d'enseignement.  Je 
laisse  de  côté  tous  les  préliminaires  de  la  formation  intellectuelle  et 
morale  que  reçoit  l'enfant  en  arrivant  à  l'Institution:  efforts  des  insti- 
tutrices à  remplacer  aussi  exactement  que  possible  la  sollicitude  et  le  tra- 
vail maternels,  puis,  le  rapprochement  de  la  parole  connue  avec  l'idée 
qu'elle  représente;  surtout  le  développement  du  désir  d'apprendre  par 
mécanisme  physiologique,  ce  qui  se  présente  directement  à  l'intelligence 
de  l'entendant  parlant.  Ce  mécanisme  ne  crée  pas  de  faculté  spéciale  chez 
l'enfant,  il  ne  sert  qu'à  découvrir  ce  qui  était  caché  chez  lui  et  arrêté 
dans  son  épanchement  au  dehors,  par  sa  malheureuse  infirmité.  Car, 
comme  le  dit  si  bien  de  Gerando  :  "  Le  sourd-muet  possède  le  germe  de 
tous  les  sentiments,  de  toutes  les  affections,  comme  dans  son  entende- 
ment il  y  a  le  foyer  de  la  raison."  En  supposant  donc  acquises  déjà 
par  l'enseignement  journalier,  un  certain  nombre  de  connaissances  ma- 
térielles auxquelles  se  joignent  quelques  idées  abstraites  et  spirituelles 
que  le  maître  ou  la  maîtresse  ont  pu  faire  pénétrer  par  le  moyen  des 
signes  extérieurs,  tels  que  l'alignement,  représentant  l'obéissance  à  un 
règlement  et  à  une  autorité  ;  l'entrée  à  la  chapelle  en  silence,  la  génu- 
flexion, l'inclination  de  la  tête,  comme  manifestation  du  culte  ou  du 
moins  de  respectueux  sentiments  à  l'égard  d'un  être  supérieur  tout- 
puissant  et  qui  voit  tout,  tout  cela,  dis-je,  supposé  acquis,  voyons  par 
quels  procédés  aussi  simples  que  naturels,  on  peut  commencer  l'éduca- 
tion eucharistique  du  sourd-muet. 

La  première  pensée  qui  se  porte  sérieusement  vers  le  tabernacle  chez 
les  sourds-muets  et  le  premier  désir  qui  naît  dans  leur  âme  de  recevoir 
Jésus-Hostie,  viennent  d'abord  de  la  constatation  du  bonheur  sensible 
chez  les  autres  le  jour  de  la  première  communion.  Avec  le  sens  d'ob- 
servation qu'on  leur  connaît,  ils  ont  vite  aperçu  chez  les  privilégiés  de 
la  communion  la  transformation  qu'a  opérée  le  sacreanent.  Ils  ont  re- 
marqué chez  les  uns,  outre  le  reflet  joyeux  de  la  physionomie  qui 
marque  le  bonheur  de  l'âme,  mille  indices  révélateurs  des  grandes  choses 
qui  viennent  de  s'opérer  en  eux:  la  modestie  du  maintien,  du  regard, 
le  recueillement  et  le  silence,  la  douceur  et  la  charité  dans  les  rapports, 
surtout  la  réforme  de  la  conduite.  De  telle  sorte  que  s'ils  trouvent  chez 
quelques-uns  un  manque  d'harmonie  entre  le  grand  acte  accompli  et  la 
conduite  ordinaire  de  la  vie,  ils  en  demeurent  surpris  et  scandalisés. 
Leurs  regards,  lorsqu'ils  rencontrent  une  de  ces  inconséquences  semblent 
dire  à  tous  :  Eh  quoi  !  voilà  un  jeune  homme  ou  une  petite  fille  qui  a 
communié  et  tout  le  fruit  de  sa  communion  se  résume  à  cela?  Comment 
peut-il  donc  agir  ainsi  ? 


(1)  Institut  des  Clercs  Viateurs,  St-Louis,  Montrf^al. 

(2)  Institution    des  Sœurs  de  la  Providence,  595,  rue  St-Denis,  Montréal. 


—  375  — 

En  même  temps  qu'il  constate  facilement  (sans  pourtant  s'en  rendre 
bien  compte)  les  effets  de  la  communion  dans  l'âme  et  dans  la  conduite, 
le  sourd-muet,  va  se  mettre  immédiatement  à  l'œuvre  pour  opérer  chez 
lui-même  ce  qu'il  voit  avoir  été  chez  les  autres  la  condition  de  l'admis- 
sion au  banquet  eucharistique.  Et  alors,  il  n'est  pas  d'effort  qu'il  ne 
fasse  pour  corriger  ses  défauts  et  acquérir  les  vertus  préparatoires  au 
sacrement.  C'est  chez  lui  comme  chez  tous  les  autres,  la  manifestation 
la  plus  claire  de  l'ardent  désir  qui  remplit  son  âme,  et  qui  les  fait  dès 
longtemps  avant  la  fin  de  leur  préparation,  solliciter  la  faveur  désirée 
par  d'instantes  prières  et  même  avec  des  larmes.  C'est  ce  désir  que 
l'instituteur  va  exploiter  pour  inculquer  à  l'enfant  la  formation  reli- 
gieuse et  eucharistique.  Il  n'est  pas  de  détails  inutiles,  et  le  maître 
compétent  trouvera  toujours  matière  à  enseignement  là  où  d'autres  ne 
trouvaient  rien  à  relever  ou  à  reprendre.  Il  va  sans  dire  qu'une  con- 
naissance approfondie  des  lois  pédagogiques  et  psychologiques  est  néces- 
saire en  cela,  et  on  ne  doit  rien  négliger  pour  l'acquérir.  A  ce  souci  de 
devenir  meilleur,  se  joint  naturellement  celui  d'apprendre  les  choses  de 
la  religion,  sans  lesquelles,  il  le  sait,  il  ne  pourrait  jamais  faire  sa  pre- 
mière communion.  Il  étudie.  Les  éléments  de  l'histoire  sainte,  sous 
la  direction  du  maître  ou  de  la  maîtresse,  lui  fournissent  les  premières 
idées  de  Jésus  Sauveur.  Les  récits  bibliques  éveillent  chez  le  sourd-muet 
un  intérêt  qui  va  chaque  jour  croissant,  et  prennent  dans  leur  vie  quoti- 
dienne une  forme  de  leçons  pratiques  qui  vont  façonner  leur  âme  sur  le 
divin  modèle,  et  l'unir  par  anticipation  à  l'âme  de  Jésus.  L'enfance 
de  Xotre-Seigneur  à  Xazareth,  telle  que  l'Evangile  et  la  foi  nous  per- 
mettent de  l'imaginer,  tous  les  actes  du  Sauveur  adolescent,  toutes  les 
manifestations  des  vertus  de  l'Homme-Dieu  sont  successivement  rap- 
prochés de  sa  vie  et  de  ses  actes  journaliers,  et  présentés  à  son  imitation. 

Puis  les  grandes  scènes  de  la  vie  publique  sont  commentées  en  toute 
simplicité  pour  développer  leur  connaissance  des  attributs  de  Dieu,  sur- 
tout de  sa  puissance,  de  sa  sagesse,  de  sa  bonté;  et  en  faisant  passer 
devant  leurs  yeux  les  miracles  du  Verbe  Incarné,  on  a  soin  d'appuyer 
davantage  sur  ceux  qui  peuvent  plus  facilement  exciter  les  sentiments 
de  reconnaissance:  tels  que  les  guérisons  des  malades,  la  multiplication 
des  pains,  figure  de  l'Eucharistie.  Mais  c'est  le  miracle  des  miracles 
qui  va  faire  l'objet  d'un  enseignement  précis,  détaillé,  tout  plein  de  la 
plus  haute  portée  morale  et  religieuse.  Le  sourd-muot  conimoncc  alors 
à  comprendre  tout  ce  qu'il  peut  tirer  de  l'Eucharistie  pour  la  nourri- 
ture de  son  âme,  pour  le  secours  dans  la  tentation,  pour  l'assurance  de 
son  salut:  et  sa  foi  et  sa  confiance  s'en  accroissent  davantage.  De 
même  en  est-il  de  la  prière  qu'il  fait  alors  avec  plus  de  piété  «'t  du 
sacrifice  de  la  messe  auquel  il  assiste  avec  plus  de  recueillement,  ])arco 
qu'il  les  comprend  mieux. 

Après  quelques  années  d'une  préparation  aussi  minutieuse  qui  exige 
du  maître  ou  de  la  maîtresse  tant  de  sollicitude  et  de  travail.  <-t  de 
l'élève  une  correspondance  de  tous  les  instants,  le  sourd-muet  semble 
parfaitement  disposé  à  retirer  de  l'auguste  sacrement  tous  les  fruits  (|ue 
l'Eglise  en  attend. 


—  376  — 

En  effet,  si  Ton  a  pu  admirer  chez  lui,  les  effets  merveilleux  de  trans- 
formation morale  que  produit  le  seul  désir  de  la  communion,  combien 
plus  admirables  encore  sont  les  fruits  du  sacrement. 

Déjà  pour  les  chrétiens  fervents,  possédant  tous  leurs  sens  extérieurs, 
l'Eucharistie  est  le  centre  de  la  vie  spirituelle,  l'école  des  vertus  et  le 
secret  de  la  perfection;  mais  ces  pauvres  êtres,  à  cause  de  la  plus  grande 
simplicité  de  leur  âme,  s'abandonnent  plus  totalement  à  l'influence  de 
l'Eucharistie.  Ils  se  livrent  tout  entiers  et  se  laissent  façonner  comme 
une  cire  chaude  selon  la  volonté  de  celui  qui  possède  toute  leur  âme.  La 
pensée  de  l'Eucharistie  les  suit  partout.  Ils  apparaissent  bien  dans  tous 
leurs  actes  comme  placés  directement  sous  les  regards  divins  de  Celui 
qui  habite  en  eux.  De  là,  leurs  efforts  constants  d'observer  dans  toutes 
leurs  actions  et  jusque  dans  les  moindres  gestes  une  modestie  exemplaire 
et  d'éviter  à  tout  prix,  ce  qui  pourrait  blesser  la  vue  de  leur  Sauveur 
caché  dans  leur  cœur  aussi  bien  que  sous  la  blanche  hostie.  Et  comme 
dans  la  vie  de  saint  Louis  de  Gonzague,  la  plus  grande  partie  du  temps 
qui  s'écoule  entre  deux  communions,  est  employée  en  actions  de  grâces 
pour  la  première  et  en  préparation  de  la  seconde.  Et  comme  aussi  le 
disait  si  bien  le  directeur  de  l'Institut  des  sourds-muets  de  Montréal,  le 
Eévérend  Père  Cadieux  :  "  La  joie  seule  de  pouvoir  renouveler  le  bonheur 
de  l'union  de  son  âme  avec  le  Dieu  Eucharistique  pousse  le  sourd-muet 
à  s'approcher  de  la  table  des  anges.  Et  cette  grande  action  il  la  fait 
avec  une  préparation  sérieuse  et  avec  un  profond  respect." 

La  communion  quotidienne  est  en  usage  parmi  les  élèves  actuels. 
Avec  ce  secours,  il  n'est  aucun  sacrifice  qu'ils  ne  puissent  accepter 
généreusement.  Plaire  à  Jésus  et  sauver  leur  âme  étant  leur  unique 
préoccupation. 

Après  la  sortie  de  l'Institution,  il  faut  avouer  que  cet  amour  de  la 
sainte  communion  s'affaiblit  chez  un  grand  nombre  de  nos  élèves.  A-t- 
on remarqué  pareille  diminution  de  ferveur  chez  ceux  qui  entendent? 
Peut-être.  En  tout  cas,  ne  voyant  pas  leurs  parents  et  leur  voisinage 
aussi  réguliers  à  la  Table  Sainte  que  leurs  maîtres  et  maîtresses  et  leurs 
condisciples  et  compagnes,  obligés  de  se  lever  de  bonne  heure,  après  avoir 
le  soir  précédent  veillé  sans  doute  plus  tard  qu'à  Técole,  ne  trouvant 
plus  un  règlement  déterminé  et  un  moniteur  pour  régler  ce  lever,  forcés, 
ou  de  gagner  leur  vie,  ou  de  prendre  soin  du  ménage  et  d'une  famille 
naissante,  ou  bien  encore,  rencontrant  certaines  gênes  ou  difficultés  à 
faire  leur  confession  à  un  prêtre  peu  habitué  à  leur  langage,  ils  négligent 
peu  à  peu,  malgré  les  avertissements  et  les  conseils,  la  réception  de  la 
sainte  Eucharistie.  Il  faut  dire  toutefois  que  plusieurs  commimient 
tous  les  mois,  d'autres  tous  les  quinze  jours,  un  certain  nombre  chaque 
semaine,  et  quelques  heureuses  exceptions  plusieurs  fois  la  semaine  et 
tous  les  jours.  La  vraie  école  de  la  vertu  et  du  devoir,  c'est  donc  la  très 
sainte  Eucharistie. 

On  trouve  enfin  chez  le  sourd-muet  et  la  sourde-muette  le  digne  cou- 
ronnement de  cette  vie  de  foi  et  d'amour  envers  l'Eucharistie  dans  une 
mort  joyeuse  et  douce  qui  fait  l'admiration  de  tous    ceux  qui  en    sont 


—  377  — 

I 

témoins  aussi  bien  que  la  consolation  des  maîtres  et  des  maîtresses  de 

ces  infortunés. 

Ces  quelques  remarques  suffiront  pour  faire  comprendre  avec  quel 
enthousiasme  et  quelle  joie  profonde,  les  sourds-muets  et  les  sourdes- 
muettes  ont  accueilli  la  nouvelle  du  décret  de  notre  Saint  Père,  Pie  X, 
sur  la  communion  fréquente.  Communier  tous  les  jours  est  pour  nos 
chers  enfants  le  suprême  bonheur  et  véritablement  le  commencement 
du  ciel. 

Vœux  : 

Comme  l'expérience  prouve  que  les  élèves  sourds-muets,  une  fois  sortis 
des  Institutions  sont  plus  exposés  que  d'autres  à  perdre  de  leur  ferveur 
et  de  leur  amour  envers  l'Eucharistie,  je  me  permets  de  formuler  les 
vœux  suivants  : 

I.  Que  l'attention  la  plus  grande  soit  donnée  aux  sourds-muets  et 
sourdes-muettes  des  paroisses  dans  l'accomplissement  de  leurs  devoirs 
religieux,  en  leur  facilitant  et  la  confession  et  la  communion. 

II.  Que  Messieurs  les  Curés  aident  de  toute  leur  influence,  les  profes- 
seurs de  l'une  et  de  l'autre  Institution  dans  les  tentatives  souvent  in- 
fructueuses qu'ils  font  auprès  des  parents  pour  retenir  le  plus  longtemps 
possible  les  élèves  en  classe,  et  leur  donner  ainsi  une  formation  eucha- 
ristique plus  solide  et  plus  durable. 

III.  Que  partout,  autant  qu'ils  le  peuvent,  ils  veuillent  bien  aider 
également  de  leurs  conseils  et  de  leur  influence,  les  parents,  pour  les  dé- 
terminer à  faire  instruire  leurs  enfants  sourds-muets  dès  que  l'âge  le 
leur  permet  et  contribuer  ainsi  à  leur  faire  connaître  plus  tôt  le  Dieu 
de  l'Eucharistie. 


Enfin,  une  autre  section,  intéressante  elle  aussi,  de  l'en- 
fance chrétienne,  est  celle  dont  nous  entretient  le  R.  P.  Badeî, 
clerc  de  St-Viateur,  en  traitant  de  : 

LA   FORMATION    DES    ENFANTS    DE    CHŒUR 


Si  la  sainte  Eglise  permet  de  suppléer  par  des  enfants  de  chœur,  aux 
clercs  nécessaires  pour  les  fonctions  sacrées,  c'est  qu'elle  rencontre  faci- 
lement, en  effet,  dans  renfanco,  sinon  la  gravité  et  le  sérieux,  du  moins 
l'innocence  et  la  piété  que  réclament  nos  sublimes  mystères. 

Cependant,  si  personne  ne  parle  à  ces  enfants  de  la  dignité  de  leur 
rôle,  si  personne  ne  leur  enseigne  à  le  remplir  pieusement,  si  en  un  mot 
ils  sont  livrés  à  eux-mêmes,  bientôt  ils  se  familiarisent  avec  les  choses 
les  plus  saintes,  et  deviennent  les  plus  dissiix's  et  les  plus  turbulents  des 
enfants  de  la  paroisse.  Trop  souvent  c'est  l'appas  seul  de  quelques  sous 
à  gagner,  et  non  la  piété,  qui  les  attire  à  l'église.  Aussi  les  voit-on 
parfois  exécuter  avec  routine,  sans  tenue,  leur  angéliquo  ministère. 
Faut-il  s'étonner  si,  dans  la  suite,  quelques-uns  d'entre  eux  ilnissent  par 
s'éloigner  de  toute  pratique  religieuse? 


—  3TS  — 

Pour  éviter  ce  déplorable  déiiouement  d'un  des  plus  beaux  rôles  de 
l'enfance,  que  leur  a-t-il  manqué?  Eien  autre  qu'une  formation  sérieuse, 
d'abord  basée  sur  un  choix  Judicieux,  puis  développée  par  un  enseigne- 
ment soigné  des  cérémonies,  et  enfin  couronnée  par  une  culture  morale 
inspirée  surtout  de  recueillement  et  de  piété. 

1°^ — Choix  des  enfants  de  chœur 

On  doit  choisir  les  enfants  de  chœur  parmi  Vélite  des  jeunes  garçons 
de  la  paroisse  :  leurs  fonctions  quotidiennes  qui  les  rapprochent  de  nos 
saints  mystères,  leurs  relations  étroites  avec  le  prêtre  et  l'Eucharistie 
dont  ils  sont  les  ministres  subalternes,  leur  personne  destinée  à  être  un 
jour  ou  les  lévites  du  Dieu  trois  fois  saint,  ou  bien  les  chrétiens  les  plus 
parfaits  de  la  localité,  sont  autant  de  raisons  graves  qui  incitent  MM. 
les  Curés  ou  leurs  suppléants  à  faire  un  excellent  choix.  (Dans  ce  mot 
''  suppléants  "'  nous  comprenons  non  seulement  MM.  les  vicaires  et  les 
chapelains,  mais  encore  le  religieux,  religieuses  et  toute  personne  légiti- 
mement chargée  de  diriger  les  enfants  de  chœur.) 

Que  l'on  se  garde,  en  conséquence,  d'accepter  indifféremment,  sans 
examen,  les  premiers  enfants  qui  se  présentent.  Trop  jeunes,  ils  seraient 
inaptes  à  comprendre  et  inhabiles  à  exécuter  les  diverses  cérémonies  de 
notre  culte;  trop  âgés,  ils  ne  pourraient  pas  rendre  de  longs  services. 
Le  plus  pratique  est  de  choisir  parmi  les  garçonnets  d'une  dizaine  d'an- 
nées :  le  prêtre,  le  frère  ou  la  sœur  catéchistes  apprennent  alors  à  les 
mieux  connaître,  peuvent  aisément  les  former  et  les  utiliser  pendant  les 
quatre  ou  cinq  années  qu'ils  doivent  encore  fréquenter  l'école  primaire. 

En  second  lieu,  ils  doivent  appartenir  aux  familles  réputées  les  meil- 
leures de  la  paroisse  :  les  meilleures  moins  par  l'aisance  que  par  la  vertu  : 
"  les  pauvres,  rappelle  Bossuet,  sont  les  véritables  citoyens  de  cette 
bienheureuse  cité  que  l'Ecriture  Sainte  nomme  le  royaume  de  Dieu  dans 
l'éternité,  et  par  conséquent  aussi  de  l'Eglise  militante  qui  est  le 
royaume  de  Dieu  dans  le  temps."  Qu'ils  entrent  donc  les  premiers,  et 
que  l'on  évite  d'écarter  systématiquement  des  fonctions  sacrées  certains 
enfants,  parce  que  pauvres. 

En  troisième  lieu,  ils  seront  intelligents,  propres  à  recevoir  une  bonne 
éducation  religieuse,  puis,  sur  appel  divin,  une  culture  littéraire  et 
théologique.  Avant  tout,  ils  se  distingueront  par  leur  pieuse  docilité 
et  se  montreront  attachés  au  prêtre,  disposés  à  accepter  son  influence  et 
à  suivre  ses  conseils. 

Eésumons-nous :  de  la  soumission  auréolée  do  piété,  une  intelligence 
ouverte,  des  parents  très  chrétiens,  une  dizaine  d'années  d'âge,  telles 
peuvent  être,  à  notre  humble  avis,  les  bases  de  l'admission. 

2°  —  Formation  technique 

Après  un  bon  choix,  il  est  permis  de  se  promettre  im  excellent  groupe 
d'enfants  de  chœur,  si  l'on  veut  s'adonnor  avec  méthode  à  leur  forma- 
tion technique. 


—  379  — 

La  personne  chargée  des  petits  clercs  doit  s'appliquer  à  savoir  exac- 
tement elle-même  les  cérémonies  quelle  se  propose  d'enseigner,  puis 
s'attacher  tout  d'abord  à  former  de  bons  Servants  de  Messe.  Pour  cela, 
elle  groupe  les  garçons  choisis,  leur  apprend  à  lire  les  Képons  de  la 
Messe  et  leur  en  donne  le  sens  général  et  précis  ;  ensuite,  ces  Répons,  elle 
les  imprime  profondément  dans  leur  mémoire,  phrase  par  phrase,  et 
exige  toujours  une  prononciation  articulée,  correcte,  bien  accentuée. 

Après  quoi  seulement  elle  aborde  les  Cérémonies;  d'abord  celles  de  la 
Messe  basse  ordinaire,  pour  passer  à  celles  de  la  Grand'Messe.  Elle  a 
soin  de  procéder  du  simple  au  complexe,  du  fréquent  au  plus  rare,  et 
d'exercer  ses  jeunes  clercs  par  mouvements  et  évolutions  répétés. 

Si  la  série  des  cérémonies  forme  un  tout  trop  considérable,  elle  la 
sectionne  en  parties  restreintes,  bien  tranchées  et  faciles  à  distinguer 
des  autres,  et  elle  ne  passe  à  la  section  suivante  que  si  la  précédente  est 
retenue  et  suffisamment  pratiquée  en  exercices  simulés. 

Pour  toutes  les  cérémonies  importantes,  surtout  les  complexes,  il  est 
très  utile  d'en  donner  au  moins  une  répétition  d'ensemble  au  chœur  et  à 
l'autel  où  l'office  doit  avoir  lieu:  par  ce  moyen,  les  enfants,  si  faciles  à 
se  décontenancer,  se  familiarisent  avec  les  lieux  et  les  dispositions  par- 
ticulières du  sanctuaire. 

Dans  CCS  exercices  préparatoires,  soit  partiels,  soit  généraux,  il  faut 
veiller  à  la  tenue,  à  la  démarche  de  chaque  élève,  et  exiger  une  exacte 
précision  avec  un  ensemble  parfait  et  des  mouvements  sans  raideur  ni 
gaucherie.  L'enfant  intelligent  et  avide  de  succès,  est  capable  des  plus 
surprenants  efforts  pour  se  dépouiller  de  ses  allures  rustiques  et  sans 
grâce,  et  donner  à  son  maintien  plus  d'élégance  et  d'esthétique  reli- 
gieuses. 

'  Mais  ne  perdons  pas  de  vue  que  les  enfants  sont  aussi  par  nature 
légers  et  oublieux.  Il  faut  donc  revenir  fréquemment  sur  les  mêmes 
fonctions,  les  mêmes  cérémonies.  Des  répétitions  générales  s'imposent 
au  moins  chaque  mois,  si  l'on  veut  obtenir  et  conserver  une  troupe  stylée 
d'enfants  de  chœur. 

D'abord  la  répétition  portera  sur  les  répons  liturfii(iiirs  <\uo  tout 
servant  à  l'autel  doit  savoir  imperturbablement  et.  autant  que  possible, 
comprendre.  S'il  n'a  pas  l'intelligence  des  paroles  latines  qu'il  récite, 
l'enfant  se  relâche  jusqu'à  en  fort  mal  prononcer  les  syllabes;  il  accentue 
à  faux,  bredouille,  coupe,  omet,  au  point,  si  l'on  n'y  veille  de  près,  de 
donner  du  répons  le  premier  et  le  dernier  mot  que  relie  un  marmottage 
sans  signification  aucune.  Ailleurs  il  anticipe  avec  irrévérence  sur  l'of- 
ficiant, —  comme  d'ordinaire  il  arrive  à  VOrate  fratres  " ,  —  et  déroule 
avec  volubilité  son  long  répons,  sans  avoir  attendu  la  fin  du  verset. 

Plus  fréf|uentes  encore  sont  les  revisions  que  réclament  les  m,ouve- 
ments,  car  ils  se  composent  de  détails  plus  nombreux  et  présentent  bien 
des  complications  pour  un  jeune  cerveau.  Un  bon  "Maître  des  Céré- 
monies ne  craint  pas  de  répéter  tous  les  mois  les  principales  fonctions. 
De  préférence,  il  choisit  l'heure  qui  précède  la  Orand'Mosso  nu  les 
Vênres,  selon  la  disponibilité  du  local  et  dn   temps.     Bien  plus,  avant 


—  380  — 

un  office  important  ou  rare,  devant  ses  enfants  en  habits  de  cliœur  et 
rangés  il  rappelle  les  fautes  habituelles,  les  remarques  générales  et  les 
rites  spéciaux  à  cet  office,  afin  de  rafraîchir  la  mémoire  des  enfants  et 
d'attirer  leur  attention  sur  les  particularités  du  jour. 

Un  autre  moyen  de  prévenir  et  de  combattre  leur  légèreté  et  leur 
insouciance  natives,  et  par  là  de  stimuler  leur  attention,  c'est  celui 
d'établir  en  eux  de  V émulation.  Sans  doute,  ce  sentiment  trop  dé- 
veloppé pourrait  éveiller  l'envie,  la  jalousie,  les  disputes;  mais  contenu 
dans  de  sages  limites  et  dirigé  avec  tact,  il  produit  d'excellents  résul- 
tats. Le  Maître  des  Cérémonies  divise  ses  petits  clercs  en  trois  groupes 
principaux  :  le  premier  comprend  les  grands  fonctionnaires  :  cérémo- 
niaire,  thuriféraire  ;  le  deuxième,  les  acolytes  et  le  porte-attributs  ;  le 
troisième,  les  divers  cérofaires.  Il  décrète  ensuite  que  pour  être  admis 
à  passer  dans  la  classe  supérieure,  l'enfant  doit  s'être  acquitté  dignement 
de  ses  charges  inférieures.  Par  cette  disposition,  il  établit  un  concours 
permanent  de  bonne  tenue  et  de  savoir-faire  parmi  son  petit  monde  qui 
se  surveille  et  rivalise  d'efforts  pour  obtenir  de  l'avancement.  Et  afin 
d'alimenter  ce  concours  et  d'entretenir  l'émulation  d'une  promotion  à 
l'autre,  il  a  grand  soin  de  former  plusieurs  enfants  aux  mêmes  fonctions 
et  d'alterner  les  rôles  entre  les  membres  de  chaque  groupe.  Qu'on 
veuille  bien  mettre  ces  petites  industries  à  l'essai,  et  l'on  se  convaincra 
de  leur  excellence  et  contre  la  routine  ou  la  légèreté  enfantines,  et  contre 
la  vanité  prétentieuse,  indépendante  de  petits  fonctionnaires  sans  con- 
currents :  mais  à  la  condition  cependant  de  toujours  réserver  aux  plus 
habiles  et  aux  plus  attentifs,  les  cérémonies  les  plus  solennelles  ou  les 
plus  beaux  costumes  de  chœur.  Les  enfants  sont  vivement  sensibles  à 
ces  marques  d'honneur,  s'ils  les  voient  attribuées  à  leur  conduite  et  apti- 
tudes à  l'autel.  Et  de  temps  à  autre,  il  serait  habile  de  distribuer 
médailles,  images,  pieuses  brochures  aux  plus  méritants. 

A  ces  récompenses  individuelles  peu  onéreuses  et  très  efficaces,  donc  fort 
pratiques,  mais  personnelles,  il  est  bon  d'ajouter  des  récompenses  collec- 
tives, accordées  à  la  troupe  entière  en  retour  de  sa  bonne  volonté  générale  : 
par  exem_ple,  des  soirées  récréatives  où  le  Directeur  des  enfants  de  chœur 
s'ingéniera  à  trouver  des  jeux  variés  et  aimés,  ou  à  réjouir  les  yeux  par 
des  vues  instructives,  faites  à  la  lanterne  magique  ou  au  cinémato- 
graphe ;  ou  encore  à  délecter  les  oreilles  avides  par  d'agréables  auditions 
de  phonographe,  chant  et  musique,  déclamations  dramatiques  ou  co- 
miques. Et  puis,  la  belle  saison  venue,  on  organiserait  des  pique-niques 
ou  mieux  de  pieux  pèlerinages  aux  sanctuaires  voisins;  enfin  un  "  Arbre 
de  Noël  "  ou  une  Fête  annuelle  avec  un  programme  attrayant  et  des  prix 
décernés  aux  plus  assidus  à  bien  remplir  leurs  fonctions  sacrées. 

En  agissant  ainsi,  le  prêtre,  ou  son  suppléant,  est  sûr  de  s'attacher 
ses  disciples  toujours  acessibles  à  ces  amabilités  palpables,  de  les  retenir 
sous  son  influence  et  do  leur  faire  aimer  un  ministère  qui  leur  procure 
de  si  pures  jouissances. 

Mais  épris  du  zèle  de  la  Maison  de  Dieu,  il  ne  saurait  se  contenter  des 


—  381  — 

apparences.  Avant  tout  il  aspire  à  former  la  conscience,  le  cœur  de  ses 
petits  clercs.  Aussi  ne  peut-il  concevoir  leur  formation  technique  sans 
l'appuyer  solidement  sur  son  fondement  naturel:  sur  une  profonde 
formation  morale. 

3" — Formation  morale 

Chez  l'enfant  de  chœur,  cette  formation  doit  embrasser  deux  disposi- 
tions spéciales:  le  recueillement  et  la  piété  :  la  première  prépare  à  la  se- 
conde, et  toutes  deux  assurent  l'attention,  la  bonne  tenue,  la  ferveur  que 
demande  le  service  de  Dieu. 

(a)  Recueillement.  —  Nous  devons  veiller  tout  d'abord  à  ce  que  l'enfant 
n'apporte  pas  dans  le  lieu  saint  sa  dissipation  coutumière  du  dehors.  Pour 
l'aider  à  s'en  dépouiller  facilement,  commençons  à  exiger  à  la  sacristie  ou 
au  vestiaire,  ces  vestibules  du  sanctuaire,  un  silence  profond  et  religieux. 
Ne  permettons  ni  à  nous  ni  à  personne  des  propos  déplacés,  des  plai- 
santeries railleuses,  des  conversations  inutiles.  Xous  faut-il  donner  un 
ordre,  faisons-le  au  moins  à  voix  contenue  et  grave.  Bannissons  aussi 
de  la  sacristie  toute  camaraderie  avec  nos  subordonnés  ou  autres:  sinon 
nous  aurions  vite  provoqué  chez  notre  petit  monde  familiarité,  laisser- 
aller,  étourderie  toujours  regrettables.  L'enfant  est  bien  aise  de  ne  voir 
dans  son  Directeur  qu'un  égal,  afin  de  se  décharger  de  toute  contrainte 
gênant  ses  caprices. 

Faisons  plus.  Quand  nos  petits  clercs  revêtent  leur  habit  de  chœur, 
surveillons-les  :  la  discipline  toujours,  et  quelquefois  la  morale  s'en 
trouvent  fort  bien.  Voyons  aussi  à  tous  les  détails  de  la  tenue  :  pro- 
preté des  mains,  du  visage,  des  chaussures  ;  bon  état  des  soutanes  et  des 
surplis.  Tout  cela  fait  sentir  à  nos  disciples  la  dignité  de  leur  rôle. 
Qu'on  ne  retrouve  donc  nulle  part  le  ridicule  jupon  noir  dont  on  affu- 
blait naguère  encore  trop  souvent,  les  enfants  de  chœur. 

Après  cette  inspection,  et  par  ce  silence  recueilli  de  la  sacristie,  l'en- 
fant est  prêt  à  entrer  au  chœur.  Là,  sous  les  regards  des  fidèles,  du 
clergé,  de  Dieu  réellement  présent,  il  est  aisé  de  le  maintenir  dans  le  re- 
cueillement. Il  suffit  que  les  évolutions  y  soient  relativement  graves, 
les  yeux  modestes,  les  mains  pieusement  jointes  ou  occupées;  il  suffit 
que  la  surveillance  y  soit  aisée,  adroite,  inaperçue,  s'étendant  cependant 
à  tous  les  enfants  de  chœur.  Ne  nous  y  permettons  jamais  la  moindre 
observation  bruyante.  Si  l'un  de  nos  clercs  se  trompe,  laissons-le  plutôt 
faire.  Avertissons  uniquement  des  yeux  ou  d'un  petit  geste  de  la  main  : 
cette  délicatesse  l'enfant  la  comprend  et  l'apprécie.  Et  remettons  au 
retour  à  la  sacristie,  les  remarques  à  faire  et  les  blâmes  à  infliger. 

Mais  nous  n'aurons  pas  souvent  à  molester  nos  petits  clercs,  si  nous 
savons  leur  inpirer  une  vive  piété. 

(h)  Piété.  —  Posons  d'abord  en  principe  que  la  piété  est  obligatoire 
et  condition  fondamentale  pour  faire  partie  des  enfants  de  chœur.  Son 
absence  ou  sa  notable  diminution  entraîne  l'exclusion.  Cela  bien 
affirmé,  efforçons-nous  d'enraciner  cette  vertu  chez  nos  servants.  Elle 
s'entretient  et    s'accroît    par  la  prière.     Avant    chaque    office,    faisons 


—  382  — 

donc  réciter  au  moins  un  Ave  Maria  avec  quelques  invocations  à  î^otre- 
Dame  des  Anges,  et  aux  Saints  Anges  Gardiens.  Et  afin  d'engager  nos 
enfants  à  égrener  quelques  dizaines  de  leur  chapelet,  pendant  leurs 
loisirs  au  cliœur  agrégeons-les  à  rArchiconfrérie  du  T.  S.  Eosaire,  et 
faisons-leur  en  connaître  les  faveurs  insignes. 

La  piété  s'alimente  encore  par  des  commentaires  alertes  et  pleins  d'in- 
térêt sur  les  cérémonies  et  leur  symholisme  sublime;  elle  s'accroît  sur- 
tout par  la  communion  fréquente  qui  "  avive  la  dévotion,  disait  le  B. 
Curé  d'Ars,  comme  un  bon  coup  de  soufflet  excite  le  feu  de  la  forge."  Il 
faut  y  amener  nos  enfants  de  chœur;  et  pour  cela  épuiser,  au  besoin, 
toutes  les  industries  que  le  zèle  sacerdotal  a  su  découvrir  et  pratiquer. 

Enfin  l'association  est  aussi  iin  excellent  stimulant  de  piété.  Orga- 
nisons nos  petits  clercs  en  Confrérie  Canonique  avec  sa  fête  religieuse 
et  récréative,  ses  dignitaires,  ses  obligations  très  réduites,  ses  privilèges 
étendus  et  précieux,  et  un  organe  de  relation  sous  forme  de  brochure 
périodique,  pour  le  moins  mensuelle. 

Or,  ici  rien,  ou  si  peu  que  rien,  n'est  à  créer.  On  peut  même  choisir 
entre  la  Confrérie  de  Saint-Jean  Bcrchmans  et  celle  des  Saints  Ange'^- 
Gardiens.  De  plus,  cette  dernière  publie,  depuis  trente  ans  environ,  un 
Messager  mensuel  intitulé  "  l'Ange  Gardien."  (1) 

Aux  admirables  articles  consacrés  aux  Saints  Anges,  aux  conseils 
pieux,  aux  édifiantes  historiettes,  à  la  vie  des  saints,  il  serait  facile 
d'ajouter  une  explication  des  cérémonies  sacrées  et  une  étude  adaptée  à 
l'enfance,  sur  l'année  liturgique,  d'après  la  manière  de  l'illustre  Béné- 
dictin Dom  Guéranger;  ainsi  nous  obtiendrions  à  bon  compte,  une  pu- 
blication des  plus  intéressantes  et  des  mieux  appropriées  à  nos  enfants 
de  chœur. 

Sans  doute,  cette  formation  morale  et  technique  de  nos  jeunes  clercs 
ne  saurait  se  réaliser  sans  imposer  au  clergé  paroissial,  ou  à  ses  sup- 
pléants, quelques  sacrifices  et  un  surcroît  de  labeur.  Mais  en  retour,  un 
pasteur  zélé  peut  retirer  d'une  excellente  troupe  d'enfants  de  chœur  des 
résultats  précieux  et  fort  consolants. 

4°  —  Résultats 

D'abord  les  offices  sacrés  deviendront  plus  beaux,  par  conséquent  plus 
édifiants.  Nos  petits  clercs  transformeront,  par  leurs  évolutions  pieuses, 
le  sanctuaire  comme  en  une  chaire  éloquente  d'où  les  fidèles  recevront 
par  le  sens  si  impressionnable  de  la  vue,  de  touchantes  leçons  de  foi  et 
d'adoration,  leçons  d'autant  mieux  acceptées  qu'elles  seront  données  par 
de  jeunes  enfants  sans  prétentions,  et  parfois  par  des  enfants  qui  sont 
les  leurs  précisément.  Les  paroissiens  se  plairont  davantage  à  l'église. 
Ils  y  prieront  avec  plus  d'attention  et  do  ferveur.  Leur  afflucnce  et 
assiduité   croissantes    permettra    aux   pasteurs    de    les    catéchiser   avec 


{ 1  )  Une  petite  revue  que  l'on  pourrait  aussi  procurer  aux  enfants  de  chœur, 
c'est  lo  Bulletin  Eucharistique,  ou  le  Petit  Messager  du  St-Sacremcnt,  revues 
publiées  par  les  Pères  du  St-  Sacrement. 


—  383  — 

succès,  de  les  affermir  dans  les  pratiques  religieuses  et  surtout  de  leur 
faire  apprécier,  aimer  et  fréquenter  le  Sacrement  de  l'Eucharistie  :  fover 
de  toute  vie  chrétienne  et  gage  de  prédestination. 

Et  quant  à  nos  enfants  de  chœur,  nous  les  aurons  améliorés,  eanctifiés, 
angélisés.  Chez  tous  nous  serons  parvenus  à  inculquer  de  solides  prin- 
cipes chrétiens  qui  en  feront  des  recrues  assurées  pour  VA.  C.  J.  C.  et 
nos  congrégations  d"]iommes.  Et -chez  quelques-uns,  nous  aurons  fait 
germer,  mûrir  la  vocation  ecclésiastique  ou  religieuse,  fruit  incompa- 
rable de  l'apostolat  sacerdotal. 

Vœu  : 

Stimulés  par  tant  de  conséquences  si  précieuses,  nous  demandons  la 
permission  d'exprimer  le  vœu  —  priant  le  Congrès  de  vouloir  bien  l'ap- 
puyer^—  le  vœu  de  voir  le  clergé  paroissial  s'appliquer  avec  zèle  cons- 
tant à  former  directement  ou  par  un  coadjuteur,  dans  chaque  paroisse 
respective  une  excellente  troupe  d'enfants  de  chœur,  qu'il  aura  soin  de 
choisir  avec  discernement,  d'instruire  avec  méthode  et  persévérance  de 
leurs  fonctions  sacrées,  de  façonner  au  recueillement,  à  la  piété  solide, 
et  surtout  à  la  communion  fréquente,  et  d'encourager  par  une  intéres- 
sante publication  mensuelle. 

Et  ce  faisant,  les  pasteurs  et  leurs  suppléants  auront  provoqué  l'avan- 
cement du  Règne  de  Jésus,  et  répondu  au  désir  ardent  de  noire  Souve- 
rain Pontife  Pie  X  qui  n'a  rien  plus  à  cœur  que  de 

"Restaurer  toutes  choses  dans:  h  Christ  Jésus." 


* 
*   * 


Avant  que  la  séance  ne  soit  levée,  le  Secrétaire  le 
Révérend  P.  Galtier  fait  mention  d'une  importante  étude 
qu'il  a  reçue,  pour  le  Congrès,  du  R.  P.  Lambert,  ^lissionnaire 
Apostolique.  Ce  travail  a,  du  reste,  été  distribué  à  l'auditoire 
par  les  soins  du  Comité.  Le  secrétaire  en  souligne  pourtant 
le  caractère  et  en  promulgue  le  vœu  final.  Voici  le  texte  de 
ce  rapport. 

LA  DEVOTION  ENVERS  LA  SAINTE  EUCHARISTIE 
dans  les  maisons  d'éducation  en  France 


Mkssifxrs  et  Yéxérks  CoxFni^:RES. 

On  a  fait  aux  précédents  CVingiés  Eucharistiques,  notamment  à  celui 
de  Londres,  le  reproche  "  de  refouler  à  l'arrièrc-plan  les  questions  pra- 
tiques," et  de  ne  pas  assez  veiller  à  ce  que  les  rapports  lus  en  .séanoee 
"aient  le  caractère  d'une  vulgarisation  sérieuse  plutôt  que  celui  d'études 


—  384  — 

scientiliques.  (1)"  De  là  vient,  a-t-on  dit,  que  le  public  de  ces  Assem- 
blées, qui  se  recrute  avant  tout  parmi  les  prêtres  du  ministère,  les 
hommes  d'oeuvres,  qui  viennent  au  Congrès  pour  chercher  le  mot  d'ordre 
et  une  direction  autoriisée  pour  leur  apostolat  eucharistique,"  a  été  plus 
d'une  fois  déçu  et  mécontent  jusqu'à  se  plaindre.  (2). 

Un  second  reproche  qu'on  a  fait  aux  rapporteurs  vise  un  certain  opti- 
misme qui  fait  présenter  sous  leur  jour  le  plus  brillant  les  œuvres  et  les 
pratiques  qu'ils  préconisent.  A  les  entendre,  tout  est  toujours  parfait, 
sans  le  moindre  défaut  ;  on  croit  avoir  affaire  à  des  masses,  alors  qu'il  ne 
s'agit  que  de  modestes  groupements;  on  s'imagine  qu'il  est  question 
d'œuvres  solidement  établies,  en  plein  fonctionnement  et  activité,  alors 
qu'elles  sont  encore  dans  la  période  de  tâtonnement  et  de  début.  Bref, 
volontiers  on  conclurait  qu'il  ne  reste  rien  à  faire,  alors  qu'en  réalité, 
tout  est  parfois  encore  à  faire. 

Je  voudrais.  Messieurs,  éviter  ce  double  écueil  et  ne  pas  encourir  de 
votre  part  ce  double  reproche.  Aussi  bien,  abordant  d'emblée  et  sans 
autre  préambule  le  sujet  que  le  Comité  du  Congrès  eucharistique  de 
Montréal  m'a  demandé  de  traiter,  à  savoir:  L'état  de  la  dévotion  eucha- 
ristique dans  les  Maisons  d'éducation  chrétienne  en  France,  je  m'atta- 
cherai à  vous  le  présenter  sous  son  vrai  jour,  sans  céder  au  désir  pré- 
conçu de  n'en  dire  que  du  bien,  à  tout  prix. 

Au  surplus,  en  s'adressant  au  Directeur  de  l'Œuvre  internationale  des 
Prêtres  Educateurs  dont  le  siège  est  en  France,  (3)  le  Comité  a  eu  soin 
de  lui  demander  de  faire  sur  le  sujet  proposé  "  un  rapport  tout  à  fait 
pratique  et  des  plus  documentés."  Il  a  pensé  que  la  section  sacerdotale 
de  ce  Congrès,  en  vue  de  laquelle  ce  rapport  était  demandé,  pourrait 
ainsi  en  retirer  plus  d'édification  et  de  profit. 

Dans  ce  but,  et  pour  donner  au  travail  que  j'avais  à  vous  présenter, 
Messieurs  et  chers  Confrères,  tout  l'intérêt  désirable  et  tout  le  caractère 
pratique  possible,  j'ai  adressé,  en  temps  voulu,  par  l'organe  de  la  Eevue 
mensuelle  que  je  dirige  :  Le  Prêtre  Educateur,  (4)  un  questionnaire  dé- 
taillé à  tous  les  Supérieurs  de  Petits  Séminaires,  de  Collèges  et  Insti- 
tutions ecclésiastiques  de  France.  (5). 

Si  pénible  qu'en  soit  l'aveu,  la  vérité  m'oblige  à  dire  qu'un  très  petit 


(  1  )  Le  Congrès  eucharistique  de  Westminster.  Souvenirs  et  impressions,  par 
M.  le  Chan.  Erman,  secrétaire  général  de  l'évêchë  de  Metz,  1910. 

(2)  2hid. 

(3)  Paris.  228.  Boulevard  Péreire. 

(4)  Brochure  de  32  pages  in-8°,  avec  un  supplément  de  8  pages  :  Le  Mot 
d'Ordre,  destiné  aux  écoliers  chrétiens.  Prix  de  l'abonnement,  sans  le  supplé- 
ment, pour  la  France  :  6  fr.,  pour  l'P^tranger  :  8  fr.,  avec  le  supplément:  France: 
6  fr.  50,  Etranger:   8  fr.  50. 

(5)  Ce  (Questionnaire  était  la  reproduction  a  peu  près  textuelle  de  celui  que 
S.  G.  Mgr  lEvêque  de  Metz,  a  adressé  lui-même,  cette  année,  aux  Supérieurs  des 
Maisons  d'Education  de  son  diocèse,  pour  établir  de  façon  très  précise,  à  l'occa- 
sion du  Congrès  eucharistique  diocésairi  tenu  au  mois  de  juin,  il  Metz,  la  Bitua- 
tion  de  ces  Maisons  au  point  de  vue  de  la  dévotion  envers  l'Auguste  Sacrement 
d€  nos  autels. 


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—  385  — 

nombre  de  Supérieurs  ont  répondu  à  ce  questionnaire.  A  la  rigueur, 
ils  n'y  étaient  pas  tenus.  Toutefois,  comme  j'avais  pris  soin  de  leur 
faire  connaître  les  motifs  de  ma  démarche,  faisant  valoir,  avant  tout,  la 
gloire  qui  rejaillirait  sur  l'Adorable  Eucharistie  de  leur  témoignage  per- 
sonnel, et  de  tous  les  témoignages  réunis,  présentés  à  ce  Congrès,  je 
croyais  avoir  quelque  droit  d'espérer  qu'il  serait  fait  meilleur  accueil  à 
ma  démarche.  Grande  fut  donc  ma  déception  devant  la  froideur,  tout 
au  moins  apparente,  causée  par  une  abstention  aussi  générale .... 

Mais,  à  défaut  de  renseignements  officiels  obtenus  à  l'aide  du  ques- 
tionnaire dont  j'ai  parlé,  j'avais,  pour  me  documenter,  les  diverses  com- 
munications ofècieuses  fournies,  au  cours  des  années  1909  et  1910,  par 
la  correspondance  particulière  des  abonnés  de  ma  Eevue  et  des  associés 
de  l'Œuvre  des  Prêtres  Educateurs  dont  cette  Eevue  est  l'organe. 

Autant  la  première  source  documentaire  s'était  parcimonieusement 
épanchée,  autant  la  seconde  avait  été  abondante.  Aussi  bien,  pour  ré- 
pondre à  vos  désirs,  n'ai- je  eu  qu'à  puiser  à  cette  source,  sans  autre  em- 
barras que  celui  du  choix. 

Je  vais  donc  essayer.  Messieurs,  de  vous  démontrer,  à  l'aide  des  témoi- 
gnages que  j'ai  pu  recueillir,  ce  qui  se  fait  chez  nous,  dans  les  maisons 
d'éducation  où  l'on  a  compris  l'incontestable  utilité  —  ce  n'est  pas  assez 
dire,  —  l'impérieuse  nécessité  de  mettre  la  jeunesse  écolière  en  un  con- 
tact, non  pas  accidentel,  isolé,  mais  habituel,  assidu,  avec  l'Eucharistie, 
ce  Sacrement  si  bien  nommé  par  l'angélique  Docteur  Sacramentum  Sa- 
cramentorum  (1),  et  dont  il  a  dit,  avec  saint  Den;ys  TAréopagite:  "  Per- 
fectio  perfectionum,  consummatio  omnium  sanctificationum  ;  nullus 
potest  perfici  perfectione  hierarcliica,  nisi  per  divinissimam  Eucharis- 
tiam."  (2). 

Depuis  la  promulgation  du  Décret  Sacra  Tridcntina  Synodus  grâce 
à  la  piété  et  au  zèle  de  Xos  Seigneurs  les  évoques,  un  niouveineiit  v]u< 
accentué  de  dévotion  envers  la  Sainte  Eucharistie  s'est  manifesté  dans 
certains  diocèses  de  France  et,  en  particulier,  dans  diverses  maisons 
d'éducation. 

Il  me  serait  difficile,  à  défaut  de  données  suffisantes,  d'établir  ici  une 
statistique  rigoureusement  exacte.  Qu'il  me  suffise  de  signaler,  parmi 
les  diocèses  auxquels  je  fais  allusion,  ceux  de  Cambrai.  Cliambéry, 
Eodez,  Xanc}^  Lyon,  Belley,  Coutanccs,  Angers.  Rouen,  Fréjus.  Et 
qu'il  me  soit  permis,  dans  cette  énumération  très  certainement  incom- 
plète, de  mentionner  également  le  diocèse  de  Metz,  qui  n'appartient 
hélas  !  plus  à  la  France,  mais  qui  reste  toujours  et  quand  même  français 
et  lorrain  d'esprit  et  de  cœur.  (3) 


(1)  m    Part.  Q.  LX\'.  .3. 

(2)  s.  Dyon.,  De  Ecoles.  Hier.  Cap.  III. 

(3)  On  n'ignore  pas  que  le  très  pieux  et  très  apostolique  évêquc  <lo  Metz,  S.  G. 
Mgr  Benzler.  n'a  pas  ces'.é,  depuis  surtout  le  spleiuiide  ('oii;,'r.-^s  .•vieliaristique 
tenu,  en  1907,  dans  sa  ville  épiscopale,  de  promouvoir  et  d'i-ncoura^ier,  i-n  toute 
occasion,  et  tout  récemment,  par  un  Congrès  eucharistique  diocésain,  la  dC-votion 
de  ses  fidèles  et  le  zèle  de  ses  prêtres  envers  l'Auguste  Sacrement  de  nos  autels. 

û 


—  ûSG  — 

En  groupant  les  divers  renseignements  dont  je  disposais  et  en  les  met- 
tant en  regard  tlu  questionnaire  adressé  aux  supérieurs,  voici,  d'une 
façon  à  peu  près  uniforme,  la  situation  des  maisons  d'éducation  chré- 
tienne dans  ces  diocèses. 

1°  Esprit  de  la  maison.  —  En  général,  on  est  favorable  à  la  commu- 
nion fréquente  et  quotidienne  et,  par  suite,  aux  diverses  formes  de  la 
dévotion  envers  la  Sainte  Eucharistie. 

2°  Connaissance  du  Décret.  —  11  est  lu  chaque  année,  à  la  chapelle, 
et  commenté  dans  les  études.  Les  prédicateurs  y  reviennent  dans  les 
instructions,  soit  pendant  les  retraites  de  rentrée  et  de  première  com- 
munion, soit  pour  le  tridumn  préparatoire  à  la  Fête-Dieu  ou  à  l'adora- 
tion perpétuelle  du  Très  Saint-Sacrement.  Des  feuilles,  tracts  et  opus- 
cules eucharistiques  sont  distribués  aux  élèves.  Dans  certaines  maisons 
on  a  introduit  dans  les  Cours  d'Instruction  religieuse  et  rendu  obliga- 
toire pour  chaque  élève,  soit  la  récitation  du  texte  du  Décret  iSacra  Tri- 
dentina  Synodus,  soit  le  Petit  Directoire  de  la  Comunmion  fréquente 
et  quotidienne,  par  M.  l'abbé  Vandepitte,  do3'en  honoraire  du  diocèse  de 
Cambrai.  Les  élèves  doivent  en  apprendre  un  certain  nombre  de  ques- 
tions pour  chaque  classe  :  excellent  moyen  de  vulgarisation  d'un  Décret 
qui  contient  en  substance  dans  quelques  pages  toute  la  doctrine  catho- 
lique sur  la  communion  (1). 

3°  Moyens  employés.  —  Les  pensionnaires  communient  à  la  Messe  de 
Communauté,  à  laquelle  ils  assistent  aussitôt  après  leur  lever.  Tout  le 
monde  reste  à  la  chapelle,  même  ceux  qui  n'ont  ])as  couimunié,  pour 
l'action  de  grâces,  qui  ne  se  prolonge  guère  que  de  cinq  à  huit  minutes, 
après  la  messe  terminée,  et  qui  est  suivie  immédiatement  de  la  lecture 
d'une  courte  méditation  (dix  minutes  environ),  [.es  élèves  vont  ensuite 
en  étude. 

Quant  aux  externes,  ils  sont  lil^res  d'aller  communier  dans  leurs  pa- 
roisses respectives  (un  certain  nomln-e  avec  leurs  parents)  ou  de  venir 
communier  au  collège,  où  une  luesse  est  <lite  pour  eux  à  6  h.  ^/^. 

Cette  méthode  n'est  pas  la  luême  partout;  elle  varie  suivant  les  dio- 
cèses et  les  établissements;  on  conçoit  f|u"il  serait  difficile  d'établir  sur 
ce  point  une  règle  uniforme. 

Les  élèves  peuvent  demander  à  aller  voii-  leui'  confesseur,  n'importe 
quel  jour,  pendant  les  études  ou  pendant  la  récréation.  Et  le  matin, 
s'ils  le  désirent,  ils  ont  la  facilité  de  s'adresser  à  l'un  ou  l'autre  des 
])rêtres  (|ui  sont  à  la  chapelle,  à  la  descente  des  dortoirs.  Depuis  que  le 
réginu'  de  la  Coiniimnioii  ii'équente  s'est  introduit  dans  les  maisons 
d'éducation,  on  a  dû  niodilier  l'ai-ticle  odieusement  compressif  do  cer- 
tains aiu-iens  règlements  (|ui  interdisait  aux  élèves  de  voir  leurs  confes- 
seurs jlleurs  fju'au  confessionnal  et  à  d'autres  jours  et  heures  qu'à  ceux 
de  la  confession  conventuelle. 

r   Résiilhilx   ohh'iiiix.  —  Actnelleiiient.    dans   la    plupai'l    des   établis- 


(1)  .le  si{,'ii:i]i'  A  nie-;  fr,iifi ■^l•|■s  la  ]);'titc  Inocliurc  du  Tî.  P.  Kou-scaii.  8.  J- 
La  Communion  fréiiiinilr  ,V:\]n('^  h-  Dt'Pict  du  20  dôccmbro  100.1.  Çurstions  >t 
rênovucR.  —  BnixoUo^.  A.  T>-\vit.  lituiiiro.  .13.  run  Royale.     ].(>  cent  :   (i  francs. 


—  387  — 

sements  dont  je  parle,  les  trais  quarts  des  ponsioiinaires  et  la  moitié  des 
ixternes  communient  tous  les  jours.  Presque  tous  les  autres  commu- 
nient plusieurs  jours  par  semaine,  et  le  reste  au  moins  tous  les  huit 
jours.  Je  ferai  remarquer  que  cette  moyenne  existe  à  i)eu  près  unifor- 
mément dans  tout  établissement  où,  d'un  commun  accord  et  animés  du 
même  zèle,  les  maîtres  favorisent,  par  les  divers  moyens  en  leur  pouvoir, 
la  pratique  de  la  Communion  fréquente  et  la  dévotion  t^nvcrs  la  Sainte 
Eucharistie. 

5°  Influence  de  la  dévotion  eucliaristique  et  de  la  Coin iiianiun  en  par- 
ticulier.  —  Pourrait-il  se  faire  que  cette  influence,  ne  fin  pas  des  meil- 
leures au  point  de  vue  de  la  piété,  du  bon  esprit,  de  la  moralité  et  même 
de  la  discipline  et  du  travail?  (1) 

"  Sur  130  ou  140  élèves,  écrit  M.  le  Ch-anoine  Cirumel,  supérieur  de 
VEcole  de  X.-D.  de  La  ViUette,  à  Chambéry,  tous  communient  plusieurs 
fois  par  semaine.  D'où  progrès  considérable  dans  l'allure  générale  exté- 
rieure." *'  Il  faut  dire,  obesrve-t-il,  que  nous  prati(iiions  la  Commu- 
nion quotidienne  depuis  plus  de  quinze  ans,  et  que  cette  })rati(iiic  <"st 
générale  ici  depuis  huit  ans."' 

"  L'esprit  général,  poursuit  le  zélé  supérieur,  se  manifeste  par  l'ou- 
verture des  âmes,  qui  nous  permet  de  les  connaître  et  de  leur  faire  le 
bien  nécessaire;  par  la  docilité  beaucoup  plus  grande,  en  dépit  de  la  lé- 
gèreté naturelle,  au  point  de  vue  de  la  discipline  et  du  travail  :  ])ar 
Vattachement  plus  profond  de  nos  anciens  élèves  à  leurs  maîtres  et  à  la 
maison  où  ils  ont  été  heureux,  grâce  à  l'esprit  de  simple  et  douce  fami- 
liarité qui  vient  de  leur  ouverture  d'âme,  et  des  habitudes  vertueuses 
provenant  de  la  présence  habituelle  de  désus-llostie  en  leur  cœur;  atta- 
chement qui  dure  et  leur  fait  entretenir  des  relations  suivies  (lettres, 
visites  fréquentes),  qui  permettent  de  les  garder  et  de  les  préserver  en 
vacances,  et  même  après  leur  portie  définitive. 

6°  Persévérance.  —  Je  viens,  Messieurs,  de  prononcer  le  mot  de  va- 
cances. N^aturellement  elles  sont  toujours  iine  épreuve  et  trop  souvent 
un  écueil  auquel  se  heurte  et  se  brise  la  bonne  volonté  de  bien  des  éco- 
liers. "  Pour  y  obvier,  écrit  M.  Grumel.  nous  demandons  une  corres- 
pondance suivie;  nous  la  provoquons,  au  besoin,  exigeant  une  réi)onse  à 
notre  rappel  à  Tordre.  Xous  cherchons  même  à  faire  revenir  certains 
élèves  au  Collège  pendant  les  vacances,  pour  pouvoir  raviver  i-n  (>u.\  les, 
bonnes  dispositions." 

Il  est  incontestable,  chers  et  vénérés  Confrères,  que  les  vacances  pro- 
duisent à  peu  près  toujours  un  déchet  sous  le  rapport  de  la  fré(|uence 
de  la  Communion.  Mais  aussi,  reconnaissons-le  avec  l'auteur  des  lignes 
(jui  précèdent,  "les  difficultés  sont  grandes:  dangers  des  vacances,  pa- 
resse personnelle;  parfois  hostilité  phis  ou  moins  affirmée  des  parents; 
éloigneiiicut  de  l'église,  travaux  et  services  exigés  des  eMlant!*.  et  aussi 
—  disons-le  —  certaine  opposition  non  motivée,  systématique,  ou  insuf- 


(1)  La  j)lupart  des  détails  qiio  je  viens  de  reproduire  sont  extraits  d'ini  rapport 
de  M.  le  Chanoine  Richard.  supVrii'Ur  de  l'Institution  St  Jude.  ;1  Armentières 
(  Nord  ) . 


—  388  — 

fisance  de  zèle  de  la  part  de  certains  curés  "  (1),  ou  bien  encore  "  absence 
dans  les  paroisses  de  communion  fréquente,  soit  absolue,  soit  au  moins 
quant  aux  hommes  et  aux  jeunes  gens."  (2) 

Toutefois  on  peut  augurer  de  certains  faits  significatifs  la  fidélité  per- 
sévérante des  écoliers  aux  pratiques  affectionnées  par  eux  pendant  l'an- 
née scolaire. 

"  Une  nouvelle  qui  vous  consolera,  m'écrivait  un  Supérieur  :  le  matin 
de  iK)tre  distribution  des  prix,  tous  nos  élèves  sans  exception  ont  fait  la 
Sainte  Communion.  Le  mot  d'ordre  ne  leur  avait  pourtant  pas  été 
donné.  Ils  ont  voulu,  par  là,  bien  commencer  leurs  vacances,  et  débuter 
comme  ils  avaient  l'intention  de  continuer."  (3) 

"  Je  tiens,  m'écrivait  un  professeur,  à  vous  signaler  un  fait  dont  vous 
ferez  l'usage  qu'il  vous  semblera  bon,  si  tant  est,  que  vous  le  jugiez  assez 
caractéristique.  Dans  notre  Ecole  de  F.,  où  la  Communion  presque 
quotidienne  est  en  honneur,  le  matin  de  la  sortie,  le  plus  grand  nombre 
a  communié.  Nous  avions  donné  les  prix  la  veille.  Toute  la  soirée,  de 
5  à  7  heures,  les  élèves  ont  eu  récréation.  En  de  tels  moments,  on  n'est 
guère  en  goût  de  piété:  la  perspective  des  vacances  absorbe  toute  autre 
pensée.  Eh  bien,  nos  élèves,  en  grand  nombre,  sont  venus  se  confesser 
pendant  cette  récréation.  Tout  en  tenant  compte  de  l'entraînement 
possible,  il  me  semble  qu'il  y  a  là  un  signe  rassurant,  et  que  de  ce  fait 
on  est  en  droit  de  conclure  que  la  Communion  est  entrée  dans  la  vie 
ordinaire  de  ces  chers  enfants.  De  mon  temps  (comme  l'on  dit),  jamais 
chose  pareille  n'aurait  pu  même  être  imaginée."  (4) 

J'ai  dit,  l'an  dernier,  au  Congrès  eucharistique  de  Cologne,  l'influence 
moralisatrice  et  transformatrice  de  la  fréquente  communion  au  Collège 
Sainte-Marie  de  La  Seyne-sur-Mer.  Voici  ce  qu'on  m'écrit,  cette  année, 
de  ce  collège  :  "  Le  bon  mouvement  imprimé  par  vous  est  devenu  un 
élan  généreux.  La  messe  libre  est  en  honneur,  et  tous  les  jours,  un 
grand  nombre  d'élèves  s'approchent  de  la  Sainte  Table.  Les  plus  grands 
donnent  un  exemple  salutaire.  Le  résultat  est  merveilleux.  L'esprit 
de  sacrifice,  atmosphère  de  la  pureté,  se  répand  dans  les  âmes.  On  sent 
que  le  chrétien  se  forme,  qu'il  sera  robuste  et  armé  pour  les  luttes  de  la 
vie.  Xous  avons  obtenu,  cette  année,  un  résultat  pratique  :  l'instruction 
religieuse  a  gagné  beaucoup.  Les  élèves  étudient  cette  matière  plus 
sérieusement,  et  plusieurs  avec  un  zèle  remarquable.  Ce  point  est 
important  dans  un  collège  qui  prépare  aux  concours.  De  plus,  un  mou- 
vement véritable  se  dessine  vers  le  service  du  bon  Dieu.  C'est  un  hon- 
neur de  pouvoir  dire  à  son  directeur  que  l'on  rêve  le  sacerdoce."  (5) 


(1)  M.  le  Chan.  Grumel  Sup.  de  l'Ecole  N.-D.  de  la  Villette,  Chambéry    (Sa- 
voie) . 

(2)  Rapport  de  M.  l'abbé'  Bouvy,  professeur  au  Petit  Séminaire  de  Moiitigny- 
lès-Metz,  au  C'orifiçrôs  eucliaritique  diocésain  de  IMetz,  8  et  î)  juin  1910. 

(3)  Lettre  de  :\1.  l'abbé  C,  Supérieur  :\  N.  D.  de  X. 

(4)  Lettre  de  M.  l'abbé  C.  professeur  il  L. 

(5)  Lettre  de  M.  l'abbé  BossoTinet,  Directeur  i\  l'Institution  Sainte-Marie,  de 
la   Sevne-sur-Mer    fVar). 


—  389  — 

Telle  est,  Messieurs  et  Vénérés  Confrères,  dans  son  ensemble,  et  quel- 
ques-uns de  ces  détails,  la  physionomie  d'un  certain  nombre  de  Maisons 
françaises  d'Education  au  point  de  vue  de  la  dévotion  eucharistique, 
notamment  de  la  Sainte  Communion. 

Tout  à  l'heure,  j'ai  nommé  le  diocèse  de  Metz,  resté  français  quand 
même  d'esprit  et  de  cœur.  Je  n'aurais  qu'à  reproduire  ici,  pour  vous 
édifier,  les  communications  faites  par  les  Supérieurs  des  diverses  Insti- 
tutions catholiques  au  Congrès  eucharistique  diocésain,  tenu  les  8  et  9 
juin  de  la  présente  année,  dans  la  ville  de  Metz.  Vous  y  verriez  quels 
consolants  résultats  on  peut  espérer  et  obtenir  lorsqu'on  s'applique  de 
toute  son  âme  à  implanter  parmi  la  jeunesse  la  connaissance  et  l'amour 
du  Dieu  qui  met  ses  délices  à  vivre  avec  les  enfants  des  hommes  ! 

Je  me  contenterai,  à  titre  de  renseignements,  de  produire  la  statistique 
suivante,  des  plus  suggestives. 

Des  communications  officielles  adressées  à  l'Evêché  de  Metz,  il  appert 
qu'  "  il  y  a  progrès  très  sensible  dans  le  rapport  de  la  fréquence  des  com- 
munions et,  ce  qui  est  encore  plus  encourageant,  d'année  en  année,  la 
marche  en  avant  continue.  Au  Petit  Séminaire  de  Montigny-lès-Metz, 
de  même  qu'au  collège  de  Bitsch,  un  bon  nombre  d"élèves,  un  tiers  à  peu 
près,  tous  les  jours  ;  un  peu  plus  de  la  moitié  des  élèves  s'approchent  de  la 
Table  sainte  tous  les  dimanches,  et  le  reste,  c'est-à-dire  un  sixième  à  peu 
près,  tous  les  quinze  jours,  très  peu  seulement  toutes  les  trois  semaines. 
Une  autre  statistique  nous  montre  la  marche  ascendante  du  mouve- 
ment: au  Petit  Séminaire  il  y  a  eu,  pour  l'année  scolaire  1908-09,  200O 
communions  d'élèves  en  plus  que  l'année  précédente;  et  pour  l'année 
scolaire  courante,  en  prenant  pour  base  la  première  partie  de  l'année, 
nous  aurons  une  augmentation  de  3000  communions  sur  l'an  der- 
nier." (1) 

Il  va  de  soi  que  le  mouvement  des  autres  manifestations  de  la  dévo- 
tion eucharistique  dans  ces  maisons  est  à  l'avenant.  Et  cela  se  conçoit. 
Je  défie  d'établir  que  la  pratique  de  la  Communion  fréquente  s'implante 
et  se  généralise  dans  un  milieu  chrétien  ou  scolaire  quelconque,  sans 
que,  simultanément  et  comme  nécessairement,  on  n'y  voie  s'établir  la 
pratique  de  la  visite  au  Très  Saint-Sacrement  et  de  la  messe  quotidienne, 
une  foi  plus  vive,  une  piété  plus  manifeste  envers  l'Eucharistie  ;  sans 
qu'on  n'y  sente,  plus  réelle  et  plus  intense,  ce  que  je  nommerai,  sans 
crainte  d'être  accusé  de  mysticisme,  "  la  vie  eudiaristique,"  et  j'entends 
par  ce  mot  une  vie  dont  l'Eucharistie  est  l'aliment  et  le  centre,  le  mobile 
et  la  fin. 

Le  Supérieur  d'une  Institution  ecclésiastique  du  diocèse  de  Metz 
m'écrivait:  "La  pratique  de  la  communion  fréquente  et  quotidienne  est 
en  notable  progrès  dans  notre  Institution,  depuis  la  promulgation  du 
Décret  Sacra  Tridentina  Synodm.  Le  nombre  de  communions  est  de 
108;  celui  des  hosties  consommées  par  mois  est  de  650,  soit  environ  400 


(1)  La  Communion  fréquente  des  Elèves  des  Etablissements  d'Education  et 
d'instruction.  Rapport  présont^  au  fonar?-*  oucliaristiqui'  (lioc<^<ain  de  Metz, 
en  1910,  par  M.  l'abbé  Bouvy,  professeur  au  Petit  Séminaire. 


—  390  — 

les  diiuanclios  et  2-30  en  semaine.  .  .  .  Xous  pouvons  enregistrer  dès 
maintenant  des  etîets  immédiats  :  tenue  parfaite  à  la  chapelle  et  pendant 
les  exercices  de  piété,  en  général  ;  régularité  plus  grande  dans  l'observa- 
tion (lu  règlement  et,  dans  une  certaine  mesure^  application  plus  cons- 
laute  à  Télude.""  (1) 

Un  autre  supérieur  du  même  diocèse  m'écrivait,  de  son  côté  :  "  Le 
chiffre  officiel  de  nos  élèves  est  de  -^75,  mais  le  chiff're  des  commu- 
niants   n'est    que    de    220.     La    moyenne  des  communions  de  chaque 

jour   a    été    de    T)!)    pour    190T-1908,  et   de    57    pour  190.S-1909 Le 

nombre  des  hosties  consommées  dans  l'année  a  été  de  13,370,  pour 
1907-1908,  et  de  15,4-15,  pour  1908-1909.  Les  élèves  sont  absents  pen- 
dant trois  mois  (vacances  de  Xoël,  de  Pâques,  grandes  vacances:  août  et 
septembre).''  (2) 

Si  du  pays  de  Lorraine  nous  nous  transportons  dans  les  régions  plus 
lointaines  de  la  Lrance  Coloniale,  ou  même  des  pays  soumis  au  Protec- 
torat de  la  France,  nous  aurons  encore  de  consolants  renseignements  à 
recueillir. 

Le  Directeur  d'une  modeste  école  du  Liban  m'écrivait,  il  }'  a  quelques 
mois  :  "■  ^Nous  n'avons  guère  ici  qu'une  vingtaine  d'élèves  qui  aient  fait 
leur  première  Communion.  Sur  ce  nombre,  (piatre  ou  cinq  s'approchent 
chaque  jour  de  la  Sainte  Table;  presque  tous  les  autres  communient  au 
moins  une  fois  par  semaine.  C'est  peu,  sans  doute;  mais  ce  n'est  qu'un 
début,  déjà  bien  consolant.  L'un  des  plus  fervents  parmi  nos  élèves  me 
disait,  il  n'y  a  pas  longtemps:  "Je  ne  m'étais  proposé  tout  d'abord  que 
'•  deux  ou  trois  fois  par  senuiine  ;  mais  je  me  trouvais  si  ])ien  de  mes 
"  communions,  il  m'en  coritait  tant  de  rester  un  jour  sans  recevoir 
"  Xotre-Seigneur,  ([Ue  je  me  suis  mis  à  la  Communion  quotidienne,  et 
"je  n'ai  qu'un  désir:  de  m'y  maintenir." 

"  Depuis  le  commencement  de  la  présente  année  scolaire,  j'ai  rappelé 
à  nu'S  élèves.  cluKpie  semaine,  presque  chaque  jour,  une  pensée  propre  à 
leur  donner  restime  et  le  goût  de  la  fréquente  Communion. 

"D'autre  part,  nos  enfants,  qui  sont  tous  maronites,  ont  pris  l'habi- 
tude, à  leur  ai'rivée  à  l'école,  vers  5  h.  i/o  du  matin,  de  faire  d'abord  une 
visite  au  Saint-Sacrement.  Le  soir,  à  mesure  (|u'ils  finissent  leur  de- 
voir,' ils  vont  également  saluer  Notre-Seigneur  avant  de  retourner  à  leur 
maison.  Cette  numière  de  faire,  la  grande  liberté  que  leur  petit  nombre 
nous  permet  de  leui-  laisser,  ne  nous  ont  donné,  jusqu'à  présent,  que 
d'excellents  résultats.  Je  n'ai  vu  aucune  part,  en  France,  des  élèves 
ayant  meilleur  esprit  et  nécessitant  moins  de  surveillance."  (3) 

Du  fond  de  l'Ivxtrénu'-Oi'ienl,  d'un  Petit  Séminaire  de  l'Ànnam,  on 
m'écrivait  aussi  :  "  L'oMivre  de  Dieu  continue  à  se  faire  ici,  pas  assez  vite 


(  1  )    IJappoii  (le  ^I.  l'abbé  Lamberton,  Supérieur  de  l'Institut  Saint-Augustin, 
(le  15it^cli. 

(2)  Kapport  de  M.  le  Cliaii.  Hamant,  Supérieur  du  Petit  Séminaire  de  Monti- 
^ny-les-Met/. 

(3)  lettre  du  Cli.  ¥r.  Marie-Basile,  de  la  Société  de  iviarie,  Directeur  de  l'Kx- 
ternat  N.-D.  du  Liban,  à  Amchit   (Syrie). 


—  391  — 

à  notre  gré  —  que  ne  sommes-nous  plus  saints  !  —  mais  enfin  nous 
sommes  on  réel  progrès  depuis  l'an  dernier.  I^e  nombre  de  nos  commu- 
niants (luotidiens  augmente  plutôt  (ju"il  ne  diminue.  La  dévotion 
eucharistique,  Tattrait  vers  la  Communion  plus  fréquente  se  manifestent 
de  plus  en  plui>  parmi  nos  élèves.  Les  résultats  en  sont  des  plus  con- 
solants. Si  je  vous  disais  qu'ils  donnent,  étudient,  prient  sans  aucune 
surveillance  officielle!  A  l'étude,  au  dortoir,  à  la  chapelle,  ils  sont  livrés 
à  eux-mênu'S.  Ce  n'est  pas  que  nous  n'ayons  pas  les  yeux  sur  eux,  mais 
aucune  surveillance  officielle  comme  en  France;  aucun  surveillant  attitré 
ou  de  semaine.  Xous  voulons  surtout  que  leur  conscience  les  surveille 
et  qu'ils  s'habituent  à  tenir  compte  de  la  présence  sacranuMitelle  de  Jé- 
sus-Christ en  eux.  .  .  Au  connuencement,  je  trouvais  cet  usage  étrange, 
et  même  inadmissibh'.  Voilà  huit  ans  que  je  me  trouve  ici,  et  je  re- 
marque que  tout  est  parfaitement  dans  l'ordre  et  que  nos  chers  élèves 
n'abusent  nullement  de  la  grande  latitude  qu'on  leur  laisse."  (1) 

Je  ne  doute  pas,  mes  chers  et  vénérés  Confrères,  qu'en  écoutant  la 
lecture  de  ces  détails  édifiants  et  quelques-uns  émouvants,  vous  n'ayez 
entrevu,  dans  une  évidence  qui  a  fait  tressaillir  vos  cœurs  apostoliques, 
le  parti,  —  s'il  m'est  permis  d'employer  ce  mot  —  que  nous  pourrions 
tirer  de  l'adorable  Eucharistie,  si  nous  savions  al)oucher^  en  (pielque 
sorte,  les  âmes  avec  elle. 

C'est  la  réflexion  qui,  malgré  moi,  revenait  sans  cesse  à  mon  esprit, 
tandis  que  je  dépouillais  la  volumineuse  correspondance  de  laquelle  j'ai 
extrait  les  détails  nécessairemeni  réchiits  (|ue  vous  venez  d'entendre,  de 
me  disais,  l'âme  oppressée  d'une  invincible  tristesse:  Si  nous  savions! 
si  nous  voulions!...  Si  tous  les  prêtres  éducateurs  voulaient,  chacun 
})Our  une  part,  entrer  dans  les  vues  du  Souverain  Pontife  et  de  la  Sainte 
Eglise,  qui  sont  les  désirs  mêmes  de  Jésus-Christ,  porter,  pousser  les 
âmes,  les  jeunes  ânu'S  vers  l'Eucharistie,  implanter  le  "  régime  sauveur  '' 
de  la  Communion  frécjuente  et  (piotidienne,  quelle  transformation  mer- 
veilleuse et  rapide  s*op?rerait  parmi  la  jeunesse  élevée  dans  nos  col- 
lèges ! .  . . 


Mais,  de  même  (juc  toute  médaille  a  son  revers,  les  détails  consolants 
que  vous  venez  d'entendre.  Messieurs,  sont  malheureusement  contreba- 
lancés et  même  atténués  par  d'autres  détails  <|ui  iiermettent  de  dire  (|ue, 
malgré  les  apparences,  nos  Maisons  d'Education  ne  donnent  pas  encore 
la  mesure  de  ce  ([u'on  en  peut  attendre. 

Je  disais  tout  à  l'heure  que,  dans  la  production  des  témoignages  des- 
tinés à  vous  édifier  sur  la  vraie  situation  de  ces  maisons,  au  point  de  vue 
de  la  dévoticm  et  de  la  vie  eucharisti(|ues,  je  n'aurais  (|ue  Ti-mbarriH  du 

choix. 

Je  me  trompais.  Messieurs.  11  est  un  autre  end)arras  (|Ue  j  c|)rouve 
et  qui  m'arrêterait,  si  la  nature  de  cette  Assemblée,  exclusivement  com- 


(1)   Lettre  .lu  i;.  1>.  M.  Maunicr.  .Mis-,  apost.  Pc-tit  Séminain-  .!.•  An  Ninli  par 
Quanf^-Tri    (  Aunaiu  ) . 


—  392  — 

posée  de  prêtres,  ne  me  donnait  le  droit,  mieux  encore,  ne  m'imposait 
le  devoir  de  dire  la  vérité,  toute  la  vérité. 

Or,  la  vérité,  pour  autant,  du  moins,  qu'il  m'a  été  permis  de  l'établir 
à  l'aide  d'une  enquête  minutieuse  et  de  renseignements  puisés  à  bonnes 
sources,  la  vérité  est  que,  malgré  les  apparences,  la  dévotion  envers  la 
Sainte  Eucharistie,  n'est  pas,  dans  la  majorité  de  nos  collèges  catho- 
liques en  France,  ce  qu'elle  pourrait  et  devrait  être. 

Et  pour  concrétiser  et  préciser  mon  dire  et  ne  pas  demeurer  dans  les 
généralités,  je  dis  que  : 

1°  La  pratique  de  la  visite  au  Très  Saint-Sacrement,  soit  officielle 
et  en  commun,  soit  privée  et  d'initiative  personnelle,  y  est  relativement 
peu  en  honneur;  les  maisons  où  elle  fonctionne  sont  le  petit  nombre. 
Tel  Petit  Séminaire  transformé  en  collège  ou  étiqueté  d'un  nom  plus 
ou  moins  séculier,  depuis  la  fameuse  ''  Loi  de  Séparation,"  et  dans  le- 
quel existait  cette  pratique,  l'a  supprimée  ou  l'a  laissée  tomber  en  désué- 
tude, sans  rien  faire  pour  la  conserver. 

2°  L'assistance  à  la  messe  quotidienne  tend  à  devenir  de  plus  en  plus 
rare  dans  bon  nombre  de  maisons  d'éducation  dirigées  par  des  prêtres. 
Sous  prétexte  de  donner  aux  études  le  temps  rigoureusement  exigé  par 
les  implacables  programmes  officiels;  de  ménager  les  susceptibilités  des 
familles,  ou  de  ne  pas  imposer  aux  élèves  un  exercice  auquel  ils  ne  seront 
pas  tenus,  une  fois  sortis  du  collège,  on  a  réduit  l'assistance  quotidienne 
à  la  messe  à  deux  jours  par  semaine  :  le  dimanche  et  le  jeudi.  Dans 
certaines  institutions,  il  n'y  a  d'obligatoire  que  la  messe  dominicale. 
Les  autres  jours  de  la  semaine,  l'audition  de  la  messe  est  facultative. 
Y  assistent  les  élèves  qui  désirent  communier.  Il  va  de  soi  que  là  où 
la  fréquente  communion  n'est  pas  en  honneur,  l'assistance  à  la  messe 
en  semaine  ne  l'est  pas  davantage. 

3°  Enfin  la  pratique  de  la  Communion,  qui  a  pris,  en  France,  une  sé- 
rieuse extension  dans  un  certain  nombre  de  collèges  catholiques,  est 
encore  fort  réduite  et  limitée  en  un  assez  grand  nombre  d'autres.  Je 
ne  pense  pas  exagérer  en  affirmant  que  dans  un  tiers  à  peine  est  pra- 
tiquée la  Communion  fréquente,  —  j'entends  par  là,  la  Communion  Bur 
semaine.  —  Dans  la  plupart  des  maisons  où  cette  Communion  existe,  ce 
sont  surtout  les  jeunes  élèves  et,  en  nombre  plus  restreint,  les  élèves 
moyens,  que  l'on  voit  s'approcher  plus  fréquemment  de  la  Table  Sainte. 
Dans  la  division  des  grands  élèves,  ceux  qui  communient  sur  semaine 
sont  plus  rares.  En  sorte  que  l'exemple,  qui  devrait  venir  es  hautes 
classes,  faisant  défaut,  les  abstentions  se  multiplient  et  s'accentuent  peu 
à  peu  chez  les  élèves  de  la  moyenne  division,  lesquels,  inévitablement, 
exercent  une  influence  de  relâchement  sur  leurs  plus  jeunes  camarades. 
C'est  ainsi  qu'on  a  vu  toi  établis^omont  où  la  réception  de  la  Sainte 
Eucharistie,  de  fréquente  qu'elle  était  à  une  époque,  et  dans  chacune 
des  divisions  inférieures,  en  est  venue  à  n'être  plus  qu'hebdomadaire 
pour  une  moyenne:  la  Comuninion  sur  semaine  n'y  est  plus  qu'excep- 
tionnelle, 

Dois-je,  Messieurs,  à  l'appui  de  mon  dire  et  pour  démontrer  qu'il  re- 


5 


c      c 

c        = 

c       ^ 


S      5 


—  393  — 

pose  sur  des  fondements  certains,  produire  des  témoignages  qui  le  con- 
firment?. .  .  Sans  vouloir  les  multiplier  —  ce  qui  serait  introduire  une 
note  trop  triste  dans  ce  concert  de  louanges  à  la  gloire  du  Divin  Sacre- 
ment que  doit  être  un  Congrès  eucharistique,  je  me  permettrai  quelques 
sobres  citations. 

"  Je  crois  que  la  majorité  des  maîtres,  m'écrivait-on  d'un  collège  ca- 
tholique, précédemment  Petit  Séminaire  (1),  n'ont  du  Décret  de  1905 
qu'une  vague  idée . .  .  " 

•'  A  part  une  ou  deux  instructions  données  au  cours  de  l'année  sco- 
laire sur  la  Sainte  Communion,  écrit-on  d'ailleurs,  on  ne  fait  rien  chez 
nous  pour  vulgariser  la  doctrine  du  Décret.  Je  ne  sache  pas  qu'aucun 
professeur  ait  eu  la  pensée  d'en  expliquer  et  d'en  commenter  le  texte, 
en  faisant  à  ses  élèves  le  cours  d'instruction  religieuse;  nos  élèves  vivent 
d'une  certaine  routine,  suivent  les  usages  reçus,  sans  presque  soupçonner 
qu'ils  puissent  faire  plus  et  mieux.  Mes  pénitents  constituent  une  caté- 
gorie tellement  à  part,  qu'ils  n'osent  communier  aussi  souvent  que  je  le 
voudrais  et  que  je  les  engage  pour  le  bien  de  leur  âme."" 

"  La  Communion  fréquente  est  très  peu  en  honneur  parmi  nos  grands 
élèves ...  Le  malheur  est  que,  en  passant  d'une  division  à  l'autre,  les  en- 
fants qui  avaient  commencé  à  s'approcher  en  semaine  de  la  Table  Sainte, 
perdent  trop  leurs  bonnes  habitudes.  De  sorte  que  la  communion  de- 
vient moins  fréquente  précisément  à  l'époque  de  l'âge  critique,  où  elle 
serait  encore  plus  nécessaire.  Et  je  ne  vois  pas  qu'on  fasse  chez  nous 
assez  pour  réagir.  Les  professeurs  s'abstiennent  de  tout  prosélytisme 
personnel.     Ils  abandonnent  ce  soin  aux  confesseurs." 

"  La  visite  au  Saint-Sacrement  tend  plutôt  à  baisser,  surtout  en  pre- 
mière division,  celle  des  grands.  La  Garde  d'Honneur  du  Très  Saint- 
Sacrement  établie  autrefois,  n'a  pas  été  continuée,  depuis  le  transfert 
de  notre  maison  de  X. . .  à  Z. . . ." 

"  Nous  avions  autrefois  messe  de  communauté  chaque  matin.  Depuis 
quelques  années,  la  messe  quotidienne  a  été  remplacée  par  la  messe  bi- 
hebdomadaire. La  diversité  des  éléments  dont  est  composée  notre  popu- 
lation scolaire  a  amené  cette  modification,  qui  n'a  pas  peu  contribué,  j'ose 
le  dire,  à  une  diminution  notable  de  l'esprit  profondément  religieux  qui 
animait  notre  maison." 

Que  conclure,  Messieurs,  de  ces  divers  témoignages?  —  et,  je  le  répète, 
qu'un  très  petit  nombre  —  sinon  que  nous  sommes  loin  encore  de  la  per- 
fection, et  que  s'il  y  a  utilité  à  dire  ce  qui  se  fait,  il  peut  y  en  avoir  aussi 
à  dire  ce  qui  ne  se  fait  pas,  afin  de  conjurer  le  péril  de  se  complaire  dans 
une  béate  satisfaction  et  une  quiétude  funeste  aux  âmes.  Nous  nous 
disons,  peut-être  trop,  que  nous  faisons  notre  possible,  alors  que  ce  pos- 
sible est  loin  d'être  la  mesure  de  ce  qu'on  doit  attendre  de  nous.  Il  n'y 
a  pas  de  pire  illusion  que  celle  qui  consiste  à  se  croire  en  règle,  tandis 
que,  en  réalité,  on  néglige  maints  points  importants. 


(1)    On  comprendra  que  je  n'aie  citr-  aucun  nom  de  personnes  ou  de  collèges. 
La  délicatesse  du  sujet  m'imposait  la  plus  entière  discrétion. 


—  39i  — 

Je  vous  demande  pardon,  Messieurs  et  vénérés  Confrères,  d'avoir  fait 
entendre  dans  cette  Assemblée  une  note  aux  apparences  pessimistes. 
Humble  représentant  de  la  France,  il  semblait  tout  naturel  et  d'ailleurs 
réclamé  par  la  circonstance,  que  je  ne  disse  que  du  bien  de  mon  pays, 
qui,  après  plus  de  deux  siècles,  est  aussi  resté  le  vôtre  !  (1) 

Dire  du  bien  !  Je  le  voudrais  et,  vive  Dieu  !  du  bien,  il  y  en  a  encore 
en  France.  Mais  mon  cœur  ne  peut  ignorer  ce  que  mou  esprit,  ce  que 
mes  yeux  de  chair  constatent,  hélas  !  avec  une  peine  indicible  :  lenvahis- 
senient  grandissant  du  terrain  de  nos  libertés  religieuses  et,  par  consé- 
quent nationales,  par  des  hommes  qui  ont  en  mains  le  pouvoir,  mais  qui 
n'ont  jias  au  cœur  le  véritable  amour  de  la  France.  Et  tandis  que  les 
attaques  se  multiplient,  tandis  que  les  brèches  s'élargissent,  que  le  rem- 
part de  nos  libertés  démantelées  croule  sous  les  coups  des  lois  liberti- 
cides;  tandis  que  chez  nous  la  foi  est  en  plus  grand  péril,  que  rensei- 
gnement chrétien  est  de  plus  en  plus  menacé;  et  que,  par  la  logique 
même  des  choses,  un  sentiment  sublime,  quoique  très  simple  et  très  na- 
turel, devrait  dominer,  étreindre  comme  une  passion  le  cœur  de  ceux  (pii, 
momentanément  encore,  disposent  du  droit  de  donner  cet  enseignement: 
sentiment  de  zèle  surnaturel,  désir  souverain  de  façonner  des  âmes  on 
même  temps  que  des  intelligences  ;  de  préparer,  par  tous  les  moyens  en 
leur  pouvoir,  tine  jeunesse  profondément,  irréductiblement  chrétienne  : 
serait-il  admissible,  serait-il  seulement  possible  que  ce  sentiment,  ce  désir 
soient  étouffés,  ou  affaiblis  par  d'autres  préoccupations  inférieures':'... 
En  ce  cas.  Messieurs,  comment  ne  pas  s'alarmer  d'une  telle  attitude? 
Comment  ne  pas  la  signaler  comme  un  danger  pour  l'avenir  de  la 
France?  Comment  ne  point  songer  à  la  grave  responsabilité  qu'en- 
dosseraient ceux  qui  enseignent  et  qui  ne  seront  de  vrais  profes- 
seurs que  parce  que  précisément  formateurs  d'âmes,  et  qu'à  la 
condition  d'être  apôtres.  Car.  Messieurs,  j'estime,  et  votis  estimez  avec 
moi,  n'est-il  pas  vrai?  que  faire  la  classe  et  ne  faire  que  la  classe,  pour 
un  prêtre,  c'est  le  dernier  des  contre-sens.  Point  n'est  besoin  dit  sacer- 
doce pour  apprendre  à  des  écoliers  du  français,  dti  latin  et  du  grec:  de 
l'histoire,  de  la  ]ihilosophie  et  des  mathématiques:  le  premier  breveté 
venu  le  peut  tout  comme  nous,  peut-être  mieux  que  nous.  Mais  pour 
atteindre  les  âmes,  les  élever,  les  façonner  aux  habitudes  vertueuses,  à 
la  vie  du  Christ  que  doit  reproduire  tout  chrétien,  Chris! iaiiU'^  alicr 
Christxis,  nul  n'y  est  plus  apte  que  le  prêtre,  et  c'est  parce  que  nous 
sommes  prêtres,  <\\\e  l'on  fait  de  nous,  de  quelques-uns  de  nous,  des  pro- 
fesseurs. 

Quand  donc  cela  sera-t-il  compris,  mais  compris  et  tenu  à  l'égal  d'un 
dogme,  par  le  généralité  des  7nembres  du  Clersfé  enseignant  Cpour  ne 
parler  que  de  cette  catégorie  de  prêtres!)  Ah  !  Messieurs,  prions  et  agis- 
sons pour  que  le  règne  etirharisfirjur  de  Xotre-Seigutnir  n(lv\onno,  et  que 
notre  devise  à  tous  soit  celle  de  notre  Auguste  et  bien  aimé  Pontife  Pie 
X:  Jnstanrnre  nmin'a  in  Clirixlo! 


{ 1  )   On  n'ignore  pas  que  le  Canada  fut  terre  française,  de  1534  h  1763. 


—  395  — 

Prêtres  éducateurs  du  Canada,  instruisez-vous  de  l'exemple  de  vos 
Frères  de  France,  non  qu'ils  soient  —  comprenez  bien  ma  pensée  —  in- 
fidèles à  leur  mission  —  ce  serait  de  ma  part  une  criante  injustice,  dou- 
blée d'une  outrecuidance  inqualifiable,  que  de  seulement  l'insinuer.  — 
Mais,  sans  être  infidèle  à  sa  mission,  on  peut,  même  en  des  points  im- 
portants —  n'être  pas  tout  à  fait  à  la  hauteur  de  sa  tâche.  Et  c'est 
parce  que  la  chose  est  possible  chez  nous,  (pi'il  est  permis  de  souhaiter 
qu'elle  ne  le  devienne  pas  chez  vous  1 .  .  . 

Mais  qu'est-il  besoin  de  vous  tenir  ce  langage?  l'rêircs  Adorateurs, 
Prêtres  Educateurs  du  Canada,  membres  de  cette  admirable  Jjif/iie  t>(i- 
cerdotale  eucharistique,  implantée  dans  la  Xouvelle-Fnnicc  par  la  Con- 
grégation française  du  Très  Saint-Sacrement,  dont  je  salue  ici  les  dignes 
représentants,  les  Supérieurs  des  Maisons  des  deux  Amériques,  et  dont 
je  suis  particulièrement  fier  de  saluer  le  religieux  aussi  distingué  (pie 
modeste,  secrétaire  du  Comité  local,  cheville  ouvrière  et  organisateur 
intelligent  et  actif  des  travaux  de  ce  Congrès,  —  vous  l'avez  tous  nommé, 
le  P.  Etienne  Galtier,  que  je  suis  allé  chercher,  il  y  a  24  ans.  au  fond 
delà  catholique  Lozère  et  amené,  précieuse  recrue,  au  duvénat  eucharis- 
tique de  Paris;  (1)  —  Prêtres  du  Canada,  vous  avez  su  travailler  à  im- 
planter au  sein  de  ce  pays  et,  en  particulier,  dans  les  milieux  de  jeu- 
nesse, la  connaissance  et  l'amour  de  l'Eucharistie,  le  "  régime  sauveur  " 
de  la  Communion  fréquente  et  quotidienne;  et  vous  avez,  sans  aucun 
doute,  apporté  à  ce  Congrès  l'éloquent  témoignage  des  fruits  de  votre 
zèle,  des  résultats  bénis  de  ce  si  opportun  apostolat. 

Aussi  bien  n'aurai-je.  en  finissant,  (ju'uue  parole  de  félicitation  à  vous 
adresser  et  qu'un  souhait  à  formuler. 

Soyez  bénis,  mes  vénérés  Confrères,  vous  surtout,  membres  du  Clergé 
enseignant  du  Canada,  soyez  bénis  d'avoir  si  bien  compris  (pie  pour 
former  une  jeunesse  chrétienne,  il  faut  avoir  formé,  tout  au  nu)ins  faut- 
il  inlassablement  travailler  à  former  en  soi  l'homme  nouveau,  noinm. 
hominein,  l'homme  de  justice,  de  vérité  et  de  sainteté,  un  nouvel  Adam, 
un  autre  Christ;  et  que  pour  faire  aimer  Jésus-Christ,  il  faut  l'aimer 
soi-même,  et  vivre  en  lui,  vivre  de  lui  et  par  lui  :  Ipse  vivet  propter  me. 

Que  le  Prêtre  Educateur  oriente  sa  vie  vers  ce  but  :  alors  il  sera  vrai- 
ment à  la  hauteur  de  sa  tâche,  et  son  ministère  sera  pour  lui,  dans  toute 
la  force  du  terme,  l'exercice  d'un  apostolat,  du  plus  important  et  du  plus 
opportun  des  apostolats. 


(1)  J'ai  été,  de  1885  à  1888,  directeur  de  ce  Juvénat.  J'ai  appartoiiu,  do  1880 
il  1895  a  la  Congré<ration  du  T.  S.  Sacrement,  l'n  affreux  nialliour  de  famille, 
l'assassinat  de  mon  frère  et  de  ma  belle-sœur,  m'ublipèrent  d'.-n  sortir  pour 
prendre  il  ma  charge  mes  trois  neveux  orphelins.  Il  m'est  doux  d'avoir  l'occasion 
publique  de  professer  une  fois  de  plus  mon  profond  et  tidèle  attachement  A  la 
famille  religieuse  du  Vén.  P.  Eyniard. 


—  39G 


Vœux  : 


Je  me  permets,  en  finissant,  de  proposer  au  Congrès  l'adoption  des 
vœux  suivants,  dont  les  deux  derniers  furent  soumis  et  approuvés,  l'an 
dernier,  au  Congrès  eucharistique  de  Cologne. 

1°  Pour  entrer  dans  les  vues  du  Souverain  Pontife  qui  sont  de  tout 
édifier  sur  le  Christ,  "  instaurare  omnia  in  Christo,"  tous  les  prêtres 
ayant  charge  d'âmes  mettront  tous  leurs  soins  à  implanter  autour  d'eux 
la  dévotion,  sous  toutes  les  formes  qu'elle  comporte,  envers  la  Sainte 
Eucharistie. 

'2°  Appuyés  sur  l'autorité  du  Décret  Sacra  Tridentina  Synodus  et 
pour  se  conformer  à  la  lettre  et  à  l'esprit  de  ses  ordonnances,  les  Mem- 
bres du  Clergé  enseignant  s'emploieront,  d'un  commun  accord  et  avec 
tout  le  zèle  dont  ils  sont  capables,  à  promouvoir  dans  les  Maisons  d'Edu- 
cation la  pratique  de  la  Communion  fréquente  et  quotidienne  et  à  déve- 
lopper parmi  leurs  élèves  les  autres  pratiques  de  dévotion  envers 
l'adorable  Sacrement  de  nos  autels. 

3°  Conformément  à  la  décision  rendue,  à  la  date  du  15  septembre 
1906,  par  la  Sacrée  Congrégation  du  Concile,  les  mêmes  Membres  du 
Clergé  enseignant  s'efforceront  d'affectionner  leurs  plus  jeunes  élèves  à 
la  pratique  de  la  Communion  fréquente  et  quotidienne,  de  telle  façon 
que  ces  derniers  puissent  bénéficier  de  ses  avantages  aussitôt  après  leur 
première  communion,  et  puiser  dans  une  participation  assidue  au  Ban- 
quet eucharistique  les  grâces  de  pureté,  de  piété,  de  force  et  de  persévé- 
rance qui  feront  d'eux  des  chrétiens  vertueux,  de  vrais  disciples  de  Jé- 
sus-Christ, les  défendeurs  de  sa  cause,  les  promoteurs  de  son  règne  dans 
le  monde. 


—  397  — 


2°  Au  Monument  National 


La  seconde  séance  générale  de  ce  matin,  consacrée  comme 
celle  qui  s'était  tenue  au  même  lieu,  la  veille,  à  des  études 
d'intérêt  général,  est  présidée  par  Sa  Grandeur  Mgr  LaRocque^ 
Evêque  de  Sherbrooke,  assisté,  comme  secrétaire,  par  M.  Le- 
coq.  Supérieur  de  St-Sulpice. 

Mgr  le  Président  adresse  au  nombreux  auditoire  quelques 
paroles  vivement  applaudies;  puis  M.  le  Secrétaire  annonce 
Mgr  Bcwil,  Vicaire  Général  et  aumônier  des  Ursuliiies  des 
Trois-Rivières,  qui  présente  le  rapport  suivant  : 

DE  L'EDUCATION  EUCHARISTIQUE  DES  ENFANTS 

DANS  LA  FAMILLE,  A  L'ECOLE,  AU 

CATECHISME. 


ifonseigneur,  Mesdames,  Messieurs, 

Le  sujet  que  j'ai  riionneur  de  traiter  devant  vous  ce  matin  est  inscrit 
a;i  programme  sous  ce  titre:  "De  l'éducation  eucharistique  des  enfants 
dans  la  l'amille,  à  l'école,  au  catéchisme."'  L'énoncé  de  ce  titre  nous  est 
fait  en  une  formule  qui  paraît  un  peu  nouvelle.  Mais  le  sens  qu'il  ren- 
ferme est  en  tout  conforme  à  l'enseignement  authentique  et  traditionnel 
de  l'Eglise;  il  nous  met  de  plus  sous  les  yeux  des  points  de  vue  d'une  si 
grande  justesse  et  d'une  clarté  si  lumineuse  que  l'esprit  en  saisit  la  con- 
venance avant  toute  démonstration. 

Nous  ne  devons  pas  être  surpris  que  dans  lui  congrès  préparé  avec  tant 
de  soin,  on  ait  réservé  une  place  spéciale  pour  les  petits  enfants.  La 
part  privilégiée  que  le  divin  Maître  leur  a  faite  dans  son  Cœur,  les  pro- 
tégeait d'avance  contre  les  oublis  involontaires,  et  plus  encore  contre  des 
omissions  que  l'on  aurait  pu  croire  motivées.  Et  puis,  c'est  bien  dans 
une  assemblée  générale  comme  celle-ci,  qu'il  convenait  de  s'occuper  d'eux. 
Ce  qui  les  concerne  n'intéresse-t-il  pas  toutes  les  classes  et  tous  les  âges 
de  la  société  ?  N'est-il  pas  désirable  que  tous  puissent  se  rendre  compte 
nu  bien  fondé  des  conclusions  et  des  vœux  qui  seront  exprinu''s  ici  :  vœux 
et  conclusions  qui  nous  révéleront  la  pensée  intinu^  de  ce  i\\U'  nous  pour- 
rions appeler  l'âme  inspiratrice  et  dirigeante  de  ce  congrès. 


—  398  — 

J'entre  dans  mon  sujet,  sans  antre  préambule,  en  sollicitant  pour  quel- 
ques instants  votre  indulgente  attention. 

Et  d'abord,  quel  sens  devons-nous  donner  à  ces  mots  :  '"  De  Téducation 
eucharistique  des  enfants?''  Si  Je  ne  me  trompe,  nous  voulons  dire 
que  dans  la  formation  religieuse  et  chrétienne  des  enfants,  il  nous  faut 
donner  une  attention  spéciale  au  mystère  eucharistique;  leur  faire  con- 
naître ce  qu'il  en  est  lui-même  ;  le  culte  qui  lui  est  dû  ;  la  raison  divine 
de  son  institution;  et  ces  connaissances,  les  faire  pénétrer  de  bonne  heure 
dans  leurs  âmes,  non  pas  seulement  d'une  manière  théorique,  comme 
objet  de  leur  croyance;  mais  bien  d'une  manière  pratique,  en  quelque 
sorte  vivante,  de  telle  sorte  qu'ils  apprennent  ce  qu'est  Jésus-Hostie  par 
rapport  à  nous,  quelles  sont  avec  nous  ses  relations  intimes  et  quelle  est 
la  part  d'action  qui  lui  appartient  dans  la  direction  morale  et  religieuse 
de  notre  vie. 

L'exposé  de  quelques  vérités  bien  connues,  rendra  plus  clair  ce  que 
j'ai  à  dire  sur  ce  sujet;  qu'il  me  soit  permis  de  les  rappeler  en  peu  do 
mots. 

L'homme  a  été  créé  pour  Dieu,  pour  le  posséder  éternellement  et  par- 
tager son  bonheur  par  la  vision  béatifique.  C'est  ce  que  nous  appelons 
la  vie  éternelle,  vie  de  gloire,  la  seule  vraie  vie,  but  suprême  qu'il  doit 
atteindre  s'il  veut  accomplir  sa  destinée.  Cette  vie  éternelle  qui  a  sa 
consommation  et  son  parfait  épanouissement  dans  le  ciel  se  prépare  et 
commence  sur  la  terre  par  la  vie  surnaturelle  de  la  grâce;  et  le  moyen 
d'y  arriver,  c'est  la  connaissance  et  l'amour  de  Dieu  et  de  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ.  Car,  nous  dit  le  divin  Maître,  en  s'adressant  à  son  Père 
céleste,  "  la  vie  éternelle  consiste  à  vous  connaître,  vous  le  seul  vrai 
Dieu,  et  Celui  que  vous  avez  envoyé,  Jésus-Christ."  (St-Jean  XVII-3  ) 
Ainsi  dans  l'ordre  du  salut,  la  connaissance  de  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ  ne  peut  se  séparer  de  la  connaissance  de  Dieu.  Cette  connais- 
sance, absolument  nécessaire  aux  adultes,  devient  aussi  obligatoire  pour 
les  enfants,  à  mesure  que,  avec  la  croissance  de  l'âge  et  le  développement 
de  leur  intelligence,  s'accroît  aussi  leur  propre  responsabilité.  Mais 
qu'est-ce  que  connaître  Jésus-Christ,  et  jusqu'oii  doit  s'étendre  cette  di- 
vine connaissance  qui  est  le  principe  d'un  si  grand  bonheur  ? 

Connaître  Jésus-Christ,  c'est  avant  tout  savoir,  conformément  aux 
données  de  la  foi,  qu'il  est  le  vrai  Fils  de  Dieu,  le  Verbe  incarné,  qu'il 
i'.it  le  Sauveur  du  genre  humain  et  que,  pour  le  sauver,  il  a  souffert,  il 
est  mort,  et  qu'après  être  ressuscité  glorieusement,  il  est  monté  au  ciel 
pour  nous  y  préparer  une  place. 

Mais  ce  n'est  pas  tout.  La  foi  nous  enseigne  que,  avant  de  monter 
vers  son  Père,  il  a  voulu  établir  sa  demeure  d'une  manière  permanente 
ou  milieu  de  nous.  Voici  que  je  serai  avec  vous  tous  les  jours  jusqu'à 
\i\  fin  des  siècles,  avait-il  promis  à  ses  a])ôtres,  et,  en  instituant  un  sacer- 
doce impérissable,  sur  le  type  de  son  sacerdoce  éternel,  il  a  opéré  la  mer- 
veille des  merveilles,  il  nous  a  laissé  le  sacrement  que  la  piété  des  fidèles 
appelle  le  sacrement  d'amour.  Et  depuis  dix-neuf  siècles,  Notre-Seigneur, 
monté  au  ciel  en  sa  chair  glorifiée,  opère  cependant  le  miracle  que  nous 
ndorons  à  genoux.  T!  est  resté  au  milieu  de  nous,  il  iu)us  a  donné  son 
(orps.  et  comme  son  corps  est  vivant  et  inséparable  de  sa  divinité,  il 


—  399  — 

s'ensuit  que  depuis  dix-neul"  siècles  et  jusqu'à  toujours,  nous  avons  avec 
nous  le  Fils  éternel  de  Dieu,  qui  vit  au  milieu  de  nous,  sans  Jamais  nous 
quitter,  parce  que  ses  délices  sont  d'être  avec  les  enfants  des  hommes. 
Et  nous  pourrions  rester  indifférents  en  présence  de  ce  mystère  !  Et 
les  hommes  pourraient,  sans  ingratitude  et  sans  détriment  de  leur  vie 
surnaturelle,  suivre  leur  chemin  à  travers  le  monde  et  à  travers  les 
siècles,  en  laissant  dans  l'isolement  et  dans  l'oubli  leur  divin  compagnon 
de  route  ! 

Non,  il  ne  peut  en  être  ainsi.  Ce  serait  trop  méconnaître  les  des- 
seins si  généreux  et  si  pleins  de  miséricorde  du  Cœur  de  Jésus.  Il 
s'ensuit  que  la  connaissance  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  pour  être 
complète  et  intégrale,  comporte  la  connaissance  du  mystère  eucharistique 
et  ne  peut  en  être  séparée.  En  effet,  si  le  divin  Maître  a  pu  dire  en 
s'adressant  à  son  Père  céleste  :  "  La  vie  éternelle  consiste  à  vous  connaître. 
Vous,  le  seul  vrai  Dieu,  et  celui  que  vous  avez  envoyé,  Jésus-Christ/' 
(S.  Jean,  XVII-3),  il  nous  dit  à  nous:  Je  suis  le  pain  de  vie;  je  suis  le 
pain  vivant,  moi  qui  suis  descendu  du  ciel;  si  quelqu'un  mange  de  ce 
pain,  il  vivra  éternellement,  et  le  pain  que  je  donnerai,  c'est  ma  chair 
pour  la  vie  du  monde.  Si  vous  ne  mangez  la  chair  du  Fils  de  Thomme, 
vous  n'aurez  point  la  vie  en  vous,  etc.  Et  lorsqu'il  institue  l'adorable 
pacrement  :  Prenez  et  mangez,  ceci  est  mon  corps,  etc.  Telle  est  donc  la 
pensée  intime,  la  volonté  nettement  marquée  du  divin  Sauveur.  Il  a 
fait  entrer  la  Sainte  Eucharistie  dans  l'économie  de  la  rédemption  et 
de  la  sanctifieation  des  âmes;  et  ce  qu'il  a  établi  doit  demeurer  et  de- 
meurera, tant  qu'il  y  aura  sur  la  terre  des  âmes  à  régénérer  et  à  r-anc- 
tifier. 

Xotre-Seigneur,  en  instituant  l'auguste  mystère,  s'est  proposé  des  fins 
multiples.  Qu'il  ait  voulu  glorifier  son  Père  par  ses  abaissements  mys- 
tiques et  son  immolation  jamais  interrom])ue  :  qu'il  ait  eu  dessein,  en 
même  temps,  de  faire  du  bien  aux  hommes,  voilà  sans  doute,  la  fin  su- 
prême et  dernière  de  la  cérémonie  accomplie  à  la  dernière  cène,  ^fais 
si  nous  méditons  les  paroles  que  noiis  venons  de  citer  et  si  nous  considé- 
rons les  s}Tnboles  dont  il  s'est  servi  pour  réaliser  le  miracle  de  sa  pré- 
sence réelle  et  pennanentc'  au  milieu  de  nous,  nous  devons  recojinaître 
qu'une  pensée  spéciale,  dominante,  lui  a  inspiré  ce  grand  acte.  Ce  quïl 
annonce  à  ses  apôtres  et  aux  Juifs,  ce  qu'il  promet,  ce  n'est  pas  préci- 
sément, et  avant  tout,  une  chose  sainte  et  divine  qu'il  faudra  vénérer  et 
adorer,  ce  n'est  pas  seulement  un  sacrifice  qui  devra  être  renouvelé  tous 
les  jours  pour  le  salut  du  monde.  C'est  une  nourriture  dont  il  veut  que 
nous  îuangions  :  c'est  un  pain  dont  il  veut  nous  rassasier.  Ah  !  la  chose 
sainte,  ou  plutôt  la  personne  divine  qu'il  faudra  adorer  y  sera  sans  doute, 
puisque  c'est  elle  qui  va  faire  l'objet  de  son  don:  le  sacrifice  perpétuel 
V  sera  aus?i.  puisque  c'est  le  moven  qu'il  choisit  ])our  se  donner,  comme 
il  veut  se  donner.  Mais  tout  cela  y  sera,  afin  ^que  nous  ayons  sans  cesse 
et  tous  les  jours,  une  nourriture  divine,  une  nourriture  dont  la  propriété 
sera  d'entretenir  en  nous  la  vie  de  la  grâce,  jusqu'à  notre  entrée  dans 
la  vie  de  la  gloire.  C'est  ainsi  que  les  apôtres  l'ont  entendu  et  compris. 
C'est  ainsi  que  les  premiers  r-hrétiens.  instruits  nar  les  apôtres,  l'^mt 
compris  et  pratiqué.  C'est  ainsi  que  l'Eglise,  héritière  et  dépositaire 
infaillible  des  enseignements  des  ajmtres  et  du  ^faîtrc  l'a  toujours  -om- 


—  400  — 

pris  et  enseigné.  Et  tous  ceux,  qui  à  un  titre  quelconque  sont  chargés 
de  l'instruction  religieuse  des  enfants,  ne  doivent-ils  pas  leur  distribuer 
le  même  enseignement,  et  ne  serait-ce  pas  méconnaître  les  aspirations 
et  les  exigences  surnaturelles  de  ces  enfants,  que  de  les  laisser  grandir 
jusqu'aux  approches  de  l'adolescence,  avec  des  idées  vagues  et  plus  ou 
moins  erronées  à  l'égard  de  la  Sainte  Eucharistie  ?  Ces  enfants  ont 
droit  à  la  connaissance  intégrale  de  leur  divin  Eédempteur  et  Sauveur, 
leurs  éducateurs  sont  obligés  de  la  leur  donner  autant  qu'ils  sont  ca- 
pables de  la  recevoir,  avant  même  qu'ils  comprennent  le  devoir  de  la 
demander.  Mais  cette  connaissance,  ils  ne  l'auront  pas,  tant  qu'on  leur 
laissera  ignorer  le  sacrement  dans  lequel  il  se  tient  captif  et  caché,  pour 
assurer  à  ceux  qu'il  a  rachetés,  les  fruits  surabondants  de  sa  rédemption. 
Pour  eux  comme  pour  les  adultes,  la  table  est  dressée  par  le  Père 
de  famille.  Si  nous  y  sommes  conviés  comme  les  premiers  chrétiens, 
les  enfants  d'aujourd'hui,  comme  ceux  des  premiers  âges,  ont  droit  eux 
aussi  d'y  prendre  place,  et  les  besoins  spirituels  de  leurs  Jeunes  âmes 
demandent  qu'ils  n'en  soient  pas  écartés.  Parvuli  petierunt  panem. 
Faudra-t-il  ajouter  qu'il  n'y  a  personne  pour  le  leur  donner?  Et  non 
erat  qui  frangeret  eis. 

1.  —  Dans  la  famille. 

Mais  pourrait-on  demander,  les  enfants,  dans  leur  bas  âge,  sont-ils 
capables  d'être  instruits  d'une  manière  profitable  et  efficace  d'un  mys- 
tère aussi  élevé?  d'un  mystère  à  l'égard  duquel  les  impressions  des  sens 
semblent  si  peu  en  harmonie  avec  les  enseignements  de  la  foi?  Je  pour- 
rais répondre  d'abord,  que  l'enfant  est  naturellement  disposé  à  admettre 
ce  qui  lui  est  enseigné.  Simple  et  sans  défiance,  il  accepte  tout,  il  croit 
tout  de  la  part  de  ceux  en  qui  il  a  mis  sa  confiance.  Mais  je  m'arrête 
à  une  autre  considération. 

Il  y  a  un  phénomène  de  l'ordre  de  la  grâce  que  l'on  oublie  trop  souvent, 
par  suite  de  la  manière  toute  naturaliste  dont  on  envisage  les  choses  qui 
sont  au-dessus  de  la  nature. 

L'enfant  qui  a  été  baptisé,  a  reçu  avec  la  grâce  sanctifiante,  d'une 
manière  infuse,  le  principe  des  vertus  surnaturelles,  et  notamment  des 
vertus  théologales,  la  foi,  l'espérance  et  la  charité.  Par  le  fait  qu'il  est 
ordonné  vers  sa  fin  dernière,  qui  est  la  vision  de  Dieu,  et  que  le  bon 
Dieu  habite  en  lui,  toutes  les  facultés  de  son  âme  sont,  pour  ainsi  dire, 
imprégnées  des  influences  de  la  divinité.  L'eau  sainte  du  baptême  y  a 
fait  naître  des  aptitudes  et  des  aspirations  spéciales  vers  les  choses  cé- 
lestes. On  dirait  une  sorte  d'instinct  supérieur,  surnaturel  qui  l'attire, 
(jui  le  porte  doucement  à  subir  les  impressions  et  à  concevoir  les  senti- 
ments que  la  foi  et  l'amour  de  Dieu  seuls  peuvent  inspirer.  Oui,  il  est 
plus  facile,  qu'on  ne  serait  porté  à  le  croire,  d'inspirer  aux  enfants  la 
Tiiété  et  l'amour  de  Xotre-Seigneur  Jésus-Christ.  Et  l'un  des  moyens 
les  plus  efficaces  pour  y  arriver,  c'est  de  leur  parler  de  Jésus-Christ 
comme  présent  au  milieu  d'eux,  de  leur  montrer,  en  (]uelque  sorte,  en 
leur  faisant  connaître  le  mystère  de  l'Eucharistie. 

Dites-leur  que  le  Fils  de  Dieu  est  venu  autrefois  sur  la  terre,  qu'il  est 
mort,  qu'il  a  souffert  pour  eux;  ces  vérités,  sans  doute,  si  elles  sont  bien 


—  401  — 

mises  à  leur  portée,  ne  les  laisseront  pas  insensibles.  Cependant,  c'est 
un  fait  d'expérience  que  les  choses  qui  se  sont  passées  loin  de  nous,  ou 
dans  le  lointain  des  âges,  ne  font  pas  ordinairement  sur  nos  âmes  une 
impression  bien  profonde  et  bien  durable.  Celles,  au  contraire,  qui  se 
passent  sous  nos  yeux,  dont  nous  sommes  témoins,  nous  impressionnent 
davantage;  et,  si  elles  s'accomplissent  en  notre  faveur,  plus  est  grand 
le  témoignage  d'amour  dont  elles  font  preuve,  plus  nous  sommes  portés 
à  rendre  amour  pour  amour,  à  l'être  bienfaisant  qui  se  montre  généreux 
à  notre  égard.  C'est  une  loi  de  la  nature  à  laquelle  les  enfants  eux- 
]nêmes  ne  font  pas  exception.  C'est  ce  qu'opérera  en  eux,  la  connai.>- 
sance  de  la  Sainte  Eucharistie,  en  mettant  sous  leurs  yeux  le  mémorial 
toujours  persistant  de  l'amour  qui  a  fait  Jésus-Christ  se  sacrifier  pour 
i;ous.  Bien  qu'ils  se  trouvent  ici  en  présence  d'un  mystère  qu'ils  ne 
comprennent  pas,  ils  laisseront  bientôt  voir  que  ce  Jésus  si  bon  a  déjà 
su  gagner  la  meilleure  part  des  affections  de  leur  cœur.  Plus  d'un 
trait  de  l'histoire  pourrait  être  cité  à  l'appui  de  ce  que  je  dis.  Le  Vén. 
M.  E^Tnard,  encore  enfant,  avait  un  tel  désir  de  la  sainte  communion 
que,  pendant  la  messe,  qu'il  aimait  à  servir,  après  que  le  prêtre  avait 
communié,  il  tirait  sur  sa  chasuble  et  lui  disait  :  "'  Et  moi,  mon  père,  à 
mon  tour  " . . 

Sainte  Madeleine  de  Pazzi,  lorsqu'elle  voyait  sa  mère  revenir  de  l'é- 
glise, oii  elle  avait  fait  la  sainte  communion,  courait  à  sa  rencontre  et 
lui  prodiguait  ses  témoignages  de  respect  et  de  tendresse  en  lui  disant: 
'•'  Mère,  tu  sens  Jésus." 

On  dira  peut-être  que  ce  sont  des  exceptions,  que  ces  enfants  étaient 
plus  spécialement  prévenus  par  les  dons  de  la  grâce,  soit.  Mais  ne 
pourrait-on  pas  dire  aussi  que  ces  faits  seraient  moins  rares  et  moins 
extraordinaires,  si  la  foi  des  enfants  était  plus  éclairée,  si  on  leur  faisait 
mieux  connaître  le  Sainte  Eucharistie. 

Après  l'exposé  de  ces  vérités  générales,  venons  à  des  considérations 
pratiques  et  d'application  journalière. 

.1  quel  âge  de  la  vie  devrait  commencer  cette  éducation  religieuse  et 
eucharistique  des  enfants,  et  quels  doivent  être  leurs  premiers  maîtres 
dans  la  science  de  Xotre-Seigneur  ?  Un  trait  bien  touchant  de  l'évan- 
gile se  présente  naturellement  à  notre  esprit,  pour  nous  donner  la  ré- 
ponse à  cette  question. 

Tandis  aue  Jésus  parcourait  la  Judée,  on  lui  amenait  de  toutes  parts 
les  petits  enfants,  afin  qu'il  les  bénît;  et  les  apôtres,  qui  ne  connaissaient 
encore  qu'imparfaitement  l'esprit  et  les  tendresses  du  Cœur  de  leur 
divin  Maître,  cherchaient  à  les  éloigner.  ]\Iais.  Jésus,  les  reprenant, 
leur  disait:  "Laissez  venir  à  moi  les  petits  enfants,"  et  il  les  recevait 
avec  bonté,  les  caressait  et  les  bénissait.  Qui  donc  amenait  ainsi  les 
enfants  à  Jésus-Christ  ?  Evidemment  leurs  parent'',  et  les  enfants  Ti'y 
seraient  pas  allés  d'eux-mêmes,  si  les  parents  ne  les  y  eussent  amenés: 
ei  en  disant  à  ceux  (|ui  l'entouraient:  laissez  venir  à  moi  les  ix'tit<  en- 
fants, il  leur  disait  éfinivalemment  :  amenez-moi  les  petits  enfants,  qu'ils 
apprennent  à  me  connaître,  et  ne  craignent  pas  de  s'approcher  de  moi. 
et  je  les  comblerai  de  bénédictions. 

Cette   histoire    est    pleine    d'enseignements    pour    vous,    mères    chre- 


—  402  — 

tiennes,  le  Cœur  de  Jésus  est  tout  amour  pour  vos  enfants,  comme  il 
ai  ma  il  ses  petits  frères  de  la  Judée.  Et,  comme  il  faisait  aux  jours  de 
sa  vie  mortelle,  il  ne  cesse  de  vous  dire,  à  vous  aussi:  amenez-moi  vos 
petits  riifants,  ([ue  par  vous  ils  me  connaissent,  qu'ils  apprennent  à 
nraiiHcr,  comuie  moi  aussi  je  les  aime  et  désire  leur  procurer  le  plus 
grand  de  tous  les  bienfaits. 

Oui.  faites  comme  ces  pieuses  femmes  de  la  Judée  qui  ne  craignaient 
pas  de  se  rendre  imi)ortunes  en  se  pressant  autour  de  Jésus  et  en  lui 
amenant  leurs  enfants.  Si  l'on  veut  vous  écarter,  et  éloigner  de  Jésus 
les  chères  petites  créatures  que  vous  aimez,  insistez  davantage,  soyez 
courageuses  et  persévérantes:  ne  craignez  pas  les  oppositions  d'un  faux 
zèle  ou  d'un  respect  mal  entendu,  et  moins  encore  les  clameurs  de  la 
haine  et  de  la  jalousie  envers  Jésus,  et  vos  saintes  hardiesses  vous  vau- 
dront à  vous  et  à  vos  enfants,  le  bonheur  de  recevoir  des  paroles  de  ten- 
dresse et  de  bénédiction  d"un  prix  inestimable. 

l'n  ])rêtre  éminent  du  clergé  de  Paris  répondant  un  jour  à  l'un  de 
ses  confrères  qui  parlait  de  ce  sujet,  lui  dit  spirituellement  :  Ainsi,  vous 
voulez  que  l'éducation  eucharistique  des  enfants  commence  le  jour  de 
leur  baptême.  —  C'est  bien  cela,  répliqua  celui-ci.  La  répartie  paraîtra 
peut-être  paradoxale.  Voyons  plutôt  si  elle  n'est  pas  l'expression  d'une 
vérité  profonde. 

Il  y  a  des  mères  chrétiennes  qui,  au  jour  du  baptême  de  leurs  enfants, 
ne  man(|uent  jamais  de  les  offrir  au  Sacré-Cœur  de  Jésus  ou  à  la  Très 
Sainte  Vierge  par  le  ministère  de  la  marraine.  C'est  mi  usage  que 
l'on  ne  saurait  ti'op  louer  et  recommander.  La  pieuse  mère  reconnaît 
par  là  (|ue  l'enfant  appartient  à  Dieu,  et  lorsque  après  avoir  été  régénéré" 
par  la  grâce  du  ba])tême,  il  est  déposé  dans  ses  bras  maternels,  elle  le 
reçoit  comme  un  dépôt  doublement  cher  et  sacré.  Cet  enfant  est  bien 
à  elle,  mais  il  est  aussi  le  fils  adoptif  du  Très  Haut,  l'héritier  de  son 
royaume,  le  cohéritier  de  Jésus-Christ.  Dès  lors,  un  double  amour  en- 
vironne et  protège  cet  enfant:  l'amour  de  ses  parents  selon  la  nature, 
et  l'amour  du  Père  céleste  qui  le  lui  confie,  comme  il  confia  son  premier 
né.  Jésus,  à  Joseph  et  à  Marie.  Il  suit  de  là,  que  par  une  disposition 
admirable  de  la  Providence,  plus  les  enfants  sont  jeunes,  plus  ils  dé- 
pendent de  leurs  parents,  et  plus  ces  derniers  auront  à  répondre  à  Dieu 
do  la  manière  dont  ils  auront  pris  soin  de  leurs  jeunes  années.  D'un 
autre  côté,  les  ])arents.  s'ils  ont  vraiment  l'esprit  de  foi.  resteront  faci- 
lement convaincus  qu'ils  ont  besoin  de  Dieu,  mais  aussi  qu'ils  peuvent 
d'autaiil  plus  compter  sur  Lui,  j)our  ce  (pii  regarde  le  l)ien  de  leurs  en- 
fants. La  prière  se  ])résente  alors  comme  un  ])ressant  et  impérieux 
devoir,  comme  une  ressource  d'une  efficacité  incalculable  dans  l'œuvre 
de  l'éducation.  Oui.  pères  et  mères,  vous  n'êtes  pas  seuls,  vos  eff'orts 
ne  sont  pas  isolés  pour  l'accomplissement  de  ce  grand  devoir:  Dieu  lui- 
niême  y  est  intéressé.  Priez  pour  vos  enfants,  qui  sont  aussi  les  enfants 
de  Dieu.  Vous  avez  tous  les  motifs  de  confiance  pour  vous  réconforter 
si  vous  savez  recourir  au  grand  moyen  de  la  prière. 

Priez  et  apprenez  à  vos  enfants  la  nécessité  et  la  pratique  de  la  prière. 
dès  leurs  plus  tendres  années.  Que  le  saint  Nom  de  Jésus  résonne  comme 
une  douce  mélodie  à  leurs  oi-eilles,  f|u'il  s'exhale  de  leurs  cœurs  et  coule 
sur  leurs  lèvres  comme  une  onction  sainte  riui  les  charme  et  les  sanctifie. 


—  403  — 

L'éducation  chrétienne  des  enfants  est  un  édifice  qu'il  faut  construire; 
l'âme  est  un  tabernacle  où  la  divinité  elle-même  veut  recevoir  Tliospita- 
lité.  Oli,  le  prophète  royal  l'a  chanté:  Nisi  Dominus  œdificaverit  domum. 
in  vanum  hiboraverunt  qui  œdificant  eam.  Si  le  Seigneur  ne  bâtit  lui- 
même  la  maison,  c'est  en  vain  que  des  ouvriers  travailleront  à  la  bâtir. 
La  prière  vous  obtiendra  ce  concours  nécessaire  de  l'architecte  divin,  et 
ainsi  votre  travail  ne  sera  pas  stérile.  Veillez  aussi  avec  un  soin  jalou.x, 
sur  l'innocence  de  vos  enfants.  Oh  !  comme  elle  doit  vous  être  chère 
cette  blanche  pureté  de  l'âme  de  vos  enfants,  et  quel  plus  précieux  trésor 
pourriez-vous  avoir  sous  votre  garde  1  Comme  elle  les  disposera  heureu- 
senu'ut  à  la  connaissance  et  à  l'amour  de  la  Sainte  Eucharistie  1  Jésus 
l'a  dit  :  Bienheureux  les  cœurs  purs,  parce  qu'ils  verront  Dieu.  Ils  le 
verront  et  ils  s'y  attacheront.  Jésus  lui-même  est  un  aimant  qui  attire, 
qui  charme  et  qui  captive.  Les  coeurs  purs  ont  une  affinité  nu'rveilleuse 
à  subir  l'influence  de  cet  aimant.  Ainsi  attiré  par  Jésus,  gardé  et  pro- 
tégé par  vous,  l'enfant  grandira  dans  toute  la  fraîcheur  de  sa  beauté, 
et  deviendra  ce  tabernacle  vivant  et  richement  orné  où  Jésus  aimera  à 
se  reposer.  C'est  ainsi  que  l'éducation  aura  commencé  au  baptême.  Or, 
le  terrain  étant  si  bien  préparé,  l'instruction  religieuse  deviendra  plus 
facile  et  portera  des  fruits  abondants.  Puisque  c'est  de  vous,  parents 
chrétiens  que  l'enfant  doit  recevoir  les  premiers  enseignements,  ne  trou- 
verez-vous  pas  profondément  raisonnable  et  infiniment  désirable,  que  la 
connaissance  de  Dieu  jette  les  rayons  de  sa  lumière  dans  son  âme,  dès 
le  ])remier  réveil  de  sa  vie  intellectuelle.  A  mesure  que  le  jour  s'y  fera 
plus  brillant  et  plus  l)eau,  que  cette  raison  se  développera  sous  l'inttiu'nce 
du  milieu  où  elle  vivra,  et  par  les  choses  qu'elle  entendra  et  qu'elle  verra, 
faudra-t-il  fjue  le  bon  Dieu.  (|ue  Jésus  soit  mis  de  côté,  pour  donner  toute 
la  place  aux  choses  terrestres  et  de  l'ordre  purement  naturel,  et  laisser 
languir,  s'étioler,  et  peut-être,  hélas!  périr  la  vie  surnaturelle  qui  fait 
de  cet  enfant  l'émule  des  anges  sur  la  terre.  Cette  considération,  loyale- 
ment comprise,  nous  fait  voir  quand  doit  commencer  l'éducation  dont 
nous  parlons.  Les  progrès  de  l'âge,  mais  surtout  la  mesure  progressive 
du  développement  intellectuel  de  l'enfant,  nous  indinucnf  aussi  la  marche 
ascendante  de  cette  éducation  et  la  direction  qu'il  faut  lui  donner.  Or, 
ne  crovez  pas  qu'au  début  de  leur  édiuation.  il  convienne  de  faire  aux 
enfants  des  discours  et  des  exhortations  qu'ils  ne  sont  pas  encore  ca- 
pables de  sui)porter.  L'amour  maternel  s'y  connaît  mieux  en  petites 
industries  merveilleusenu-nt  propres  à  faire  pénétrer  dans  les  âmes  les 
choses  qu'il  veut  y  faire  entrer.  Que  la  mère  sache  seulement  profiter 
des  circonstances  qui  se  présentent  si  .«ouvent  dans  la  vie  de  famille, 
par  exemple,  un  mot  d'explication  sur  une  prière  (prellc  1"'  f:ii<^  récite;-; 
une  petite  correction  ou  une  récompense  que  l'enfant  aura  méritée.  Dites- 
lui  que  tell(>  chose  qu'il  a  faite,  cause  de  la  peine  au  petit  Jésus:  que 
telle  autre  lui  fait  plaisir.  Tx^s  enfants  sont  familiers  avec  les  autres 
petits  enfants.  Ils  les  aiment  et  traitent  avec  eux  d'égal  à  égal.  Pro- 
fitez de  cette  disposition  naturelle  pour  parler  de  l'Knfant  Jésus  et  le 
faire  aimer.  Une  simple  image  qui  le  représente  dans  la  crèche  de 
Bethléem  excitera  la  curiosité  de  votre  enfant.  Et  si  vous  lui  dites 
nu'il  est  le  Eils  de  Dieu.  Dieu  lui-même.  nuMl  s'est  fait  petit  enfant  pour 
lui  ressembler,  qu'il  l'aime  et  (|u'i1  veut  le  conduire  au  ciel,  votre  enfant 


—  404  — 

l'aimefa  aussi,  et  avec  raniour  naîtront  et  grandiront  dans  son  cœur  le 
respect,  la  conliance  et  les  autres  sentiments  qui  rapprochent  les  âmes 
de  Jésus.  Cette  petite  image  vous  aidera  à  lui  enseigner  une  foule  de 
choses,  que  sans  elle  il  aurait  longtemps  ignorées.  Montrez-lui  le  même 
Jésus  adolescent,  maniant  la  scie  et  le  rabot,  dans  l'atelier  de  Saint 
Joseph,  et  pratiquant  l'obéissance  la  plus  absolue  à  ses  parents.  Oh  ! 
comme  il  lui  paraîtra  beau  et  aimable  ce  cher  petit  Jésus  ;  et  quand  en- 
suite, vous  lui  ferez  voir  le  même  Jésus  attaché  à  la  croix  par  la  malice 
des  hommes,  et  pour  expier  nos  péchés,  le  cœur  de  cet  enfant  sera  ému 
et  profondément  touché,  et  il  vous  manifestera  ses  sentiments  par  ses 
exclamations  et  quelquefois  par  ses  pleurs.  Vous  lui  aurez  inspiré,  en 
même  temps,  avec  la  dévotion  au  crucifix,  la  crainte  et  la  détestation  du 
péché.  Vous  arriverez^  ainsi  facilement,  à  lui  parler  de  la  Sainte  Eu- 
charistie. Ce  même  petit  Jésus,  que  vous  lui  avez  montré  si  bon,  si 
généreux,  si  aimable,  dites-lui  qu'il  demeure  au  milieu  de  nous,  qu'il 
est  dans  nos  églises,  et  que  les  petits  enfants  peuvent  le  voir  et  lui  parler. 
Conduisez-le  à  l'église,  aussitôt  que  son  âge  vous  le  permettra.  Montrez- 
lui  le  tabernacle  oii  il  repose.  Faites-lui  voir  la  sainte  hostie,  lorsqu'elle 
est  exposée  sur  l'autel,  ou  que  le  prêtre  distribue  la  sainte  communion 
aux  fidèles.  Vous  en  viendrez  à  lui  expliquer  comment  cette  blanche 
hostie,  qui  était  du  pain  avant  la  messe,  est  devenue,  par  la  consécration, 
le  vrai  corps  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ;  que  le  prêtre  opère  ce 
changement  par  le  pouvoir  qui  lui  a  été  donné  par  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ,  à  qui  rien  n'est  impossible;  que  Notre-Seigneur  a  choisi  le  pain 
pour  nous  montrer  que  c'est  une  nourriture  qu'il  veut  nous  donner.  Et 
que  cette  nourriture  vraiement  divine  est  admirablement  efficace  pour 
nous  aider  à  éviter  le  mal  et  à  pratiquer  la  vertu. 

Demandez-lui  ensuite,  s'il  n'aimerait  pas  lui  aussi  à  recevoir  Jésus 
dans  son  cœur,  à  faire  sa  première  communion.  Et  vous  verrez  combien 
vif  se  manifestera  chez  lui  l'attrait  pour  la  sainte  communion.  Vous 
en  viendrez  bientôt  à  lui  faire  faire  la  communion  spirituelle,  cette  pra- 
tique trop  négligée,  et  pourtant  si  salutaire;  vous  la  ferez  avec  lui  par 
de  toutes  courtes  formules  qu'il  apprendra  facilement  et  pourra  ensuite 
réciter  lui-même.  Que  de  choses  vous  lui  aurez  déjà  appris  à  respecter 
et  à  aimer  par  les  relations  qu'elles  ont  avec  l'Eucharistie  !  C'est  l'é- 
glise dont  la  beauté  l'a  charmé  et  qu'il  considère  comme  la  maison  de 
Dieu;  c'est  le  prêtre,  l'homme  de  l'Eucharistie,  celui  qui  lui  donnera 
Jésus  dans  la  sainte  communion  et  qui  le  conduira  à  Jésus  pour  vivre 
avec  lui  dans  le  ciel.  C'est  le  saint  sacrifice  de  la  messe,  auquel  ii  assis- 
tera avec  respect,  avant  même  d'en  connaître  la  nature,  ainsi  que  la 
sainteté  et  la  grandeur.  Dites  ces  choses,  et  d'autres  encore,  à  votre 
enfant  de  quatre  ou  cinq  ans,  à  six  et  à  sept  ans,  répétez-les-lui  sous 
diverses  formes,  sans  le  fatiguer  ni  l'ennuyer.  Faites  entrer  dans  votre 
foyer  quelque  bonne  revue  eucharistique,  bien  illustrée  et  enrichie  de 
traits  historiques.  Cas  moyens  divers  vous  conduiront  à  des  résultats 
dont  vous  serez  vous-mêmes  étonnés. 


2 A  l'école. 

Cependant,  voilà  que  le 
le 


Cependant,  voilà  que  le  temps  est  venu  pour  vos  enfants  de  prendre 
chemin  de  l'école.     Les  maîtres  et  les  maîtresses,  s'ils  ont  conscience 


—  405  — 

de  leur  devoir,  deviendront  vos  auxiliaires,  et  dans  une  large  mesure 
vos  suppléants,  dans  l'œuvre  de  l'éducation.  Gardez-vous  cependant  de 
croire  que  votre  tâche  est  finie.  Intéressez-vous  à  leurs  efforts  et  à  leurs 
progrès,  et  faites  en  sorte  qu'ils  s'en  aperçoivent.  Voyez  souvent  où 
ils  en  sont  dans  l'étude  de  leur  catéchisme;  veillez  à  ce  que  leurs  prières 
se  fassent  avec  exactitude  et  avec  piété,  que  leur  dévotion  à  la  Sainte 
Vierge  devienne  plus  ardente,  et  montrez-leur  surtout  l'importance  que 
vous  attachez  au  grand  acte  de  leur  première  communion.  Et  lorsque 
ce  grand  jour  sera  arrivé,  n'oubliez  pas,  si  vous  le  pouvez,  que  le  moyen 
le  moins  équivoque  et  le  plus  édifiant  de  leur  témoigner  votre  joie,  c'est 
d'aller  prendre  part  avec  eux  au  banquet  divin.  Que  de  vues  humaines  et 
terrestres  se  mêlent  hélas  !  aux  motifs  de  foi  dans  les  actes  préparatoires 
à  la  première  communion.  N'est-il  pas  vrai  que  la  vanité,  bien  plus 
que  les  idées  sérieuses,  semble  absorber  toute  l'attention  de  certaines 
âmes  d'enfants.  0  mères  chrétiennes,  faites  en  sorte  que  vos  petites 
filles  soient  bien  plus  préoccupées  de  la  pureté  de  leui-s  cœurs  et  du  désir 
de  posséder  Jésus,  que  de  la  joie  dissipante  et  toute  profane  d'avoir  de 
beaux  habits  neufs,  plus  riches  et  mieux  faits  que  ceux  de  la  petite  voi- 
sine, ou  de  recevoir  de  jolis  cadeaux,  qu'elles  convoitent  et  dont  elles  ont 
été  privées  jusque-là. 

Lorsque  la  première  communion  est  faite,  que  vos  enfants  ne  la  re- 
gardent pas  comme  un  acte  isolé  et  sans  suite  dans  la  vie  chrétienne. 
S'il  est  si  bon  et  si  salutaire  de  communier  une  fois,  ne  doit-on  pas  con- 
clure qu'il  l'est  infiniment  plus  de  communier  souvent.  Montrez-vous 
donc  favorables  à  la  pratique  de  la  communion  fréquente,  même  quoti- 
dienne, et  donnez  à  vos  enfants  toute  la  facilité  possible  pour  satisfaire 
leur  dévotion.  S'il  leur  est  donné  de  fréquenter  les  collèges  ou  les  pen- 
sionnats, les  obstacles  seront  presque  entièrement  levés.  Votre  plus 
doux  devoir  sera  alors  de  leur  permettre  de  continuer  durant  les  vacances 
la  pieuse  coutume  qu'ils  auront  contractée  dans  le  cours  de  l'année  sco- 
laire. 

Xous  avons  parlé  du  devoir  des  parents;  il  convient  de  voir  un  peu, 
ce  qui  doit  se  faire  à  l'école.  C'est  ici  que  les  maîtres  et  maîtresses, 
religieux  ou  laïques,  aimeront  à  se  rappeler  la  grandeur  ot  la  beauté  des 
fonctions  qu'ils  ont  à  exercer  au  nom  des  familles.  L'entrée  à  l'école 
ne  doit  pas  marquer  un  point  d'arrêt  darus  l'œuvre  de  la  formation  mo- 
rale et  religieuse  des  enfants.  C'est  au  contraire,  le  lieu  de  poursuivre 
par  des  procédés  spéciaux  ce  qui  a  dû  être  bien  commencé;  et  mémo 
n'arrive-t-il  pas  trop  souvent  que  rien,  ou  à  peu  près  rien  n'a  encore  été 
commencé.  En  effet,  si  l'on  excepte  la  connaissance  de  quelques  courtes 
prières,  un  grand  nombre  de  parents  ont  attendu  l'âge  de  l'école  pour 
donner  h.  leurs  enfants  les  première?  notions  de  la  science  encbaristiquo 
ou  simplement  religieuse.  Pour  plus  d'un  enfant  donc,  pour  les  plus  petits 
surtout,  à  l'école  comme  dans  la  famille,  c'est  à  l'enseignement  maternel 
qu'il  faut  recourir;  et  avec  quel  zèle  industrieux  et  quelle  patience  in- 
lassable !  Pour  la  plupart  cependant,  et  après  les  premiers  débuts,  le 
travail  s'accomplit  d'une  manière  j)lus  régulière  et  plus  suivie.  On  aura 
des  moyens  d'action  plus  efficaces  pour  intéresser,  pour  exciter  l'ému- 
lation, pour  graver  dans  les  esprits  les  notions  que  le  programme  mémo 
de  l'école  fournit  l'occasion  de  donner.     Dans  la  religion,  tout  converge 


—  4ÛG  — 

vers  Jésus-Clirist  :  le  passé,  le  présent,  ravenir,  tout  se  rapporte  et  abou- 
tit à  lui.  C'est  donc  à  le  faire  connaître  et  aimer  que  l'enseignement 
religieux  doit  tendre  et  arriver.  Mais  Jésus-Christ  accomplit  son  œuvre 
de  rédemption  par  le  moyen  des  sacrements,  et  parmi  les  sacrements, 
comme  l'Eucharistie  est  le  plus  excellent,  c'est  aussi  à  lui  que  se  rap- 
portent tous  les  autres.  Voilà  les  grandes  lignes  de  l'enseignement  re- 
ligieux partout  où  il  se  donne,  et  que  Ton  doit  trouver  notamment  à 
l'école.  L'étude  et  l'explication  du  catéchisme  mettront  sous  les  yeux 
des  enfants  l'exposé  des  vérités  de  détail.  L'histoire  sainte,  et  surtout, 
l'histoire  sainte  en  tableaux,  qui  excite  à  si  haut  degré  l'attention  des 
enfants,  sera  pour  l'instituteur  un  auxiliaire  aussi  efficace  qu'il  est  inté- 
ressant. Vous  avez  là  l'histoire  des  patriarches,  des  conducteurs  du 
peuple  de  Dieu,  des  prophètes,  qui  outre  les  prophéties  proprement  dites, 
qu'ils  nous  ont  laissées,  ont  été  par  leur  vie,  les  figures  vivantes,  multi- 
pliées du  Messie.  Vous  avez  les  sacrifices  figuratifs,  dans  lesquels  une 
part  était  réservée  pour  la  nourriture  de  ceux  qui  offraient  les  victimes. 
Vous  avez  particulièrement,  la  manne  dont  Dieu  nourrit  son  peuple  dans 
le  désert  pendant  quarante  ans.  Quelle  saisissante  figure  prophétique  de 
la  Sainte  Eucharistie,  et  comme  le  divin  Maître  saura  lui-même  se  servir 
de  ce  miracle  d'une  si  longue  durée,  pour  annoncer  cette  autre  manne, 
infiniment  plus  merveilleuse,  dont  il  voudra  nourrir  l'humanité. 

Ainsi  les  moyens  d'action  ne  manquent  pas.  Si  l'instituteur  ou  l'ins- 
titutrice savent  les  mettre  en  œuvre,  ils  pourront  se  donner  le  mérite  de 
faciliter  et  d'aider  efficacement  le  travail  du  cathéehiste,  pour  la  ])répa- 
ration  à  la  première  communion. 

3.  —  Au  catéchisme. 

Nous  disons  du  catéchiste;  en  effet,  l'instruction  religieuse  des  enfants 
est  assez  importante  pour  être  considérée  comme  une  fonction  spéciale. 
Le  catéchiste  est  donc,  particulièrement  avec  le  prêtre,  l'homme  de  l'édu- 
cation eucharistique.  Dès  lors,  il  ne  doit  rien  négliger  pour  la  rendre 
aussi  parfaite  que  possible.  Et  d'abord,  qu'il  se  pénètre  bien  de  la 
vraie  doctrine  de  l'J^^glise  sur  la  présence  réelle,  afin  d'en  donner  des 
notions  exactes  et  ])récises.  C'est  principalement  ici,  que  la  foi  vive  est 
la  base  et  le  soutien  de  tout.  Qu'il  sache  bien  aussi,  touchant  la  sainte 
communion,  (pielle  est  la  pratif|ue  depuis  les  apôtres  jusqu'à  Pie  X,  de- 
puis les  en.seigneinents  des  Pères  les  plus  illustres,  jusqu'aux  prescrip- 
tions et  recommandations  des  conciles  les  plus  autorisés.  Qu'il  apprenne 
à  exposer  clairement  ce  que  désire,  ce  que  veut  le  Divin  Cœur  de  Jésus, 
les  conditions  et  les  dispositions  nécessaires  ou  simplement  désirables 
pour  partici|)er  au  saint  mystère.  Qu'il  laisse  cependant  au  confesseur, 
le  soin  de  déterminer  ce  qui  convient  à  chaque  enfant  pour  la  réception, 
plus  ou  moins  fréquente,  de  la  sainte  communion.  Mais  (pi'il  s'efforce 
de  leur  faire  connaître  quelf|uc  bonne  méthode  facile,  bien  à  leur  portée, 
pour  s'y  pré[)arer  convenablement.  Un  excellent  moyen  pour  exciter  et 
soutenir  la  ferveur  de  leur  dévotion,  serait  de  leur  recomnuuuler  d'avoir 
toujours,  en  communiant,  quelque  intention  précise,  déterminée,  visant 
bien  le  but.  c'est-à-dire  les  grâces  qu'ils  veulent  ol)tenir.     Tl  v  a  tant  de 


—  4:0:  — 

besoins  divers  qui  peuvent  être  la  matière  de  nos  désirs  les  plus  légi- 
times, de  nos  prières,  de  nos  supplications.  Besoins  personnels  pour 
l'âme  et  pour  le  corps;  besoins  de  nos  parents,  de  nos  amis,  de  ceux  qui 
dépendent  de  nous,  de  la  sainte  Eglise  si  éprouvée  et  si  contrariée  dans 
la  j)oursuite  de  sa  mission  divine.  Les  âmes  du  purgatoire,  les  i)auvres 
pécheurs,  les  mourants.  Mon  ])ieu,  que  d"indigences  et  de  maux  à  sou- 
lager ! 

C'est  au  catéchiste  qu'il  appartient  également  d'expliquer  la  nature, 
Texcellence,  la  nécessité  de  l'action  de  grâces  après  la  communion,  et  les 
moyens  de  la  bien  faire.  Qu'il  apprenne  aux  petits  garçons  à  servir  la 
sainte  messe,  et  à  le  faire  avec  respect  et  dévotion,  leur  montrant  l'excel- 
lence, l'avantage  de  cette  sainte  fonction.  A  tous  les  enfants,  qu'il  in- 
dique comment  se  comporter  en  présence  du  Très  Saint-Sacrement,  sur- 
tout pendant  la  messe  ou  lorsqu'il  est  exposé  à  l'adoration  des  fidèles. 
Tout  ce  (|ui  se  rapporte  à  la  Sainte  Eucharistie  est  digne  de  respect  et 
mérite  d'être  connu.  Les  vases  sacrés,  les  ornements  sacerdotaux,  au 
moins  les  plus  apparents.  LTn  enfant  bien  instruit  de  sa  religion  ne  doit 
pas  ignorer  ces  choses,  et  ne  pas  confondre  les  noms  ou  l'usage  do  ces 
différents  objets.  L'estime  qu'il  en  aura  ne  pourra  que  lui  mieux  faire 
comprendre  la  grandeur,  la  sainteté  de  nos  divins  mystères,  et  l'attacher 
au  culte  de  respect  et  d'amour  qui  est  dû  au  sacrement  de  Jésus-llostie. 

Qu'il  me  soit  permis  avant  de  terminer,  d'insister  sur  un  point  d'une 
importance  fondamentale,  qui  soutient  tout  le  dogme  et  toute  la  liturgie 
de  l'Eucharistie.  Que  tous  ceux  qui,  à  \\n  titre  quelconque,  veulent  en- 
seigner la  religion  aux  enfants,  et  je  dirai  même  au  peuple  chrétien, 
mettent  le  plus  grand  soin  et  appliquent  infatigablement  leur  zèle,  à 
mettre  en  pleine  et  vive  lumière  et  à  établir  sur  des  bases  inébranlal)les 
le  dogme  de  la  divinité  de  Jésus-Christ.  Si  l'Eucharistie  est  niée  par 
les  uns,  et  paraît  à  d'autres  si  difficile  à  croire,  si  chez  certains  catho- 
liques, la  dévotion  h  l'Eucharistie  est  si  refroidie  et  même  si  chance- 
lante, ne  faut-il  pa.s  en  voir  la  cause,  ou  dans  un  manque  complet  de  foi 
ou  dans  une  foi  mal  éclairée  et  mal  affermie  dans  la  divinité  de  Celui 
qui  nous  l'a  donnée  ?  Vn  exemple  frappant  nous  est  rapporté  dans 
l'évangile. 

Après  que  Jésus  leui-  eut  fait  entendre  ces  paroles:  "  Si  vous  ne  man- 
gez ma  chair  et  ne  buvez  mon  sang,  vous  n'aurez  point  la  vie  en  vous, 
etc.,"  les  juifs  (pii  l'écoutaient,  commencèrent  à  se  dire:  Comment  celui- 
ci  peut-il  donner  sa  chair  à  manger  ?  Beaucoup  de  ses  disciples  au.«si 
l'ayant  entendu,  dirent:  Ce  discours  est  dur  et  qui  peut  l'écouter  ?  Ils 
ne  crovaient  pas,  ou  ils  ne  croyaient  qu'imparfaitement  à  la  divinité  de 
Jésus-Christ,  et  ils  s'en  allèrent.  Mais  alors  Jésus  s'adressant  aux  douze  : 
"  Et  vous,  voulez-vous  aussi  vous  en  aller  ?  "  Simon  Pierre  lui  répon- 
dit: "  Seigneur  où  irions-nous?  vous  avez  les  paroles  de  la  vie  éternelle. 
Et  nous  avons  cru  et  nous  avons  connu  que  vous  êtes  le  Christ,  le  Fils 
de  Dieu...."  On  ne  s'in(|uiète  guère  du  romiiirnf.  et  du  pourquoi 
d'une  chose  qui  surpasse  nos  convictions  humaines  lorsqu'on  sait 
que  cette  chose  est  l'œuvre  de  la  Toute-Puissance  de  Dieu  :  voili\  pour- 
quoi, nous  qui  ne  sommes  pas  les  fîls  de  la  né'-ratiou.  ni  «lu  douter  ou 
de  l'incrédulité,  mais  les  tenants  de  la  foi  de  Pierre,  pane  que  nous 
croyons  ([ue  Jésus-Christ  est   le  vrai   Fils  de  Dieu,  possédant    tous  les 


—  408  — 

attributs  de  la  Toute-Puissance  de  Dieu,  nous  croyons  aussi  que  la 
Sainte  Eucharistie  est  vraiment  sa  chair  et  son  sang,  et  qu'en  recevant 
sa  chair  et  son  sang,  nous  recevons  en  nous  la  plénitude  de  la  divinité. 
Si  donc,  il  nous  arrivait  qu'une  pensée  funeste  vint  quelquefois  traverser 
notre  âme,  comme  une  ombre  de  l'esprit  des  ténèbres,  et  nous  incliner 
à  la  négation  ou  au  doute,  disons  fermement  et  sans  hésiter  :  Seigneur, 
ce  sont  des  paroles  de  vie  pour  l'éternité  que  vous  avez  dites.  Je  crois 
que  vous  êtes  le  Fils  de  Dieu;  mon  Seigneur  et  mon  Dieu. 

Je  m'arrête  pour  ne  pas  trop  dépasser  le  temps  assigné,  ni  abuser  de 
votre  bienveillante  attention.  J'ai  voulu  exposer  d'une  manière  simple 
et  accessible  à  tous,  le  soin  que  nous  devons  mettre  à  donner  aux  enfants 
des  notions  justes  et  vraies  de  la  Sainte  Eucharistie,  dans  la  famille, 
à  l'école,  au  catéchisme.  Dans  ces  trois  situations  de  leur  vie,  c'est  tou- 
jours la  même  tâche  qu'il  faut  poursuivre,  le  même  but  cher  à  nos  cœurs 
où  il  faut  s'efforcer  de  les  faire  arriver:  leur  faire  connaître  et  liimer 
Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  pour  les  amener  par  là  de  bonne  heure  à 
la  réception  fréquente  et  quotidienne  de  la  Sainte  Eucharistie.  C'est  le 
voeu  que  nous  formons,  c'est  le  résultat  infiniment  désirable  que  nous 
voulons  réaliser.  Puisse  cet  enseignement  eucharistique,  se  répandre  de 
plus  en  plus  et  se  généraliser  au  sein  de  la  société. 

Peut-être  le  jour  viendra-t-il  bientôt,  que,  par  suite  d'une  heureuse 
modification  de  la  mentalité  chrétienne  chez  les  parents  et  chez  les  en- 
fants, chez  les  éducateurs  à  tous  le  degrés  et  chez  ceux  qu'ils  instrui- 
sent, il  sera  permis  d'admettre  les  enfants  à  la  première  communion  plus 
tôt  qu'on  ne  le  fait  ordinairement  aujourd'hui.  Ainsi  nourris  du  pain 
de  vie,  avant  que  les  germes  de  mort  semés  par  les  passions  ne  les  aient 
envahis,  nos  chers  enfants  verront  se  réaliser  en  eux  ce  que  leur  divin 
Maître  indiquait  comme  le  but  de  sa  mission  ici-bas  :  Je  suis  venu,  afin 
qu'ils  aient  la  vie  et  que  cette  vie  soit  en  eux  plus  abondante. 


Le  deuxième  rapport  fut  celui  de  M.  l'abbé  Simard,  de  l'évê- 
ché  de  Sherbrooke,  sur  : 

"  L'ASSISTANCE  A  LA  MESSE  ET  LA  SAINTE 

COMMUNION  ' 


T^a  Sainte  Eucharistie  est  un  sacrement  dans  lequel,  sous  les  espèces 
du  pain  et  du  vin,  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  tout  entier  est  contenu 
pour  la  nourriture  spirituelle  de  notre  âme. 

La  Sainte  Eucharistie  est  aussi  le  sacrifice  de  la  loi  nouvelle,  qui  nous 
rappelle  le  sacrifice  sanglant  de  la  croix  et  par  lequel  nous  adorons  Dieu, 
dans  l'oblation  non  sanglante  du  corps  et  du  sang  de  Jésus-Christ,  et 
nous  percevons  les  fruits  du  sacrifice  de  la  croix. 

Le  saint  Concile  de  Trente,  comparant  l'oblation  du  sacrifice  eucharis- 
tique avec  la  manducation  de  la  chair  sacrée  du  Sauveur,  dans  la  sainte 
communion,  prononce  l'anathème  contre  ceux  qui  oseraient  prétendre 
que  cette  oblation  n'est  pas    autre    chose  que  la    manducation  de  cette 


—  409  — 

chair  sacrée  et  proclame  licite  la  célébration  de  la  messe  dans  laquelle 
le  prêtre  seul  communie.     (Sess.  22.) 

De  tout  temps,  dans  l'Eglise  catholique,  il  a  été  permis  aux  fidèles  de 
communier  hors  de  la  messe.  Aux  temps  des  persécutions,  c'était  même 
la  coutume  de  leur  permettre  de  conserver  la  Sainte  Eucharistie  dans 
leurs  maisons  afin  de  se  communier  eux-mêmes  quand  ils  ne  pouvaient 
point  venir  communier  à  la  messe.  La  discipline  actuelle  de  l'Eglise 
permet  d'assister  à  la  messe  sans  communier  ;  la  communion  n'est  obli- 
gatoire, à  la  messe,  que  pour  le  seul  célébrant. 

Quelles  sont  les  relatians  entre  la  communion  des  fidèles  et  l'assistance 
à  la  messe?  La  réponse  à  cette  question  fournira  la  matière  de  ce 
travail. 

Le  chapitre  VI  de  l'Evangile  de  saint  Jean  qui,  selon  tous  les  com- 
mentateurs catholiques,  est  consacré,  dans  sa  plus  grande  partie,  à  la 
sainte  Eucharistie,  établit  clairement,  avec  le  dogme  de  la  présence 
réelle  de  Xotre-Seigneur  Jésus-Christ,  les  effets  spirituels  que  produit 
ce  pain  céleste  dans  l'âme  de  ceux  qui  s'en  nourrissent  et  la  nécessité 
pour  tous  ceux  qui  veulent  jouir  de  ces  effets  spirituels  de  recevoir  cet 
aliment  divin.  La  nécessité  de  la  sainte  communion  est  démontrée 
dans  ce  chapitre,  en  termes  absolument  indubitables:  "Celui  qui  man- 
gera la  chair  du  Fils  de  l'homme  et  boira  son  sang  aura  la  vie  en  lui,  et 
je  le  ressusciterai  au  dernier  jour.  Si  vous  ne  mangez  point  la  chair 
du  Fils  de  l'hommt  et  ne  buvez  point  son  sang,  vous  n'aurez  point  la  vie 
en  vous."  (S.  Jean,  "Vl,  55.)  L'Evangéliste  ne  nous  a  point  rapporté, 
directement  du  moins,  avec  la  même  précision  et  la  même  force,  l'en- 
seignement du  Sauveur  sur  le  temps  où  nous  devons  recevoir  cet  aliment 
divin  et  sur  la  fréquence  de  cette  manducation.  Il  ne  nous  dit  point 
directement  ni  quand  nous  devons  communier  ni  combien  de  fois  dans 
notre  vie.  Les  évangélistes  S.  Mathieu,  S.  Marc  et  S.  Luc  sont  plus 
explicites  dans  les  paroles  où  ils  nous  exposent  la  célébration  de  la  der- 
nière cène.  Jésus-Christ  étant  réuni  avec  ses  apôtres  dans  le  cénacle, 
nous  disent-ils,  pendant  le  festin,  "  prit  du  pain,  le  bénit,  le  rompit  et 
le  donna  à  ses  disciples  en  leur  disant:  prenez  et  mangez,  ceci  est  mon 
corps.  Puis,  prenant  le  calice  dans  lequel  il  y  avait  du  vin,  il  le  bénit 
et  le  leur  donna  en  disant  :  buvez-en  tous,  car  ceci  est  mon  sang.  Faites 
ceci  en  mémoire  de  moi." 

Nous  avons  dans  cet  acte  mémorable  du  Sauveur  entouré  de  ses 
apôtres  la  célébration  de  la  première  messe  et  la  distribution  do  la  pre- 
mière communion.  L'union  de  ces  deux  actes  par  Xotre-Seigneur 
Jésus-Christ  lui-même  ne  doit-il  pas  nous  faire  comprendre  que  de 
même  qu'il  a  voulu  que  ses  apôtres,  à  la  première  messe,  reçussent  la 
communion  de  son  corps  et  de  son  sang.  ain.si  il  veut  que  tous  les  fidèles 
qui,  dans  la  suite  des  siècles ,  auront  le  même  bonheur  se  fassent  un 
devoir  d'imiter  les  apôtres  dans  la  participation  à  la  victime  du  sacri- 
fice? Aussi  voyons-nous  les  apôtres  fidèles  au  précepte  de  leur  Maître: 
"  Faites  ceci  en  mémoire  do  iiioi,"  à  peine  fortifiés  par  la  descente  du 
Saint-Esprit,  le  jour  de  la  Pentecôte,  s'assembler  pour  offrir  le  sacrifice 


—  élu- 
de la  messe,  les  premiers  tlisciples  convertis  par  leur  prédication  s'unir 
à  eux.  et  tous  se  nourrir  de  la  chair  sacrée  de  leur  Sauveur.  Nous 
lisons  en  etî'et  au  chapitre  II  des  Actes  des  Apôtres  que  les  auditeurs  de 
S.  l'iorre  convertis  par  sa  première  prédication,  après  la  Pentecôte, 
"  persévéraient  dans  la  doctrine  des  apôtres  et  la  communication  de  la 
fraction  du  pain."  "  J^a  fraction  du  pain,"  comme  nous  l'enseignent 
tous  les  commentateurs,  c'était  l'oblation  du  sacrifice  de  la  messe  et  la 
communication  de  la  fraction  du  pain  était  la  réception  de  la  sainte 
communion.  Et  le  mot  "  persévéra  nie  a,"  ils  persévéraient,"  emplové 
par  l'écrivain  sacré,  indique  un  acte  habituel  de  leur  vie. 

Toute  la  discipline  religieuse  de  l'Eglise  primitive  repose  sur  l'alliance 
intime  de  la  messe  et  de  la  sainte  communion,  même  pour  les  fidèles. 
Etudiez  la  prière  liturgique  en  usage,  encore  aujourd'hui,  dans  la  célé- 
bration de  la  messe,  et  qui  nous  vient  de  la  plus  haute  antiquité.  Le 
prêtre,  à  l'autel  parle  au  nom  de  tous.  Toutes  les  oraisons  de  la  messe 
et  les  prières  du  canon  sont  au  pluriel.  Avant  de  réciter  les  prières,  il 
invite  l'assemblée  à  s'unir  à  lui  :  "  prions,"  dit-il  à  rasseml)lée  :  "  ore- 
mus."  Lorsqu'il  les  salue,  il  emploie  le  pluriel:  le  Seigneur  soit  avec 
vous:  "  Dominus  vobiscmn."  Avant  le  canon  qui  est  la  partie  essen- 
tielle de  la  messe,  le  prêtre  récite  la  prière  solennelle  que  l'on  appelle 
la  préface.  Avant  de  commencer  cette  prière  il  invite  les  fidèles  à  élever 
leurs  cœurs  vers  Dieu:  "  sursum  cordai"  Et  les  fidèles  de  répondre: 
"  habemiis  ad  Dominum."  "  Nos  cœurs  sont  élevés  vers  Dieu."  Le  prêtre 
continue  en  em]iloyant  toujours  le  pluriel,  en  parlant  au  nom  de  tous. 
'"Nous  vous  implorons  et  nous  vous  supplions;"  "  Snj)j)Hccs  te  roganius 
ac  petiinus."  Cette  oblation  de  toute  la  famille  chrétienne;  "  Hanr 
ohlationcm  familiae  praeclarae  Majestati  tuae."  "  Afin  que  nous  tous 
qui  participons  à  ce  sacrifice  recevions  le  corps  très  saint  et  le  sang  très 
précieux  de  votre  Fils."  Toutes  ces  expressions  indiquent,  sans  que  l'on 
puisse  leur  donner  un  autre  sens,  que  le  sacrifice  était  offert  au  nom  de 
tous  et  (pie  l'assemblée  dos  fidèles  était  présente. 

Pour  ce  'qui  est  de  la  communion  habituelle  de  tous  les  fidèles  présents, 
qu'il  suffise  de  ra])peler  les  i)rières  de  la  communion  que  le  prêtre  récite 
à  la  messe  et  dans  les(pielles  il  denuinde  à  Dieu  que  le  corps  et  le  sang 
du  Seigneui-  soit  pour  tous  ceux  (jui  le  reçoivent  le  gage  de  la  vie  éter- 
nelle, et  celle  de  la  postcommunion  où  il  ])arle  de  la  nourriture  que  tous 
(jnt  prise:  "  quod  are  sum/mmiis  jnini  mente  ra piamus/  satiasti  faiiii- 
liam  tuaiii  m luieriljiis  sarris." 

Les  sermons  et  les  autres  écrits  des  saints  Pères  qui  ont  vécu  à  cette 
époque  reculée  sont  remplis  d'allusions  à  cette  pratique  universelle. 
Cette  coutume  était  si  générale  aux  premiers  siècles,  qu'un  concile  d'An- 
tioche,  tenu  sous  le  pape  Jules  I,  ordonne  à  tous  les  fidèles  qui  assistent 
à  la  messe  de  recevoir  la  sainte  communion  et  va  jusqu'à  frapper  d'ex- 
communication ceux  f|ui  refusaient  de  se  conformer  à  cette  pratique. 

Saint  Jérôme,  dans  sa  50ième  lettre  à  Pamimu-liius,  nous  dit  (pie  de 
son  temps  c'était  la  coutume  poui-  les  fidèles,  à  liome,  de  toujours  re- 


—  411  — 

cevoir  la  sainte  communion,  quand  ils  assistaient  à  la  messe.  La  même 
coutume  existait  encore  en  Espagne,  à  la  même  époque.  Saint  Ambroise 
exhortait  les  fidèles  à  vivre  de  manière  à  recevoir  la  sainte  comimmiou, 
tous  les  jours. 

Cette  discipline  de  la  récqjtion  de  la  sainte  communion  cliaciue  fois 
(juc  les  fidèles  assistaient  à  la  messe,  si  généralement  observée  aux  ])re- 
miers  siècles  de  l'Eglise,  est  fondée  sur  l'intelligence  parfaite  des  mys- 
tères eucharistiques,  et,  si  nous  voyons  que  la  masse  du  ))euple,  chez  les 
premiers  chrétiens  y  était  fidèle,  c'est  que  le  peii})le,  dans  ces  âges  de 
foi,  avait  une  intelligence  plus  parfaite  du  sens  de  la  liturgie  et  de  l'ex- 
cellence du  sacrifice  de  la  messe. 

La  messe,  comme  l'a  défini  le  concile  de  Trente,  est  un  vrai  sacrifice. 
C'est  le  sacrifice  qui,  en  nous  représentant  la  sacrifice  sanglant  de  la 
croix,  nous  fait  l'application  de  ses  mérites  infinis.  A  la  messe  comnu' 
sur  la  croix,  c'est  la  même  victime  qui  est  offerte,  Xotre-Seigneur  Jésus- 
Christ  qtii  est  réellement  présent  sous  les  espèces  sacramentelles.  C'est 
aussi  le  même  sacrificateur  principal  qui  s'innnole  ])ar  les  mains  du 
prêtre.  Et  il  s'immole  dans  les  mêmes  intentions  que  celles  qui  l'ani- 
maient quand,  attaché  à  la  croix,  il  versait  son  sang  jusqu'à  la  dernière 
goutte  pour  notre  salut.  De  mênu',  cependant,  f|ue  le  sacrifice  de  la 
croix  n'a  point  justifié  immédiatement  tous  les  pécheurs  mais  a  apaisé 
la  justice  divine  et  a  fait  que  ces  pécheurs  soient  conduits  au  salut  par 
les  moyeiLs  institués  à  cet  effet;  ainsi  le  sacrifice  de  la  messe  ne  justifie 
pas  immédiatement  les  hommes  mais  il  obtient  (|ue  le  don  de  la  grâce  et 
de  la  pénitence  leur  soit  conféré.  D'après  ces  ])rincipes,  les  assistants 
à  la  messe,  qui  offrent  le  sacrifice  en  union  avec  le  prêtre,  ne  peuvent 
espérer  de  percevoir  tous  les  fruits  du  sacrifice  si  ce  n'est  en  suivant  l'im- 
pulsion de  la  grâce  et  en  s'approchant  des  sacrements,  surtout  de  la 
sainte  communion.  C'est  pour  cette  raison  que  S.  Jean  Chrysostôme 
s'élevait  en  termes  si  véhénu'Uts  contre  les  chrétiens  de  son  tem|)s  (pii 
assistaient  à  la  messe  sans  s'approcher  de  la  Sainte  Table.  '"  Dites-moi. 
s'écrie-t-il.  qu'est-ce  que  vous  penseriez  si  quelqu'un  était  invité  à  un 
festin,  lavait  ses  mains,  se  mettait  à  talde.  se  préi)arait  au  repas,  et  en- 
suite ne  mangeait  ])oint?  N'off*enserait-il  ])as  celui  (|iii  l'aurait  invité  ? 
N'aurait-il  pas  mieux  valu  qu'il  fût  absent  'i  (^loi  !  vous  assistez  au 
festin,  vous  avez  chanté  l'hymne,  vous  vous  êtes  mis  au  rang  des  dignes 
en  ne  vous  retirant  pas  avec  les  indignes;  pourqiu)i  êtes-vous  resté  sans 
communier?  Je  suis  indigne,  me  répondez-vous.  Eh  l)ien  !  mais  alors 
vous  êtes  aussi  indigne  de  la  société  des  prières.'' 

Ces  graves  paroles  de  ce  grand  saint  apparaîtront  dans  toute  letir 
vérité  si  l'on  se  rapi)elle  quelles  sont  les  fonctions  et  le  rôle  du  pfU|tlc 
qui  assiste  à  la  messe.  Pour  beaucouj)  de  chrétiens  le  sacrifice  de  la 
messe  est  un  spectacle  atiquel  prennent  part  le  |)rêtre  et  les  autres  mi- 
nistres, et  dans  lequel  les  fidèles  m-  sont  (|ue  de  simiiles  spectateur-. 
Telle  n'est  point  cependant  la  pensée  de  l'Kglise.  Cette  pensée,  elle 
nous  la  manifeste  dans  les  prières  du  canon  de  la  me.'^se  où  le  prêtre  au 
"mémento"  des  vivants,  avant   de    prononcer  les    paroles  de  la  conse- 


—  413  — 

cration,  prie  pour  ceux  en  faveur  de  qui  il  offre  le  sacrifice  et  s'unit  avec 
tous  les  assistants  qui  "  offrent  le  sacrifice  avec  lui."  Dans  la  pensée 
de  l'Eglise,  les  fidèles  qui  assistent  à  la  messe  ont  un  rôle  à  remplir,  rôle 
différent  de  celui  du  prêtre,  mais  rôle  actif  quand  même:  ce  rôle  c'est 
d'offrir  le  sacrifice  en  union  avec  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  et  le 
prêtre  à  l'autel.  Jésus-Christ  est  à  la  fois  la  victime  et  le  prêtre  prin- 
cipal à  la  messe,  comme  il  l'était  sur  la  croix.  Quand  le  prêtre  pro- 
nonce les  paroles  de  la  consécration,  Jésus-Christ  devient  réellement 
présent  sur  l'autel  à  l'état  de  victime.  Cette  victime  est  la  victime  de 
tous  les  fidèles  assemblés  qui  peuvent  et  doivent  l'offrir  aux  intentions 
générales  de  l'Eglise  et  à  leurs  intentions  particulières.  Et  ces  inten- 
tions, pour  être  accomplies  parfaitement  demandent  la  réception  de  la 
sainte  communion,  chaque  fois  que  l'on  offre  le  sacrifice. 

Le  chrétien,  en  effet,  doit  à  Dieu,  son  Créateur  et  son  Maître,  le  tribut 
de  ses  adorations. 

A  cause  de  notre  misère,  nous  devons  attendre  de  la  protection  de 
Dieu  toutes  les  choses  dont  nous  avons  besoin  et  les  lui  demander  par 
d'instantes  prières.  Nous  sommes  pécheurs  et  nous  devons  satisfaire  à 
la  justice  divine.  Malgré  notre  méchanceté,  nous  sommes  comblés  de 
biens  par  le  bon  Dieu;  nous  devons  l'en  remercier. 

L'adoration  demande,  de  notre  part,  la  protestation  de  notre  parfaite 
et  complète  dépendance  devant  Dieu.  Kous  protestons  sans  doute  de 
cette  parfaite  dépendance  par  l'immolation  de  Jésus-Christ  offert  en 
victime  sur  l'autel.  Mais  pour  que  cette  protestation  de  notre  soumis- 
sion soit  agréable  à  Dieu,  ne  devons-nous  point  nous  offrir  nous  aussi  en 
union  avec  la  victime  offerte,  et  cette  immolation  que  nous  faisons  de 
nous-mêmes  ne  demande-t-elle  pas  que  notre  cœur  soit  pur,  soit  saint, 
soit,  en  un  mot,  sanctifié  par  l'union  avec  Jésus-Christ,  union  qui  n'est 
parfaite  que  dans  la  sainte  communion? 

Le  sacrifice  de  la  messe  est  la  prière  par  excellence.  Quand  nous 
prions  dans  nos  maisons,  notre  voix  s'élève  sans  doute  jusqu'au  trône 
de  l'Eternel  qui  daigne  s'abaisser  jusqu'à  entendre  nos  demandes  et  les 
exaucer.  Mais  notre  voix  n'est  que  la  voix  de  misérables  pécheurs  qui  ne 
méritent  pas  d'être  entendus.  Quand  noirs  offrons  le  saint  sacrifice  de 
la  messe,  ce  n'est  plus  nous  qui  prions  seuls,  c'est  Jésus-Christ  qui  parle 
pour  nous,  qui  intercède  pour  nous,  et  sa  voix  est  toujours  entendue 
parce  qu'elle  est  la  voix  de  celui  "  qui  mérite  d'être  exaucé."  (Ah  Haeb. 
5.7).  Mais  nous  devons  unir  notre  voix  à  celle  de  Jésus-Christ,  nous 
devons  lui  présenter  nos  demandes  pour  qu'il  les  fasse  parvenir  aux  pieds 
de  l'Eternel.  Or,  cette  union  des  voix,  dans  la  supplication,  demande, 
pour  être  parfaite,  l'union  des  cœurs,  dans  l'amour.  Comment  serions- 
nous  aussi  parfaitement  unis  à  Jésus-Christ  qu'en  nous  unissant  à  lui 
dans  la  sainte  communion  qui  nous  le  donne  complètement  et  fait  que 
vraiment,  selon  la  parole  de  S.  Paul,  "  nous  ne  vivions  plus  mais  que 
Jésus-Christ  vive  en  nous?"  (Ad  Gai.  2.20). 

Nous  sommes  tous  pécheurs.  Le  péché  nous  sépare  de  Dieu  et  nous 
mérite  la  réprobation  éternelle.  Le  péché,  considéré  dans  la  Majesté  de 
Dieu  indignement  outragée,  est  quelque  chose  de  si  terrible  que  jamais, 


—  413  — 

laissés  à  nous-mêmes,  nous  ne  pourrions  en  mériter  le  pardon.  Il  nous 
a  fallu  une  victime  capable,  par  sa  dignité,  d'expier  les  péchés  de  tous. 
Cette  victime  c'est  jSTotre-Seigneur  Jésus-Christ  qui,  par  son  immolation 
sur  la  croix,  a  consommé  le  salut  du  genre  humain.  A  la  messe  Jésus- 
Christ  s'offre  en  victime,  il  se  met  à  notre  disposition  avec  ses  mérites 
infinis.  Xous  l'offrons  à  notre  Père  Céleste,  à  notre  place,  et  en  consi- 
dération des  mérites  infinis  de  cette  victime,  nous  sommes  justifiés.  Mais 
cette  justification  s'accomplit  en  nous  par  la  grâce  sanctifiante.  Com- 
ment puiser  cette  grâce  sanctifiante  si  ce  n'est  par  la  sainte  communion 
qui  nous  élève  à  Dieu,  nous  détache  de  tout  ce  qui  pourrait  être  une 
cause  de  péché  et  nous  donne  la  force  de  triompher  de  toutes  les  séduc- 
tions du  mal? 

Le  reconnaissance  des  bienfaits  reçus  est  la  vertu  par  excellence  des 
cœurs  généreux.  La  connaissance  des  bienfaits  reçus  prépare  à  de 
nouvelles  faveurs  tandis  que  l'ingratitude  resserre  la  main  prête  à  s'ou- 
vrir largement.  Le  chrétien,  dans  l'ordre  naturel  comme  dans  l'ordre 
spirituel,  doit  à  Dieu  tout  ce  qu'il  est;  il  doit  donc  rendre  à  Dieu  de 
perpétuelles  actions  de  grâces.  Hélas  !  notre  indigence  nous  mettrait 
dans  l'impossibilité  de  reconnaître  convenablement  les  bienfaits  reçus 
de  la  main  de  Dieu  si  nous  n'avions  point  le  saint  sacrifice  de  la  messe 
qui  nous  permet  de  lui  offrir  le  don  parfait,  son  Fils  unique.  Quand, 
réunis  autour  de  l'autel  du  sacrifice,  à  la  messe,  nous  élevons  vers  le  ciel 
l'hostie  sans  tache,  l'hostie  du  salut,  c'est  notre  Dieu,  notre  Sauveur  qui 
va,  au  pied  du  trône  de  l'Eternel,  remercier  pour  nous.  Mais  l'offrande 
de  la  victime  sans  tache  ne  satisfera  pas  la  Majesté  divine  si  nous 
n'ajoutons  point  l'offrande  de  nous-mêmes,  l'offrande  de  notre  cœur. 
Jésus-Christ  nous  a  aimés  jusqu'à  donner  son  sang  pour  nous  sauver; 
mais  cet  amour,  il  nous  l'a  prodigué  afin  de  gagner  nos  cœurs,  d'attirer 
notre  amour  en  retour.  Ce  que  Jésus-Christ  nous  demande,  c'est  notre 
cœur,  "  Mon  fils,  nous  dit-il,  donne-moi  ton  cœur.  (Prov.  23,  26.)  L'of- 
frande du  sacrifice  de  la  messe  serait,  pour  nous,  une  vaine  offrande,  si 
elle  n'était  pas  accompagnée  de  l'offrande  de  nos  cœurs.  Et  pour  que 
nous  puissions  donner  nos  cœurs  au  bon  Dieu,  il  nous  faut  les  purifier, 
il  nous  faut  les  sanctifier,  il  nous  faut  les  embraser  des  feux  de  l'amour 
divin.  Or,  où  puiserions-nous  ces  feux  de  l'amour  ailleurs  qu'à  sa 
source  même,  ailleurs  que  dans  le  cœur  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ 
Eucharistique  ? 

Sans  doute,  à  la  messe,  le  prêtre  (jui  célèbre,  d'après  la  discipline 
constante  de  l'Eglise,  est  obligé  de  communier  pour  compléter  l'intégrité 
du  sacrifice  et  il  remplit,  dans  sa  personne,  ces  conditions  nécessaires  à 
la  perfection  du  sacrifice  de  la  loi  chrétienne.  Les  fidèles  peuvent  aussi 
remplir  ces  conditions  de  perfection,  jusqu'à  un  certain  point,  par  la 
communion  spirituelle.  Mais  la  communion  du  prêtre  ne  peut  pas 
sanctifier  tous  les  assistants  qui  ont  offert  le  sacrifice  avec  lui,  et  la  com- 
munion spirituelle,  malgré  sa  perfection,  ne  peut  pas  remplacer  la  com- 
munion sacramentelle. 

Quand  nous  portons  nos  regards  sur  les  premiers  siècles  de  l'Eglise, 
nous  admirons  l'héroïsme  de  premiers  chrétiens.     Nous  admirons  ces 


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confesseurs  de  la  foi  qui,  pour  enibras>ser  la  loi  chrétienne  n'hésitaienl 
pas  à  tout  quitter,  souvent  leur  position  sociale  et  même  leur  famille,  et 
suivaient  Jésus-Christ  jusqu'au  martyre.  Oii  ces  chrétiens,  nos  an- 
cêtres dans  la  foi,  puisaient-ils  cet  héroïsme?  Cet  héroïsme,  ils  le  pui- 
saient dans  la  réception  fréquente  de  la  sainte  commimion.  8i  les 
premiers  chrétiens  étaient  si  différents,  par  leurs  vertus,  des  chrétiens 
de  nos  jours,  c'est  qu'ils  communiaient  plus  souvent.  L'idéal  de  la  per- 
fection chrétienne  serait  aujourd'hui,  comme  aux  premiers  temps  du 
christianisme,  de  voir  la  masse  des  fidèles  assister  tous  les  jours  à  la 
messe,  et  s'approcher  de  la  Table  Sainte  chaque  fois  (ju'ils  assisteraient 
à  la  messe.  Cette  pratique  ferait  de  tous  des  chrétiens  parfaits,  et  l'on 
verrait  revivre,  de  nos  jours,  cette  perfection  des  premiers  temps  où  tous 
'■  n'ayant  qu'un  même  cœur  et  qu'un  même  esprit  ''  (Act.  4,  32.)  "  per- 
sévéraient dans  la  communion  de  la  fraction  du  pain."  (Act.  2.) 

L'idéal  cependant  ne  pourra  jamais  être  le  privilège  de  tout  le  monde, 
pas  plus  aujourd'hui  que  dans  les  premiers  siècles  de  l'Eglise.  Si  l'on 
23ouvait  dire,  en  toute  vérité,  à  l'époque  où  le  livre  des  Actes  des  Apôtres 
fut  écrit  que  "  tous  persévéraient  dans  la  communion  de  la  fraction  du 
pain,  et  dans  la  prière,"  il  est  l)ien  certain,  et  les  écrits  des  saints  Pères 
sont  là  pour  nous  l'apprendre,  que  dès  ces  temps  reculés,  parmi  les 
chrétiens  d'alors  comme  chez  ceux  d'aujourd'hui,  il  se  trouvait  des  per- 
sonnes que  leurs  occupations  sociales,  malgré  des  désirs  réels  de  vie 
parfaite,  empêchaient  de  s'unir  tous  les  jours  à  leurs  frères  pour  offrir 
le  saint  sacrifice  de  la  messe  et  recevoir  la  sainte  communion.  Si  le 
plus  grand  nombre  pouvait,  quand  les  chrétiens  n'étaient  pas  encore 
très  nondjreux,  (piitter  leurs  occupations  et  s'unir  à  la  communauté 
dans  l'oblation  du  sacrifice  de  la  messe,  cependant,  après  quelques 
années  de  prédication,  quand  ce  nombre  se  fïït  accru  au  point  de  per- 
mettre à  Tertullien  de  dire,  dans  son  apologie,  que  si  les  chrétiens 
disparaissaient  subitement  des  villes  et  des  places  publiques,  le  monde 
païen  serait  effrayé  du  désert  dans  le(|uel  il  se  trouverait,  il  y  avait  né- 
cessairement, parmi  cette  foule  immense,  beaucoup  de  personnes 
empêchées  d'assister,  chaque  jour,  à  la  célébration  des  mystères  eucha- 
ristiques. 

Les  persécutions  d'ailleurs  ne  tardèrent  pas  à  forcer  l'Eglise  primitive 
à  disparaître,  à  s'éclipser  pour  ne  pas  exposer  inutilement  ses  membres 
à  la  haine  de  leurs  persécuteurs.  L'on  célébrait  les  mystères  en  secret, 
dans  les  maisons  particulières,  dans  les  entrailles  de  la  terre,  au  milieu 
fies  ténèbres  de  la  nuit.  Il  est  impossible  de  croire  ([ue  dans  ces  con- 
ditions tous  aient  toujours  été  en  position,  chaque  jour,  d'offrir  le 
sacrifice  de  la  messe  et  de  communier.  Aussi  voyons-nous  qu'à  cette 
époque  l'on  consacrait,  à  la  messe  solennelle  du  dimanche,  le  pain  eucha- 
ristique que  les  fidèles  emportaient  dans  leurs  demeures  particulières 
pour  se  communier  eux-mêmes  quand  ils  ne  pouvaient  pas  se  rendre  à 
l'assemblée  des  fidèles. 

Il  faut  bien  aussi  tenir  compte,  même  pour  ces  siècles  de  foi  primi- 
tive, de  la  froideur  à  lar|uelle  notre  faiblesse  est  exposée.  Dès  ces  temps 
il  se  trouvait  des  chrétiens  négligents  pour  (|ui  le  banquet  eucharistique 


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n'avait  pas  ce  vif  attrait  (jui  portait  la  masse  des  fidèles  à  regarder 
coiniiie  le  suprême  bonheur  la  praticpie  de  la  piété  chrétienne.  Les 
homélies  véhémentes  de  saint  Jean-l'hrvsostôme,  entre  autres,  sont  là 
jxnir  nous  le  prouver.  Cet  état  de  choses  introduisit,  à  une  époque  cer- 
tainement très  ancienne,  la  coutume  de  l'assistance  à  la  messe  et  de  la 
communion  de  tous  les  fidèles  au  moins  chaque  semaine,  le  dimanche. 

Dès  la  plus  haute  antiquité,  le  dimanche  fut  le  jour  spéciaU'iuiMit 
consacré  au  Seigneur,  et  l'Eglise  voulut  qu'il  fût  marqué  par  la  célé- 
bration plus  solennelle  des  mystères  eucharistiques.  Les  traces  de  cette 
ancienne  discipline  se  retrouvent  partout.  Lorsque  saint  Paul  arrive 
à  Troade,  c'est  le  dimanche  'qu'il  réunit  les  chrétiens.  C'est  encore  le 
dimanche  qu'il  prescrit  de  faire,  dans  les  églises  de  Galatie  et  de  Co- 
rinthe,  les  collectes  ou  quêtes  pour  les  frères  pauvres  ou  persécutés  de 
Jérusalem.  (Act.  20,  T  I.  Cor.  26.)  Le  dimanche  devint  ainsi  le  jour 
de  la  communion  par  excellence,  celui  où  tous  «U'vaient  assister  aux 
saints  mystères  et  communier.  C'est  pour  cette  raison  que  saint  Jean- 
Chrysostôme  l'appelait  le  jour  du  pain.  C'est  de  cette  coutume  que 
vient  le  nom  de  Donnnicum  donné  à  la  messe  solennelle  du  dimanche. 
Le  Dominicum  eut  ses  martyrs.  C'était  à  Carthage,  pendant  la  persé- 
cution de  Dioc-létien.  Trente  et  un  chrétiens  furent  traînés,  le  12  fé- 
vrier ;5()4,  devant  le  ])roconsul  Anlius  et  accusés  d'avoir  assisté  au 
sacrifice  du  dimanche.  Pendant  qu'on  les  déchirait  avec  des  ongles  de 
fer,  le  ])roconsul  les  accusait  d'avoir  violé  la  loi  des  empereurs.  Or,  ils 
répondaient:  "  Nous  ne  pouvions  pas  omettre  le  Dominicum:  c'est  la  loi 
de  Dieu."  Et  comme  Anlius  insistait:  "  Xon,  répétaient-ils,  nous  ne 
pouvons  vivre  sans  le  Dominicum."  Ce  souvenir  de  l'Eucharistie  fai- 
sait tressaillir  leur  cœur  de  joie  et  de  fierté;  et  sans  doute,  cette  divine 
hostie  qu'ils  avaient  reçue  chaque  dimanche,  dont  on  leur  faisait  un 
crime  et  pour  laquelle  ils  mouraient,  devait  passer  devant  leurs  yeux, 
les  éclairer  de  son  rayon  très  doux,  et  c'est  elle  qui  leur  donnait  la  force 
de  sourire  aux  tortures.  (Paul  Allard.  La  persécution  de  Dioclétien.) 
L^n  document  de  la  plus  haute  antitiuité  qui  remonte  certainement  aux 
])remières  années  du  second  siècle,  la  Didaché  ou  Doctrine  des  Douze 
Apôtres,  contient  ce  précepte  d'une  importance  capitale:  "Au  jour  do- 
minical du  Seigneur,  réunissez-vous,  rompez  le  pain  et  faites  les  céré- 
monies eucharistiques  après  avoir  ]n-éalal)lement  confessé  vos  péchés  afin 
(jue  votre  offrande  soit  pure."  Un  autre  témoignage  non  moins  ins- 
tructif noué  a  été  laissé  par  saint  Justin,  qui  confine  lui  aussi  aux  temps 
apostoliques."  Le  jour  ([u'on  nomme  le  jour  du  soleil,  (c'est-à-dire  le 
dimanche.)  tous  ceux  (pii  sont  dans  les  villes  ou  à  la  campagne  s'asseui- 
blent  dans  un  même  lieu...  Xous  nous  levons  tous  en  commun  }»our 
prier;  les  prières  étant  finies,  on  offre  le  pain,  le  vin  cl  l'eau...  I.a 
distribution  et  la  communion  des  qfïrandes  qui  ont  servi  à  l'action  de 
grâces  (à  l'Eucharistie)  se  font  à  chacun  des  assistants  :  puis  on  les 
envoie  aux  absents  par  les  diacres.  .  .  Xous  ne  prenons  pas  ce  pain  et  ce 
vin  comme  un  aliment  et  comme  un  breuvage  ordinaire»?.  >rais  nous 
savons  (|U*ils  sont  la  chaii'  et  le  sang  de  Jé-sus  incarné  pour  nourrir  U(.tr.' 
a  me. 


—  416  — 

Si  l'on  consulte  la  vie  des  pères  du  désert,  on  trouve  pour  les  cénobites 
qui  y  vivaient  dans  les  couvents  ou  dans  les  laures,  et  pour  les  ermites 
mêmes  qui  vivaient  dans  les  gorges  des  montagnes  et  jusque  dans  les 
premières  oasis  du  désert,  que  la  règle  à  peu  près  universelle  était  la  com- 
munion dominicale.  Cassien,  qui  avait  vécu  plusieurs  années  dans  la 
Thébaïde,  recomma'nde  l'usage  de  la  communion  hebdomadaire  qu'il 
avait  vu  observer  et  observé  lui-même.  Après  avoir  fortement  blâmé 
ceux  qui,  sous  prétexte  de  respect  s'éloignent  de  la  sainte  Eucharistie, 
il  ajoute  :  "  Il  vaudrait  beaucoup  mieux  approcher  des  saints  mystères 
tous  les  dimanches,  pour  y  trouver  un  remède  à  nos  maladies  spiri- 
tuelles." 

Cependant,  nous  voyons  que,  malgré  les  exhortations  et  les  objurga- 
tions des  saints  Pères,  la  dévotion  des  fidèles  envers  l'Eucharistie  se  re- 
froidit bientôt  après  les  temps  apostoliques.  Il  y  eut  toujours  à  côté 
du  courant  qui  portait  les  âmes  plus  ferventes  vers  l'Eucharistie,  un 
courant  en  sens  contraire  qui  en  éloignait  les  âmes  lâches  et  pécheresses. 

C'est  ainsi  que  dès  le  troisième  siècle  le  pape  saint  Fabien  ordonne  à 
tous  les  chrétiens  de  communier  au  moins  trois  fois  par  an,  à  Pâques, 
à  la  Pentecôte  et  à  Noël.  Le  relâchement  se  faisait  sentir  surtout  en 
Orient  où  nous  voyons  saint  Jean  Chrysostome  s'emporter  contre  ceux 
qui  se  tenaient  à  la  seule  communion  pascale.  Saint  Ambroise  généra- 
lisait sans  doute  beaucoup  trop  quand  il  écrivait  qu'en  Orient  "  c'était 
la  coutume,  de  son  temps,  de  ne  communier  qu'une  fois  l'an  ;  "  car  saint 
Basile,  son  contemporain,  et  saint  Epiphane  nous  apprennent  que,  au 
moins  dans  leurs  diocèses,  c'était  un  usage  pour  beaucoup  de  fidèles  de 
recevoir  l'Eucharistie  quatre  fois  la  semaine.  Bien  plus,  dans  certains 
pays  et  à  la  même  époque,  on  faisait  mieux  encore  puisque  saint  Jérôme 
nous  dit  que  de  son  temps  la  communion  quotidienne  était  encore  en 
honneur  à  Rome  et  en  Espagne.  Néanmoins,  ce  que  l'on  rencontre  le 
plus  souvent,  et  ce  qui  répond  à  l'esprit  de  l'Eglise  pour  la  généralité 
des  chrétiens  qui,  matériellement  et  moralement  ne  peuvent  faire  plus, 
c'est  la  communion  dominicale. 

Si  nous  faisons  un  rapprochement  entre  la  pratique  générale  des 
chrétiens,  aux  temps  modernes,  par  rapport  à  la  réception  fréquente  de 
la  sainte  communion,  avec  la  pratique  des  âges  que  l'on  peut  appeler  en 
toute  vérité  les  âges  de  foi,  nous  sommes  bien  obligés  d'admettre  que  de 
nos  jours,  même  au  milieu  des  populations  les  plus  catholiques,  nous 
sommes  bien  loin  de  ce  que  la  foi  envers  la  sainte  Eucharistie  demande 
de  nous.  Aujourd'hui,  la  pratique  de  la  communion  plus  fréquente  se 
répand  partout,  et  nous  devons  en  rendre  grâce  à  Dieu,  nos  bons  catho- 
liques communient  phis  souvent  qu'autrefois.  Mais  n'avoms-nous  pas 
encore  beaucoup  à  faire  avant  d'atteindre  ce  qui  devrait  être  la  règle,  je 
ne  dis  pas  des  personnes  dévotes,  mais  de  tout  bon  catholique  qui  veut 
efficacement  faire  son  salut? 

L'affaiblissement  général  de  la  foi  a  amené  l'Eglise  à  élargir  sa  dis- 
cipline par  rapport  à  la  réception  de  la  sainte  communion.     Elle  n'ose- 


—  417  — 

rait  pas,  aujourd'hui,  prescrire  aux  fidèles  de  s'approcher  d  e  la  sainte 
communion  chaque  fois  qu'ils  entendent  la  messe.  Elle  est  obligée  de 
se  contenter  de  la  discipline  du  concile  de  Latran,  et  elle  n'exige  sous 
peine  de  péché  grave,  que  la  communion  annuelle.  Mais  ce  précepte  de 
la  communion  annuelle,  l'Eglise  ne  s'en  contente  qu'à  regret.  Son  désir, 
elle  nous  le  manifeste  dans  le  saint  concile  de  Trente  et  dans  le  décret 
de  1905,  où  elle  nos  exhorte,  dans  les  termes  les  plus  pressants  à  nous 
approcher  souvent  de  la  Table  Sainte.  (Sess.  13,  Chap.  7.)  Elle  va 
même  plus  loin;  elle  voudrait  voir  revivre  les  beaux  jours  de  l'f^glise 
naissante;  elle  voudrait  que  tous  ceux  qui  assistent  aux  saints  mystères 
y  participassent  par  la  sainte  communion.  (Sess.  22,  Chap.  6.)  L'Eglise 
pouvait-elle  nous  marquer  ses  sentiments  en  termes  plus  clairs  et  plus 
vifs  ? 

Le  catéchisme  du  concile  de  Trente,  expliquant  les  vœux  et  les  désirs 
du  saint  concile  par  rapport  à  la  communion,  enseigne  que  les  pasteurs 
doivent  exhorter  souvent  leurs  paroissiens,  non  seulement  à  la  commu- 
nion fréquente,  mais  à  la  communion  journalière,  en  leur  faisant  sentir 
qu'ils  n'ont  pas  moins  besoin  de  communier  pour  nourrir  leur  âme  que 
de  manger  pour  nourrir  leur  corps. 

Si  l'on  ne  peut  point  espérer  de  voir  la  généralité  des  fidèles  d'une 
ville  ou  d'une  paroisse  communier  tous  les  jours,  ne  pourrait-on  pas 
amener  beaucoup  de  fidèles  qui  peuvent  facilement  assister  à  la  messe, 
sur  semaine,  à  le  faire,  et,  selon  la  coutume  des  premiers  siècles,  et  le 
vœu  du  concile  de  Trente,  à  s'approcher  de  la  sainte  Table  chaque  fois 
qu'ils  assistent  à  la  messe?  Xe  pourrait-on  pas  surtout  généraliser  la 
coutume  de  la  communion  hebdomadaire? 

A  la  suite  des  grands  saints  que  l'Eglise  a  élevés  à  l'honneur  de  ses 
autels,  à  la  suite  de  ces  grands  saints  qui  furent  en  même  temps  de 
grands  missionnaires  et  des  hommes  d'une  vaste  expérience  dans  le  mi- 
nistère du  salut  des  âmes,  à  la  suite  de  saint  Ignace  de  Loyola,  de  saint 
Philippe  de  Xéri,  de  saint  Charles-Borromée,  de  saint  Léonard  de  Port- 
Maurice,  de  saint  Alphonse  de  Liguori  et  de  tant  d'autres,  nous  devons 
penser  que  la  communion  de  chaque  semaine  n'est  pas  trop  pour  assurer 
le  salut  de  l'âme. 

Pour  être  sauvé,  il  faut  une  sainteté  qui  exempte  au  moins  de  tout 
péché  mortel.  Selon  l'avertissement  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ, 
ne  connaissant  ni  le  jour  ni  l'heure  de  notre  mort,  nous  devons  être 
constamment  prêts  à  paraître  devant  le  tribunal  du  souverain  Juge.  Il 
nous  faut  donc  vivre  chacun  des  instants  de  notre  vie  dans  Téloignement 
du  péché  mortel.  Or,  l'expérience  de  tous  ces  grands  saints  est  là  pour 
nous  instruire:  la  communion  annuelle  ou  do  quel(|ues  fois  par  année, 
quand  on  peut  facilement  faire  plus,  ne  protège  point  toujours  contre 
le  danger  du  péché  mortel.  Ordinairement,  ceux  cjui  ne  communient 
que  tous  les  ans,  ou  quelques  fois  dans  l'année,  tombent  dan.s  le  péché 
mortel  et  vivent  de  longues  semaines,  souvent  de  longs  mois,  dans  ce 
malheureux  état,  tandis  que  ceux  qui  communient  souvent,  tous  les 
mois  ou  mieux,  toutes  les  semaines,  ou  jilus  souvent,  vivent  habituelle- 
14 


—  118  — 

ment  dans  l'état  de  grâce.  Le  chrétien  (|ui  coiiiuuuiie  sonveut  pourra 
avoir  des  moments  d'oubli  et  de  faiblesse,  mais  il  ne  pou  n'a  point  persé- 
vérer dans  cet  état.  Un  premier  péché  mortel,  en  nous  privant  de  la 
grâce  sanctifiante,  nous  rend  les  esclaves  du  démon  et  nous  livre  à  toute 
Tardeur  de  ses  attaques.  Ce  premier  péché,  si  l'on  n'a  pas  le  soin  de  se 
purifier  immédiatement  par  la  confession  et  de  se  fortifier  par  la  com- 
munion, sera  suivi  de  beaucoup  d'autres  péchés.  C'est  pour  cette  raison 
que  les  chrétiens  qui  ne  communient  que  tous  les  trois  ou  quatre  mois, 
malgré  les  bonnes  résolutions  qui  jjeuvent  accompagner  leur  confession, 
gémissent  constamment  sous  le  poids  des  mêmeg  fautes  graves....  Il 
n'en  est  pas  ainsi,  et  il  ne  peut  en  être  ainsi,  de  ceux  qui  conmmnient 
souvent,  car  la  parole  de  N^otre-Seigneur  Jésus-Christ  est  là  :  ''  Celui  qui, 
mange  ma  chair  et  boit  mon  sang  demeure  en  moi  et  moi  en  lui.  Connue 
le  Père  qui  m'a  envoyé  est  vivant,  et  que,  moi,  je  vis  par  lui,  de  mêm§ 
celui  qui  me  mange  vivra  aussi  par  moi.''  (S.  Jean,  VI,  57  et  58.) 

Le  dimanche  est  le  jour  du  Seigneur  et  doit  être  consacré  à  sa  gloire. 
Ce  jour-là,  il  faut  entendre  la  messe  ;  c'est  l'œuvre  prescrite  à  tous  les 
fidèles,  sous  peine  de  faute  grave.  Quelle  sanctification  parfaite  n'ap- 
porterait pas  l'iiabitude  de  la  communion  hebdomadaire  coin  me  de  la 
messe  hebdomadaire? 

Il  est  possible  à  tout  chrétien  soucieux  du  salut  de  son  âme  de  rece- 
cevoir  la  sainte  communion,  chaque  semaine,  surtout  le  dinuinche  ;  il 
est  possible  à  beaucoup  de  personnes  du  monde  d'entendre  la  sainte 
messe,  les  jours  de  semaine,  et  de  communier  clnupie  l'ois  (|u'elles  en- 
tendent la  messe.  Pourquoi  ne  travaillerions-nous  pas  avec  plus  de  zèle 
pour  que  beaucoup  de  chrétiens  s'a])proelient  plus  souvent  de  la  sainte 
Table?  Ce  qui  fait  que  beaucoup  de  chi-étiens  ne  s'approchent  pas  plus 
souvent  de  la  sainte  Table,  c'est  simplement  (|ue  nous  ne  mettons  pas 
assez  de  zèle  et  de  persévérance  à  les  inviter. 

La  fréquence  des  communions  entraîne,  pour  les  prêtres  occupés  du 
ministère,  un  surcroît  de  travail.  X'est-il  pas  à  craindre  que  les  prêtres 
ne  succombent  à  la  tâche?  Loin  de  moi  la  pensée  (|u'il  se  trouve,  au 
milieu  de  nous,  un  seul  pasteur  que  la  crainte  du  travail  empêche  de 
déjjloyer  toute  son  ardeur  à  développer  l'habitude  de  la  fréquente  com- 
munion, dans  sa  paroisse.  La  vraie  difficulté  sera  toujours  la  froideur 
d'un  ti'()|)  grand  iiond)i'e  de  fidèles  qui  s'occupent  avec  ai'deiir  des  affaires 
tempoi'elles  et  (|ui  croient  avoii'  toujours  assez  fait  quand  il  s'agit  du, 
salut  de  leur  âme.  C'est  aux  chi'étiens  de  nos  jours  ([ue  l'on  doit  sans 
cesse  réi)éter  ces  paroles  du  pro])liète  déréniie:  "'  Desohitioiw  dcsolafa 
est  otnnis  tcmi  (jtiin  mil  lus  csl  ijtil  rccogitcl  corde.''  Toute  la  terre  est 
dans  la  désolation  parce  (pril  n'est  personne  qui  soit  attentif."  (Jéré- 
nn'o,  12,  11),  et  ces  autres  jiaroles  de  rEcclésiasti(|ue  :  "  in  (/iiniihiis  opr- 
rihiis  tiiis  iiieinorfirc  norissima  iua  et  in  wiernuin  non  pecciibi.s.'  ''Sou- 
venez-vous de  vos  fins  dernières  et  vous  ne  ])échei'ez  jamais."  (Eccli.  7, 
40.)  Kappeloiis  sans  cesse  aux  fidèles  (jiu'  riiomme  n'a  pas  été  ci'éée 
pour  briller  à  la  têto  d'une  lu(-i-ative  clientèl(\  dans  les  ])r()fessions  libé- 
i-ales,  pour  construire  des  macliines  toujours  de  plus  en  plus  perfec- 
tionnées; ;  toutes  ces  choses  sont  de  peu  d'impoi'tancc  q^nind  on  les  com- 


—  419  — 

parc  à  la  iin  dernière,  au  bonheur  éternel  du  ciel.  "  Cherchez  d'abord 
le  royaume  des  cieux  et  sa  justice  et  tout  le  reste  vous  sera  donné  par 
surcroît,  nous  dit  Xotre-Seigneur  Jésus-Christ.  (Matthieu,  G  33.)  Ces 
salutaires  ])ensées  rappelées  sans  cesse  à  l'esprit  des  fidèles  et  une  con- 
naissance plus  parfaite  des  moyens  do  salut  ne  pourront  nuinquer  de 
vaincre  l'indifférence  et  d'amener  notre  peuple  encore  si  croyant  à  une 
piété  toujours  plus  fervente  et  à  la  réception  i^lus  fréquente  de  la  sainte 
communion. 

Vœu  : 

Le  Congrès  Eucharistique  de  Montréal,  dans  le  but  de  réaliser  dans  la 
limite  du  possible  le  désir  du  saint  concile  de  Tren^te,  et  plus  récemment 
du  Souverain  Pontife  Pie  X,  au  sujet  de  la  communion  des  fidèles,  et  de 
l'assistance  à  la  messe,  émet  le  vœu  que  Messieurs  les  curés  et  les  uutrex 
prêtres  employés  au  ministère  de  la  prédication  et  du  confessionnal 
dans  leur  zèle  .à  promouvoir  la  communion  fréquente,  s'appliquent  à 
faire  comprendre  aux  fidèles  combien  il  serait  avantageux  au  bien  spi- 
rituel de  leur  âme  d'assister  à  la  messe  le  plus  souvent  possible,  même 
tous  les  jours,  et  d'unir  la  réception  de  la  sainte  communion  à  l'assis- 
tance à  la  messe.  Pour  aider  à  atteindre  ce  but,  que  les  prédicateurs 
parlent  souvent,  en  chaire,  de  V excellence  du  sacrifice  de  la  messe  et 
fassent  connaître  au  peuple  le  sens  des  prières  et  des  cérémonies  litur- 
giques. (Qu'ils  expliquent  surtout  les  relations  intimes  qu'il  y  a  entre  la 
messe  et  la  communion,  afin  que  les  fidèles  comprennent  bien  que  le 
meilleur  moyen  de  participer  aux  fruits  du  Saint  Sacrifice  c'est  d'y 
conununier. 


* 
*    * 


Après  la  lecture  de  ce  rapi>ort,  le  Père  Lciniiis  se  lève  et 
ajoute  la  motion  suivante  : 

"Le  vœu  est  parfait,  le  rapport  a  été  splcndidc,  mais  il  me  semble 
que  nous  imurrions  ajouter  ces  simples  mots: 

"En  se  servant  des  moyens  qui  oui  rrus4  ailleurs  pour  amener  plus 
de  monde  à  la  nu'ssc  et  à  la  communion." 

^^lonsoiiincur  révê(|uc  de  T.uxcniliouri;-  nmis  nuoiitai',  sur  le  liatrau.  vu 
venant,  un  trait  que  je  coniinuiii(|Ucrai  à  rassemblée.  Afin  d  auu-nei- 
])his  (le  monde  à  la  messe,  dans  (iuel(|n(-  |iar()is.«os  de  srm  diocèsf.  Mis- 
sieurs  les  Curés  ont  pris  ce  moyen:  ils  ont  demandé  (|Uc  cliaque  jour 
tout(\s  les  familles  soient  représentées  par  un  ou  par  plusieurs  nu'nd)re-: 
et  il  s"(Mi  est  suivi  que  dans  ces  paroisses,  eluniiu-  jour  les  l'auiilles  se  sont 
mises  à  envoyer  un  de  leurs  iiiend)res:  et  dans  des  é;:lises  <iui  élnieiil  au- 
trefois altsolument  solitaires,  toutes  les  familles  sont  désoriiuiis  re])rc- 
sentées  à  la  messe  et  souxcut  ;'i  la  Table  Sainte. 


—  420  — 

Il  mo  semble  que  si  dans  nos  paroisses  catholiques  on  adoptait  ce 
moyen  nous  amènerions  beaucoup  plus  de  monde  à  la  fréquentation  de 
la  sainte  messe,  et  aussi  à  la  communion  fréquente  et  même  quoti- 
dienne." 

Ceci  est  admirable,  et  tout  le  monde  seconde  cette  motion. 


Après  M.  l'abbé  Simard,  le  Kév.  Père  H.  Hiidon,  S.  J.,  Direc- 
teur du  "  Messager  canadien  du  Sacré-Cceur  ",  se  lève  et  parle 
de  la  Communion  des  neuf  premiers  vendredis  et  des  Promesses 
du  Sacré-Cœur. 

liA   SAINTE   COMMUNION   ET   LE   PREMIER 
VENDREDI    DU   MOIS 


"  Il  est  un  jour  béni  que  chaque  mois  ramène 
Comme  la  nuit  ramène  au  ciel  les  astres  d'or  ' 

En  ce  jour  du  premier  vendredi  de  chaque  mois,  la  Sainte  Commu- 
nion a  pris  un  sens  tout  spécial  depuis  l'heure  où  une  pauvre  petite  re- 
ligieuse, dans  le  silence  du  cloître,  dit  tout  bas  au  prêtre  étonné  :  "  J'ai 
vu*  le  Sacré-Cœur." 

Depuis  ce  jour,  les  communions  du  premier  vendredi  se  sont  multi- 
pliées, jusqu'à  faire  revivre  en  ces  derniers  temps,  de  l'aveu  même  des 
confesseurs,  dans  toutes  les  parties  du  monde  où  la  population  catho- 
lique est  assez  dense,  les  belles  fêtes  eucharistiques  de  Noël,  de  Pâques 
et  de  la  Pentecôte. 

Mais  pourquoi,  dans  l'univers  chrétien,  douze  ou  treize  millions  de 
fidèles  s'approchent-ils  ainsi  de  la  Table  Sainte? 

Le  Sacré-Cœur  de  Jésus  l'a  demandé  pour  trois  motifs  principaux: 

Le  premier,  c'est  la  réparation  des  outrages  qu'il  a  reçus  au  Sacre- 
ment d'amour  depuis  les  monstrueuses  profanations  des  Juifs  déicides, 
jusqu'aux  froides  insultes  des  sectaires,  pervers  comme  Satan,  depuis  les 
sacrilèges  du  pécheur  enchaîné  par  le  respect  humain  jusqu'aux  moin- 
dres distractions  des  âmes  religieuses.  C'est  donc  une  hymne  magni- 
fique de  louanges,  qui  doit  couvrir  l'horrible  clameur  des  blasphèmes. 

Le  deuxième  motif,  c'est  la  réparation  des  fautes  contre  la  charité. 
Fautes  de  la  haine  et  de  la  vengeance,  fautes  de  ceux  qui  devraient 
s'aimer  comme  des  frères.  "  On  reconnaîtra  que  vous  êtes  mes  vrais 
disciples  si  vous  vous  aimez  les  uns  les  autres."  Nos  fautes,  celles  d'un 
monde  avide,  qui,  dans  sa  marche  vers  la  richesse,  fait  tant  de  blessures 
comme  l'immense  char  du  dieu  des  Tndes,  lequel  armé  de  lances  et  de 
piques  broyait  tout  sur  son  passage. 


—  421  — 

Quelle  admirable  pensée  que  de  communier  pour  réparer  tous  ces 
manquements  à  l'amour,  toutes  nos  trahisons  et  nos  lâchetés. 

Durant  longtemps,  ces  deux  seuls  motifs  attirèrent  à  la  Table  Sainte 
bon  nombre  d'âmes  ferventes.  L'usage  général  de  la  communion  du 
premier  vendredi  repose  cependant  sur  un  troisième  motif,  qu'on  pour- 
rait appeler  intéressé,  si  ce  n'était  avilir  les  choses  de  Dieu  que  d'en 
parler  ainsi. 

La  "  Grande  Promesse  "  du  Sacré-Cœur  de  Jésus  à  la  Bienheureuse 
Marguerite-Marie,  fut  imprimée  et  largement  répandue  vers  1867. 
"  Je  te  promets,  dans  l'excessive  miséricorde  de  mon  Cœur,  que  mon 
"  amour  tout  puissant  accordera  à  tous  ceux  qui  communieront  neuf 
"  premiers  vendredis  de  suite,  la  grâce  de  la  pénitence  finale,  qu'ils  ne 
"  mourront  point  en  ma  disgrâce  ni  sans  recevoir  leurs  sacrements,  me 
''  rendant  leur  asile  assuré  en  ce  dernier  moment." 

* 
*       * 

ISTotre  âge,  qui  recherche  anxieusement  tout  ce  qui  rapporte,  a  juste- 
ment fait  la  célébrité  de  cette  merveilleuse  faveur.  En  cela,  notre  siècle 
ne  diffère  guère  des  autres  siècles  puisque  toutes  les  anciennes  dévotions 
populaires  n'ont  rallié  les  masses  que  parce  qu'elles  offraient  des  moyens 
de  salut  à  des  conditions  moins  onéreuses.  L'homme  est  tellement  be- 
sogneux que  l'Eglise,  suivant  l'exemple  du  Très-Haut,  dans  ses  largesses 
pour  le  peuple  choisi,  doit  se  montrer  libérale  et  condescendante  pour  ses 
enfants. 

Dix-neuf  papes,  dans  40  bulles  ou  rescrits,  ont  approuvé  le  Scapulaire 
du  Mont-Carmel  dont  le  grand  privilège  ne  diffère  pas  sensiblement, 
quant  à  l'impression  sur  l'ensemble  des  fidèles,  de  la  Grande  Promesse 
du  Sacré-Cœur.  Xous  serions  donc  malvenus  de  faire  à  cette  dernière 
des  objections  bien  graves  au  point  de  vue  théologique,  d'autant  que  la 
Congrégation  des  Rites  l'a  tout  spécialement  étudiée  lors  de  la  béatifi- 
cation de  Marguerite-Marie. 

De  plus,  tandis  que  S.  Simon  Stock  ne  nous  est  pas  historiquement 
et  authentiquoment  révélé,  la  Bienheureuse  Marguerite-Marie  nous  est 
parfaitement  connue. 

A  examiner  le  fond,  le  caractère,  les  circonstances  de  ces  révélations, 
à  pénétrer  l'âme  qui  les  rapporte  et  les  atteste,  à  consulter  le  verdict 
autorisé  de  l'Eglise  on  est  amené  à  conclure  que  les  admettre  comme 
authentiques  est  le  seul  parti  justifié. 

Si  maintenant  nous  voulons  interpréter  le  texte  de  la  "  Grande  Pro- 
messe," nous  voyons  d'abord  qu'il  laisse  attendre  une  faveur  extraor- 
dinaire: Xotre-Seigneur  y  parle  de  "l'excessive  miséricorde"  de  son 
Cœur  et  invoque  sa  "  toute-puissance  "  pour  nous  promettre  la  grâce  des 
grâces  la  "pénitence  finale."  Il  insiste  par  trois  fois:  "  Tls  ne  mour- 
ront point  dans  ma  disgrâce,  ils  ne  mourront  point  sans  recevoir  les 
sacrements  ;  mon  Cœur  se  rendra  leur  asile  assuré  à  l'iieure  de  la  mort." 

Quelle  récompense  magnifique  à  cette  unique  condition  de  commu- 
nier le  premier  vendredi  de  neuf  mois  consécutifs  pour  honorer  le 
Sacré-Cœur  ! 


—  422  — 

Mais  quoi!  Faut-il  entendre  (ju'une  fois  la  condition  bien  réalisée  le 
gage  d'une  bonne  mort  soit  définitivement  acquis  et  valable  irrévoca- 
blement? Le  salut  sera-t-il  donc  ensuite  garanti  en  toute  éventualité? 
La  question  est  grave  et  délicate,  et  les  théologiens  répondent  avec  des 
distinctions  variées. 

Tous  admettent  d'abord  avec  le  Concile  de  Trente  que  personne,  à 
moins  d'une  révélation  particulière,  hors  de  cause  ici,  n'est  assuré  de  sa 
prédestination  d'une  certitude  infaillible  et  absolue.  Il  ne  saurait  donc 
être  question  ici,  d'une  certitude  absolue,  mais  de  cette  certitude  morale, 
qui  nous  permet  de  poser  des  actes  prudents  dans  la  plupart  des  circons- 
tances sérienses  de  la  vie.  Il  ne  s'agit  pas  non  plus  de  renverser  les  exi- 
gences ordinaires  du  salut,  de  sorte  qu'une  personne  qui  communierait 
neuf  mois  pour  s'en  donner  à  plaisir  dans  la  suite,  ne  ferait  que  s'illu- 
sionner déplorablement. 

Même  à  des  communions  droites  et  loyales,  les  uns  prétendent  qu'il 
faudra  joindre  le  constant  accomplissement  des  devoirs  essentiels,  faute 
de  quoi  le  droit  à  l'assistance  finale  se  perd  ;  il  ne  lui  survivrait  que 
ï espoir  d'une  plus  grande  miséricorde  du  Seigneur  eu  égard  au  droit 
jadis  possédé.  Les  autres  répondent,  avec  vérité  semble-t-il,  que  cette 
première  interprétation  soumet  la  personne  à  des  conditions  arbitraires, 
nullement  exprimées  par  la  Bienheureuse  Marguerite-Marie  ni  exigées 
par  la  foi. 

Certes,  le  pécheur  mourant  garde  sa  liberté,  et  s'il  refusait  de  se  con- 
vertir, il  ne  serait  pas  sauvé  malgré  lui,  seulement,  nous  rejetons  l'hy- 
pothèse d'un  refus  de  conversion.  La  grâce  de  Dieu  ne  peut-elle  pas 
triompher  de  toute  opiniâtreté  et  de  toute  faiblesse  humaine?  Est-elle 
capable  d'empêcher  la  présomption  future,  ou  la  persévérance  dans  cette 
présomption  et  l'endurcissement  dans  le  péché?  Oui,  sans  aucun  doute, 
Dieu  qui  donne  à  chacun  les  grâces  suffisantes  n'en  fait  pas  l'objet  de 
promesses  extraordinaires,  mais  ne  peut-il  promettre  à  plusieurs,  moyen- 
nant certaines  pratiques,  les  grâces  qu'il  sait  devoir  être  efficaces  et 
victorieuses  de  toute  rébellion?     C'est  tout  à  fait  certain. 

Ainsi  donc,  la  grande  promesse  prise  dans  son  sens  obvie  est  suscep- 
tible de  garantir  à  quiconque  aura  bien  rempli  l'unique  condition 
imposée  les  secours  divins  pour  se  maintenir  dans  l'état  de  grâce  ou  y 
rentrer  à  la  mort. 

Cependant,  l'exactitude  même  de  la  révélation  et  des  termes  de  la 
promesse,  l'accomplissement  satisfaisant  de  la  condition  par  chacun, 
tout  cela  n'est  connu  qu'avec  cette  certitude  morale  qui  nous  engage,  en 
une  affaire  de  cette  importance,  à  ne  pas  négliger  les  autres  moyens  de 
salut  et  à  se  garder  avec  soin  des  causes  de  damnation. 

Avec  ces  dispositions,  Vassuraure  d'une  bonne  morl  est  véritahle 
comme  celle  de  la  justification  lorsqu'on  a  fait  tout  son  devoir;  j'en  suis 
certain  comme  de  la  vérité  de  mon  baptême  et  de  la  consécration  de 
l'Hostie  (ju'ou  reçoit  à  la  Table  Sainte. 

Certitude  scandaleuse  pour  ceux-là  seulcMieul  rpii  ne  (l'oieiit  pas  à 
l'amour,  (pii  n'ont  pas  compris  l'excessive  miséricorde  du  Cœur  de  Jésus 
et  tout  ce  f|u'ri  a  souffert  dans  sa  Passion  dont  II  veut  nous  appliquer 


—  423  — 

d'une  manière  toute  spéciale  les  mérites  infinis.  Ceux-là  ne  savent  pas 
non  plus  Tefficacité  exceptionnelle  du  moyen  proposé:  il  ne  s'agit  pas 
seulement  d'une  médaille,  d'une  prière,  d'un  habit  vénérable,  nuiis  de  la 
réception  du  plus  auguste  des  Sacrements.  Sainte  Melchtilde  vit  un 
jour  en  esprit  la  Charité  sous  la  figure  d'une  vierge  céleste  qui  trempait 
un  diamant  dans  le  Cœur  de  Jésus,  et  qui,  à  plusieurs  reprises,  réitérait 
cette  action  afin  de  lui  enseigner  qir'il  n'est  pas  de  cœur  si  dur  (|u'une 
union  fréquente  avec  le  Dieu  de  l'Eucharistie  n'amollisse  enfin  complè- 
tement. N'est-ce  pas  une  vraie  cure  spirituelle  que  Xotre-Seigneur  a 
exigée  comme  condition  de  sa  promesse?  En  neuf  mois,  l'âme  a  eu  le 
temps  de  s'affermir  dans  la  volonté  de  persévérer,  d'acclimater  en  elle 
cette  résolution  de  rompre  avec  les  causes  anciennes  du  péché  et  de  s'ha- 
bituer à  la  frécjuentation  des  sacrements  de  Pénitence  et  d'Eucharistie. 

Certes,  s'il  est  de  la  nature  d'un  gage  d'être  à  certains  égards  l'équi- 
valent de  l'objet  qu'il  représente,  quelle  assurance  meilleure  queTlIostie 
Sainte  elle-même,  vrai  ciel  caché  sous  le  plus  humble  des  voiles,  sur- 
passant en  dignité  toutes  les  splendeurs  et  toutes  les  richesses  du  Pa- 
radis. Ce  gage  nous  est  livré  dans  les  communions  des  neuf  ])remiers 
vendredis,  où  la  grâce  divine  nous  donne  le  droit  de  dire  au  Maître,  à 
l'heure  dernière:  Voici,  ô  mon  Souverain  Juge,  cette  Hostie  salutaire 
que  je  vous  offre  avec  confiance  en  échange  du  bonheur  promis. 

C'est  ainsi  que  par  cette  pratique  incomparable  nous  aurons  jeté  vers 
les  rivages  de  l'éternité  bienheureuse  une  ancre  qui  nous  gardera  dans 
les  tempêtes.  Lié  à  notre  fidèle  barque  par  la  promesse  du  Sacré-Cœur, 
si  elle  ne  nous  ])réserve  pas  d'être  le  jouet  des  flots,  elle  nous  empêchera 
d'en  être  la  triste  proie.  A  cette  heure  sombre  de  l'histoire  de  l'Eglise, 
c'est  la  douce  et  légitime  espérance  des  amis  du  Conir  de  Jésus.  Spe 
naude  fîtes. 


Au  Canada,  les  Apôtres  du  Sacré-Cœur  n'ont  pas  caché  ce  merveilleux 
joyau  de  leur  trésor:  le  Grande  Promesse  et  les  N"euf  Premiers  Ven- 
dredis. Sans  doute,  ils  l'ont  royalement  enchâssé  dans  les  flammes 
d'amour  du  Cœur  de  Jésus,  principe  premier  de  cette  faveur,  ils  l'ont 
l)rotégée  en  insistant  sur  toutes  les  dispositions  nécessaires  iiour  s'en 

rendre  dignes. 

L' Apostolat  de  la  prière  compte  au  Caïuida.  700,000  mend.res,  dont 
plus  de  100,000  font  la  communion  du  premier  vendredi:  et  dans  tous 
les  endroits  on  peut  redire  les  ])aroles  de  P.  Pamière.  S.J.:  "  L'expé- 
"  rience  démontre  (|ue  la  prédication  di-  la  grande  promesse  est  un  des 
'•'moyens  les  plus  efficaces,  sinon  le  plus  efficace  de  tous  pour  ramener 
"  des"  paroisses  entières,  v  compris  les  lioiiunes.  à  la  fré-iiicntation  de  la 

"  Table  Sainte." 

A  Ottawa,  notre  capitale  fédérale,  dans  la  paroisse  du  Sacré-Cœur, 
composée  surtout  d'hommes  d'Etat  et  d'emplovés  du  gouvernement,  on 
entend  de  vieux  défenseurs  dn  devoir  pascal  humblement  accompli, 
s'écrier:  "Que  n'ai-je  su  plus  tôt  (|u"il  était  si  bon  de  communuM-  sou- 
vent !  '' 


—  424  — 

A  Québec,  l'excellent  rapport  de  Mgr  Gagnon  nous  a  appris  que  dans 
certains  villages  les  communions  du  premier  vendredi  atteignent  70% 
des  communiants,  et  la  paroisse  de  Saint-Sauveur  est  célèbre  pour  sa 
grande  ferveur  et  ses  démonstrations  de  foi  profonde  et  d'amour  pour  le 
Sacré-Cœur. 

Montréal,  certes,  ne  reste  pas  en  arrière  ;  certaines  églises  comptent 
plus  de  3,000  communiants  le  premier  vendredi,  et  l'on  cite  au  loin  cette 
paroisse  oii,  après  une  mission  fructueuse,  le  prédicateur  demanda  à  ses 
auditeurs  l'engagement  d'honneur  de  participer  à  la  communion  men- 
suelle. Le  curé  reçut  300  adhésions,  et  chaque  mois  les  300  hommes 
répondirent  fidèlement  à  la  carte  postale  que  leur  pasteur  ne  manquait 
pas  de  leur  envoyer  pour  les  convier  à  la  communion  du  premier  ven- 
dredi du  mois. 

Les  qnnales  de  tous  les  diocèses  auraient  quelques  traits  du  même 
genre  à  nous  fournir. 

Partout,  c'est  un  long  défilé  vers  la  Table  Sainte,  les  femmes  sont  les 
plus  nombreuses,  ensuite  les  hommes  se  sont  ébranlés,  mais  surtout 


J'ai  vu,  dressant  sa  noble  taille 
Et  marchant  d'un  pas  ferme 
Un  jouvencel  hardi,  comme  un  ange  de  Dieu. 
Son  visage  était  pur,  sa  tunique  était  blanche. 
Son  regard  était  bleu  comme  azur  et  pervenche; 
Et  je  vis  dans  ses  mains  une  coupe:  et  je  sus 
Que  c'était  (le  St  Graal)  la  coupe  de  Jésus  : 
Calice  de  la  Cène  et  de  l'Eucharistie." 


Oui,  nous  pouvons  dire  que  partout  notre  jeunesse  a  fait  ses  premiers 
vendredis,  et  si  elle  semble  s'avancer  plus  vaillante  en  un  bataillon  serré, 
c'est  qu'elle  s'est  nourrie  du  pain  des  forts. 

Comme  son  idéal  Garcia  Moreno,  le  héros  de  l'Equateur,  habile 
guerrier,  grand  politique  et  plus  grand  chrétien,  notre  jeunesse  aime 
son  pays,  elle  aime  l'Eglise  et  le  Sacré-Cœur. 

Garcia  Moreno  mérita  d'en  être  le  martyr.  Il  communia  le  premier 
vendredi  de  chaque  mois,  et  ce  fut  un  premier  vendredi,  au  sortir  de  la 
cathédrale  de  Quito,  l'âme  encore  toute  embaumée  de  la  présence  de  son 
Dieu,  qu'il  fut  poignardé  par  un  franc-maçon,  sur  l'ordre  de  la  secte 
infâme.     II  tomba  en  s'écriant  :  "Bios  no  muere!"  Dieu  ne  meurt  pas! 

Non,  Dieu  ne  meurt  pas,  son  soleil  radieux  s'est  levé  dans  les  ténèbres 
avec  le  Sacré-Cœur  dans  l'Hostie.  Allons  au  Sacré-Cœur.  "L'Eglise 
et  la  société  n'ont  d'espérance  qu'en  lui,"  nous  dit  Pie  IX.  "  Il  est  le 
Labarum  qui  nous  donnera  la  victoire  prochaine,"  affirme  Léon  XIII, 
et  Pie  X  :  "  Le  Sacré-Cœur  vaincra.  Il  régnera  et  nous  sauvera." 

Pour  aider  à  ce  règne  et  à  cette  victoire  je  soumets  à  votre  approba- 
tion la  proposition  suivante: 


La  procession.  —  Arc  de  la  rue  ilu  (  liaiiii>  de  .Mais. 
The  Procession.  —  Arcli  on  Clianiii  de  -Mars  Street. 


—  425  — 

Vœu  : 

Plaise  au  Congrès  Eucharistique  International,  réuni  à  Montréal,  de 
reconnaître  la  très  grande  utilité  de  la  dévotion  au  Sacré-Cœur  comme 
moyen  de  développer  le  culte  eucharistique;  —  de  recommander  aux 
fidèles  serviteurs  de  Dieu  et  de  l'Eucharistie  la  pratique  de  la  communion 
du  premier  vendredi  de  chaque  mois,  suivant  l'esprit  de  la  grande  pro- 
messe du  Sacré-Cœur  de  Jésus  et  cela  comme  un  moyen  d'attirer  peu  à 
peu  les  âmes  à  une  communion  plus  fréquente  et  même  quotidienne! 


Le  quatrième  travail  était  ime  étude  pratique  sur  le  Décret 
"Sacra  Tridentina  Siniodus  "  de  Pie  X,  plus  counu  sous  le 
nom  de  Décret  sur  la  Communion  quotidienne.  Il  fut  pré- 
senté par  M.  l'abbé  F.  Johin,  professeur  de  doj>me  au  collège 
de  L'Assomption.  Xous  ne  donnons  ici  que  les  grandes 
lignes  de  ce  travail. 


'&' 


ETUDE  PRATIQUE  SUR  LE  DECRET  DE  PIE  X. 


Cette  étude  tout  d'abord  s'appuie  sur  les  données  des  théologiens  et 
des  écrivains  ecclésiastiques  les  plus  autorisés,  et  se  divise  naturellement 
en  deux  parties. 

1.  En  face  du  décret  "Sacra  Tridentina  Synodus"  solennellement 
publié  par  ordre  du  Souverain  Pontife,  le  20  décembre  1905,  et  revêtu 
de  toutes  les  formes  qui  en  font  un  Acte  législatif  ayant  par  conséquent 
force  obligatoire  quant  à  sa  partie  prescriptive,  quelle  doit  être  l'attitude 
de  tout  prêtre  s'occupant  des  âmes,  soit  médiatement  par  les  écrits  ou 
les  enseignements  théologiques,  soit  immédiatement,  par  le  ministère 
pastoral. 

IL  Qu'est-il  exigé  des  fidèles  pour  qu'ils  bénéficient  de  cette  législation 
si  large  portée  par  la  Sacrée  Congrégation  du  Concile,  ratifiée  et  con- 
firmée par  le  Pape  lui-même. 


a)  Dans  renseignement  les  professeurs  ou  écrivains  ecclésiastiques 
doivent  désormais  s'al)stenir  de  toute  discussion  au  sujet  des  disposi- 
tions requises  pour  la  communion  fréciuente  et  quotidienne. 

b)  Dans  l'interprétation  des  prescriptions  qui  regardent  les  fidèles, 
il  faut  toujours  s'arrêter  au  sens  le  plus  large. 

c)  Quant  aux  pasteurs  d'âmes,  soit  dans  la  chaire,  soit  au  confes- 
sional,  qu'ils  prennent  garde  de  n'éloigner  de  la  conniiunion  fréquente 
ou  quotidienne  personne  qui  soit  en  état  de  grâce  et  qui  s'en  approche 
avec  une  intention  droite  et  pieuse. 


—  436  — 

d)  Ces  mêmes  pasteurs  d'âmes,  devront  en  plus,  se  faire  les  apôtres 
ardents  et  zélés  de  cette  pi'atique  si  pieuse  et  si  salutaire.  Pour  cela, 
qu'ils  donnent  des  instruction  générales,  où  ils  ne  se  contenteront  pas 
de  faire  ressortir  les  avantages  nombreux  que  peuvent  trouver  les  fidèles 
dans  la  communion  fréquente  et  quotidienne,  mais  ils  joindront  à  cet 
exposé  la  réfutation  explicite  des  objections  courantes  afin  de  dissiper 
les  préjugés  si  nombreux  qui  arrêtent  l'élan  des  âmes. 

e)  Pour  que  le  décret  soit  porté  à  la  connaissance  de  toutes  les  âmes, 
le  Pape  oblige  les  supérieurs  de  communa^ités  religieuses  des  deux  vsexes 
à  le  faire  lire  chaque  année,  en  langue  vulgaire,  en  communauté. 

f)  Les  confesseurs  ne  se  borneront  pas  à  accorder  la  communion  à  qui 
la  demande,  ils  devront  exhorter,  inciter,  contraindre  suavement  leurs 
pénitents  à  la  communion  fréquente  et  même  quotidienne,  puis,  se 
rappeler  qu'ils  ne  sont  pas  législateurs  mais  seulement  juges  des  dispo- 
sitions nécessaires. 

II 

Ces  dispositions,  à  vrai  dire,  ne  sont  qu'au  nombre  de  deux,  à  savoir 
l'état  de  grâce  et  une  intention  droite  et  pieuse. 

L'état  de  grâce  ou  exemption  de  tout  péché  mortel,  état  qui,  le  ciel 
en  soit  béni,  se  rencontre  fréquemment,  est  nécessaire  pour  la  commu- 
nion fréquente,  comme  pour  toute  autre  communion,  mais  il  suffit. 

L'intention  droite  est  aussi  requise,  mais  non  pas  formellement  fixée, 
même  un  motif  secondaire  repréhensil)le  ne  l'empêche  pas  d'exister. 

Les  éléments  de  cette  intention  droite  sont  de  communier  pour  plaire 
à  Dieu,  pour  s'unir  plus  étroitement  à  lui,  pour  trouver  dans  ce  divin 
remède  la  force  de  résister  aux  infirmités  et  aux  défauts  de  notre  nature. 

Quoique  ces  dispositions  soient  seules  exigées,  le  décret  en  fait  dériver 
et  en  conseille  trois  autres  : 

a)  L'exemption  des  péchés  véniels  au  moins  pleinement  délibérés  et 
de  l'affection  à  ces  péchés. 

h)  Une  préparation  soigneuse  et  une  action  de  grâces  convenable, 
en  tenant  compte  toutefois  des  facultés,  des  conditions  et  des  obliga- 
tions de  chacun. 

c)  L'avis  du  confesseur  —  ((ui  n'est  qu'un  simple  avis  et  non  une 
règle  que  le  pénitent  soit  tenu  de  suivre  —  pour  que  la  communion  se 
fasse  avec  plus  de  prudence  et  j)lus  do  mérite. 

Conclusion. 

1°  Le  prêtre  rie  doit  rien  faire  ni  ])()sitivement  ni  négativement  qui 
mette  obstacle  ou  entrave  à  la  communion  fréquente  et  quotidienne, 
mais  il  doit  tout  faire  pour  la  faciliter  et  l'encourager. 

2°  Seuls  les  empêchements  justifiés  par  des  devoirs  d'état  certains  et 
n'impliquant  aucun  jnépris  du  don  divin  devraient  éloigner  de  la  sainte 
Table  les  fidèles  qui  au  moment  de  la  communion  se  trouvent  en  état  de 
grâce.  Us  n'ont  aucune  autre  raison  do  ne  pas  profiter  de  si  grands 
avantages  et  de  n'en  pas  revenir  à.  la  pi'atique  de  la  ])rimitive  église 
quand  les  clirétiens  comninniaient  tous  les  jours. 


437  — 


Voeu  : 


1"  Que  dans  leur  enseignement  et  leur  ministère  les  prêtres  s'inspirent 
de  plus  en  plus  largement  et  résolument  du  décret  de  Pie  X.  (Ju'ils 
vulgarisent  ce  décret  de  toutes  nianièresj  par  exemple  en  en  donnant 
lecture  tous  les  ans,  du  haut  de  la  chaire,  en  le  faisant  apprendre  de  mé- 
moire dans  les  écoles  et  les  maisons  d'éducation  secondaire. 

2°  Que  les  fidèles,  dûment  instruits,  réforment  leurs  préjugés  anciens, 
et  s'appliquent  de  plus  en  plus  à  considérer  la  communion  fréquente  et 
quotidienne  comme  l'acte  central  de  leur  vie  chrétienne. 


Après  M.  l'abbé  Jobin,  c'est  la  blanche  bnre  d'un  Domi- 
nicain qui  paraît  sur  l'estrade.  Le  R.  P.  Ro)nJot  va  nous 
indiquer  les  Ivjiuences  sociales  de  V Eucharistie  : 

LES    INFLUENCES    SOCIALES    DE    L'EUCHARISTIE 


Monseigneur  le  Président, 
Messeigneurs^ 

Mesdames, 

Messieurs, 

L'influence  sociale  de  l'Eucharistie,  tel  est  mon  sujet;  je  l'esquisse  à 
grands  traits. 

Il  y  a  influence,  là  où  un  être .  communique  à  un  autre  sa  propre 
énergie. 

Il  y  a  influence  sociale,  là  où  une  énergie  personnelle  est  cdininu- 
niquée  à  un  être  humain,  quand  il  met  en  œuvre  son  intelligence,  sa 
liberté  s'unit  à  d'autres  semblables  à  lui,  pour  connaître,  vouloir  un 
bien  commun  à  poursuivre,  par  des  moyens  connus,  voulus  de  tous. 

La  chose  est  vraie,  dans  toutes  les  sociétés:  "Familiale.  Civile.  lît-li- 
gieuse." 

Or,  l'Eucharistie  exerce,  à  ce  triple  point  de  vue,  une  influence  réelle, 
pour  le  progrès  des  différents  groupes  sociaux  composés  des  enfants,  des 
jeunes  gens  et  des  jeunes  filles,  des  hommes  et  des  femmes  on  charge 
de  fover. 


—  428  — 
1,  —  Les  Enfants. 

Obéissance,  discipline,  amour  du  prochain,  vertus  sociales,  à  n'en  pas 
douter;  néanmoins,  à  notre  époque,  elles  ont  diminué  de  vigueur,  dans 
l'âme  de  l'enfant. 

C'est  un  mal,  dont  l'Eucharistie  est  le  remède. 

Expliquez  à  l'enfant,  graduellement,  ces  trois  choses  :  Famille,  Société 
civile,  Société  religieuse. 

Dites-lui  :  Il  t'en  coûte  de  te  plier  aux  ordres,  aux  conseils  de  ton 
père  et  de  ta  mère,  communie.  L'hostie  sainte  te  mettra  en  contact  avec 
l'âme  de  Jésus.  Pendant  sa  vie  entière,  il  obéit  toujours,  à  saint  Joseph, 
à  la  Sainte  Vierge,  et  au  Dieu  Tout-Puissant;  avec  l'aide  du  Sacrement, 
tu  auras  moins  de  peine  à  te  soumettre. 

A  l'heure  de  midi,  tu  ressens  la  faiblesse,  mais,  tu  vas  à  table,  et  le 
repas  terminé,  l'énergie  te  revient.  Ainsi,  en  est-il  de  la  Communion. 
La  lutte  contre  ton  caractère  épuise  tes  forces,  refais-les  à  mesure,  avec 
celles  de  l'Homme-Dieu. 

De  prime  abord,  l'enfant  hésite,  puis  il  essaie,  un  changement  se 
produit,  les  parents  le  constatent;  au  foyer  domestique,  il  est  plus  res- 
pectueux. 

C'est  le  moment  opportun  des  avis  paternellement  donnés,  des  félici- 
tations discrètes;  l'enfant  se  rend  compte  du  travail  opéré,  faites-lui 
comprendre  que  tout  cela  est  l'œuvre  de  Jésus-Hostie,  le  voilà  orienté. 

Société  civile. 

Vous  connaissez  les  pénibles  débuts  de  l'enfant  dans  la  société  civile  : 
l'école  et  le  maître. 

L'école,  avec  sa  cloche  qui  sonne  l'heure  de  l'étude.  L'école,  et  les 
pupitres  alignés  devant  la  grande  estrade,  d'oii  part  à  chaque  instant, 
une  surveillance  inexorable.  L'école,  et  puis  les  livres,  instruments  de 
torture  quand  le  soleil  est  beau,  quand  on  rêve  de  plaisir,  de  promenade 
au  grand  air. 

Et  le  "  maître  ?  "  Il  est  vrai,  le  père  a  dit  souvent  :  "  Mon  ami,  res- 
pecte ton  maître,  il  tient  ma  place  auprès  de  toi  ;  c'est  un  homme  dé- 
voué, d'un  talent  reconnu."  Fort  bien,  mais  comprendre,  à  cet  âge,  un 
dévouement  pareil,  apprécier  exactement  des  aptitudes  pédagogiques,  la 
chose  ne  vous  paraît-elle  pas  difficile  à  admettre? 

Oui,  l'école  et  le  maître,  restent  encore  aujourd'hui  l'épouvantail  de 
l'enfant  avide  de  liberté. 

Un  tel  sentiment  n'est  pas  noble,  je  l'avoue,  mais  l'enfant  n'a  pas 
atteint  le  dernier  terme  de  son  éducation. 

Il  y  a  pourtant  moyen  de  le  conduire  plus  haut:  Evoquez,  devant  lui, 
le  souvenir  de  Notre-Seigneur  au  Temple. 

Malgré  ses  douze  années,  Jésus  est,  néanmoins,  le  Verbe  de  Dieu,  la 
Sagesse  infinie;  or  il  écoute,  avec  un  respect,  un  intérêt  attentif,  l'en- 
seignement incomplet  des  Docteurs  de  la  Loi. 


—  ■429  — 

Eh  !  bien,  ce  même  Jésus  vit  dans  l'Eucharistie,  pour  devenir  le  mo- 
dèle de  l'écolier  chrétien,  son  idéal  et  sa  force. 

Ce  langage  touche  l'enfant;  stimulez  son  ardeur,  bientôt  son  cahier 
de  notes  attestera  chez  lui,  une  amélioration  marquée. 

A  ce  moment,  il  est  mûr  pour  tirer  une  conclusion,  aidez-le  à  le  faire. 
Eappelez-lui  le  proverbe:  Dis-moi  qui  tu  hantes,  je  te  dirai  qui  tu  es; 
ajoutez:  tu  fréquentes  Jésus,  et  tu  manges  à  sa  table?  Voilà  pourquoi, 
élève  en  progrès,  tu  deviens  plus  vertueux,  plus  travailleur. 

Il  vous  quittera  plein  de  courage,  résolument  fidèle  aux  communions 
permises. 

Société  religieuse. 

L'enfant  est  naturellement  égoïste;  il  envie  tout,  le  prend,  le  garde; 
il  jouit,  sans  rien  rendre,  ou  presque  rien  en  retour.  Or,  l'égoïsme  est 
en  opposition  formelle  avec  la  charité  principale  entre  toutes  les  A'ertus 
chrétiennes  et  sociales. 

Alors,  montrez-lui  dans  l'Hostie,  Xotre-Seigneur,  charité  vivante.  Le 
prêtre,  à  son  gré,  le  consacre,  le  distribue,  l'expose  aux  regards  des 
fidèles. 

Du  Tabernacle,  de  l'Ostensoir,  Jésus  voit  agenouillés  amis  et  ennemis, 
qu'importe,  pas  un  mouvement,  chez  Lui,  de  joie  ni  d'indignation;  avec 
un  calme  parfait,  il  demeure  à  la  libre  disposition  de  son  Ministre,  ne 
se  dérobe  devant  personne,  et  sa  présence  luit  sur  les  méchants  comme 
sur  les  bons,  toujours  prête  à  répandre  le  pardon  et  l'amour. 

A  la  longue,  l'enfant  peut  entrevoir  quelques-uns  des  fils  d'or  qui  ont 
formé  la  trame  de  l'abnégation  divine,  et  la  Communion  fréquente,  lui 
met  en  main,  l'arme  victorieuse  de  l'égoïsme  personnel. 


2.  —  Jeunes  Gens  et  Jeunes  Filles, 

A  la  jeunesse  actuelle,  le  foyer  devient  lourd;  et  les  jeunes  gens  et  les 
jeunes  filles  oublient  trop  aisément,  dans  la  vie  au  dehors,  les  titres 
acquis  par  le  père  et  la  mère,  à  un  retour  de  justice  et  de  reconnaissance. 

Ils  manquent  de  mémoire  pour  les  services  rendus;  et,  sans  égards 
pour  des  parents  âgés,  ils  ont  peine  à  se  rappeler,  qu'il  reste,  à  la  maison, 
des  enfants,  jeunes  encore,  et  aux  besoins  desquels  il  faut  cependant 
pourv^oir. 

Du  fruit  de  leur  travail,  ils  gardent  le  plus  possible,  et,  diez  eux, 
quand  ils  y  restent,  il  ne  leur  déplaît  pas  de  se  réduire  à  la  condition 
de  pensionnaires. 

Double  mal,  dans  la  famille  contemporaine. 

Et  le  remède? 

L'Eucharistie,  oii  Jésus,  fréquenté  par  le  jeune  homme  et  la  jeune 
fille,  leur  répète  souvent:  "Je  ne  quittai  jamais  le  toit  paternel  avant 
l'âge  de  trente  ans;  capable  de  travailler,  j'ai  toujours  employé  mes 
forces  à  aider  ma  mère  et  mon  père  adojjtif. 


—  430  — 

T'topie.  dites-vous? 

Pour  11'  iirand  nombre,  oui:  non,  .pour  uu  ijetit  groupe,  formant  une 
congrégation  habilement  dirigée,  car  des  faits  le  démontrent,  relative- 
ment nombreux. 

Grâces  à  Dieu,  nous  pouvons  être  fiers  de  le  dire  aux  étrangers  à  ce 
pays  :  dans  nos  grandes  villes  canadiennes-françaises,  tous  les  jours,  aux 
messes  nuitinales,  nous  voyons  encore  des  jeunes  gens  quitter  leur  place 
au  coup  de  cloche  de  Tenfant  de  chœur;  où  vont-ils?  A  la  Table  de 
Communion,  dans  une  chapelle  discrète,  pieuse,  recueillie;  pourquoi? 
Ils  veulent  manger  le  Christ,  patron  des  travailleurs,  ils  veulent  s'unir 
à  Lui.  avant  les  fatigues,  les  déboires  d'une  journée  de  labeur,  à  l'usine, 
à  râtelier,  au  magasin,  au  bureau. 

Se  trompent-ils,  ces  enfants-là? 

Pardon,  je  m'oublie,  j'aurais  dû  me  le  rappeler:  "Je  suis  tout  uni- 
ment un  Français-Canadien,  encore,  il  me  sera  permis  peut-être  de  me 
ranger  à  l'opinion  des  mères. 

Elles  aiment  de  tendresse  le  pays  oiî  elles  ont  élevé  leurs  enfants,  et 
depuis  des  années,  le  bon  Dieu  m'a  chargé,  prêtre  et  religieux,  d'élever 
ici  des  âmes. 

Interrogez  les  parents,  ils  vous  diront  avec  moi  :  Sur  la  conduite  de 
ces  jeunes  hommes,  nulle  inquiétude;  point  de  larmes  versées  par  une 
mère  anxieuse. 

Ils  sortent  peu,  si  parfois,  une  réunion  de  société  réclame  leur  pré- 
sence, au  départ,  ils  avertissent,  et  la  maman  dit:  Tu  seras  sage,  mon 
petit  garçon.  Aloi's,  avec  un  bon  sourire,  un  filial  baiser,  voici  la  ré- 
ponse: Xc  soyez  pas  inquiète,  maman,  je  serai  ici  à  telle  heure. 

Mais  un  retard  se  produit,  imprévu,  impérieux;  ils  téléphonent  ou 
partent  en  s'excusant  près  de  leurs  camarades,  car,  ils  le  sentent  et  le 
comprennent,  on  ne  doit  pas  empêcher  le  repos  d'une  mère  vieillie. 

\'oyez  aussi,  comme  ils  prennent  intérêt  aux  choses  de  la  maison. 
Beaucoup  remettent  à  la  famille  le  produit  intégral  du  travail  de  la  se- 
maine, où  la  mère  peut  puiser  dans  wne  juste  mesure. 

Vous  me  direz:  Et  puis? 

Et  puis,  c'est  tout,  car  tout  est  sauf,  et  dans  toutes  les  lignes. 

S'ils  avaient  moins  fréquenté  la  C\)mmunion,  leur  cœur  garderait 
moins  vif,  le  sentiment  de  la  justice,  de  la  reconnaissance,  de  la  déli- 
catesse. 

Quant  aux  jeunes  filles,  l'application  est  plus  facile  encore.  Faites- 
leur  aimer  la  Communion  quotidienne,  ou  du  moins  très  fréquente,  elles 
apprendront  doucement,  dans  l'intimité  de  Jésus,  la  nécessité  des  atten- 
tions délicates,  pour  ne  pas  lui  déplaire  et  pour  lui  faire  plaisir;  ainsi, 
peu  à  peu,  elles  feront  l'apprentissage  de  hi  femme  d'intérieur,  ce  joyau 
d'une  maison. 

p]lles  sauront  plus  tard  acquérir,  dév(>lopper  l'estime,  l'affection,  la 
confiance  do  leur  mari;  et  tout  en  dt^neurant  le  maître-autel,  dans  le 
temple  du  foyer,  elles  en  seront  aussi  l'aimable  confessionnal  où,  du 
plus  petit  au  plus  grand,  cha.cun  pourra  dire  et  ses  joies,  et  ses  tris- 
tesses: alors,  nous  les  verrons  reiru's  api'ès  les  avoir  vues  sacrificateurs  et 
victimes. 


—  431 


Société  civile. 

La  lièvre  du  plaisir,  les  relations  douteuses,  le  luxe  effréné,  Tinsou- 
ciance  de  Taveuir,  tels  sont,  au  iwint  de  vue  social,  les  maux  à  redouter 
pour  la  jeunesse  présente. 

Cependant,  la  société  a  besoin,  dans  ses  membres,  d'esprits  fermes  et 
lucides,  de  volontés  droites,  de  caractères  énergiques,  de  constitutions 
robustes. 

Pour  garantir  sa  prospérité,  il  lui  faut  des  familles  sérieuses  où  l'au- 
torité douce  et  forte   consolide  la  sienne. 

Mais,  elle  est  souvent  trompée  dans  son  espoir.  J'arnii  les  jeunes  gens 
et  les  jeunes  filles,  Tordre  et  l'économie  font  souvent  défaut;  la  soit  du 
bien-être  augmente  à  vue  d'œil,  et,  pour  la  satisfaire,  on  accumule  les 
folles  dépenses,  les  dettes  criardes,  au  détriment  de  Taisance  privée,  de 
la  fortune  publicpu'. 

I^  théâtre,  le  roman,  les  spectacles  interlopes,  faussent  l'opinion  ;  on 
pense  à  s'amuser,  non  point  à  s'étal)lir;  le  devoir  social  est  un  mot  vide 
de  sens,  et,  dans  le  fait,  on  sacrifie  le  bien  commun  au  bien  i)articulier, 
encore,  n'cst-il  pas  toujours  avouable. 

Parlez-vous  de  nuiriage?  Un  sourire  vous  répond,  mêlé  de  seepli- 
cisme:  traduiscz-le  en  langue  vulgaire,  vous  aurez  la  formule:  "Pour- 
quoi se  mettre  la  corde  au  cou?"  Néanmoins,  le  cou  passera  un  jour  à 
travers  le  collier;  alors  malheureusement,  vous  obtiendrez  cette  raison 
sociale  :  "  Misère  et  Compagnie." 

Si  l'on  avait  pti  faire  venir  ces  enfants  jjrès  du  Saint-Sacreuu'iii,  de 
si  tristes  résultats  ne  seraient  point  à  déplorer. 

Ati  contact,  en  effet,  de  l'Humanité  Sainte,  les  ardeurs  voluptueuses 
voient  s'éteindre  leur  flamme  ;  dans  le  cœur  à  cœur  aveo  Jésus,  l'esprit, 
la  volonté,  les  sens  reçoivent  une  effusion  de  la  \ertu  divine,  (pii  partout 
répandait  les  bienfaits  et  l'amour  sur  le  passage  du  Maître. 

Oui,  mettez  la  jeunesse  à  l'école  de  Jésus,  le  Pain  vivant  des  Ames,  il 
lui  apprendra  son  abnégation  rédemptrice,  et  au  lieu  de  s'énerver  dans  les 
plaisirs  vulgaires,  ferments  de  décadence,  elle  réglera  .^on  énergie,  ])our 
travailler  au  relèvement  de  la  grandeur  sociale. 


Société  religieuse. 

l.a  jeunesse,  aujourd'hui,  voit,  entend,  lit  beaucoup  de  choses.  Devant 
elle,  on  discute  l'autorité,  sous  toutes  ses  formes,  la  biérarchie  dans 
tous  ses  représentants. 

Grand  nombre  do  joui'uaux.  de  périodiques,  inconscients,  on  le  dirait, 
de  leur  responsabilité  intellectuelle  et  nu)ralc.  exposent  à  ses  re<rardsdes 
articles  erronés,  des  faits  .scandaleux. 

Laissons-lui  le  bénéfice  de  son  inexpérience,  le  poids  d'une  culpabilité 
dont  le  Seigneur  est  Juge;  encore  est-il,  le  fait  est  pnlpable,  elle  vit  dans 
une  atmosphère  de  modernisme  dans  les  idées,  de  naturalisme  dans  les 


—  433  ~ 

sens;  laissons-lui  le  droit  aux  eireonstanees  atténuantes;  encore  est-il,  le 
mal  reste  et  il  faut  le  combattre. 

Comment?  Avec  l'Eucharistie. 

Jésus-Christ,  enveloppé  dans  les  Saintes  Espèces,  est  le  Fondateur  de 
l'Eglise;  le  pape,  les  évêques,  les  prêtres,  le  représentant,  ici-bas,  à  des 
degrés  divers. 

Eh  bien,  dites  à  la  jeunesse  tentée  de  révolte,  que  dans  la  Commu- 
nion, elle  s'adresse  au  Christ,  qui  établit  cet  ordre  ;  elle  comprendra  que 
des  décisions  ecclésiastiques  ne  peuvent  être  traitées  comme  des  affaires 
politiques  ou  municipales. 

La  liberté,  actuellement,  dégénère  en  licence,  les  évêques,  les  prêtres 
sont  contraints  de  rappeler  au  devoir,  bon  nombre  d'oublieux,  qui,  re- 
tranchés dans  un  "  je  n'y  vois  pas  de  mal,"  glissent  rapidement  vers  un 
indifîérentisme  lamentable. 

Agenouillez-les  au  pied  de  l'autel,  ils  auront  moins  de  "  flou  "  dans 
l'esprit,  moins  d'inconstance  dans  la  volonté  ;  or,  dans  l'ordre  surna- 
turel, avec  la  grâce  de  Dieu,  la  netteté  de  la  vue,  la  fermeté  du  vouloir 
constituent  les  grands  principes  d'une  vie  catholique,  fortement  agis- 
sante. 


Les  Hommes  et  les  Femmes  en  charge  de  Foyer. 

La  paix  à  la  maison,  la  bonne  administration  du  patrimoine  familial, 
où  les  deux  chefs  de  famille,  à  titre  différent,  mais  d'un  commun  accord, 
assurent  à  tous  et  à  chacun,  une  éducation  catholique,  un  entretien  hon- 
nête; prévoient,  préparent  l'avenir  des  enfants,  leur  avenir  à  eux- 
mêmes,  tel  est  le  double  but  à  poursuivre  pour  les  hommes  et  les  femmes 
en  charge  de  foyer. 

Comment  l'atteindre?     Par  la  fréquentation  de  l'Eucharistie. 

Là,  en  effet,  ils  se  trouvent  en  relations  hal)ituelles  avec  Notre-Sei- 
gneur  Jésus-Christ,  vrai  Dieu  et  vrai  Homme. 

En  tant  que  Dieu,  Jésus,  dans  la  personne  du  Verbe,  est  l'exemplaire 
de  la  pensée  créatrice,  oii  les  moindres  détails,  merveilleusement  adaptés, 
s'unissent  pour  former  l'ordre  divin. 

En  tant  qu'Homme,  Jésus  dans  les  deux  éléments  de  son  Humanité, 
est  l'idéal  de  la  subordination. 

Son  intelligence  est  constamment  remplie  de  l'idée  du  Père  céleste, 
et  la  volonté  de  Dieu,  sert,  à  tout  instant,  d'aliment  à  la  sienne  propre. 

Lui  faut-il  traduire,  rendre  visibles  aux  yeux  du  monde,  les  desseins, 
les  vouloirs  du  Créateur?  Il  fait  appel  à  ses  sens,  les  condamne  au  tra- 
vail, à  la  souffrance,  et  les  transforme  en  serviteurs  d'une  ponctualité 
surhumaine.  Il  leur  dit:  "l'heure  n'est  point  venue,"  ils  attendent; 
"l'heure  est  proche,"  ils  s'apprêtent;  "voici  l'heure,"  ils  agissent. 

Donc,  le  Christ  du  Tabernacle,  est  le  Christ  de  l'ordre,  le  Christ  de 
la  subordination;  mais,  dit  saint  Augustin,  l'ordre  et  la  subordination 
sont  le  père  et  la  mère  de  la  paix. 


—  433  — 

Et  maintenant,  hommes  et  femmes,  en  charge  de  foyer,  la  paix,  vous 
la  voulez  chez  vous?  Elle  est  dans  l'Hostie,  allez  la  prend're. 

Apparemment,  aussi,  vous  tenez  à  la  sage  administration  du  patri- 
moine de  famille?  Tous  aurez,  dans  la  Communion,  un  appui  divin. 

Qu'est-ce  que  l'administration? 

"La  gérance  des  biens  acquis:  fortune,  pour  le  propriétaire;  hono- 
raires, pour  le  professionnel;  profits,  pour  le  commerçant,  l'industriel, 
rhomme  d'affaires,  le  financier;  salaire,  pour  le  manœuvre,  l'employé] 
l'artisan."  Or,  il  y  aura  bonne. administration,  si  ces  biens  acquis,  on 
les  empêche  de  décroître,  on  les  maintient,  on  les  développe. 

—  Mais  les  dépenses,  passif  obligé,  en  tenez-vous  compte? 

—  Oui,  je  tiens  compte  des  dépenses  nécessaires,  actuelles  ou  prévi- 
sibles; je  tiens  compte  des  dépenses  utiles,  et,  par  là,  j'entends  celles 
affectées  à  la  conservation  du  bien  présent,  considéré,  soit  en  nature, 
soit  en  espèces;  je  tiens  compte  des  déboursés  faits,  en  raison  des  exi- 
gences sociales,  pourvu  qu'ils  restent  en  harmonie  avec  la  situation,  non 
pas  apparente,  mais  réelle  de  celui  qui  débourse;  je  tiens  compte  sur- 
tout, des  dépenses  productrices,  donnant,  leurs  intérêts  payés  un  gain 
juste  et  raisonnable. 

—  Et  c'est  tout  ?  Eien  pour  la  distraction,  rien  pour  la  santé  des  fa- 
milles? rien  pour  l'aumône?  Alors,  votre  administration  est  un  régime 
de  fer? 

—  Doucement.  Comme  vous,  je  veux  toutes  ces  choses;  mais  je  les 
veux  en  rapport  avec  le  bon  sens,  avec  l'économie,  avec  la  justice,  qua- 
lités qui  tout  en  demeurant  dans  l'intégrité  de  leur  nature,  doivent 
nécessairement,  dans  leur  application,  se  diversifier  suivant  la  diversité 
des  conditions. 

De  ce  chef,  par  conséquent,  j'écarte  du  budget,  toute  dépense  recon- 
nue "folle''  par  un  homme  qui  réfléchit;  toute  dépense  qui  entraînerait, 
pour  les  membres  de  la  famille  individuellement  pris,  un  affaiblissement 
quelconque  et  du  corps  et  de  l'âme;  toute  dépense  qui  entraînerait  pour 
la  famille  elle-même,  prise  au  sens  d'une  personnalité  morale,  la  dé- 
chéance ou  la  ruine.  Allez-vous,  là-dessus,  me  taxer  d'exagération? 

—  Non,  mais,  nous  sommes  loin  de  l'Eucharistie  ? 

—  Pas  autant  que  vous  le  pensez.  Dans  la  Communion  fréquente, 
vous  recevez  fréquemment  Jésus-Christ,  donc,  fréquemment,  vous  entrez 
en  commimication  avec  l'Eternel  Archiviste  des  plans  qui  servent  au 
gouvernement  divin,  type  incontestable  de  l'administration  par  excel- 
lence; et  là,  vous  avez  un  modèle  toujours  à  votre  portée. 

Jésus  l'est,  en  effet,  dans  sa  vie  sacramentelle,  oîi  il  prolonge  le  rayon- 
nement de  son  intelliçrence  divine,  et  celui,  moins  parfait,  mais  j)ourtant 
d'une  sûreté  infaillible,  de  son  intelligence  humaine. 

Dans  l'Hostie,  comme  Dieu,  il  affirme:  "Pas  une  pointe  d'aiguille, 
ne  disparaîtra  de  la  Loi,  sans  que  tout  ne  soit  accompli.  (St.  Mathieu, 
Chapitre  5.  Verset  18.)  D'emblée,  nous  sommes  en  face  d'une  .«stabi- 
lité indéfectible,  garant  d'un  bon  résultat,  au  point  de  vue  administratif. 

Dans  l'Hostie,  comme  Homme,  il    vous    répète    ce   qu'il   disait   à   sa 


—  ^34  — 

Mère:  (Saint  Lue,  Cliap.  2.  Verset  49)  "pourquoi  me  cliercher?  Vous 
ignoreriez  que  je  dois  promouvoir  les  alï'aires  de  mon  Père? 

Or,  il  a  simplement  12  ans,  et  malgré  son  jeune  âge,  il  gère  les  choses 
divines. 

Douteriez-vous  de  ses  aptitudes?  Interrogez  les  Docteurs  du  Temple. 
(Saint  Luc,  Cliap.  2.  Verset  47.)  "  Tous  ses  auditeurs  étaient  ravis  de 
son  intelligence  et  de  ses  réponses." 

Pour  un  enfant  de  12  ans,  un  pareil  début,  dans  une  gestion  pareille, 
ne  vous  semble-t-il  pas  surnaturellement  fort? 

Laissez  de  côté  Tentretemps,  l'obscurité,  les  voyages,  les  miracles, 
les  bienfaits;  ouvrez  l'Evangile  de  saint  Jean  (Chapitre  17,  Verset  4.) 
Jésus  parle:  "Mon  Père,  dit-il,  j'ai  mené  à  bien  l'œuvre,  'par  Vous,  à 
moi  confiée."  D'où,  je  conclus  :  Sous  les  voiles  de  l'Hostie,  l'ïïomme- 
Dieu  peut  encore  nous  enseigner  la  vraie  méthode  du  succès  en  admi- 
nistration. 

Voilà  pourciuoi,  hommes  et  femmes,  en  charge  de  foyer,  si  vous  voulez, 
chez  vous,  administrer  avec  sagesse,  allez  à  la  Communion,  l'Eucha- 
ristie est  une  excellente  école  d'affaires. 

Mais  j'entends  une  réplique. 

—  A'otre  analyse  peut  convenir  aux  familles  riches  ou  aisées,  mais  la 
famille  du  travailleur,  dont  le  salaire  suffit  à  peine  pour  donner  à  une 
femme,  à  des  enfants,  nourriture,  vêtement,  abri,  chauffage,  remèdes  et 
le  reste?  Qu'en  faites-vous?  Est-elle  à  vos  yeux  une  quantité  négli- 
geable ? 

—  iSTon,  je  la  vénère  comme  une  relique  précieuse. 

—  Alors,  s'il  ne  lui  reste  rien,  quel  besoin  d'administration  a-t-elle? 
En  quoi,  là-dessus,  la  Communion  lui  peut-elle  être  utile? 

—  Laissez-moi  vous  répondre  :  Les  propriétés,  l'argent,  ne  sont  pas  les 
seuls  biens  administrables.  Les  enfants,  dans  une  maison,  constituent 
une  fortune. 

Ils  ont,  en  eux,  des  énergies  latentes  ou  bien  des  foi'ces  vives. 

Les  unes  et  les  autres,  il  faut  les  discerner,  les  étudier,  les  conduire, 
les  développer,  les  mettre  en  œuvre,  et  à  leur  place. 

Un  administrateur  sérieux,  porte  une  attention  particulière  au  pla- 
cement de  son  personnel. 

Au  fond,  par  conséquent,  tout  se  réduit  ici,  à  l'examen  minutieux  des 
aptitudes  respectives,  naissantes  ou  nettement  dessinées  en  vertu  duquel, 
un  père  et  une  mère  pourront  conclure,  avec  quelque  sûreté,  la  véritable 
orientation  de  l'avenir  de  leurs  enfants;  tout  se  réduit  ici  à  la  grande 
affaire  de  la  vocation. 

Eh  bien,  dans  cet  ordre  de  choses,  qui  appelle  et  qui  place?  N'est-ce 
pas  le  Christ? 

C'est  lui.  Donc,  hommes  et  femmes,  en  charge  d'un  foyer,  même 
pauvre  et  rempli  d'enfants,  allez  à  l'Eucharistie,  vous  y  trouverez  le 
Christ  qui  appelle,  le  Christ  (|ui  place,  le  Christ  qui  vous  aidera  dans 
l'administration  de  votre  fortune  vivante. 


—  435  — 


Société  civile. 

L'Eucli,aristie  aide  puissamment  à  maintenir  la  paix,  la  bonne  a<lmi- 
nistratioii  dans  le  loyer  domestirpie:  mais  là,  no  s'éteint  i)as  le  ravon 
de  son  influence. 

De  par  la  volonté  de  Dieu,  de  par  les  circonstances,  la  famille  est  une 
personne  morale,  qui  s'unit  avec  d'autres,  pour  former  la  Société  civile. 

Or,  dans  la  constitution  de  cet  enseml)le,  l'analyse  démontre  l'exis- 
tence de  trois  éléments,  tous  les  trois  nécessaires. 

1.  Une  autorité  qui  commande  et  dirige. 

3.  Des  groupes  de  condition  différente  ou  diverse,  pour: 

3.  Leur  faire  produire,  droits  et  devoirs  de  chacun  respectés  et  ac- 
complis, un  résultat  commun,  savoir:  un  bien  général,  matériel  d'abord, 
et  cependant  en  harmonie  avec  le  bien  suprême,  qui  relève,  en  définitive, 
du  vouloir  divin. 

De  là.  trois  conclusions  s'imposent  aux  hommes  et  aux  femmes  en 
charge  de  foyer. 

1.  L'obligation  du  respect  et  de  l'obéissance  à  l'autorité  civile,  lé- 
gitimement instituée  et  s'exerçant  légitimement. 

2.  L'obligation  de  ne  point  contrevenir  aux  droits  et  aux  devoirs  des 
groupes  constitutifs  de  la  grande  unité  sociale. 

3.  L'ol)ligation  de  subordonner  le  bien  particulier  au  bien  public. 
Malheureusement  ces  nobles  choses  ne  sont  plus  guère  comprises,  à 

notre  époque:  une  licence  moderniste  et  partant  condamnable,  fausse 
dans  les  esprits,  l'idée  vraie  de  liberté. 

On  appelle  applatissement.  une  soumission  juste  et  raisonnable,  et 
beaucoup  se  croient  libres,  qui.  ennemis  de  toute  autorité,  mais  esclaves 
de  leurs  passions  mauvaises  se  proclament  indéjxMtdants.  quand  ils  ne 
sont,  après  tout,  que  de  tristes  révoltés  et  de  vulgaires  anarchistes. 

Eh  bien!  maintenant,  inuiginez  un  exemple  pareil,  donné  par  des 
hommes  et  des  femmes  en  charge  de  foyer.  Qu*adviendra-t-il  ?  En 
dehors  du  désordre  social  dont  il  est  une  cause,  presque  inévitable,  ne 
détruit-il  ])as,  chez  les  enfants,  au  cœur  même  de  la  famille,  le  prestige 
de  l'autorité,  fût-elle  la  plus  douce? 

Evidemment. 

Il  y  a  donc  là  un  mal.  comment  y  remédier? 

Par  le  contact  habituel  avec  Jésus,  dans  l'Eucharistie:  ce  Dieu,  fait 
Homme  pour  nous,  par  obéissance;  ce  Dieu  travailleur  comme  nous,  par 
obéissance:  ce  Dieu  crucifié  pour  notre  Rédemption,  par  obéissance. 

Approchez-le  souvent,  il  vous  dira,  avw  saint  Malliieu:  (Chapitre  '22. 
Verset  21.)  "Rendez  à  César,  ce  qui  est  à  César":  avec  saint  Paul: 
(Epître  aux  Hébreux,  Chapitre  13.  A'erset  17.)  "Obéissez  à  vos  chefs, 
ayez  ))our  eux  de  la  déférence,  car  ils  veillent  sur  vos  âmes,  comme  de- 
vant en  rendre  compte."' 

A  force  de  lui  entendre  répéter  ces  paroles,  dans  le  colloque  qui  suit 
la  Communion  bien  faite,  vous  en  goûterez  mieux  la  divine  saveur,  et 
elles  seront  à  la  fois  pour  vous,  un  renuVle  et  uno  énergie  vivante. 


—  436  — 

Que  si  raiitorité  civile  excède  les  limites  de  sa  juridiction,  laissez 
d'abord  constater  Tabus  par  qui  de  droit,  et  après,  du  fond  du  Taber- 
nacle, le  Christ  vous  dira  :  "  Il  vaut  mieux  obéir  à  Dieu  qu'aux  hommes." 

Ainsi,  tout  en  gardant  le  respect  obligatoire  là  où  il  faut  le  maintenir, 
vous  conserverez,  contre  les  abus,  votre  dignité  et  vos  prérogatives. 

De  plus,  dans  la  vie  sociale  actuelle,  la  vertu  de  justice  a  perdu  de 
son  intégrité,  l'ambition  assoiffée,  l'hypocrite  jalousie,  lui  ont  porté  des 
coups  terribles,  de  là,  ces  luttes  entre  familles  où  l'on  met  en  oubli  bien 
des  droits  respectifs;  tout  cela  est  anormal,  beaucoup  de  foyers  en 
souffrent,  et  comment  faire  cesser  anomalie  pareille? 

En  permettant  à  l'Eucharistie  d'exercer  fréquemment  sa  divine  in- 
fluence sur  les  hommes  et  les  femmes  en  charge  de  maison. 

Sous  les  voiles  sacrés,  le  Seigneur,  il  est  vrai,  disparaît  dans  le  mys- 
tère et  le  silence. 

Pourtant,  il  reste  le  Yerbe,  c'est-à-dire:  la  Parole  par  excellence; 
allez  au  Tabernacle,  demandez  au  prêtre  de  le  prendre  et  de  vous  le 
donner,  vous  ne  verrez  pas  remuer  ses  lèvres  comme  aux  jours  de  sa  vie 
mortelle,  qu'importe?  à  l'intime  de  l'âme,  vous  sentirez  qu'il  vous  enve- 
loppe de  son  regard  divin,  et  vous  l'entendrez  vous  redire,  avec  saint 
Paul  aux  Eomains:  (Chapitre  7.  Verset  7.)  "  Vous  n'aurez  pas  d'injustes 
convoitises."  Avec  saint  Mathieu,  (Chapitre  7.  Verset  12.)  "  Ne  faites 
pas  aux  autres,  ce  que  vous  ne  voulez  pas  qu'il  vous  soit  fait."  Avec  saint 
Marc  :  (Chapitre  12.  Verset  3.)  "  Vous  aimerez  votre  prochain,  comme 
vous-même."  Avec  le  livre  des  Proverbes  :  (Chapitre  28.  Verset  22.) 
"  L'homme  envieux  a  hâte  de  s'enrichir,  il  ne  sait  pas  que  la  disette 
viendra  sur  lui." 

Ce  langage  de  Jésus-Hostie,  ce  commerce  habituel  avec  lui,  hommes 
et  femmes,  en  charge  de  foyer,  sera  pour  vous  une  lumière  et  une  force  ; 
vous  distinguerez  mieux  les  droits  de  votre  prochain  et  l'obligation  où 
vous  êtes  de  les  respecter,  vous  deviendra  plus  facile,  une  fois  vos  pas- 
sions amorties. 

Enfin,  une  vérité,  malaisée  à  reconnaître  aujourd'hui,  si  l'on  observe 
la  conduite  du  grand  nombre,  est  la  nécessité  où  se  trouvent  les  diffé- 
rents groupes  de  subordonner  leur  bien  particulier  au  bien  général. 

Cette  maxime:  "Chacun  pour  soi,"  et  cette  autre,  soi-disant  em- 
pruntée à  Louis  XIV,  "  l'Etat,  c'est  moi,"  converties  en  monnaie  cou- 
rante, paraissent  bien  en  faveur,  sur  le  marché  social. 

L'individualisme,  à  notre  époque,  fait  au  bien  public,  une  guerre 
acharnée,  le  malaise  existe  dans  toutes  les  classes  au  détriment  de  la 
société  tout  entière. 

Ici,  encore,  la  fréquentation  de  Jésus-Christ,  dans  l'Eucharistie,  con- 
tribuera puissamment  à  déprendre  de  cette  erreur,  les  familles  qui  en 
seraient  entachées. 

Jésus,  en  effet,  répétera  à  celles  qui  le  veulent  écouter,  ces  paroles  de 
saint  Jean:  (Chapitre  18.  Verset  14.)  "Il  est  avantageux  qu'un  homine 
meure  pour  tout  le  peuple." 

Et  de  fait,  on  le  voit  tous  les  jours,  des  hommes  risquent  leur  vie, 
l'avenir  de  leur  famille,  pour  empêcher  le  mal  commun  :  les  pompiers, 
les  soldats,  ne  sont  pas  un  mythe. 


—  43r  — 

Jésus  de  plus  ajoute:  Oui,  vous  serez  en  face  de  vues,  de  caractères, 
d'intérêts  opposés  aux  vôtres,  vous  devrez  accomplir  un  grand  nombre  de 
renoncements  personnels,  mais,  le  froment  moulu,  pétri,  mais  le  vin 
pressuré,  tels  sont  les  voiles  sous  lesquels  je  me  cache  daus  l'Hostie,  pour 
devenir  à  la  fois  votre  Sacrificateur  et  votre  Victime,  et  là.  hommes  et 
femmes  en  charge  de  foyer,  j'ai  mis  les  grâces  qui  vous  aideront  à 
remplir  cette  partie  importante  de  votre  devoir  social. 


Société  religieuse. 

La  société  religieuse,  fondée  par  Notre-Seigneur,  gouvernée  visible- 
ment par  le  Pape,  dirigée,  sous  l'autorité  du  Vicaire  de  Jésus-Christ, 
par  les  évêques,  successeurs  des  Apôtres,  aidés  des  prêtres,  leurs  collabo- 
rateurs; la  société  religieuse,  fondée  par  Xotre-Seigneur,  est  l'Eglise 
catholique. 

Elle  a  pour  mission  de  conduire  les  fidèles  à  leur  fin  ultime,  voulue 
par  Dieu  ;  (non  pas  le  Dieu  de  la  raison  seulement,  mais  le  Dieu  de 
la  Foi.) 

Dans  ce  but,  elle  possède  un  magistère  infaillible,  en  fait  de  dogme 
et  de  morale. 

Constituée  légitimement  en  hiérarchie,  elle  a  droit,  de  par  l'ordre 
divin,  d'imposer  aux  foyers  chrétiens,  leurs  devoirs  envers  Dieu,  leurs 
devoirs  envers  elle-niênie,  et  d'exiger  de  tous,  à  ce  double  point  de  vue. 
des  hommages  et  un  culte  justement  proportionnés. 

Donc,  ici,  nous  arrivons  à  cette  conclusion  pratique  :  Les  foyers  chré- 
tiens, et,  par  conséquent,  les  chrétiens,  hommes  et  femmes  en  charge  de 
foyer,  ont  des  devoirs  impérieux  à  remplir  envers  Dieu,  et  à  l'égard  de 
la  sainte  Eglise  catholique. 

En  théorie,  dans  notre  pa3-s  de  foi.  tout  le  monde  l'admet,  sauf  quel- 
ques exceptions  sournoises. 

Mais,  dans  le  fait,  n'y  a-t-il  pas  de  nombreuses  lacunes?  Le  Dieu  des 
chrétiens,  le  Dieu  des  catlioliques,  ne  peut  pas  être  comme  les  dieux 
pénates  du  paganisme  ancien,  son  influence  et  son  culte  ne  peuvent  se 
confiner  entre  les  quatre  murs  d'une  maison;  il  veut  un  culte  public,  il 
veut  le  Temple,  il  veut  l'église,  où  tous  les  foyers  d'une  même  paroisse, 
doivent  à  certains  jours  se  réunir,  pour  l'adoration,  l'action  de  grâces, 
la  propitiation  et  la  demande,  sous  les  regards  de  Jésus,  Sacrificateur 
et  Victime. 

Il  veut  aussi  que  ce  culte  de  plusieurs  dans  la  famille,  ce  culte  de 
tous  dans  l'église  paroissiale,  rayonne  jusque  dans  la  société  civile,  pour 
l'imprégner  de  son  parfum. 

Or,  malgré  notre  catholicisme,  nous  omettons  trop  en  cela,  par  oubli, 
le  plus  souvent,  mais  volontairement,  parfois. 

C'est  un  désordre,  il  faut  revenir  à  la  règle  divine,  et  par  l'Eucha- 
ristie. 

Oui,  dans  la  Communion  fréquente,  Jésus  le  rappelle  hal)iiuelU'rnent 
au  maître  et  à  la  maîtresse  de  maison:  Vous  êtes  au  foyer  domestique, 


—  438  — 

le  sacerdoce  royal;  de  la  table  de  famille,  de  la  salle  coimiuino,  où  aiDrès 
le  repas,  toiis  les  membres  s'assemblent,  écartez  des  entants,  les  idées,  les 
images,  les  doctrines,  les  tal)leaux  qui,  par  la  parole,  les  conversations, 
les  regards,  les  gestes,  les  attitudes,  sont  de  nature  à  les  impressionner 
d'une  manière  nuisible.  Je  vous  le  dis  en  vérité:  "Celui  (pii  scandali- 
sera un  de  ces  petits  (jui  croient  en  moi,  il  vaudrait  mieux  pour  lui  être 
précipité  au  fond  de  la  mer,  avec  une  meule  de  moulin  attacbée  au  cou." 
(Saint  Mathieu.  Chapitre  18.  Verset  6.) 

Vous  les  réunirez  autour  de  vous,  le  soir,  j)our  la  prière  en  commun, 
car,  "là  où  deux  ou  trois  sont  assemblés  en  mon  nom.  je  suis  au  milieu 
d'eux.''  (Saint  Mathieu.  Chapitre  18.  Verset  20.) 

Vous  leur  apprendrez  le  chemin  du  temple  sacré,  celui  des  Sacrements 
de  Pénitence  et  d'Eucharistie,  où  le  pain  qui  leur  est  donné,  est  moi- 
même,  Pain  vivant  descendu  des  deux. 

Dans  les  relations  sociales,  vous  confesserez  intégralement  ma  doc- 
trine, et.  si  devant  vous,  on  l'attaque,  vous  la  défendrez  sans  respect 
humain  et  avec  dignité. 

Mon  Eglise  est  infaillible,  vous  suivrez  et  ferez  suivre  ses  ensei- 
gnements, vous  obéirez  et  vous  ferez  obéir  à  ses  ])réceptes. 

Le  Pape  est  mon  Vicaire,  les  évoques,  les  successeurs  de  mes  Apôtres. 
"  Qui  les  écoute,  m'écoute  ;  qui  les  méprise,  me  méprise.'' 

Voilà  hommes  et  femmes  en  charge  de  foyer,  l'influence  qu'exerce  sur 
vous,    u  point  de  vue  religieux,  le  Sacrement  de  l'Eucharistie. 

Vœu  : 

Le  rapporteur,  jjric  humbicnieiil  le  ('(jin/rèf^,  de  bien  roiilotr  rccoiu- 
mander  aux  prêtres,  aux  religieux,  aux  l(ïi(/ues  de  faire  coiniaître  J'in- 
fluence sociale  de  VEucJiaristie  dans  les  différents  milieux  où  leur  action 
peut  s'exercer  :  la  maison.  l'Ecole,  le  Catéchisme,  les  Congrégations 
pieuses,  le  Confessionnal  et  la  Chaire. 


Après  le  ra])p()rt  du  R.  P.  Roiidot  le  temps  est  arrivé  de 
lever  la  séance.  Cependant,  Mi»T  le  Président  consulte  l'as- 
semblée et  propose  qu'une  demi-heure  supplémentaire  soit 
encore  accord(*e  aux  deux  derniers  rapi)orteurs  inscrits  au 
])ro<iramnie.  L'auditoire  ré])ond  par  d(^  chaleureux  applau- 
dissements, ])reuve  non  équivoque  de  l'intérêt  (ju'il  prend  aux 
travaux  j)résentés. 


»  * 


M.  l'abbé  Mdjii/,  de  Saint-Sul])ice,  donne  connaissance,  en 
l'abréj^eant,  d'une  étude  exéj;étique  et  mystique  sur  une 
page  de  rEvan,i»ile  :  la  Dernière  Crue. 


439  — 


L'INSTITUTION   DE   L'EUCHARISTIE 


'•  Memoiiam  fccit  mirabilium 

Suoruni  misericors  (jt  niLseiator  Domiiiu-*  : 
Escam  dédit  tiniontilms  se   (  1*>.  lld.  4.  >i). 

La  vie  mortelle  de  Jésus  toucliait  à  son  terme.  11  venait  de  (Iouikt. 
au  Temple,  le  lundi  et  le  mardi  de  la  grande  semaine,  ses  derniers  en- 
seignements, les  plus  beaux  que  le  monde  eût  jamais  entendus.  Lus 
princes  des  juifs  étaient  atterrés,  et  leur  haine  contre  lui  monta  à  son 
comble.  Sa  vie  n'était  plus  en  sûreté  dans  la  grande  cité.  Contre  l'at- 
tente de  ses  ennemis,  aux(|uels  un  des  Douze  venait  de  s'engager  à  le 
livrer,  il  resta,  le  mercredi  et  une  grande  partie  du  jour  suivant,  à  Hé- 
thanie,  pour  s'y  préparer  dans  le  silence  et  la  prière  aux  grands  mys- 
tères dont  il  méditait  la  réalisation.  11  .<e  trouvait  en  l'ace  de  son  doul)Ie 
sacrifice,  sanglant  sur  la  croix.  mysti(|ue  sous  les  esj)èce?  sacramentelles. 
Ces  deux  mystères,  qui  sont  le  centre  de  l'histoire  et  la  partagent,  comme 
on  l'a  dit,  en  deux  versants,  avaient  aussi  toujours  été  le  centre  des  pen- 
sées du  Sauveur,  et  son  Incarnation  n'avait  ]m>  eu  d'autre  but.  Le  mo- 
ment était  enfin  venu  où  il  allait  pouvoir  réaliser  ses  deux  plus  doux 
rêves  d'amour.  Prédite  et  Ugurée  deiniis  la  fondation  du  monde.  !a 
divine  Victime  s'était  offerte  à  Dieu,  au  lieu  et  place  des  }u)mnu^s,  dès 
le  premier  moment  de  sa  vie  terrestre;  elle  allait  maintenant  être  Im- 
molée sur  la  croix,  puis  consommée  par  la  gloire  de  la  résurri'ction.  dont 
le  feu  du  ciel  (pii  tombait  sui-  les  victimes  était  l'image:  elle  serait  enfin 
enlevée  jusque  dans  le  sein  de  son  Père,  comme  autrefois  la  fumée  des 
victimes  brûlées  portait  jusqu'au  trône  de  Dieu  l'odeur  du  sacrifice.  (1) 
Mais  ce  grand  sacrifice,  qui  devait,  comme  dit  S.  Paul,  consommer  éter- 
nellement l'œuvre  de  notre  salut,  {2)  ne  suffisait  pas  à  l'amour  du  Ré- 
dempteur et  ne  pouvait  épuiser  ses  desseins  de  générosité  à  notre  égard. 
Par  toute  la  terre,  chez  les  païens  comme  chez  les  Juifs,  les  sacrifices 
étaient  toujours  complétés  par  la  participation  à  la  victime,  et  lorst|iu' 
celle-ci  était  entièrement  brûlée  en  l'iionneur  de  Dieu,  cet  holocauste 
était  accompagné  d'un  gâteau,  afin  <|ue,  même  dans  ce  cas.  il  y  ^ût  à 
manger  pour  l'homme.  Cette  union  nuitérielle  à  la  victinu'  agréée  de 
Dieu  était  le  signe  de  l'union  spirituelle  à  la  grâce  divine,  fruit  du  sacri- 
fice. Tel  était  le  centre  au(|uel  aboutissaient,  dans  ce  qu'elles  avaient  de 
commun,  les  liturgies  de  tous  les  peuples.  (3)  Cette  participation  aux 
victimes  antiques  n'était,  dans  les  desseins  de  la  Providence,  (|ue  la 
figure  de  notre  participation  à  la  divine  Victime  du  Calvaire.^  Mais 
comment  pourrait  se  faire  cette  participation,  et  le  moyen  pour  rinima- 
nité  de  communier  au  corps  du  Christ,  surtout  après  sa  Pésurrection  et 


(1)  Cf.   l'ascal,  Leilrr  sur  In   mort  de  l'ascal  1c  père. 

(2)  Héb..  X.  U. 

(3)  Cf.  Mgr  Gerbet,  Considéradous  sur  le  donmc  de  fJ-Uich'in^n. .  *  .  11. 


—  440  — 

son  Ascension  ?  La  sagesse  et  la  puissance  infinie  du  Fils  de  Marie, 
au  service  de  son  amour,  surent  résoudre  le  problème.  Il  renouvellerait 
et  perpétuerait  en  tous  lieux  jusqu'à  la  fin  du  monde  le  sacrifice  du 
Calvaire  sous  la  forme  extérieure  de  l'aliment  privilégié  de  l'homme; 
tous  les  obstacles  à  la  manducation  de  la  sainte  Victime  seraient  ninsi 
levés;  elle  pourrait  devenir  notre  nourriture  et  notre  breuvage  à  tous,  et 
ne  faisant  plus  qu'une  chose  avec  elle,  comme  le  pain  et  le  vin  ne  font 
plus  qu'une  chose  avec  celui  qui  se  les  assimile,  nous  nous  trouverions 
participants  do  la  vie  même  de  Dieu,  dont  nous  partagerions  la  gloire 
pendant  toute  l'éternité.  A  coup  sûr,  il  serait  impossible  de  rêver  pour 
l'homme  de  plus  glorieuses  destinées.  Et  voilà  les  sublimes  et  si  géné- 
reux desseins  que  Jésus  méditait  en  notre  faveur  et  qu'il  était  sur  le 
point  de  réaliser,  en  ce  moment  de  l'histoire  du  monde  oià  l'humanité 
était  descendue  au  dernier  degré  de  l'avilissement,  où  ses  compatriotes 
complotaient  sa  mort,  et  où  l'un  de  ses  disciples  allait  le  mettre  entre  les 
mains  de  ses  ennemis. 

Le  Jeudi  Saint  venait  de  se  lever  sur  le  monde.  C'était  le  premier 
jour  des  azymes,  comme  on  l'appelait  vulgairement,  quoique  la  grande 
fête  pascale  ne  dût  commencer  qu'au  coucher  du  soleil;  il  était  ainsi 
nommé  parce  que  la  nuit  précédente,  ou,  au  plus  tard,  dès  la  matinée  de 
ce  jour,  on  devait  faire  disparaître  des  maisons  tout  ce  qui  pouvait  y 
rester  de  pain  fermenté  (1),  dont  l'usage  était  interdit  tant  que  durait 
la  fête.  Dans  la  matinée,  les  disciples  de  Jésus  s'approchent  de  lui  et 
lui  disent:  "  Où  voulez-vous  que  nous  allions  vous  préparer  laPâque?  (2) 
Judas,  l'économe  de  la  petite  communauté,  s'attendait  sans  doute  à  être 
chargé  de  ce  soin  ;  et  comme  il  était  à  l'affût  de  l'occasion  de  livrer  son 
Maître,  peut-être  avait-il  formé  le  dessein  de  le  faire  saisir  dans  la  mai- 
son même  où  il  célébrerait  la  Pâque.  S'il  en  fut  ainsi,  ses  plans  furent 
déjoués.  Jésus  ne  voulait  pas  que  sa  dernière  réunion  avec  ses  dis- 
ciples, où  devaient  s'accomplir  de  si  augustes  mystères,  pût  être  troublée. 
Laissant  donc  Judas,  il  appelle  Pierre  et  Jean,  ses  deux  plus  fidèles  amis, 
et  leur  dit  dans  un  langage  mystérieux,  qui  ne  pouvait  donner  au  traître 
aucune  indication  sur  le  lieu  de  la  dernière  Cène:  "Allez  à  la  ville;  en 
y  entrant,  vous  rencontrerez  un  homme  portant  une  cruche  d'eau  ;  sui- 
vez-le dans  la  maison  où  il  entrera,  et  vous  direz  au  maître  du  logis  : 
Le  Maître  vous  envoie  ce  message:  Mon  temps  est  proche,  c'est  chez  toi 
que  je  veux  faire  ma  dernière  Pâque  avec  mes  disciples.  Où  est  la  salle 
où  je  pourrai  la  manger  avec  eux  ?  Et  alors  il  vous  montrera  une 
chambre  haute,  très  vaste  et  garnie  de  lits  pour  le  festin.  Préparez  là 
tout  ce  qu'il  faut.  (3) 

Jésus  donnait  à  ses  disciples  dans  cet  ordre  une  nouvelle  preuve  de  sa 
science  surnaturelle,  pour  laquelle  il  n'y  a  rien  de  caché.  Sans  se  per- 
mettre la  moindre  remarque  et  pleins  d'une  confiance  absolue  en  leur 
Maître,  Pierre  et  Jean  partent  immédiatement  pour  Jérusalem,  trou- 


(1)  Peut-être  S  Paul  fait-il  allusion  a  cet  usage  I  Cor.  V,  7:  Expurgate  vêtus 
fermentum",  etc:  Purifiez-vous  du  vieux  levain"  etc. 

(2)  Matt.,  XXVI,  17;  Marc,  XVI,  12. 

(3)  Matth.,  XXVI,  18;  Marc  XVI,  13,  14,  15;  Luc,  XXII,  10,  11,  12. 


—  441  — 

vent  toutes  choses  comme  Jésus  leur  avait  dit,  et  préparent  tout  ce  qu'il 
fallait  pour  le  repas  pascal.  Comme  il  ressort  de  la  teneur  même  du 
message  qui  lui  fut  adressé,  l'hôte  qui  mit  si  gracieusement  à  leur 
disposition  sa  salle  à  manger  était  évidemment  quelque  disciple  du  Sau- 
veur. D'après  une  opinion  qui  ne  manque  pas  de  vraisemblance,  ce 
serait  le  père  même  de  Jean  Marc.  Saint  Luc  nous  dit  (1),  en  effet, 
que  saint  Pierre,  délivré  par  l'ange,  se  rendit  à  la  maison  de  Marie, 
mère  de  Jean  Marc,  où  beaucoup  de  fidèles  étaient  rassemblés  et  priaient. 
Or,  ce  lieu  de  réunion  n'était  autre  probablement  que  le  cénacle,  qui  fut 
le  premier  sanctuaire  de  l'Eglise  naissante.  Il  était  situé  sur  le  Mont 
Sion,  peut-être  à  Tendroit  où,  du  temps  de  David,  reposait  l'arche  d'al- 
liance avec  la  manne  céleste. 

Lorsque  les  ombres  du  soir  commencèrent  à  s'étendre  sur  la  terre, 
Jésus,  après  avoir  pris  congé  de  sa  mère  et  de  ?o>  amis  de  Béthanie, 
s'achemina,  lui  aussi,  avec  la  petite  troupe  apostolique,  vers  la  ville 
sainte.  Quand  il  arriva  au  Cénacle,  le  souper  était  prêt.  Il  pouvait 
être  sept  heures.  Comme  l'imagination  aimerait  à  se  représenter  tous 
les  détails  d'une  Cène  si  profondément  touchante  et  si  sacrée  !  Hélas  ! 
il  est  impossible  de  savoir  avec  certitude  si  tous  les  points  du  cérémonial 
juif  actuel  relatif  à  la  Pâque  étaient  déjà  observés  du  temps  de  Notre- 
Seigneur.  Xous  pouvons  cependant,  sans  nul  doute,  nous  faire  une  idée 
assez  exacte  de  l'ordonnance  générale  du  festin  pascal,  tel  que  Jésus  Va 
célébré.  On  avait  depuis  longtemps  abandonné  l'ancienne  coutume  de 
manger  la  Pâque  debout,  le  bâton  à  la  main,  les  reins  ceints,  les  san- 
dales aux  pieds,  comme  des  voyageurs  pressés  de  partir.  (2)  C'est  le 
propre  des  esclaves,  disaient  les  talmudistes,  de  manger  debout  :  main- 
tenant nous  mangeons  sur  des  lits,  parce  que  nous  sommes  passés  de  la 
servitude  à  la  liberté.  Le  nombre  des  convives  ne  devait  pas  être 
inférieur  à  dix;  trois  divans  peit  élevés  étaient  disposés  le  long  des  trois 
côtés  d'une  table,  où  on  accédait  pour  le  service  par  le  côté  qui  restait 
ouvert  ;  les  convives  s'y  étendaient  tout  de  leur  long,  le  bras  gauche 
appuyé  sur  un  coussin  et  le  bras  droit  libre.  Le  divan  du  milieu  était 
censé  le  plus  honorable.  Une  fois  tous  les  convives  installés,  le  chef  de 
famille  prenait  une  coupe  de  vin  rouge,  mêlé  d'eau,  et.  après  l'avoir  bé- 
nite, en  prenait  tme  gorgée  et  la  passait  aux  assistant.*.  Tous  se  lavaient 
ensuite  les  mains.  On  apportait  alors  les  herbes  anières  (cresson, 
laitue,  chicorée  sauvage,  persil,  raifort,  etc.),  qui  rappelaient  les  souf- 
frances endurées  en  Egypte:  chacun  y  goûtait,  après  les  avoir  trompées 
dans  de  l'eau  de  sel  ou  de  vinaigre.  A  cette  occasion,  conformément  à 
la  recommandation  de  Moïse  (3),  le  plus  jeune  des  convives  demandait 
au  père  de  famille  l'explication  des  rites  si  extraordinaires  de  la  ?r:indo 
soirée.  Ces  explications  données,  on  entonnait  la  l""^  partie  du  Ilaîlel, 
ou  hymne  de  louange,  c'est-à-dire,  le  psaume  112:  "  Landate  purri  Pn- 
minum,"  et  le  psaume  suivant:  "Jn  pxHu  IftropJ."  jusqu'à:  "  Xon  nohis 


(1)  Act..  XIT.  12. 

(2)  Ex.,  XII,  11. 

(3)  Ex.,  XII,  26,  27. 


—  U2  — 

Domine."  Là-dessns  on  buvait  la  seconde  coupe,  et  on  se  lavait  de 
nouveau  les  mains.  Les  pains  azymes,  qui  étaient  plats  et  ronds,  étaient 
alors  servis  avec  le  charosetli,  lequel  cependant  n'était  pas  obligatoire  : 
c'était  une  sauce  fortement  épicée  et  assez  consistante,  faite  d'amandes, 
de  figues,  de  dattes  et  d'autres  fruits  écrasés  et  cuits  dans  du  vinaigre; 
elle  rappelait  assez  bien  par  sa  couleur  jaunâtre  et  son  épaisseur  l'argile 
que  les  Hébreux  avaient  jadis  si  péniblement  pétrie  pour  en  faire  des 
briques.  Quant  aux  pains  azymes  ou  sans  levain,  tout  en  rappelant  la 
hâte  avec  laquelle  Israël  avait  dû  quitter  l'Egypte  sans  avoir  le  temps 
de  préparer  leur  pain  comme  d'habitude,  ils  prêchaient  aux  Israélites 
la  nécessité  de  se  débarrasser  du  ferment  du  péché  et  de  servir  désormais 
lé  Seigneur  avec  "  les  azymes  de  la  pureté  et  de  la  vérité  (1)."  Le 
président  de  la  fête,  prenant  donc  ces  pains,  les  brisait,  puis  les  bé- 
nissait, et  en  ayant  trempé  les  morceaux  dans  le  charaseth,  mangeait 
lui-même  un  de  ces  morceaux,  et  distribuait  les  autres  à  chaque  convive, 
en  disant:  C'est  le  pain  de  l'affliction  que  nos  pères  mangèrent  en 
Egypte.  Enfin  l'agneau  pascal  était  déposé  au  milieu  de  la  table.  Mis 
à  part  et  comme  voué  à  Dieu  dès  le  10  Xjgan,  c'est-à-dire  4  jours  avant 
le  premier  jour  des  azymes,  il  avait  dû  être  présenté  et  immolé  au 
Temple  le  14;  il  avait  ensuite  été  rapporté  à  la  maison;  pour  le  faire 
rôtir,  on  l'avait  attaché  à  deux  broches  en  bois  de  grenadier,  dont  l'une 
lui  traversait  tout  le  corps,  tandis  que  l'autre,  plus  courte,  tenait  les 
pieds  de  devant  étendus:  la  victime  se  trouvait  ainsi  assujettie  sur  une 
sorte  de  croix  (3)  ;  cette  sorte  d'opération  était  l'objet  de  ])récautions 
minutieuses:  il  fallait  bien  se  garder  de  briser  les  os  de  la  victime  (3). 
L'agneau  pascal  rappelait  aux  Juifs  leur  délivrance  du  joug  égyptien: 
c'est  grâce  à  son  sang,  dont  la  ])orte  de  leurs  maisons  avait  été  marquée, 
que  leurs  pères  avaient  été  épargnés  par  l'ange  exterminateur,  et  qu'ils 
avaient  pu  sortir  de  l'Egypte.  Par  son  intégrité  et  son  unité,  il  sym- 
bolisait l'union  qui  devait  exister,  en  Dieu,  entre  tous  ceux  qui  y  parti- 
cipaient. Souvenir  du  passé,  il  était  encore  une  inuige  fra])pantc  de 
l'agneau  de  Dieu,  dont  le  sang  devait  nous  délivrer  de  la  servitude  du 
péché  et  nous  ouvrir  le  ciel,  et  qui,  mangé  par  nous,  sous  les  apparences 
du  pain  et  du  vin,  devait  nous  faire  un  en  lui  et  avec  lui,  à  la  manièi-e 
de  ces  ditterents  grains  de  blé  qui  ne  forment  plus  qu'un  même  pain,  et 
de  ces  différents  grains  de  raisin  qui  ne  forment  qu'un  même  vin.  Avec 
l'agneau  pascal,  on  ))()uvait  pi'cndre  quelques  autres  viandes,  décorées 
du  nom  de  chcif/if/ah  (offrande  de  fête),  mais  l'agneau  devait  toujours 
être  consommé  le  dci-iiicr;  les  restes  flevaiit  en  être  Ijrûlé^.  Après  avoir 
communié  au  car/ts  de  Tagneau,  selon  l'expression  tahnudique,  on  bu- 
vait la  :]"  coupe  de  vin.  appelée  par  les  rabbins  "calice  de  l)énédiction," 
parce  qu'elle  était  l'objet  (Tuiic  bénéilictiou  paiiiculière.  Ou  cbantnil 
alors  la   deuxiètnc  partie  du     //al/rl.  c'est-à-dire,    les    ps.    113,  depuis: 


n  )  T  r.v.r.  \-.  T.  « 

(2)    Cf.  S.  -Justin,  Dial.  cum   Tnjph.,  c.  XL. 
Ci)   Kv..   \II.  4(;. 


—  44:J  — 

"Non  nobis  Duntine,"  à  llî  iaclusivciiiL'iil.  V \\v  4''  eoupL'  U'iiiiiiiait 
ordinairement  le  repas.  Que  si  une  5*^  coupe  était  ileraandée,  on  pouvait 
la  prendre,  mais  à  condition  de  réciter  le  grand  Ilallel,  c'est-à-dire,  les 
ps.  118  à  136.     Tout  devait  être  terminé  avant  la  nuit. 

A  la  lumière  de  ces  prescriptions  du  rituel  juif  au  sujet  de  la  l'âque, 
nous  saisirons  facilement  les  nombreuses  allusions  qu'y  font  les  évan- 
gélistes  dans  leur  récit  de  la  dernière  Cène,  dont  naturellement  ils  s'at- 
tachent surtout  à  nous  présenter  le  côté  chrétien. 


Dès  que  les  Douze  eurent  pris  place  sur  le  tricUnium  autour  de  leur 
Maître,  qui  occupait  le  divan  du  milieu,  ""  j'ai  vivement  désiré,"  dit-il. 
'•'manger  cette  Pâque  avec  vous  avant  de  mourir.  Car  je  vous  le  dis, 
c'est  la  dernière  fois  que  je  la  mange  (cette  Pâque  figurative)  avant  sa 
réalisation  dans  le  royaume  de  Dieu."  Il  prit  alors,  selon  l'usage,  le 
l""*^  coupe,  et,  après  l'avoir  bénite,  y  trempa  ses  lèvres,  et  la  présenta  aux 
apôtres  en  disant:  "Prenez,  partagez-la  entre  vous;  car  je  \ous  le  dis, 
c'est  la  dernière  fois  que  je  bois  du  fruit  de  la  vigne  avant  l'avènement 
du  royaume  de  Dieu  (1)."  Jésus  nous  livre  dans  ces  paroles  le  secrel 
à  peine  dévoilé  jusqu'ici  :  c'est  que  les  figures  allaient  s'évanouir,  et  la 
Synagogue  faire  place  à  l'Eglise:  il  ne  mangera  plus,  il  ne  boira  ])lu-; 
avant  l'inauguratien  du  royaume  de  Dieu  sur  la  terre.  Avec  ([uelle  émo- 
tion les  apôtres  durent  accueillir  cette  grande  annonce  !  Ce  royaume  de 
Dieu,  dont  le  Précurseur  avait  salué  l'aiTivée  prochaine,  dont  la  pensée 
avait  rempli  tout  le  ministère  puljlic  du  Sauveur,  et  qui  était  si  impa- 
tiemment attendu  de  tout  Israël,  allait  donc  enfin  être  inauguré!  C'est 
sans  doute  à  cette  prédiction  du  Sauveur  que  se  rattache  cette  contesta- 
tion qui,  d'après  S.  Luc  (2),  s'éleva  à  la  dernière  Cène  entre  le<;  apôtres, 
et  oii  chacun  prétendait  avoir  les  meilleurs  titres  aux  ])remières  ])hu-es 
dans  le  nouveau  royaume  qui  leur  était  annoncé,  et  qu'ils  se  représentaient 
sous  l'aspect  d'un  royaume  temporel.  Jésus  voulut  étouffer  ces  germes 
funestes  d'ambition  et  d'égoïsme,  qui  s'étaient  déjà  fait  jour  plus  d'uni' 
fois  dans  leurs  cœurs  et  imprimer  en  eux  d'une  manière  indélébile  ces 
deux  vertus  capitales  des  disciples  du  Christ  et  surtout  de  leurs  chefs, 
l'humilité  et  la  charité.  Dans  quelques  instants  il  allait  élever  ses 
apôtres  à  la  dignité  le  plus  haute  qui  soit  sur  la  terre  en  leur  conférant 
le  diWn  sacerdoce:  il  fallait  qu'ils  comprissent  que,  pour  n'être  ])as  in- 
dignes d'un  tel  honneur,  ils  devaient  être  les  plus  bunibles  des  hommes  et 
se  faire  les  serviteurs  de  tous.  Prenant  donc  la  parole,  Jtsus  leur  dit: 
"  Les  rois  des  nations  dominent  sur  elles,  ils  font  les  maîtres  et  aiment 
à  être  appelés  Bienf  ai  teins.     Pour  vous,  (pi'il  n'en  soit  pas  ainsi,  mais 


(1)  Lue,  XXII,   l.l-lS.   Cf.   ?.flM'r.  Die  Geschirhtr  dc.i  Lai'lnia...   des  Herm, 
p.  154. 

(2)  Luc,  XX IL  24-30. 


—  444  — 

que  le  plus  grand  parmi  vous  soit  comme  le  moindre,  et  celui  qui  gou- 
verne comme  celui  qui  sert.  Quel  est  le  plus  grand,  de  celui  qui  est  à 
table,  ou  de  celui  qui  sert?  N'est-ce  pas  celui  qui  est  à  table?  Et  ce- 
pendant je  suis,  moi,  au  milieu  de  vous  comme  celui  qui  sert.  Vous 
êtes  demeurés  avec  moi  dans  mes  tribulations;  pour  moi,  je  vous  pré- 
pare un  royaume,  celui-là  même  que  mon  Père  m'a  préparé;  vous  y_ 
partagerez  ma  table  et  serez  assis  sur  des  trônes  pour  juger  les  douze 
tribus  d'Israël  (1)."  Par  ces  paroles,  qu'il  ne  faudrait  dire  qu'à  genoux 
et  qui  marquent  un  tournant  dans  l'histoire  des  sociétés,  le  divin  Légis- 
lateur de  la  nouvelle  alliance  oppose  la  notion  chrétienne  de  l'autorité 
à  celle  que  s'en  étaient  formée  les  païens.  D'après  la  conception  païenne, 
les  sujets  n'existaient  que  pour  leur  chef,  qu'il  fût  un  ou  multiple;  lé- 
galement il  était  le  maître  de  leur  vie  et  de  leur  fortune;  son  pouvoir 
sur  eux  était  sans  limites  et  ne  laissait  de  place  à  aucune  liberté  privée, 
sociale  ou  religieuse;  dans  les  cités  anciennes,  remarque  Fustel  de  Cou- 
langes  (2),  l'homme  n'avait  pas  même  l'idée  de  la  liberté.  Le  Christ, 
d'un  mot,  renverse  cette  odieuse  doctrine,  qui  avait  été  pour  les  sociétés 
une  source  intarissable  de  maux  incalculables.  Non,  ce  n'est  pas  le 
sujet  qui  doit  être  asservi  au  chef,  c'est  le  chef  qui  doit  se  faire  par 
amour  le  serviteur  et  l'esclave  de  ses  moindres  sujets.  Pour  implanter 
une  notion  de  l'autorité,  si  étrange  aux  yeux  du  monde,  sur  les  ruines 
de  l'ancienne,  le  Sauveur  ne  se  contente  pas  de  promettre  à  ceux  qui  y 
conformeront  leur  conduite  des  joies  et  des  lionneurs  sans  nom  dans 
son  royaume  céleste,  en  retour  de  leurs  humiliations  et  de  leurs  sacrifices 
au  service  de  leurs  frères,,  il  nous  offre  lui-même  en  sa  Personne  un 
modèle  parfait  de  cette  nouvelle  forme  de  l'autorité.  Pendant  sa  vie 
publique,  dans  toutes  ses  relations  avec  ses  apôtres,  il  s'était  toujours 
fait  leur  serviteur;  il  va  maintenant  s'abaisser  jusqu'à  leur  laver  les 
pieds  et  ainsi  relever  à  jamais,  en  quelque  sorte  jusqu'à  l'infini,  tous  les 
actes  d'humilité  inspirés  par  l'amour  du  prochain.  La  l'*^  coupe  venait 
de  faire  le  tour  du  groupe  apostolique,  et  les  convives,  selon  l'usage, 
venaient  de  se  laver  les  mains  (3).  Quoiqu'il  sût  que  son  Père  avait 
déposé  entre  ses  mains  un  pouvoir  souverain  sur  toute  chair,  et  qu'il 
venait  de  Dieu,  et  qu'il  allait  retourner  à  Dieu  ]iour  recevoir  de  lui 
comme  son  Pils  les  honneurs  divins,  ayant  donc  pleine  conscience  de  son 


(  1  )    Luc.  XXII.  25-30. 

(2)  La  cité  antique,  16e  éd.  p.  269.  Cep.  405.  Voir  aussi  Godefroid  Kurth, 
Les  origines  de  la  civilisation  moderne,  5e  éd.  t.  I,  p.  12. 

(3)  C'est  bien  ce  moment,  semble-t-il,  que  le  Sauveur  choisit  pour  donner  aux 
■siens  le  grand  exemple  qu'il  méditait.  Dans  la  Vulgate  (Joan.  XIII,  2)  on  lit 
que  le  lavement  des  pieds  eut  lieu  "  cœnâ  facta  ".  Cette  expression  a  porté  cer- 
tains exégètes  (entre  autres  le  P.  Patrizzi  )  il  croire  que  Jésus  ne  lava  les  pieds 
de  ses  disciples  qu'après  la  cène  légale.  Cette  interprétation  semble  fautive.  Le3 
mots  :  "  cœna  factâ  "  peuvent  très  bien  se  traduire  par  :  "  la  cène  étant  arrivée  ", 
comme  en  S.  Marc,  ces  mots:  "facto  sabbato  "  (VI,  2)  veulent  dire  "le  sabbat 
étant  arrivé".  D'ailleurs,  dans  les  meilleurs  exemplaires  du  texte  original,  on 
lit:  deipnou  ginoménou,  au  présent,  pendant  la  cène,  et  non  pas:  genoménou,  au 
passé. 


—  445  — 

infinie  dignité,  connue  nous  le  fait  remarquer  en  termes  émus  et  si  so- 
lennels Tapôtre  bien-aimé,  dont  la  mémoire  avait  soigneusement  recueilli 
jusqu'aux  moindres  détails  de  cette  scène  inoubliable  (1),  Jésus  se  lève 
de  table,  quitte  son  manteau,  attache  un  linge  autour  de  ses  reins,  verse 
de  l'eau  dans  le  bassin  qui  se  trouvait  là.  et  se  met  simj)lement  à  laver 
les  pieds  de  ses  disciples  et  à  les  essuyer  avec  le  linge  dont  il  était  ceint." 
C'étaient  ordinairement  les  esclaves  qui  rendaient  cette  sorte  d'office  à 
leur  maître.  Quelle  dut  être  la  stupéfaction  des  disciples,  en  voyant 
leur  souverain  Seigneur  à  cette  besogne  (2)  !  "  Il  s'approche  donc  de 
Simon  Pierre  "  avec  le  bassin  rempli  d'eau  :  "  Vous,  Seigneur,  me  laver 
les  pieds,  à  moi  !  s'écrie  Pierre,"  comme  épouvanté  de  ce  que  le  Clirist 
voulait  faire.  "  Ce  que  je  fais,  lui  répond  le  Sauveur,  tu  ne  le  com- 
prends pas  encore  maintenant,  mais  tu  le  comprendras  bientôt,"  lorsque 
j'expliquerai  la  signification  morale  de  cette  démarche,  et  surtout  lors- 
que l'Esprit  Saint  t'en  aura  fait  saisir  toute  la  portée.  "  Non,  reprend 
l'apôtre,"  trop  absorbé  par  le  sentiment  de  son  indignité  pour  tenir 
compte  de  la  leçon  du  Maître,  "  jamais  je  ne  permettrai  que  vous  me 
laviez  les  pieds."  ''  Mais,  répond  doucement  le  Sauveur,  si  je  ne  te 
lavais  pas,  toute  société  serait  impossible  entre  toi  et  moi;  tu  trouves 
étrange  et  indigne  de  moi  que  je  m'abaisse  jusqu'à  te  laver  les  pieds  ; 
mais  cette  purification  corporelle  n'est  que  le  signe  et  le  symbole  de 
cette  purification  intérieure,  sans  laquelle  tu  ne  pourrais  être  en  com- 
munion avec  moi,  et  dont  je  ne  puis  te  procurer  le  bienfait  qu'au  prix 
d'humiliations  bien  autrement  incroyables  que  celle  que  tu  as  sous  les 
3'eux."  Pierre,  effrayé  à  la  seule  idée  d'être  séparé  de  son  cher  Maître, 
s'écrie  avec  l'impétuosité  d'une  nature  qui  allait  facilement  aux 
extrêmes  :  "Oh  !  alors.  Seigneur,  tenez,  voilà  non  seulement  mes  pieds, 
mais  mes  mains  et  ma  tête  ;  "  il  lui  semblait  que  son  union  avec  son 
Maître  serait  d'autant  plus  complète  qu'une  plus  grande  partie  de  son 
corps  aurait  été  purifiée  par  lui  :  "  Celui  qui  sort  du  bain  (3),  reprend 
le  Sauveur,  n'a  besoin  que  de  se  laver  les  pieds  :  il  est  entièrement  net." 
Jésus  semble  faire  ici  allusion  à  la  coutume  juive  (4)  de  prendre  un 
bain  avant  le  repas  pascal,  coutume  à  laquelle  les  apôtres  s'étaient  sans 
doute  conformés.  De  même  donc,  dit  le  Sauveur,  que  celui  qui  vient 
de  se  baigner  n'a  besoin,  de  retour  dans  sa  maison,  que  de  se  laver  les 
pieds,  souillés  par  la  poussière  du  chemin  (5),  ainsi  celui  dont  l'Ame 


(1)  Jean.  XIII.   1-17. 

(2)  Ce  mystère  du  lavem(mt  des  pieds  nous  présente,  sous  une  imajîc  frap- 
pante, comme  un  résumé  de  tout  le  mystère  de  Jésus.  Assis  de  toute  éternité 
au  banquet  du  ciel,  à  la  table  de  son  père,  il  s'est  levé,  s'est  dépouillé  de  Pes 
vêtements  de  gloire,  s'est  entouré  du  linge  de  notre  humanité  et  a  pris  la  forme 
d'esclave,  puis,  avec  les  eaux  de  la  grAce,  fruit  de  se^  humiliations  et  de  bcs 
sacrifices,  il  nous  lave  journellement  de  nos  taches  et  efface  toutes  nos  misères. 

(3)  T^  verbe  grec  que  la  Vulgate  a  rendu  par  :  qui  lotus  est,  désigne  un  Inin 
complet. 

(4)  On  sait  que  les  anciens  et  en  particulier  les  Juifs  marchaient  nu-pieds  ou 
chaussés  de  simples  sandales. 

(5)  Cf.  Belser.des  Evangelium  des  heiligcn  Joanncs,  p.  307. 


—  446  — 

est  lavée  par  les  eaux  de  la  grâce  sanctifiante  n'a  plus  qu'à  se  purifier 
de  ces  taches  légères  qui,  comme  une  poussière,  s'attachent  aux  pieds  de 
notre  âme,  c'est-à-dire,  à  ses  aiïections,  (jui  la  mettent  en  contact  avec 
la  terre.  C'étaient  précisément  ces  souillures  légères  que  le  Sauveur 
voulait  elïacer  dans  Tânie  de  ses  apôtres,  en  excitant  en  eux  par  le 
hiveuu^nt  de  leurs  pieds  des  sentiments  d'humilité,  de  repentir  et  de 
charité  :  à  travers  le  corps,  il  voulait  atteindre  l'âme  et  la  disposer  ainsi 
à  une  réception  plus  fructueuse  du  mystère  eucharistique.  Or,  con- 
tinua-t-il,  en  jetant  un  regard  affectueux  sur  le  groupe  apostolique, 
"  vous  êtes  purs,  non  pas  tous  cependant,"  ajouta-t-il  tristement  en 
pensant  au  traître.  La  connaissance  de  la  perversité  de  Judas,  loin  de 
le  détourner  de  lui  rendre  le  même  service  qu'aux  autres,  porta,  au  con- 
traire, le  Sauveur  à  se  courber  avec  plus  d'amour  sur  ces  pieds  qui,  dans 
(juelques  instants,  allaient  courir  à  la  trahison.  Que  durent  penser  les 
anges  en  voyant  leur  grand  Dieu,  la  sainteté  même,  aux  pieds  du  suppôt 
de  Satan?  Lorsque  son  humble  et  si  touchant  ministère  fut  entièrement 
terminé,  Jésus  reprend  son  manteau,  se  remet  à  tal)le,  et  au  milieu  du 
silence  général  de  ses  disciples,  encore  tout  émus  de  ce  qu'ils  venaient 
de  voir,  il  leur  dit:  "  Savez-vous  ce  que  je  viens  de  faire"?  Vous  m'ap- 
pelez Maître  et  Seigneur,  et  vous  avez  raison,  car  je  le  suis.  Si  donc  je 
vous  ai  lavé  les  pieds,  moi,  le  Seigneur  et  le  Maître,  vous  devez  aussi 
vous  laver  les  pieds  les  uns  aux  autres.  Je  vous  ai  donné  l'exemple: 
faites  à  l'égard  des  autres  comme  je  vous  ai  fait  à  vous-mêmes.  En 
vérité,  eu  vérité  je  vous  le  dis,  le  serviteur  n'est  pas  plus  grand  que  son 
maître,  ni  l'apôtre  plus  grand  que  celui  qui  l'a  envoyé.  Maintenant  que 
vous  savez  ces  choses,  vous  êtes  heureux,  pourvu  que  vous  les  mettiez  en 
pratique.''  Par  ces  paroles  empreintes  d'une  si  solennelle  gravité, 
Jésus  dégageait  de  l'exemple  qu'il  venait  de  donner  la  grande  leçon  qu'il 
contient,  qit'il  avait  tant  à  cœur  de  faire  pénétrer  jusqu'au  foud  de  l'âme 
de  ses  disciples  et  des  futurs  chefs  de  la  société  chrétienne,  et  qui.  à  elle 
seule,  renferme  la  solution  pleine  et  entière  de  ces  questions  sociales  qui 
ont  de  tout  temps  préoccupé  les  esprits.  Appuyé  sur  un  tel  exemple. 
ne  nous  fait-elle  pas  entendre  aussi  claireiuent  ([ue  possible  (jue  l'iuimi- 
litéest  la  base  et  en  même  temps  la  mesure  de  toute  vi-aie  grandeur, 
que  le  chrétien  le  plus  humhle  est  ]iar  là  uu'iiu'  le  ]ilus  grand  des 
liommes,  et  que  celui-là  seul  est  digne  d'exercer  sur  ses  semblables  une 
portion  quelconijue  de  l'autorité  divine,  (|ui,  pour  l'amour  de  ses  frères, 
accepte  avec  joie,  à  l'exemple  du  Christ,  les  fonctions  les  plus  basses,  et 
ne  recule  devant  aiicuii  s;u-i-ifice  jjoiir  les  servir,  pour  arriver  à  purifier 
leurs  cœurs  et  à  les  mettre  en  état  de  s'asseoir  mu  divin  ban(|uet  où  s'ac- 
complit l'acte  suprênu'  de  la  vie. 

Le  Sauveui-  allait  com|)léter  ses  divines  instructions  en  nu'ttant  sous 
les  yeux  de  se?  apôtres,  dans  son  attitude  relativement  à  Judas.  x\n 
modèle  achevé  du  zèle,  de  la  discrétion,  des  égards  et  de  la  constance 
avec  ]es(|uels  ils  devraient  travailler  à  la  conversion  des  pécheurs  même 
les  plus  coupables  et  les  plus  endurcis.  T)éjà.  en  disant  à  ses  disciples' 
qu'ils  n'étaient  pas  tous  purs,  il  avait  donné  au  li'aîtrc  un  premier  aver- 


—  4i:  — 

lisseineiit,  et  avec-  (iiielle  délicatesse!  puis,  lui,  le  Sei>:iieLii',  il  s'était  jeté 
à  ses  pieds  qu'il  avait  lavés  et  pressés  avec  tant  d'aiïection  pour  tÛL-her 
de  lui  faire  sentir  son  ingratitude  et  de  ramener  à  lui  cette  pauvre  âme. 
()  étrange  profondeur  de  la  perversité  humaine!  'J'ant  d'humililé  au 
service  de  tant  d'amour  avait  été  inutile,  liebuté  par  Judas,  le  Sauveur 
n'abandonne  pas  la  partie:  il  reste  à  la  porte  de  son  cieur  et  continue 
à  frapper.  Après  avoir  proclamé  bienheureux  les  disciples  qui  seraient 
lidèles  à  ses  recommandations,  hélas,  ajouta-t-il,  "  je  ne  dis  pas  cela  de 
vous  tous:  je  connais  ceux  que  j'ai  choisis:"  vous  ne  posséderez  pas  tous 
ce  bonheur;  "mais  il  faut  que  la  parole  de  l'Ecriture  s'accomplisse: 
"  Celui  qui  mange  à  ma  table  lèvera  le  pied  contre  moi  (1).''  Dans  ce 
texte,  tiré  dti  psaume  40,  David  fait  allusion  au  traître  Achitophel.  jadis 
son  conseiller  et  son  ami,  qui  trempa  dans  le  soulèveuu-nt  populaire  à 
Hébron  et  prit  parti  pour  Absalon.  I)"a))rès  le  Sauveur,  Achijjotel  était 
donc  riniage  de  Judas,  comme  David  était  lui-même  le  type  de  Jésus. 
En  rappelant  cette  prédiction  de  l'Ecriture,  Jésus  voulait,  sans  doute, 
connue  il  le  dit  lui-même  (2),  fortifier  ses  apôtres  contre  le  scandale 
(ju'aurait  pu  occasionner  la  trahison  de  Judas,  s'ils  n'avaient  su  que 
ce  crime  avait  été  prévu  et  permis  par  le  Maître:  mais  il  avait  aussi 
pour  but  de  rappeler  à  son  infidèle  disciple,  avec  la  fourberie  d'Aclii- 
tophel,  la  fin  tragique  et  misérable  de  ce  traître  qui  se  pendit.  Voyant 
Judas  inflexil)le,  il  eut  recours  à  un  autre  expédient.  Il  venait  de  faire 
allusion  à  la  divinité  de  sa  mission  (:})  :  il  va  l'at'lirmer  de  nouveau  dans 
les  termes  les  plus  solennels  et  en  même  temps  relever  la  dignité  im- 
mense de  celui  qu'il  appelle  à  l'apostolat.  ''  En  vérité,  en  vérité,  je  vous 
le  dis:  quiconcjue  reçoit  celui  que  j'aurai  envoyé  me  reçoit  moi-même,  et 
(|ui  me  reçoit  reçoit  celui  qui  m'a  envoyé  (4)."  C'était  dire  à  Judas: 
(^uoi  !  vas-tu  sacrifier  ta  qualité  d'ambassadeur  de  Dieu  et  la  part  splen- 
dide  qui  t'est  échue,  à  la  satisfaction  de  viles  passions  qui  te  mèneront 
à  l'abîme?  Judas  opposa  aux  instances  du  Sauveur  une  barrière  impé- 
nétrable. En  ])résence  d'une  ingratitude  si  monstrueuse  cl  si  injurieuse 
à  Dieu,  et  à  la  pensée  des  châtiments  terribles  (pu-  le  malheureux  attirait 
sur  lui-même.  Jéstis  -se  troubla  (5).'"  dit  l'Evangéliste  :  il  livra  volon- 
tairement son  esprit  aux  sentiments  de  compassion,  de  tristesse  et 
d'Iiorreur  (pi'une  telle  vue  était  propre  à  exciter  en  lui.  Frappés  de 
l'expression  de  sa  phvsionomie,  où  se  réllétaient  les  sentiments  qui  agi- 
taient le  fond  de  son  âme.  les  disci])les  se  demandaient  quelle  jtouvait 
bien  être  la  cause  d'une  pareille  émotion.  TIs  ne  send)lent  pas  avoir 
compris  les  deux  allusions  (pie  leur  Maître  venait  de  faire  à  la  trahison 
dont  il  serait  la  victime:  par  égard  pour  Judas.  Jésus  avait  parlé  à  mots 


(1)  .h-ii,  Xî!I    is. 

(■2)  Jean,   XIII.    19 

(4)  .I.'aii.  XIII,  -20. 

(5)  .lc:U!,    Xlir.    -M. 


—  448  — 

couverts,  dont  le  coupable  seul  avait  pu  percer  le  sens.  Comme  le  mal- 
heureux ne  se  laissait  pas  fléchir,  le  Sauveur  se  décida  à  déchirer  tous 
les  voiles,  n'hésitant  point,  comme  on  l'a  dit,  dans  le  but  de  sauver  un 
des  membres  du  collège  apostolique,  à  jeter  le  trouble  .parmi  tous  les 
autres  :  le  spectacle  de  l'horreur  qu'inspirerait  aux  autres  apôtres  la  seule 
pensée  de  la  trahison  ne  serait-elle  pas  très  propre  à  faire  réfléchir  le 
coupable?  "En  vérité,  en  vérité,  je  vous  Taffinne,"  dit  donc  le  Sauveur, 
très  ému,  "  l'un  de  vous  me  trahira  (1)."  Cette  annonce  d'une  effrayante 
clarté  tomba  sur  le  Cénacle  comme  un  coup  de  foudre.  Consternés,  les 
disciples  se  regardent  les  uns  les  autres,  les  yeux  remplis  d'étonnement 
et  de  tristesse  (2).  Puis,  descendant  au  fond  de  leur  conscience,  et  y 
trouvant  tant  de  raisons  de  se  défier  d'eux-mêmes,  l'âme  en  proie  aux 
plus  vives  angoisses,  ils  se  tournent  l'un  après  l'autre  vers  le  Sauveur, 
et  d'une  voix  altérée  :  "  Est-ce  que  ce  serait  moi,  Seigneur  ?  "  lui  disent- 
ils  tour  à  tour  (3),  tremblant  de  recevoir  une  réponse  affirmative. 
Comme  il  aurait  trahi  Judas  s'il  avait  voulu  rassurer  chacun  des  autres 
apôtres,  Jésus  se  contente  de  leur  répéter  avec  plus  de  précision  encore 
sa  triste  prédiction  :  "  Je  serai  trahi  par  un  de  ceux  qui  mettent  avec 
moi  la  main  au  plat  (4),'^  c'est-à-dire,  qui  mangent  à  cette  table.  Et 
comme  Judas  se  taisait  et  oonsidérait  toute  cette  scène  d'un  œil  impas- 
sible, Jésus,  pour  frapper  plus  vivement  la  conscience  du  traître,  fait 
alors  appel  aux  plus  terribles  menaces.  "  Pour  le  Fils  de  l'homme," 
poursuit-il,  "  il  s'en  va,  selon  ce  qui  a  été  écrit  de  lui,"  il  faut  qu'il 
meure  pour  entrer  dans  sa  gloire,  "  mais  malheur  à  celui  par  qui  le  Fils 
de  l'homme  sera  trahi  :  il  vaudrait  mieux  pour  lui  qu'il  ne  fût  jamais 
né  (5)."  C'est  la  parole  la  plus  épouvantable  qui  soit  sortie  de  la  bouche 
du  Eédempteur.  Judas  se  raidit  contre  les  effoi"ts  de  l'amour  qui  cher- 
chait à  l'arracher  au  gouffre  d'horreur  béant  à  ses  pieds.  Les  autres 
apôtres,  ne  pouvant  savoir  de  leur  Maître  qui  allait  le  trahir,  se  mirent 
à  se  demander  entre  eux  lequel  des  douze  pourrait  bien  se  rendre  cou- 
pable d'une  telle  félonie  (6).  Or,  Simon-Pierre  se  trouvait  à  table  vrai- 
semblablement à  la  gauche  du  Sauveur,  et  par  conséquent  derrière  lui: 
c'était  la  seconde  place  selon  l'étiquette  des  Hébreux  ;  la  troisième  place, 
à  la  droite  de  Jésus  était  occupée  par  Jean  (7)  :  c'était  la  place  réservée 
à  l'ami  intime,  qui  se  trouvait  ainsi  couché,  en  quelque  sorte,  sur  le  cœur 
de  son  Maître.  Brûlant  de  connaître  le  traître  afin  d'empêcher  le  crime, 
B'il  le  pouvait,  Pierre  se  lève  à  moitié  sur  son  divan,  derrière  le  Sauveur, 
et  fait  signe  à  Jean,  alors  tourné  de  son  côté,  de  demander  à  Jésus  de 


(1)  .JeaTi,  XIII.  21. 

(2)  Jean.  XIII.  22. 

(3)  Marc,  XIV,   10;   Matth,  XXVI,  22. 

(4)  Marc,  XIV,  20;  Matth,  XXVI,  23;  Luc,  XXII,  21. 

(5)  Matt,  XXVI,  24;  Marc,  XIV,  21;  Luc,  XXII,  22. 

(6)  Luc,  XX.  23. 

(7)  Jean.  XIII,  23. 


—  449  — 

qui  il  parlait  (1).     Alors  le  disciple  bien-aimé,  se  jetant  en  arrière  avec 
une  aimante  familiarité  repose  sa  tête  sur  la  poitrine  de  Jésus,  et  lui 
murmure  ces  mots  :  "  Seigneur,  qui  est-ce  donc  (2)  ?"     Tenant  à  ce  que 
quelqu'un  de  ses  disciples  pût  attester  aux  autres  que  le  nom  du  traître 
n'était  pas  ignoré  de  leur  maître,  Jésuâ  répond  à  Jean  à  voix  basse  et 
d'une  façon  mystérieuse  :  "  C'est  celui  à  qui  je  vais  présenter  un  morceau 
trempé  (3):"  et  alors,  prenant  un  morceau  de  pain   (4)   ou  peut-être 
d'agneau,  il  le  trempe  dans  le  chasoreth  et  le  présente  à  l'homme  de  Ké- 
rioth.     C'était,  d'après  l'usage  du  pays  et  dans  la  pensée  du    Sauveur, 
une  marque  d'amitié  et  un  gage  de  particulière  bienveillance.     Jésus 
semblait  dire  à  Judas  :  Tu  le  vois,  tout  lien  n'est  pas  encore  rompu  entre 
nous;  tu  peux  toujours  rentrer  en  communion  avec  moi.     Le  traître 
prend  le  morceau  qui  lui  est  offert,  et,  à  cette  occasion,  semble-t-il,  pour 
ne  pas  se  trahir  lui-même  par  son  silence  aux  yeux  de  ses  condisciples, 
il  demande  au  Sauveur,  à  la  suite  des  autres  apôtres,  comme  le  rapporte 
S.  Mathieu:  "Est-ce  donc  moi,  Maître?"  "Oui,  tu  l'as  dit  (5),"  ré- 
pond le  Sauveur  à   cette  question  impudente   avec   une   douceur   toute 
divine,  et  assez  bas  pour  n'être  entendu  que  de  son  interlocuteur.  Tant 
de  patience,  de  bonté  et  de  délicatesse  ne  peut  vaincre  l'obstination  du 
malheureux.     Dépité  de  se  voir  démasqué,  il  ouvre  tout  grand  son  cœur 
à  Satan  (6).     Quelque  temps  auparavant,  le  diable  lui  avait  déjà  mis 
au  cœur  de  trahir  Jésus  (7)  ;  maintenant  il  s'y  installe  en  maître.     Il 
était  entré  autrefois  dans  le  serpent   pour  perdre  le    premier  Adam  ;  il 
entre  cette  fois  dans  Judas  pour  essayer  de  perdre  le  second  Adam  ;  il 
ne  songeait  guère  qu'il  trouverait  lui-même  sa  ruine  dans  cette  aventure. 
Voyant  que  tous  les  efforts  de  son  amour  allaient  se  heurter  contre  un 
mauvais  vouloir  toujours  grandissant,  et  comprenant  que  le  parti  de 
Judas    était    pris,  pressé    d'ailleurs    lui-même  d'accomplir    sa  mission, 
Jésus  dit  alors  au  traître  à  haute  voix  :  "  Ce  que  tu  fais,"  ce  que  tu  es 
absolument  déterminé  à  faire,  "fais-le  vite."     Le  Sauveur  avait  pro- 
noncé ces  paroles  avec  tant  de  calme  et  de  douceur,  et  tant  d'égards  pour 
la  personne  du  traître,  qu'aucun  des  autres  disciples  n'en  comprit  la 
signification.     Comme  il  était  l'économe  de  la  petite  compagnie,  quel- 
ques-uns pensèrent  qu'il  avait  l'ordre  de  se  hâter  d'acheter  tout  ce  qu'il 


(1)  Jean.  XTI  .  24. 

(2)  Jean.  XIII,  25. 

(3)  Jean.  XIII.  26. 

(4)  Le  mot  grec:   psômion,  que  la  Vulfrate  a  rendu  par  "  paneni.  pain  '  !>.ut 
signiller  aussi  un  morceau  de  viande  ou  de  tout  autre  mets. 

(5)  Matt,  XXVI,  25. 

(6)  Jean.  XIII.  27. 

(7)  Jean.  XIII,  2. 

15 


—  450  — 

fallait  pour  le  lendemain,  le  grand  jour  de  Pâques  (1)  ou  de  faire,  selon 
les  prescriptions  de  la  loi,  des  distributions  d'aumônes  aux  pauvres,  pour 
les  aider  à  célébrer  joyeusement  la  fête  (3).  "  Ayant  donc  pris  la  bou- 
chée," dit  S.  Jean,  Judas  poussé  par  le  démon  qui  l'habitait,  et  ne 
pouvant  plus  soutenir  les  regards  de  Jésus  "  sortit  incontinent  ;  "  or, 
ajoute  l'évangéliste,  comme  pour  donner  le  dernier  coup  de  pinceau  à 
cette  scène  lamentable,  "il  était  nuit  (3)."  C'était  un  temps  propre 
pour  l'exécution  d'un  si  noir  projet;  mais  cette  nuit  n'était  encore 
qu'une  faible  image  des  ténèbres  qui  avaient  envahi  l'âme  de  Judas;  en 
vain  la  lumière  avait  essayé  de  les  i^ercer,  les  ténèbres  ne  l'avaient  pas 
comprise:  "il  était  nuit  (4)." 


(1)  Quoique  les  œuvres  serviles  fussent  défendues  le  1er  jour  des  azymes, 
elles  l'étaient  cependant  moins  rigoureusement  que  pour  le  sabbat  (Cf.  Ex.,  XII, 
16,  et  Belser,  Das  Evangelium  des  heiligen  Joannes,  p.  405). 

(2)  Cf.  Jean,  XIII,  27-29. 

(3)  Jean.  XIII,  30. 

(4)  Un  assez  grand  nombre  de  Pères  et  d'interprètes  ont  pensé  que  Judas 
avait  assisté  à  l'institution  de  la  Sainte  Eucharistie  et  que,  par  conséquent,  il 
avait  communié  et  reçu  le  sacerdoce.  La  principale  raison  qui  les  a  portés  à 
embrasser  ce  sentiment,  c'est  que  S.  Luc  mentionne  la  dénonciation  du  traître 
après  le  récit  de  l'institution  de  la  Sainte  Eucharistie.  Or,  il  semble  bien  que. 
dans  ce  cas,  S.  Luc  a  interverti  l'ordre  clironologique,  et  qu'il  a  voulu  réunir 
en  cet  endroit  comme  en  un  faisceau  toutes  les  défaillances  apostoliques  :  la  tra- 
hison de  Judas,  la  dispute  des  apôtres  au  sujet  de  la  préséance,  la  présomption 
de  Pierre  (Cf.  Bille  de  Crampon,  Luc,  .^^11,  21).  Si  du  récit  de  S.  Luc  on 
pouvait  inférer  que  la  dénonciation  de  Judas  a  suivi  l'institution  de  la  Sainte 
Eucharistie,  on  devrait  en  conclure  également  que  l'altercation  des  apôtres  eut 
lieu  après  la  Cène  eucharistique  et  la  dénonciation  de  Judas  :  ce  qui  paraît  tout- 
à-fait  invraisemblable  et  est  contraire  au  sentiment  de  la  plupart  des  inter- 
prètes. On  a  remarqué  avec  raison  que  S.  Luc,  tout  en  s'attachant  à  l'ordre 
chronologique  des  événements,  ne  s'y  astreint  pas  toujours  dans  le  récit  des  cir- 
constances de  tel  ou  tel  événement  en  particulier  (  Cf.  Knabenbauer,  in  Matthaeum 
p.  438).  Qu'il  en  ait  été  ainsi  relativement  aux  circonstances  de  la  dernière 
Pâque  du  Sauveur,  c'est  ce  qui  semble  ressortir  des  quelques  remarques  sui- 
vantes : 

1°  S.  Mathieu,  qui  assistait  u  la  dernière  Cène,  ne  fait  mention  de  la  Sainte 
Eucharistie  qu'après  avoir  montré  comment  Judas  fut  démasqué;  or.  on  ne  peut 
guère  douter  que  le  départ  du  traître  ne  suivit  immédiatement  sa  dénonciation. 
2°  L'Eucharistie  ne  fut  instituée  qu'après  le  repas  légal;  or,  ce  repas  ne  fut  pas 
complètement  terminé  avant  la  sortie  de  Judas  :  en  partant,  il  avait  encore, 
en  quelque  sorte,  dans  la  bouche  le  morceau  trempé  que  le  Sauveur  lui  avait 
tendu.  3°  Après  la  communion  des  apôtres,  Jésus  leur  promet  qu'ils  boiront  un 
jour  avec  lui,  au  ciel,  le  vin  de  la  gloire  céleste  (Matt,  XXVI,  29)  :  c'est  donc 
que  Judas  n'avait  pas  communié  avec  eux.  4°  Si  Judas  avait  été  présent  à  la 
Cène  eucharistique,  comment  Jésus,  en  offrant  à  ses  disciples  le  vin  consacré, 
aurait-il  pu  leur  commander  d'en  boire  tous?  (Matt,  XXI,  27),  et,  puisqu'il  pou- 
vait si  facilement;  sans  le  trahir,  épargner  au  traître  un  terrible  sacrilèj;e  et 
un  surcroît  de  tourments  éternels,  en  lui  ménageant  l'occasion  de  sortir,  est-il 
croyable  qu'il  ne  l'ait  pas  fait  ?  On  peut  donc  croire  qu'au  moment  de  la  Cène 
eucharistique,  Jésus  n'avait  plus  devant  lui  que  des  amis.  C'est  le  sentiment 
adopté  par  Tatien,  S.  Ephrem,  les  Constitutions  apostoliques,  S.  Aphraste  (sous 
le  nom  de  S.  .Jacques  de  Nisibe).  S.  Hilaire,  S.  Cyrille  d'Alexandrie,  Rupert, 
Innocent  III,  Salmeron  Baraadius,  B.  Lamy  et  la  plupart  des  commentateurs 
modernes  T'i.  Corluy.  Commeniarnia  in  Evang.  .Sf.  Joannis,  c.  XIII)  et  Knaben- 
bauer, in  Mnttliaeum,  p.  432. 


451  — 


On  était  arrivé  à  la  fin  du  repas  légal,  sur  lequel  avait  plané  un  nuage 
de  tristesse.  Au  départ  du  traître,  le  ciel  du  Cénacle  se  rasséréna. 
L'heure  de  Jésus,  attendue  avec  tant  d'impatience,  était  enfin  venue: 
Judas  parti,  la  Passion  du  Sauveur  coniniençait,  sa  vie  était  désormais 
entre  les  mains  de  ses  ennemis,  il  pouvait  maintenant  se  livrer  aux 
transports  de  sa  joie:  son  visage  s'illumina  et  chassa  les  ténèbres  qui 
avaient  pesé  si  lourdement  sur  l'âme  des  disciples.  "  C'est  maintenant," 
s'écrie-t-il,  "  que  le  Fils  de  Thomme  est  glorifié,  et  que  Dieu  est  glorifié 
en  lui,  et,  parce  que  Dieu  est  glorifié  en  lui.  Dieu,  de  son  côté,  le  glori- 
fiera en  lui-même,  et  il  va  le  glorifier  à  l'instant  (1)."  C'est  par  ce  chant 
de  triomphe  que  Jésus  entra  dans  la  mort.  Ce  qui  le  transporte  ainsi, 
c'est  donc  la  pensée  des  fruits  de  sa  Passion,  de  l'honneur  infini  qu'elle 
procurerait  à  son  Père,  des  biens  inappréciables  et  éternels  dont  elle 
serait  la  source  pour  les  hommes,  et  de  la  gloire  qui  lui  en  reviendrait 
à  lui-même,  et  qui  allait  éclater  dans  ce  grand  Sacrement  de  l'Eucha- 
ristie, qu'il  institua,  semble-t-il,  à  ce  moment  même  (2),  comme  le  mé- 
morial de  sa  glorieuse  mort,  qui  devait  racheter  le  monde,  et  de  toutes 
les  merveilles  de  sa  vie. 

Au  cours  de  la  cène  légale,  au  moment  où,  comme  président  de  la 
table,  il  devait  expliquer  aux  convives  le  sens  du  rite  pascal,  Jésus  avait 
sans  doute  fait  ressortir  aux  yeux  de  ses  apôtres,  pour  mieux  les  dis- 
poser à  la  Cène  eucharistique,  le  caractère  figuratif  de  la  Pâque  juive, 
et  en  particulier  de  l'agneau  pascal;  il  leur  avait  rappelé,  on  peut  le 
croire,  que  c'était  lui  qui  était,  selon  le  mot  de  Jean-Baptiste,  le  véri- 
table agneau  de  Dieu,  qui  efface  les  péchés  du  monde,  qu'il  allait  être 
immolé  comme  notre  Pâque,  et  réaliser  enfin  la  solennelle  promesse  qu'il 
leur  avait  faite,  un  an  auparavant,  à  la  dernière  Pâque,  de  leur  donner 
sa  chair  à  manger  et  son  sang  à  boire.  Cette  promesse,  qui  avait  si 
vivement  frappé  les  apôtres,  était  restée  gravée  au  fond  de  leurs  cœurs: 
ils  en  attendaient  avidement  la  réalisation,  tout  en  se  demandant  sous- 
quelle  forme  s'accomplirait  un  si  grand  mystère,  mais  pleinement  per- 
suadés que  rien  n'était  impossible  à  leur  Maître  et  que  toutes  les  lois  de 
la  nature  lui  étaient  soumises. 

Un  profond  silence  s'était  fait  dans  le  cénacle.  I^es  dernières  parok-s 
du  Sauveur  avaient  fait  comprendre  aux  assistants  que  quelque  chose  de 
grand  allait  se  passer.  Tous  les  yeux  étaient  attachés  sur  lui.  Une 
majesté  et  une  douceur  incomparables  paraissaient  sur  son  visage  et  dans 
son  attitude,  à  ce  moment  suprême  où  il  allait  instituer  le  Testament 
de  l'avenir.  Il  prend  donc  du  pain,  et,  après  avoir  levé  les  yeux  au  ciel 
et  rendu  grâces  à  Dieu  pour  le  don  ineffable  de  l'Eucharistie,  il  bénit  ce 


(1)  Jean.  XIII.  31-32. 

(2)  Cf.  Belser,  die  Leidensgeschichte  des  Eenm,  p.  1C4-165. 


—  452  — 

pain,  le  rompt  (1)  et  le  donne  à  ses  apôtres  en  disant:  "Prenez  (2)  et 
mangez:  ceci  (3)  est  mon  corps  (4)  qui  est  donné  pour  vous  (5)  (en 
nourriture)  (6)."  Puis,  voulant  laisser  aux  siens  une  réprésentation 
complète  de  sa  mort,  il  prend  le  calice  (7)  contenant  du  vin  mêlé  d'eau, 
selon  l'usage  des  Juifs,  et  après  avoir  rendu  grâces,  le  présente  à  ses  dis- 
ciples en  disant  :  "  Buvez-en  tous  :  car  ceci  est  le  calice  de  mon  sang,  du 
sang  de  la  nouvelle  alliance  qui  (8)  est  répandu  pour  beaucoup  (9)  en 
rémission  des  péchés  (10),"  Les  apôtres  avaient  écouté  avec  un  respect 
infini  ces  divines  paroles.     A  leur  lumière,  le  mystère  de  la  promesse 


(  1  )  Chez  les  Juifs,  les  pains  présentaient  la  forme  de  gâteaux  minces  et  durs, 
qu'on  ne  coupait  pas,  mais  qu'on  brisait. 

(2)  Cette  expression  :  "prenez"  "  accipite  "  semble  indiquer  que  Jésus  déposa 
successivement  dans  la  main  des  apôtres  un  morceau  de  pain  consacré  :  ce  fut 
le  mode  de  communion  usité  dans  les  premiers  siècles  de  l'Eglise. 

(  3  )  Le  mot  :  "  ceci  ",  en  grec  "  touto  ",  du  genre  neutre,  ne  se  rapporte  pas 
au  mot  :  pain,  qui,  en  grec  comme  en  français,  est  du  masculin  :  c'est  Un  sujet 
pronominal  indéterminé  qui  est  déterminé  par  le  prédicat. 

(4)  Chose  digne  de  remarque,  chez  les  Juifs,  le  chef  de  famille,  en  découpant 
1  agneau  pascal,  devait  dire,  lui  aussi:  Ceci  est  le  corps  de  l'agneau  pascal. 

(5)  Le  mot  "donné",  en  grec  "didomenon"  (Luc,  XXII,  19)  est  remplacé 
dans  S.  Paul  (I  Cor,  XII,  24)  par  le  mot  "brisé",  en  grec  "clômenon".  Or. 
dans  la  sainte  Ecriture,  le  verbe  "  briser  ",  quand  il  est  synonyme  de  "  donner  " 
et  lorsqu'il  se  rapporte,  comme  ici,  à  l'action  de  manger  (Prenez  et  mangez), 
signifie  toujours  :  donner  en  nourriture,  servir  comme  nourriture  (Cf.  Franzslin, 
de  Sanct.  Eucharistiae  Sacramento,  thesis  IV;  Hurter,  Theologiae  dogmaticae 
compendium  :  de  ss.  Eucharistiae  Sacramento,  thesis  235;  Wiseman,  The  real 
présence^  Ifip.t.  VI  ) . 

(6)  Matt,  XXVI,  26;  Marc,  XIV,  22;  Luc,  XXil,  19;  I  Cor,  XI,  24.  Cette 
formule  de  la  consécration  du  pain  montre  avec  évidence  que  ces  paroles  :  "  Ceci 
est  mon  corps  ",  doivent  être  entendues  dans  le  sens  littéral.  Ne  serait-il  pas 
absurde  de  dire  :  Ceci  est  le  symbole  de  mon  corps  qui  est  donné  pour  vous  en 
nourriture  puisque  le  corps  du  Christ  ne  peut  nous  être  donné  en  nourriture 
que  dans  l'Eucharistie  ?  Il  ressort  également  de  cette  formule  que,  par  la  con- 
sécration, la  substance  du  pain  est  changée  (transubstanciée)  en  celle  du  corps 
du  Christ,  et  que  par  conséquent  elle  cesse  d'être  sous  ses  espèces  connaturelles; 
autrement  le  Christ  n'aurait  pas  pu  dire  simplement  :  "  Ceci  est  mon  corps  ". 

(7)  D'après  beaucoup  d'auteurs,  cette  coupe  était  celle  qui  était  bue  après  la 
manducation  de  l'agneau,  c'est-à-dire,  la  3e.,  qu'on  appelait  coupe  de  bénédiction, 
et  a  laquelle  S.  Paul  semble  faire  allusion  dans  la  1ère  épitre  aux  Corinthiens  : 
X,  IG.  Selon  d'autres,  ce  serait  la  5e  qui  n'appartenait  pas  à  l'essence  du  repas 
pascal   (Cf.  FilHon,  8.  Matt.,  p.  508). 

(8)  D'après  la  formule  grecque  donnée  par  S.  Luc,  le  pronom  :  qui,  se  rap- 
porte non  à  sang,  mais  il  calice.  Ce  qui  montre  bien  que  cette  formule,  comme 
celle  de  la  consécration  du  pain,  doit  être  prise  littéralement  et  qu'on  ne  peut  pas 
la  traduire  ainsi:  Ceci  est  l'image  de  mon  sang,  répandu  sur  la  croix,  etc:  car  il 
n'y  a  pas  eu  de  calice  de  sang  répandu  sur  la  croix;  en  d'autres  termes,  le  sang 
du  Christ  n'a  pas  été  répandu  sur  la  croix  en  tant  qu'il  était  dans  le  calice  ou 
dans  son  état  sacramentel  (Cf.  Franzelin,  de  SS.  Eucharistiae  Sacrificio:  thesis 
XI;   et  Hurter,  1.  c). 

iU)  Quoique  le  sang  du  Sauveur  ait  été  répandu  pour  tous,  de  fait  il  n'efface 
pas  les  péchés  de  tous,  parce  que  tous  ne  s'en  appliquent  pas  les  fruits. 

(lO)   Matt...  XXVI,  27-28;  Marc,  XIV,  23-24;  Luc,  XXII,  20;  I  Cor.,  XI.  25. 


—  453  — 

eucharistique  que  Jésus  leur  avait  faite  s'éclaircit  à  leurs  veux:  ils  com- 
prennent enfin  comment  sa  chair  pouvait  nous  être  donnée  à  manger  et 
son  sang  à  boire  :  ils  adorent  leur  Maître  bien-aimé  sous  les  saintes 
espèces,  qui  semblent  témoigner  qu'il  est  bien  notre  nourriture,  et  les 
portent  à  leur  bouche  avec  une  émotion  plus  facile  à  imaginer  qu'à  dé- 
crire. Mais  ce  n'était  pas  seulement  un  Sacrement  que  le  Seigneur  avait 
voulu  instituer.  Comme  le  prouvent  clairement  les  paroles  mêmes  de  la 
consécration,  l'Eucharistie  ne  devait  pas  seulement  nourrir  nos  âmes  et 
nous  unir  à  Dieu,  elle  était  encore  destinée,  comme  véritable  sacrifice,  à 
rendre  à  Dieu  lui-même  un  culte  digne  de  lui.  Et  en  eff"et,  dans  l'Eu- 
charistie, le  corps  du  Christ  est  "  donné,  livré  pour  nous  "'  ;  son  sang  est 
"  répandu  ''  d'une  manière  mystique  "  pour  beaucoup  en  rémission  des 
péchés."  Or,  dans  l'Ecriture,  ces  expressions  annoncent  toujours  un 
sacrifice;  et  de  fait  ne  nous  montrent-elles  pas  le  Sauveur  se  substituant 
à  nous  en  vue  d'apaiser  Dieu  et  de  nous  obtenir  la  rémission  de  nos  pé- 
chés? et  cette  substitution  de  la  victime  au  coupable  n'est-elle  pas  le 
caractère  propre  du  sacrifice?  Et  ce  n'est  pas  seulement  en  tant  qu'elle 
met  sous  nos  yeux  par  la  séparation  des  espèces  du  pain  et  du  vin  une 
vive  représentation  de  la  mort  de  la  croix,  que  l'Eucharistie  est  un  sa- 
crifice; elle  l'est  surtout,  à  raison  de  cette  sorte  d'anéantissement  où  s'y 
trouve  la  sainte  humanité  du  Sauveur,  qui,  dans  son  état  sacramentel, 
est  incapable  de  produire  par  sa  vertu  naturelle  un  acte  quelconque  dont 
l'exercice  exige  le  concours  des  sens,  et  est  réduit  à  la  condition  de  nour- 
riture et  de  breuvage.  Certes,  il  ne  fallut  rien  moins  au  Rédempteur 
que  tout  l'effort  de  sa  sagesse  et  de  sa  puissance  pour  se  ravaler  à  un  tel 
état  d'humiliation,  mais  son  amour  l'exigeait  ainsi.  Il  voulait,  tout  en 
rendant  à  son  Père,  par  son  immolation,  un  hommage  digne  de  sa  Ma- 
jesté (1),  se  faire  manger  par  l'homme,  afin  qu'il  fût  en  nous  et  que  nous 
fussions  en  lui  :  divin  Pélican,  il  n'hésita  pas  à  mettre  son  humanité,  en 
quelque  sorte,  dans  un  état  de  mort,  afin  de  pouvoir  nourrir  ses  enfants 
de  son  propre  sang  et  en  faire  d'autres  lui-même.  Cet  amour  indicible 
et  sans  nom  dans  la  langue  humaine  étonnerait-il  notre  foi  ?  Mais,  dans 
le  transport  de  l'amour  même  purement  humain,  "  qui  ne  sait,"  dit 
Bossuet  (2),  "  qu'on  se  mange,  qu'on  se  dévore,  qu'on  voudrait  s'incor- 
porer en  toutes  manières,  et  comme  disait  ce  poète,  enlever  jusqu  avec 
les  dents  ce  qu'on  aime  pour  le  posséder,  pour  s'en  nourrir,  pour  s'y  unir, 
pour  en  vivre?  Ce  qui  est  fureur,  ce  qui  est  impuissance  dans  l'amour 
corporel  est  vérité  et  sagesse  dans  l'amour  de  Jésus,"  Aussi  bien,  n'est- 
il  pas  conforme  à  la  nature  des  choses  qu'un  amour  sans  bornes,  soutenu 
par  une  puissance  infinie,  se  manifeste  par  dos  prodiges  extraordinaires 
et  qui  confondent  la  pauvre  imagination  humaine? 

Après  avoir  donné  à  ses  disciples  son  corps  à  manger  et  son  sang  à 


(1)  Il  est  mtéressant  de  remarquer  que  c'est  par  le  fait  même  de  eon  immo- 
lation, sur  l'autel  que  le  Christ  prf'pare  notre  divine  nourriture  et  dresse  en 
quelque  sorte  la  table  de  communion. 

(2)  Méditations  sur  l'évangile,  1ère  partie,  XXIVe  journée. 


—  454  — 

boire,  le  Sauveur  ajouta  :  "  Faites  ceci  en  mémoire  de  moi  (1),"  c'est-à- 
dire,  en  mémoire  de  ma  mort  et  de  la  rédemption  qui  en  est  le  fruit, 
prenez  comme  moi,  du  pain  et  du  vin,  prononcez  sur  eux  en  mon  nom 
les  paroles  que  vous  venez  d'entendre,  et  donnez-moi  à  manger  aux 
fidèles.  Et  c'est  ainsi  que  Jésus,  en  même  temps  que  l' Eucharistie,  ins- 
tituait le  sacerdoce  qui  devait  en  étendre  les  bienfaits  à  toutes  les  géné- 
rations jusqu'à  son  second  avènement  (2).  En  deux  mots  il  résumait 
ce  rôle  sublime  du  prêtre  à  travers  le  monde  :  "  faites  ceci,"  c'est-à-dire, 
consacrez,  distribuez.  Et  ainsi,  médiateur  entre  Dieu  et  les  hommes, 
le  prêtre,  après  avoir  d'une  main,  pour  ainsi  dire,  attiré  Dieu  des  hau- 
teurs du  ciel  sur  l'autel  du  sacrifice,  de  l'autre  retire  les  âmes  de  l'abîme 
du  péché  pour  les  faire  communier  à  la  divine  Victime  qu'il  a  immolée, 
et  les  réunir  au  Dieu  qui  fait  ses  délices  d'être  avec  les  enfants  des 
hommes.  Effet  merveilleux  de  cette  féconde  parole  :  "  Faites  ceci  "  !  par 
sa  vertu,  le  Cénacle  s'agrandissait,  prenait  des  proportions  immenses  et 
englobait  le  monde  entier;  chaque  jour  allait  désormais  être  un  autre 
Jeudi  Saint,  et  le  Christ,  notre  Pâque,  serait  sans  cesse  sous  nos  yeux. 
C'était  la  réalisation  de  la  grande  prophétie  de  David  :  *'  Le  Seigneur  l'a 
juré,  il  ne  s'en  repentira  pas  :  tu  es  prêtre  pour  toujours  selon  l'ordre 
de  Melchisédech  "  (3).  Non,  ce  n'est  pas  seulement  au  Cénacle  que  Jésus 
devait,  à  la  manière  du  roi  de  Salem,  offrir  le  pain  et  le  vin  ;  à  la  droite 
de  son  Père,  il  devait  continuer  à  les  offrir  jusqu'à  la  fin  des  siècles  par 
le  ministère  de  ses  prêtres,  ses  représentants.  Et  ainsi  se  trouvait  encore 
accomplie  la  célèbre  prédiction  de  Malachie:  "Je  ne  prends  aucun 
plaisir  en  vous,  dit  le  Seigneur  des  armées,  et  je  n'agrée  aucune  offrande 
de  votre  main,  car,  du  levant  au  couchant,  mon  nom  est  grand  parmi 
les  nations,  et  en  tout  lieu  on  offre  en  sacrifice  à  mon  nom  une  oblation 
pure"  (4).  Tout  en  prophétisant  manifestement  le  sacrifice  de  nos 
autels,  ces  paroles  annoncent  le  signal  de  la  fin  de  tous  les  sacrifices  de 
l'ancienne  loi.  Le  grand  sacrifice  une  fois  institué,  ils  étaient  devenus 
inutiles  (5)  ;  incapables  de  justifier  l'homme,  ils  cédaient  la  place  au 
sacrifice  de  l'Auguste  Victime  dont  une  seule  goutte  de  sang  suffisait 
pour  effacer  les  péchés  de  mille  mondes.  La  ruine  des  sacrifices  anciens 
entraînait  évidemment  aussi  celle  du  sacerdoce  selon  l'ordre  d'Aaron, 
qui  était  remplacé  par  le  sacerdoce  selon  l'ordre  de  Melchisédech. 
Enfin,  comme  le  remarque  saint  Paul  (6),  le  sacerdoce  lévitique  étant 
abrogé,  la  loi  ancienne  devait  l'être  également;  à  la  loi  de  crainte 
succédait  la  loi  de  grâce  et  d'amour.  Ce  n'étaient  plus  seulement,  comme 
sous  l'ancienne  loi,  des  récompenses  matérielles  et  passagères  qui  étaient 
offertes  à  nos  désirs;  les  biens  célestes  qui  avaient  été  jusqu'alors  laissés 


(1)  Luc.  XXII.  li);  I  (or.,  XI.  24-25. 

(2)  I  Cor..  XI,  26. 

(3)  Ps.  119.  4. 

(4)  Mal.,  I.  10-11. 

(5)  Héb.,  VU,   18. 

(6)  Héb.,  VU,   12. 


—  455  — 

dans  la  pénombre,  apparurent  radieux  à  nos  yeux  ;  une  perspective  éter- 
nelle et  infinie  s'ouvrait  devant  nous  ;  la  gloire  et  le  bonheur  qui  font  la 
vie  essentielle  de  Dieu  lui-même  devaient  être  le  prix  de  notre  fidélité. 
"  Celui  qui  mange  ma  chair  et  boit  mon  sang  a  la  vie  éternelle.''  nous 
dit  le  Sauveur(l).  C'est  précisément  cette  nouvelle  alliance  de  l'homme 
avec  Dieu  que  Jésus  nous  annonce  au  moment  de  la  consécration  du  vin  : 
"  Ceci,  c'est  mon  sang,  le  sang  de  la  nouvelle  alliance,"  ou,  "  du  Nouveau 
Testament,"  Tout  en  l'inaugurant,  pour  nous  montrer  combien  elle 
était  glorieuse  pour  nous,  il  nous  l'ait  remarquer  ce  qu'elle  devait  lui 
coûter:  c'était  une  alliance  testamentaire,  qui  devait,  par  conséquent, 
être  confirmée  par  sa  propre  mort  (2),  et  ce  n'est  que  par  son  sang  que 
nous  pourrions  entrer  en  possession  de  notre  céleste  héritage.  Et  voilà 
pourquoi  l'ancien  Testament,  figure  du  nouveau,  avait  été.  lui  aussi,  con- 
sacré et  scellé  par  le  sang  des  victimes  qui  représentaient  le  Christ. 
Moïse,  prenant  ce  sang,  en  avait  aspergé  tout  le  peuple,  en  disant: 
"  C'est  le  sang  du  Testament  que  le  Seigneur  fait  à  votre  avantage  (3)," 
et  grâce  à  cette  sorte  de  communion  au  sang  de  l'antique  alliance,  les 
Hébreux  purent  entrer  dans  la  terre  promise,  au  pays  oii,  "  coulaient  le 
lait  et  le  miel.".  Si  les  avantages  dont  jouirent  les  Hébreux  par  la 
vertu  de  ce  sang  étaient  déjà  si  désirables,  quelle  doit  être  la  grandeur 
de  ceux  qui  sont  attachés  à  la  participation  au  sang  de  la  nouvelle 
alliance?  A  coup  sûr,  il  y  a  autant  de  différence  entre  les  uns  et  les 
autres,  qu'il  y  en  a  entre  le  sang  de  vils  animaux  et  le  sang  très  précieux 
d'un  Dieu, 

L'immolation  de  l'agneau  eucharistique,  au  Cénacle,  fut  donc  l'an- 
nonce d'un  nouvel  ordre  de  choses.  Aux  figures  anciennes  succédait  la 
réalité  ;  aux  ombres,  la  vérité  ;  aux  ténèbres,  la  lumière  (4)  ;  une  nou- 
velle ère  se  levait  sur  nous  ;  un  monde  nouveau  commençait.  Au  moment 
de  quitter  cette  terre,  qui  allait  le  faire  mourir,  Jésus  se  constituait  son 
hôte  pour  toujours  comme  la  source  de  la  vie  (5).  C'était  sa  revanche. 
Il  se  mettait  au  milieu  de  nous  comme  notre  pain  quotidien,  comme  la 
nourriture  de  nos  âmes,  comme  le  principe  de  la  lumière,  de  la  force,  de 
la  liberté  du  progrès,  de  la  grandeur  et  de  toute  vraie  civilisation, 
comme  la  puissance  génératrice  de  l'union  et  de  la  paix  entre  tous  les 
hommes  et  de  tous  les  généreux  dévouements,  comme  le  salut  et  le  bon- 
heur des  individus  et  des  nations,  en  un  mot,  selon  sa  propre  parole, 
comme  la  vie  de  ce  pauvre  monde  qui  tombait  de  toutes  part?  on  décom- 
position et  allait  s'abîmer  dans  le  gouffre  du  vice  et  de  la  misère. 

Et  avec  quelle  simplicité,  avec  quelle  absence  de  faste  et  d'ostentation 
toutes  ces  grandes  choses  furent   accomplies,  et   une   vie   nouvelle   était 


(1)  Jean.  M,  5,1. 

(2)  Héb..  IX.   16. 

(3)  Héb..  IX,  19-20. 

(4)  Vetustatem  novitas,  umbram  fugat  veritas,  noctom  hix  rliniinat    (  Laiida 
Sion). 

(5)  Jean,  VI,  51. 


—  456  — 

inoculée  à  rimmanité  !  Qui  aurait  jamais  soupçonné  que  le  rite  des 
temps  nouveaux,  autour  duquel  gravitent  tous  les  événements  de  l'his- 
toire, qui  avait  été  annoncé  et  figuré  depuis  le  commencement  des  temps, 
et  qui  devait  être  renouvelé  sur  nos  autels  jusqu'au  jour  du  jugement, 
qui  aurait  jamais  soupçonné,  dis-je,  qu'il  dût  être  institué  dans  de  pa- 
reilles conditions,  à  l'insu  du  monde,  dans  une  chambre  inconnue,  en 
présence  de  quelques  pauvres  paysans,  et  par  quelques  paroles  si  simples  ? 
Assurément,  les  voies  de  Dieu  ne  ressemblent  pas  à  celles  des 
hommes  (1),  et,  comme  le  disait  le  Sauveur  lui-même,  "  le  royaume  de 
Dieu  ne  vient  pas  en  frappant  les  regards  (2)." 

La  Pâque  nouvelle  étant  instituée,  une  dernière  coupe  (la  4®  sans 
doute)  fit  le  tour  de  l'assemblée.  Après  y  avoir  trempé  ses  lèvres,  Jésus 
dit  à  ses  disciples  :  "  Je  vous  le  dis,  je  ne  boirai  plus  désormais  de  ce 
fruit  de  la  vigne  jusqu'à  ce  jour  où  je  le  boirai  tout  nouveau  avec  vous 
dans  le  royaume  de  mon  Père  (3).  Le  Sauveur,  qui  avait  déjà  prédit 
plus  d'une  fois  aux  siens  l'imminence  de  sa  mort,  leur  annonce  de  nou- 
veau qu'il  ne  s'assiéra  plus  à  table  avec  eux,  et  leur  laisse  entendre 
qu'ayant  pourvu  à  sa  présence  permanente  au  milieu  des  hommes,  il  ne 
lui  reste  plus  qu'à  mourir  et  qu'à  consommer  son  sacrifice.  Il  tenait  à 
imprimer  fortement  dans  l'esprit  de  ses  apôtres  la  persuasion  que,  s'il 
allait  mourir,  il  le  savait  et  le  voulait;  mais,  pour  adoucir  la  grande 
peine  que  devait  naturellement  leur  causer  cette  séparation  violente,  il 
ne  la  leur  montre,  en  quelque  sorte,  qu'à  travers  la  gloire  dont  elle  doit 
être  le  principe  pour  eux  comme  pour  lui.  Ce  vin,  qu'il  vient  de 
goûter  pour  la  dernière  fois  avec  eux,  n'est  que  l'image  de  ce  "  calice 
enivrant  (4),"  dont  ils  s'abreuveront  ensemble  au  ciel  :  ils  ne  seront 
séparés  que  pour  peu  de  temps;  bientôt  ils  vont  se  retrouver  ensemble 
pour  toujours  chez  son  Père,  où  ils  seront  "  enivrés  de  l'abondance  de  sa 
maison  et  abreuvés  du  torrent  de  sa  volupté  (5)."  Et  c'est  ainsi  que  le 
Seigneur  Jésus,  dans  cette  soirée  à  jamais  mémorable  de  la  veille  de  sa 
mort,  après  avoir  abrogé  la  Pâque  ancienne  et  institué  la  Pâque  nouvelle, 
dont  l'autre  était  la  figure,  et  qui  en  sort,  pour  ainsi  dire,  comme  le  fruit 
sort  de  la  fleur,  nous  montre,  en  quelque  sorte,  de  la  main,  la  Pâque 
éternelle,  qui  est  figurée  elle-même  par  le  banquet  eucharistique   (6), 


(1)  Cf.  Isai€,  LV.  8-9. 

(2)  Luc.  XVII.  20. 

(3)  Matt.,  XXVI,  29.  Quelques  interprètes  oiit  entendu  par  "le  fruit  de  la 
vigne  ",  dont  il  est  ici  question,  le  sang  même  de  Jésus-Christ,  mais  à  tort,  sem- 
ble-t-il,  parce  que  "dans  le  royaume  de  son  Père",  c'est-à-dire  au  ciel  (ces  deux 
mots  sont  toujours  synonymes  dans  l'Ecriture),  Jésus  ne  devait  boire  son  sang 
ni  en  réalité  ni  par  métaphore.  D'ailleurs,  il  dit  :  "Je  ne  boirai  plus";  or, 
quoi  qu'en  pensent  certains  auteurs,  il  est  peu  probable  qu'il  ait  communié  k  la 
Cène  :  dan?  le  récit  de  l'institution  de  l'P^ucharistie,  il  n'est  fait  aucune  allusion 
à  la  participation  du  Sauveur  à  son  corps  et  à  son  sang;  au  reste,  on  ne  s'unit 
pas  il  soi-même.   (Cf.  Maldonat,  h.  1.  et  Knabcnbauer,  h.  1.). 

(4)  Ps.  XXII,  5. 

(5)  Ps.  XXXV,  9. 

(6)  Voir  la  post-communion  de  la  messe  du  S.  Sacrement. 


La  procession.  • —  Arc  dea  Fraiico-Aiii<?ricuiud. 
The  Procession.  —  Arcli  of  tlie  Franco- Aniericans. 


—  457  — 

dont  elle  est  le  plein  épanouissement.  "  Bienheureux  ceux  qui  sont 
appelés  à  ce  grand  festin  des  noces  de  l'agneau  (1)/'  où,  selon  les  termes 
du  Concile  de  Trente,  "  nous  mangerons  sans  voile  le  même  pain  des 
anges  qui  nous  est  offert  maintenant  sous  les  voiles  sacrés  (2)/'  où  l'es- 
sence divine  s'unira  pour  toujours  à  notre  esprit  directement  et  sans 
intermédiaire,  où  sera  enfin  réalisé  pleinement  le  vœu  que  le  Seigneur 
adressait  à  son  Père  après  la  Cène  :  "  Que  tous  soient  un,  comme  vous, 
mon  Père,  vous  êtes  en  moi,  et  moi  en  vous;  qu'eux  aussi  soient  un  en 
nous  (3)/' 

Le  double  festin  pascal  était  terminé.  L'hymne  d'action  de  grâces 
monta  vers  le  ciel.  Certes,  jamais  Hallel  n'avait  été  mieux  à  sa  place; 
jamais  non  plus  il  n'avait  envoyé  vers  le  trône  de  Dieu  un  si  doux  par- 
fum. Cet  hymne  de  reconnaissance  devait  avoir  un  écho  jusqu'à  la  fin 
des  temps  sous  les  voûtes  de  ces  monuments  magnifiques  que  l'Eglise  a 
bâtis  pour  couvrir  de  gloire  et  d'amour  le  grand  Dieu  qui  s'est  humilié 
et  nous  a  aimés,  nous,  ses  pauvres  petites  créatures,  jusqu'à  se  faire 
notre  Pain. 

Vœu  et  conclusion  : 


De  ce  travail  scriptural  sur  la  dernière  Cène,  qu'il  me  soit  permis  de 
dégager  deux  conclusions  pratiques,  dont  l'une  est  relative  à  l'Ecriture 
Sainte  et  l'autre  à  la  Sainte  Eucharistie.  L'Ecriture  et  l'Eucharistie 
nous  offrent  l'une  et  l'autre  le  même  Verbe  divin  caché,  soit  sous  l'écorce 
des  Lettres  Sacrées,  soit  sous  les  voiles  sacramentels.  C'est  la  double 
nourriture  que  notre  Dieu  dans  sa  magnificence  a  préparée  pour  l'esprit 
et  le  cœur  de  ses  enfants;  c'est  la  seule  qui  soit  proportionnée  à  la  gran- 
deur immense  de  la  vie  chrétienne.  —  Je  propose  donc  le  vœu  que  nous 
ayons  à  cœur  de  communier  chaque  jour,  autant  que  possible,  non  seu- 
lement au  corps  sacré  du  Christ  sous  les  espèces  du  Sacrement,  mais 
encore  au  Verbe  divin  dans  l'Ecriture  et  spécialement  dans  l'Evangile, 
qui  en  est  comme  la  moelle. 


L'assistance  ratifie  ces  paroles  persuasives,  et  écoute  en- 
suite le  R.  P.  ^yu(^hrr,  des  Pères  de  la  Miséricorde,  de  New- 
York,  qui  vient  donner  lecture  d'un  mémoire  à  lui  envoyé, 
pour  être  présenté  an  Coni^rès,  par  Monscifjnrur  Zorn  de 
Bulaeh,  évêque  auxiliaire  de  Strasbourg. 


(1)  Apoc.  XIX.  0  et.  17. 

(2)  Session  XIII,  C  VIII. 

(3)  Jean.  XVII,  21. 


—  45S  — 
LA  PRIERE  EUCHARISTIQUE 

POUR  LE 
RETOUR  DE  NOS  FRERES  SEPARES 


Je  vois,  mais  je  ue  puis  pas  !  Tels  sont  les  mots  par  lesquels  le  Comte 
Frédéric  Léopold  de  Stolberg  avouait  sa  faiblesse  à  son  ami  et  à  son 
guide,  le  saint  prêtre  Overberg,  dont  il  avait  fait  la  connaissance  à 
Munster,  chez  la  célèbre  Princesse  Gallitzin,  et  qu'il  avait  prié  de  lui 
enseigner  les  vérités  de  la  foi  catholique. 

"  Je  vois,  mais  je  ne  puis  pas  !"  Quel  pénible,  quel  douloureux,  quel 
angoissant  combat!  Overberg,  plein  de  commisération  pour  cet  état, 
non  seulement  douloureux,  mais  aussi  dangereux  —  car  il  ne  faut  point 
laisser  passer  l'heure  de  la  grâce  —  Overberg  eut  recours  à  la  prière. 
Catéchiste  infatigable,  il  faisait  ses  délices  d'instruire  les  petits  enfants. 
Sachant  combien  sont  agréables  au  Cœur  de  Jésus  les  supplications  de 
ces  jeunes  âmes  innocentes,  il  leur  demanda  de  prier  à  ses  intentions. 
Ils  commencèrent  avec  ardeur,  mais  après  quelque  temps  —  Dieu  ne  les 
avait  pas  tout  de  suite  exaucés  —  ils  trahirent  une  certaine  lassitude. 
"  IST'avez-vous  pas  encore  obtenu  le  grâce  désirée?"  demandèrent-ils 
naïvement  à  leur  maître.  "  Non,  mes  petits  enfants,  pas  encore,  con- 
tinuez"..., et  les  jeunes  intercesseurs  de  se  remettre  à  prier  avec  un 
nouvel  entrain. 

Au  bout  de  six  semaines  environ,  Overberg  vit  entrer  chez  lui  le  Comte 
de  Stolberg  qui,  rayonnant  de  joie,  lui  dit  :  "  Maintenant  je  puis  !  " 

La  grâce  décisive,  la  grâce  efficace  avait  été  obtenue,  arrachée  par  la 
prière  humble,  confiante  et  persévérante.  La  prière,  vous  le  voyez,  est 
une  grande  force;  oui,  elle  est  une  force  irrésistible.  ISTous  voulons  donc 
vous  parler  de  la  prière  pour  le  retour  de  nos  frères  séparés  et  vous 
montrer  ensuite  comment  le  feu  de  l'apostolat  de  la  prière  à  cette  inten- 
tion peut  être  attisé  par  la  dévotion  au  Très  Saint-Sacrement  de  l'autel. 

Tous  ceux  auxquels  il  a  été  donné  de  travailler,  comme  instrument 
entre  les  mains  de  Dieu,  à  cette  œuvre  délicate  et  difficile  q.u'est  la  con- 
version à  la  vraie  foi.  ont  expérimenté  combien  sont  vraies  les  paroles 
de  saint  Augustin  :  "  L'enseignement  qui  vient  du  dehors  est  de  quelque 
utilité  et  sert  d'exhortation . . . ,  mais  c'est  le  maître  intérieur  qui  ins- 
truit, c'est  le  Christ  qui  instruit,  c'est  son  inspiration  qui  instruit;  là 
où  manquent  son  inspiration  et  son  onction,  nos  paroles  résonnent  en 
vain  au  dehors."  (In  Epistol.  Joannis  ad  Parthos  S.  Augustini  Trac- 
tatus  TIT.  Cap.  Il  num.  13.  S.  Augustini  opéra  omnia  edit.  Migne 
Tom.  III  pars  altéra,  pag.  2004). 

Si  dans  l'ordre  surnaturel  nous  ne  pouvons  rien  sans  la  grâce,  il  est 
clair  que  le  laborieux  travail  d'une  conversion  nécessite  le  secours  cons- 
tant de  la  grâce.     Il  y  a,  c'est  vrai,  des  conversions  en  quelque  sorte 


—  459  — 

instantanées,  car  rien  n'est  impossible  à  Dieu;  saint  Paul,  terrassé  sur 
le  chemin  de  Damas,  en  est  le  plus  frappant  exemple,  mais  généralement 
ceux  de  nos  frères  séparés  qu'un  premier  attrait  pousse  vers  l'Eglise 
catholique  sont  encore  loin  du  but,  car  nombreux  sont  les  obstacles  qui 
se  dressent  en  travers  du  chemin,  puissants  les  préjugés  qui  retiennent 
leur  volonté  iluctuante.  Mgr  Gay,  le  savant  Evèque  d^Vnthédon,  le 
grand  théologien  et  le  mystique  éclairé,  dit  dans  son  Traité  de  la  Foi  : 
"  C'est  un  fait  d'expérience  que  nul  ne  croit  qu'il  ne  veuille  bien  croire, 
et  quoique  la  foi  soit  spécialement  un  acte  de  l'intelligence,  elle  suppose 
à  sa  racine  un  acte  de  la  volonté,  et  toute  l'âme  y  doit  concourir.  Donc, 
pour  faire  un  acte  de  foi,  il  faut  à  l'homme  une  double  grâce;  Tune 
qui  épure,  éclaire,  élève,  dirige,  soutienne  et  fortifie  l'esprit;  l'autre  qui 
touche,  dégage  et  simplifie  le  cœur,  l'inclinant  à  recevoir  une  vérité  dont 
il  a  l'instinct  qu'une  obligation  morale  sort  toujours."  On  ne  saurait 
mieux  dire. 

Ce  double  travail  de  l'intelligence  et  de  la  volonté  est  parfois  bien 
long,  et  c'est  toujours  Dieu  qui,  quelquefois  après  de  longues  années  de 
recherches,  donne  la  grâce  décisive. 

Oui,  il  faut  bien  insister  sur  cette  vérité  dogmatique  que  la  vraie  foi 
est  un  don  de  Dieu.  Le  Concile  du  Vatican,  dans  sa  troisième  session, 
a  formellement  défini  cette  vérité  d'une  importance  capitale.  La  vraie 
foi  est  un  don  du  Seigneur,  elle  est  même  ici-bas  le  plus  grand  don  de 
Dieu,  parce  que,  je  me  plais  encore  à  citer  Mgr  Gay,  elle  est  le  matin  de 
la  gloire,  la  gloire  est  le  midi  de  la  foi. 

iST'est-il  donc  pas  naturel  que  nous  souhaitions  à  nos  frères  séparés  la 
grâce  si  précieuse  de  la  vérité  entière  et  que  nous  la  demandions  à  Dieu 
pour  eux  par  la  prière,  si  Dieu  dans  sa  miséricordieuse  bonté  accorde  vo- 
lontiers ses  dons,  surtout  ses  grâces  spirituelles  à  la  prière  humble,  con- 
fiante et  inspirée  par  la  charité? 

Lorsqu'on  a  le  bonheur  d'être  catholique,  lorsqu'on  sait  apprécier 
l'inestimable  trésor  de  la  vraie  foi,  avec  tous  les  secours  qu'elle  offre  et 
les  consolations  qu'elle  prodigue,  il  est  impossible  de  ne  pas  être  étreint 
par  une  profonde  tristesse,  à  la  pensée  que  des  millions  et  des  millions 
de  chrétiens  se  trouvent  en  dehors  du  bercail  de  Pierre.  Loin  de  nous 
la  pensée  de  les  condamner,  de  révoquer  en  doute  leur  bonne  foi  et  de 
les  contrister  !  Ce  n'est  pas  durant  un  Congrès  Eucharistique  qui  cé- 
lèbre les  gloires  du  Dieu  de  l'amour  infini,  que  nous  oserions  exprimer 
des  sentiments  autres  que  la  paix,  la  charité,  la  conciliation.  Nous 
surtout  qui,  vivant  dans  un  pays  mixte,  avons  parfois  l'occasion  de 
parler  intimement  à  des  frères  séparés  et,  nous  pouvons  le  dire,  de  nous 
édifier  même  de  leur  piété,  nous  ne  prenons  la  parole  aujourd'l)ui  que 
pour  exprimer  le  seul  regret,  nous  dirons  plus,  la  douleur  de  les  voir 
privés  des  moyens  de  la  grâce  qui  abondent  dans  notre  Eglise,  et  pour 
exprimer  en  même  temps  la  conviction  qu'avec  ces  moyens  ils  attein- 
draient plus  facilement  une  plus  baute  perfection. 

Non,  ce  n'est  point  une  présomption  pharisaïque  qui  nous  enfle,  en 
parlant  de  ceux  que  des  circonstances  indépendantes  de  leur  volonté  ont 
fait  naître   en   dehors  de   l'Eglise   catholique;   c'est    au    contraire   une 


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humble  confusion  qui  nous  saisit,  à  la  pensée  que  de  plus  grandes  grâces 
entraînent  une  plus  grande  responsabilité,  qu'un  compte  plus  rigoureux 
sera  demandé  à  ceux  qui  auront  plus  reçu  et  que,  hélas  !  beaucoup  de 
catholiques  ne  font  pas  honneur  à  leur  foi.  Mais  les  faiblesses,  les 
fautes,  conséquence  lamentable  de  l'humaine  misère,  ne  sauraient  être 
invoquées  comme  un  argument  contre  la  sainteté  de  l'Eglise  catholique 
et  les  splendeurs  de  la  vraie  foi.  Est-ce  la  source  pure  qu'il  faut  accuser, 
si  dans  l'eau  claire  qui  s'en  échappe  ceux  qui  viennent  y  boire,  mêlent 
quelque  chose  d'impur;  est-ce  au  soleil  qu'il  faut  s'en  prendre,  si  son 
éclat  est  obscurci  par  des  nuages  ?  Du  reste,  ce  n'est  point  le  moment 
de  nous  livrer  ici  à  de  longues  considérations  d'apologie.  C'est  de  l'unité 
de  croyances  qu'il  nous  tient  surtout  à  cœur  de  vous  entretenir.  Ceux 
qui  aiment  le  divin  Maître  aspirent  à  l'avènement,  à  l'extension  toujours 
plus  grande  de  son  règne.  Quand  on  aime  réellement  quelqu'un,  on 
partage  ses  sentiments;  or,  Jésus-Christ,  le  bon  Pasteur,  est  venu  pour 
que  ses  brebis  aient  la  vie  avec  abondance.  Mais  en  quoi  consiste  la 
vie?  Le  Sauveur  nous  le  dit:  "Or,  voici  la  vie  éternelle:  qu'ils  Vous 
connaissent  tous,  le  seul  Dieu  véritable,  et  Celui  que  Vous  avez  envoyé, 
Jésus-Christ."  (Joan.  17,  3.)  Jésus-Christ  désire  donc  que  toutes  les 
âmes  viennent  à  Lui  et  Le  connaissent:  "J'ai  d'autres  brebis  qui  ne 
sont  point  de  ce  bercail;  il  faut  aussi  que  je  les  amène  et  qu'elles  en- 
tendent ma  voix,  et  il  n'y  aura  qu'un  bercail  et  qu'un  pasteur."  (Joan. 
10,  16.) 

C'est  à  l'Eglise  du  Christ,  bâtie  sur  le  roc  de  Pierre,  que  revient  la 
mission  à  travers  les  siècles  de  répéter  cet  appel  plein  d'amour  qui  tomba 
des  lèvres  du  miséricordieux  Sauveur.  "'  Il  faut  aussi  que  je  les  amène." 
Que  de  fois  les  Pontifes  sucesseurs  de  saint  Pierre  n'ont-ils  pas  élevé  la 
voix,  avec  une  tendre  sollicitude,  pour  appeler  les  brebis  qui  se  tiennent 
en  dehors  du  bercail,  et  cela  surtout  depuis  le  schisme  de  Photius  et  de- 
puis la  grande  scission  du  XVIe  siècle?  Les  bornes  de  ce  discours  me 
forcent  à  être  bref.  Je  rappellerai  seulement  dans  le  cours  des  dernières 
années  l'émouvante  Encyclique  de  Léon  XIII  Prœclara  gratulationis, 
adressée  aux  princes  et  aux  peuples,  et  la  lettre  de  ISTotre  Saint-Père  le 
Pape  Pie  X  à  Son  Eminenoe  le  cardinal  Vincent  Vannutelli,  lors  du 
15e  centenaire  de  la  mort  de  saint  Jean  Chrysostôme,  centenaire  célébré 
avec  une  pompe  extraordinaire  dans  la  splendide  basilique  du  Prince 
des  apôtres.  Oui,  les  Pontifes  romains  n'ont  point  cessé  de  tendre  les 
bras  aux  chrétiens  dissidents  qui  ne  sont  pas  encore  complètement  leurs 
fils,  mais  que  leur  cœur  appelle  et  qu'ils  chérissent  sincèrement.  Car 
si  leur  mission  de  gardiens  suprêmes  de  la  vérité,  du  précieux  dépôt  de 
la  Foi,  les  oblige  à  la  conserver  intacte  et  radieuse,  ils  aiment  et  ne  ces- 
seront jamais  d'aimer  les  personnes  qui  ne  possèdent  pas  l'entière  vérité, 
et  leur  âme  est  pénétrée  des  sentiments  qui  remplissaient  l'apôtre  des 
nations,  lorsqu'il  écrivait  aux  Philippiens  :  "  Dieu  m'est  témoin  avec 
quelle  ardeur  j'aspire  à  vous  posséder  tous  dans  les  entrailles  de  Jésus- 
Christ  "  (ad  Phil.  I,  8).  Mais,  nous  l'avons  dit  plus  haut,  nombreuses 
sont  les  causes,  puissants  les  préjugés  qui  empêchent  nos  frères  séparés 
de  se  rendre  en  plus    grand  nombre  à   l'appel  incessant  des  vicaires  de 


—  461  — 

Jésus-Christ;  une  longue  et  pénible  expérience  est  là  pour  le  prouver. 
Néanmoins,  ce  qui  est  impossible  à  la  persuasion  humaine,  aux  indus- 
tries du  zèle  le  plus  ingénieux,  est  possible  à  Dieu.  Par  la  prière  nous 
disposons  des  forces  du  Dieu  tout-puissant:  ''Comme  sont  les  courants 
des  eaux,  ainsi  est  le  cœur  du  roi  dans  la  main  du  Seigneur;  de  quelque 
côté  qu'il  veut,  Il  le  fera  tourner,"  est-il  dit  au  Livre  des  Proverbes 
(Prov.  21,  1)  ;  par  la  prière  nous  pénétrons  dans  les  profondeurs  et  les 
replis  les  plus  cachés  des  âmes,  car  Dieu  est  présent  et  agit  dans  les 
âmes  et  sur  les  âmes,  n'est-ce  pas  en  Lui  que  nous  avons  la  vie  et  le 
mouvement  et  l'être?  (Act.  apost.  17,  28). 

Il  connaissait  bien  la  valeur  de  la  prière,  le  grand  saint  Paul,  ce  géant 
parmi  les  apôtres,  car,  dans  ses  épîtres,  il  ne  cessait  de  recommander 
son  apostolat  aux  fidèles  :  "  Priez  pour  moi,  afin  que  la  parole  de  Dieu 
se  propage  et  qu'elle  soit  glorifiée,  comme  parmi  vous,"  dit-il  aux  Thes- 
saloniens  (II  Thess.  3,  1).  Dans  sa  première  épître  à  Timothée  (1. 
Tim,  II,  1-4)  il  "conjure  avant  toutes  choses  qu'on  prie  pour  tous  les 
hommes,  car  cela  est  bon  et  agréable  devant  Dieu  notre  Sauveur,  qui 
veut  que  tous  les  hommes  soient  sauvés  et  viennent  à  la  connaissance  de 
la  vérité."  Il  appréciait  aussi  la  valeur  de  la  prière,  saint  Jacques  le 
Mineur,  qui  écrit  dans  son  épître  :  "  Priez  les  uns  pour  les  autres,  afin 
que  vous  soyez  sauvés,  car  la  prière  persévérante  du  juste  peut  beau- 
coup." (Jac.  V,  16.) 

C'est  cette  vérité  dont  on  ne  saurait  assez  rappeler  l'importance  ca- 
pitale, qui  remplit  la  vie  du  saint  et  humble  religieux  que  fut  le  Père 
Ignace  de  saint  Paul.  Il  s'appelait  dans  le  monde  Georges  Spencer  et 
appartenait  à  une  noble  et  influente  famille  anglaise.  Ministre  an- 
glican, il  se  convertit  au  catholicisme,  devint  prêtre,  puis  passioniste  et 
consacra  toute  sa  vie  à  la  prédication  d'une  croisade  de  prières  pour  le 
retour  de  l'Angleterre  à  l'unité  catholique.  "  Tout  par  la  prière  et  rien 
sans  elle,"  telle  était  sa  devise. 

Dans  un  très  intéressant  ouvrage  intitulé  Le  Réveil  du  catholicisme 
en  Angleterre  au  XIX  siècle,  monsieur  l'abbé  J.  Guibert  constate  fort 
justement  que  cette  prière  eut  les  résultats  les  plus  consolants  :  "  Voici, 
en  effet,  dit-il,  de  merveilleuses  coïncidences  :  C'est  en  1832  que  Georges 
Spencer,  à  Rome,  organise  la  première  association  de  prières,  et  c'est 
l'année  suivante,  en  1833,  que  commence  l'ère  si  lumineuse  et  consolante 
du  mouvement  d'Oxford.  Et  tandis  que  l'effort  de  prières  atteint  son 
apogée  et  que  toutes  les  nations  catholiques,  émues  des  brûlants  appels 
de  Spencer,  intercèdent  pour  la  conversion  de  la  race  anglo-saxonne,  on 
assiste  au  même  moment  au  retour  des  plus  illustres  docteurs,  les  New- 
man,  les  Faber,  les  Manning,  et  on  voit  se  dessiner  même  dans  le  peuple 
un  ébranlement  qui  amène  des  milliers  d'hommes,  chaque  année,  au  ca- 
tholicisme romain." 

Léon  XIII,  frappé  de  cette  coïncidence,  créa  en  1897  l'archiconfrérie 
de  IS'otre-Dame  de  Compassion.  Si  celle-ci  a  pour  but  la  conversion  des 
Anglicans,  l'archiconfrérie  de  Notre-Dame  de  l'Assomption  a  pour  objet 
celle  de  l'Orient.  Madame  de  Massow,  née  Julie  de  Belir,  d'une  ancienne 
famille  de  la  Poniéranie.  avait,  pendant  qu'elle  était  encore  protestante, 


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eu  la  généreuse  et  apostolique  pensée  de  fonder  pour  l'union  de  tous  les 
chrétiens  l'Union  Psalmodique  et  l'association  de  prières  "  Ut  omnes 
unum."  Ces  deux  œuvres  furent  approuvées  par  Léon  XIII  en  1887, 
après  que  cette  femme  d'élite  fut  rentrée  dans  le  giron  de  l'Eglise  catho- 
lique. 

Signalons  encore  l'apostolat  de  la  prière  et  la  Congrégation  de  Notre- 
Dame  de  Sion,  qui  a  pour  but  premier  la  conversion  des  enfants  d'Israël. 

Il  ne  manque  donc  pas  de  foyers  d'où  la  prière  s'élève  déjà  vers  Dieu 
pour  la  réalisation  de  cette  union  sainte  qui,  on  peut  le  dire,  changerait 
la  face  de  la  terre.  Que  de  forces  dépensées,  d'une  part,  pour  l'attaque, 
de  l'autre,  pour  la  riposte,  pourraient  être  employées  à  une  plus  noble 
tâche,  celle  de  rivaliser  d'amour  de  Dieu  entre  frères  d'une  seule  famille 
religieuse,  celle  de  rivaliser  d'ardeur  au  service  de  l'Eglise  du  Christ,  entre 
fils  d'une  même  mère  également  aimée  !  Nous  le  répétons,  il  ne  manque 
pas  de  foyers  où  brûle  déjà  le  feu  de  l'apostolat  de  la  prière  pour  l'union, 
mais  ce  feu,  nous  semble-t-il,  ne  saurait  être  assez  vif,  assez  intense,  et 
nous  voici  amené  à  exprimer  un  désir  bien  simple,  mais  qui,  s'il  était 
exaucé,  aurait,  nous  en  avons  la  douce  confiance,  les  plus  consolants  ré- 
sultats. Ce  désir  le  voici  :  Les  membres  des  différentes  archiconf réries 
qui  existent  déjà  pour  préparer  le  retour  de  nos  frères  séparés,  les 
membres  aussi  de  l'Archiconfrérie  du  Cœur  Eucharistique  de  Jésus,  dont 
le  nombre  dépasse  déjà  un  demi-million,  toute  cette  pieuse  phalange,  en 
un  mot,  ne  serait-elle  pas  bien  inspirée  de  choisir  le  moment  de  la  sainte 
communion  pour  obtenir  de  l'Hôte  divin,  d'abord  la  grâce  de  l'union 
entre  tous  les  chrétiens,  puis  la  grâce  de  la  conversion  de  tous  les  mor- 
tels ?  Il  n'existe  pas  de  bornes  pour  la  charité.  Jésus-Christ  n'est-Il  pas 
mort  pour  tous  les  hommes?  Saint  Jean,  le  disciple  de  l'amour,  tire  les 
conséquences  de  cette  charité  infinie,  lorsqu'il  dit  dans  sa  première 
épître  :  "  Mes  bien-aimés,  si  Dieu  nous  a  aimés  de  cette  sorte,  nous  aussi 
nous  devons  nous  aimer  les  uns  les  autres."  (I  Joan.  4,  11.)  Personne 
n'est  donc  exclu  de  nos  prières,  mais  ceux  qui  sont  déjà  chrétiens  nous 
touchant  de  plus  près,  il  est  naturel  que  notre  prière  aille  d'abord  à  eux. 

Le  moment  de  la  sainte  communion  nous  paraît  d'autant  plus  pro- 
pice pour  obtenir  du  Divin  Cœur  le  retour  de  nos  frères  que  Jésus- 
Christ,  le  soir  même  où  II  institua  l'adorable  Eucharistie,  adressa  à  son 
Père  l'émouvante  prière  que  l'évangéliste  saint  Jean  nous  rapporte  au 
chapitre  XVII  et  dans  laquelle  nous  relevons  spécialement  ces  mots: 
''  Je  ne  prie  pas  pour  eux  seulement,  mais  encore  pour  ceux  qui  doivent 
croire  en  moi  par  leurs  paroles,  afin  que  tous  ils  soient  un,  comme  Vous, 
mon  Père,  en  moi,  et  moi  en  Vous  ;  qu'ils  soient  de  même  un  en  nous, 
afin  que  le  monde  croie  que  Vous  m'avez  envoyé."  (Joan.  XVII, -20- 
21.)  La  prière  pour  l'unité  dans  la  foi  doit  donc  être  particulièrement 
agréable  au  Cœur  du  divin  Maître,  puisque  c'est  sa  propre  prière.  Oui, 
quand  Jésus-Christ  demeure  en  nous,  et  que  nous  demeurons  en  Lui, 
quand  nous  goiitons  l'ineffable  bonheur  de  Lui  parler  cœur  à  cœur,  de 
nous  sentir  embrasés  du  feu  de  son  amour,  comme  jadis  les  disciples 
d'Emmaiis,  c'est  le  moment  ou  jamais  do  Lui  recommander  nos  frères 
séparés,  de  le  supplier  de  les  ramener  dans  le  sein  de  TEglise-Mère,  car 


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plus  notre  ferveur  est  grande,  et  plus  nous  pouvons  espérer  d'être  exaucé 
Je  n  aurai  pas  la  hardiesse  de  proposer  pour  cet  intime  colloque  de  l'âme 
avec  Jesus-Christ  une  formule  spéciale,  mais  je  ne  puis  résister  au  désir 
de  vous  citer  quelques  paroles  d'une  sublime  prière  de  la  Eévérende  Mère 
Marie  de  1  Incarnation,  dont  la  mémoire  est  encore  vénérée  au  Canada 
La  sainte  religieuse  invoque  d'abord  le  Père  éternel:  "Je  veux  par  ce 
divm  Cœur  satisfaire  au  devoir  de  tous  les  mortels.  Je  fais  en  pensée 
le  tour  du  monde  pour  chercher  toutes  les  âmes  rachetées  du  san^  très 
précieux  de  mon  divin  Epoux,  afin  de  vous  satisfaire  pour  toutes  par  ce 
divin  Cœur.  Je  les  embrasse  pour  vous  les  présenter  par  Lui,  et  par 
Lui  ]e  vous  demande  leur  conversion."  Puis  s'adressant  à  Jésus-Christ, 
elle  dit:  1  ous  savez,  ô  Yerbe  incarné,  Jésus  mon  bien-aimé.  tout  ce 
que  je  veux  dire  à  votre  Père  par  votre  divin  Cœur  et  par  votre  sainte 
ame.  Je  vous  le  dis  en  le  Lui  disant,  parce  que  vous  êtes  dans  votre  Père 
et  que  votre  Père  est  en  vous,  faites  donc  tout  cela  avec  Lui.  Je  vous 
présente  toutes  ces  âmes,  faites  qu'elles  soient  une  même  chose  avec 
vous. 

Après  la  sainte  communion,  qui,  constituant  l'union  la  plus  étroite 
possible  de  l'âme  avec  Jésus-Christ,  est  par  excellence  l'heure  de  la  grâce, 
le  saint  sacrifice  de  la  messe  et  la  visite  au  Très  Saint-Sacrement  sont 
aussi  des  moments  favorables  pour  supplier  le  Dieu  de  l'Eucharistie  de 
hâter  l'heure  bénie  où  il  n'y  aura  qu'un  bercail  et  qu'un  pasteur. 

Les  Congrès  eucharistiques  font  le  tour  du  monde.  Depuis  des  an- 
nées, ils  se  transportent  de  pays  en  pays,  de  continent  en  continent.  S'il 
plaît  à  Dieu,  ils  ne  cesseront  pas  de  faire  le  tour  du  monde.  Quel  puis- 
sant moyen  de  répandre  dans  les  masses  profondes  du  peuple  catholique, 
avec  un  amour  toujours  plus  ardent  pour  le  Dieu  de  l'Eucharistie,  un 
désir  toujours  plus  pressant,  toujours  plus  impérieux  de  voir  s'accomplir 
cette  union  qui  répond  si  bien  aux  aspirations  du  bon  Pasteur! 

Nous  disons  les  masses  profondes  du  peuple  catholique  tout  entier,  car 
il  renferme  en  grand  nombre  des  âmes  ferventes  qui  ont  à  cœur  la  gloire 
de  Dieu  et  l'avènement  de  son  règne.  Parmi  les  humbles,  les  ignorés 
de  ce  monde,  je  ne  dirai  pas  les  petits,  car  chaque  chrétien  est  un  fils 
du  Eoi  éternel,  combien  n'y  a-t-il  pas  de  pieux  et  de  puissants  interces- 
seurs, parce  qu'ils  sont  humbles  et  s'ignorent  eux-mêmes? 

Nous  comptons  en  dernier  lieu  sur  le  concours  des  enfants  et 
des  petits  enfants,  dont  l'intervention  a  tant  de  prix  aux  yeux  de  Celui 
qui  a  dit  :  "  Laissez  venir  à  moi  les  petits  enfants."  (Marc.  10,  14.) 

Le  jour  où  la  prière  pour  le  retour  de  nos  frères  séparés  aura  pénétré 
dans  les  masses  du  peuple  catholique,  où  cette  prière  générale,  ardente, 
persévérante,  enveloppera  la  terre  comme  un  courant  magnétique,  afin 
d'attirer  dans  le  sein  de  l'Eglise-Mère  ceux  qui  résistent  encore  aux 
appels  réitérés  de  l'Epouse  mysticiue  du  Christ,  ce  jour-là  le  retour  sera 
proche,  car  plus  les  fidèles  comprendront  l'importance  de  ce  retour,  et 
plus  aussi  ils  seront  portés  à  s'imposer  des  sacrifices  pour  nos  missions; 
en  effet,  la  prière  seule  ne  suffit  pas.  Les  moyens  liumains  ne  doivent 
pas  être  négligés  ;  bien  au  contraire,  ils  doivent  être  judicieusement 
choisis  et  activement  employés.     A  l'encens  de  la  prière  il  faut  que  se 


—  464  — 

joignent  les  industries  d'un  zèle  éclairé  et  Taumône  :  l'or  du  riche, 
comme  le  denier  de  la  veuve,  l'aumône  qui  attire  les  bénédictions  du 
Très-Haut.  Oui,  si  nous  prions  avec  ferveur,  si  nous  donnons  avec  gé- 
nérosité, ce  retour,  qui  pourrait  paraître  une  utopie  aux  découragés, 
s'accomplira  !  Nous  ne  le  verrons  pas  nous-mêmes,  mais  nous  l'aurons 
préparé  et  nous  aurons  la  consolation  d'avoir  contribué,  dans  la  mesure 
de  nos  forces,  à  réaliser  la  parole  brûlante  du  divin  Sauveur  :  "  Je  suis 
venu  jeter  le  feu  sur  la  terre  et  que  désiré-je,  sinon  qu'il  s'allume  "  ? 

Résolution. 

Le  XXIe  Congrès  Eucharistique  engage  tout  d'ahord  les  prêtres,  reli- 
gieux et  religieuses,  ensuite  tous  les  fidèles  à  s'adresser  au  Dieu  de  l'Eu- 
charistie pour  obtenir  de  Lui  la  rentrée  et  l'union  de  tous  nos  frères  sé- 
parés dans  le  bercail  de  Pierre. 


ARTICLE    III 

SEANCES  DU  SAMEDI,  lo  septembre. 


§  1°  A  VUniversité  Laval. 

Les  deux  séances  générales  de  ce  jour,  particulièrement  la 
première,  devaient  être  consacrées  aux  diverses  Œuvf'es  eucha- 
ristiques. C'était,  pour  ainsi  dire  la  journée  des  Œuvres.  Ce 
même  cachet  distingua  aussi  la  séance  sacerdotale  de  ce  jour. 


La  séance  de  l'Université  Laval  est  présidée,  à  défaut  de 
Monseigneur  Lorrain,  Evêque  de  Pembroke,  qui  s'était  fait 
excuser,  par  M.  l'abbé  Bouquerel,  Secrétaire  du  Comité  per- 
manent des  Congrès. 


* 
*  * 


Le  R.   P.   Rouleau,   des   Dominicains   d'Ottawa,   ouvre   la 
séance,  avec  un  rapport  historique  et  pratique  sur  : 

"  LES  CONFRERIES  DU  TRES  SAINT-SACREMENT  " 


I.  —  Historique 

L'oubli  de  Dieu  a  pesé  lourdement  sur  le  monde  ancien,  et  l'a  préci- 
pité dans  un  abîme  d'infamie,  d'injustice  et  d'impiété.  Pour  arracher 
les   hommes   à   ces   voies   coupables   et   orienter  vers   le  Seigneur  leurs 


—  465  — 

pensées,  trop  longtemps  détournées  de  lui,  le  Christ  Jésus  institua,  dans 
son  amour  l'adorable  Sacrement  de  l'Eucharistie  :  "  Faites  ceci  en  mé- 
moire de  moi,''  disait-il  aux  apôtres,  témoins  ravis  de  la  première 
consécration. 

Ainsi,  opposer  la  mémoire  du  Sauveur  à  l'oubli  de  Dieu,  et  par  ce 
moyen  remédier  au  plus  criminel  des  abandons,  telle  fut  la  fin  première 
de  l'institution  du  vénérable  sacrement  de  l'autel  :  recolitur  memoria 
passionis  ejus." 

Ce  remède,  créé  par  l'amour  rédempteur,  fut-il  efficace?  —  L'Histoire 
est  là  pour  relater  les  alternatives  de  ferveur  et  de  délaissement  de  l'hu- 
manité. Pour  un  trop  grand  nombre  d'âmes,  le  Dieu  caché  fut  un 
Dieu  méconnu;  on  en  vint  jusqu'à  nier  sa  présence  dans  l'hostie  con- 
sacrée. 

C'est  alors  que  saint  Bruno  et  ses  moines  se  prosternèrent  plus  pro- 
fondément, à  l'élévation  de  la  messe,  pour  adorer  le  Maître  présent  eous 
les  espèces  sacramentelles.  C'est  aussi  vers  cette  époque  qu'apparaissent 
à  Eouen  (1100),  plus  tard  à  Avignon  (1226)  les  premières  gardes  d'hon- 
neur du  Très  Saint-Sacrement.  Bientôt  après,  sainte  Julienne  reçoit 
du  ciel  le  mandat  de  promouvoir  l'institution  de  la  Fête-Dieu. 

Le  premier  cardinal  dominicain,  Hugues  de  Saint-Cher,  favorisa  le 
projet  de  toute  l'autorité  de  sa  science  et  de  sa  mission.  Il  sanctionna 
donc  les  dispositions  antérieures  de  l'évêque  de  Liège,  et  étendit  l'obli- 
gation de  la  nouvelle  solennité  aux  vastes  pays  de  sa  légation.  Enfin 
Urbain  IV  donna  à  l'Eglise  entière  les  splendeurs  de  la  fête  du  Corps 
du  Christ,  et  chargea  frère  Thomas  d'Aquin  d'en  composer  l'office  im- 
mortel. 

Le  souvenir  vivifiant  du  Sauveur  va  donc  refleurir  sur  la  terre  !  Oui, 
mais  toujours  avec  de  lamentables  intermittences.  Après  les  heures 
triomphales  de  l'apothéose  reviendront  périodiquement  les  tristes  jour- 
nées de  l'isolement  et  de  l'oubli;  après  les  acclamations  enthousiastes, 
le  grand  froid  d'un  silence  prolongé,  et  le  rayonnement  qui  auréole  la 
Sainte  Hostie  semble  s'éteindre  avec  la  flamme  des  cierges,  qui  se  con- 
sument en  son  honneur. 

Au  XVIème  siècle,  ce  déplorable  état  impressionna  profondément  le 
Père  Thomas  Stella,  religieux  de  la  province  dominicaine  de  Lom])ardie, 
non  moins  remarquable  par  l'étendue  de  son  savoir  que  par  la  samteté 
de  sa  vie.  Héritier  de  l'amour  de  l'Ange  de  l'Ecole  pour  le  Très  Saint- 
Sacrement,  il  conçut  pendant  qu'il  prêchait  à  Rome,  en  1539,  le  noble 
projet  de  fonder  dans  l'Eglise  de  son  ordre  à  Sainte-Mario  sur  Mmervo. 
une  confrérie  pour  suppléer  à  l'insuffisance  du  culte  eucharistique 

Honorer  par  un  témoignage  spécial  d'adoration  Notre-SeigTieur  Jesus- 
Christ  présent  au  Très  Saint-Sacrement,  réparer  les  outrages  qu  il  y 
reçoit,  et  le  dédommager  par  une  fer\'eur  toujours  croissante  de  1  indil- 
férenco  d'un  grand  nombre  de  chrétiens.  insensil)los  à  son  amour:  toi 
fut  le  but  poursuivi  par  le  pieux  fondateur. 

Le  zèle  de  l'apÔtre  ne  pouvait  proposer  un  objet  plus  excellent  à  la 
piété  des  fidèles:  le  Christ.  Dieu  et  homme,  dans  la  glorieuse  plénitude 
de  son  être  et  de  ses  grandeurs!  Le  Christ,  voilant  à  la  fois  son  huma- 


—  466  — 

nité  et  sa  divinité,  pour  perpétuer  par  sa  survivance  sacramentelle,  sa 
présence  parmi  les  enfants  des  hommes  ! 

Cette  vue  de  foi,  inspirée  par  une  ardente  charité,  fut  comprise  des 
tidèles  de  toutes  les  classes,  et  ils  s'enrôlèrent  en  grand  nombre,  dans  la 
confrérie  naissante. 

Dès  lors,  on  vit  les  nouveaux  confrères  pourvoir  aux  besoins  des 
églises  pauvres,  et  veiller  à  ce  que  la  lampe  du  sanctuaire  brûlât  jour  et 
nuit  en  chaque  paroisse.  Le  Saint-Sacrement  était-il  porté  aux  ma- 
lades, ils  lui  faisaient  escorte  un  cierge  à  la  main.  Pour  avertir  les 
fidèles  du  passage  de  la  Sainte  Hostie,  l'usage  d'une  sonnette  fut  établi. 
Les  femmes  et  ceux  qui  étaient  empêchés  d'accompagner  le  prêtre  s'age- 
nouillaient pour  dire  cinq  Pater  et  cinq  Ave.  Chaque  troisième  di- 
manche du  mois  les  confrères  assistaient  à  l'église  de  la  Minerve, à  une 
grand'messe,  où,  pendant  l'élévation,  ils  tenaient  des  cierges  allumés, 
puis  ils  écoutaient  une  instruction.  Le  vendredi  après  la  Fête-Dieu  — 
et  bientôt  le  troisième  dimanche  de  chaque  mois  —  une  magnifique  pro- 
cession se  déroulait  autour  de  la  basilique,  à  la  suite  de  la  bannière  aux 
armes  de  la  jeune  société:  un  calice  sur  lequel  deux  anges  soutiennent 
une  hostie. 

Les  membres  visitaient  encore  les  malades  et  les  engageaient  à  recevoir 
les  sacrements. 

Telles  furent  les  pratiques  des  premiers  confrères,  et  ces  pieux  usages, 
établis  d'abord  dans  les  églises  conventuelles  des  Frères-Prêcheurs,  se 
sont  ensuite  répandus  dans  l'univers  entier. 

Tant  d'honneurs  rendus  au  Sacrement  de  l'autel,  tant  de  fruits  de 
salut,  mûrissant  aux  feux  du  Soleil  Eucharistique,  portèrent  les  Papes 
à  bénir  et  à  encourager  la  confrérie.  Dès  le  30  novembre  de  la  même 
année  (1539)  Paul  III,  par  la  bulle  Dominus  Noster  Jésus  Christus, 
l'approuva,  l'enrichit  d'indulgences  et  la  combla  de  privilèges. 

Afin  qu'elle  put  répandre  plus  facilement  à  travers  le  monde  catho- 
lique l'inestimable  bienfait  d'un  culte  eucharistique  plus  assidu  et  plus 
empressé,  le  même  Pontife  par  le  Motu  proprio  Ad  providam,  du  2 
octobre  1548,  lui  acorda  le  titre  honorifique  d'arohiconfrérie,  et  étendit 
à  toutes  les  confréries  érigées  ou  à  ériger,  sous  l'invocation  du  Très  Saint- 
Sacrement,  par  l'autorité  apostolique  ou  par  les  ordinaires,  Apostolica 
vel  ordinaria  auctoritate,  toutes  les  grâces  que  posséderait  celle  de 
Sainte-Marie  sur  Minerve,  sans  qu'il  fut  besoin  de  les  agréger  nommé- 
ment à  cette  dernière  confrérie.  Ce  privilège,  confirmé  à  maintes  re- 
prises, le  15  février  1608,  le  23  avril  1676,  le  1er  octobre  1678,  et  encore 
en  pleine  vigueur  aujourd'hui,  soustrait  la  confrérie  à  toutes  les  forma- 
lités restrictives  qui  sont  exigées  pour  la  plupart  des  autres  confréries, 
(Bull.  Ord.  Praed.  T.  VT,  p.  341),  comme  serait  In  nécessité  d'une  agré- 
gation spéciale  à  la  confrérie  romaine,  ou  encore  la  distance  d'une  lieue 
requise  souvent  pour  procéder  à  la  fondation  d'une  nouvelle  confrérie. 

Grégoire  XTlt,  pour  reconnaître  les  salutaires  résultats  produits  par 
la  confrérie  ajouta,  le  6  août  1573,  de  nouvelles  indulgences.  Paul  V, 
dans  le  bref  "  Cum  certas"  du  3  novembre  1606,  adressé  aux  adminis- 
trateurs et  aux  confrères,  révoqua  les  concessions  de  ses  prédécesseurs. 


—  467  — 

mais  pour  leur  donner  plus  de  certitude  et  pour  les  augmenter.  Le  24 
juin  1673,  (Ex  Commiscae)  Clément  X  accorde  une  "nouvelle  indul- 
gence aux  confrères  qui  assistent  aux  funérailles.  Innocent  XI  renou- 
velle le  décret  qui  rend  toutes  les  confréries  participantes  des  grâces 
attachées  à  celle  de  l'Eglise  de  la  Minerve,  et  accorde  une  nouvelle  îndul- 
gence  aux  confrères  qui  accompagnent  le  Saint  Viatique.  rSubiuncti 
1er  oct.  1678.)  -i  v       j  • 

Au  XVIIIe  siècle,  Benoit  XIII  confirme  toutes  les  indulgences  éma- 
nant de  ses  prédécesseurs,  (Pretiosus,  26  1727),  et  Benoit  XIV,  le  2 
août  1749,  concède  de  nouvelles  faveurs  spirituelles  pour  différentes 
œuvres  de  miséricorde.  Enfin  Pie  IX,  le  13  juin  1853,  accorda  à  la  con- 
frérie les  nouvelles  et  dernières  faveurs  dont  elle  jouit. 

D'après  une  décision  de  la  Congrégation  des  Eites,  en  date  du  17 
janvier  1887,  dans  les  processions  où  l'on  porte  le  Très  Saint-Sacrement, 
la  confrérie  a  le  pas  sur  toute  autre  association,  même  plus  ancienne; 
dans  les  procession  ordinaires  elle  vient  à  son  rang  d'ancienneté. 

II.  —  Importance  et  effets  sur  la  fréquentation  de  la 

Sainte  Table 

Le  rapide  coup  d'œil  que  nous  venons  de  jeter  sur  la  glorieuse  histoire 
de  la  confrérie  du  Très  Saint-Sacrement  nous  révèle  assez  son  impor- 
tance capitale  aux  yeux  de  la  Sainte  Eglise.  La  fin  poursuivie,  les 
moyens  mis  en  œuvre,  les  résultats  obtenus,  justifient  amplement  les 
munificences  du  Souverain  Pontife  à  son  endroit.  Partout  où  elle  a  été 
établie  et  où  elle  a  fonctionné  régulièrement,  elle  a,  comme  un  ardent 
foyer,  éclairé  et  réchauffé  la  piété  des  fidèles.  Et  que  ne  pourrait-elle 
pas  aujourd'hui  pour  engager  les  chrétiens,  "selon  les  désirs  du  Pape, 
dans  les  voies  salutaires  de  la  communion  fréquente? 

Il  semble  impossible  que  les  pratiques  en  honneur  dans  la  confrérie, 
qui  mettent  les  fidèles  en  rapports  presque  quotidiens  avec  Xotre-Sei- 
gneur,  n'éveillent  en  eux  le  désir  de  s'approcher  de  la  Table  Sainte.  Il 
semble  impossible  que  les  instructions  spéciales  données  aux  confrères, 
dans  leur  réunion  mensuelle,  et  leur  rappelant  la  grandeur  des  bienfaits 
de  la  Sainte  Eucharistie,  sa  puissance  pour  alimenter  la  vie  surnaturelle 
dans  l'Eglise,  leur  redisant  que  c'est  cette  nourriture  divine  qui  a  donné 
la  force  aux  martyrs,  la  lumière  aux  docteurs,  la  constance  aux  confes- 
seurs, et  l'innocence  aux  vierges;  leur  inculquant  qu'elle  est  l'arbre  de 
vie  planté  au  milieu  du  jardin  de  l'Eglise;  il  semble  impossible,  disons- 
nous,  que  cet  enseignement  eucharistique  n'excite  pas  dans  les  âmes  la 
faim  sacrée  du  pain  des  anges. 

A  mesure  que  les  catholiques  saisiront  mieux  la  place  unique  occupée 
par  le  Sacrement  de  l'autel  dans  l'économie  de  la  vie  chrétienne,  ils  se 
pénétreront  davantage  de  la  pensée  du  sacrifice  réparateur  du  péché. 
Ils  se  rappelleront  plus  fréquemment  l'union  intime  et  constante  qui 
doit  unir  la  créature  à  son  Créateur,  et  les  fidèles  entre  eux  dans  la  cha- 
rité du  Christ,  et  le  Saint  Viatique  fera  lover  dans  leur  Time  resjxnr  de 


—  468  — 

l'éternelle  vision  de  Dieu.  Ainsi  le  souvenir  des  incessants  bienfaits  du 
Seigneur  dans  le  passé,  de  sa  bonté  dans  le  présent,  et  de  sa  miséricorde 
dans  l'avenir,  dominera  la  vie  du  chrétien  et  la  pénétrera  de  sa  vertu 
féconde.  Dès  lors,  il  sentira  le  besoin  de  répéter  la  prière  des  disciples 
d'Emmaiis  :  "  3Iane  nobiscum  Domine/'  Seigneur,  demeurez  avec  nous, 
non  pas  seulement  dans  nos  temples  déserts,  mais  dans  le  sanctuaire  de 
notre  cœur  ;  Jésus  deviendra  donc  l'inséparable  compagnon  de  notre  vie  : 
Se  nascens  dédit  socium. 

La  piété  grandissante  des  confrères,  leur  exemple  bienfaisant  rayon- 
nera dans  la  paroisse,  et  conquerra  à  Jésus-Hostie  de  nouveaux  ado- 
rateurs, et  des  âmes  saintement  avides  de  sa  Chair  et  de  son  Sang. 


III.  —  Fonctionnement  paroissial 

Cette  admirable  confrérie  qui  a  entouré  le  Très  Saint-Sacrement  de 
tant  d'hommages  dans  l'Ancien  Monde,  est-elle  suffisamment  répandue 
sur  le  continent  américain,  et  plus  particulièrement  dans  notre  pays? 

Elle  existe  et  fonctionne  régulièrement  dans  les  églises  des  Frères- 
Prêcheurs  et  des  Pères  du  Très  Saint-Sacrement. 

Elle  est  encore  établie  dans  environ  62  paroisses  du  diocèse  de  Québec, 
30  de  Montréal,  4  de  Saint-Boniface,  10  de  Eimouski,  45  de  Chicoutimi. 
Partout  ailleurs  elle  est  pratiquement  inconnue.  Pourtant  l'Eghse 
désire  que  le  tabernacle  de  chaque  paroisse  soit  le  centre  d'une  confrérie 
du  Très  Saint-Sacrement,  "■  Imvio  desideratur  ut  erigatur  in  qualibet 
ecclesia  parochiali  "  porte  le  décret  du  23  avril  1676  de  la  Sacrée  Con- 
grégation des  Indulgences. 


ERECTION 

C'est  dans  ce  but  que  toutes  les  facilités  ont  été  accordées  à  l'érection 
de  la  confrérie. 

L'évêque,  sans  induit  particulier,  peut  ériger  cette  confrérie,  et  par  le 
fait  la  rendre  participante  de  toutes  les  indulgences  de  la  confrérie- 
mère.  Donc,  tout  curé  désireux  de  l'établir  dans  son  église,  n'a  qu'à 
s'adresser  à  son  évêque  et  lui  soumettre  les  statuts  qu'il  a  élaborés. 
D'après  la  bulle  de  Clément  VIII,  "  Quaecumque,"  l'évêque  a  le  droit 
de  les  examiner  et  de  les  modifier  selon  que  les  localités  paraissent  le  de- 
mander. Il  n'est  pas  nécessaire  d'adopter  les  règlements  de  la  confrérie 
romaine,  il  suffit  de  proposer  des  pratiques  de  piété  destinées  à  honorer 
le  Très  Saint-Sacrement,  pratiques  qui  peuvent  varier  selon  les  lieux  et 
les  circonstances. 

A  ce  premier  but,  le  directeur  a  toute  liberté  d'ajouter  différents  buts 
secondaires.  Qui  l'empêcherait  de  greffer  aujourd'hui  sur  le  vieux 
tronc  des  obligations  anciennes  des  prescriptions  nouvelles  répondant 
aux  besoins  de  notre  époque?  Pourquoi  ne  pas  introduire,  par  exemple, 
l'engagement  de  sanctifier  le  saint  jour  du  dimanche,  et  de  ne   jamais 


—  469  — 

travailler,  acheter  ou  vendre  sans  une  vraie  nécessité:  de  pratiquer  la 
vertu  de  tempérance  et  de  ne  jamais  fréquenter  les  débits  de  boisson 
pour  y  boire  ou  ]^  payer  à  boire;  —  de  s'interdire  l'entrée  dans  toute 
société  défendue  ou  suspecte,  de  combattre  leur  néfaste  influence,  de  tra- 
vailler à  la  diffusion  de  la  presse  catholique,  etc. . . 

ORGANISATION^ 

La  confrérie  étant  paroissiale,  est  gouvernée  par  un  directeur  qui  pst 
le  curé  ou  son  délégué. 

Le  directeur  peut  s'adjoindre  un  conseil,  composé  d'un  président,  d'un 
vice-président,  d'un  secrétaire-trésorier  et  d'infirmiers,  ou  simplement 
de  quelques  zélateurs  qui  l'aident  pour  le  bon  fonctionnement  de  l'asso- 
ciation.    (Cf.  Manuels  à  ce  sujet.) 

RECEUTEMEXT 

^  Pour  devenir  membre  de  la  confrérie,  il  faut  d'abord  se  faire  recevoir, 
c'est-à-dire  se  présenter  à  un  Directeur  et  obtenir  son  agrément  pour 
être  admis,  puis  se  faire  inscrire  sur  les  registres  de  la  confrérie. 

Aucune  cérémonie  particulière  n'est  requise  pour  l'admission.  Le 
cérémonial  prescrit  par  certains  manuels  est  fort  recommandable  et  doit 
être  maintenu  où  il  est  en  vigueur,  mais  n'a  rien  d'indispensable  pour 
la  validité  de  l'agrégation. 

Quant  au  choix  des  nouveaux  confrères,  saint  François  de  Sales  con- 
seille de  n'admettre  que  ceux  et  celles  qui,  depuis  un  certain  temps 
auront  mené  une  vie  chrétienne  et  bien  régulière.  S'il  ne  convient  pas 
d'introduire  des  personnes  reconnues  publiquement  comme  indignes,  on 
doit  aussi  pour  la  même  raison  exclure  les  membres  dont  la  conduite 
deviendrait  mauvaise,  après  leur  avoir  donné  toutefois  de  charitables 
avertissements. 

PRATIQUES 

Notons  qu'aucune  des  pratiques  de  la  confrérie  n'est  imposée  sous 
peine  de  péché,  et  qu'une  seule  est  obligatoire  :  pour  gagner  les  indul- 
gences, chaque  confrère  doit  réciter  à  genoux,  une  fois  par  semaine  5 
Pater  et  5  Ave,  en  Thonneur  du  Très  Saint-Sacrement.  Les  autres  pra- 
tiques en  usage  et  vivement  conseillées  à  la  piété  des  confrères  ne  tendent 
qu'à  leur  rappeler  que  le  Seigneur  a  dressé  sa  tente  au  milieu  des 
hommes,  qu'il  a  été  notre  rançon,  qu'il  est  notre  nourriture  et  notre 
compagnon  et  qu'il  sera  notre  éternelle  récompense. 

On  recommande  ordinairement: 

1°  L'assistance  régulière  aux  assemblées  mensuelles. 
2°  L'assistance  aux  processions  du  Jeudi-Saint,  de  la  Fête-Dieu  et 
du  Sème  dimanche  du  mois. 


—  470  — 

3°  L'audition  pieuse  de  la  sainte  messe. 

4°  La  communion  fréquente,  et  spécialement  réparatrice. 

5°  La  visite  quotidienne  au  Très  ISaint-Sacrenient.. 

6°  L'accompag'nement  du  Très  Saint-Sacrement  lorsqu'on  le  porte  en 
viatique  aux  malades;  au  moins  l'adorer  à  genoux.  Les  confrères  doi- 
vent encore: 

7°  Pourvoir  au  développement  du  culte  eucharistique  en  procurant 
les  objets  nécessaires  ou  utiles  à  la  décence  et  à  la  pompe  des  cérémonies 

8°  Protéger  la  confrérie  et  défendre  les  droits  de  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ  contre  les  attaques  de  ses  ennemis. 

9°  Payer  une  cotisation  annuelle  pour  secourir  les  confrères  indi- 
gents, et  faire  célébrer  à  leur  mort  quelques  messes  pour  le  repos  de  leur 
âme.  Les  contributions  attachent  à  l'œuvre  et  lui  permettent  de  faire 
un  bien  visible,  même  d'ordre  matériel. 


AVANTAGES 

De  précieuses  richesses  spirituelles  ont  été  attribuées  par  les  souve- 
rains Pontifes  à  la  confrérie  du  Très  Saint-Sacrement,  et  toutes  ces  in- 
dulgences sont  applicables  aux  âmes  du  Purgatoire.  De  plus  chaque 
membre  participe  aux  mérites  de  tous  les  confrères  de  l'univers  entier. 

A  ces  avantages  généraux  on  peut  ajouter,  dans  chaque  localité,  des 
avantages  particuliers;  et  c'est  ainsi  qu'à  certaines  fêtes  la  confrérie  de 
la  Minerve  distribue  de  nombreuses  aumônes. 

N".  B.  —  Au  congrès  de  Fribourg,  le  K.  P.  Tesnière  disait  :  "  Un  des 
motifs  pour  lesquels  on  devrait  établir  partout  des  confréries,  c'est  le 
précieux  privilège  qui  leur  est  conféré  par  une  ancienne  bulle  pontifi- 
cale, d'avoir  l'exposition  du  Très  Saint-Sacrement  dès  qu'un  confrère 
entre  en  agonie.  Si  l'on  savait  qu'au  moment  de  cette  lutte  suprême. 
Celui  qui  a  vaincu  Satan,  et  par  qui,  tout  à  l'heure  on  va  être  jugé,  est 
miséricordieusement  exposé  sur  son  autel,  on  y  trouverait  un  puissant 
motif  de  consolation,  d'espérance  et  de  force."  —  (Cong.  de  Fribourg, 
p.  287.) 

Pourquoi  ces  confréries  ne  seraient-elles  pas  organisées  à  la  manière 
des  anciennes  corporations,  qui  ont  exercé  autrefois  une  si  bienfaisante 
action  sociale?  Pourquoi  n'auraient-elles  pas  une  caisse  de  famille,  pour 
procurer  avec  les  secours  spirituels  les  remèdes  et  soins  du  médecin  aux 
confrères  indigents,  pour  verser  un  secours  à  leur  veuve  et  à  leurs  or- 
phelins? ou  encore  pour  assurer  une  petite  dot  à  l'occasion  des  mariages, 

etc.,  etc Ces  pratiques  ou  toute  autre,  inspirées  par  le  même  esprit 

relieraient  ces  institutions  modernes  aux  anciennes  gildes,  confréries  ou 
associations,  qui  ont  joué  un  rôle  immense  dans  les  siècles  de  foi,  et  qui 
ont  semé  autour  d'elles  mille  bienfaits  d'ordre  spirituel  et  temporel. 

Ce  sont  là,  vivant  de  la  Confrérie  du  Très  Saint-Sacromont  et  répan- 
dant sa  salutaire  influence,  autant  de  moyens  pour  combattre  ce  fatal 
oubli  de  Dieu,  qui  s'empare  des  âmes,  déprime  les  vies  par  l'obsession  du 


—  471  — 


bien-être  et  la  recherche  effrénée  de  la  fortune  et  des  plaisirs  \insi 
rentrerait  dans  la  vie  des  chrétiens  la  salutaire  pensée  du  Maître  ado- 
rable qu'ils  doivent  perpétuellement  servir,  et  aimer  de  tout  leur  cœur 
Le  Divm  Pasteur  nourrira  ses  brebis  de  sa  propre  chair:  '' Bone  Pastor 
pams  vere  ;  nous  serons  ses  commensaux  ici-bas,  et  ses  cohéritiers  là- 
haut. 


Vœu 


Je  termine  en  reprenant  le  désir  exprimé  autrefois  par  le  Pape  Paul 
Y,  et  en  formulant  le  vœu  que  des  Confréries  du  Très  Saint-Sacrement 
soient  établies  bientôt  dans  toutes  les  paroisses. 


Le  R.  F.  Bouhée,  S.  J.,  Directeur  «général  de  l'Apostolat  de 
la  Prière,  succède  au  premier  rapporteur  et  entretient  ras- 
semblée de  Faction  féconde  qu'exerce  l'apostolat  de  la  prière, 
sur  le  développement  de  la  dévotion  eucharistique  : 


li' APOSTOLAT  DE  LA  PRIERE  ET  L'EUCHARISTIE 


Dans  la  galerie  royale  de  Venise,  se  trouve  un  tableau  peint  au  quin- 
zième siècle  par  Quirico  da  Murano.  Le  Christ  y  est  représenté,  selon 
l'usage  du  temps,  démesurément  grand,  pour  s}Tnboliser  sa  majesté  di- 
vine. Il  est  assis  sur  un  trône  et  à  ses  pieds  se  tient  agenouillée  une 
religieuse,  peut-être  sainte  Catherine  de  Sienne,  morte  récemment,  mais 
qui  n'était  pas  encore  canonisée.  De  la  main  droite  Jésus-Christ  pré- 
sente la  sainte  Hostie  à  sa  servante;  tandis  que,  de  la  gauche,  il  écarte 
les  plis  de  sa  tunique  et  découvre  la  blessure  de  son  côté,  comme  pour 
dire:  "  Cette  Hostie  que  je  te  présente,  c'est  le  gage  de  l'amour  de  mon 
Cœur."  (1) 

Do  fait,  si  le  Christ  nous  a  prouvé  son  amour,  c'est  bien  en  instituant 
le  sacrement  de  l'Eucharistie.  Il  n'avait  pas  voulu  vivre  avec  nous, 
sans  mourir  pour  nous;  mais  il  n'a  pas  voulu  mourir  pour  nous,  sans 


(1)    Messager  d'Innspruck,  juin  l'JlU. 


—  473  — 

vivre  encore  avec  nous.     Et  c'est  pour  rester  toujours  sur  la  terre,  avec 
son  Corps  et  son  Cœur  de  chair,  qu'il  a  imaginé  l'Eucharistie. 

Ainsi  tous  les  dévots  du  Sacré-Cœur  sont-ils  des  amants  passionnés 
de  l'Eucharistie.  La  Bienheureuse  Marguerite-Marie  eut,  dès  sa  pre- 
mière enfance,  une  grande  dévotion  envers  Notre-Seigneur  au  taber- 
nacle. Plus  tard  presque  toutes  ses  révélations  lui  ont  été  faites  devant 
le  Saint-Sacrement.  Elle  avait  même  coutume  de  dire  :  "  Savez-vous 
que  sans  le  Saint-Sacrement  et  la  Croix,  la  vie  me  paraîtrait  insuppor- 
table ?  "  Elle  trouvait  là,  en  effet,  tout  le  résumé  de  la  dévotion  au 
Sacré-Cœur:  d'une  part  le  don  de  soi,  symbolisé  par  l'Eucharistie  et 
réalisé  en  elle;  d'autre  part,  la  réparation,  symbolisée  et  réalisée  par  la 
Croix. 

Parmi  les  formes  d'amour  et  de  réparation  qu'a  suscitées,  depuis  deux 
siècles,  la  dévotion  au  Sacré-Cœur;  l'Apostolat  de  la  Prière  se  présente 
comme  une  des  plus  simples  à  la  fois  et  des  plus  efficaces.  Le  but,  en 
effet,  de  cette  ligue  de  zèle,  est  de  conquérir  des  âmes  à  Jésus-Christ, 
comme  l'indique  son  nom  d'Apostolat.  Le  moyen  non  pas  unique,  mais 
principal,  qu'elle  emploie,  est  la  Prière,  c'est-à-dire  l'union  de  notre  âme 
avec  Dieu,  et  spécialement  avec  le  Cœur  même  de  Jésus,  toujours  vivant, 
selon  le  mot  de  l'Apôtre,  pour  intercéder  en  notre  faveur."  Dans  le 
Cœur  de  Jésus  priant,  les  associés  innombrables  de  l'Apostolat  de  la 
Prière  trouvent  à  la  fois  le  modèle,  le  stimulant  et  le  principe  d'effica- 
cité de  leur  prière.  Plus  ils  s'uniront  à  ce  Cœur,  plus  ils  seront  sûrs 
d'atteindre  le  but  que,  pour  eux-mêmes  et  pour  les  autres,  ils  se  sont 
proposé  en  entrant  dans  cette  Ligue.  Mais  où  le  chercher,  ce  Cœur  de 
Jésus  priant,  où  le  trouver  avec  plus  de  certitude  et  de  douceur  que  dans 
le  Sacrement  de  l'autel  ?  Il  était  donc  naturel  que  les  associés  de  l'Apos- 
tolat de  la  Prière  fussent,  par  leur  vocation  même,  attirés  vers  le  taber- 
nacle. 

D'autre  part  la  conquête  des  âmes,  c'est-à-^dire  l'Apostolat,  ne  va  pas 
sans  la  réparation.  Entre  les  âmes  coupables,  en  effet,  et  la  grâce  de 
Dieu  qui  les  sollicite,  il  y  a  un  grand  obstacle  à  vaincre  :  le  péché,  avec 
toutes  ses  tristes  conséquences.  En  détruire,  en  annihiler  la  malice  ;  en 
faire  perdre  à  Dieu,  s'il  le  pouvait,  le  souvenir  ;  en  empêcher  au  moins, 
pour  les  hommes,  les  suites  funestes  ;  voilà  le  but  que  la  réparation  se 
propose.  La  communion  réparatrice  a  encore  une  ambition  :  plus  qu'à 
la  justice  divine,  qui  attend  une  expiation  pour  la  faute,  elle  s'adresse 
au  Cœur  divin,  qui  attend  une  consolation  dans  ses  peines.  C'est  à 
l'endroit  même  où  la  blessure  est  plus  sensible  et  plus  profonde,  qu'elle 
vient,  pieusement,  verser  le  baume  ;  et  sachant,  par  la  révélation  même 
de  îsTotre-Seigneur,  que  "  toute  sa  Passion  n'est  rien  auprès  des  outrages 
qu'il  reçoit  dans  ce  sacrement  d'amour,"  c'est  dans  l'Eucharistie,  c'est 
par  la  communion  fervente  et  fréquente,  que  l'âme  dévote  au  Sacré 
Cœur  pratique  la  dévotion  réparatrice. 

Ainsi,  depuis  le  début  de  notre  œuvre,  deux  raisons  fondamentales  ont 
poussé  nos  associés  vers  l'Eucharistie:  s'unir  au  Cœur  de  Jésvs  priant 
pour  devenir  avec  lui  et  comme  lui,  dos  intercesseurs  perpétuels  auprès 
du  Père;  s'unir    au    Cœur   de   Jésus   souffrant,  pour   réparer,  par   leur 


—  4T3  — 

amour  consolateur,  les  outrages  qu'il  reçoit  au  tabernacle.  De  là,  fré- 
quence et  ferveur  du  culte  eucharistique  chez  tous  les  associés  de  TApos- 
tolat  de  la  Prière  et  par  eux  ;  de  là,  spécialement,  organisation  de  la 
communion  réparatrice  parmi  nos  associés  et  propagation  par  eux  des 
cérémonies  expiatrices  pour  le  premier  vendredi. 

Ayant  eu  l'honneur  de  parler,  durant  Tinoubliable  Congrès  de  Londres 
(1908)  sur  un  sujet  analogue  (1)  je  voudrais  résumer  simplement  au- 
jourd'hui les  documents  et  témoignages  nouveaux  que  le  zèle  de  nos 
associés  peut  fournir  depuis  deux  ans.  Encore  devrais-je,  pour  ne  pas 
abuser  de  votre  attention,  réserver  pour  une  occasion  ultérieure  ce  qui 
regarde  la  communion  réparatrice  et  la  célébration  du  premier  vendredi. 
Je  n'exposerai  donc  aujourd'hui  —  et  brièvement,  si  possible  —  que  la 
fréquence  et  la  ferveur  de  la  communion  chez  les  associés  de  l'Apostolat 
de  la  Prière. 

Un  des  éléments  de  la  ferveur  eucharistique,  dans  la  communauté 
chrétienne,  c'est  le  nombre  même  et  la  fréquence  des  communions.  On 
sait  combien  Xotre  Saint-Père  le  Pape  Pie  X  a  insisté  sur  ce  point. 
L'écho  de  ses  leçons  ne  cesse  d'être  propagé  par  tous  les  organes  de  presse 
qu'actionne  ou  inspire  l'Apostolat  de  la  Prière.  Il  y  a  quatre  ans  à 
peine,  nous  proposions  comme  intention  générale  à  nos  associés  le  "Com- 
munion fréquente."  L'an  dernier  (juin  1909),  c'était,  plus  explicitement 
l'esprit  et  avec  la  bénédiction  spéciale  de  I^otre  Saint-Père  le  Pape. 
Quantité  de  livres,  de  brochures,  de  tirés  à  part,  ont  dans  tous  les  pays 
et  dans  toutes  les  langues,  prolongé  ces  mêmes  renseignements. 

La  direction  générale  de  l'Apostolat  de  la  Prière,  a  édité,  au  début  de 
1910,  un  tract  populaire  de  quatre  pages,  "  Le  pain  de  chaque  jour,"  qui 
résume  d'une  manière  substantielle  et  très  claire  la  doctrine  de  la  Com- 
munion quotidienne  et  réfute,  par  des  réponses  concises,  les  principales 
objections  répandues  parmi  les  fidèles.  Cent  mille  exemplaires  de  ce 
tract  ont  été  enlevés  rapidement;  des  évêques  et  des  prêtres  éminents 
l'ont  chaleureusement  recommandé  et  il  a  été,  dès  son  apparition,  traduit 
dans  les  principales  langues.  Un  recueil  très  pieux  de  prières  anciennes 
et  modernes  pour  la  Communion,  vient  au?pi  d'être  publié  par  nos  soins 
et  les  quatre  mille  exemplaires  de  la  première  édition  s'écoulent  à  l'heure 
actuelle,  avec  rapidité. 

Nos  trente-huit  Messagers  du  Cœur  de  Jésus,  selon  les  moyens  dont 
ils  disposent,  propagent  partout  la  même  doctrine:  quelques  exemples 
prouveront  leur  zèle.  Il  est  admis,  par  exemple,  que  dans  certains  dio- 
cèses d'Allemagne,  la  diffusion  de  la  Communion  quotidienne  rencontre 
encore  beaucoup  d'obstacles.  Mains  notre  messager  allemand  (édité  à 
Innspruck)  compte  sur  ses  cinquante  mille  abonnés,  sur  ses  zélateurs  et 
zélatrices  pour  combattre  cet  état  d'esprit.  Par  les  soins  de  son  direc- 
teur il  a  mis  en  circulation  toute  une  série  de  brochures  qui  n  ont  d« 


(1)  Voir  compte-rendu  du  XIXe  congrès  eucharistique  Intomational.  (Ix)ndon 
Sands  &  Co)  Eucharistie  and  Apostleship  of  Frayer  pp.  489-599. 


—  474  — 

comparables  que  les  admirables  opuscules  français  du  E.  P.  Lintelo,  et 
qui  sont  en  train  d'obtenir  le  même  succès.  L'une,  en  particulier,  Auf 
zun  Tische  des  Ilerrn,  peut  être  appelée  un  petit  chef-d'œuvre.  Elle 
s'adresse  tout  spécialement  aux  jeunes  gens  et  aux  jeunes  filles.  Ainsi 
font  en  Angleterre  les  pamphlets  et  les  articles  sur  la  communion  quo- 
tidienne que  publie  incessamment  le  E.  P.  de  Zulueta,  un  des  rédacteurs 
du  Messager  :  la  doctrine  y  est  représentée  d'une  manière  très  nette  sous 
une  forme  facilement  saisissable,  avec  cet  air  pittoresque  dont  les  An- 
glais seuls  savent  revêtir  tout  ce  qu'ils  touchent. 

Ailleurs  on  a  préféré  s'adresser  aux  prêtres.  C'est  ainsi  qu'aux  Etats- 
Unis  d'Amérique,  grâce  au  zèle  d'une  fervente  et  généreuse  associée, 
chaque  prêtre  a  reçu  gratuitement  un  exemplaire  de  l'ouvrage  du  Père 
Lintelo,  le  "  Triduum  eucharistique,"  dans  sa  traduction  anglaise.  Pour 
le  dire  en  passant,  du  reste  l'ardeur  de  cette  dévouée  zélatrice  ne  s'est 
pas  arrêtée  là.  Son  initiative  a  donné  naissance  à  côté  de  l'Apostolat  de 
la  Prière  et  avec  l'aide  de  nos  messagers,  à  toute  une  œuvre  de  propa- 
gande eucharistique,  pour  laquelle  Son  Eminence  le  cardinal  Merry  del 
Val  vient  de  lui  adresser  au  nom  du  Saint-Père  lui-même  une  lettre  de 
félicitation  et  d'encouragement. 

Mais  parmi  nos  publications  eucharistiques  les  plus  efficaces,  il  faut 
compter  assurément  nos  billets  mensuels  simples  et  modestes  feuillets  de 
quatre  pages  sur  lesquels  repose  en  grande  partie  l'organisation  métho- 
dique de  notre  œuvre.  Chacun  de  ces  billets  porte  quatre  invitations  à 
la  communion  pour  le  même  mois  et  la  même  personne.  Sans  doute, 
plusieurs  restent  sans  réponses,  car  ils  s'adressent  à  des  associés  du  pre- 
mier degré,  engagés  seulement  à  l'offrande  quotidienne  de  leurs  actions  ; 
mais  d'autres,  en  revanche  s'adressent  à  des  âmes  d'élite  qui  vont  jusqu'à 
la  communion  .quotidienne  ;  le  plus  grand  nombre  atteint  les  associés  du 
troisième  degré,  enrôlés  dans  les  séries  soit  mensuelles,  soit  même  heb- 
domadaires, de  la  communion  réparatrice.  Il  n'est  donc  pas  téméraire 
de  dire  que  chacun  de  nos  petits  billets  distribués  représente  au  moins 
deux  communions  dans  le  mois.  D'après  ce  calcul,  les  750,000  billets 
édités  par  le  seul  messager  français  donneraient,  comme  minimum  men- 
suel un  million  et  demi  de  communions.  Et  grâces  à  Dieu,  ce  n'est  pas 
tout,  puisque  nos  autres  messagers  rivalisent,  là  aussi,  avec  l'organe  de 
la  direc-tion  générale.  Le  Messager  Irlandais  par  exemple  a  un  tirage 
de  262,500  billets;  le  Messager  Espagnol  autant.  Le  Messager  Cana- 
dien édite  pour  les  associés  des  deux  langues  480,000  billets  mensuels  et 
les  chiffres  sont  encore  plus  élevés  pour  le  Messager  des  Etats-Unis. 
Aussi  la  réponse  des  faits  ne  tarde  pas  à  se  faire  entendre.  C'est  de 
toute  part  que  nos  directeurs  signalent  le  grand  élan  vers  la  sainte  Table, 
communiquée  aux  âmes  par  l'Apostolat  de  la  Prière.  Nous  ouvrirons 
seulement  les  deux  dernières  années  de  nos  messagers  et  nous  nous  con- 
tenterons pour  ne  pas  allonger  démesurément  ce  rapport  d'y  glaner 
quelques  témoignages. 

Dans  cette  France  si  violemment  opprimée  par  l'impiété,  mais  oii  la 
vieille  foi  catholique  continue  à  produire  des  œuvres  si  vivantes,  a  en- 
fanté tant  de  générosité  et  de  dévouement,  nos  directeurs  signalent  des 


—  475  — 

divers  côtés,  l'influence  exercée  par  l'Apostolat  de  la  Prière  sur  la  con- 
servation, la  restauration  ou  le  développement  du  culte  eucharistique. 
A  Xice,  Mgr  lauch,  vicaire  général,  constate,  qu'en  répandant  ou  en 
ressuscitant  notre  Ligue,  il  a  provoqué  une  recrudescence  de  commu- 
nion (1)  En  Vendée,  M.  le  chanoine  Poissant  écrit  dans  la  Semaine 
Catholique  de  Luçon  que  l'Apostolat  de  la  Prière  réveille  la  vie  de  foi  ; 
ce  réveil  se  manifeste  par  un  accroissement  admirable  dans  le  nombre 
des  communions  mensuelles,  hebdomadaires  ou  quotidiennes,  et  cela  non 
seulement  dans  les  paroisses  très  chrétiennes,  mais  dans  telle  paroisse 
populeuse  où  le  nombre  des  communions  pascales  n'arriva  pas  à  300  et 
où  le  nombre  des  communions  dans  une  année  s'élève  à  3,000  (2). 

En  Auvergne,  le  curé  d'une  petite  paroisse  constate  que,  malgré  la 
piété  des  habitants  on  hésitait  pour  la  communion  fréquente.  Depuis 
qu'il  a  établi  l'Apostolat  de  la  Prière  "  beaucoup  de  fidèles  se  sont  fait 
inscrire  pour  la  communion  quotidienne.  (3)" 

Tout  près  de  Paris,  le  curé  de  la  Garenne  Colombes  observe  que 
l'Apostolat  de  la  Prière,  oriente  la  piété  des  fidèles  vers  le  Sacré-Cœur 
et  l'Eucharistie.  (4)  A  Montauban,  à  Eouen,  à  Lyon,  à  Toulouse  et  ail- 
leurs nos  directeurs  trouvent  parmi  les  zélateurs,  zélatrices  et  associés 
de  l'Apostolat  de  la  Prière,  les  meilleures  recrues  pour  l'œuvre  de  l'ado- 
ration réparatrice,  pour  la  garde  d'honneur,  pour  l'heure  sainte,  pour 
l'œuvre  des  tabernacles,  comme  aussi  les  plus  assidus  convives  de  la 
Table  Eucharistique.  Du  reste  les  associés  français  ont  donné  ime 
preuve  admirable  de  leur  piété  eucharistique  à  l'occasion  du  jubilé  de 
Lourdes  (1908).  Nous  les  avions  conviés  alors  à  une  croisade  de  com- 
munion réparatrice.  Le  nombre  des  inscriptions  reçues  a  dépassé 
600,000.  Encore  quelques  personnes  trouvant  cette  croisade  toujours 
opportune  ont-elle  spontanément  voulu  la  continuer  en  1909.  Une  seule 
communauté  religieuse  nous  a  adressé  pour  cette  année  la  promesse  de 
6,558  communions.    (5) 

Ces  chiffres  disent  bien  quelque  chose,  mais  que  sont-ils.  quand  on  les 
compare  à  ceux  que  peuvent  mettre  en  avant  les  associés  canadiens  de 
l'Apostolat  de  la  Prière?  Dans  cette  terre  bénie,  qui  a  gardé  la  foi  vi- 
brante de  l'ancienne  France,  les  Fêtes  actuelles  entourent  le  Saint- 
Sacrement  de  tant  de  vénération  et  de  gloire  h  la  fois,  que  la  splendeur 
de  ses  hommages  n'a  pas  encore  été  égalée  en  ce  monde  et  ne  pourra  sans 
doute  jamais  être  surpassée  que  dans  l'autre.  A  la  préparation  de  ces 
Fêtes  les  Ligueurs  du  Sacré-Cœur  ont  apporté  magnifiquement  leur  con- 
cours. Zélateurs  et  zélatrices  ont  organisé  d'un  bout  à  l'autre  du  pays 
ce  geste  qu'un  poème  sublime  serait  seul  digne  d'immortaliser,  et  qui. 
allant  cueillir  jusqu'aux  extrémités  de  la  terre  canadienne  les  gerbes  et 


(1)  Rapport  au  cotigrès  des  directeurs  diocésains  de  l'Apostolat  do  la  Prière. 
Paris  9-11  août  1910. 

(2)  Semaine  catholique  de  Luçon,  novembre  1909. 

(3)  Messager  du  Coeur  de  Jésus,  juin  1900. 

(4)  Messager  du  Coeur  de  Jésus,  février  1910. 

(5)  Messager  du  Coeur  de  Jésus,  juin  1910. 


—  476  — 

les  corbeilles  de  fleurs  les  a,  pour  la  procession  triomphale,  dressées  en 
bouquets  ou  répandues  en  jonchées  odorantes  sur  le  passage  de  Jésus- 
Hostie. 

Avec  cette  moisson  de  fleurs  visibles,  nos  Ligueurs  et  nos  associés  ont 
envoyé  au  Congrès,  le  faisceau  magnifique  de  leurs  61  millions  de 
bonnes  œuvres,  spécialement  offertes  dans  l'année,  et  parmi  lesquelles 
nous  relevons  un  million  et  demi  de  communions. 

Pour  aboutir  à  de  tels  résultats,  il  faut  un  long  entraînement,  c'est-à- 
dire  une  ferveur  invétérée  et  habituelle  dans  la  fréquentation  de  l'Eu- 
charistie. Nos  directeurs  vous  diront  et  les  deux  Messagers  canadiens 
racontent,  avec  quel  succès,  ici,  comme  ailleurs,  l'Apostolat  de  la  Prière 
achemine  les  associés  vers  la  Table  Sainte.  Il  n'est  pas  rare  de  trouver 
en  un  seul  mois  dans  le  trésor  du  Cœur  de  Jésus  publié  par  le  Messager 
Canadien  plus  d'un  demi-million  de  communions. 

Entre  mille  traits,  un  petit  exemple  :  A  Wikwemikong  (Ontario),  sur 
982  habitants  on  compte  actuellement  500  associés  de  notre  ligue.  Or, 
il  y  a  eu  dans  le  cours  d'une  seule  année  (1er  août  1908  à  1909)  un  total 
de  25,000  communions,  soit  une  moyenne  de  plus  de  2,000  par  mois.  Si 
on  compare  ce  chiffre  à  celui  de  la  population,  on  trouvera  la  proportion 
assez  éloquente. 

Nous  ne  pouvons  passer  en  revue  tous  les  pays  du  monde  où  fleurit 
l'Apostolat  de  la  Prière.  Nous  ne  ferons  donc  que  mentionner  cette 
catholique  et  vaillante  Espagne  oiî  l'on  voit  des  merveilles  comme  ceci  : 
Un  village  de  Navarre,  Murchante,  compte  1300  personnes  en  âge  de 
communier  parmi  lesquelles  1065  sont  enrégimentées  dans  les  quinzaines 
de  l'Apostolat  de  la  Prière.  On  y  a  donné,  en  une  seule  année,  90,200 
communions,  et  on  voit  chaque  jour  plus  de  200  personnes  s'approcher 
de  la  Table  sainte.  L'Irlande  où  la  seule  ville  de  Dublin  voit  chaque 
mois  5,000  hommes  recevoir  la  communion  et  la  Pologne  où  ce  nombre 
est  encore  dépassé;  c'est  dans  ces  deux  pays  pour  le  dire  en  passant,  que 
des  brochures  périodiques  de  forme  et  de  prix  tout  à  fait  populaires  ré- 
pandent le  plus  profondément  et  le  plus  loin  les  enseignements  du  Pape 
sur  l'Eucharistie.  Le  Portugal,  l'Italie,  toute  l'Amérique  latine  et 
chacun  des  pays  qui  la  composent  nous  fourniraient  des  témoignages 
qu'il  faut  malheureusement  laisser  de  côté.  Mais  il  y  a  deux  milieux 
spécialement  où  l'Apostolat  de  la  Prière  semble  plus  qu'ailleurs  encore 
apte  à  stimuler  la  ferveur  d'amour  envers  le  Saint  Sacrement:  ce  sont 
les  écoles  ou  collèges  et  les  pays  de  mission. 

Dans  les  collèges,  grâce  à  nos  billets  mensuels,  il  est  facile  aux  jeunes 
zélateurs  ou  zélatrices  d'organiser  des  séries  de  communions  :  tantôt, 
comme  dans  les  écoles  des  Petits  Frères  de  Marie,  et  dans  beaucoup  de 
pensionnats  pour  jeunes  filles,  les  maîtres  et  les  maîtresses  prennent  la 
tête  du  mouvement,  aident  à  l'organisation  des  séries  par  sept  ou  par 
trente,  c'est-à-dire  pour  la  semaine  ou  pour  le  mois,  tantôt  les  enfants, 
au  contraire,  ont  toute  l'initiative  et  le  mérite  de  l'organisation.  Nous 
avons  vu  et  les  messagers  l'ont  signalé  durant  ces  deux  ans  des  merveilles 
de  générosité  accomplies  par  amour  pour  Jésus-Hostie,  par  de  petites 
âmes  de  douze  ou  quinze  ans.     En  voici  seulement  quelques  exemples: 


—  477  — 

Dans  le  nord  de  la  France,  un  maître  d'école,  voulant  installer  chez 
lui  l'Apostolat  de  la  Prière,  s'est  contenté  d'en  parler  à  quelques  enfants. 
Bien  entendu,  il  les  avait  choisis  parmi  les  mieux  disposés.  Ces  petits 
zélateurs,  entrant  aussitôt  en  campagne,  ont  eux-mêmes  organisé  des 
"  semaines  "  de  communion  réparatrice  au  groupe  de  sept  communiants 
qui  ont  à  leur  tour  fait  boule  de  neige.  Au  bout  de  quelque  temps  les 
zélateurs  primitifs  avaient  si  bien  fait,  qu'au  lieu  d'être  à  la  tête  d'une 
"semaine"'  ou  d'une  dizaine  de  communiants,  chacun  d'eux  avait  sur 
ses  listes  vingt,  vingt-cinq  et  jusqu'à  trente  associés  fidèles  aux  pratiques 
de  l'Apostolat  de  la  Prière.  C'est  alors  qu'ils  obtinrent  de  rinstitutcur 
l'érection  canonique  de  notre  ligue  dans  cette  école. 

Dans  un  collège  français,  établi  sur  la  frontière  belge,  deux  petits 
jeunes  gens  de  treize  à  quatorze  ans  se  sont  faits  les  organisateurs  de  la 
communion  réparatrice.  Ils  ont  commencé  à  grouper  quelques  condis- 
ciples, désireux  comme  eux  de  consoler  Notre-Seigneur.  Quand  on  a  eu 
constitué  deux  "  semaines  "  complètes  de  communiants,  bien  zélés,  on  a 
établi  l'Apostolat  de  la  Prière  avec  ses  trois  degrés  et.  actuellement 
d'autres  groupes  de  communiants  sont  en  formation.  Pour  ne  pas 
oublier,  pendant  les  vacances,  la  préparation  promise  au  Cœur  de  Jésus, 
on  a  décidé  de  s'envoyer,  avec  un  mot  de  rappel,  les  petits  billets  de 
l'Apostolat. 

Ailleurs,  dans  un  collège  d'enseignement  secondaire,  on  devait  partir 
pour  les  vacances  par  un  train  si  matinal,  qu'on  avait  cru  plus  prudent 
de  supprimer  la  messe  ce  jour-là  pour  les  élèves.  Un  petit  zélateur  de 
la  communion  réparatrice  va  trouver  son  surveillant,  et  demande  en 
grâce  la  permission  de  se  lever  à  trois  heures  et  demie  du  matin  pour 
assister  et  communier  à  l'une  des  messes  que  les  professeurs  disaient  à 
cette  heure.  La  promesse  obtenue,  il  s'empresse  d'en  avertir  les  plus 
fervents  de  ses  condisciples  qui  se  hâtent  de  solliciter  aussi.  Et  voilà 
comment,  le  lendemain,  avant  l'aurore,  silencieux  comme  des  conspi- 
rateurs, ces  bons  enfants  laissaient  leurs  camarades  endormis  au  dortoir 
et  dérobaient  une  heure  à  leur  sommeil,  pour  ne  pas  omettre  la  commu- 
nion le  premier  jour  de  leurs  vacances. 

Si,  dans  les  pensionnats,  la  routine  et  l'entraînement  ne  sont  pas 
étrangers  à  l'assiduité  de  quelques-uns  à  la  sainte  Table,  il  faut  recon- 
naître que  la  routine  ne  fut  pour  rien  dans  cette  communion  mati- 
nale. (1) 

Du  reste,  voici  ce  qu'écrivait  le  directeur  d'une  école  apo>tolii|ue.  Ces 
paroles  montrent  que  la  fréquence  des  communions,  parmi  les  jeunes 
associés  de  l'Apostolat  de  la  Prière  n'en  diminue  point  la  ferveur:  "  En- 
rôlés dans  les  quinzaines  de  l'Apostolat  de  hi  Prière,  nos  enfants  prati- 
quent le  trésor  du  Sacré-Cœur,  c'est-à-dire  le  relevé  des  actions  faites 
chaque  jour  en  union  avec  le  Cœur  de  Jésus.  Il  y  a  émulation  entre 
eux;  ce  travail  d'examen  particulier  les  force  à  s'étudier,  à  se  surveiller, 
à  se  corriger,  pour  plaire  au  Sacré-Cœur  de  Jésus.  Il  y  a  effort  et  dès 
lors,  fécondité  qu'avive  et  parfait  la  sainte  et  fréquente  communion. 


fl)    Messager,   juin   1 


onn 


—  478  — 

Un  de  nos  enfants  écrivait  dernièrement  : 

"  J'ai  vécu  quelques  années  sans  comprendre  l'importance  de  la  com- 
*'  munion.  Chez  nous,  on  fait  sa  première  communion  et  puis,  on  ne 
"  communie  plus  qu'aux  grandes  fêtes.  Comme  j'ai  mieux  compris  ici, 
"  ce  qu'était  la  sainte  communion.  Au  commencement  je  ne  pouvais 
"  me  faire  à  cet  usage,  et  je  trouvais  exagéré  de  voir  les  anciens  e'ap- 
"  procher  journellement  de  la  sainte  Table.  Et  puis,  je  me  disais,  qu'un 
"  petit  ver  de  terre  comme  moi,  ne  méritait  pas  de  s'approcher  si  souvent 
"  du  Maître.  Mais  les  anciens,  dans  les  promenades,  m'ont  bien  fait 
"  comprendre  qu'il  fallait  communier  parce  que  nous  en  avons  besoin. 
"  Maintenant  je  ne  puis  plus  me  passer  de  la  communion  quotidienne, 
"  et  si  j'étais  privé  de  la  communion,  mon  âme  souffrirait  de  cette  pri- 
"  vation,  comme  mon  corps  souffrirait  d'un  jeûne  forcé." 

Un  autre  de  nos  plus  jeunes  enfants,  fidèle  habitué  de  la  communion 
quotidienne  nous  écrivait: 

"  S'il  n'y  avait  pas  la  sainte  communion  qui  relève  mes  forces,  ce 
"  serait  à  décourager.  Je  ne  puis  supporter  une  remarque  :  on  me  fait 
"  une  taquinerie,  tout  de  suite,  il  faut  que  je  me  fâche.  Les  remarques 
"  sont  pour  moi  des  pilules  très  difficiles  à  avaler." 

"  Oh  !  j'ai  bien  besoin  du  Bon  Dieu,  on  me  dit  que  l'on  ne  peut  rien 
"  sans  la  grâce  de  Dieu,  cela,  je  le  crois,  je  le  sens.  Aussi  je  communie 
"  pour  avoir  cette  grâce.  Je  communie  tous  les  jours  pour  l'avoir  plus 
"  abondante.  J'espère  que  peu  à  peu  avec  cette  grâce  je  ferai  diminuer 
"  le  nombre  de  mes  défauts."  (1) 

Les  mêmes  témoignages  se  retrouvent  chez  des  écoliers  moins  privi- 
légiés de  la  grâce  que  les  apostoliques.  Dans  un  collège  secondaire  un 
élève  bien  loin  d'être  parfait  faisait  cet  aveu  : 

"  La  communion  m'a  changé,  je  ne  me  sens  plus  le  même.  Jésus 
m'aide  à  travailler,  et  à  devenir  charitable.  Quand  le  démon  me  tente, 
je  pense  à  Jésus-Hostie  que  j'ai  reçu  dans  mon  cœur.  La  tentation  cesse 
vite,  le  démon  est  vaincu. 

"  Voilà  plusieurs  semaines  que  je  communie  chaque  jour.  Que  j'en 
suis  heureux  !  Je  ne  retombe  plus  dans  les  fautes  graves  dans  lesquelles 
je  retombais  si  souvent  autrefois,  la  communion  m'a  sauvé." 

Mais  l'action  de  l'Eucharistie  se  manifeste  parfois  plus  sensiblement 
encore.  La  présence  du  Maître  se  révèle  à  des  signes  peu  équivoques  ; 
un  des  plus  sûrs,  est  la  vocation  religieuse  et  sacerdotale. 

A  Travnick  (Bosnie),  pendant  dix  ans  aucune  vocation.  Enfin  en 
1907,  grâce  à  la  communion  quotidienne,  deux  élèves  entrent  au  noviciat 
de  la  Compagnie  de  Jésus  et  quatre  en  1908. 

Au  petit  séminaire  de  Mariaschein  (Bohème),  les  élèves  renonçaient 
en  grand  nombre  à  leur  vocation.  Or  en  1908,  sur  seize  élèves  de  la  classe 
supérieure  un  seul  renonce  aux  ordres.     Il  est  vrai  que  la  communion 


(  1  )   Petit  Messager,  novembre  1909. 


—  479  — 

quotidienne  a  été  mise  en  honneur,  mais  le  plus  bel  exemple  peut-être 
est  donné  par  le  collège  Saint-Joseph  de  Trichinopoly.  Là,  fleurit  de- 
puis longtemps  l'Apostolat  de  la  l'rière.  Là  aussi  la  communion  quoti- 
dienne est  mise  en  pratique  depuis  vingt  ans. 

Les  adhérents  du  troisième  degré  de  l'Apostolat  de  la  Prière  s'en- 
gagent à  communier,  pour  le  moins  deux  fois  par  semaine  et  en  fait 
communient  presque  tous  chaque  matin. 

Cette  habitude  de  la  communion  ne  cesse,  dit  un  missionnaire,  de 
transformer  l'âme  de  nos  étudiants.  A  l'encontre  des  chrétiens  ordi- 
naires qui  sont  ici  superstitieux,  étroits,  mesquins,  attachés  à  leur  caste, 
nos  jeunes  gens  et  ceux  qui,  comme  eux,  communient  souvent,  sont 
animés  d'un  esprit  nouveau.  Ils  abhorrent  tout  ce  qui  se  ressent,  même 
de  loin,  du  paganisme  et  se  préoccupent  de  tout  ce  qui  touche  aux  âmes, 
sans  préjugé  de  caste. 

Avec  la  même  joie,  dans  l'école  normale  de  Fianarantsoa  (Mada- 
gascar), on  constate  l'élan  de  jeunes  âmes  malgaches  vers  l'Eucharistie. 
Aux  100  ou  110  élèves  de  cette  école  on  a  distribué  en  un  seul  mois 
2,365  commimions,  soit  une  moyenne  de  22  à  2.3  par  élève. 

Ces  deux  derniers  exemples  nous  amènent  dans  le  pays  des  missions. 
Là  les  fruits  eucharistiques  de  l'Apostohit  de  la  Prière  sont,  pourrait-on 
dire,  merveilleux. 

Des  rapports  sur  la  commimion  au  Kiang-lSTan,  nous  extrayons  ces 
lignes  : 

La  communion  réparatrice  est  en  honneur  ici,  surtout  le  premier 
vendredi  du  mois,  dans  les  centres  particulièrement,  où  des  centaines 
de  personnes  s'approchent  ce  jour-là  de  la  sainte  Table.  Grâce  au  zèle 
des  associés  du  troisième  degré,  le  décret  de  Pie  X  sur  la  communion 
fréquente  et  quotidienne  fait  d'année  en  année  sentir  ses  heureux  effets 
au  Kiang-N'an. 

"  Voici  quelques  chiffres  qui  indiquent  la  progression  croissante  des 
communions  en  ces  dernières  années  : 

Année  190G 569,000  communions  de  dévotion 

"       190T 615,000 

1908 767.000  "  " 

"       1909 858,000  "  " 

"  Les  Carmélites  de  Zi-Ka-Wei,  qui  nous  fournissent  les  pains  d'autel 
pour  Zi-Ka-Wei,  Shanghaï  et  les  sections  voisines  de  cette  ville,  ont  fa- 
briqué un  nombre  croissant  d'hosties  depuis  trois  ans  surtout.  On  dit 
que  les  sœurs  chargées  de  ce  travail  en  sont  devenues  malades  de  fatigue. 
Heureuse  fatigue,  heureuse  maladie  à  la  gloire  de  Jésus-ITostio  1 

"  Il  y  a  donc,  en  ces  dernières  années,  dans  la  mission,  une  forte  im- 
pulsion vers  la  communion.     Au  grand  et  au  petit  séminaire  et  dans  les 


pl 

nombre  qui  le  font  tous  les  jours." 


—  480  — 

Au  Seng-Mon-Yen,  maison  des  auxiliatrices  du  purgatoire,  l'Apostolat 
de  la  Prière  est  florissant  et  Ton  a  un  certain  nombre  de  communions 
quotidiennes.  (1) 

Mgr  Chouvellon,  vicaire  apostolique  de  Su-Tchuen  oriental,  '  nous 
écrivait  : 

'•  L'Apostolat  de  la  Prière  m'a  été  d'un  grand  secours  pour  préparer 
tant  le  clergé  que  les  fidèles  à  la  communion  fréquente  et  quotidienne 
tant  recommandée  par  le  Pape  Pie  X.  Le  nombre  des  communions  a 
presque  doublé  depuis  l'établissement  de  l'Œuvre;  et  c'est  merveille  de 
voir  comme  en  peu  de  temps,  certains  districts  ont  été  entièrement  re- 
nouvelés, quand  le  missionnaire  a  voulu  établir  solidement,  et  méthodi- 
quement l'Apostolat  et  surtout  la  communion  réparatrice.  C'est  donc 
surtout  à  la  communion  réparatrice  que  je  me  suis  attaché:  à  partir  de 
cette  année,  chaque  missionnaire  qui  a  un  centre  devra  me  noter  les  com- 
munions réparatrices  de  l'année.  Je  ne  puis  vous  dire  tout  le  bien  que 
l'Apostolat  de  la  Prière  a  valu  à  ma  mission,  le  renouveau  de  ferveur 
envers  le  Sacré-Cœur  et  le  Saint-Sacrement  qu'il  y  a  produit."  (2) 

Au  témoignage  des  missionnaires  de  Chine,  ceux  d'Amérique  viennent 
s'ajouter  pour  dire  avec  la  même  reconnaissance  quelle  influence  heu- 
reuse a  eue  sur  la  vie  eucharistique  de  leurs  chrétiens  l'Apostolat  de  la 
Prière. 

"  Il  y  a  plus  d'un  an  que  nous  sommes  ici,  nous  écrit  un  missionnaire 
de  Honduras,  et  nous  aurions  eu  bien  des  sujets  de  découragement. . . 

"  Un  jour,  dans  une  de  mes  courses  apostoliques,  j'arrivai  à  un  village 
ou  plutôt  dans  un  groupe  de  villages  pour  y  ouvrir  une  école.  J'ap- 
portais une  petite  statue  du  Sacré-Cœur. 

"  Dès  le  premier  soir,  l)ien  que  j'eusse  préparé  un  tout  autre  sujet  de 
sermon,  voilà  que  durant  la  prière  je  me  déterminai  à  expliquer  devant 
mes  gens  l'Apostolat  de  la  Prière.  Je  le  fis,  et  le  résultat  fut  merveil- 
leux. Tous  les  assistants  vinrent,  après  le  sermon,  se  faire  inscrire 
comme  associés  et  beaucoup  s'engagèrent  à  la  pratique  des  trois  degrés. 

'•'  Aux  Pâques  précédentes,  quatre  de  ces  pauvres  gens  avaient  accompli 
leur  devoir.  Or,  ils  ont  pris  tellement  à  cœur  les  pratiques  de  notre 
ligue  et  y  restent  si  fidèles,  que  j'ai  depuis  lors  de  quarante  à  cinquante 
communions  chaque  mois  à  cet  endroit. 

"  Ce  succès  m'encouragea  à  tenter  l'établissement  de  l'Apostolat  à 
Benque-Viégo.  Je  fis  une  neuvaine  préparatoire  à  la  fête  du  Sacré- 
Cœur,  me  proposant  d'expliquer  chaque  soir  la  nature  et  les  avantages 
de  l'Apostolat  de  la  Pi'ière. 

"  L'auditoire  était  lamentable.  Le  huitième  jour,  j'étais  absolument 
découragé  et  dégoûté.  Dès  le  dernier  jour  de  la  neuvaine  un  jeune 
homme  se  présente  pour  entrer  dans  la  Ligue.  Je  le  nomme  tout  de 
suite  zélateur  et  il  se  met  à  l'œvre  courageusement. 

"Le  jour  de  la  fête  du  Saeré-C(Piir  nous  inscrivions  déjà  plusieurs 
associés. 


fl)    Messager,  mai  1910. 

(2)  Petit  Messager,  juillet  1010. 


--481  — 

"  Et  maintenant,  la  Ligue  compte  là  plus  de  400  membres.  L'année 
de  notre  arrivée  il  n'y  avait  que  40  personnes  qui  fissent  leurs  Pâques  à 
Benque-Viégo.  Actuellement  nous  avons  de  60  à  80  communiants  tous 
les  premiers  vendredis  du  mois."  (1) 

Dans  TAlberta  (Canada),  le  R.  P.  Balker,  directeur  du  Messager  en 
langue  Cri,  continue  à  répandre  parmi  ses  Indiens  la  dévotion  au  Sacré- 
Cœur  et  la  pratique  de  la  communion  fréquente  et  quotidienne.  La  petite 
paroisse  de  Sacred  Heart,  nous  écrit-il,  ne  dépasse  pas  200  âmes  dissé- 
minées à  une  grande  distance  de  l'Eglise.  Je  leur  ai  prêché  le  grand 
moyen  de  salut,  la  communion  des  neuf  premiers  vendredis.  Dix-huit 
de  ces  pauvres  Indiens  (dix  femmes  et  huit  hommes)  ont  aujourd'hui 
mené  à  bonne  fin  une  série  des  neuf  premiers  vendredis.  Quelques-uns 
de  ces  braves  gens  avaient  deux  ou  trois  lieues  à  faire  (et  par  quel  temps) 
pour  venir  communier.  Xos  enfants  d'école  ayant  entendu  parler  de  la 
communion  quotidienne,  se  sont  trouvés  au  comble  du  bonheur;  ils  sont 
une  cinquantaine  et  depuis  longtemps  tous  ceux  qui  étaient  en  âge  de 
communier  s'approchaient  de  la  sainte  Table  le  premier  vendredi. 
Actuellement  la  communion  quotidienne  est  devenue  pour  plusieurs 
d'entre  eux  une  nécessité.  Tous  les  soirs  je  me  mets  à  leur  disposition 
pour  la  confession  et  chaque  matin,  nous  avons  de  vingt  à  vingt-huit 
communions  d'enfants.  Ainsi  Jésus  attire  nos  Indiens  par  son  Cœur 
et  sur  son  Cœur.  Et  c'est  bien  consolant  pour  le  missionnaire,  de  voir 
ces  pauvres  enfants  des  bois  répondre  si  fidèlement  à  l'amour  de  leur 
Sauveur.   (2) 

Il  n'en  est  pas  autrement  en  Afrique. 

Le  R.  P.  Delom,  supérieur  général  de  la  mission  de  Madagascar 
central,  nous  écrivait  le  1er  septembre  1909: 

"  L<^  premier  vendredi  du  mois  est  célébré  dans  tous  nos  centres 
comme  une  fête.  La  moyenne  des  communions  dépasse  ce  jour-là  nota- 
blement la  centaine.  Il  y  a  des  missionnaires  qui  ont  200.  250,  300 
communions  et  même  plus  à  l'occasion  du  premier  vendredi.  Tout  porte 
à  croire  que  ce  chiffre  ira  croissant.  Déjà  au  31  juillet  1909,  nous  avions 
115,000  communions  de  plus  (|u"en  19(iS  au  31  juillet.  C'est  à  l'Apos- 
tolat do  la  Prière  surtout  que  nous  sommes  redevables  de  cette  augmen- 
ttion.     Grâce  à  la  même  œuvre  elle  progressera."'  (3) 

Ainsi  donc,  partout  à  rétablissement  do  l'-Xpostolat  do  la  Prière,  cor- 
respond une  augmentation  de  vie  eucharistique.  Les  faits  viennent  de 
vous  le  montrer!^  Ils  sont  ce  que  pourrait  faire  espérer  la  nature  même 
de  notre  œuvre  qui.  sans  être  à  proprement  parler  une  œuvre  eucharis- 
tique, doit,  par  l'esprit  do  réparation  et  de  zèle  qu'elle  inspire  :i  nos 
associés,  les  conduire  infailliblement  à  la  communion. 

Avant  de  clore  un  rapport  beaucoup  trop  long,  et  où  n'entrent  que 
quelques  faits  choisis  au  milieu  do  beaucoup  d'autres  dont  je  ne  puis  rion 


(1)  Petit  Messager,  jnill.t   1!»00. 

(2)  Messager,  janvier  1901). 

(3)  Messager,  décembre  rJOU. 
16 


•^-483  — 

dire,  je    me    permets    de    proposer    à    rapprobation  du  Congrès  le  vœu 
suivant  : 

Considérant  les  fruits,  que  l'Apostolat  de  la  Prière  sérieusement  pra- 
tiqué produit  pour  Je  salut  des  âmes,  par  le  culte  et  l'amour  du  Saint- 
Sacrement,  le  Congrès  exprime  le  vœu  que  cette  association  simple,  fé- 
cande,  et  dont  l'existence  se  concilie  très  bien  avec  les  autres  œuvres  ou 
confréries  pieuses,  soit  établie  dans  toutes  les  paroisses,  communautés, 
écoles  et  toute  œuvre  catholique.  En  vue  de  favoriser  le  recrutement 
de  directeurs  vraiment  zélés,  absolument  nécessaires  au  succès  de  l'œuvre, 
il  se  permet  d'insister  auprès  des  autorités  compétentes  pour  que  les 
élèves  des  grands  séminaires  soient  instruits  avec  soin  de  la  nature,  et 
de  l'organisation  de  cette  association." 


*    * 

Le  troisième  rapport  est  présenté  par  le  7^.  P.  Ange-Marie 
HirdL  des  Frères  Mineurs  Franciscains  de  Montréal. 


LES  TIERS-ORDRES  ET  LA  COMMUNION 


N".  B.  —  Malgré  la  généralité  du  titre  on  me  permettra,  dit  le  Eap- 
porteur,  pour  plus  de  précision  de  m'en  tenir  à  l'étude  du  Tiers-Ordre 
que  naturellement  je  connais  le  mieux,  celui  de  saint  François;  ce  Tiers- 
Ordre  d'ailleurs  étant  le  plus  notoire  et  le  plus  répandu,  les  conclusions 
pourront,  par  analogie,  s'appliquer  aux  autres  Tiers-Ordres. 


Les  Tertiaires  de  saint  François  dans  leur  dévotion  à  la  Sainte 
Eucharistie  peuvent  se  laisser  guider  par  l'esprit  de  leur  Père  séraphique 
qui  est  un  esprit  d'amour. 


La  définition  du  Tiers-Ordre  nous  indique  déjà  le  besoin  qu'il  a  de 
l'Eucharistie  en  général  et  de  la  Sainte  Communion  en  particulier. 

Le  Tiers-Ordre  en  effet,  est  un  état  de  vie  qui  ])orte  ]e.s  âmes  à  la  per- 
fection chrétienne  par  la  pratique  des  commandements  sous  une  Eègle 
approuvée  par  l'Eglise. 

Or,  il  est  impossible  d'atteindre  la  perfection  de  la  vie  chrétienne  que 
le  séraphique  législateur  propose  à  ses  adoptes  comme  l'idéal  même  de 
leur  Ordre,  sans  cet  Aliniciit  Divin  qui  nourrit  au  milieu  de  l'Eglise  le 
foyer  inextinguible  d'où  jaillit  la  vie. 


1  . 


—  483  — 

Il  le  savait,  celui  qui,  inspiré  de  Dieu  et  envoyé  par  Lui,  devait  ra- 
nimer sur  la  terre  le  feu  de  la  charité  qui  s'éteignait,  aussi  il  chercha  à 
faire  passer  dans  l'âme  de  ses  enfants  son  amour  de  Séraphin  pour  le 
Sainte  Eucharistie.  Son  esprit,  il  le  manifesta  dans  la  lettre  même  de 
sa  Eègle. 

11  ne  faut  cependant  pas  se  contenter  de  posséder  la  lettre  pour  com- 
prendre cet  esprit.  On  peut  appliquer  à  tout  fondateur  d'Ordre  ce  qui 
a  été  dit  du  Grand  Patriarche  de  la  vie  monastique  en  Occident  :  "  Si 
vous  voulez  connaître  Benoît,  lisez  sa  Règle,  mais  si  vous  voulez  con- 
naître sa  Eègle,  lisez  sa  vie." 

Les  Tertiaires  de  saint  François  dans  leur  amour  de  la  Sainte  Eucha- 
ristie et  dans  les  pratiques  de  piété  envers  cet  adorable  Sacrement  peu- 
vent en  toute  assurance  se  laisser  guider  par  l'esprit  de  leur  Père  et  de 
leur  Ordre. 

Si  le  Diacre  d'Assise  n"a  pas  gravi  le  dernier  degré  de  l'autel  et  ne 
s'est  pas  cru  digne  du  Sacerdoce,  n'est-ce  point  par  respect  et  par  amour 
du  Très  Auguste  Sacrement  dont  il  comprenait  l'ineffable  grandeur? 
Mais  il  ne  s'en  éloignait  pas,  sentant  le  besoin  qu'il  avait  de  Lui.  Comme 
il  l'a  aimé,  son  Jésus,  celui  qui  porta  sur  la  terre  un  cœur  brûlant  de 
Séraphin  !  aussi  dans  sa  courte  existence  a-t-il  entrepris  avec  ardeur 
toutes  les  œuvres  eucharistiques:  construction  d'églises,  œuvres  des  ta- 
bernacles, œuvres  des  hosties,  entretien  des  linges  et  des  vase.<  sacrés; 
son  zèle  ne  craint  pas  de  s'adresser  aux  Prêtres  eux-mêmes  pour  leur  dire 
avec  quelle  révérence  ils  doivent  traiter  ce  Fils  de  Dieu  qui  par  amour 
pour  nous  s'est  fait  notre  nourriture  et  le  compagnon  de  notre  exil. 

Aussi  quelle  n'est  pas  la  famille  qu'il  forme!  La  Vierge  Claire  insé- 
parable de  l'ostensoir,  sa  force  et  sa  protection;  le  docteur  séraphique 
saint  Bonaventure,  chantre  de  l'Eucharistie;  Antoine  de  Padoue  dont 
la  foi  fait  fléchir  devant  l'Eucharistie  et  les  genoux  de  la  mule  affamée 
et  le  cœur  endurci  des  hérétiques;  enfin,  de  peur  que  l'énumération  ne 
soit  trop  longue,  c'est  un  de  ses  enfants,  humble  frère  convers.  "celui 
qui  parmi  tous  les  saints  dévoués  à  l'Eucharistie  tient  le  premier  rang?' 
(Léon  XIII,  Provideniissimus  Deus)  que  l'Eglise  nommera  le  P-vtrox 

SPÉCIAL  DES  COXGRÈS  ET  DE  TOUTES  LES  ŒuVRES  EuCIIARISTIQUI-S  IMiK- 

SENTES  ET  FUTURES  :  j'ai  nommé  saint  Pascal  Baylon. 

La  dévotion  et  l'amour  de  saint  François  d'Assise  pour  la  Sainte 
Eucharistie  ont  passé  dans  sa  famille  religieuse:  ils  ont  traversé  tous  les 
siècles,  pénétré  les  nombreuses  générations  qui  se  sont  succédé  ilurant 
sept  cents  ans,  enfantant  des  docteurs  et  des  martyrs,  des  contemplatifs 
et  des  actifs,  petits  et  grands,  sur  les  trônes  et  dans  les  chaumières,  tous 
le  cœur  et  les  mains  tournés  vers  le  Prisonnier  d'amour  df  nos  taber- 
nacles. 

Cet  esprit  n'a  rien  penlu  de  son  intensité  et  de  sa  fone  dans  la  lon- 
gueur des  âges  qu'il  a  dû  traverser;  il  est  de  nos  jours  encore  tout  aussi 
profond  et  tout  aussi  fécond,  tout  aussi  puissant  et  tout  aussi  agissant. 

Je  dois  vous  le  montrer,  vous  vous  y  attendez. 

Il  m'est  nécessaire  de  restreindre  mon  cadre  et  de  no  vous  montrer 
qu'un  détail  de  ce  grand  tableau  :  je  me  contenterai  de  vous  présenter 
l'un  des  Trois  Ordres  fondés  par  saint  François,  le  froisiènie.  dans  sa 
Vie  Eucharistique. 


—  484 


II 


Les  Tertiaires  trouvent  dans  leur  Règle  les  directions  les  plus  pré- 
cieuses pour  leur  dévotion  envers  la  Sainte  Eucharistie  et  particuliè- 
rement pour  la  Sainte  Communion. 


* 


Le  Tiers-Ordre  de  saint  François,  par  sa  Kègle,  devient  une  école  de 
dévotion  envers  la  Sainte  Eucharistie.  Cette  Règle  demande  en  effet 
l'assistance  à  la  Messe  quotidienne  (Ch.  II,  §  11.)  autant  du  moins  qu'il 
est  possible  selon  les  devoirs  d'état  de  chacun. 

Cette  assistance  à  la  Sainte  Messe  en  semaine  a  été  souvent  envisagée 
dans  les  Congrès  Eucharistiques  tant  au  point  de  Thonneur  dû  au  Dieu 
qui  descend  sur  nos  autels  et  qui  bien  souvent,  hélas  !  ne  trouve  dans  son 
temple  aucun  adorateur  pour  le  recevoir  Lui  et  les  grâces  abondantes 
qu'il  apporte  du  Ciel  —  qu'au  point  de  vue  de  la  sanctification  person- 
nelle par  l'assistance  quotidienne  au  Sacrifice  de  la  Messe,  —  soit  enfin 
comme  une  réparation  pour  tant  de  péchés  commis  par  l'abstention  de 
la  Messe  obligatoire.  Ce  triple  point  de  vue  est  respecté  par  le  Tertiaire 
qui,  fidèle  à  sa  Règle,  assiste  tous  les  jours,  autant  qu'il  le  peut,  au 
Saint- Sacrifice. 

La  Sainte  Communion  est  la  plus  intime  participation  à  la  Sainte 
Messe.  La  Règle  du  Tiers-Ordre  invite  à  la  Communion  fréquente  :  in- 
directement en  invitant  à  l'assistance  quotidienne  de  la  Messe,  directe- 
ment en  fixant  un  minimum  de  Communions  que  la  ferveur,  en 
croissant,  fera  augmenter  de  plus  en  plus,  jusqu'au  terme,  la  Commu- 
nion quotidienne. 

Ceux  qui  comme  vous,  M.  M...,  s'intéressent  tout  particulièrement 
au  mouvement  eucharistique  ont  depuis  longtemps  constaté  que  la 
Sainte  Communion  est  devenue  progressivement  de  plus  en  plus  fré- 
quente surtout  chez  les  hommes.  J'ose  affirmer  sans  crainte  d'être 
contredit  que  l'extension  du  Tiers-Ordre  de  saint  François  tant  recom- 
mandé par  les  Souverains  Pontifes  qui  ont  gouverné  l'Eglise  en  ces 
derniers  temps,  n'est  pas  étranger  à  ce  mouvement  progressif.  Le 
Tiers-Ordre  n'aurait-il  produit  que  ce  résultat  qu'il  faudrait  en  remer- 
cier et  en  bénir  la  Providence. 

La  Règle  encore  recommande  au  Tertiaire  de  veiller  à  ce  que  les  ma- 
lades ne  meurent  pas  sans  le  Sacré  Viatique  (Chap.  11  §  13.)  Si  la  F.-. 
M;.,  sentinelle  infernale,  veille  pour  que  le  Dieu  des  miséricordes  et  du 
pardon  soit  écarté  du  chevet  des  mourants,  le  Tertiaire  doit  être,  lui, 
l'angf  introducteur  qui  ménage  cette  dernière  rencontre  de  Dieu  et  de 
l'âme  sur  la  terre  avant  la  rencontre  du  Tri})unal  suprême. 

Pour  les  autres  Œuvres  Eucharistiques,  j'en  appelle  à  MM.  les  Curés, 
à  MM.  les  Directeurs.  Quels  sont  les  adorateurs  les  plus  assidus,  les 
assistant.-;  les  plus  constants  aux  processions  du  Tirs  Saint-Sacrement? 
Les  Tertiaires.  Que  M.  le  Directeur  de  l'Adoration  Nocturne  à  Montréal 


—  485  — 

nous  dise  quel  est  le  centre  de  recrutement  le  plus  fécond  de  ses  admi- 
rables adorateurs?  n'est-ce  pas  la  Fraternité  du  Tiers-Ordre? 

Ces  fraternités  ont  toutefois  à  Montréal  une  Œuvre  particulière  d'Ado- 
ration. Les  Souverains  Pontifes  ont  acordé  une  indulgence  plénière 
tous  les  mardis,  en  l'honneur  de  saint  Antoine,  à  ceux  qui  prient  devant 
le  Très  Saint-Sacrement  exposé  dans  une  église  franciscaine.  Tous  les 
mardis,  le  Très  Saint-Sacrement  est  donc  exposé  dans  notre  chapelle  à 
l'adoration  des  fidèles,  et  les  diverses  Fraternités  du  Tiers-Ordre  vien- 
nent tour  à  tour  présenter  leurs  hommages  au  divin  Koi  et  monter  près 
de  son  trône  la  Garde  d'honneur. 

Je  ne  parle  pas  des  Tertiaires  Régulières  ou  Franciscaines,  dont  plu- 
sieurs Congrégations  et  notamment  les  Franciscaines  Missionnaires  de 
Marie,  ont  dans  chacune  de  leurs  maisons,  au  fond  de  la  Chine,  du  Japon 
ou  des  Indes  aussi  bien  qu'en  Europe  et  en  Amérique,  l'adoration  per- 
pétuelle du  Très  Saint-Sacrement.  Qui  nous  dirait  les  grâces  de 
conversion  qui  sortent  de  l'Hostie  Sainte  perpétuellement  adorée  et 
priée  ! 

III 

Ce  que  pratiquement  font  les  TeHiaires.  Statistiques  fournies  par 
les  Fraternités  de  Montréal. 

Je  n'ignore  pas  qu'un  rapport  est  toujours  plus  intéressant  et  ses  con- 
clusions plus  fortes,  quand,  à  l'appui  des  théories,  le  rapporteur  peut 
fournir  des  chiffres. 

A  l'intention  du  présent  rapport  il  a  été  fait  une  enquête,  un  peu 
délicate,  et  qui  à  cause  de  cela  même  n'est  peut-être  pas  aussi  complète 
que  nous  l'aurions  voulu,  mais  qui  cependant  nous  donnera  une  idée  de 
la  vie  eucharistique  parmi  nos  Tertiaires  de  Montréal.  Il  a  été  demandé 
à  chacun  combien  de  fois  il  pouvait  assister  h  la  Sainte  Mes^e  en  semaine 
et  y  faire  la  Sainte  Communion.     A'oici  quel  a  été  le  résultat. 

Tout  d'abord  il  faut  faire  une  distinction  entre  les  hommes  et  les 
femmes;  les  premiers  n'ont  pas  la  même  piété  que  le  "sexe  pieux":  il 
faut  dire  aussi  qu'ils  n'ont  pas  les  mêmes  loisirs.  Et  cependant  combien 
d'ouvriers  admiral)les  qui  sont  fidèles  à  la  Sainte  Messe  avant  le  travail. 


POUR   LES   HOMMES   TERTIAIRES: 

25%  entendent  la  Messe  chaque  jour  et  y  font  la  Sainte  Communion. 

24%  font  la  Communion  fréquente. 

28%  la  Communion  hebdomadaire. 
Enfin  23%  la  plus  petite  portion  ne  font  (pie  la  C'ommunion  .'^onii-men- 
suelle.     Ceux  qui  se  contentent  de  la  Communion  strictement  nien.'suelle 
sont  très  rares  eï  leur  nombre  dans  la  proportion  est  largement  com- 
pensé par  ceux  qui  font  plus  que  la  Communion  semi-mensuelle  vt  <|ue 


—  486  — 

nous  avons  cependant  compris  en  cette  catégorie  pour  ne  pas  les  mul- 
tiplier. 

Je  ferai  remarquer  en  passant  qu'il  y  a  des  paroisses  plus  ferventes  les 
unes  que  les  autres.  Je  n'en  cherche  pas  la  raison,  mais  pour  n'en  citer 
que  deux  à  leur  louange  sans  rien  enlever  aux  autres,  Saint-Jacques 
avec  48  Tertiaires  hommes  donne  un  total  par  mois  de  637  messes  en- 
tendues et  385  communions;  Sainte-Cunégonde :  66  membres;  865 
messes^  445  Communions. 


POUR  LES  SŒURS  TERTIAIRES: 

A  peine  si  le  nombre  des  Communions  s'éloigne  du  nombre  de  messes 
entendues,  surtout  si  l'on  considère  que  quelques  Sœurs  Tertiaires 
entendent  plusieurs  messes  par  jour.  C'est  dire  que  selon  le  désir  de 
Notre-Seigneur  et  de  l'Eglise  les  Tertiaires  communient  chaque  fois 
qu'elles  entendent  la  Sainte  Messe  —  Or  : 

60%  l'entendent  tous  les  jours. 

15%  l'entendent  4  et  5  fois  par  semaine. 

23%  2  et  3  fois;  et  bien  rares,  à  peine  3%,  celles  qui  ne  peuvent 
absolument  pas  entendre  au  moins  une  messe  en  semaine. 

Comme  je  l'ai  déjà  insinué  le  chiffre  des  communions  est  sensiblement 
le  même  que  celui  des  messes  entendues,  ainsi:  53%  font  la  Communion 
quotidienne. 

La  Paroisse  de  Saint-Léon  de  Westmount  pour  69  Tertiaires  donne 
un  total  de  1399,  disons  1400  messes  et  1278  commiunions  par  mois.  Il 
y  a  plusieurs  raisons  à  ces  beaux  chiffres,  ils  n'en  sont  pas  moins  très 
édifiants. 

Est-ce  à  dire  que  les  Tertiaires  doivent  s'en  tenir  là?  Nous  espérons 
que  les  solennités  grandioses  du  Congrès  Eucharistique  activeront  encore 
plus  dans  leur  âme  l'Amour  Séraphique  pour  "  Notre  Pain  Quotidien  !  " 


En  conséquence  et  avec  l'autorisation  du  comité  nous  émettons 

LES  VŒUX  SUIVANTS   : 

1°  Que  selon  les  recommandations  pressantes  des  Souverains  Pontifes 
on  propage  de  plus  en  plus  le  Tiers-Ordre  de  saint  François  qui  est  un 
foyer  de  vie  Eucharistique. 

2°  Que  les  Directeurs  de  Fraternités  engagent  les  Tertiaires  dans  les 
Œuvres  Eucharistiques,  en  particulier  l  Adoration  et  la  Communion 
fréquente. 


—  487  — 

Le  quatrième  orateur  inscrit  au  programine,  le  R.  P.  Letel- 
lier,  de?  Pères  du  T.  S -Sacrement,  de  New-York,  aborde  son 
travail,  qui  a  pour  titre  : 

LES  ŒUVRES  EUCHARISTIQUES  DU  VENERABLE 

P.  J.  EYMARD 


Bien  des  fois  déjà,  nous  avons  entendu  appeler  les  temps  présents  l'ère 
eucharistique.  Si  jusqu'à  ces  dernières  années  on  a  pu  discuter  la  légi- 
timité de  ce  nom,  j'ose  dire  que  maintenant  il  s'impose  rigoureusement 
à  tout  esprit  sérieux  et  croyant.  Après  les  décrets  récents  et  multiples 
de  notre  vénéré  et  glorieux  Pontife  Pie  X.  il  est  clair  que  l'intention  de 
l'Eglise  est  de  tout  restaurer  dans  le  Christ  —  et  le  Christ  Eucharis- 
tique. Est-il  besoin  de  dire  qu'il  n'y  a  pas  de  moyen  plus  sage  ni  plus 
sûr  pour  triompher  des  erreurs  pernicieuses  des  temps  modernes? 

Le  double  élément  qui  compose  l'homme,  semble  plus  que  jamais  s'être 
ligué,  pour  le  perdre.  D'un  côté,  son  esprit  se  redres.sant  dans  une  in- 
dépendance sacrilège  rejette  avec  indignation  l'idée  même  d'un  contrôle, 
et  le  "  non  serviam  "  de  l'archange  rebelle  semble  bien  être  sa  devise. 

Mais,  si  l'intelligence  de  l'homme  ne  peut  supporter  de  joug,  ses  sens 
n'entendent  point  non  plus  être  tenus  en  tutelle,  et  nos  jouisseurs  mo- 
dernes ne  traduisent-ils  pas  trop  fidèlement  dans  leur  conduite  ces 
paroles  que  la  Sainte-Ecriture  met  sur  les  lèvres  de  l'impie.  "  Come- 
damns  et  hibarmis  cras  enim  moriemur."  Isaïe  XXII.  13.  S'élevant 
follement  sur  la  cime  chancelante  de  ses  élucubrations  orgueilleuses  que 
la  science  de  demain  réduira  à  néant,  ou  s'enlisant  honteusement  dans 
la  boue  infecte  des  plaisirs  charnels,  telle  nous  apparaît  bien  actuel- 
lement, ce  me  semble,  la  grande  majorité  du  genre  humain. 

Or,  pour  le  guérir  de  cetio  double  maladie  qui  lo  travaillo  et  qui  le 
conduit  fatalement  à  la  mort  éternelle,  il  n'est  pas  de  remède  plus  sûr 
ni  plus  efficace  que  la  Sainte  Eucharistie.  Seul,  en  effet,  le  Christ, 
parce  qu'il  est  Dieu,  peut  faire  courber  lo  front  intelligent  de  l'homme, 
sans  l'humilier;  seul,  il  peut  lui  donner  les  brillantes  clartés  des  vérités 
surnaturelles:  "  Eqo  sum  lux  vera  qui  illuminât  omnew  hnininnu  rr- 
nientem  in  hune  mnndum." 

Seul  il  contient  dans  sa  chair  virginale  et  dans  son  sang  immaculé 
assez  de  germes  de  pureté  pour  faire  fleurir  la  continence  et  faire  régner 
sans  conteste  la  tempérance  sur  les  sens  révoltés:  '•  Fruwruhtm  rJrrfn- 
rum ,  vinum  germinûus  virgines." 

Mais  cette"  médecine  spirituelle  si  nécessaire  à  l'homme,  l'hérésie  est 
venue  la  dénaturer,  elle  a  essayé  de  transformer  le  testament  d'amour 
que  Xotre-Seignour  nous  avait  lésrué  pour  nous  attirer  et  nous  engager 
à  lui  en  un  tribunal  redoutable  où  la  Majesté  divine  attendait  l'homme 
coupable  pour  exercer  sur  lui  ses  terribles  justices,  et  pour  fulminant^ 
qu'aient  été  les  anathèmes  lancés  par  l'Eglise  contre  le  Jansénisme,  il 


—  488  — 

n'en  est  pas  moins  vrai  que  sa  glaciale  influence  se  fait  encore  sentir  de 
nos  jours,  et  engourdit  plus  d'une  âme  soustraite  aux  douces  influences 
de  l'amour  eucharistique.  Il  fallait  donc  de  nouveau  révéler  au  monde 
tous  les  trésors  d'amour  et  de  force  qu'apporte  et  que  conserve  à  la  terre 
le  Très  Saint-Sacrement.  11  fallait  des  âmes  pures  pour  pénétrer  ses 
divins  secrets,  il  fallait  des  cœurs  nobles  pour  s'éprendre  de  ses  beautés 
célestes,  il  fallait  des  lèvres  éloquentes  pour  chanter  ses  louanges.  Et 
Dieu  y  a  pourvu  en  donnant  à  son  Eglise  au  siècle  dernier  toute  une 
pléiade  d'âmes  eucharistiques,  dont  la  mission  semble  avoir  été  de  briser 
les  derniers  liens  que  tenaient  les  âmes  captives  sous  l'empire  de  la 
crainte. 

Ces  apôtres  de  l'Eucharistie,  vous  en  savez  les  noms.  Est-il  besoin 
de  citer  les  Gerbet,  les  De  la  Bouillerie,  les  de  Ségur,  les  Hermann,  le 
Bienheureux  Curé  d'Ars  et  tant  d'autres  que  Je  ne  puis  mentionner, 
mais  que  votre  mémoire  rappellera  à  vos  pieux  souvenirs.  Il  en  est  un 
pourtant  qui  les  domine  tous  et  qui  brille  d'un  plus  vif  éclat.  C'est  de 
cet  homme  de  Dieu  et  des  fruits  de  grâce  qu'il  a  produits  que  je  veux 
vous  entretenir  aujourd'hui,  en  esquissant  à  grands  traits  le  belle  figure 
du  Vénérable  Pierre  Julien  Eymard,  né  le  4  février  1811  et  que  la  Di- 
vine Providence  destinait  à  être  le  fondateur  de  la  Congrégation  du  Très 
Saint  Sacrement  et  des  œuvres  nombreuses  qui  s'y  rattachent. 

I  —  L'Homme 

Quand  Dieu  destine  un  homme  à  une  haute  mission,  il  est  de  sa  sa- 
gesse comme  de  sa  bonté  de  lui  donner  tous  les  moyens  nécessaires, 
abondants  même,  pour  la  remplir  parfaitement  et  facilement.  Ce  prin- 
cipe suffirait  à  vous  faire  conclure  que  le  Père  Eymard  destiné  de  Dieu 
à  être  le  héraut  du  Très  Saint-Sacroment,  le  précureeur  du  règne  eucha- 
ristique ainsi  que  son  propagateur  infatigable,  a  été  doué  par  la  divine 
Providence  des  dons  les  meilleurs,  et  outillé  parfaitement  pour  atteindre 
la  fin  qui  lui  était  assignée.  Mais  pourquoi  conclure  de  déductions 
plus  ou  moins  abstraites  ce  que  les  faits  proclament  si  hautement? 

C'est  dès  sa  plus  tendre  enfance  que  le  Christ  Eucharistique  prend 
possession  du  Père  Eymard,  et  jette  dans  son  âme  cet  attrait  puissant 
qui  l'attachera  indissolublement  à  Lui,  jusqu'à  son  dernier  soupir. 
Avez-vous  connu  beaucoup  d'enfants  qui,  encore  à  la  mamelle,  se  soient 
plu  dans  le  rayonnement  de  l'Ostensoir,  sans  jamais  dire  leur  lassitude 
par  leurs  cris  ou  leurs  vagissements?  Le  Père  Eymard  fut  une  de  ces 
rares  exceptions.  Et  ce  qui  prouve  bien  qu'ils  se  passait  dans  cette  âme 
enfantine  quelque  chose  d'extraordinaire  quand  elle  se  trouvait  en  con- 
tact avec  le  Dieu  du  Sacrement,  c'est  que  aussitôt  que  le  Père  Eymard 
put  essayer  ses  premiers  pas,  il  se  plaisait  à  suivre  sa  mère  dans  ses  vi- 
sites 'quotidiennes  au  Saint-Sacrement.  L'Eucharistie  était  pour  lui, 
dès  cet  âge,  comme  un  aimant  mystérieux  qui  l'attirait  irrésistiblement. 
Encore  tout  enfant,  on  le  trouva  un  jour  sur  un  escabeau  adossé  au 
maître-autel  de  la  paroisse,  les  mains  jointes,  les  yeux  fixés  sur  le  taber- 
nacle, pour  être  plus  près  de  Jésus  et  l'écouter.     Ce  besoin  de  goûter 


J.a   priH-fftsiLm.  —  Aif  ilf>  rue.-.  M  JhiLuit  il  <■  hcni' r. 
The  Procession.  —  Arcli  at  tlio  corner  of  St.  Hubert  un.l  Clierrier  Street». 


—  4S9  — 

Jésus,  de  lui  être  uni,  de  s'identifier  à  Lui.  lui  fil  former,  très  jeune 
encore,  la  resolution  d'être  prêtre.  Dès  l'âge  de  4  ou  5  ans.  il  suppliait 
sa  sœur  qui  communiait  fréquemment  de  prier  pour  sa  vocation 

Et  quand  il  pressa  Jésus  sur  son  cœur  pour  la  première  fois,  il  lui  iura 
detre  prêtre:  '-Je  serai  prêtre,  je  vous  le  promets." 

Bien  des  obstacles  obstruèrent  pour  lui  la  voie  du  sacerdoce,  jamais 
il  ne  se  découragea;  mais  au  contraire  il  les  surmonta  tous  jusqu'à  ce 
qu'enfin  marqué  du  caractère  sacré  il  alla  se  cacher  dans  une  solitude 
et  y  passa  tout  un  jour  dans  le  plus  grand  recueillement,  avant  d'attirer 
sur  l'autel  Celui  qui  l'avait  depuis  tant  d'années  attiré  vers  l'autel. 

Vicaire  d'abord,  puis  curé,  le  Père  Eymard  manifesta  toujours  un 
gi-and  zèle,  une  intense  piété,  mais  surtout  un  amour  dominant  pour  la 
Très  Sainte  Eucharistie.  Deux  heures  avant  sa  messe,  deux  heures 
après,  impossible  de  le  saisir  :  il  était  tout  entier  à  Jésus  qu'il  allait  con- 
sacrer, à  Jésus  qu'il  venait  de  consacrer. 

Voyant  dans  la  vie  religieuse  un  excellent  moyen  d'appartenir  plus 
exclusivement  à  Xotre-Seigneur  Jésus-Christ,  le  Père  Eymard  l'em- 
brassa. Pendant  dix-sept  ans,  il  édifia  la  Société  de  Marie  par  ses 
vertus,  son  abnégation,  son  dévouement  et  surtout  sa  dévotion  envers  la 
Sainte  Eucharistie.  Il  dit  lui-même  que  ses  deux  sujets  favoris  de  mé- 
ditation étaient:  Jésus  au  Très  Saint-Sacrement  et  le  Paradis:  la  vision 
de  Dieu.  Pris  alors  par  les  devoirs  multiples  de  l'éducation,  le  Père 
Eymard  se  dédommageait  des  privations  que  lui  imposaient  ses  obliga- 
tions, en  passant  ses  congés  et  souvent  une  partie  des  nuits  au  pied  du 
tabernacle.  Xe  pouvant  plus  souffrir  de  séparation  entre  son  regard 
illuminé  par  les  clartés  de  la  foi  et  rifôtc  divin  de  nos  autels,  il  fit 
percer  une  lucarne  dans  sa  chambre,  donnant  sur  le  sanctuaire,  afin  de 
vivre  toujours  sous  l'œil  du  Maître.  Cependant  il  ne  voulait  pas  jouir 
seul  de  son  trésor.  Tl  cherchait  à  le  faire  connaître  par  le  ministère  de 
la  parole  évangélique.  A  cette  époque,  il  écrivait:  ''  0  mon  Dieu  !  quelle 
Joie  d'entendre  de  votre  bouche  ces  paroles  dites  à  saint  Thomas,  Tu 
as  bien  parlé  de  moi,  ô  Pierre!"  Et  pour  bien  parler  du  Maître,  il 
allait  composer  ses  sermon.s  à  ses  pieds,  "car,"  dit-il,  "  Xotre-Seignour 
m'a  fait  comprendre  que  là  mon  travail  serait  béni  et  facile.  J'ai  donc 
résolu  de  n'écrire  un  plan  qu'après  l'avoir  médité  devant  Xotre-Seigneur 
et  l'avoir  soumis  à  son  approbation."  On  comprend  alors  que  sa  prédi- 
cation fit  du  bien  aux  âmes:  elle  sortait  du  cœur  même  de  Jésus. 

Ses  sermons  attirèrent  dans  la  chapelle  de  la  Seyne,  où  il  était  supé- 
rieur, de  nombreux  adorateurs,  il  en  forma  une  cour  d'honneur  à  Nntre- 
Seigncur. 

Mais  ses  devoirs  de  religieux  éducateur,  pour  saints  qu'ils  lussent, 
l'empêchaient  de  donner  pleine  satisfaction  au  besoin  pressant  qui  le 
violentait  de  se  consacrer  uniquement  au  service  de  l'Eucharistie. 
Bientôt  il  ne  fut  plus  libre:  en  janvier  1851,  Marie  lui  dit  à  Fourvières 
qu'elle  comptait  sur  lui  pour  fonder  un  Corps  religieux  exclusivement 
dévoué  à  Xotre-Seigneur  Eucharistie.  Quelque  temps  après,  dans  un 
entretien  intime  avec  Jésus  Sacramentel,  ce  bon  Maître  lui  demanda 
le  sacrifice  de  sa  vocation.     TI   répondit  oui.     Et  une  fois  sa  décision 


—  490  — 

prise,  on  l'enteudit  s'écrier  dans  son  langage  énergique  :  "  Eien  ne  m'ar- 
rêtera, dussé-je  manger  des  pierres  et  mourir  à  riiôpital."  Et  afin  que 
son  œuvre  fût  fondée  uniquement  sur  le  surnaturel,  il  supplia  le  Sei- 
gneur de  Taccomplir  sans  consolations  humaines.  Il  nous  dit  lui-même 
qu'il  a  été  pleinement  exaucé. 

Après  de  grandes  épreuves  et  des  sacrifices  déchirants,  le  Père 
Eymard,  pour  répondre  à  la  volonté  de  Dieu  manifestée  par  le  Sou- 
verain Pontife  Pie  IX,  auquel  il  avait  fait  soumettre  son  projet  de 
fondation  et  qui  avait  répondu  :  "  Cette  pensée  vient  de  Dieu,  j'en  suis 
convaincu;  l'Eglise  a  besoin  de  cela,  qu'on  prenne  tous  les  moyens  pour 
faire  connaître  la  divine  Eucharistie,"  dit  adieu,  le  deuil  dans  l'âme,  à 
sa  famille  religieuse  et  se  livra  avec  un  élan  généreux  à  la  fondation 
de_la  Congrégation  du  Très  Saint-Sacrement. 

Chargé  par  l'Eglise  de  propager  le  règne  du  Christ  Eucharistique,  le 
Père  Eymard  voulut  affirmer  les  droits  royaux  de  Notre-Seigneur  en  le 
plaçant  non  pas  sur  un  autel,  mais  sur  un  trône  surmonté  d'une  cou- 
ronne et  d'un  manteau  royal.  C'est  au  Très  Saint-Sacrement  solennel- 
lement exposé  qu'il  paiera  nuit  et  jour,  ainsi  que  ses  religieux,  son  tribut 
d'hommages.  "Votre  devoir,"  dit-il  à  ses  enfants,  "est  d'entourer 
toujours  l'Eucharistie,  si  elle  venait  à  nous  manquer  nous  n'aurions  plus 
de  raison  d'être."  Et  pour  rendre  plus  faciles  et  plus  fructueuses  à  la  fois 
les  longues  séances  qu'ils  font  au  pied  de  l'Ostensoir,  le  Père  E}Tnard 
leur  donna  cette  belle  méthode  d'oraison  sous  le  nom  "  des  quatre  fins 
du  sacrifice."  "  Une  heure,"  dit-il,  "  ainsi  employée  ne  dure  qu'un 
instant,  et  tout  étonné  d'avoir  si  tôt  à  quitter  le  prie-Dieu,  on  songe  au 
moment  heureux  qui  y  ramènera."  Comme  ces  paroles  traduisaient 
parfaitement  les  sentiments  intimes  de  notre  Vénérable  Fondateur  ! 
Oui,  son  bonheur  à  lui  c'était  de  se  retrouver  avec  Jésus  dans  le  sanc- 
tuaire. On  le  voyait  au  respect  avec  lequel  il  se  tenait  au  prie-Dieu.  Il 
y  avait  dans  son  attitude,  tout  son  extérieur,  quelque  chose  d'extraordi- 
naire, si  bien  que  les  fidèles  se  tenaient  au  courant  de  ses  heures  de 
garde  afin  de  venir  l'admirer  et  copier  de  loin  cet  ange  adorateur  dans 
une  chair  mortelle. 

Mais  se  dévouer,  se  donner  lui-même  à  l'Eucharistie,  ce  n'était  pas 
assez  pour  ce  cœur  consumé  d'amour:  le  zèle  est  le  premier  fruit  de  la 
charité.  Il  va  se  manifester  merveilleusement  dans  la  vie  de  notre  Vé- 
nérable. 


II  —  Les  Œuvres 

Ce  sont  d'abord  des  collaborateurs  qu'il  sollicite  du  Cœur  Sacré  de 
Jésus.  Il  éci'it  en  1859  :  "Oh  !  priez  donc  pour  de  bonnes  vocations  aux 
pieds  du  bon  Maître:  c'est  un  don  que  l'on  n'apprécie  pas,  une  grâce 
que  l'on  ne  connaît  pas."  Il  veut  ensuite  multiplier  les  Cénacles  et 
Notre-Seigneur  lui  donne  la  consolation  d'en  ouvrir  dans  plusieurs  villes 
de  France  et  deux  à  Bruxelles. 

Parallèlement  à    sa    Congrégation,  il    en  fonda    une    autre    pour  les 


—  491  — 

femmes  qu'il  appela  lui-même  du  beau  nom  de  "  Congrégation  des  Ser- 
vantes du  Très  Saint-Sacrement"  et  dont  la  lin  est,  moins  lapostolat, 
la  même  que  celle  des  Pères  du  Très  Saint-Sacrement.  Certaines  âmes 
privilégiées  qu'il  avait  dirigées  avec  autant  de  sagesse  que  de  piété,  alors 
qu'il  était  Mariste,  devinrent  entre  ses  mains  les  pierres  fondamentales 
de  sa  nouvelle  fondation.  Elles  étaient  solides  et  donnaient  au  Père 
Eymard  les  plus  belles  espérances,  qu'elles  surent  d'ailleurs  réaliser  pra- 
faitement.  "Dieu  se  prépare,"  écrivait-il,  le  5  août  1859,  une  sainte 
famille,  et  je  ne  serais  pas  étonné  qu'elle  devînt  aussi  grande  un  jour 
que  les  grands  corps  religieux  qui  ont  donné  au  ciel  tant  de  saintes 
âmes." 

Cependant,  "  le  tison  incendiaire,"  comme  le  Père  Eymard  se  plaisait 
à  appeler  l'Eucharistie,  embrasait  toujours  plus  son  âme.  Ce  n'était 
pas  seulement  quelques  personnes  qu'il  voulait  gagner  à  Xotre-Seigneur, 
c'était  le  monde  entier. 

Plein  de  confiance  eu  Celui  qui  peut  tout  malgré  la  faiblesse  de  l'ins- 
trument dont  il  se  sert,  le  Père  Eymard  entreprit  et  mena  à  bonne  jin 
les  œuvres  les  plus  variées  et  les  plus  fécondes,  ayant  toujours  en  vue 
le  but  suprême  de  sa  vie:  la  glorification  du  Christ  Eucharistique.  Les 
douze  ans  qu'il  a  survécu  à  la  fondation  de  son  Institut  ont  été  passés 
dans  un  travail  incessant  et  ont  produit  des  résultats  superbes. 

C'était  son  ambition^  toujours  réalisée  d'ailleurs,  d'attirer  auprès  des 
trônes  eucharistiques  qu'il  élevait  toute  une  phalange  d'adorateurs  qui 
pris  dans  les  divers  rangs  de  la  société  venaient  à  toutes  les  heures  du 
jour  rendre  leurs  hommages  à  Xotre-Seigneur  en  union  avec  ses  reli- 
gieux. C'est  ainsi  que  l'Agrégation  eucharistique  se  trouva  à  naître 
presque  en  même  temps  que  sa  Congrégation. 

Chaque  fois  qu'un  nouveau  cénacle  s'ouvrait,  sa  parole  vibrante 
d'amour  pour  î^otre-Seigneur  lui  faisait  trouver  sans  difficulté  un 
groupe  d'âmes  généreuses  qui  s'engageaient  à  composer  une  garde  d'iion- 
neur  au  Eoi  du  Sacrement.  L'Agrégation,  qui  n'avait  d'abord  existé 
que  dans  nos  églises,  se  répandit  ensuite  graduellement  en  France  et 
dans  toutes  les  parties  du  monde;  et  à  l'heure  actuelle,  c'est  par  cen- 
taines de  mille  qu'il  faut  compter  ses  membres.  Depuis  le  8  mai  1S97, 
par  un  rescrit  de  Léon  XIII,  l'Agrégation  a  été  élevée  au  rang  d'archi- 
confrérie,  dont  le  centre  principal  est  à  notre  maison  de  Saint-Claude,  à 
Eome.  Elle  a  été  enrichie  d'indulgences  précieuses  jmr  les  Souverains 
Pontifes  Pie  IX  et  Léon  XIII.  tant  pour  récompencer  ses  membres  de 
leur  service  d'amour  aux  pieds  de  Xotre-Seigneur.  que  pour  les  engager 
à  y  être  fidèles. 

Xotre  Vénérable  Père  eut  bien  vite  reconnu  dans  la  famille  laïque 
d'adorateurs  qu'il  avait  formée  des  âmes  d'élite  aspirant  dans  le  monde 
où  les  retenaient  leur  position  ou  leurs  devoirs  à  la  prati(|ue  de  la  plus 
haute  perfection.  Il  tourna  vers  eux  son  attention  bienveillante,  les 
organisa  en  société.  C'est  ainsi  que  se  forma  le  Tiers-Ordre  du  Très 
Saint-Sacrement,  connu  aussi  sous  le  nom  de  Fnifrniitr  Enduiristitiue  : 
il  fut  approuvé  à  I»nine  le  8  mai  1897.  Les  faveurs  spirituelles  offertes 
à  ses  membres  sont  fort  nombreuses. 


—  492  — 

C'est  pour  lui  surtout  que  le  Père  Eymard  composa  son  magnifique 
Directoire  des  Agrégés,  où  il  trace  de  main  de  maître  les  règles  les  plus 
sages  pour  la  direction  de  leur  conduite  dans  le  monde  et  pour  l'orien- 
tation de  leur  vie  vers  l'Eucharistie.  C'est  là  aussi  qu'il  donne  les 
instructions  les  plus  précises  et  les  plus  pressantes  au  sujet  de  la  com- 
munion et  qu'il  indique  les  moyens  les  meilleurs  pour  tirer  le  plus  grand 
fruit  de  cet  acte  essentiel  de  la  vie  chrétienne.  Il  voulait  que  la  Sainte 
Communion  fîit  le  pivot  de  la  vie  des  Agrégés  du  'J'rès  Saint-Sacrement. 

Il  n'entendait  pas  cependant  que  les  âmes  reçussent  tout  de  Notre- 
Seigneur  sans  songer  à  le  payer  d'un  peu  de  retour,  et  c'est  afin  de  leur 
permettre  d'acquitter  dans  une  mesure  leur  dette  de  reconnaissance  qu'il 
fonda  l'œuvre  dite  des  Semaines  Eucharistiques  ou  du  Luminaire  et  des 
Fleurs,  pour  l'ornementation  du  trône  de  l'Exposition.  Le  Père  Eymard 
désirait  que  tout  fut  beau,  riche  et  somptueux  autour  de  l'Ostensoir.  Il 
ne  voulait  que  des  cierges  de  cire  et  des  fleurs  naturelles  sur  l'autel  ;  mais 
tout  cela  coûtait  cher  et  il  était  pauvre.  Il  fit  alors  appel  à  ceux  que 
Notre-Seigneur  avait  comblés  de  ses  faveurs  célestes,  à  ceux  qu'il  avait 
nourris  de  sa  chair  et  de  son  sang,  et  il  leur  dit  :  "  A  ce  Dieu  qui  s'est 
montré  si  libéral  envers  vous,  prouvez  votre  générosité."  Il  fut  entendu, 
car  jamais  il  ne  manqua  de  l'argent  nécessaire  pour  pourvoir  dignement 
aux  frais  du  culte  eucharistique.  Il  proposait  comme  modèle  et  pa- 
tronne aux  membres  des  Semaines  Eucharistiques  Marie-Madeleine  dont 
l'intelligente  prodigalité  fut  si  hautement  louée  par  le  Maître:  "  Bonum 
opus  operata  est  in  me. .  ."  Le  Souverain  Pontife  Léon  XIII  a  daigné 
bénir  et  approuver  cette  œuvre,  à  laquelle  se  rattache  celle  des  Ouvroirs 
eucharistiques,  dont  la  fin  est  d'augmenter  et  de  renouveler  les  orne- 
ments et  les  linges  d'autel. 

Ce  m'est  un  doux  devoir  aujourd'hui  de  reconnaître  que  ces  deux 
œuvres  ont  pris  dans  ce  pays  une  extension  et  une  vigueur  bien  dignes 
de  la  foi  qui  anime  mes  chers  compatriotes. 

Mais  notre  Vénérable  Père  ne  pouvait  ignorer  qu'il  est  des  trônes 
vivants  que  Notre-Seigneur  préfère  aux  superbes  expositions  de  bronze 
et  de  marbre  qu'on  peut  lui  élever:  ce  sont  les  cœurs  des  petits  enfants, 
et  c'est  pour  lui  en  préparer,  là  surtout  où  il  semblait  qu'il  ne  s'en  put 
trouver,  que  VŒuvre  de  la  Première  Communion  des  adultes  fut  inau- 
gurée. Dans  Paris  surtout,  le  nombre  de  ces  pauvres  petits  malheureux 
qui  échappent  à  toute  instruction  religieuse  est  très  considérable.  Et 
s'il  ne  se  rencontre  des  âmes  dévouées  qui  se  mettent  à  leur  recherche, 
les  groupent  et  leur  apprennent  à  connaître  le  bon  Dieu,  ils  grandissent, 
vivent  et  meurent  en  païens,  quand  ils  ne  vont  pas  grossir  le  nombre  de 
ceux  qui  expient  leurs  crimes  dans  les  fers.  Notre  Vénérable  Père  eût 
un  soin  tout  particulier  de  ces  déshérités  de  la  terre  et  du  ciel.  Il  pre- 
nait plaisir  à  leur  faire  lui-même  le  catéchisme,  et  quand  arrivait  le  jour 
de  la  première  communion,  c'était  grande  fête  dans  la  maison,  le  cœur 
de  notre  Père  jubilait:  il  avait  élevé  de  nouveaux  trônes  à  Notre- 
Seigneur. 

Pour  ardent  pourtant  que  soit  le  zèle  d'un  apôtre,  il  est  nécessairement 
limité.     Afin  de  centupler  ses  forces  et  d'étendre  plus  loin  son  champ 


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d'action,  notre  Vénérable  Père  voulut  s-associer  les  prêtres  de  paroisse, 
"car/'  disait-il,  "les  prêtres,  ce  sont  des  multiplicateurs.'"  11  voulut 
les  unir  par  la  prière  et  certains  statuts  et  les  sanctifier  par  le  Très  Saint- 
Sacrement.  Il  les  tourna  d'abord  vers  l'Eucharistie,  leur  rappelant  que 
"■  leur  premier  devoir  était  celui  de  l'adoration  personnelle  et  qu'ils 
devaient  assurer  par  la  prière  le  succès  de  leur  ministère,  désirant  qu'ils 
descendissent  ensuite  de  l'Eucharistie  vers  les  peuples,  comme  Moïse  du 
Sinaï,  comme  les  apôtres  du  Cénacle,  pleins  de  feu  pour  annoncer  la 
parole  de  Dieu  et  procurer  sa  gloire."  L'Œuvre  des  Prêtres  Adorateurs, 
qui  a  pris  naissance  dans  l'amour  intense  de  notre  Père  pour  Xotre- 
Seigneur  et  ses  frères  dans  le  sacerdoce,  a  été  bénie  de  Dieu  au  delà  de 
toute  espérance  et  elle  compte  aujourd'hui  à  peu  près  100.000  membres 
dispersés  dans  le  monde  entier.  Louée  hautement  par  les  Souverains 
Pontifes,  approuvée  solennellement  par  eux,  jouissant  de  privilèges 
nombreux  et  assurant  à  ses  membres  de  riches  indulgences,  l'Œuvre  des 
Prêtres-Adorateurs  est  sûrement  appelée  à  jouer  un  rôle  prépondérant 
dans  la  sanctification  du  clergé. 

Son  estime  pour  les  prêtres  le  porta  encore  à  s'occuper  de  ceux  qui 
avaient  d'abord  fléchi  dans  la  Aoie  du  devoir,  et  il  voulait  leur  ménager 
des  sanatoriums  spirituels  où  leur  vertu  alanguie  fut  ranimée.  Ce  qu'il 
ne  put  réaliser,  ses  fils  l'ont  fait,  et  une  de  ces  maisons  existe  actuelle- 
ment, non  sans  grand  profit  pour  ceux  qui  l'habitent. 

Davantage,  il  pensa  aux  vétérans  du  sacerdoce.  Ces  preux  qui  oui 
blanchi  dans  les  combats  du  Seigneur  attendrissaient  son  cœur  si  bon,. 
et  pour  eux  il  voulait  ouvrir  des  maisons  de  retraite.  "Là,"  disait-il, 
"  ils  pourraient  faire  une  halte  avant  le  grand  voyage  et  se  préparer  plus 
saintement  à  paraître  devant  leur  juge." 

C'est  un  doux  espoir  pour  nous  de  penser  qu'un  jour  nous  pourrons 
donner  suite  aux  vœux  de  notre  Vénérable  Fondateur  et  grouper  autour 
de  l'Hostie  ceux  qui  ont  puisé  en  elle  pendant  de  longues  années  les 
grâces  nombreuses  de  leur  sacerdoce. 

Après  la  fondation  de  ses  deux  Congrégations,  l'établissement  de  ses 
diverses  œuvres  dont  je  viens  de  parler  et  les  longues  heures  d'adoration 
aux  pieds  du  Maître, on  pourrait  croire  que  tous  les  moments  de  la  vie 
de  notre  Vénérable  Père  fussent  absoluuient  remplis:  il  n'en  était  rien 
et  son  zèle  aussi  fort  qu'industrieux  lui  faisait  trouver  le  temps  de  se 
livrer  à  de  nombreuses  prédications-  Inutile  de  dire  que  la  Sainte 
Eucharistie  faisait  le  thème  habituel  de  ses  instructions.  "Il  tirait  de 
ce  trésor  sacré  des  choses  anciennes  et  nouvelles.''  Xotre  Vénérable 
Père,  après  avoir  redit  avec  cette  manière  originale  qui  le  caractérisait 
les  belles  choses  que  les  Docteurs  et  les  Pères  ont  proclamées  de  la  Sainte» 
Eucharistie,  a  eu  sur  ce  sacrement  divin  des  aperçus  nouveaux  et  des  in- 
tuitions profondes,  que  j'appellerai  surnaturels. 

Permettez  que  je  vous  rappelle  un  souvenir  pcrsonm-l.  J'étais  à 
Paris,  tout  jeune  prêtre  encore.  J'accompagnais  notre  vénéré  Père 
Tesnières,  de  regrettée  mémoire,  à  Xotre-Dame,  où  il  allait  jïrononctT 
un  sermon.     Dans  In  sacri>ti(\  nous  rencontriunes  1p  Père  >ronsnbré,  81 


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connu  par  ses  magnifiques  conférences.  L'illustre  dominicain,  qui  ve- 
nait de  donner  alors  son  magistral  carême  sur  la  Sainte  Eucharistie,  dit 
à  notre  Père  Tesnières,  avec  une  grande  humilité  :  "  Père,  l'inspiration 
de  mon  Carême,  je  l'ai  puisée  dans  le  Père  Eymard."  Cette  parole  suffit 
à  prouver  que  notre  Vénérable  Fondateur,  qui  n'avait  certes  pas  la  va- 
leur oratoire  du  célèbre  Frère  Prêcheur,  possédait  cependant  une  science 
personnelle  de  l'Eucharistie  que  les  plus  grands  talents  pouvaient  lui 
envier.  Mais  si  ses  pensées  étaient  assez  profondes  pour  séduire  les  plus 
belles  intelligences,  elles  étaient  pourtant  assez  claires  pour  être  com- 
prises et  goûtées  des  simples  fidèles  :  semblables  à  la  doctrine  évangé- 
lique,  elles  semblaient  s'adresser  à  toutes  les  classes  de  la  société.  Et, 
de  fait,  les  enseignements  du  Vénérable  Père  Eymard  sur  la  Sainte 
Eucharistie  ont  été  comme  une  révélation  pour  toutes  les  âmes  croyantes. 
Le  jour  où  les  quatre  petits  volumes  de  notre  Vénérable  Père  intitulés  : 
"  La  Divine  Eucharistie,"  ont  pénétré  dans  les  couvents,  les  commu- 
nautés religieuses  ont  vu  leur  ferveur  se  renouveler  et  s'accroître  vis-à- 
vis  du  Dieu  du  Sacrement.  Et  la  multitude  des  fidèles  a  puisé  dans  les 
affirmations  hardies  et  les  élans  d'amour  véhément  des  écrits  du  Véné- 
rable une  connaissance  éclairée  du  dogme  eucharistique  et  un  attrait 
puissant  vers  le  Dieu  caché  de  nos  autels.  Le  fait  que  les  œuvres  du 
Père  Eymard  ont  été  traduites  en  toutes  les  langues  de  l'Europe  et  ont 
été  répandues  par  centaines  de  mille,  dit  mieux  que  tout  le  reste  qu'elles 
répondaient  parfaitement  aux  besoins  actuels  des  âmes.  Je  ne  crois  pas 
téméraire  d'affirmer  que  Dieu  l'assistait  tout  particulièrement  dans  ses 
instructions.  Il  lui  arriva  une  fois  de  lire  le  résumé  d'un  sermon  donné 
la  veille  :  "  Qui  donc  a  pu  dire  de  si  belles  choses,"  demanda-t-il  avec 
naïveté  ?  —  "  C'est  votre  instruction  d'hier."  —  "  Je  ne  m'en  serais  pas 
douté."  Cela  nous  fait  comprendre  comment  plus  de  cinquante  ans  à 
l'avance  on  trouve  dans  ses  écrits,  qui  ne  sont  autres  que  des  notes  de 
sermon  qu'il  ne  destinait  nullement  à  la  publicité,  cette  doctrine  admi- 
rable sur  la  Sainte  Communion  que  livre  actuellement  au  monde  dans 
des  décrets  immortels  l'illustre  Pie  X  glorieusement  régnant.  Le  Père 
Eymard  a  traité  le  plus  sublime  des  mystères  avec  une  compétence  de 
théologien  consommé.  C'est  ce  que  prouve  le  verdict  "  de  Uito  "  de  la 
Congrégation  des  Eites  sur  les  écrits  de  notre  Vénérable  Fondateur,  dans 
le  procès  d'introduction  de  sa  cause  de  béatification. 

Cette  sûreté  de  doctrine  qui  le  caractérisait,  il  voulait  la  trouver  dans 
sa  famille  religieuse  :  "  Apprenez,  travaillez  le  Saint-Sacrement,"  disait- 
il  à  ses  fils  spirituels,  "c'est  une  mine  à  exploiter;  sachez  votre  métier. 
Que  vos  heures  d'adoration  portent  leurs  fruits.  Si  quelqu'un  connaît 
mieux  l'Eucharistie  que  nous,  cédons-lui  notre  prie-Dieu,  nous  ne 
sommes  pas  dignes  de  la  place  que  nous  y  tenons." 

La  bouche  éloquente  du  Père  Eymard  allait  se  clore.     Il  avait  édifié 

presque  sans  s'en  douter  un  magnifique  monument  à  la  gloire  de  l'Eu- 

chari.stie,  il  n'avait  plus  qu'un  ornement  à  y  ajouter  pour  le  compléter, 

•  il  l'y  mit,  ce  fut  l'un  des  plus  beaux.     En  mai  1868,  trois  mois  avant 

•sa  mort,  terminant  une  chaleureuse  allocution  sur  nos  devoirs  envers  la 

Sainte  Vierge,  notre  Vénérable  Père  s'écriait  :  "  Eh  bien,  nous  hono- 


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rerons  Marie,  sous  le  vocable  de  Notre-Dame  du  Très  ^aint-Haxrement, 
Oui,  disons  avec  confiance,  disons  avec  amour:  Notre-Dame  du  Très 
Saint-Sacrement,  mère  et  modèle  des  adorateurs,  priez  pour  nous  qui 
avons  recours  à  vous."  Le  Père  descendit  de  chaire  radieux,  ému,  dé- 
bordant d'allégresse;  non  seulement  il  avait  payé  à  Marie,  qui  l'avait 
donné  à  Jésus,  un  tribut  de  reconnaissance  en  lui  décernant  un  de  ses 
plus  beaux  titres,  que  l'Eglise,  vous  le  savez,  vient  de  reconnaître  au- 
tlientiquement  et  d'enrichir  d'une  indulgence  de  300  jours,  mais  il  avait 
encore  trouvé  un  nouveau  moyen  de  glorifier  rEucharistie  en  donnant 
à  ses  adorateurs  une  Mère  dévouée  et  éclairée  pour  les  former  à  leurs 
sublimes  fonctions,  et  en  leur  offrant  un  modèle  accompli  des  disposi- 
tions et  des  vertus  qu'ils  doivent  apporter  dans  leur  service  eucharistique. 
De  plus  en  plus,  le  culte  et  Tamour  de  Notre-Dame  du  Très  Sainl- 
Sacrement  se  propage.  Elle  a  maintenant  son  sanctuaire  dans  la  Ville 
éternelle.  Et  en  Europe  ainsi  qu'en  Amérique  on  est  heureux  de  trouver 
des  autels  qui  lui  sont  consacrés  et  où  on  la  voit  dans  l'attitude  de  la 
foi  la  plus  respectueuse,  tenant  son  divin  Fils  qui  offre  au  monde  le 
Pain  de  la  vie  éternelle  et  le  calice  du  salut  perpétuel. 

Voeux  : 

En  Unninant,  permettez  que  j'émette  un  double  vœu  :  —  le  premier 
c'est  que  la  Sainte  Eglise  accorde  bientôt  les  honneurs  de  la  béatifica- 
tion au  fervent  adorateur  et  à  l'apôtre  zélé  de  l'Eucharistie,  le  Vénérable 
Pierre  Julien  Eijmard;  —  qu'ensuite  elle  nous  permette  d'associer  Marie 
au  Christ  Sacramentel,  en  louant  publiquement  Notre-Dame  du  Très 
Saint-Sacrement  dans  un  office  liturgique  qui  prendra  place  dans  le 
cycle  régulier  des  fêtes  mariales. 


M.  l'abbé  Bouqiœrel  traito  ensuite  la  question  de  la  Répa- 
ratioii  eucharistique  : 

"LES    ŒUVRES    DE    REPARATION    EUCHARIS- 
TIQUE ' 


Le  grand  Képarateur,  le  Réparateur  universel  est  Notrc-Seigneur 
Jésus-Christ.  Par  le  sacrifice  du  Calvaire,  Il  a  racheté  le  monde  en  ré- 
parant les  ravages  causés  par  le  péché  dan?  l'humanité  et  on  donnant 
une  satisfaction  d'une  valeur  infinie  à  la  Justine  divine. 

Après  Jésus,  nous  trouvons  Marie  son  auguste  Mère,  co-rédemptrice, 
et  par  conséquent  co-réparatrice  pour  les  péchés  dos  hommes. 

Les  apôtres,  les  disciples,  témoins  de  la  vie  et  do  la  mort  flu  Sauveur 
ont  participé  à  sa  réparation  par  le  martyre. 


—  496  — 

Pendant  longtemps,  uu  sang  réparateur  a  coulé  dans  l'Eglise  et  s'est 
uni  au  sang  de  Jésus  immolé  sur  les  autels. 

La  paix  étant  venue,  la  réparation  s'est  faite  par  la  pénitence  au 
désert,  par  la  louange  perpétuelle  dans  les  cloîtres,  et  tout  le  long  des 
siècles  par  un  apostolat  aussi  inlassable  que  fécond.  Et  toutes  ces  ré- 
parations étaient  intimement  liées  à  l'Eucharistie  puisque  l'Eucharistie 
donnait  aux  réparatetirs,  force,  courage,  amour.  . 

En  1264,  sur  les  instances  de  sainte  Julienne  de  Cornillon,  la  Fête- 
Dieu  est  instituée  par  Urbain  IV;  en  1311,  le  concile  de  Vienne  impose 
cette  fête  à  toute  l'Eglise.  Alors  commence  réellement,  avec  la  louange, 
la  réparation  officielle  eucharistique.  Viennent  les  processions  avec 
toute  la  variété  que  leur  donne  en  chaque  pays  l'ingéniosité  d'une  foi 
vive  et  expressive.  Jésus  dans  son  sacrement  est  adoré,  et  fêté,  et  vengé 
des  blasphème  de  l'incrédulité.  C'est  bien  une  réparation  eucharistique. 

En  1554,  à  la  demande  du  P.  Joseph  Ferni,  capucin,  saint  Charles- 
Borromée  institue  à  Milan  les  prières  des  Quarante-Heurcs,  en  l'honneur 
des  quarante  heures  que  le  corps  de  Notre-Seigneur  demeura  dans  le 
tombeau.     Saint  Philippe  de  Néri  les  introduisit  à  Eome  en  1548. 

Il  n'est  pas  certain  que  l'exposition  du  Très  Saint-Sacrement  se  pro- 
longeât durant  tout  le  temps  des  prières  des  Quarante-Heures,  il  est 
même  probable  qu'elle  n'avait  lieu  qu'à  la  fin  de  ces  exercices  oui  se  ter- 
minaient ordinairement  par  la  procession  du  Très  Saint-Sacrement. 
Ces  prières  cependant  étaient  bien  eucharistiques  puisqu'elles  se  faisaient 
au  pied  du  tabernacle. 

Peu  à  peu,  tandis  que  cette  dévotion  s'étendait  aux  autres  églises  de 
Eome,  l'usage  s'établit  d'exposer  le  Saint-Sacrement  tout  le  temps  des 
exercices.  Ils  furent  ainsi  approuvés  par  le  pape  Clément  XI  dans  sa 
Bulle  du  21  janvier  1705.     (Une  âme  eucharistique,  note  p.  78). 

Mais  la  vraie  charte  de  toutes  les  œuvres  d'adoration  et  de  réparation 
eucharistiques  est  la  Bulle  Graves  de  Communi  publiée  par  Clément 
VIII,  en  1592. 

On-  lit  dans  cette  Bulle  :  "  Les  tristes  et  longues  calamités  attirées  sur 
le  monde  chrétien  par  nos  péchés  et  qui  vont  chaque  jour  en  s'aggravant 
ne  cessent  d'émouvoir  notre  sollicitude  pastorale  qui  doit  s'étendre  à 
toute  l'Eglise.  Nous  ressentons,  certes,  une  vive  douleur  à  la  vue  des 
maux  présents,  et  à  la  perspective  de  ceux  qui  nous  menacent.  Mais 
notre 'cœur  et  nos  entrailles  paternels  sont  surtout  transpercés  par 
l'état  affligeant  du  noble  et  autrefois  si  florissant  royaume  de  France, 
qui,  depuis  tant  d'années  est  bouleversé  de  fond  en  comble  et  accablé 
des  maux  les  plus  cruels....  Aussi,  nous  souvenant  de  la  parole  de 
Dieu,  qui  se  lit  dans  le  saint  Prophète:  "  Invoque-moi,  dit-il,  au  jour  de 
la  tribulation,  je  te  délivrerai  et  tu  m'honoreras,"  nous  avons  résolu, 
pour  apaiser  le  Seigneur,  pour  détourner  sa  colère,  de  dessus  son  peuple, 
et  obtenir  le  secours  dont  nous  avons  besoin  en  ces  temps  difficiles  d'ins- 
tituer en  cotte  ville  sainte  des  exercices  publics  de  prières  perpétuelles, 
de  manière  que  le  jour  et  la  nuit,  à  quelque  heure  que  ce  soit,  et  durant 
tout  le  cours  de  l'année  la  prière  ne  cesse  de  s'élever  en  la  présence  de 
Dieu. . . .  Priez  pour  la  sainte  Eglise  catholique,  afin  que  les  erreurs  se 
dissipent  et  que  la  vérité,  dans  l'unité  de  la  foi,  se  propage  par  toute  la 


—  497  — 

terre.  .  .  Priez  pour  la  paix  et  l'uuiou  des  rois  et  des  chrétiens,  priez 
pour  le  malheureux  royaume  de  France.  Que  Celui  qui  domine  tous  les 
royaumes  et  à  la  volonté  de  qui  rien  ne  résiste,  rende  au  royaume  très 
chrétien  qui  a  si  bien  mérité  de  l'Eglise,  son  antique  piété  et  sa  tran- 
(|uillité  d'autrefois.'"'  Dieu  exauça  ces  prières,  agréa  ces  réparations, 
l'avènement  de  Henri  IV  rendit  la  paix  à  l'Eglise  de  France,  et  quel- 
ques années  plus  tard,  en  1603,  de  la  France  pacifiée  partit  Champlain 
pour  fonder  la  ville  de  Québec. 

Les  œuvres  de  réparation  eucharistique  peuvent  se  diviser  en  trois 
Ijranches :  Celles  qui  ont  rapport  à  la  sainte  Messe,  celles  qui  se  rap- 
portent à  la  sainte  Communion,  et  les  œuvres  d'Adoration.  Quelques- 
unes  ont  poui;  objet  la  réparation  des  blasphèmes,  des  crimes  des  Sociétés 
secrètes,  des  sacrilèges,  mais  elles  sont  eucharistiques  dans  leurs  moyens  : 
messes  célébrées  ou  entendues,  communions,  adorations.  Cette  variété  de 
buts,  de  moyens  et  de  sujets  n'empêchent  donc  pas  ces  œuvres  d'appar- 
tenir à  la  grande  famille  des  œuvres  de  réparation  eucharistique. 

On  pourrait  encore  diviser  ces  œuvres  en  tenant  compte  du  milieu  où 
elles  se  développent  :  les  unes  en  effet  ont  les  cloîtres  pour  théâtre,  les 
autres  sont  proposées  aux  fidèles  des  paroisses. 

Il  nous  a  paru  préférable  do  les  mentionner  dans  l'ordre  clironologique 
de  leur  apparition  pour  mieux  faire  ressortir  l'appel  incessant  du  Cœur 
de  Jésus  à  la  réparation. 

Il  faut  en  effet  remarquer  qu'à  la  racine  d'à  peu  près  toutes  ces  œuvres 
se  rencontre  une  âme  vivement  impressionnée  par  une  idée.  Quelle  est 
la  nature  de  cette  itlée?  Est-ce  une  inspiration  du  Ciel?  Est-ce  sim- 
])lement  la  résultante,  toujours  surnaturelle  d'une  intelligence  vivement 
éclairée  par  la  foi  et  d'un  cœur  épris  d'un  ardent  amour? 

Vers  la  fin  du  dix-septième  siècle,  Xotre-Seigneur  s'adressant  à  la 
Bienheureuse  Marguerite-Marie,  lui  denunida  explicitement  et  en  des 
termes  pressants  des  réparations  et  des  amendes  honorables.  Les  solli- 
citations du  Cœur  de  Jésus  n'ont  point  cessé  de  se  faire  entendre,  et 
ont  suscité  des  œuvres  de  réparation  qui  se  sont  surtout  iléveloppées  et 
multipliées  au  siècle  dernier. 

Ce  sont  là  des  faits  et  des  faits  très  intéressants  en  eux-mêmes.  Mais 
quand  on  remonte  à  la  source  de  ces  fleuves  do  la  vie  réparatrice,  on 
trouve  toujours  une  âme  jirofonflément  mortifiée  comme  les  saints, 
humble  comme  les  saints,  ardente  au  dévouement  et  à  l'immolation 
comme  les  saints,  on  ne  peut  s'empêcher  de  conclure  tout  en  réservant  le 
jugement  de  l'Eglise:  Le  doigt  de  Dieu  est  là.  (1) 

L'adoration  réparatrice  fut  d'abord  établie  tlans  les  parois-es,  mais 
cette  pratique  était  trop  belle  pour  rester  l'apanage  des  personnes  vivant 
dans  le  monde.  Sans  doute  il  y  a  dans  le  monde  de  belles  âmes  répa- 
ratrices et  nombre  de  chrétiens  aux  jours  d'adoration  mettent  leur  cœur 


(1)    Si  l'on  veut  se  faire  une  idée  des  manifestations  surnaturelles    de  Dieu 
sur  les  œuvres  eucharistiques,  on  doit   lire    un   ouvrape  réceiimient  puMi»'  cjiez 
Dudier.  à  Paris, sous  le  titre:  Sœur  Marguerite  Marie   Doons.    moniale  »^n<^dio- 
tine.     II  est  écrit  par  un  témoin  oculaire  avec  une  documentation  d'une  précision 
parfaite. 


—  498  — 

en  harmonie  avec  le  Cœur  de  Jésus.     Mais  Jésus  voulait  des  âmes  exclu- 
sivement vouées  à  l'adoration  réparatrice.     Il  les  eut. 

LES  SŒURS  DU  SAINT-SACREMENT 

Au  X'SrLIème  siècle  nous  trouvons,  dit  le  P.  Potton,  dominicain,  deux 
ordres  religieux  de  femmes  ayant  l'adoration  perpétuelle  :  le  premier  est 
celui  des  Sœurs  du  Saint-Sacrement,  fondé  par  le  P.  Antoine  Le  Quien, 
le  second  est  celui  des  Bénédictines  Adoratrices. 

Ce  fut  le  jour  de  l'Exaltation  de  la  Sainte  Croix,  1634,  que  le  Père 
Antoine  s'offrit  à  Notre-Seigneur  pour  mener  à  bonne  fin  le  projet  qu'il 
avait  conçu  dès  son  noviciat,  mais  il  ne  commença  qu'en  1639,  à  Mar- 
seille, son  Grand  Œuvre,  comme  il  se  plaisait  à  l'appeler.  La  Sœur 
Anne  Négrel  en  fut  la  première  supérieure.  L'Ordre  ne  fut  établi  ca- 
noniquement  qu'en  1656  par  l'évêque  de  Marseille,  et  en  1680  par  le 
Pape  Innocent  XL 

Le  premier  aussi,  le  P.  Antoine  conçut  l'idée  d'établir  dans  l'Eglise, 
une  association  de  prêtres  séculiers  qu'il  appellerait  Prêtres  du  Saint- 
Sacrement. 

Deux  siècles  plus  tard  cette  idée  fut  réalisée  par  le  Vénérable  Père 
Eymard. 

Le  monastère  des  Sacramentines  de  Bolène  eut  l'honneur  en  1794  de 
fournir  13  victimes  parmi  les  32  martyres  d'Orange. 

Le  P.  Antoine  avait  établi  également  pour  les  personnes  du  monde  un 
Tiers-Ordre  du  Saint-Sacrement. 

Les  Sacramentines  ont  encore  aujourd'hui  en  France  cinq  maisons. 

Celle  de  Bernai,  en  Normandie,  a  été  brutalement  fermée  il  y  a  sept 
ans,  et  les  religieuses  qui  la  composaient,  exilées  en  Angleterre,  cher- 
chent en  ce  moment  un  nouveau  champ  d'action  en  pays  catholique  pour 
y  travailler  à  la  gloire  du  Très  Saint-Sacrement. 

LES  BENEDICTINES  DU  TRES  SAINT-SACREMENT 

Pendant  les  premières  années  du  règne  de  Louis  XIV,  la  régente,  Anne 
d'Autriche,  frappée  des  désordres  qui  désolaient  le  royaume,  fit  consulter 
un  prêtre  de  la  communauté  de  Saint-Sulpice  sur  l'œuvre  qui  lui  paraî- 
trait la  plus  propre  à  fléchir  la  colère  de  Dieu.  Ce  prêtre,  touché  de  la 
continuelle  profanation  des  églises,  et  surtout  du  Saint-Sacrement,  occa- 
sionnée par  les  guerres,  proposa  l'établissement  d'une  maison  religieuse 
consacrée  spécialement  à  la  réparation  des  outrages  faits  à  ce  divin 
mystère.  Ce  fut  l'origine  des  Dames  Bénédictines  du  Très  Saint-Sa- 
crement instituées  par  la  vénérable  Catherine  de  Bar,  en  religion  Sœur 
Mechtilde  du  Très  Saint-Sacrement,  dont  la  première  maison  date  du 
12  mars  1654. 

Sœur  Mechtilde  mourut  à  83  ans,  en  odeur  de  sainteté,  le  6  avril  1698 
après  avoir  établi  sept  couvents  de  l'adoration  perpétuelle.  Beaucoup 
de  communautés  religieuses  imitèrent  les  Bénédictines,  et  'dans  plusieurs 


—  499  — 

villes  se  fondèrent  des  associations  pour  adorer,  au  moins  le  jour,  sans 
interruption  Xotre-Seigneur  dans  le  Saint-Sacrement.  (L'œuvre  de 
l'exposition  et  de  l'adoration  nocturne.     Introduction.) 

De  la  France  cette  Adoration  perpétuelle  s'étendit  à  l'Espagne,  au 
Portugal,  en  Allemagne.  Il  en  existe  encore  deux  maisons  à  Paris  et 
une  quinzaine  à  l'étranger. 


CONGEEGATIOX  DES  SACRES-CŒURS  DE  JESUS  ET  DE 

MARIE 

Une  nouvelle  œuvre  d'adoration  réparatrice  naquit  à  Paris  dans  la  nuit 
de  Xoël  1800.  Un  jeune  prêtre,  Tabbé  Coudrin  avait  eu  pendant  les 
plus  mauvais  jours  de  la  Terreur  l'impression  qu'il  fonderait  une  œuvre 
de  missionnaires  hommes  et  femmes.  Il  les  avait  vus  habillés  de  blanc 
se  dispersant  par  le  monde  pour  y  prêcher  Jésus-Christ. 

Une  jeune  fille,  Mlle  Aymer  de  la  Chevallerie,  échappée  comme  par 
miracle  au  couperet  de  la  guillotine  après  six  mois  de  détention,  était 
entrée  dans  une  association  du  Sacré-Cœur  qui  se  formait  pour  réparer 
les  horribles  forfaits  de  la  Révolution.  L'abbé  Coudrin  et  Mlle  Aymer 
se  rencontrèrent  au  pied  du  tabernacle,  se  communiquèrent  leurs  idées 
et  réunirent  leurs  efforts  pour  fonder,  près  du  cimetière  où  gisaient  sous 
un  linceul  de  chaux  1300  victimes  exécutées  à  la  Barrière  du  Trône,  une 
double  communauté  vouée  à  l'apostolat  et  à  la  réparation  eucharistique. 
Ce  fut  l'origine  de  la  communauté  des  Picpusiens  et  de  la  Congrégation 
des  Dames  de  l'Adoration  Perpétuelle  et  des  Sacrés-Cœurs. 

Une  association  extérieure  à  l'usage  des  gens  du  monde  leur  est  an- 
nexée et  unit  un  grand  nombre  d'âmes  aux  ferventes  adorations  qu'elles 
font  elles-mêmes  dans  les  nombreuses  maisons  qu'elles  possèdent  ot  on 
Europe  et  dans  les  Missions. 

A  ROME 

En  1804,  Catherine  Sardini,  supérieure  des  Franciscaines  d'Ischia  en 
Toscane,  établit  à  Rome,  le  couvent  de  Ste-Anne  des  Quatro-Fontainos 
et,  avec  l'approbation  de  Pie  VII  y  commença,  en  1807,  l'adoration  so- 
lennelle du  Très  Saint-Sacrement.  Dispersées  lors  de  l'occupalion 
française,  ces  religieuses  ne  tardèrent  pas  à  se  réunir  et  à  reprendre  leur 
œuvre  de  réparation. 

L'ADORATION  NOCTURNE 

L'Œuvre  de  l'Adoration  Nocturne  de  Rome,  telle  qu'elle  existe  encore 
aujourd'hui,  commença  en  1810,  inspirée  par  les  cruelles  épreuves  que 
subissait  l'Eglise.  Le  Vicaire  de  Jésu.s-Christ  gémissait  «ians  la  capti- 
vité la  Ville'^  Eternelle,  privée  de  son  Pontife,  était  dans  la  désolation. 
Diei  mit  alors  au  cœur  d'un  saint  prêtre  la  pensée  d.>  réunir  quelques 
hommes  pour  aller  pendant  la  nuit  prolonger  la  prière  dans  les  eanr- 


—  500  — 

tuaires  où  se  faisait  l'exposition  des  Quarante-Heures.  En  très  peu  de 
temps  l'Adoration  Xocturne  gagnant  de  sanctuaire  en  sanctuaire,  se 
généralisa  dans  toute  la  ville.  (1) 

CHEZ  LES  CARMELITES 


Les  Carmélites  ont  une  vie  essentiellement  réparatrice.  Or,  en  1819, 
vivait  au  Carmel  de  Poitiers,  une  religieuse  fervente  nommée  Sœur 
Marie  Adélaïde.  Saisie  d'un  saint  zèle,  elle  inspira  à  l'abbé  Soyer,  alors 
vicaire  général,  deux  écrits  :  l'un  intitulé  "  Avertissement  au  peuple 
français  ";  l'autre,  "Réparation  inspirée  pour  apaiser  la  colère  de  Dieu." 
On  y  proclamait  hautement  que  les  blasphèmes  attiraient  la  colère  de 
Dieu  sur  la  France  et  on  y  proposait  des  supplications  réparatrices. 
Or,  Mgr  Soyer  devenu  évêque  de  Luçon,  disait  de  la  Carmélite  qui  lui 
avait  inspiré  ces  appels,  et  il  était  une  âme  d'élite  à  laquelle  Notre-Sei- 
gneur  s'était  intimement  communiqué  :  "  Cette  admirable  Carmélite 
était  la  personne  la  plus  mortifiée,  la  plus  humble  et  la  plus  sainte  que 
j'aie  jamais  rencontrée." 

Ce  fut  aussi  une  Carmélite  de  Tours,  Sœur  St-Pierre,  qui  plus  tard 
pressa  M.  Dupont  avec  tant  d'instances  d'établir  en  cette  ville  une 
œuvre  de  réparation, 

PAULINE  MAEIE  JARICOT 

En  1826,  Pauline-Marie  Jaricot  de  Lyon,  Fondatrice  de  la  Propaga- 
tion de  la  Foi  et  du  Rosaire  vivant  avait,  elle  aussi,  malgré  les  appa- 
rences pacifiques  de  cette  période  de  notre  histoire,  l'intuition  très  vive 
de  la  nécessité  de  la  réparation  pour  détourner  des  désastres  qui  se  pré- 
paraient dans  l'ombre. 

Elle  pratiqua  elle-même  l'adoration  réparatrice,  et  s'adjoignit  de 
pieuses  jeunes  filles  qui  entrèrent  dans  ses  vues  et  s'unirent  à  ses  suppli- 
cations, et  à  ses  sacrifices. 

MARIE  EUSTELLE 

Un  peu  plus  tard,  une  pieuse  et  sainte  enfant,  Marie  Eustelle  de 
Saint-Palais  près  de  Saintes,  en  Charente-Inférieure,  écrivait  des  pages 
vécues  et  sublimes  sur  l'amour  de  Jésus  au  Saint-Sacrement  et  sur  la 
réparation  et  sur  l'esprit  de  victime.  Elle  mourut  en  1842,  mais  ses 
écrits  enflammèrent  les  âmes. 

Mme  LE  VAVASSEUR 

En  1841,  pendant  une  mission  donnée  à  Moyencourt  dans  les  Landes, 
un  des  prédicateurs,  le  P.  Girard,  fut  abordé  par  une  dame  qui  lui  parla 
avec  feu  de  l'adoration  perpétuelle. 


f  1  )  L'œuvre  de  l'ex.  et  de  l'ad. 


—  501  — 

Quelque  temps  auparavant,  se  trouvant  en  priôres  aux  pieds  d'une 
statue  de  la  sainte  A'ieige  dans  le  parc  de  son  château  de  Coutenz,  elle 
avait  eu  l'inspiration  de  solliciter  rétablissement  de  cette  œuvre  eu 
France.  Cette  dame  se  nommait  Mme  Le  Vavasseur.  Depuis  son  en- 
fance elle  pratiquait  la  communion  (juotidienne.  A  17  ans,  elle  avait 
fait  graver  dans  un  anneau  qu'elle  passa  à  son  doigt  ces  mots:  "  J'aime 
Jésus." 

Je  n'ai  jamais  pensé,  disait-elle,  à  entrer  en  religion,  parce  que  la 
communion  quotidienne  y  est  souvent  difficile,  souvent  impossible.  Je 
me  suis  mariée  parce  que  je  pouvais  dès  lors  aller  à  l'église  sans  être 
accompagnée  et  quand  je  voulais.  Je  me  suis  mariée  à  mon  Edmond, 
parce  qu'il  allait  à  la  messe  tous  les  jours. 

Le  P.  Girard,  sachant  que  cette  dame  était  très  connue  dans  les 
œuvres  de  charité  à  Paris,  lui  conseilla  de  faire  une  démarche  auprès  de 
Mgr  Afïre.  L'Archevêque  l'écouta.  Ce  fut  tout,  et  malgré  ses  instances 
souvent  réitérées,  l'œuvre  ne  se  fit  pas. 

Frappé  d'une  balle  en  1848,  et  sur  le  point  d'expirer,  Mgr  Affre 
s'adressa  à  son  vicaire  général  M.  Jacquemet,  plus  tard  évêque  de 
Nantes  :  ''  Dites  à  Mme  Le  Vavasseur  que  je  meurs  avec  le  regret  de 
n'avoir  pas  assez  fait  pour  le  Saint-Sacrement.  Mon  ami,  la  vie  est  peu 
de  chose . . .  Aidez-moi  à  aimer  la  Sainte  Eucharistie.  Que  je  voudrais 
l'aimer  comme  elle  le  mérite.''     (Une  âme  eucharistique,  p.  76.) 

LE  SAINT  HOMME  DE  TOUl^S 

En  1843,  M.  Dupont,  le  "  saint  homme  de  Tours,"  provoqua  l'organi- 
sation d'une  pieuse  ligue  pour  obtenir,  par  l'intercession  de  saint  lx)\iis. 
"  la  destruction  des  ennemis  de  Dieu  "  en  les  convertissant  et  en  faisant 
échouer  leurs  projets.  Elle  consistait  en  une  quarantaine  de  prières 
qui  commençait  le  16  juillet,  fête  de  Notre-Dame  du  Carmel,  et  se  ter- 
minait le  25  août,  en  la  fête  de  saint  Louis. 

En  cette  même  année  1843,  le  Souverain  Pontife  (Jrégoiri'  X\'l  ]ni- 
blia  un  Bref  pour  l'érection  de  pieuses  confréries  ayant  pour  but  la  ré- 
paration des  blasphèmes  contre  le  Saint  Nom  de  Dieu,  sous  le  patronage 
de  saint  Louis,  roi  de  France. 

Mais  revenons  à  Paris. 

Tin  ami  de  la  famille  Le  A'ava^seur,  M.  Hamelin.  curé  de  l'abbaye 
aux  Bois,  est  le  premier  qui  dès  1844,  à  l'instigation  de  Mme  Le  Vavas- 
seur, avait  offert  son  église  pour  y  faire  une  journée  d'adoration  répa- 
ratrice avec  exposition  solounello  du  Très  Saiut-Sac  rciiuMit.  Elle  cul 
lieu  le  premier  vendredi  de  mars.  Quelipies  autres  paroisses  suivirent 
cet  exemple,  mais  ce  ne  furent  que  des  essais  timides,  sans  organisation 
régulière  et  bornés  à  l'adoration  du  jour.     (Ib.) 

L'IDEE  DE  VICTIME 

Un  Père  de  la  Compagnie  de  Jésus,  le  P.  Calage,  qui  fnt  le  directeur 
de  Mlle  Dhuil   :^rartini  dont  nous  parlerons  plus  bas.  affirme  que  des 


—  502  — 

1846,  plusieurs  personnes  de  Marseille  qu'il  dirigeait,  avaient  l'attrait 
de  s'oiïrir  en  victimes,  et  que  l'une  d'elles  avait  eu  l'idée  de  fonder  une 
œuvre  de  victimes  eucharistiques. 

"Voici  vingt  ans,"  lui  disait-il  un  jour,  "que  des  personnes  à  qui 
Dieu  fait  des  communications,  semblent  s'être  donné  le  mot  d'ordre 
pour  venir  à  mon  confessionnal.  Nous  étions  loin  encore  de  la  voir  se 
réaliser.     L'œuvre  devait  se  fonder  sur  un  monceau  de  victimes." 

Et  le  P.  Calage  nomma  à  la  fondatrice  les  âmes  qui  étaient  parties 
pour  le  ciel,  après  s'être  offertes  pour  l'accomplissement  des  volontés 
divines.     (Vie  de  la  Mère  Marie  de  Jésus.) 

L'ADOEATION  EEPAEATRICE 

L'Association  de  l'adoration  réparatrice,  qui  a  son  siège  rue  d'Ulm  à 
Paris,  date  de  1848.  Théodelinde  Dubouché,  disait  M.  de  Cabanous  au 
Congrès  de  Metz,  avait  une  âme  ardente,  énergique,  passionnée  pour  le 
bien,  toujours  conduite  par  un  jugement  sûr  et  un  cœur  généreux.  Deux 
ans  auparavant,  en  1846,  elle  avait  eu  une  première  vision.  A  côté  de 
la  sainte  Couronne  qu'elle  était  allée  visiter  à  Notre-Dame  de  Paris,  elle 
vit  clairement  et  à  plusieurs  reprises  une  hostie  qui  semblait  se  soutenir 
seule  dans  l'espace.  L'anné  suivante,  dans  une  autre  vision,  le  Sauveur 
déposa  sur  ses  lèvres  deux  gouttes  de  sang  qui  tombaient  de  ses  lèvres. 
En  1848,  troisième  vision.  En  la  fête  du  Sacré-Cœur,  Jésus  mit  un 
canal  d'or  entre  son  Cœur  et  celui  de  sa  servante,  et  lui  dit:  "Je  veux 
des  adorations  et  des  réparations  pour  apaiser  la  justice  de  mon  Père, 
mais  toutes  ces  adorations  sont  insuffisantes,  il  me  faut  une  consécration 
religieuse." 

Le  6  août  de  la  même  année,  huit  jeunes  personnes  se  réunissaient 
autour  d'elle  pour  se  consacrer  à  la  réparation.  Au  bout  de  trois  ans, 
elles  étaient  soixante.  En  1853,  elles  furent  approuvées  par  Rome,  et 
quand  la  fondatrice  mourut,  en  1855,  la  congrégation  comptait  trois 
maisons.  Elle  en  compte  aujourd'hui  huit,  et  autour  de  chaque  maison, 
des  dames  agrégées,  des  adorateurs  et  des  adoratrices  viennent  réparer 
avec  Jésus  victime  dans  son  Sacrement  d'amour. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  raconter  la  conversion  merveilleuse  du 
juif  Hermann  Cohen,  jeté  à  genoux  par  une  force  invisible  au  pied  du 
Très  Saint-Sacrement,  ni  la  part  active  qu'il  prit  à  la  fondation  à  Paris 
et  à  la  diffusion  de  l'Adoration  Nocturne. 

Cette  œuvre  de  réparation  éminemment  eucharistique  sera  l'objet  d'un 
rapport  spécial. 

ADORATION  NOCTURNE  ET  ŒUVRE  SACERDOTALE  A 

LYON 

En  1849,  s'établit  à  Lyon,  une  œuvre  de  réparation  qui  prit  le  nom 
d'adoration  nocturne,  mais  qui  est  tout  à  fait  distincte  de  l'Adoration 
Nocturne  proprement  dite. 


—  503  — 

La  pratique  principale  de  cette  œuvre  est  l'heure  d'adoration  par  mois 
choisie  de  huit  heures  du  soir  à  huit  heures  du  matin,  mais  qui  peut  se 
faire,  soit  à  domicile,  soit  à  l'église,  ce  jour-là  ou  le  dimanche  suivant 
l'adorateur  fait  la  communion  réparatrice. 

Les  mêmes  associés  offrent  une  fois  par  semaine  leurs  prières  et  leurs 
bonnes  œuvres  pour  les  prêtres  vivants,  leurs  indulgences  pour  les 
prêtres  défunts.  Ils  secondent  le  prêtre  dans  ses  œuvres,  catéchisme, 
visite  des  malades,  vocations.  L'œuvre  publie  un  bulletin  trimestriel 
qui  est  à  sa  55ème  année,  intitulé  "  Adoration  Nocturne  et  Œuvre  Sa- 
cerdotale." 

LES  VICTIMES  DU  CŒUE  DE  JESUS 

Vers  la  même  époque,  une  jeune  lyonnaise  Mlle  Caroline  J-iéger,  avait 
entendu  plusieurs  fois  dans  l'oraison,  cette  parole  :  "  Sois  victime.'' 

Au  mois  de  juillet  1852,  Mlle  Liéger  présenta  à  l'autorité  diocésaine 
une  notice  et  un  règlement  sur  une  association  de  victimes  unies  au 
Sacré-Cœur  pour  les  gens  du  monde.  Le  11  juillet  18ô:{,  le  cardinal 
Bonald  donna  par  écrit  son  api)robation  à  l'œuvre  expiatrice.  Plu- 
sieurs ecclésiastiques  émineuts,  et  parmi  eux  le  Curé  d'Ars  et  le  Père 
Eymard  encouragèrent  cette  association  naissante.  En  1856,  elle  fut 
enrichie  d'indulgences  par  Pie  IX. 

Mais  Mlle  Liéger,  elle  aussi  avait  re(;u  du  ciel  l'ordre  de  fonder  une 
congrégation  de  victimes. 

Après  avoir  surmonté  des  obstacles  humainement  insurmontables,  elle 
fonda  cette  congrégation  dans  le  diocèse  de  Grenoble. 

Elle  fut  puissamment  secondée  par  le  P.  Giraud  avec  lequel  elle  col- 
labora pour  la  composition  du  beau  livre  que  publia  ce  religieux,  sous  le 
titre  de  "  La  Vie  de  Victime  dans  l'état  religieux." 

Des  tribulations  et  des  souffrances  sans  nombre,  une  maladie  atroce 
qui  dura  quatorze  ans,  firent  de  la  fondatrice  une  réelle  victime  de  ré- 
paration. Elle  mourut  en  1882,  après  avoir  prédit  sa  mort  à  jour  fixe. 
Elle  avait  ajouté:  "Ah!  vous  dites  que   je   suis  une   sainte...  vous  le 

verrez  à  ma  mort.  ...  il  me  semble  vous  voir  toutes  on  ce  moment 

on  se  hâtera  de  me  cacher  tant  mon  corps  sentira  mauvais. . .  vous  ne 
serez  pas  si  fîères  de  moi  alors.  .  ." 

Elle  avait  demandé  cette  suprême  humiliation,  Dieu  l'exauça  le  jour 
de  ses  obsèques,  et  elle  fut  victime  jusque  dans  les  bras  de  la  mort. 

Ses  religieuses,  exilées  en  Belgique,  y  continuent  leur  fonction  de 
victimes  et  d'apôtres  de  la  réparation. 

LES  KELKilEUSES  DK  .MAIMK  Al  )(»i{.\Tl{l(K 

En  1854    Mme  la  Baronne  d'IIooghvoort,  née   Kmilic  (roultreinoiit, 
de  la  grande  et  opulente  nolxlesse  de  Belgique,  devenue  veuve,  quitta  sa 
famille  et  sa  patrie,  et  vint  à  l'aris  pour  y  exécuter  un  projet  mûrement 
arrêté  dans  la  prière:  la  fondation  d'une  société  "d'âmes    très    pures, 
avant    pour    mission    de    réparer    i)ar    la    ])énitenoc    et    I  a.b.ration  les 


—  501  — 

outrages  et  les  sacrilèges  de  chaque  jour  contre  la  sainte  Eucharistie.  Ce 
serait  une  réunion  permanente  d'enfants  de  Marie,  qui,  à  la  place  de  la 
Mère  du  Sauveur  entoureraient  Jésus  de  respect  et  de  vénération. 

Durant  une  douzaine  d'années,  elle  mena  parallèlement  la  vie  de  mère 
de  famille  auprès  de  ses  quatre  enfants,  et  celle  de  fondatrice  et  supé- 
rieure générale  auprès  de  ses  religieuses. 

Habillée  de  noir  dans  sa  famille,  elle  prit  soin  de  l'éducation  de  ses 
enfants;  habillée  de  blanc  dans  sa  communauté,  elle  donna  à  la  Société 
de  Marie  réparatrice  l'empreinte  de  sa  riche  nature  élevée  par  la  grâce 
jusqu'à  l'héroïsme  des  vertus  religieuses. 

La  première  maison  de  cette  congrégation  fut  fondée  à  Strasbourg, 
en  1856.  Lorqu'en  1883  Léon  XIII  l'approuva  définitivement,  elle 
comptait  des  maisons  florissantes  en  France,  en  Belgique,  en  Espagne, 
à  Rome  et  jusque  dans  les  missions  du  Maduré.  Cette  dernière  fonda- 
tion s'est  épanouie  depuis  sous  le  nom  de  Sœurs  Missionnaires  de  Marie 
et  forme  une  nouvelle  jDhalange  de  vierges  vouées  à  l'apostolat  et  à  l'ado- 
ration. 

LA  COMMUNION  EEPAEATEICE 

L'œuvre  de  la  Communion  réparatrice  a  été  organisée  d'abord  à  la 
Visitation  de  Paray-le-Monial  en  1854,  par  le  P.  Drevon,  S.  J.  Plus 
tard,  en  1880,  elle  fut  intimement  liée  à  l'Apostolat  de  la  Prière,  dont 
elle  constitue  le  3ème  degré.  Le  3ème  degré  de  l'Apostolat  de  la  Prière 
comprend  en  effet,  ceux  de  ses  membres  qui,  outre  l'offrande  de  leur 
journée,  acceptent  encore  de  faire  la  communion  hebdomadaire  ou  men- 
suelle aux  intentions  indiquées  :  Consoler  le  Cœur  de  Jésus,  réparer,  et 
obtenir  la  conversion  des  pécheurs. 

Cette  œuvre  s'est  organisée  de  deux  façons:  1°  Par  roulement:  sept 
personnes  se  partagent  les  jours  d'une  semaine,  trente  personnes  se  par- 
tagent les  jours  d'un  mois.  Cliaeun  communie  au  jour  assigné.  Sous 
forme  de  communion  générale,  le  premier  vendredi  du  mois,  par  exemple 
ou  le  premier  dimanche. 

En  1897,  la  Communion  réparatrice  redevint  une  association  com- 
mune qui  peut  être  établie  partout  avec  l'autorisation  de  l'Ordinaire, 
mais  l'Apostolat  de  la  Prière  a  gardé  la  permission  facultative  d'en  faire 
son  3ème  degré. 

Le  nombre  des  communions  réparatrices  était,  en  1880,  de  50,000  par 
jour;  il  s'est  élevé  à  100,000.  Aujourd'hui  que  cette  œuvre  s'établit  in- 
dépendamment de  son  centre  d'origine,  la  statistique  est  impossible,  mais 
elle  est  inscrite  dans  le  Cœur  de  Jésus. 

LA  DEVOTION  AU  CŒUR  EUCHARISTIQUE 

A  l'année  1854  remonte  aussi  la  dévotion  au  Cœur  Eucharistique  de 
Jésus.  Or,  l'archiconfrérie  du  Cœur  Eucharistique  établie  plus  tard, 
en  1893,  est  encore  une  œuvre  de  réparation.  "Les  outrages  dont  le 
Cœur  de  Jésus  est  abreuvé  sont  appelés  par  l'âme  privilégiée  qui  a  donné 


—  505  — 

l'idée  de  ce  vocable,  "  la  passion  actuelle  "  de  Jésus.  Cette  passion, 
ajoute-t-elle,  est  celle  dont  les  chrétiens  fervents  doivent  surtout  être 
préoccupés,  parce  qu'elle  s'accomplit  tout  près  d'eux,  et  que  c'est  par 
amour  pour  eux,  pour  demeurer  avec  eux,  que  Jésus  s'y  expose.  Xous 
devrions  souffrir,  réparer,  pour  toutes  les  profanations  en  général,  et 
pour  chacune  en  particulier:  par  exemple  pour  chaque  parcelle  d'hostie 
perdue,  accepter  toute  parole  humiliante,  tout  procédé  pénible.  Pour 
les  indifférences  des  bons,  supporter  les  manquements  des  personnes  dont 
on  aurait  droit  d'attendre  de  l'alfection  :  pour  les  communions  froides 
ou  mal  faites,  offrir  des  communions  ferventes,  bien  préparées,  de  fré- 
quentes communions  spirituelles. 

La  dévotion  au  Cœur  Eucharistique  est  donc  aussi  une  œuvre  de  répa- 
ration, mais  avec  une  nuance  plus  douce:  la  consolation. 

LES  FILLES  DU  CŒUK  DE  JESUS 

Mlle  Deluil  Martini  naquit  eu  1841,  à  Marseille.  Après  avoir  long- 
temps travaillé  comme  première  zélatrice  de  la  Garde  d'honneur,  elle 
s'était  sentie  appelée  à  fonder  un  institut  de  vierges.  Elle  en  écrivit  la 
constitution  en  1869,  et  en  commença  l'exécution  à  Berchem-les-Anvers 
le  20  juin  1873. 

La  Mère  Marie  de  Jésus  disait  dans  le  plan  de  son  œuvre  :  "  Comme 
Marie  sur  le  Calvaire,  unie  au  Prêtre  éternel,  a  offert  son  divin  Fils  et 
a  renouvelé  chaque  jour  cette  offrande  par  les  mains  de  saint  Jean,  ainsi, 
les  Filles  du  Cœur  de  Jésus  offriront  Jésus-Hostie,  immolé  d'autel  en 
autel,  et  d'heure  en  heure  par  toute  la  terre  et  unies  à  tous  les  ])rêtres 
du  monde,  célébreront  de  cœur  avec  eux,  une  messe  perpétuelle,  en  sui- 
vant l'agneau  partout  oii  il  va,  partout  où  il  s'immole.  Prêtres  avec 
Marie,  les  Filles  du  Sacré-Cœur  seront  victimes  avec  elle.  En  même 
temps  qu'elles  offriront  la  très  pure  Hostie,  elles  s'offriront  elles-mêmes 
en  sacrifice,  elles  seront  des  hosties  vivantes,  étroitement  unies  aux  dis- 
positions de  Jésus  et  de  Marie. 

L'Institut  fut  définitivement  approuvé  le  2  février  1002.  Un  qua- 
trième vœu  est  demandé  aux  adhérentes:  celui  de  rendre  un  culte  par- 
ticulier au  Très  Saint-Sacrement  de  l'Eucharistie  en  réparation  des 
injures  faites  au  Sacré-Cœur  de  Jésus,  auquel  elles  s'offrent  continuel- 
lement comme  victimes. 

La  fondatrice  mourut  de  mort  violente,  à  Marseille,  lâchement  assiis- 
sinée  par  un  de  ses  anciens  domestiques  devenu  anarcliiste,  et  cimenta 
ainsi  de  son  sang  son  œuvre  de  réparation. 

LA  GAT^DK  D'TIOXXET'R 

La  Garde  fut  fondée  en  1863,  derrière  les  grilles  du  monastt-re  de  la 
Visitation  de  Bourg,  au  diocèse  de  Belley.         .,,,,.  .,  ,.       ,,,  .„ 

Vers  la  fin  de  cett^>  année,  une  lettre  arrivait  de  la  A  isitation  D  An- 
necv,  berceau  de  la  Congrégation.  "  Notre-Seigneur/'  y  d.sa.t-on  se 
plaint  de  ce  qu'avant  reçu  les  révélations  de  son  Cœur,  nous  ne  dé- 
ployons pas  assez  de  zèle  pour  en  propager  le  culte. 


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En  entendant  ces  paroles,  les  religieuses  se  tournèrent  du  côté  d'une 
jeune  sœur,  à  qui,  quatorze  ans  auparavant  sa  supérieure  avait  dit: 
"  Dieu  vous  réserve  une  grande  mission."'  ^  A  vous,  lui  dirent-elles,  de 
trouver  un  moyen  nouveau  de  faire  glorifier  le  Cœur  de  Jésus. 

Quelques  semaines  se  passent.  Tout  à  coup  Sœur  Marie  du  Sacré- 
Cœur  est  vivement  saisie  par  une  idée  qui  s'impose  à  son  attention. 
Elle  voit  un  cadran,  des  noms  inscrits  sur  ce  cadran  et  les  personnes 
inscrites  se  succèdent  d'heure  en  heure  pour  adorer  le  Dieu  inconnu  et 
méprisé.  Une  religieuse  dessine  le  cadran,  une  autre  peint  un  cœur  au 
centre  du  cadran,  avec,  au-dessus,  la  légende:  Gloire,  amour,  réparation 
au  Cœur  de  Jésus. 

Le  13  mars  1863,  le  cadran  était  exposé  et  portait  les  noms  des  pre- 
miers membres  de  la  Garde  d'honneur. 

L'objet  précis  de  cette  dévotion  est  le  Cœur  de  Jésus,  blessé  visible- 
ment par  la  lance,  et  invisiblement  par  l'oubli,  l'ingratitude  et  les  péchés 
des  hommes. 

Bientôt  après,  les  rayons  de  l'œuvre  avaient  percé  les  murs  du  mo- 
nastère, fidèles,  prêtres,  évêques.  Pie  IX,  Léon  XIII  et  Pie  X  sont  fiers 
de  monter  chaque  jour  la  garde  auprès  du  Cœur  blessé  du  divin  Maître. 

On  s'acquitte  de  cette  garde  en  esprit  sans  rien  changer  à  ses  occupa- 
tions, en  se  tenant,  pendant  l'heure  choisie,  uni  à  Notre-Seigneur  dans 
le  Tabernacle. 

La  Garde  d'honneur  compte  aujourd'hui  plusieurs  millions  d'associés. 

LA  MESSE  REPAKATEICE 

L'œuvre  de  la  Messe  réparatrice  inspirée,  vers  l'année  1863  à  une 
pieuse  chrétienne,  alors  simple  ouvrière,  mère  de  famille,  et  qui  se  fit 
plus  tard  religieuse  norbertine,  sous  le  nom  de  Sœur  Rose,  a  été  érigée 
en  archiconfrérie  par  un  Bref  du  Pape  Léon  XIII  en  1886.  Elle  a  pour 
but  de  réparer,  par  l'assistance  réitérée  au  saint  Sacrifice  de  la  Messe, 
l'outrage  que  font  à  Dieu  ceux  qui,  sans  motif  suffisant,  se  dispensent 
de  ce  devoir  les  dimanches  et  fêtes  d'obligation. 

La  pratique  essentielle  de  cette  dévotion  est  donc  d'entendre  une  se- 
conde messe  ces  jours-là,  au  lieu  et  place  d'un  absent,  avec  l'intention 
particulière  et  explicite  de  réparer  la  gloire  de  Dieu  atteinte  par  cette 
absence  coupable. 

L'archiconfrérie  a  son  siège  à  Bonlieu  dans  la  Drôme,  pour  la  France. 
Des  archiconfréries  limitées  aux  pays  où  elles  sont  établies  existent  en 
Belgique,  en  Angleterre,  en  Alsace,  en  Irlande,  en  Autriche,  au  Canada. 

L'œuvre  de  la  Messe  réparatrice  a  pour  organe  "  La  divine  Hostie," 
que  publient  les  PP.  Promontrés  à  Lefïe-Dinan,  Belgique. 

LA  LIGUE  DE  LA  SAINTE  MESSE 

Elle  diffère  de  la  première,  d'abord  parce  que  ce  n'est  point  une  archi- 
confrérie, mais  une  simple  croisade  d'apostolat.  P^lle  a  pour  but  de 
faire  mieux  connaître  et  estimer  la  Messe  et  d'engager  les  fidèles  à  y 


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assister,  non  plus  le  dimanche  mais  en  semaine,  une  ou  plusieurs  fois 
par  semaine,  par  quinzaine  ou  par  moi?.  Elle  a  adopté  un  mode  d'en- 
gagement inventé  il  y  a  une  trentaine  d'années  à  Armentières,  par  un 
simple  ouvrier  tisseur,  qui,  après  ses  journées  de  labeur  parcourait  la 
ville  pour  enrôler  les  chrétiens  de  bonne  volonté  qui  voulaient  bien  s'en- 
gager à  aller  ainsi  au  moins  quelquefois  à  la  messe  en  semaine.  La 
ligue  a  pour  organe  la  "  Clochette,"  27,  rue  Nicolo,  Frais,  ab.  2  f  r.  00 
par  année. 

ASSOCIATION  DE  PRIEliES  ET  DE  PENITENCE 

L'association  de  prières  et  de  pénitences  en  l'honneur  du  Sacré-Cœur 
fut  établie  pour  la  première  fois  le  23  février  1819,  en  l'église  St-Michol, 
de  Dijon.  En  1882,  le  cardinal  Guibert,  archevêque  de  Paris,  l'adopta 
comme  une  des  œuvres  principales  de  l'église  du  Vœu  National.  C'est 
là  que  se  trouve  aujourd'hui  son  centre,  car  par  un  Bref  en  date  du  23 
avril  1894,  Léon  NUI  a  daigné  lui  conférer  tous  les  privilèges  d'une 
archiconfrérie,  avec  pouvoir  d'agrégation,  non  seulement  pour  la  France 
mais  pour  le  monde  entier. 

Cette  œuvre  a  pour  but,  de  réparer  par  la  prière  et  la  pénitence 
unies  aux  prières  et  aux  souffrances  du  Cœur  de  Jésus,  les  crimes  des 
hommes,  tous  les  outrages  commis  contre  la  religion,  contre  les  droits 
de  l'Eglise  et  du  Saint-Siège,  contre  la  personne  sacrée  du  Vicaire  de 
Jésus-Christ.  . . 

Conditions: 

Se  faire  inscrire  sur  un  registre  spécial  de  l'Association,  puis  choisir 
un  jour  de  prière  et  de  pénitence  par  semaine,  par  quinzaine  ou  par 
mois,  et,  au  jour  choisi,  offrir  à  Dieu  on  union  avec  le  Sacré  Cœur  et 
en  esprit  de  réparation,  les  travaux  et  peines  de  la  journée,  additionnés 
d'une  pénitence  corporelle  proportionnée  à  l'âge,  à  la  santé,  à  la  condi- 
tion, comme  le  jeûne,  l'abstinence,  ou  toute  autre  mortification,  en  un 
mot  à  faire  entrer  dans  sa  vie  l'habitude  de  la  pénitence. 

Cette  association  a  inscrit  dernièrement  sur  ses  registres  la  plupart 
des  membres  d'une  des  plus  jeunes  congrégations  vouée  aux  soins  des 
pauvres  et  des  malades. 

EN  L'HONNEUR  DE  LA  SAINTE  TRINITE 

L'association  réparatrice  envers  la  Très  Sainte  Trinité,  sous  le  patro- 
nage de  Saint-Michel,  dont  le  siège  est  ô,  rue  do  la  Santé,  à  Paris,  date 
de  1873.     Elle  a  été  autorisée  par  un  Bref  de  Pie  IX  en  1870. 

Les  deux  premiers  articles  de  son  règlement  en  donnent  le  but  et  les 

pratiques. 

But.  —  1°  Demander  à  Dieu  l'extinction  des  sociétés  secrète?; 
2°  Adorer  la  patience  de  Dieu  et  réparer  les  outrages  qui  sont  fait*  A  la 
Très  Sainte  Trinité  dans  ces  sociétés. 

Moyens.  —  Les  prêtres,  les  membres  des  communautés  religieuses 
peuvent  faire  partie  do  cette  association:  les  prêtres*;  pour  célébrer  une 


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trinité  de  messes,  les  membres  des  communautés  religieuses  et  les  laïques, 
pour  faire  une  trinité  de  communions. 

Au  Congrès  d'Avignon,  1883,  on  accusait  8,000,000  de  messes  et  com- 
munions. Le  chiffre  annuel  de  ces  messes  est  aujourd'hui  de  12,000  et 
celui  des  communions  de  500,000. 

CHEZ  LES  PP.  MAEISTES 

En  1874,  le  P.  Martin,  supérieur  des  Maristes,  fonda  en  sa  chapelle, 
rue  de  Vaugirard,  l'Adoration  réparatrice.  Trois  ans  après,  elle  comp- 
tait 700  dames  et  200  hommes,  et  fournissait  15,000  heures  de  présence 
par  an.  Au  moment  des  décrets,  la  chapelle  fut  fermée,  et  l'œuvre 
quelque  temps  suspendue  se  reforma  dans  la  chapelle  de  la  Visitation  où 
elle  se  continue. 

ADORATION   PAE    GROUPES    PROFESSIONNELS 

En  1878,  une  œuvre  réparatrice  s'établit  dans  l'église  Ste-Eugénie, 
à  Nîmes.  En  1886,  Mgr  Besson,  d'éloquente  mémoire,  inaugurait  l'ado- 
ration par  groupes  professionnels.  Le  premier  lundi  le  clergé,  le 
deuxième  les  ordres  religieux,  le  troisième  les  Frères  des  Ecoles  chré- 
tiennes, puis  les  magistrats,  les  architectes,  les  Jardiniers,  les  vignerons 
- . .  enfin  les  propriétaires  et  les  rentiers.  Cette  œuvre  a  eu  ses  beaux 
jours,  mais  elle  n'existe  plus. 

ADORATION  DES  NATIONS  CATHOLIQUES 

L'association  réparatrice  des  nations  catholiques  se  propose  d'associer 
dans  une  commune  prière  et  amende  honorable  toutes  les  nations  pour 
leurs  offenses  à  la  Majesté  divine.  Il  a  été  assigné  à  chaque  nation  un 
jour  déterminé  de  la  semaine  pour  offrir  leurs  adorations  :  Le  dimanche, 
Italie,  France,  Espagne,  Portugal  ;  lundi,  tous  les  autres  pays  de  l'Eu- 
rope; le  mardi,  l'Asie;  le  mercredi,  l'Afrique;  le  jeudi,  l'Amérique  du 
Nord;  le  vendredi,  l'Amérique  du  Sud;  le  samedi,  l'Océanie. 

Pratique.  —  Une  demi-heure  d'adoration  en  esprit  de  réparation,  le 
jour  assigné,  ou,  en  cas  de  légitime  empêchement,  un  autre  jour  quel- 
conque de  la  semaine. 

Cette  association  fut  approuvée  en  1882.  Elle  a  son  siège  à  Rome, 
comme  l'archiconfrérie  du  Cœur  Eucharistique,  dans  l'église  Saint-Joa- 
chim,  et  ces  deux  œuvres  sont  confiées  au  zèle  des  Rédemptoristes. 

LA  CROISADE  REPARATRICE 

La  croisade  réparatrice  établie  sous  la  protection  de  Notre-Dame  des 
Victoires,  à  Paris,  a  un  but  tout  spécial:  elle  s'applique  à  réparer  les 
blasphèmes  et  sacrilèges  dus  à  l'inspiration  de  la  Franc-Maçonnerie,  à 
prier  pour  la  destruction  de  la  secte  et  la  conversion  de  ses  membres. 


—  509  — 

^Tée  au  mois  de  mai  1896,  accueillie  favorablement  par  le  congrès  anti- 
maçonnique de  Trente,  la  croisade  réparatrice  a  travaillé  san°  cesse  à 
multiplier  les  hommages  rendus  à  Dieu  en  expiation  de  tant  de  crimes 
qui  l'offensent. 

La  principale  de  ses  pratiques  est  l'offrande  du  Saint  Sacrifice,  l'acte 
réparateur  par  excellence. 

Elle  est  dirigée  par  M.  l'abbé  de  Bessonies,  chapelain  de  Xotre-Darae- 
des-Victoires,à  Paris. 

ŒUVEE  DES  PRETEES  VICTIMES 

Il  existe  depuis  quelques  années  une  œuvre  de  réparation  qui  com- 
mence à  se  répandre  en  France  et  au  delà,  sous  le  nom  de  Prêtres 
victimes.  Le  Saint  Père  vient  de  lui  donner  pour  président,  le  Supé- 
rieur général  des  Lazaristes. 

Au  diocèse  de  Saint-Claude  et  dans  plusieurs  autres,  fleurit  l'œuvre 
des  messes  réparatrices,  célébrées  par  des  prêtres  zélés,  en  vue  de  réparer 
les  outrages  faits  au  Cœur  de  Jésus. 


'e^ 


L'IXSTITUT  DES  SERVANTES  DE  JESUS-MARIE 

Xous  avons  commencé  par  la  première  congrégation  eucharistique, 
fondée  il  y  a  250  ans,  terminons  par  la  dernière  en  date,  née  en  1875,  an 
diocèse  d'Ottawa,  sous  l'inspiration  d'un  prêtre  zélé  M.  Mangin,  curé  de 
Masson.  La  fondatrice.  Sœur  Marie-Zita  de  Jésus,  avec  ses  50  reli- 
gieuses, a  transféré  à  IIull  sa  communauté  et  joint  à  la  réparation 
eucharistique  un  culte  spécial  au  Saint-Esprit. 

LA  SANTA  LKGA  EICAIMSTICA 

La  Sauta  Lega  Ettcarisiica  a  été  officiellement  fondée  par  un  Bref  de 
Léon  XIII  en  date  du  17  février  1896,  à  la  demande  du  R.  P.  Gerardo 
Beccaro,  carme  déchaussé,  dans  l'église  du  Corpus  Chrisli  de  Milan. 
Elle  a  pour  but,  disait  le  fondateur  au  Congrès  de  Para\-le-Monial, 
1"  De  réparer  les  outrages  faits  à  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  dans  le 
Saint-Sacrement  de  nos  autels,  de  raviver  de  plus  en  plus  la  dévotion  à 
la  Très  Sainte  Eucharistie,  et  d'étendre  le  règne  de  Jésus-Christ  dans 
les  âmes,  dans  les  familles  et  dans  les  vsociétés.  2°  D'obtenir,  par  les 
prières  de  ses  membres,  que  les  obstacles  qui  empêchent  tant  de  chré- 
tiens de  s'approcher  de  Jésus-Christ  dans  le  Saint-Sacrcniciit  soient 
brisés,  et  qu'ils  puissent  recevoir  fréquemment  la  sainte  comninnion 
pendant  leur  vie  et  à  l'article  de  la  mort. 

Les  progrc'S  de  cette  Ligue  ont  été  rapides,  surtout  en  Italie,  et  autour 
d'elle  s'est  organisée  à  Milan  tout  une  série  d'œuvres  religieuses,  écono- 
miques et  sociales  qui  sont  animées  de  l'esprit  le  plus  surnaturel  et  le 
plus  eucharistique. 


—  510  — 


* 


Que  faut-il  conclure  de  cet  aperçu  sommaire  des  œuvres  eucharistiques 
de  réparation? 

Eappelons  que  la  vie  surnaturelle  est  composée  de  trois  éléments:  la 
prière,  l'action  et  la  souffrance.  De  nos  jours,  on  met  au  premier  plan 
l'action,  moins  que  cela,  la  parole.  La  parole  est  utile,  l'action  est  in- 
dispensable, mais  elles  ne  sont  vraiment  efficaces  qu'à  la  condition 
d'être  fécondées  par  la  prière.  Or,  la  prière  elle-même  ne  suffit  pas.  Il 
y  a  une  sorte  de  démon  qui  ne  se  chasse  que  par  le  jeûne  ajouté  à  la 
prière,  l'action  et  la  souffrance.  Que  celui  qui  veut  être  mon  disciple 
prenne  sa  croix  et  qu'il  me  suive. 

Or,  la  souffrance,  la  pénitence,  la  mortification,  la  vie  de  victime  sont 
absentes  de  tous  les  programmes  de  régénération  sociale.  Complétons 
ces  programmes  si  nous  voulons  des  sociétés  catholiques.  Jésus  Victime 
veut  des  victimes  :  il  veut  des  victimes  volontaires.  Il  ne  force  personne 
mais  ces  victimes  n'en  sont  pas  moins  nécessaires. 


Vœux  : 

1°  Que  l'on  fasse  connaître  aux  âmes  qui  désirent  se  donner  à  Dieu 
les  congrégations  religieuses  de  réparation  eucharistique. 

2°  Que  Von  établisse  dans  les  paroisses  les  œuvres  de  la  communion  et 
de  la  messe  réparatrices. 

3°  Que  l'on  enseigne  aux  fidèles  dans  les  triduums  eucharistiques  la 
doctrine  de  la  pénitence  et  du  sacrifice. 


A  M.  l'abbé  Bouquerel,  succède  un  digne  laïque; 
M.  L  -J.-A.  Deroine,  .qui  depuis  de  longues  années  est  le  Pré- 
sident de  l'Adoration  Nocturne  à  Montréal,  après  avoir  été 
l'un  de  ses  fondateurs.  C'est  de  l'œuvre  qui  lui  est  chère 
qu'il  va  entretenir  l'assemblée. 

L'ŒUVRE    DE    L'ADORATION    NOCTURNE,    A 

MONTREAL 


L'œuvre  de  l'Adoration  Nocturne  à  Montréal,  dont  j'ai  le  très  grand 
honneur  et  la  joie  profonde  de  vous  soumettre  le  rapport,  a  déjà  fait 
l'objet  d'une  étude  qui  fut  lue  par  son  autour,  notre  confrère,  M.  le  Dr 
L.  A.  G.  Jacques,  au  Congrès  Eucharistique  de  Jérusalem  en  1893.  Nous 
gardons  avec  reconnaissance,  à  Montréal,  le  souvenir  de  l'accueil  bien- 


—  511  — 

veillant  que  son  Eminence  le  Cardinal  Langéniuux.  de  regrettée  mé- 
moire, alors  Légat  du  Pape,  Nos  Seigneurs  les  évoques,  les  autres  prélats 
et  tous  les  congressistes  de  Jérusalem  firent  à  notre  confrère  Et  le 
présent  rapporteur  est  heureux  de  s'appuver  sur  ce  souvenir  pour  es- 
compter à  nouveau  la  charitable  sympathie  des  membres  distingués  du 
Congrès  de  Montréal. 

Comme  le  disait  M.  le  Dr  Jacques,  notre  œuvre  de  l'Adoration  Noc- 
turne est  née  à  Montréal,  il  y  a  plus  d'un  quart  de  siècle,  d'un  concours 
de  circonstances  que  nous  croyons  vraiment  providentielles.  Notre  ville 
qui  a  porté  d'abord  le  nom  de  Ville-Marie,  est  au  premier  chef  une  ville 
eucharistique.  Des  voix  plus  autorisées  que  la  mienne,  vous  l'ont  ces 
Jours-ci  éloquemment  rappelé.  Au  matin  même  de  leur  arrivée  sur  nos 
rives,  le  18  mai  1642,  M.  de  Maisonneuve  et  ses  compagnons  assistèrent 
à  la  Sainte  Messe,  que  le  Père  Vimont  célébra  à  l'autel  improvisé 
qu'avaient  orné  les  pieuses  mains  de  Jeanne  Mance  et  de  Madame  de  la 
Peltrie,  et  pendant  toute  cette  journée,  la  première  de  rétablissement 
de  la  colonie,  les  premiers  habitants  de  Montréal  furent  en  adoration. 
En  principe,  c'est  de  là  que  nous  datons. 

Le  culte  à  Jésus-Hostie  fut  en  effet  toujours  chez  nous  en  honneur. 
Sans  insister  davantage,  il  est  permis  de  croire  que  l'Adoration  Nocturne 
n'a  été,  dans  le  temps  voulu  par  Dieu,  qu'un  fait  particulier  sorti  natu- 
rellement de  ce  grand  arbre  de  vie  de  foi  que  le  grain  de  sénevé,  dont 
parlait  le  Père  Vimont,  devait  produire  au  pied  du  Mont-Poyal. 

Effet  d'une  Lecture 

Saint  Paul  nous  apprend  que  Dieu  choisit  souvent  de  bien  pauvres  et 
de  bien  chétifs  instruments  pour  accomplir  ses  desseins.  Une  fois  de 
plus  l'événement  l'a  prouvé.  A  l'automne  de  1880,  le  modeste  rappor- 
teur qui  est  devant  vous  partait  pour  l'Europe  oîi  l'appelaient  les  affaires 
de  son  négoce.  Sur  la  recommandation  d'une  pieuse  iille  de  la  Véné- 
rable Marguerite  Bourgeoys,  j'apportai  avec  moi  et  je  lus,  au  cours  de  la 
traversée,  —  plus  exactement  en  naviguant  dans  notre  Golfe  Saint- 
Laurent,  car  sur  l'Atlantique  le  mal  de  mer  ne  m'en  laissa  pas  le 
loisir  —  j'apportai  avec  moi,  dis-je,  et  je  lus  la  vie  du  saint  homme  de 
Tours,  M.  Dupont.  Ce  qui  s'y  trouve  concernant  l'Adoraiion  Nocturne 
me  toucha  profondément.  "  Quelle  belle  œuvre,  écrivais-je  à  un  ami  de 
Montréal,  et  comme  il  serait  intéressant  de  l'établir  diez  nous,  si  les 
autorités  religieuses  le  jugent  convenable  et  op|K)rtun."  Or,  presqu'au 
même  temps,  la  vie  de  M.  Dupont  était  lue  au  réfectoire  des  MM.  de 
Saint-Sulpice,  à  Notre-Dame  de  Montréal,  et  au  chapitre  de  l'Adoration 
Nocturne,  le  vénéré  supérieur  d'alors,  M.  Bayle,  s'écriait  :  ''  Mon  Dieu, 
que  c'est  beau  !  Si  nous  pouvions  trouver  des  laïques  (pii  voulussent  se 
dévouer  à  cette  œuvre  !  "  A  Paris,  je  vis  M.  de  Ben(|ue,  lo  président  de 
l'Adoration  Nocturne,  qui  m'instruisit  de  tous  les  règlements  de  l'œuvre. 
\  mon  retour,  je  fus  trop  heureux,  dès  les  premières  démarches  que  je 
tentai,  de  rencontrer  partout  les  meilleurs  encouragements.  Mgr  Fabre, 
de  pieuse  et  douce  mémoire,  voulut  bien  autoriser  et  bénir  l'œuvre,  dont 


—  513  — 

il  présida  en  personne  l'inauguration  en  décembre  1881.  Les  MM.  de 
Saint-Sulpice,  dont  le  zèle  et  la  charité  ont  doté  Montréal  de  tant  d'oeu- 
vres fécondes,  nous  donnèrent  avec  empressement  l'hospitalité  dans  leur 
belle  église  de  Notre-Dame.  L'un  d'eux,  l'éloquent  M.  Martineau,  nous 
fut  désigné  comme  directeur  de  l'œuvre. 

Voilà,  Eminences,  Messeigneurs  et  Messieurs,  en  quelques  mots,  l'his- 
toire de  la  naissance  de  l'Adoration  Nocturne  à  Montréal.  Je  vous  de- 
mande pardon  d'avoir  dit  le  rôle,  bien  modeste  sans  doute,  mais  si 
consolant  pour  moi,  que  j'y  ai  tenu.  J'ai  cru  que  je  le  devais  pour  ex- 
primer à  Notre-Seigneur  en  votre  présence  la  gratitude  de  mon  âme,  et 
aussi  pour  rendre  hommage  à  la  vérité  des  faits. 

Organisation 

Le  fonctionnement  de  l'œuvre  n'est  pas  compliqué.  Il  est  en  grande 
partie  calqué  sur  celui  de  Paris.  Nous  avons  chaque  semaine  une  nuit 
d'adoration.  Depuis  le  mois  de  décembre  1881,  les  exercices  ayant  eu 
lieu  sans  interruption,  nous  avons  fait,  dans  cette  nuit  du  jeudi  au  ven- 
dredi chaque  semaine,  1811  nuits  d'adoration.  Nous  comptons  pour 
cela  environ  200  adorateurs  qui  se  fractionnent  en  sept  séries  distinctes, 
de  manière  que  chaque  adorateur  n'est  appelé  que  toutes  les  sept  se- 
maines. Au  reste,  pour  chaque  nuit  de  veille,  l'adorateur  n'est  tenu  qu'à 
une  heure  d'adoration.  Mais  il  y  a  un  exercice  général  par  lequel  com- 
mencent toutes  nos  nuits  d'adoration,  auquel  sont  invités  tous  les 
adorateurs  de  semaine,  et  même  les  autres  si  leur  piété  les  y  porte  et  si 
les  circonstances  le  leur  permettent.  C'est  la  première  heure,  de  9  à  10, 
au  cours  de  laquelle  nous  exécutons  le  programme  que  voici.  De  notre 
chapelle  de  Notre-Dame  du  Sacré-Cœur,  qui  se  trouve  à  l'arrière  du 
chœur  de  Notre-Dame,  nous  nous  rendons,  par  les  nefs  de  la  vaste 
savent  ce  qu'ils  font;  puis,  nous  faisons  une  station  à  l'autel  de  Notre- 
Seigneur  si  souvent  outragé  par  les  hommes  de  pardonner  à  ceux  qui  ne 
savent  ce  qu'ils  font;  puis,  nous  faisons  une  station  à  l'autel  de  Notre- 
Dame  du  Perpétuel  Secours,  pour  mettre  nos  pauvres  prières  sous  la 
garde  de  Marie,  le  secours  des  chrétiens  ;  enfin,  nous  revenons  à  notre 
chapelle  au  chant  du  De  Profundis  pour  nos  confrères  défunts.  Alors, 
nous  chantons  un  cantique;  M.  notre  Directeur  nous  fait  une  allocution 
avec  les  recommandations  aux  ])rières  et  le  Saint-Sacrement  est  exposé 
pour  la  nuit.  Nous  récitons  tous  ensemble  le  premier  Nocturne  de 
l'Office  du  Saint-Sacrement,  le  président  lit  l'amende  honorable,  on 
chante  le  Parce  Domine,  la  prière  du  soir  se  récite  et  l'exercice  public 
se  termine  par  l'invocation  liturgique  "In  ninrnts  tuas,  Domine,  com- 
mendo  spiritum  moum."  Les  adorateurs  ensuite  se  succèdent  deux  par 
deux,  chaque  heure,  à  tour  de  rôle,  ceux  qui  sont  libres  allant  dormir 
dans  le  beau  dortoir  situé  au-dessus  des  sacristies  et  dont  nous  devons 
l'aménagement  à  l'un  de  nos  confrères  de  la  première  heure.  A  4  h.  30 
du  matin,  le  réveil  est  sonné;  tout  le  monde  se  rend  à  la  chapelle,  on  y 
fait  la  prière,  la  méditation,  on  assiste  à  la  messe  de  5  heures,  on  com- 
munie et  la  nuit  de  veille  est  close  !  Quoique  chaque  adorateur  ne  soit 


—  513—" 

tenu  qu'à  une  heure  de  veille,  un  très  grand  nombre  se  font  un  devoir 
d'être  présents  chaque  Jeudi  à  l'exercice  public  de  la  première  heure. 
J'en  sais  qui  s'imposent  de  longs  trajets  et  de  réels  sacrifices  pour  venir 
ainsi  monter  la  garde  au  pied  de  l'Ostensoir. 


Les  Quarante-Heures 

Outre  ce  fonctionnement  régulier  que  je  viens  de  décrire  et  qui  est 
comme  la  base  même  de  la  vie  de  notre  œuvre,  nous  avons  souvent  la  joie 
d'être  invités  dans  l'une  ou  l'autre  de  nos  cinquante  églises  paroissiales 
de  Montréal  ou  des  environs,  ou  dans  les  chapelles  des  communautés, 
pour  l'adoration  des  Quarante-Heures.  Dans  la  mesure  du  possible, 
nous  répondons  toujours  avec  empressement  à  ces  pieuses  invitations. 
Nous  avons  conscience  que  par  la  grâce  du  Christ  et  malgré  nos  misères, 
nous  constituons  comme  une  garde  d'honneur  à  Jésus  présent  au  Sacre- 
ment de  l'autel;  or,  honneur  autant  que  noblesse  oblige.  Chaque  fois 
qu'on  nous  appelle,  et  autant  que  nous  le  pouvons,  nous  répondons  : 
Présent  !  Depuis  six  ans,  une  bienveillance  particulière  de  Sa  Gran- 
deur, Monseigneur  l'Archevêque  Bruchési,  nous  a  obtenu  du  Saint-Père 
Pie  X  la  faveur  de  terminer  chaque  année,  du  31  décembre  au  1er  jan- 
vier, par  une  nuit  d'adoration.  Elle  est  bien  belle,  cette  nuit,  bien 
solennelle  et  bien  édifiante.  La  vaste  église  de  Notre-Dame  est  trop 
petite  pour  contenir  la  foule  qui  s'y  presse.  Après  le  chant  d'un  can- 
tique : 

Prosternons-nous  devant  la  Sainte-Hostie. 

Où  notre  Dieu  repose  nuit  et  jour. 

Divin  Jésus,  dans  votre  Eucharistie 

A  vous,  ce  soir,  mon  dernier  chant  d'amour .  .  . 

nous  récitons  en  chœur  le  saint  office  au  milieu  du  recueillement  du 
peuple  qui  nous  édifie  toujours  profondément.  Mgr  l'Archevêque,  qui 
ne  manque  jamais  de  venir  présider  cette  manifestation,  prie  avec  nous 
qui  sommes  les  plus  humbles  de  ses  enfants;  puis  Sa  Grandeur  tire  de 
son  cœur  l'une  de  ces  délicates  et  si  fructueuses  allocutions  par  lesquelles 
notre  archevêque  sait  faire  tant  de  bien;  après,  c'est  "la  Messe  de  Mi- 
nuit du  Jour  de  l'An  "  que  Monseigneur  célèbre  et  à  laquelle  avec  des 
milliers  de  fidèles  nous  recevons  la  sainte  communion.  Cette  nuit  d  ado- 
ration d'ailleurs,  vous  avez  pu  l'autre  soir  la  vivre  avec  nous.  Mes-sei- 
gneurs  et  Messieurs,  et  je  suis  sûr  que  vous  avez  parfaitement  Pcnti  jus- 
qu'où et  combien  elle  nous  est  précieuse  et  salutaire.  J'aurais  mauvaise 
grâce  d'insister. 

L'Esprit  de   l'Œuvre 

J'aurais  voulu,  Eminences,  Messeigneurs  et  Messieurs.  Pour  rhonnour 
de  notre  œuvre,  dire  mieux  ce  que    j'avais  à  dire,  vous  peindre  par  le 
17 


détail  ce  que  sont  nos  nuits  d'adoration.  J'ai  pensé  que  vous  me  per- 
mettriez d'emprunter,  pour  terminer  ce  rapport  trop  imparfait,  à  notre 
excellente  "  Semaine  Eeligieuse  "  le  récit  que  l'un  de  ses  rédacteurs 
faisait  naguère  de  la  nuit  d'adoration  par  laquelle  du  6  au  7  décembre 
1908  nous  avons  célébré  ici,  à  Montréal,  en  union  avec  nos  confrères  de 
Paris  qui  nous  y  avaient  conviés,  le  soixantième  de  la  fondation  de 
l'Adoration  Nocturne  à  Paris.  Ce  sera  vous  exprimer  mieux  que  je  ne 
saurais  le  faire  l'esprit  et  la  vie  de  notre  œuvre. 

"  Deux  cents  adorateurs  étaient  réunis.  D'abord  eut  lieu  la  céré- 
"  monie  accoutumée  du  petit  pèlerinage  à  la  chapelle  de  la  Sainte-Face 
"  et  à  celle  de  Notre-Dame  du  Perpétuel-Secours  ;  puis,  après  une  allo- 
"  cution  de  circonstance,  le  Saint-Sacrement  apparut  dans  l'ostensoir, 
"  on  récita  l'Office  et  la  garde  nocturne  se  continua,  par  toute  la  nuit, 
"  les  factions  se  succédant  d'heure  en  heure  jusqu'aux  petites  heures  du 
"  matin.  Et  cette  seule  pensée  que  non  seulement  à  Paris,  mais  dans 
"  plusieurs  villes  de  France,  de  Belgique,  d'Italie,  des  Etats-Unis  et 
"  d'ailleurs,  aux  mêmes  heures  environ,  on  en  faisait  autant,  animait  le 
"  zèle  des  adorateurs  et  donnait  à  leur  acte  chrétien  une  portée  magni- 
"  fique.  Ah  !  si  Sodôme  ainsi  avait  eu  dix  Justes  !  Quand,  venant  de  leur 
"  chapelle,  la  procession  des  adorateurs  pénétra  dans  la  vaste  nef  de 
"  Notre-Dame,  toute  pleine  d'ombre  et  de  mystère,  où  ne  pointaient  que 
"  quelques  lumières  —  pour  le  pèlerinage  à  la  Sainte-Face  et  à  la  Peine 
"du  Perpétuel-Secours  —  on  se  reportait  presque  nécessairement  aux 
"défilés  pieux  aperçus  naguère  dans  les  souterrains  et  les  catacombes  de 
"  Eome.  C'est  ainsi,  pensait-on,  que  devaient  prier  nos  aïeux  dans  la 
"  foi.  Les  chants  eux-mêmes  avaient  comme  une  tonalité  spéciale,  pleine 
"  de  ferveur  et  de  foi.  "  Nous  voulons  Dieu  !  C'est  notre  roi,  c'est  notre 
"  maître.  —  Face  adorable,  pour  le  peuple  coupable  —  Ave,  Ave,  Ave 
"  Maria  !  !  !  "  Tout  cela  montait  vers  les  voûtes  perdues  dans  le  mys- 
"  tère,  comme  autant  d'appels  sincères  et  singulièrement  émouvants. 
"  Le  Dieu  d'Abraham  et  de  Jacob,  le  Dieu  du  Calvaire  et  de  l'Eucha- 
"  ristie,  le  Verbe  fait  homme,  fils  de  Marie,  devait  entendre  avec  faveur 
"  ces  voix  et  ces  cœurs  !  Ou  la  religion  n'est  pas,  ou  elle  était  ici  tout 
"  entière.  C'était  comme  l'écho  du  cri  magnifique  de  l'aveugle  de  Jé- 
"  richo  :  "  Jésus,  fils  de  David,  ayez  pitié  de  nous."  Qui  dira  ce  que 
"  valent  devant  Dieu,  pour  la  ville  et  pour  le  pays,  ces  cris  de  foi,  d'es- 
"  pérance  et  d'amour  ? 

"  Bientôt,  voici  les  adorateurs  dans  leur  chapelle,  le  prédicateur  leul 
"  parle  en  toute  simplicité  de  leur  œuvre,  de  ses  merveilles  et  de  ses 
"  fruits.  "  Jésus,  dit-il,  est  le  centre  du  culte  comme  il  l'est  de  la  foi." 
"  L'œuvre  qui  est  née  à  Notre-Dame-dos-Victoires  à  Paris,  dans  la  nuit 
"  du  6  au  7  décembre  1848,  est  pour  cela,  messieurs,  admirablement 
"  chrétienne.  L'Eucharistie,  c'est  l'Incarnation  et  la  Eédemption  conr 
"  tinuées,  c'est  le  grand  mystère  chrétien.  Nous  vous  adorons  dévote- 
"  ment,  ô  divinité  cachée,  qui  sous  ces  apparences  et  ces  figures,  vivez 
"réellement!  Mais  aussi,  l'Eucharistie,  c'est  la  vérité  certaine  et  con- 
"solante.  Toute  la  religion  du  Christ  la  célèbre  et  la  chante,  et. par 
"  conséquent  l'établit  et  la  prouve.  Adorateurs,  bénissez  votre  lot. 
"  Venez  à  Jésus,  car  il  console. .  ." 


—  515  — 

"  Enfin,  ce  fut  rexposition,  la  récitation  de  lollice  durant  la  première 
"  heure  de  garde,  puis,  d'heure  en  heure,  la  relève  au  poste  d'honneur, 
"  jusqu'au  matin  du  7  —  qui  se  trouve  être  la  vigile  de  l'Immaculée 
Conception.  Sans  doute,  les  adorateurs,  dans  une  ville  comme  Mont- 
"  réal,  pourraient  être  plus  nombreux.  Mais  après  tout,  ces  sorté& 
'^  d' œuvres  sont  le  lot  d'une  élite.  Il  faut  la  jix-ation.  et  le  mot  de&' 
"saintes  lettres  est  toujours  vrai:  '"Beaucoup  d'appelés,  peu  d'élus.". 
"  Félicitons-nous  qu'il  y  en  ait,  chez  nous,  de  ces  "  élus  '  du  culte  de 
"  l'Eucharistie.  Quand  ils  vont,  caravane  pieuse,  par  nos  églises  et  no§ 
''  chapelles  pour  la  garde  d'honneur  des  Quarante-Heures,  inclinons- 
"  nous  devant  leur  zèle  et  leur  piété.  Plusieurs  parmi  eux  ont  les  mains 
"  durcies  au  labeur  quotidien  du  travail,  du  "  prolétaire  "  —  comme  ils 
"  disent.  Mais  ces  mains  qui  tiennent  le  manuel  de  l'adorateur  sont 
'•'  belles,  si  l'on  ose  ainsi  dire,  comme  les  pieds  de  ceux  qui  évangélisent, 
"  dont  parle  l'Ecriture.  '  Honneur  à  ces  vaillants  de  Jésus-Hostie  !  '  Si 
"  Sodôme  eût  eu  dix  justes,  rien  que  dix,  elle  eût  été  sauvée,  ne  l'oubliez 
"  pas." 

Les  Adorateurs 

Eminences,  Messeigneurs  et  Messieurs,  vous  avez  remarqué  peut-être 
au  passage  la  note  du  rédacteur  de  la  "Semaine  Religieuse"?  "  Le6 
adorateurs,  dit-il  dans  une  ville  comme  Montréal,  pourraient  être  plus 
nombreux."  Il  a  raison.  Assurément,  nous  reconnaissons  que  notre 
œuvre  est  une  œuvre  de  conseil  et  une  œuvre  privilégiée.  Personne  n'est 
tenu  strictement  d'en  être.  Il  reste  vrai  que  l'élite  à  laquelle  elle  fait 
appel  devrait  se  recruter  plus  nombreuse.  Il  reste  vrai  peut-être  qu'en 
dehors  de  notre  ville  de  Montréal,  l'œuvre  pourrait  voir  naître,  de  l'as- 
sentiment de  l'autorité,  des  succursales.  Déjà,  nous  en  comptons  deux  : 
une  à  Sorel  (diocèse  de  Saint-Hyacinthe),  fondée  en  1893,  et  l'autre  à 
Saint-Jean  (diocèse  de  Montréal),  fondée  en  1908.  Nous  nous  per- 
mettons d'espérer  que  du  Congrès  de  Montréal  jaillira  un  élan  qui  nous 
sera  profitable.     C'est  pourquoi  je  dépose  ce  double  vœu  : 


Vœu  : 

"Le  Congrès  de  Montréal  reconnaissant  l'importance  de  l'enivre  de 
l'Adoration  Nocturne  établie  à  Montréal  depuis  1881,  sur  le  modèle  de 
celle  de  Paris  qui  existe  depuis  1848,  émet  le  vœu:  1°  que  l'œuvre  recrute 
de  plus  nombreux  adhérents;  2°  que,  du  consentement  dfs  autorités 
compétentes,  l'œuvre  soit  établie  dans  les  autres  grandes  villes  du  Ca- 
nada." 


—  516  — 

Mgr  Odelin  dit  alors  quelques  mots  sur  une  œuvre  fran- 
çaise :  ''  l'Apostolat  Eucharistique",  qui  fait,  avec  les  âmes 
pieuses  communiant  tous  les  jours,  des  apôtres  pour  toutes 
les  oeuvres  paroissiales.  Puis,  au  nom  de  l'Œuvre  de  l'Ado- 
ration Nocturne  du  Très  Saint-Sacrement,  de  Paris,  M.  le 
comte  d'  YanviUe,  prend  la  parole   en  ces  termes  : 


APOSTOLAT  EUCHARISTIQUE 


Messieurs, 

Dans  la  nuit  du  6  au  7  décembre  1908,  l'Œuvre  de  l'Adoration  Noc- 
turne de  Paris,  célébrait  sa  soixantaine.  —  Pour  une  vie  d'homme,  c'est 
le  commencement  de  la  vieillesse;  pour  une  œuvre  qui  a  la  gloire  et  le 
service  de  Dieu  pour  objet,  il  ne  saurait  y  avoir  de  vieillesse;  car  aussi 
longtemps  qu'elle  est  fidèle  à  sa  mission,  elle  doit  participer  aiu  principe 
éternel  de  Celui  qu'elle  sert,  et  ne  saurait  vieillir.  —  Toutefois,  soixante 
ans,  c'est  l'âge  de  la  maturité,  l'âge  où  il  fait  bon  regarder  en  arrière, 
pour  interroger  ses  devanciers,  s'inspirer  de  leurs  exemples,  examiner  si 
on  a  été  fidèle  à  leurs  traditions,  et  tout  en  les  vénérant  comme  des  an- 
cêtres, chercher  s'ils  ne  nous  ont  pas  laissé  quelques  progrès  à  faire, 
quelques  améliorations  à  réaliser  qui  seraient  de  nature  à  faire  produire 
des  fruits  plus  abondants  à  l'œuvre  qu'ils  ont  confiée  à  nos  mains  et 
qu'ils  nous  ont  donné  mission  de  développer.  La  vie  est  une  force  tou- 
jours en  mouvement:  il  faut  avancer  ou  reculer.  Quiconque  ne  progresse 
pas  recule  ;  avec  la  grâce  de  Dieu,  il  faut  donc  tendre  de  tous  nos  efforts 
à  progresser,  c'est-à-dire  à  faire  de  mieux  en  mieux.  —  Y  avons-nous 
travaillé  suffisamment? 

C'est  cet  examen  de  conscience,  messieurs,  que  je  voudrais  faire  au- 
jourd'hui devant  vous. 

Bien  des  fois  déjà,  on  a  fait  le  récit  des  circonstances  au  milieu  des- 
quelles est  née,  à  Paris,  cette  Œuvre  de  l'Adoration  Nocturne.  Ce  sont 
les  dangers  qui  menaçaient  la  France,  et  ceux  qui  venaient  de  frapper 
la  Papauté,  qui  ont  déterminé  l'institution  de  l'Adoration  Nocturne,  ses 
fondateurs  estimant,  à  juste  titre,  qu'aucune  œuvre  ne  réunissait  à  un 
degré  égal  le  double  caractère  que  doit  avoir  la  prière  pour  produire  tous 
ses  effets:  l'amour  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  qui  reçoit  toute  sa- 
tisfaction dans  l'intimité  si  étroite  et  si  tendre  d'une  nuit  d'adoration, 
et  l'esprit  de  pénitence  et  de  réparation  qui  offre  le  sacrifice  de  son 
repos,  la  privation  du  sommeil,  l'abandon  de  son  foyer,  pour  venir  con- 
soler l'Hôte  divin  du  Tabernacle  à  l'heure  où  tout  dort,  sauf  hélas  !  trop 
souvent,  la  débauche  et  le  crime,  et  où  II  demeure  seul  dans  ses  temples 

vides. 

Ija  France  était  en  proie  aux  convulsions  de  1848;  le  Pape  Pie  IX, 


—  51:7  — 

chassé  de  Kome,  venait  de  se  réfugier  à  Gaëte  ;  c'est  le  moment  que  choi- 
sirent dix-neuf  généreux  chrétiens,  animés  dune  foi  ardente,  pour  ré- 
pondre à  l'appel  de  l'abbé  de  la  Bouillerie  et  de  celui  qui  devait  être  peu: 
après  le  Père  Hermann,  et  passer  une  première  nuit  de  veille  aux  pieds 
du  Très  Saint-Sacrement  exposé  dans  le  sanctuaire  dédié  au  Cœur  Imma- 
culé de  Marie,  Eefuge  des  pécheurs,  à  Xotre-Dame  des  Victoires,  le  soir 
du  6  au  7  décembre  1848. 

Ce  fut  là  le  premier  acte  de  réparation  par  l'adoration  nocturne  du 
Très  Saint-Sacrement  qui  fut  réalisé  en  France  par  des  laïques,  et  offert 
à  Dieu  pour  l'Eglise  et  pour  la  patrie. 

Nous  ne  pouvons,  aujourd'hui  où  le  culte  du  Saint-Sacrement  a  pris^ 
un  si  grand  et  si  admirable  développement,  nous  faire  une  idée  de  l'acte 
de  foi  héroïque  qui  fut  nécessaire  à  cette  époque,  pour  oser  tenter  une 
pareille  innovation,  pour  oser  proposer  aux  hommes  de  cette  génération 
de  1830,  voltairienne  dans  sa  grande  majorité,  janséniste  dans  ses  élé- 
ments les  meilleurs,  cette  pratique  de  dévotion  tendre,  familière,  qui 
avait  pour  ol^jet  de  les  amener  aux  pieds  du  Christ,  plus  près  encore, 
jusqu'à  son  Cœur,  pour  Lui  tenir  compagnie  pendant  toute  une  nuit, 
converser  avec  Lui,  le  garder  à  soi  tout  seul,  et  d'autre  part,  obtenir  des 
prêtres  qu'ils  confient  cette  garde  à  d'obscurs  et  pauvres  laïques.  Il  nous 
souvient  avoir  entendu  notre  cher  et  vénéré  Président,  M.  de  Benque,  le 
dernier  survivant  de  ces  hardis  pionniers,  raconter  l'accueil  décourageant 
que  lui  et  ses  compagnons  de  la  première  heure  avaient  parfois  re(ju  des 
Curés  de  certaines  paroisses,  qui,  défiants  et  surpris,  se  refusaient  abso- 
lument à  livrer  ainsi  leurs  églises  pendant  toute  une  nuit  à  ces  inno- 
vateurs qu'ils  jugeaient  téméraires  et  d'un  zèle  indiscret. 

Cependant,  depuis  près  de  dix  ans  déjà,  l'idée  de  la  réparation  par 
l'adoration  perpétuelle  de  Xotre-Seigneur  Jésus-Christ,  réellement  et 
substantiellement  présent  en  son  Très  Saint-Sacrement,  hantait  un  cer- 
tain nombre  d'âmes  privilégiées.  C'était  comme  une  souffrance  que 
Dieu  jetait  dans  leur  cœur,  à  la  pensée  de  l'abandon  dans  lequel  était 
alors  laissée  la  Sainte  Eucharistie.  Malgré  un  réveil  incontestable  des 
idées  religieuses  et  des  œuvres  de  charité,  dît  aux  conférences  de  Notre- 
Dame  de  Paris,  d'une  part,  et  à  la  Société  de  Saint-Vincent  de  Paul 
d'autre  part,  par  une  aberration  étrange,  les  œuvres  eucharistiques,  qui 
auraient  diï  être  l'âme  de  cette  renaissance  religieuse,  étaient  absolument 
négligées  en  France.  Les  récits  de  cette  époque  nous  apprennent  que 
dans  quelques  paroisses  à  peine  subsistaient  ou  plutôt  végétaient  des 
Confréries  peu  nombreuses  du  Saint-Sacrement  :  oue  rares  étaient  les 
saints,  plus  rares  encore  les  expositions  solennelles  du  Saint-Sacremenl  : 
que  l'unique  communion  pascale  était  le  lot  du  plus  crand  nombre  et  la 
communion  aux  grandes  fêtes  de  l'année  la  part  des  fervents.  C'est  ainsi 
que  nous  lisons  dans  l'histoire  de  Marie-Eiistelle,  cette  antrélique 
amante  de  l'Eucharistie,  qtie  lorsque,  pour  satisfaire  les  ardeurs  de  son 
cœur,  elle  arriva  d'abord  à  faire  la  communion  semi-mensnelle,  puis  In 
communion  hebdomadaire,  ce  fut  un  véritable  orage  qu'elb  déchaîna 
contre  elle  parmi  les  dévots  de  la  petite  ville  de  Saint-PaJais. 

Telle  était  la  mentalité  générale  de  cette  époque,  et  c'est  précisément 


—  518  — 

l'heure  que  ISTotre-Seigneur  choisit  pour  inspirer  à  quelques  âmes  d'élite, 
comme  il  sait  toujours  s'en  réserver  même  dans  les  temps  les  plus  déshé- 
rités, cette  grande  pensée  de  la  réparation  par  l'adoration  perpétuelle 
de  son  divin  Sacrement. 

Le  mot  en  fut  prononcé  pour  la  première  fois  devant  Mgr  Affre,  ar- 
chevêque de  Paris,  dans  les  derniers  mois  de  1841  par  une  admirable 
chrétienne,  dont  la  dévotion  envers  l'Eucharistie  vient  de  nous  être  ré- 
vélée dans  une  attachante  brochure  parue  tout  récemment  sous  ce  titre: 
Une  âme  eucharistique. 

La  vicomtesse  Le  Vavasseur,  avec  Mlle  de  Mauroy,  à  laquelle  notre 
Œuvre  doit  son  agrégation  à  l'Archiconfrérie  romaine,  avec  Mlle 
Théodelinde  Dubouché,  qui  devint  la  fondatrice  de  la  Congrégation  de 
l'Adoration  réparatrice,  avec  le  Père  Eymard,  qui  vient  d'être  déclaré 
Vénérable  et  qui  a  tant  aimé  notre  Œuvre,  avec  notre  vénéré  fondateur 
le  Père  Hermann  et  son  guide  spirituel  d'alors,  l'abbé  de  la  Bouillerie, 
furent  les  premiers  zélateurs  de  cette  idée  de  la  réparation  par  l'adora- 
tion perpétuelle  du  Très  Saint-Sacrement. 

Mgr  Aiïre,  dès  1841,  accueillit  avec  bienveillance  les  premières  ouver- 
tures que  lui  fit  à  ce  sujet  la  vicomtesse  Le  Vavasseur  ;  toutefois,  occupé 
à  cette  époque  par  la  fondation  de  l'école  des  Hautes  Etudes  ecclésias- 
tiques pour  la  formation  scientifique  et  théologique  de  son  clergé  dans 
l'ancien  couvent  des  Carmes,  il  ne  donna  qu'une  attention  un  peu  dis- 
traite à  la  réalisation  de  ses ^ idées;  il  leur  accorda  toute  sa  sympathie, 
son  activité  resta  absorbée  ailleurs. 

Mais,  chose  bien  touchante  et  bien  frappante,  à  l'heure  de  sa  mort  hé- 
roïque, le  pieux  prélat  eut  le  souvenir  des  sollicitations  de  Madame  Le 
Vavasseur,  sa  pensée  se  retourna  vers  celle  qui  n'avait  cessé  de  le  pour- 
suivre de  son  zèle  eucharistique  ;  après  avoir  reçu  les  derniers  sacrements, 
s'adressant  à  M.  l'abbé  Jacquemet,  son  Vicaire-général,  qui  fut  plus 
tard  Evêque  de  Nantes,  il  lui  dit  :  "  Dites  à  Madame  Le  Vavasseur  que 
"je  meurs  avec  le  regret  de  n'avoir  pas  fait  assez  pour  le  Très  Saint-Sa- 
"  crement  ;  mon  ami,  la  vie  est  peu  de  chose  !  Quel  malheur,  on  parlera 
"  de  moi  !  Aidez-moi  à  aimer  la  sainte  Eucharistie  ;  que  je  voudrais 
"  l'aimer  comme  elle  le  mérite  !  " 

Serait-ce  téméraire  de  penser  que  ce  qu'il  n'avait  pas  eu  le  temps  de 
faire  pendant  sa  vie,  le  pieux  martyr  le  fit  dans  le  sein  de  Dieu,  et  que 
son  intercession  et  son  sang  répandu  n'ont  pas  été  étrangers  à  l'éclosion 
des  œuvres  eucharistiques  qui  se  développèrent  immédiatement  après  sa 
mort? 

Xotre  Œuvre  fut,  entre  toutes,  celle  dont  le  concours  était  indispen- 
sable pour  assurer  la  véritable  perpétuité  de  l'adoration,  objet  de  ses 
regrets  et  de  sa  dernière  pensée. 

Un  ami  de  la  famille  Le  Vavasseur,  M.  l'abbé  Hamelin,  curé  de  l'Ab- 
bave-aux-Bois,  est  le  premier  qui,  dès  1844,  à  l'instigation  de  Mme  Le 
Vavasseur,  avait  offert  son  église  pour  y  faire  une  journée  d'adoration 
réparatrice  avec  exposition  solennelle  du  Saint  Sacrement:  elle  eut  lieu 
le  premier  vendredi  de  mars.  Quelques  autres  paroisses  suivirent:  Saint- 
Jacques  du  Haut-Pas,  Saint-Louis  d'Antin,  Saint-Sulpice,  Notre-Dame 


—  519  — 

-des  Victoires;  mais  ce  ne  furent  que  des  effets  timides,  isolés,  sans  orga- 
nisation régulière  et  bornés  à  l'adoration  du  jour.         ' 

Au  cours  des  journées  de  juin  1848.  quelques  pieuses  dames  à  l'insti- 
gation de  Mlle  Dubouché,  qui  préludait  ainsi  à  la  fondation  qu'elle 
devait  réaliser  de  la  Congrégation  des  sœurs  de  l'Adoration  réparatrice 
firent  un  pas  de  plus.  Elles  avaient  obtenu  d'avoir  l'exposition  du  Saint- 
Sacrement  dans  la  chapelle  des  Carmélites  de  la  rue  d'Enfer  pendant 
toute  loctave  du  Saint-Sacrement,  de  la  prolonger  jusqu'à  onze  heures 
du  soir,  et  même,  par  deux  fois,  pendant  la  nuit  entière.  C'est  un  de 
ces  soirs-là,  que  M.  Hermann,  étant  entré  dans  la  chapelle  du  Carmel 
s  en  vit  chassé  vers  les  neuf  heures,  alors  que  les  dames  se  disposaient  à 
y  passer  le  reste  de  la  nuit  en  adoration,  pour  obtenir  de  Dieu  la  cessa- 
tion des  luttes  fratricides  qui  ensanglantaient  les  rues  de  Paris. 

Notre  pieux  fondateur  ne  put   se  consoler  de  cette  exclusion,  et  c'est 
de  son  chagrin  que  naquit  notre  Œuvre. 

Je  ne  vous  raconterai  pas   les  difficultés  de   ses   débuts;  ce  que   j'ai 
voulu  dans  ces  quelques  lignes,  c'est  vous  remettre  en  mémoire  la  pensée 
de  réparation  qui  a  présidé   à   sa  fondation,  et  qui  doit  demeurer   éter- 
nellement la  nôtre.     Eéparer,  Messieurs,  réparer,  non  par  nous-mêmes, 
qui  sommes  impuissants  à  rien  réparer,  mais  par  notre  union  à  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ,  l'unique  Eéparateur,  le  souverain  Eéparateur! 
C'est  là  la  caractéristique  de  notre  Œuvre.  —  Comment  pourrions-nous, 
étant  donné  ce  but  principal  de  nos  adorations  nocturnes,  nous  arrêter  à 
l'objection  que  lui  font  quelques-uns,  que  ces  veillées  sont  surérogatoires, 
entraînent  une  fatigue  peu  compatible  avec  la  vie  des  affaires,  quelques- 
uns  ajoutent  même  peu  compatible   avec  la  vie   de   famille.     Ne  nous 
laissons  pas  impressionner  par  ces  suggestions  qui  ne  sont  que  des  tenta- 
tions du  démon.     Si  nous  nous  conformons  exactement  à  notre  règle- 
ment, aussi  modéré  que  sage,  si  nous  ne  faisons  pas  d'excès  de  zèle,  ne 
passant  qu'une  nuit  par  mois,  ne  demeurant  chaque  nuit  qu'une  heure 
ou  une  heure  et  demie  en  adoration,  nous  pouvons  être  assurés  que  ni 
notre  santé,  ni  notre  vie  de  famille  n'en  souffriront;  souhaitons  à  toutes 
les  familles  chrétiennes  d'avoir  un  chef  de  famille  qui  les  représente  de 
temps  en  temps  aux  pieds  de  Notre-Seigneur  et,  par  ce  léger  sacrifice, 
dont  elles  prendront  généreusement  leur    part,  attire  sur    elles  l'abon- 
dance des  bénédictions  que  Notre-Seigneur  a  promises  aux  amis  fidèles 
de  son  Sacré-Cœur.  —  Oui,  il  y  a  un  petit  effort  à  faire  :  mais,  qu'est-ce 
en  regard  des  joies  pieuses  que  le  bon  Dieu  réserve  à    ses    adorateurs? 
Qu'est-ce  en  regard  des  grâces  répandues  sur  eux.  sur  leur  famille,  sur 
leur  patrie,  qui  a   promis  de  ne   pas    laisser    sans    récompense  un  verre 
d'eau  donné  en  son  nom  ?     Oh  !  Messieurs,  ne  marchandons  pas  à  Notre- 
Scigneur  le  témoignage  de  notre  dévouement;  que  chacune  de  nos  nuits 
soit  une  action  de  grâces  pour  l'honneur  qu'il  daigne  nous  faire  à  nous 
si  misérables,  si  faibles,  si  indignes,  en  nous  admettant  ain-î  :">  l'  fnnii- 
liarité  de  son  amour  ! 

Je  vous  ai  dit,  Messieurs,  que  je  ne  saurais  vous  refaire  j'instoriquo 
complet  des  phases  successives  de  succès  et  d'échecs,  de  développement 
et  de  temps  d'arrêt,  que,  depuis  soixante  ans,  a  subies  l'CEuvre  de  Paris. 


—  520  — 

Ces  traverses  multiples  ne  montrent  qu'un3  chose  :  c'est  l'assistance  vrai- 
ment surnaturelle  que  n'a  cessé  de  lui  accorder  le  bon  Dieu.  Il  y  a  eu  des 
périodes  où  elle  semblait  frappée  de  stérilité,  et  ne  se  recrutait  plus. 
Alors,  à  la  voix  de  son  Président,  dont  la  foi  ne  se  démentit  jamais,  le 
Conseil  de  l'Œuvre  faisait  une  neuvaine  de  prières  et  de  communions,  à 
laquelle  il  demandait  à  tous  les  Confrères  de  s'associer,  et  qui  se  ter- 
minait généralement  par  une  nuit  d'adoration  passée  à  Notre-Dame  des 
Victoires,  dans  le  but  spécial  d'obtenir  de  la  sainte  Vierge  le  recrutement 
de  l'Œuvre.  Et  la  sainte  Vierge  qui  avait  vu  naître  l'Œvre  à  ses  pieds, 
n'a  cessé  de  pourvoir  à  ses  besoins.  Nous  ne  saurions  trop  recommander 
cet  acte  de  foi  aux  différentes  Œuvres  de  France  et  de  l'étranger,  quand 
elles  éprouvent  de  la  difficulté  à  se  recruter.  Notre-Seigneur  seul  peut 
donner  la  vocation  à  ses  adorateurs  nocturnes  ;  qu'elles  s'adressent  à  Lui, 
à  Marie,  qui  la  première  l'a  veillé  à  Bethléem,  et,  qu'elles  en  croient 
notre  expérience,  ISTotre-Seigneur  et  sa  sainte  Mère  feront  pour  elles  ce 
qu'ils  n'ont  jamais  manqué  de  faire  pour  nous. 

La  première  nuit  du  6  décembre  1848  fut  suivie  tout  d'abord  d'une 
période  de  saint  enthousiasme,  qui  se  soutint  environ  dix-huit  mois  ;  puis, 
brusquement,  à  ce  premier  zèle,  succéda  une  crise  de  rapide  dépéris- 
sement, causée  par  le  départ  simultané  de  plusieurs  confrères  parmi  les 
plus  zélés,  et  par  une  maladie  grave  de  l'abbé  de  la  Bouillerie,  qui  laissa 
l'Œuvre  sans  direction;  elle  en  fut  réduite  à  ce  point  qu'à  un  moment 
elle  ne  compta  plus  que  neuf  membres  !  Une  suspension  complète  des 
nuits  d'adoration,  qui  se  prolongea  pendant  plus  d'une  année,  sembla 
devoir  consommer  la  mort  de  notre  malheureuse  Œuvre.  • —  Ce  n'est  qu'à 
la  fin  de  1852,  que,  sous  l'impulsion  énergique  de  l'abbé  de  la  Bouillerie, 
revenu  à  la  santé,  l'Œuvre  se  reconstitua  sur  de  nouvelles  bases  et  reprit 
ses  saintes  veilles  pour  ne  plus  jamais  les  interrompre. 

Elle  dut  son  salut  à  la  pensée  féconde  que  Dieu  inspira  à  un  de  ses 
anciens  membres,  de  passage  à  Paris,  M.  de  Cuers,  qui  devait  être  après 
le  Père  Eymard,  le  second  supérieur  de  la  Congrégation  des  Pères  du 
Saint-Sacrement,  et  qui,  avant  de  prendre  l'habit  religieux,  comme  der- 
nier acte  de  sa  vie  civile,  nous  rendit  l'immense  service  de  nous  montrer 
la  voie  où  il  nous  fallait  marcher,  que  désormais  nous  allions  suivre  sans 
défaillance,  et  qui  devait  assurer  tous  nos  développements  ultérieurs. 

A  Mgr  Afïre  avait  succédé  sur  le  siège  de  Paris,  Mgr  Sibour.  Héritier 
de  l'amour  de  son  prédécesseur  pour  le  Saint-Sacrement,  le  nouvel  ar- 
chevêque avait  repris  ses  pieux  projets  et  pour  les  réaliser,  par  ordon- 
nance du  24  novembre  1850,  il  venait  d'instituer  l'établissement  des 
Quarante-Heures  dans  son  diocèse.  "  Son  but,  disait  l'ordonnance  épis- 
"  copale,  était  la  réparation  pour  tant  d'outrages  faits  à  Jésus-Christ 
"dans  le  sacrement  de  son  amour;  réparation  pour  tant  de  blasphèmes 
"  dont  son  nom  est  l'objet;  réparation  enfin  pour  tant  de  violations  de  sa 
"  loi  sainte,  en  particulier  de  la  non-observation  du  dimanche." 

C'était  bien  la  réalisation  de  l'adoration  réparatrice  telle  que  l'avaient 
conçue  les  âmes  pieuses  dont  nous  avons  fait  connaître  les  aspirations; 
réalisation  incomplète  cependant,  puisque  les  Quarante-Heures,  éta^- 
blies  le  jour  seulement,  n'assuraient  pas  la  perpétuité  de  la  réparation 


—  'o21  — 

en  face  de  la  perpétuité  de  l'offense  et  du  péché,  qui  ne  se  lassent  ni  ie 
jour  ni  la  nuit. 

Cette  lacune  frappa  M.  de  Cuers,  et  lui  suggéra  la  pensée  de  souder  le 
fonctionnement  de  notre  Œuvre  à  celui  des  Quarante-Heures,  et,  par  ce 
rattachement  à  un  organisme  créé  et  officiellement  recommandé  par 
l'autorité  diocésaine,  de  nous  faire  bénéficier  de  la  faveur  qui  avait 
accueilli  cette  initiative  de  Monseigneur,  à  laquelle  nous  allions  apporter 
le  complément  qui  lui  manquait. 

M.  de  la  Bouillerie  se  chargea  de  présenter  lui-même  nos  offres  à  Mgi- 
l'Archevêque,  qui  les  agréa  avec  la  plus  grande  faveur,  n'hésita  pas  à  les 
faire  connaître  et  à  les  recommander  à  MM.  les  Curés  du  diocèse  dans 
les  assemblées  générales  du  clergé,  et  bénissant  Dieu  de  ce  secours  inat- 
tendu, prodigua  à  notre  Conseil  dans  deux  audiences  successives  les  plus 
paternels  encouragements. 

Ce  n'était  pas  encore  l'estampille  officielle;  mais  c'était  plus  qu'un 
simple  laisser-faire,  et  si  le  pieux  Ai-chevêque,  comme  il  l'expliqua  à  nos 
Confrères,  retardait  l'heure  de  reconnaître  l'Œuvre  officiellement,  c'est 
que  par  une  sentiment  de  sage  prudence,  avant  de  l'imposer  par  une 
mesure  d'autorité,  il  voulait  que  les  esprits  se  familiarisassent  avec  elle, 
qu'ils  s'habituassent  à  cette  nouveauté  des  prières  de  nuit,  de  manière  à 
ce  qu'il  n'y  eût  plus  pour  lui  qu'à  sanctionner  ce  que  la  piété  de  ses  dio- 
césains et  la  grâce  de  Dieu  auraient  déjà  fait  entrer  dans  les  mœurs. 

Dieu  ne  trompa  point  son  attente.  A  la  fin  de  l'année  1853,  plus  de 
cent  membres  nouveaux  avaient  demandé  leur  admission  dans  notre 
Œuvre  et  l'adoration  nocturne  avait  été  faite  dans  quarante-quatre  sanc- 
tuaires, dont  cinq  paroisses  de  banlieue. 

C'était  la  vie  retrouvée,  la  vie  assurée.  A  partir  de  cette  année  bénie, 
notre  Œuvre  ne  cesse  de  se  développer,  suivant  Xotre-Seigneur  de  pa- 
roisse en  paroisse,  suscitant  dans  chacune  d'elles  le  concours  de  nom- 
breux paroissiens  comme  auxiliaires,  dont  plusieurs  devenaient  des 
membres  définitifs  ;  enfin  elle  gagna  rapidement  la  confiance  du  clergé 
qui  n'hésita  plus  à  lui  ouvrir  toutes  grandes  les  portes  de  ses  églises. 

Ce  zèle  de  nos  aînés  ne  tarda  pas  à  porter  ses  fruits.  —  Jusqu'en  1860. 
il  n'y  avait  eu  que  deux  nuits  d'adoration  dans  chaque  sanctuaire.     Les 
exercices  de  l'adoration  commençaient  le  matin  du  premier  jour,  pour  se 
terminer  le  soir  du  troisième,  en  sorte  que  la  nuit  qui  séparait  la  fin  des 
Quarante-Heures  dans  une  paroisse,  du  commencement  dos  Quarante- 
Heures  dans  la  suivante,  restait  privée  d'adoration.  —  A  la  fin  de  ISfiO. 
riche  de  nouveaux  Confrères,  notre  Œuvre  obtint  du  Cardinal  MoHot. 
qui  avait  succédé  à  Mgr  Sibour,  que.  là  où  MM.  les  Curés  y  consenti- 
raient, l'exposition  du  Très  Saint-Sacrcnicnt  se  ferait  le  soir,  la  veille  du 
premier  jour  où  devaient  commencer  les  Quarante-Heures  dans  la  pa- 
roisse. —  Dès    la    première    année,    quatre-vingt-quatorze    sanctuaires 
avaient  accepté  cette  nouvelle  organisation,  qui  permettait  de  faire  trois 
nuits  d'adoration  dans  chaque  paroisse:  l'année  suivante,  il  y  en  eut  cent 
cinq.     Son    Eminence    le  Cardinal    Morlot.  suffisamment  édifié,  décida 
pour   l'année    1862-1863,  que,  dans   le  diocèse  de    Paris,   l'adoration  du 
Saint-Sacrement  serait   désormais   vraiment   perpétuelle  de  jour  et  d*» 


—  52-2— 

nuit,  et  que  pour  assurer  cette  perpétuité,  dans  tous  les  sanctuaires  par- 
ticipant aux  exercices  des  Quarantc-lleures,  l'exposition  du  Saint- 
Sacrement  devrait  dorénavant  se  faire  le  soir  de  la  veille  du  premier  jour 
de  ces  exercices. 

Nous  avions  enfin  conquis  notre  forme  définitive  et  reçu  la  charte  qui 
n'a  plus  cessé  de  nous  régir. 

Notre  zélé  et  dévoué  secrétaire,  a  dressé  un  tableau  singulièrement 
instructif  de  la  vie  de  notre  Œuvre  pendant  les  quarante  dernières 
années  qui  se  sont  écoulées  de  1870  à  1909. 

Nous  y  constatons  (et  c'est  là  son  côté  très  intéressant)  non  pas  seu- 
lement notre  activité  propre,  mais  l'influence  exercée  par  l'initiative  de 
nos  Confrères  dans  chaque  paroisse,  pour  ramener  les  hommes  de  ces 
paroisses,  étrangers  à  notre  Œuvre,  à  se  joindre  à  nous,  à  renforcer  nos 
rangs  d'abord,  et  puis,  bientôt,  les  années  suivantes,  à  se  faire  un  point 
d'honneur  de  fournir  seuls  le  contingent  d'adorateurs  nécessaire  pour 
assurer  l'adoration  de  la  nuit  avec  les  seuls  éléments  paroissiaux.  C'est 
peut-être  là  un  des  bienfaits  les  plus  sensibles  de  notre  Œuvre,  le  ré- 
sultat dont  nous  devons  le  plus  remercier  le  bon  Dieu  de  nous  avoir  faits 
les  humbles  instruments;  car,  Messieurs,  il  ne  faut  pas  nous  faire  d'il- 
lusion, nous  ne  sommes  et  ne  serons  jamais  aux  mains  de  Dieu  que  des 
serviteurs  inutiles,  qu'il  choisit  par  pure  bonté.  C'est  sia  grâce  seule  qui 
peut  conquérir  une  âme  ;  Notre-Seigneur  nous  Ta  dit  :  "  Personne  ne 
vient  à  moi,  que  mon  Père  ne  le  tire.  (1)"  Mais  dans  nos  nuits  d'ado- 
ration la  grâce  s'épanche  abondante  sur  les  âmes,  et  celles-ci  viennent  à 
Notre-Seigneur  Jésus-Christ.  C'est  là,  dans  le  recueillement  et  le  silence, 
dans  un  cœur  à  cœur  mystérieux,  -qu'elles  se  sentent  plus  que  partout 
ailleurs,  "tirées  vers  Lui." 

Vous  allez  en  juger. 

En  1870,  soixante-seize  paroisses  avaient  l'adoration  perpétuelle,  ce 
qui  représentait  228  nuits  d'adoration,  au  service  desquelles  il  fallait 
pourvoir;  —  (le  surplus  des  jours  et  des  nuits  nécessaires  pour  parfaire 
la  perpétuité  de  l'adoration,  était  réparti  entre  les  Communautés  Eeli- 
gieuses  du  diocèse).  —  Or,  sur  ces  76  paroisses,  59  ne  nous  donnaient 
aucun  concours,  12  faisaient  une  nuit  sur  trois,  2  faisaient  deux  nuits, 
3  seulement  se  suffisaient  à  elles-mêmes.  Sur  228  nuits,  incombant  aux 
paroisses,  il  nous  a  donc  fallu  en  passer  203,  les  paroissiens  n'en  ayant 
fait  que  25.  —  Le  nombre  total  des  adorateurs  pour  l'année  entière  avait 
été  de  3,319. 

Dix  ans  plus  tard,  en.  1880,  le  nombre  des  paroisses  faisant  l'adoration 
perpétuelle  était  passé  de  76  à  94,  représentant  282  nuits  d'adoration. 
Sur  ces  94  paroisses,  7  seulement  ne  nous  donnaient  aucun  concours 
(vous  vous  rappelez  qu'il  y  en  avait  eu  59  en  1870),  28  firent  une  nuit, 
27  en  firent  deux,  et  32  firent  leurs  trois  nuits  (il  n'y  en  avait  eu  que 
trois  en  1870);  —  soit  au  total  178  nuits  passées  par  les  paroissiens  au 
lieu  de  25,  et  nous  n'en  passâmes  plus  que  104.  —  De  3.319  en  1870,  le 
nombre  total  des  adorateurs  est  monté  cette  année-là  à  4,559. 


(1)  Joan.,  VI,  44. 


—  523  — 

En  1890,  le  nombre  des  adorateurs  s'élève  à  4,872,  et  radoration  per- 
pétuelle se  fait  dans  98  paroisses.  Il  n'y  en  a  plus  que  deux  qui  ne  nous 
prêtent  aucun  concours;  16  font  une  nuit  sur  trois,  31  font  deux  nuits, 
49  font  leurs  trois  nuits  ;  soit  au  total  :  294  nuits  d'adoration  paroissiale, 
dont  225  sont  faites  avec  les  seuls  éléments  paroissiaux  ainsi  répartis  : 
le  clergé  a  passé  13  nuits,  les  Confréries  du  Saint-Sacroiuent  29,  les  Con- 
férences de  Saint- Vincent  de  Paul  71,  les  paroissiens  ne  se  rattachant  à 
aucune  œuvre  spéciale  52,  les  Associations  de  jeunes  gens  et  patronages 
51,  les  Cercles  d'ouvriers  8.  Notre  Œuvre  n'est  plus  chargée  que  de  69 
nuits. 

En  1900,  le  nombre  des  adorateurs  s'élève  au  chiffre  magnifique  de 
7,016  et  l'adoration  perpétuelle  se  fait  dans  103  paroisses.  Il  n'y  a  plus 
qu'une  seule  paroisse  qui  ne  nous  donne  pas  son  concours;  11  font  une 
nuit,  31  font  deux  nuits,  60  font  leurs  trois  nuits,  soit  au  total  :  309 
nuits  dont  253  nuits  passées  par  les  seuls  éléments  paroissiaux  composés 
comme  nous  avons  dit  plus  haut,  56  seulement  par  notre  Œuvre. 

Enfin,  en  1909,  115  paroisses  prennent  part  à  l'adoration  perpétuelle; 
le  nombre  des  adorateurs  est  de  8,082  ;  il  reste  encore  une  paroisse  qui  ne 
nous  donne  pas  son  concours  ;  hâtons-nous  de  dire  que  c'est  un  accident  : 
car  pendant  les  six  années  précédentes  (1903-1908)  toutes  les  paroisses, 
sans  exception,  avaient  fait  au  moins  une  nuit  d'adoration.  En  1909, 
11  firent  une  nuit,  28  en  firent  deux,  75  firent  leurs  trois  nuits;  soit  au 
total  :  345  nuits  d'adoration  passées  par  les  paroisses,  dont  292  faites 
avec  les  seuls  éléments  paroissiaux,  53  par  notre  Œuvre. 

Ce  tableau  si  réconfortant  est  loin  de  nous  donner  une  idée  exacte  du 
nombre  vrai  des  adorations  nocturnes  qui  se  font  à  Paris  dans  le  cours 
d'une  année.  Il  ne  vise  en  effet,  que  les  adorations  faites  dans  les  pa- 
roisses. Il  faudrait,  pour  être  complet,  y  ajouter:  les  nuits  d'adoration 
passées  par  les  Communautés  Eeligieuses,  qui.  bien  que  leur  nombre  soit 
très  réduit,  ont  en  1909,  fait  encore  84  nuits  d'adoration,  réparties  entre 
28  Communautés  ;  —  les  nuits  mensuelles  de  Notre-Dame  des  Victoires, 
la  veille  du  premier  jeudi  de  chaque  mois,  réservées  à  notre  Œuvre  et  où 
chaque  nouveau  membre  doit  passer  sa  première  nuit  d'adoration,  à  l'ex- 
emple de  nos  vénérés  fondateurs,  pour  être  présenté  comme  eux  à  Jésus 
par  Marie  ;  —  les  magnifiques  nuits  du  Jeudi-Saint,  qui  se  font  main- 
tenant au  Tombeau  dans  plus  de  60  paroisses  du  diocèse:  enfin  l'Œuvre 
d'Adoration  perpétuelle  de  Montmartre,  fille  de  la  nôtre,  bien  qu'aujour- 
d'hui elle  en  soit  absolument  distincte,  et  qui.  dans  le  cours  de  1909,  a 
attiré  sur  la  sainte  montagne,  pour  y  passer  la  nuit  en  adoration  répara- 
trice, 18,180  hommes,  tant  de  Paris,  que  de  tous  les  diocèses  de  France. 
Faites  l'addition,  messieurs,  et  vous  trouverez  qu'en  1909,  Paris  a  vu 
s'agenouiller  aux  pieds  de  Notre-Seigncur  présent  en  son  TnV  Saint- 
Sacrement  plus  de  26.000  adorateurs,  qui  se  sont  relayés  chaque  nuit 
pour  lui  faire  amende  honorable  et  lui  demander  pardon,  au  nom  de 
leurs  frères,  de  toute?  les  ingratitudes,  insultes  et  pers^'utfons  dont  II 
est  l'objet  de  la  part  d'un  si  grand  nombre  d'homme=  .l;n.-  nntrn  nauvre 
Franco  ! 

Messieurs,  voyez  combien    Dieu    est   bon    pour    notre   patn.-.  et  com- 


—  524  — 

ment  en  pourvoyant  aux  besoins  de  cette  grande  œuvre  de  réparation 
qu'est  notre  Œuvre,  Il  se  plaît  à  fournir  Lui-niême  en  quelque  sorte  à 
sa  miséricorde  les  éléments  nécessaires  à  arrêter,  à  tempérer  tout  au 
moins  les  rigueurs  de  sa  justice.  Vous  avez  remarqué  qu'alors,  qu'en 
18T0,  il  n'y  avait  encore  que  76  paroisses  faisant  l'adoration  perpétuelle 
et  qu'il  n'y  avait  que  3,319  adorateurs  y  prenant  part,  tout  à  coup,  en 
1900,  par  un  brusque  bond,  le  chiffre  des  paroisses  s'élève  à  103,  celui 
des  adorateurs  à  7,016,  pour  monter  au  chiffre  de  115  paroisses  et  de 
8^082  adorateurs  en  1909  (sans  compter  Montmartre). 

C'est  que,  de  1900  à  1909,  la  meilleure  phalange  des  âmes  réparatrices, 
nos  Eeligieux,  nos  Eeligieuses  ont  été  chassés  de  France,  et  ne  sont  plus 
là  pour  prier,  adorer,  expier,  intercéder  en  notre  faveur.  Et  alors, 
Notre-Seigneur  qui  ne  veut  pas  que  son  peuple  périsse,  suscite  un  grand 
mouvement  dans  les  cœurs,  et  à  défaut  de  ces  âmes  qui  lui  étaient  spé- 
cialement consacrées,  sa  grâce  va  partout  chercher  de  nouveaux  servi- 
teurs, de  nouveaux  convives  pour  le  festin  qu'il  a  préparé,  dans  les 
chemins,  dans  les  carrefours,  sur  les  places  publiques,  il  nous  presse 
d'entrer,  nous,  pauvres  laïques,  boiteux,  infirmes,  aveugles,  malgré  nos 
misères  et  notre  indigiiité,  il  veut  nous  donner  part  à  sa  table,  n'exigeant 
qu'une  chose,  c'est  que  nous  nous  revêtions  de  la  robe  nuptiale  par  le 
sacrement  de  pénitence,  et  Lui,  se  chargera  de  nous  guérir,  de  nous 
éclairer,  de  nous  rendre  les  forces  qui  nous  manquent.  Voilà  ce  qui  s'est 
passé  de  1900  à  1909,  voilà  ce  qui  explique  cet  afflux  magnifique  d'ado- 
rateurs qui  sont  venus  prendre  part  à  nos  nuits  pendant  cette  dernière 
période. 

Et  voilà,  messieurs,  ce  qui  va  se  continuer,  se  développer  avec  un 
nouvel  accroissement,  grâce  à  la  mesure  que  vient  de  prendre  Monsei- 
gneur l'Archevêque  de  Paris  pour  rendre  accessible  à  un  plus  grand 
nombre  de  paroisses  cette  si  pieuse  et  salutaire  pratique  de  l'adoration 
nocturne.  Jusqu'ici,  les  paroisses  trop  peu  nombreuses  pour  assurer 
l'adoration  du  Saint-Sacrement  exposé  pendant  trois  jours  consécutifs, 
ne  figuraient  pas  au  tableau  de  l'adoration  perpétuelle  du  diocèse.  Il 
y  en  avait  près  de  cinquante  dans  ce  cas.  C'était  les  priver  d'une  grâce 
précieuse  et  d'im  des  moyens  les  plus  efficaces  pour  attirer  les  âmes  à 
Notre-Seigneur  Jésus-Christ;  cette  année,  si  vous  consultiez  VOrdo  du 
diocèse,  vous  y  verriez  qu'à  la  suite  du  tableau  indiquant  les  paroisses  et 
chapelles  où  auront  lieu  les  exercices  réglementaires  des  Quarante- 
Heures,  comportant  l'exposition  ininterrompue  du  Saint-Sacrement 
pendant  trois  jours  et  trois  nuits,  se  trouve  un  tableau  plus  modeste 
"des  exercices  supplémentaires  d'adoration"  pour  les  paroisses  de  ban- 
lieue d'importance  moindre,  exercices  qui  ne  dureront  pour  chacune 
d'elles  que  24  heures,  et  qui  leur  sont  accordés  à  cette  seule  condition 
—  (iqu'il  a  fallu  leur  imposer  pour  ne  pas  surcharger  notre  Œuvre)  — 
qu'elles  s'engageaient  à  faire  par  leurs  seuls  moyens  et  l'adoration  de 
jour  et  l'adoration  de  nuit.  Dès  cette  première  année,  sur  47  paroisses 
de  banlieue  qui,  jusqu'ici  n'avaient  jamais  d'adoration  solennelle  du 
Saint-Sacrement,  37  ont  demandé  avec  empressement  à  avoir  ces  vingt- 
quatre  heures  eucharistiques,  promettant  d'entourer  la  Sainte  Eucha- 
ristie de  leurs  adorations  et  le  jour  et  la  nuit. 


—  525  — 

Que  les  dix  hésitantes  subissent  la  sainte  contagion  d"un  si  bel  ex- 
emple, et,  l'année  prochaine,  il  ne  restera  plus  dans  notre  cher  diocèse  de 
Paris,  où  il  se  fait  tant  de  mal,  mais  aussi  tant  de  bien,  il  ne  restera 
plus  une  seule  paroisse  où  Xotre-Seigneur  ne  soit  adoré  et  prié  jour  et 
nuit,  au  moins  une  fois  l'an.  —  Alors,  vraiment,  Paris  sera  bien  la  ville 
du  Sacré-Cœur  de  Jésus,  comme  il  est  déjà  celle  du  Cœur  Immaculé  de 
Marie.  Par  le  Cœur  de  la  Mère  nous  aurons  été  donnés  au  Cœur  de  son 
Divin  Fils  et  nous  lui  appartiendrons  sans  réserve. 

Voilà,  messieurs,  où  en  est  l'Œuvre  de  l'Adoration  Xocturm;  à  Paris, 
voilà  le  chemin  parcouru  en  soixante  ans,  depuis  cette  nuit  inaugurée 
dans  l'humilité,  le  soir  du  6  décembre  1848,  à  Notre-Dame  des  Victoires, 
par  19  fervents  serviteurs  de  l'Eucharistie.  Nous  avons  bien  le  droit  de 
dire,  avec  un  profond  sentiment  de  reconnaissance  pour  les  bontés  de 
Dieu  à  notre  égard,  que  le  petit  grain  de  sénevé  est  devenu  un  grand 
arbre,  qui  aujourd'hui  abrite  non  seulement  Paris,  non  seulement  la 
France,  mais  qui  couvre  de  ses  branches  le  monde  entier. 

Chose  merveilleuse  !  dont  nous  ne  saurions  assez  rendre  grâce  à  Dieu, 
ce  Dieu  infiniment  bon,  qui  ne  se  repent  jamais  de  ses  dons....  notre  cbèrc 
France,  malgré  ses  ingratitudes,  demeure  toujours  la  missionnaire  du 
Christ  qui  aime  les  Francs;  et,  pour  répandre  une  grande  œuvre  dans  le 
monde,  c'est  à  elle  toujours  qu'il  lui  plaît  de  s'adresser.  L'adoration 
nocturne  a  pris  naissance  à  Eome,  en  1810;  il  fallait  qu'elle  fixât  ses 
racines  dans  la  Ville  Eternelle;  mais,  pendant  quarante  ans,  elle  n'a  pu 
sortir  de  Eome.  Le  monde  l'ignora,  même  en  Italie,  pendant  toute  la 
première  moitié  du  dernier  siècle;  et,  ce  n'est  que  lorsqu'elle  se  fut 
établie  en  France,  qu'elle  s'est  répandue  cliez  les  autres  iieuples:  et  c'est 
à  l'Œuvre  de  Paris  que  toutes  celles,  aujourd'hui  si  prospères,  d'Espagne, 
de  Belgique,  du  Canada,  des  Etats-Unis,  du  Mexique,  de  l'Amérique  du 
Sud,  et  celles-là  même  de  Gênes,  Turin.  Milan  en  Italie,  se  sont  adres- 
sées, et  ont  demandé  des  avis  et  des  exemples  lorsqu'elles  ont  voulu 
s'organiser  et  se  choisir  un  règlement. 

Oh  !  remercions  Dieu,  et  remerciez-le  avec  nous.  Messieurs,  de  sa  misé- 
ricorde infinie  et  de  la  perpétuité  de  ses  dons  en  faveur  de  notre  cher 
pays.  Nous  du  moins,  c'est  notre  mission,  nous  ne  cesserons  de  le  con- 
soler dans  la  mesure  do  notre  faiblesse,  de  le  poursuivre  de  notre  amour 
et  de  lui  témoigner  notre  reconnaissance. 

J'aurais  voulu,  mais  il  est  déjà  bien  tard,  vous  entretenir  de  la  der- 
nière grâce  que  nous  a  octroyée  le  Souverain  Pontife,  et  des  suites  que 
nous  nous  efforçons  de  lui  donner.  Cela  regarde  l'avenir,  et  il  faut  vous 
en  parlfr,  ne  scrait-ee  que  d'un  mot,  pour  recommander  cet  avenir  à 
vos  prières.  Par  un  bref  récent,  le  Saint-Père  a  constitué  notre  Œuvre 
de  Paris  en  un  centre  spécial  pour  la  France,  ayant  son  siège  à  Notre- 
Dame  des  A'ictoires,  centre  au(iuo]  il  a  (onféré  le  pouvoir  d'affilier 
directement  toutes  les  Œuvres  d'adoration  nocturne  de  France  h  l'Ar- 
chiconfrérie  de  l'Adoration  N(xturne  de  Eome  et.  par  là,  de  leur  en  com- 
muniquer les  précieuses  indulgences.  Sept  Œuvres  de  province  se  sont 
empressées  déjà  de  nous  demander  cette  affiliation  et  se  sont,  du  même 
coup,  rattachées  à  nous  par  des  liens  plus  intimes  de  (•onfrat<M-nité. 


—  536  — 

Ces  liens,  nous  avons  pensé  qu'il  y  aurait  grand  intérêt  à  les  étendre 
à  toutes  les  Œuvres  de  France,  pour  assurer  plus  d'unité  entre  elles,  une 
plus  grande  communauté  d'efforts,  d'intentions,  et  aussi  leur  apporter 
dans  les  circonstances  difficiles  un  réconfort  et  un  soutien. 

Le  moyen  le  meilleur  nous  a  paru  être  la  création  d'un  Bulletin  des 
Adorations  nocturnes  de  France,  qui  établirait  entre  toutes  une  com- 
munication constante  et  produirait  une  émulation  susceptible  de  leur 
donner  une  vie  plus  intense  et  plus  fructueuse.  —  Nos  Sœurs  de  pro- 
vince, consultées  par  nous,  ont  accepté  cette  idée  avec  empressement.  Et 
depuis  le  8  avril  dernier  nous  avons  fait  paraître  notre  petit  Bulletin 
qui,  chaque  trimestre,  s'en  va  porter  à  tous  la  bonne  parole  et  susciter 
les  dévouements  réparateurs. 

JSTous  osons  vous  demander  vos  prières,  Messieurs,  pour  que  le  bon 
Dieu  nous  vienne  en  aide.  C'est  une  innovation  féconde,  croyons-nous, 
qui  sera  de  nature  à  donner  un  grand  élan  à  notre  Œuvre  en  province, 
où  elle  est  parfois  languissante,  et  où  cependant  —  (nous  venons  d'en 
avoir  plusieurs  exemples)  —  une  bonne  parole,  un  bon  conseil  suffisent 
le  plus  souvent  à  ranimer  les  courages  et  à  relever  une  Œuvre  morte  ou 
mourante. 

Plus  que  jamais  la  prière,  la  réparation  sont  œuvre  nécessaire  pour 
faire  contrepoids  aux  provocations  que  les  sectes  impies  adressent  jour- 
nellement à  la  souveraine  majesté  de  Dieu.  Malgré  l'impiété  officielle 
de  notre  pays.  Dieu  ne  maudira  pas  et  ne  veut  pas  détruire  la  France; 
Il  nous  en  a  presque  donné  l'assurance  en  nous  confiant  le  culte  de  son 
Sacré-Cœur.  La  France  est  toujours  son  peuple  de  prédilection.  Mais 
il  peut  nous  châtier  durement.  Il  châtiera  notre  orgueil  par  notre  abais- 
sement ;  notre  sensualité  et  notre  luxe  effréné  par  la  ruine  de  nos 
fortunes  et  les  fléaux  de  toute  sorte  contre  lesquels  nous  avons  vu  récem- 
ment à  quel  degré  d'impuissance  l'homme,  si  vain  de  sa  science,  se  trouve 
tout  à  coup  réduit. 

Que  le  Christ  vainqueur  ait  pitié  de  nous  !  La  France,  la  vraie  France, 
la  France  de  Clotilde  et  de  Geneviève,  de  Jeanne  d'Arc  et  de  la  Bien- 
heureuse Marguerite-Marie,  de  Charlemagne  et  de  saint  Louis,  de  saint 
Vincent  de  Paul  et  du  Curé  d'Ars,  la  France  de  Notre-Dame  de  Lourdes, 
de  Xotre-Dame  des  Victoires,  la  France  de  Votre  Sacré-Cœur  existe 
toujours,  vous  aime  toujours,  ô  mon  Dieu,  vous  suit  toujours  dans  toutes 
les  parties  du  monde  par  ses  missionnaires,  et  dans  ses  frontières  mêmes, 
sur  son  sol  qui  reste  vôtre,  elle  est  à  vous  par  ses  œuvres  innombrables  de 
charité,  de  prière,  d'adoration,  adoration  perpétuelle  dans  votre  temple 
de  Montmartre,  adoration  perpétuelle  dans  chacime  de  nos  paroisses  où 
nous  nous  attachons  à  votre  personne  sacrée,  où  nous  vous  gardons,  vous 
demandant  pardon  pour  nos  frères  égarés,  pour  nos  frères  aveugles  et 
trompés.  Ah  !  Seigneur,  délivrez-nous  des  mensonges  et  des  menteurs 
qui  nous  trompent. 

Nous  savons  que  c'est  particulièrement  à  nous,  adorateurs  nocturnes, 
qu'il  appartient  de  répéter  sans  relâche  ces  supplications:  nous  n'y  fail- 
lirons pa.«  !  Mais  vous.  Messieurs,  vous  qui  aussi  aimez  la  France  qui, 
fidèles  au  passé,  lui  conservez  un  souvenir  vraiment  filial,  vous  à  qui  elle 
a  donné  cette  même  Œuvre  de  l'Adoration  Nocturne  qui  établit  un  lien 


52?  — 


de  plus  entre  nous,  quelquefois,  dans  vos  nuits  si  pieuses,  si  édifiantes 
SI  fécondes  en  grâces,  ayez  une  pensée  pour  la  France,  et  par  la  généro- 
sité de  vos  prières,  aidez-nous,  aidez  vos  Confrères  de  Paris,  à  attirer  sur 
elle  la  miséricorde  de  Dieu  !  "  Fluctuât  nec  mergitur."  Battu  par  les 
flots,  il  ne  sombre  pas  :  c'est  la  devise  de  Paris  !  Xous  voulons  en  faire 
la  devise  de  la  France  entière,  avec  Jésus,  le  Jésus  de  l'Eucharistie  pour 
guide  et  pour  pilote  !  ' 


* 
*   * 


Telle  fut  cette  séance  consacrée  aux  Dévotions  Eucharis- 
tiques. Très  belle,  très  intéressante,  par  les  renseignements 
qu'elle  fournissait  et  par  la  variété  des  sujets  qu'elle  abor- 
dait, elle  fut,  sans  aucun  doute,  une  des  plus  goûtées  des 
hommes  d'œuvres. 


§  2°  An  MoniiuuHt  Xationnl. 

Monseigneur  Odelin,  Vicaire  Général  de  Paris,  du  (Comité 
permanent  des  Congrès,  présidait  cette  réunion  avant  autour 
de  lui  une  assistance  choisie  qu'intéressaient  particulière- 
ment les  questions  inscrites  au  i)r()graniine. 


* 


M.  l'abbé  Auclair,  secrétaire  de  la  rédaction  à  la  Revue 
Canadienne,  et  l'un  des  rédacteurs  de  la  Semaine  reVu/iewse  de 
Montréal,  ouvrit  le  feu  par  un  travail  sur  le  rôle  de  la  presse. 
Il  définit  la  mission  de  la  presse  catholique  au  Canada. 


LA    PRESSE    EUCHARISTIQUE  : 

Son  état  actuel  —  Place  à  donner  à  l'Eucharistie  dans 

les  revues  pieuses  et  dans  les  journaux 

catholiques  en  général. 


L'un  des  buts  immédiats  dos  Congrès  Eucharisti(]ups  —  nous  ont  dit 
et  nous  répètent  les  organisateurs  do  ces  grands  moiivonionts  do  piété 
intelligente  et  éclairée  —  c'est  de  promouvoir  chez  les  peuples  chrétiens 
et  de  faire  se  renouveler  périodiquement  l'hommage  social  nu  Christ,  roi 
des  nations.     Or,  do  nos  jours  surtout,  le  grand  moyen  d'émouvoir  les 


—  52S  — 

masses  populaires,  le  levier  puissant  avec  lequel  on  remue  les  nations, 
c'est  la  presse.  Il  est  devenu  banal  de  le  répéter,  la  presse,  pour  beau- 
coup, c'est  aujourd'hui  l'unique  puissance,  la  seule  qui  ait  prise  sur 
l'opinion. 

"Personne  n'ignore  —  écrivaient  les  Pères  du  Concile  Plénier  de 
Québec  —  la  place  prépondérante  que  prennent  aujourd'hui  le  livre,  la . 
revue,  la  brochure  et  le  journal.  Ils  sont  devenus  les  principaux  semeurs 
d'idées,  et,  bien  souvent,  les  maîtres  incontestés  de  l'opinion  publique. 
Sous  toutes  les  formes,  mais  surtout  sous  la  forme  du  journal,  la  presse 
est  la  grande  et  parfois  l'unique  éducatrice  des  multitudes.  Elle  pénètre 
partout,  s'adresse  à  toutes  les  classes  et  à  tous  les  âges,  traite  tous  les 
sujets,  met  et  tient  en  éveil  toutes  les  curiosités,  et  s'empare  peu  à  peu 
des  esprits  qu'elle  forme  et  déforme  à  son  gré.  Son  influence  est  très 
souvent  décisive  et  ses  jugements  sans  appels."  (1) 

Il  n'est  que  trop  vrai.  La  presse  est  de  nos  jours  ime  puissance  for- 
midable et  irrésistible.  Je  dis:  "Il  n'est  que  trop  vrai"?  C'est  parce 
que  d'ordinaire  la  puissance  de  la  presse  est  plutôt  au  service  du  mal. 
"  C'est,  en  effet  —  disent  encore  les  Pères  de  Québec  • — ■  par  les  mille 
voix  de  la  presse  que  les  erreurs  se  sont  propagées  si  nombreuses,  si  vite, 
et  si  loin,  depuis  un  siècle;  c'est  le  mauvais  journal  qui  a  battu  en 
brèche,  discrédité  dans  l'opinion  toutes  les  institutions  religieuses  que 
nous  avons  vu  disparaître  (il  est  ici  question  des  pays  d'Europe);  c'est 
par  les  journaux  et  par  les  romans,  non  moins  que  par  les  pièces  de 
théâtre  que  s'est  préparée  la  loi  du  divorce  (en  France),  vrai  fléau  de  la 
société  moderne  ;  c'est  dans  les  journaux  (enfin)  qu'a  été  menée  la  cam- 
pagne contre  l'éducation  chrétienne  de  la  jeunesse  (un  peu  par- 
tout).. .    (2) 

Or,  "  pour  guérir  les  maux  de  notre  temps  "  —  continuent  toujours 
nos  évêques,  citant  les  propres  paroles  de  Pie  X  à  Mgr  Bégin  —  "  pour 
guérir  les  maux  de  notre  temps,  il  faut  employer  des  moyens  qui  soient 
appropriés  à  ses  habitudes ....  aux  écrits  opposons  les  écrits,  aux  erreurs 
propagées  çà  et  là  opposons  la  vérité,  au  poison  des  mauvaises  lectures 
opposons  le  remède  des  lectures  salutaires,  aux  journaux  dont  l'influence 
pernicieuse  se  fait  sentir  tous  les  jours  opposons  le  bon  journal. . ."  (3) 
D'ailleurs,  messeigneurs  et  messieurs,  nos  vénérés  prélats  canadiens 
ne  faisaient  là  que  constater  ce  que  tout  le  monde  admet.  N'a-t-on  pas 
écrit  que  saint  Paul,  s'il  revenait  sur  la  terre,  se  ferait  journaliste,  et 
n'est-il  pas  connu  de  tout  l'univers  que  Pie  X,  quand  il  était  patriarche 
de  "Venise,  aurait  vendu  sa  croix  pectorale  plutôt  que  de  voir  péricliter 
son  cher  journal  vénitien  Xa  Difesa?  Aussi  bien,  n'avons-nous  voulu 
rappeler,  au  début  de  ce  travail,  l'autorité  de  l'épiscopat  canadien  que 
parce  qu'il  nous  a  semblé  de  haute  convenance  de  le  faire  pour  appuyer 


(1)  Lettre  pastorale  des  Pères  du  Premier  Concile  Plénier  de  Québec,  p.  28. 
^  Cette  lettre  porte  les  signatures  de  trente-quatre  archevêques  et  évêques,  d'un 
préfet  apostolique  et  do  trois  administrateurs  sede  vacante). 

(2)  Idem;  loco  citato. 

(3)  Idem,  loco  citato. 


—  529  — 

nos  modestes  affirmations  sur  une  doctrine  solide  et  sûre.  Au  Congrès 
de  Montréal  il  nous  est  tout  naturel,  tous  l'admettront,  de  nous  incliner 
devant  les  enseignements  des  Pères  du  Concile  de  Québec. 

Les  Congrès  ne  sont  pas  des  Conciles:  ils  ne  définissent  pas  les  dog- 
mes, ils  n'arrêtent  pas  les  décrets  disciplinaires.  Ce  sont  plutôt, 
messeigneurs  et  messieurs,  ainsi  qu'on  l'a  dit,  de  grandes  assemblées  du 
clergé  et  du  laïcat  catholiques  qui  ont  pour  unique  fin  la  gloire  de  Jésus 
Eucharistie,  la  préparation  des  triomphes  eucharistiques,  l'hommage 
social  au  Christ  roi  des  nations.  Mais,  pour  l'un  et  pour  l'autre,  de 
quelle  puissance,  répétons-le,  n'est  pas  aujourd'hui  la  presse,  ne  sont  pas 
aujourd'hui  les  œuvres  de  presse. 

Or,  que  fait  la  presse,  en  particulier  la  presse  canadienne,  pour  la 
Sainte  Eucharistie,  pour  la  foi  en  la  présence  réelle,  pour  la  glorification 
devant  le  peuple  des  rites  et  des  fêtes  qui  la  célèbrent?  Et  puis  surtout 
que  devrait-elle  faire,  notre  presse  canadienne,  non  seulement  la  presse 
des  semaines  religieuses  et  des  revues  pieuses,  mais  la  presse  qui  se  dit 
catholique  et  qui  veut  l'être  tout  en  s'occupant  des  intérêts  matériels  et 
politiques  du  pays  —  ce  qui,  croyons-nous,  est  parfaitement  légitime. 
Voilà,  messeigneurs  et  messieurs,  tout  l'objet  du  modeste  travail  qu'en 
notre  qualité  de  prêtre-journaliste,  au  nom  de  nos  confrères  de  la  presse 
canadienne,  nous  avons  l'honneur  de  présenter  au  Congrès  de  Montréal  : 
La  presse  eucharistique,  son  état  actuel,  place  à  donner  à  l'Eucharisiic 
dans  les  revues  pieuses  et  dans  les  journaux  catholiques  en  général. 

Nous  voulons  ici  nous  placer,  autant  que  possible,  au  seul  point  de 
vue  canadien.  Nous  supposons  connus  de  nos  auditeurs  les  magnifiques 
rapports  que  le  Eévérend  Père  Couet,  des  Pères  du  Saint-Sacrement,  au 
Congrès  de  Eome  en  1905,  et  M.  François  Veuillot,  directeur  de  VUni- 
vers,  au  Congrès  de  Cologne,  en  1909,  ont  donné  sur  les  œuvres  de  presse 
et  l'Eucharistie.  Nous  aurions  mauvaise  grâce  d'insister.  Kotenons 
seulement  du  rapport  si  documenté  que  le  Rév.  Père  Couet  présentait 
à  Rome,  que  sur  les  soixante  à  soixante-dix  périodiques  eucharistiques, 
qui  étaient  alors  (1905)  publiés  dans  le  monde  entier,  la  France  —  le 
pays  par  excellence  des  idées  et  des  apôtres  de  l'idéal  —  la  France  en 
comptait  vingt  pour  sa  part  et  l'Amérique  huit,  dont  quatre  à  Montréal  : 
le  Bulletin  Eucharistique,  revue  mensuelle  spécialement  destinée  à  la 
jeunesse  (in-16  illustré,  chaque  livraison  32  pages).  Le  petit  messager 
du  Très  Saint-Sacrement  (in-12  illustré,  chaque  livraison  32  pages), 
Les  Annales  des  Prêtres  Adorateurs  (in-12,  chaque  livraison  32  pages), 
et  enfin  The  Sentincl  of  the  Blessed  Sacrammt  (in-12  illustré,  chaque 
livraison  32  pages),  qui  est  l'édition  canadienne  du  périodique  du  même 
nom  qui  se  publie  à  New  York.  J'ajoute  que  toutes  ces  publications 
sont  à  Montréal  sous  la  direction  des  Pères  du  Saint-Sacrement.  L'ac- 
tivité et  le  zèle  des  Révérends  Pères  ont  été  trop  précieux  aux  organi- 
sateurs du  Congrès  de  Montréal  et  sont  du  re>te  trop  connus  do  iinus 
tous  pour  qu'il  soit  besoin  de  dire  avec  quels  soins  et  quels  succès  leurs 
œuvres  de  presse  eucharistique  se  développent  et  grandissent  chez  nous. 

Nos  revues  pieuses  en  général  et  nos  semaines  religieuses  n'ont  pas 
lieu  non  plus  do  retenir  longtemps  notre  attention.     Quollo  que  soit  1» 


—  530  — 

raison  d'être  spéciale  de  chacune  de  ces  publications,  il  est  clair  qu'au- 
cune ne  saurait  ignorer  l'Eucharistie,  qui  est  le  centre  du  culte  et  de  la 
vie  de  l'Eglise,  comme  elle  est  le  centre  de  la  croyance  et  du  dogme.  Par 
les  mystères  qu'elle  rappelle,  en  effet,  par  les  vertus  qu'elle  prêche  et  par 
les  effets  qu'elle  produit  dans  les  âmes,  l'Eucharistie  qui  contient  le 
corps,  le  sang,  l'âme  et  la  divinité  du  Dieu  fait  homme,  Jésus-Christ,  est 
le  point  central  autour  duquel  toutes  les  dévotions  bénies  par  la  sainte 
Eglise  viennent  aboutir  nécessairement.  Quand  donc  les  Annales  de  la 
Bonne  Sainte  Anne,  par  exemple,  racontent  les  hauts  faits  qui  s'accom- 
plissent sur  la  côte  de  Beaupré,  quand  le  Rosaire  des  Dominicains  prêche 
la  dévotion  à  la  Vierge  Marie,  quand  la  Tempérance  des  Franciscains 
exliorte  à  la  générosité  d'âme  et  à  l'esprit  de  sacrifice  ses  milliers  de 
ligueurs,  le  but  final  qu'on  se  propose  c'est  toujours  l'amendement  de 
l'homme  pour  la  glorification  du  Christ  Jésus,  sur  la  terre  dans  l'Eu- 
charistie, au  ciel  dans  la  suprême  béatitude.  Et  il  en  est  ainsi  de  toutes 
les  revues  pieuses.  Les  dévotions  sans  l'Eucharistie,  sans  le  Christ 
Jésus  comme  fin  plus  ou  moins  directe  —  ou  comme  on  l'a  dit  déjà,  les 
dévotions  sans  religion  —  seraient  trop  courtes  et  nécessairement  fausses. 
De  même  nos  semaines  religieuses  et  nos  divers  périodiques  de  nouvelles 
pieuses  ne  peuvent  sans  s'égarer  méconnaître  ou  sembler  ignorer  le  culte 
eucharistique.  Leur  but  c'est  raconter  la  vie  des  diocèses,  la  vie  d'une 
œuvre.  Or  tout  cela  doit  tendre  au  Christ  Jésus,  comme  les  rayons  vers 
leur  centre. 

Peut-être  seulement  pourrions-nous,  à  l'occasion  de  ce  magnifique 
Congrès,  qui  restera  l'honneur  de  notre  Ville-Marie,  demander  à  tous 
nos  confrères  et  collègues  des  semaines  et  des  revues  pieuses  du  Canada, 
de  redoubler  de  zèle,  par  tout  le  pays,  pour  magnifier  encore  davantage, 
pour  célébrer  et  pour  chanter  encore  mieux  les  grandeurs  et  les  gloires  du 
dogme  et  du  culte  eucharistiques.  Il  nous  semble  qu'un  devoir  de  spé- 
ciale gratitude  va  s'imposer  à  nous.  Il  importe,  en  particulier,  que  les 
échos  du  Congrès  de  Montréal  se  répercutent  longtemps  et  très  au  loin 
aux  pieds  de  nos  montagnes  et  sur  les  bords  de  nos  fleuves  et  de  nos 
lacs.  D'ailleurs,  la  dévotion  spéciale  que  chacun  de  nous  a  mission  de 
développer  et  d'entretenir  dans  l'âme  de  notre  peuple  ne  pourra  que 
gagner  en  profondeur  et  en  extension  si  elle  s'illumine  ainsi  davantage 
aux    rayonnements  de  l'ostensoir  d'or  qui  porte  Jésus-Hostie. 

Mais  ce  que  nous  devons  désirer  surtout  et  ce  que  nous  demandons 
avec  instance  à  la  presse  canadienne  catholique,  non  plus  aux  seules  se- 
maines religieuses,  ni  aux  seules  revues  pieuses,  mais  à  tous  les  jour- 
naux, quotidiens,  hebdomadaires  ou  mensuels,  qui  se  disent  et  qui  veu- 
lent être  catholiques,  c'est  un  effort,  c'est  un  mouvement,  c'est  un  élan 
vers  plus  de  vie  chrétienne  sociale,  par  l'étude  et  par  la  glorification  de 
la  croyance  et  des  pratiques  eucharistiques. 

A  Dieu  ne  plaise  que  nous  méconnaissions  les  mérites  réels  de  quel- 
ques-uns de  nos  confrères  et  les  générales  bonnes  intentions  d'un  plus 
grand  nombre.  Nous  connaissons,  pour  y  avoir  été  quelque  peu  mêlé, 
les  exigences  et  les  besoins  d'un  journal  qui  veut  vivre.  Nous  ne  pou- 
vons songer  à  demander  aux    grands  quotidiens  de  se  transformer    en 


—  531  — 

semaines  religieuses  et  en  revues  pieuses  —  que  seule  une  élite  recevrait 
et  dont  la  masse,  à  tort  ou  à  raison,  ne  voudrait  pas.  Pourvu  qu'elles 
soient  bien  dirigées,  il  y  a  place  dans  un  pays  comme  le  nôtre  pour  toutes 
les  initiatives  intelligentes,  fK)ur  toutes  les  bonnes  intentions  d'où 
qu'elles  viennent.  Mais  encore,  pour  être  catholiques  et  pour  se  dire 
telles,  faut-il  qu'elles  soient  selon  l'esprit  de  Dieu. 

Or,  disons-le  hardiment,  il  y  a  une  erreur  pratique  dont  souffre  notre 
vie  catholique  en  ce  pays  béni  du  ciel.  Jusqu'ici,  depuis  cent  ans  surtout, 
nous  avons  eu  peu  à  lutter  pour  la  défense  de  notre  foi  et  de  nos  pra- 
tiques religieuses,  et  c'est  pourquoi,  quand  une  heure  de  lutte  se  présente, 
les  chevaliers  sont  plus  rares,  les  chevaliers  de  la  plume  comme  les  cheva- 
liers de  la  parole.  Au  fond,  c'est  un  malheur.  On  n'aime  jamais  tant 
une  cause  que  lorsqu'on  combat  pour  elle.  Quoique  nous  soyons  sans 
aucun  doute  un  peuple  de  foi,  l'occasion  semble  nous  avoir  trop  manqué 
de  vivre  socialement  notre  foi. 

Nous  parlons  ici,  messeigneurs  et  messieurs,  d'une  façon  générale. 
Nous  savons  bien  qu'il  y  a  chez  nous  de  très  beaux  mouvements  chré- 
tiens. Ainsi,  ne  citons  qu'un  cas,  nous  nous  réjouissons  trop  des  mani- 
festations de  haut  esprit  catholique  que  nous  ont  récemment  données 
nos  jeunes  gens  de  l'A.  C.  J.  C.  et  leurs  amis,  pour  ne  pas  les  signaler 
avec  complaisance.  Mais  il  reste  vrai  qu'on  craint  trop  d'une  façon 
générale  dans  notre  grande  presse  canadienne  de  passer  pour  crétins  et 
pour  bigots.  Sous  prétexte  de  largeur  d'esprit,  nous  sommes  trop  ex- 
posés à  tourner  court  quand  il  s'agit  de  parler  de  nos  croyances  et  de  nos 
dogmes,  quand  il  est  question  de  louer  les  grandeurs  et  les  beautés  de 
notre  culte. 

Donnons-nous  garde,  d'autre  part,  écrivains  et  journalistes  de  notre 
pays,  laissez-nous  vous  le  dire  en  toute  sincérité  et  en  toute  indépen- 
dance, donnons-nous  bien  garde  de  nous  leurrer  nous-mêmes.  Ne 
prenons  pas,  je  vous  en  prie,  des  éloges  de  personnes  absolument  exagé- 
rés et  des  interjections  laudativo?  vides  de  sens,  pour  un  hommage  in- 
telligent et  pour  un  culte  ^Tai  et  digne  au  Dieu  que  nous  adorons  dans 
l'Eucharistie. 

D'abord  ayons  la  foi,  éclairons  nos  convictions,  ensuite  nous  la  vivrons 
moins  mal,  et  nous  pourrons  l'exposer,  elle  et  ses  manifestations  les  plus 
simple'^  comme  les  plus  éclatantes,  avec  des  mots  qui  iront  au  cœur  ot 
qui  feront  du  bien,  parce  qu'ils  seront  sentis  et  parce  qu'ils  seront  vrais. 
Car  autant  les  dévotions  qui  sont  répanouissement  naturel  d  une  vraie 
religion  sont  heureuses  et  fécondes,  autant  les  dévotions  sans  religion 

sont  stupides  et  stériles. 

Nous  le  demandons  à  tous  nos  confrères  du  journali.-me  catholique, 
il  faut  que  le  Con-rc'^  de  Montréal  soit  pour  nous  tous  une  occasion  de 
renouveau.  Cessons  d'être  à  tout  moment  les  esclaves  d'un  absurde  res- 
pect humain.  Parlons  de  l'Eucliaristie.  de  ses  grandeurs,  de  ses  gloires, 
des  mvstères  qu'elle  rappelle,  dos  vertus  qu  elle  proche,  des  effets  mer- 
ven'ux  qu'elle  produit  dans  les  âm«  et  dans  la  société.  P- bneeon« 
vers  les  d  vers  centres  de  nos  populations  les  échos  du  Congres  de  Mont- 
rerai, et.  plus  tard,  sachons  le.,   réveiller,  ces  é<.hos,  à   llieure   propice. 


Pour  être,  dans  la  mesure  voulue,  sans  exagérations  comme  sans  fai- 
blesses, les  apôtres  —  oui  les  apôtres  —  de  rEucliaristie,  imprégnons- 
nous  des  vérités  de  notre  foi.  Gardons-nous  des  hérésies.  Que  si  nous 
voulons  —  et  nous  le  devons  souvent  —  traiter  dans  les  journaux  tel 
point  de  doctrine,  tâchons  d'abord  de  le  bien  connaître,  et  pour  cela 
n'ayons  pas  peur  de  consulter  l'Eglise  enseignante  et  ses  pasteurs.  Evi-, 
tons  les  termes  obscurs  et  les  phrases  équivoques.  Visons  aussi  à  la 
dignité  de  nos  propos.  Pensons  souvent  que  le  journal  et  son  feuilleton 
sont  lus  par  tous  les  yeux.  Que  la  chronique  des  crimes  dans  nos  co- 
lonnes soit  sobre  et  point  suggestive.  En  un  mot,  soyons  chrétiens 
d"abord.  Ensuite  —  et  alors  seulement  —  nous  pourrons  être  dévots 
sans  crainte.  Nous  n'aurons  rien  du  Tartufe.  Parce  qu'on  nous  saura 
sincères,  on  s'inclinera  devant  nos  convictions.  Nous  pourrons  rendre 
à  Jésus-Hostie,  sans  qu'on  nous  ridiculise,  le  culte  social  qui  lui  est  dû, 
ce  culte  que  plus  que  personne  la  presse  aux  mille  voix  —  nous  voulons 
dire  la  presse  catholique  —  cette  puissante  et  merveilleuse  informatrice 
et  régulatrice  de  l'opinion  moderne,  est  chargée  de  rendre  et  doit  rendre 
à  Jésus-Eucharistie. 

C'est    dans    ce    sens,  messeigneurs    et   messieurs,    que    nous    croyons 
pouvoir  répéter  en  terminant  avec  toute  la  conviction  de  notre  âme  : 

Loué  soit  à  jamais  par  la  presse  —  et  en  particulier    par   la    presse 
canadienne  —  le  Très  Saint-Sacrement  de  l'autel. 


Vœux  : 

1.  —  Le  Congrès  de  Montréal  émet  le  vœu  que  les  revues  pieuses 
Canada,  aussi  hien  que  celles  du  monde  catholique  tout  entier,  redou- 
blent de  zèle  pour  glorifier  les  œuvres  et  le  culte  eucharistiques. 

2.  —  Le  Congrès  de  Montréal  émet  le  vœu  que  tou^  les  journaux  ca- 
tholiques, sans  sortir  de  leur  sphère,,  se  fassent-  un  devoir,  dans  l'occa- 
sion, sans  respect  humain  et  avec  conviction,  de  louer  le  Sacrement  de 
l'autel,  de  proclamer  ses  grandeurs,  de  célébrer  ses  gloires,  de  magnifi,er 
les  cérémonies  de  son  culte  et  de  donner  des  comptes  rendus  soignés  des 
fêtes  de  l'Eglise  où  il  joue  un  si  grand  rôle. 

* 
*   * 

Ce  rôle  si  important,  et  ce  proj^'amme  eucharistique  de  la 
Presse  dont  a  parlé  M.  l'abbé  Auclair,  M.  Fabbé  Belleney,  re- 
présentant de  M.  Féron  Vrau,  directeur  de  la  Maison  de  la 
Bonne  Presse  de  Paris,  en  montre  l'accomplissement  quasi 
idéal  dans  les  œuvres  de  la  Bonne  Presse,  et  il  se  trouve  ainsi 
à  compléter  et  à  illustrer  en  quelque  sorte  par  des  détails  très 
intéressants  l'étude  précédemment  donnée. 

Il  explique  l'admirable  rouage  de  cette  administration,- 
unique  peut-être  en  son  genre,  qui  a  permis  à  cette  œuvre  si 


—  533  — 

merveilleusement  organisée  de  déverser  dans  le  monde  de  la 
lecture  une  si  prodigieuse  variété  d'écrits,  de  publications, 
d'ouvrages,  de  "  tracts  ",  actuels,  au  point,  et  d'un  bas  marché 
fabuleux. 

En  terminant  il  fait  une  mention  spéciale  de  la  nouvelle  et 
si  belle  revue  que  la.  Maison  de  la  Bonne  Presse  vient  de  con- 
sacrer à  1'  "  Eucharistie  "  et  qui  forme  comme  le  joyau  de  aeu 
publications. 


Après  la  Presse  eucharistique,  c'est  le  tour  de  la  Musique 
religieuse.  Le  R.  P.  Lefebvre,  S.  J.,  dont  la  compétence  musi- 
cale est  bien  connue  au  Canada,  vient  traiter  cette  impor- 
tante question. 

LE  CHANT  SACRE  ET  LA  MUSIQUE  DITE 

'•  MODERNE  '' 


Il  était  évidemment  en  proie  à  un  rude  accès  de  misanthropie,  le  brave 
Fontenelle,  quand  il  laissa  échapper  la  boutade  suivante  : 

"  Si  J'avais  la  main  pleine  de  vérités,  je  me  garderais  bien  de  l'ouvrir.'' 

Gardons-nous  bien,  nous,  d'imiter  cette  malveillante  parcimonie.  Au 
contraire,  ouvrons  large  la  main  et  donnons  plein  essor  aux  véritée 
qu'elle  peut  contenir.  Si  peu  d'entre  elles,  déjà,  peuvent  librement  cir- 
culer par  le  monde  ! 

Le  chant  sacré,  ses  besoins  au  Canada  :  tel  est  le  sujet  qui  m'est  échu. 
La  tâche  assignée  n'est  pas  mince.  Or,  voici  que  par  surcroît  —  je  cons- 
tate ensuite  des  variantes  sur  les  programmes.  Les  uns  ajoutent  "  la 
question  de  la  musique  dite  romaine,  les  autres  portent  "'  de  la  musique 
dite  moderne;  alors  comment  tout  concilier? 

A  l'instar  de  Kamiuagrobis,  de  sournoise  mémoire,  mettons-les  d'ac- 
cord en  croquant  l'un  et  l'autre!  Seulement  pour  cette  exécution,  IG  à 
18  minutes  est  un  temps  fort  limité;  mais  justement  mon  indigence  lit- 
téraire y  trouvera  le  prétexte  longtemps  cherché  de  piquer  au  plus  court, 
de  parler  franc  et  net,  d'éviter  tout  ambage  et  toute  circonlocution. 

Le   •  Motxi  Proprio  " 

jSTuI  d'entre  nous  n'a  oublié,  que  je  saclie,  le  violent  remous  (jui  *:e 
produisit  dans  les  eaux  musicales  au  coup  de  barre  imprévu  que  donna, 
à  peine  installé  à  la  roue  du  Vatican,  le  pilote  énergique  qui  a  nom 
Pie  X.     La  nouvelle  d'une  réforme  de  la  musique  sacrée  fit  spn.sation. 

Pourtant,  je  ne  sais  par  quelle  fatalité,  le  lîèglemont  tant  diftcuté, 
n'eut  jamais  dans  notre  pays,  à  ma  connaissance  au  moins,  les  honneurs 
de  la  publication. 


—  534  — 

La  grande  presse  d'alors,  si  grande  d'ordinaire  d'informations  sensa- 
tionnelles, les  grands  journaux,  soi-disant  catholiques,  qui,  pour  la 
réclame,  les  annonces,  les  tliéâtres,  les  gravures  prétendues  amusantes  et 
les  plus  vulgaires  élucubrations  disposent  de  colonnes  et  de  pages  en- 
tières, les  journaux  ne  surent  pas  trouver  la  moindre  place  pour  repro- 
duire intégralement  ce  magistral  document. 

Le  résultat  inévitable  est  l'ignorance  admirable  de  la  plupart  en  ce 
point,  à  telles  enseignes  que  nombre  de  personnes  sont  convaincues  que 
le  Pape  a  banni  toute  autre  musique  que  le  plain-chant. 

C'est  donc  une  connaissance  plus  exacte  du  lumineux  Eèglement  de 
Pie  X  sur  la  musique  d'église  que  je  désirerais  vous  inculquer 
brièvement. 

Qu'est-ce  qu'a  voulu  l'Eglise,  et  que  veut-elle  encore  par  la  voix  auto- 
risée de  son  Chef  ?  Je  dis  à  dessein  "  vouloir  "  et  non  pas  seulement 
"  désirer,"  ainsi  que  l'ont  insinué  volontiers  certaines  gens  pour  se  dis- 
penser par  là  d'obéir.  (Cette  prétention  que  Pie  X  aurait  écrit  son 
Motu  Proprio  sur  la  musique  uniquement  pour  signifier  à  l'univers  ca- 
tholique un  simple  désir  n'est-elle  pas  une  plaisanterie  déplacée  ?) 

Que  veut  donc  notre  Saint-Père? 

Rien  de  nouveau,  pas  d'innovation,  si  ce  n'est  l'obéissance  —  cette 
obéissance  tant  marchandée  hélas  par  un  grand  nombre,  l'obéisance  à 
des  prescriptions  antérieurement  édictées,  et  généralement  demeurées  à 
l'état  de  lettre  morte.  Encore  un  coup,  Pie  X  n'a  jamais  innové;  il  n'a 
fait  que  prendre  à  son  compte  et  résumer  la  législation  liturgique  déjà 
existante,  et  de  par  son  autorité  pontificale,  il  lui  a  infusé  un  regain  de 
vigueur  et  d'actualité. 

Ce  qu'il  veut  de  cette  volonté  d'apôtre  et  de  Saint  qui  est  son  propre, 
ce  qu'il  n'a  cessé  de  réclamer,  c'est  l'amélioration  véritable,  fond  et 
forme,  de  la  musique  sacrée,  et  cela  par  toute  l'Eglise.  En  d'autres 
termes  c'est  la  tendance  continue  à  toujours  faire  mieux  dans  le  choix, 
et  surtout  dans  l'exécution  de  la  musique  d'église,  soit  vocale,  soit  ins- 
trumentale.    Voilà  tout. 

Un  mot  d'explication  ici. 

Avant  tout.  Pie  X  exige  qu'on  rende  au  chant  ecclésiastique,  dans  les 
cérémonies  du  culte,  la  place  d'honneur  qui  lui  est  due,  et  dont  il  était 
malheureusement  déchu  en  maintes  contrées. 

Grâce  à  Dieu,  nos  églises  canadiennes  avaient  conservé  de  ce  chant, 
sinon  la  vraie  tradition,  (cette  tradition  était  déjà  perdue,  lors  de  l'éta- 
blissement de  la  colonie),  tout  au  moins  le  sens  et  le  goût;  et  elles 
peuvent  se  glorifier  d'avoir  toujours  été  en  règle  en  ce  point. 

—  Est-ce  à  dire  qu'il  n'y  ait  rien  à  reprendre  sur  ce  terrain  ?  Pas 
précisément  ;  car  le  chant  qui  nous  a  été  transmis  est  tronqué,  incomplet 
et  Bans  vie. 

—  Est-ce  à  dire  alors  qu'il  faille  bouleverser  tout  avant  que  d'avoir 
auparavant  rien  édifié? 

Pas  davantage  !  pareil  parti  n'est  guère  prudent. 

Sauf  illusion,  voici  un  programme  pour  être  en  règle  avec  les  devoirs 
de  l'obéissance  et  la  dictée  de  sa  conscience,  les  dispositions  oiî  l'on  se 
doit  établir: 


—  535  — 

1.  Abdiquer  tout  sentiment  d'hostilité,  tout  parti  pris  contre  les  déci- 
sions pontificales  à  ce  sujet. 

2.  Se  déterminer  à  faire  "le  possible  raisonnable  actuel."  Il  u"est 
pas  toujours  le  même  partout  et  pour  tous.  Pour  de  solides  motifs, 
vous  ne  pouvez  tout  de  suite  aborder  le  chant  dit  grégorien  !  préparez- 
lui  la  voie  en  orientant  l'exécution  de  l'ancien  vers  la  méthode  bénédic- 
tine. Est-il  donc  si  difficile  de  faire  lire  distinctement,  rondement 
chanter  et  nuancer  un  peu? 

3.  Introduisez  graduellement  des  pièces  courtes  et  faciles,  motets  et 
psalmodies,  l'Asperges  par  exemple,  puis  quelques  messes  des  plus 
simples. 

4.  Enfin,  il  n'est  pas  urgent,  il  ne  serait  pas  sage  non  plus,  d'attaquer 
avec  un  personnel  peu  compétent  et  non  familiarisé  avec  ce  genre,  des 
pièces  plus  ornées  ;  la  mauvaise  exécution  tournerait  vite  au  désastre,  au 
détriment  de  la  bonne  impression  que  ce  chant  doit  créer. 


Les  voix  d'anges 

Justement  cette  impression  de  piété  et  cette  atmosphère  de  religion 
sera  de  beaucoup  accrue  par  l'emploi,  dans  nos  paroisses,  d'un  élément 
qui  n'est  pas  près  de  faire  défaut  au  pays  :  le  petit  peuple  scolaire.  Nos 
enfants  canadiens  ont  pour  la  musique  de  réelles  aptitudes,  de  la  voix 
et  de  l'oreille  autant  et  parfois  plus  qu'il  n'en  faut. 

En  général,  ils  ne  demandent  qu'à  prêter  leur  gracieux  et  non  moins 
précieux  concours. 

Seulement  il  faudrait  s'en  occuper  de  façon  régulière  et  suivie,  les 
former,  organiser  dans  les  écoles  l'enseignement  du  solfège  et  du  chant  : 
toutes  choses  qui  ne  se  font  pas  d'elles-mêmes,  mais  qui  entraînent  des 
ennuis,  des  tracas,  mais  aussi,  ne  l'oublie-t-on  pas  trop  aisément,  des 
résultats  les  plus  heureux  tant  pour  le  présent  que  pour  l'avenir.  La 
création  d'une  maîtrise  paroissiale  rehausse  singulièrement  la  splendeur 
des  offices  par  le  simple  appoint  de  ces  jeunes  voix  fraîches  et  pures; 
elle  assure  aussi  l'alimentation  du  chœur  des  hommes. 

On  n'y  songe  pas  assez  peut-être,  le  soprano  ou  l'alto  d'aujourd'hui, 
c'est  le  ténor  ou  la  basse  de  demain. 

Le  célèbre  baryton  Jean  Faure  émerveillait  à  huit  ans  les  fidèles  de 
la  Madeleine,  et  soixante  ans  plus  tard,  il  enchantait  ses  a'uditeurs  par  la 
jeunesse  et  l'éclat  d'un  organe  resté  intact. 

Ici,  me  semble-t-il,  plusieurs  de  mes  bienveillants  auditeurs  du  clergé 
qui  ont  charge  de  paroisse,  seraient  tentés  de  me  dire:  "Tout  ce  que 
vous  nous  "  chantez  "  là  est  bel  et  bon  sur  le  papier  et  facile  en  théorie  ; 
mais  dans  la  pratique  c'est  bien  autre  chose.  Où.  donc  trouverons-nous 
cet  oiseau  rare,  le  directeur  qui  saura,  qui  pourra,  qui  voudra  se  plier  à 
tant  d'exigences  —  enseigner  le  chant  ecclésiastique  et  former  une  maî- 
trise"? 


—  53G  — 

Une  autre  question 

Pour  une  fois,  sans  être  le  moins  du  monde  irlandais,  je  me  pré- 
vaudrai du  privilège  de  répondre  à  une  question  par  une  autre  et  je 
répliquerai  :  "'  A  votre  tour  êtes-vous  bien  déterminé  à  vous  assurer  les 
services  d'un  auxiliaire  aussi  précieux,  et  à  rétribuer  dignement  un  tel 
phénomène,  si  vous  le  rencontrez? 

Ecoutez  bien  le  trait  suivant:  Je  sais  un  brave  curé,  le  moins  du 
monde  "  docteur  es  choses  musicales  "  mais  soucieux  de  mettre  en  règle 
les  offices  religieux  de  son  église  qui,  rencontrant  un  musicien  sérieux, 
'■'  lui  tint  à  peu  près  ce  langage  "  :  Mon  cher  monsieur,  je  désire  établir 
le  chant  ecclésiastique  exécuté  par  une  bonne  chorale  d'hommes  et  d'en- 
fants de  ma  paroisse,  pourriez-vous  me  fournir  l'article  et  à  quelles  con- 
ditions "  ?  L'artiste  interpellé,  après  réflexion  répondit  :  "  Moyennant 
telle  rétribution,  je  me  charge  de  tout."  Parfait,  reprit  le  curé,  soyez 
prêt  dans  trois  mois."  Et  ce  délai  fut  par  notre  jeune  musicien  fiévreu- 
sement consacré  à  se  rendre  compétent  sur  toute  la  ligne.  A'euillez  m'en 
croire,  il  le  deviendra  sous  peu,  s'il  ne  l'est  pas  encore:  il  y  est  double- 
ment intéressé. 

Or  donc,  Messieurs  du  clergé,  vous  avez  là  sous  la  main  une  industrie 
d'une  efficacité  merveilleuse  pour  faire  germer  le  dévouement,  stimuler 
l'amour  des  études  musicales  et  faire  s'épanouir  la  plus  belle  floraison 
d'activités. 

C'est  tout  gratuitement,  en  plus,  qu'avec  l'approbation  présumée  des 
maîtres  de  chapelle  et  des  organistes  présents  ou  absents,  je  me  permets 
de  vous  dédier  cette  recette;  et  je  suis  d'autant  plus  qualifié  pour  le 
faire,  que  je  serai  peut-être  le  seul  à  n'en  point  bénéficier:  mes  émolu- 
ments n'étant  guère  susceptibles  de  modification,  soit  en  plus  ou  en 
moins. 

Maintenant  je  me  trouve  en  assez  délicate  posture.  Je  constate  avoir 
osé  mettre  le  pied  sur  un  sol  brûlant,  et  je  me  vois  en  quelque  sorte  forcé 
d'aller  plus  outre  ne  voulant  pas  retraiter  sans  dévoiler  ma  pensée  tout 
entière.     En  voici  donc  l'autre  moitié: 

Lorsque  j'invitais  MM.  les  Curés  ainsi  que  leurs  fabriciens  à  se  mon- 
trer comme  il  convient  'plus  généreux,  (je  dirais  mieux  peut-être  en 
disant  plus  équitables)  envers  les  musiciens  d'église,  directeurs  et  orga- 
nistes, c'est  sous  entente  et  à  condition  que  ces  derniers  soient,  non  pas 

de  vulgaires  entrepreneurs  de    pompes musicales,  ou    encore    des 

impressarios  de  concerts  plus  ou  moins  spirituels  dont  l'église  est  le 
local,  mais  bien  de  véritables  artistes  du  culte  divin  et  les  dignes  inter- 
prètes de  la  prière  officielle  chantée. 

Tel  est  bien,  en  effet,  le  rôle  liturgique  et  quasi  sacerdotal  quand  il 
est  bien  compris,  du  maître  de  chapelle,  du  titulaire  de  l'orgue  et  aussi 
des  chanteurs  d'église.  Ceux-là  seuls,  en  conséquence,  sont  élus  à  béné- 
ficier de  la  suggestion  ci-dessus  émise  qui,  grâce  à  des  études  spéciales, 
par  des  travaux  antérieurs  et  une  préparation  soignée  se  sont  rendus,  ou 
viseraient  à  se  rendre  dignes  de  ces  hautes  fonctions.  Je  n'ai  pas  à 
parler  de  l'état  civil  des  aspirants-titulaires,  espérant  bien  que  de  sitôt 


—  537  — 

l'on  n'aura  pas  ici  un  cas  analogue  à  celui  qu'on  découvrit  il  y  a  quel- 
ques années  près  de  Lyon  en  France.  Un  vénérable  F....  jouait 
alternativement  du  triangle  à  la  loge  et  de  l'orgue  dans  une  église.  L'au- 
dacieux cumulard  fut  instamment  invité  à  nettoyer  "  presto  "  le  pédalier 
de  cette  dernière. 

Deux  mots  encore  et  ce  sera  la  fin. 

Sur  le  point  des  salaires,  comme  en  tous  les  autres,  le  possible  n'est 
pas  le  même  partout;  mais  partout  il  y  a  un  possible  juste  et  raisonnable. 

Trop  parfois  l'on  escompte  l'obligeance  et  la  bonne  volonté  des  gens. 
La  situation  n'est  pas  sans  de  sérieux  inconvénients  dont  le  premier  est 
qu'on  ne  pourra  exiger  aucune  réforme,  aucune  amélioration  sans  risquer 
de  se  heurter  à  cette  observation:  "Vous  en  avez  bien  pour  votre 
argent  !  "  Un  second,  c'est  de  créer  chez  les  paroissiens  et  les  marguil- 
liers  surtout  cette  mentalité  spéciale  à  l'égard  des  musiciens  qu'ils  sont 
toujours  "assez  rétribués,"  et  qu'à  l'instar  des  institutrices,  et  plus 
encore  qu'elles,  ils  se  nourrissent  d'air. 


Autre  préjugé 

Il  n'est  même  pas  si  rare  qu'après  avoir  donné  des  années  durant,  son 
labeur  et  le  fruit  de  ses  études,  si  le  directeur  de  chant  s'avise  de  sug- 
gérer l'achat  de  nouvelle  musique,  on  lui  trouve  toutes  les  allures  d'un 
homme  qui  réclame  le  Pérou  —  très  heureux  qu'on  ne  lui  jette  pas.  avec 
un  haussement  d'épaules,  "  mais  mon  cher,  de  la  musique,  n'en  avez-vous 
pas  plein  les  armoires  "  ? 

Bref,  on  prodigue  en  statues,  en  vitraux,  en  peintures  des  sommes 
considérables,  on  engagera  de  forts  capitaux  dans  des  orgues  monumen- 
tales, dont  les  deux  tiers  ou  les  trois  quarts  sont  à  peu  près  inutilisés, 
et  quand  il  s'agit  de  l'organisation  d'une  maîtrise  et  d'engagements 
d'organiste  et  de  directeurs,  on  se  retranche  à  l'abri  de  mesquine?  objec- 
tions, ou  d'ajournements  indéfinis. 

"Sed  fugit  interea,   fugit  irreparabile   tempus!" 
Le  temps  alloué  me  fuit  et  que  de  choses  à  dire:  et  de  questions  a 

■j-pQ  1  fpT"   • 

—  Enseignement  supérieur  de  musique  sacrée  dans  les  grands  sémi- 
naires et  les  instituts  ecclésiastiques; 

—  Abolition  de  l'ostracisme  injustifiable  et  de  la  suspuion  univer- 
sellement  entretenue  envers  cette  branche  des  études  cléricales; 

—  Création  d'une  école  de  musique  vraiment  liturgique  au  pays,  pour 
faciliter  aux  jeunes  talents  qui  poussent  les  moyens  d'acquérir  sans  trop 
de  frais  une  véritable  compétence,  et  favoriser  par  là  le  recrntemcnt  de 

bons  musiciens  d'église.  ,.        , 

-Fédération  canadienne  de  sociétés  chorales  religieuses  dite,  de 
Sainte-Cécile,  afin  de  promouvoir  le  culte  et  le  goût  de  la  saine  musique 
religieuse.     Mais  je  serais  infini  ! 


—  538  — 

Au  moment  de  clore,  il  me  reste  à  vous  remercier  cordialement  de 
votre  sympathique  attention  et  à  vous  prier  respectueusement  d'adopter 
les  rœux  suivants,  conclusion  naturelle  de  cette  étude  : 


Vœux  : 

Considérant  que  l'étude  du  chant  ecclésiastique,  —  (plain-chant  ou 
chant  grégorien)  —  est  à  la  hase  de  toute  rénovation  sérieuse  de  la  mu- 
sique sacrée  :  il  est  proposé  au  XXIe  Congrès  Eucharistique  Interna- 
tio7ial  : 

1.  Qu'on  améliore,  par  une  préparation  soignée,  l'exécution  du  plain- 
chant  local,  en  s'acheminant  vers  l'interprétation  bénédictine  en  vue  de 
l'Edition  Vaticane. 

2.  Qu'on  prépare  les  maîtrises  paroissiales  en  organisant  au  préalable 
ou  favorisant  l'enseignement  efficace  du  solfège  et  du  chant  dans  les 
écoles. 

3.  Quant  à  la  musique  moderne,  qu'on  élimine  les  œuvres  d'origine  ou 
d'inspiration  profane  qu'on  remplacera  par  des  compositions  plus  dignes, 
dont  il  pourrait  être  fait  un  catalogue. 

4.  Que  Messieurs  les  Curés  exhortent  leurs  fabriciens  à  se  montrer 
généreux  pour  tout  ce  qui  concerne  la  partie  musicale  des  offices  reli- 
gieux. 

5.  Que  les  intéressés.  Messieurs  les  maîtres  de  chapelle,  organistes  et 
chantres  prennent  une  plus  exacte  connaissance  des  obligations  que  leur 
impose  le  Règlement  de  Sa  S.  Pie  X;  et  que  les  curés,  les  recteurs 
d'églises  s'intéressent  à  procurer  à  leurs  maîtrises  la  connaissance  de  ces 
documents  et  veillent  à  leur  observation. 

Toute  l'assemblée  se  rallie  sans  peine  aux  résolutions  si 
pratiques  que  suggère  le  rapporteur. 


—  539  — 

C'est  encore  la  question  du  Chant  religieux  que  va  étudier 
le  troisième  rapporteur,  le  R.  P.  Raymond,  0.  F.  M.,  en  trai- 
tant :  de  la  participation  des  fidèles  au  culte  liturgique  par 
le  moyen  du  chant  populaire. 

liE  CHANT  COLLECTIF 
DANS  LE  CULTE  EUCHARISTIQUE 

Monseigneur, 

Messieurs, 

Attirer  l'attention  du  Congrès  sur  "  Le  Chant  Collectif  dans  le  Culte 
Eucharistique,"  telle  est  la  tâche,  à  moi  assignée,  par  la  bienveillante 
confiance  du  Comité  des  Travaux. 

Disciple  de  François  d'Assise  qui,  ''  Héraut  du  Grand  Eoi,"  comme 
il  se  disait,  ne  voyant  ici-bas  du  Fils  de  Dieu  que  son  Très  Sacré  Corps 
et  son  Très  Saint  Sang,  et,  voulant  par-dessus  tout  honorer  et  louer  les 
Saints  mystères  Eucharistiques,  s'en  allait  chantant  le  Christ,  invitant 
les  hommes  à  louer  leur  Sauveur  comme  les  petits  oiseaux  leur  Créa- 
teur, c'est  sans  aucune  prétention  d'art  ni  d'érudition  que  je  m'en 
acquitterai. 

Aussi  bien,  dès  quïl  s'agit  de  faire  chanter  le  Christ  voilé  sous 
l'Hostie  par  toute  l'assemblée  des  fi.dèles,  en  langue  vulgaire  comme  dans 
celle  de  l'Eglise,  en  plain-chant  comme  en  musique  sacrée,  ce  n'est  pas 
tant  à  une  exécution  artistique  qu'à  un  acte  de  religion  convenablement 
accompli  que  l'on  doit  prétendre. 

La  pratique  du  sujet  va  donc  seule  nous  occuper  ici.  J'espère  vous  la 
montrer  d'abord  : 

Glorificatrice  pour  le  Christ  en  même  temps  que  bienfaisante  aux 
âmes;  réalisable,  puisque  réalisée  déjà  bien  des  fois  en  des  milieux 
divers;  enfin,  relativement  facile  à  obtenir,  si  simples  sont  le?  moyens 
déjà  employés  avec  succès  ! 


Une  église  chantant  le  Christ,  quel  spectacle! Saint  Paul  con- 
vaincu, sans  doute,  de  la  gloire  qui  en  reviendrait  à  Jésus  et  des 
avantages  que  les  fidèles  en  recueilleraient,  voulait  en  assurer  le  bienfait 
aux  as'semblées  chrétiennes.  Dans  trois  de  ses  lettres  nous  retrouvons 
la  même  exhortation.  "  Instruisez-vous  mutuellement,  encouragez-vous 
les  uns  les  autres  en  chantant  des  psaumes,  des  hymnes  et  des  cantiques 
spirituels."  Xe  nous  étonnons  pas  de  cette  direction  de  rApôtro.  T^ 
rôle  de  l'Eglise  Catholique  n'est-il  pas,  pratiquement,  d'attirer  l'huma- 
nité au  Christ  Jésus,  présent  parmi  nous,  habitant  notre  terre,  pour 
qu'elle  reconnaisse  sous  la  mvstérieuse  Hostie.  Celui  qui  est  "  la  row,  la 
vérité  la  vie"  et  subisse  l'inifluence  divinement  salutaire  du  Sauveur  du 
monde.  Or,  le  chant  collectif  eucharistique  comme  nous  l'envisageons 
ici,  dans  les  cantiques,  dans  les  chants  aux  expositions  du  Très  Saint 


—  540  — 

Sacrement,  au  Très  Saint  Sacrifice  de  la  Messe,  n'est  que  la  prière 
chantée  et  par  là  plus  expressive,  plus  fervente  de  centaines,  de  milliers 
de  fidèles,  honorant  le  Fils  de  Dieu  dans  l'Hostie,  lui  offrant  l'hommage 
de  leur  foi  à  ses  paroles  de  vie,  lançant  vers  son  Cœur  Sacré  les  accents 
de  leur  amour  reconnaissant  avec  ceux  de  leur  invincible  confiance  en 
Lui.  Elle^  est  donc  très  compréhensible  l'importance  accordée  à  cette 
pratique  dès  l'origine  des  groupements  chrétiens  pour  le  culte  public. 

Le  chant  collectif,  de  plus,  a  le  privilège  incontestable  de  saisir  tout 
rhomme,  sens,  imagination,  intelligence,  cœur,  volonté,  pour  l'élever 
jusqu'à  Dieu  en  même  temps  que  monte  avec  sa  voix  l'expression  enthou- 
siaste des  sentiments  qui  se  pressent  au  plus  intime  de  son  être  à  l'égard 
du  divin  Sauveur. 

Et  n'est-ce  pas,  de  temps  en  temps,  un  impérieux  besoin  du  cœur  de 
l'homme  de  chanter,  en  certaines  circonstances  surtout,  sa  religion, 
comme  ce  lui  en  est  un  de  chanter  parfois  ses  joies,  ses  triomphes,  ses 
douleurs  ?  Dès  lors,  quand  pourrait-il  plus  opportunément  le  faire  que, 
lorsque  dans  nos  temples  sacrés,  aux  pieds  du  Christ  Eucharistie,  il  se 
voit  entouré  de  fidèles  qui,  comme  lui  viennent  y  rencontrer  Dieu  et  Lui 
dire  leur  amour,  leur  soumission,  leur  repentir,  sollicitant  aussi  lumière, 
force  et  courage  pour  vivre  dignes  de  Lui. 

Incontestablement,  au  sein  de  cette  pieuse  foule  chantante,  on  apprécie 
mieux  le  bonheur  de  la  vraie  foi,  la  condescendance  de  notre  Dieu  et 
"  la  gloire  immense  pour  l'homme  de  suivre  le  Seigneur  "  Jésus,  notre 
unique  Maître,  Lumière  du  monde.  Là,  envahi  par  un  courant  presque 
irrésistible  de  foi  et  de  piété,  on  croit  plus  fermement,  on  adore  plus 
religieusement,  on  aime  avec  plus  d'ardeur  et  plus  de  tendresse,  on 
espère  avec  plus  de  confiance  encore  en  la  miséricorde  du  Dieu  qui 
mourût  pour  nous  sauver  et,  dans  un  excès  d'amour,  résolût  de  se  faire 
la  nourriture  divine  de  nos  âmes  régénérées. 

Le  Christ  Eucharistie,  immortel  et  invisible  Eoi  des  siècles  et  de 
tous  les  peuples,  n'a-t-il  pas  droit  d'ailleurs  à  un  culte  social? 

Mais  ce  culte  social  se  peut-il  concevoir  parfait  sans  la  pratique  du 
Chant  Collectif  Eucharistique  que  j'appellerais  volontiers  la  voix  majes- 
tueuse des  sociétés  reconnaissant  que  comme  l'individu  elles  relèvent  de 
Lui,  ont  besoin  de  Lui,  trouvent  tout  en  Lui  ? 

Et  n'est-ce  pas  encore  la  gloire  du  Christ  avec  le  bien  des  âmes  qu'elle 
assure  l'Eglise,  quand,  réunissant  ses  enfants  pour  l'auguste  et  mystique 
Sacrifice,  centre  de  toute  la  religion  catholique,  elle  leur  demande  de 
joindre,  par  le  chant  liturgique,  leur  prière  à  celle  du  prêtre  qui  là  prête 
son  ministère  au  Christ  Jésus  Lui-même,  Prêtre  à  la  fois  et  Victime 
adorable,  suprême  glorificateur  de  la  Divinité  ?  Là,  en  effet,  Jésus 
Eucharistie  ne  devient-il  pas  comme  l'âme  de  l'assemblée  chrétienne? 

JST'est-ce  pas  avec  Lui,  en  Lui  et  par  Lui,  Médiateur  nécessaire  entre 
Dieu  et  nous,  qu'au  "  Kyrie  "  nous  supplions  la  Trinité  adorable  d'avoir 
pitié  de  nous  ;  qu'au  "  Gloria  "  nous  chantons  ses  louanges  et  Le  prions 
de  recevoir  notre  humble  et  confiante  prière  ;  qu'au  "  Credo  "  nous  pro- 
testons de  notre  attachement  à  cette  sublime  et  rassurante  foi  que  Dieu 
le  Fils  est  venu  prêcher   à  la  terre;  puis,  quand   II   est   là,  sur   l'autel, 


—  541  — 

Jésus-Hostie,  Victime  et  Pontife  de  la  création,  alors  que  nous  faisons 
notre  tnsagion  céleste  "  Saint,  Saint,  Saint  est  le  Seigneur  le  Dieu  des 
armées,"  n'est-ce  pas  encore  par  Lui,  dont  nous  bénissons  le  venue,  que 
nous  exaltons  la  Sainteté  de  Dieu,  avant  d'implorer  sur  nous-mêmes  la 
miséricorde  du  divin  Agneau  qui  dût  mourir  pour  nous  enlever  nos 
péchés  ? 

Qui  ne  comprendrait  ici  tout  ce  qu'il  y  a  de  sagesse  dans  les  directions 
imposées,  pour  la  restauration  du  chant  par  le  peuple  au  cours  des 
offices  de  l'Eglise,  par  le  Pontife  filialement  vénéré  dont  la  devise  est  de 
"  Tout  restaurer  dans  le  Christ." 

Ajoutons  encore  que,  des  profondeurs  mystérieuses  de  l'Hostie,  le 
Christ  Jésus,  en  contemplant  les  cœurs  qui  Le  chantent  trouve  une 
gloire  spéciale  en  leurs  dispositions  à  son  égard  —  dispositions  variées 
comme  les  voix  elles-mêmes.  Car  si  le  texte  chanté  est  le  même,  unique 
la  mélodie  qui  le  porte,  dans  ce  chant  simple  et  uniforme,  chaque  cœur 
lui,  met  une  nuance  glorieuse  pour  Celui  qui  depuis  près  de  vingt  siècles, 
disparu  pour  nos  regards  mortels,  se  fait  adorer,  aimer,  imiter  et  prier 
dans  la  Sainte  Eucharistie. 

C'est  que,  en  Jésus-Hostie,  l'enfant  chante  le  Frère  divin  qui  lui  est 
né  de  la  Vierge  Marie.  Pour  la  jeune  fille  chrétienne  en  chantant 
Jésus,  c'est  l'objet  de  ses  plus  chères  délices  qu'elle  chante  et  lo  Divin 
Gardien  de  la  chaste  beauté  de  son  âme  virginale  ;  pour  le  jeune  homme 
chanter  Jésus-Hostie,  c'est  célébrer  la  véritable  force  de  son  cœur  inno- 
cent. Epoux  et  épouses  chantent  en  Lui  le  Dieu  qui  a  béni  leur  union 
et  répand  sur  leur  foyer  fidèle  ses  bienfaits  :  l'union,  la  paix  et  le  surcroît' 
promis  à  ceux  qui  cherchent  avant  tout  le  règne  de  Dieu.  —  Les  parents 
chantent  en  Jésus-Hostie  Celui  qui,  plus  qu'eux,  aime  les  enfants  que  la 
Providence  leur  a  donnés  à  conduire  au  ciel.  —  Le  riche  chante  en 
Jésus-Hostie  le  Maître  adoré  qui  est  venu  lui  apprendre  à  se  servir  de  ses 
biens.  —  Le  pauvre,  l'ouvrier  chante  en  Jésus-Hostie  le  Divin  Ami  qui 
l'aide  à  supporter  la  pauvreté  et  les  écrasantes  fatigues  du  labeur  jour- 
nalier. —  Pour  le  vieillard,  chanter  Jésus-Hostie,  c'est  le  plus  souvent 
chanter  Celui  dont  il  a  maintes  fois  éprouvé  les  miséricordes  au  cours 
de  sa  longue  vie  et  en  qui  il  espère  trouver  encore  un  sauveur  plutôt 
qu'un  juge,  en  quittant  la  terre. 

Quel  concert  à  la  louange  du  Christ  que  celui  de  ces  cœurs  qui  le 
chantent  ensemble  ! 

Messieurs,  nous  n'en  pouvons  douter,  la  ^'pratique  du  Chant  Collectif 
Eucharistique"  est  aussi  glorieuse  pour  notre  Jésus  que  fructueuse  pour 
les  âmes. 

II 

Toutefois,  est-il  possible  d'introduire  l'usage  de  ce  Chant  Collectif 
dans  nos  cérémonies  eucharistiques:  Quarante-Heures,  Fête-Dieu,  pro- 
cessions et  Saluts  du  Très  Saint-Sacrement,  Première  Communion  des 
enfants,  Communions  générales  des  différentes  catégories  des  fidèles  et 
surtout  à  la  Messe  chantée? 


—  543  — 

Les  faits,  Messieurs,  nous  autorisent  à  conclure  affirmativement. 

Dans  plusieurs  paroisses  de  France  et  de  Belgique,  l'effort  a  été  tenté 
et  couronné  de  succès. 

N'est-ce  pas  d'ailleurs,  pour  les  Missionnaires,  un  des  plus  efficaces 
moyens  d'action  sur  les  âmes,  que  de  faire  chanter  tout  le  peuple  à 
l'église  ? 

Vous  permettez  bien  à  l'un  d'entre  eux  de  faire  ici  appel  à  son  expé- 
rience personnelle,  d'autant  plus,  que,  comme  le  dit  le  Spéculum  Per- 
fectionis  (chap.  VI),  nous,  les  Mineurs,  nous  ne  sommes  guère  "  que  les 
chanteurs  et  les  jongleurs  de  Dieu  qui  devons  remuer  les  cœurs  des 
hommes  et  les  soulever  jusqu'à  l'allégresse  spirituelle." 

J'ai  vu  la  Pratique  du  Chant  Collectif  Eucharistique  réalisée  dans  les 
milieux  les  plus  divers. 

Un  jour,  c'était  tout  un  collège  de  jeunes  gens,  dans  un  pèlerinage  en 
l'honneur  du  Cœur  de  Jésus,  qui,  au  pied  de  l'autel  du  Christ  Eucha- 
ristie, chantait  avec  enthousiasme  : 

Tout  fut  créé  pour  former  ton  domaine 
0  Christ  Jésus,  notre  Eoi  Souverain. 
Que  notre  amour,  triomphant  de  la  haine. 
Etende  au  loin  ton  empire  divin. 
Au  doux  transport  qui  nous  entraîne 
Unissez  vos  Chœurs,  Séraphins; 
Chantez  Jésus,  votre  Eoi  Souverain. 

Plusieurs  fois  à  l'occasion  d'une  première  communion,  ou  de  retraites  ; 
je  les  entendis  les  petits  enfants,  souvent  par  centaines  dans  nos  popu- 
leuses paroisses,  chantant  de  tout  leur  cœur  et  de  toute  leur  voix  devant 
le  tabernacle  où  on  leur  avait  rappelé  la  présence  du  Dieu  Eucharistie, 
ces  cantiques  "  Jésus  est  l'ami  des  enfants,"  etc.  Amour,  amour  au 
Cœur  de  Jésus . . .  Loué  soit  à  tout  instant  Jésus  au  Saint  Sa<;rement. 

Et  quel  spectacle,  que  celui  de  ces  enfants  chantant  Jésus  qui  les  aime 
tant  ! 

Une  nuit  —  celle  du  31  décembre  1899  -  1er  janvier  1900  —  dans 
une  de  nos  campagnes,  toute  la  paroisse  était  à  l'église  pour  commencer 
avec  Jésus-Hostie  l'année  nouvelle  dans  l'adoration,  l'assistance  au  Très 
Saint  Sacrifice  de  la  Messe  et  la  réception  de  la  Sainte  Eucharistie. 
L'idée  me  vint  de  faire  chanter  le  cantique  : 

ISTous  venons  à  Toi,  Jésus  notre  Eoi 
Dans  un  saint  transport  d'amour  et  de  foi  ; 
Nous  venons  jurer  de  garder  ta  loi 
De  combattre  et  de  mourir  pour  Toi. 

En  quelques  minutes,  tous,  hommes,  femmes,  jeunes  gens,  jeunes 
filles,  enfants  et  vieillards,  chantaient  avec  un  religieux  entrain  leur  foi 
pratique  au  Dieu  de  l'Eucharistie.  ,  .  <  ■    • 

C'était  encore  à  une  Messe  de  Communion  générale  d'hommes.     Us 


—  543  — 

remplissaient  l'église.  Comme  ils  avaient  chanté  chaque  soir  de  la  re- 
traite leur  foi,  leur  repentir,  leurs  espérances  aux  miséricordes  de  Jésus, 
c'est  le  simple  cantique  "  Le  voici  l'Agneau  si  doux  "  qu'ils  chantaient 
avec  âme  pour  se  préparer  à  recevoir  Jésus  dans  la  sainte  Communion. 
Aussitôt  après  la  Consécration,  lun  d'eux  entonna  \'0  ^alutaris  llostia 
que  tous  poursuivirent.  Avant  de  se  séparer,  c'est  par  le  cantique  de 
Vierge,  le  Magnificat  puissamment  chanté  qu'ils  exprimèrent  leur 
joyeuse  reconnaissance  au  Dieu  qui  s'était  livré  à  leur  cœur. 

A  leur  tour,  les  jeunes  gens  de  la  paroisses  firent  leur  fête  à  Jésus- 
Hostie  pour  terminer  leur  retraite.  Ils  étaient  près  d'un  millier.  Comme 
il  était  beau  de  les  entendre,  entre  autres  chants,  enlever  le  cantique: 
Amour,  honneur  et  gloire  à  Jésus-Christ.  Le  soir  ils  ne  se  lassaient 
pas  de  chanter^  Nows  venons  à  Toi  Jésus  notre  Roi. 

Récemment  au  cours  d'un  pieux  Triduum,  toute  l'assistance  fût  in- 
vitée à  chanter.  Un  des  prêtres  de  la  paroisse  me  dit  —  faisant  allusion 
au  Salut  de  la  veille  :  "  quel  office  que  celui  d'hier  soir.  Il  n'v  a  rien 
de  religieux  comme  cela  :  "  tous  les  fidèes  avaient  pris  part  au  chant. 

Une  année,  à  l'occasion  de  la  Fête-Dieu,  une  assistance  nombreuse 
était  venue  un  peu  de  partout,  pour  la  procession  du  Très  Saint-Sacre- 
ment. Que  faire  chanter?  Un  de  nos  Pères  expliqua  en  chaire  le 
sens  de  VAve  Jesu  pastor  fidelium;  le  fit  répéter  en  le  chantant  lui-même 
et  pendant  toute  la  procession  la  foule  recueillie,  suavement  émue  lit 
cortège  au  Eoi  de  l'Hostie,  chantant  après  chaque  strophe  de  VAdoro  Te: 
Salut  à  Toi,  ô  Christ  Jésus,  vrai  Pasteur  de  tes  fidèles,  augmente  donc 
notre  foi  à  nous  qui  cro3'ons  en  Toi. 

Au  reposoir,  à  l'église  ensuite  après  le  retour  de  la  Procession  :  tout 
le  monde  chantait  les  motets  en  usage  pour  les  Saints. 

Dans  nos  réunions  de  Frères  Tertiaires  Franciscains,  eux-mêmes  ont 
à  cœur  de  glorifier  le  Dieu  de  l'Hostie  qui  les  bénit  à  chaque  réunion  et 
toute  la  Fraternité  chante  ensemble. 

C'est  aussi  l'un  des  attraits  de  nos  différentes  fêtes,  si  chères  à  la  piété 
populaire,  —  Portioncule  —  Fête  de  Saint  François  —  pèlerinages  an- 
nuels où  le  Dieu  de  l'Hostie  est  toujours  glorifié  par  la  voix  de  la  mul- 
titude. 

Au  Très  Saint  Sacrifice  de  la  Messe,  j'eus  l'occasion,  une  fois,  d'in- 
viter l'assemblée  des  fidèles  à  ne  pas  laisser  le  chœur  répondre  seul  au 
chant  du  prêtre,  et  de  suite  la  foule  se  mit  à  répondre  aux  Dominus  vo- 
biscum,  aux  Oraisons,  au  Dialogue  de  la  Préface.  Jamais  il  ne  m\i 
été  donné  d'initier  le  peuple  au  chant  du  Kyrie,  du  Gloria  et  autres 
parties  chantées  de  la  Messe,  il  est  vrai.  Mais  je  ne  doute  nullement 
que  lui  qui  chante  le  Cor  Jesu  Sacratissimum,  etc.,  puisse  chanter  un 
Kyrie  et  le  Gloria,  comme  les  confrères  de  l'Adoration  Xocturno  clian- 
tent  le  Pater  Noster;  le  Credo,  comme  la  plupart  des  fidèles  chantent 
VAve  Maiis  Stella  et  le  Magnificat;  le  Sanctus  et  VAgnus  Dei,  comme 
le  plus  grand  nombre  chante  le  Laudate  et  le  Parce  Domine. 

C'est  affaire  d'initiation.  D'ailleurs,  un  vénéré  correspondant  do  ce 
Congrès,  prêtre  du  diocèse  de  Xancv,  dans  une  note  écrite,  nous  laisse 
savoir  que  dans  sa  paroisse  natale  le  peuple  chantait  non  seulement 


—  544  — 

Kyrie,  Gloria,  Credo,  Sanctus  et  Agnus,  mais  encore  les  hymnes  litur- 
giques aux  processions  de  la  Fête-Dieu,  les  Vêpres  du  Dimanche  et 
même  l'Office  des  Morts  et  les  Matines  de  Noël. 

Or,  cette  paroisse  n'est  pas  la  seule  où  le  Chant  Collectif  ait  été  intro- 
duit avec  consolant  résultat. 

La  Pratique  du  Chant  Collectif  est  donc  réalisable  puisque  déjà 
réalisée. 

m 

Comment  s'y  prendre  pour  en  introduire  l'usage? 

Peut-être  pourrait-on  formuler  ainsi  trois  principes  : 

1°  Commencer  par  faire  apprécier  des  fidèles  le  Chant  collectif  en 
leur  faisant  remarquer  la  gloire  qu'il  rend  au  Christ  Jésus,  les  avan- 
tages qu'il  assure  à  leur  foi  comme  à  leur  piété,  la  beauté  des  offices 
religieux  où  il  est  en  pratique. 

2°  Ne  jamais  entreprendre  de  faire  chanter  un  nouveau  morceau  par 
le  peuple  sans  avoir  auparavant  attiré  son  attention  sur  les  sentiments 
exprimés  et  leur  opportunité  pour  l'office  au  cours  duquel  on  le  doit 
chanter.  De  cette  manière  on  satisfait  l'intelligence  et  le  cœur  des 
fidèles  qui  ne  chanteraient  jamais  avec  piété  ce  dont  ils  ne  remarque- 
raient pas  le  sens. 

3°  Commencer  par  le  chant  des  cantiques  en  langue  vulgaire  —  au- 
quel on  ajoutera  bientôt  celui  des  motets  latins  et,  finalement  —  quand 
le  peuple  se  sera  affectionné  à  la  Pratique  du  Chant  collectif  —  ce  qui 
ne  tardera  pas  —  on  entreprendra  le  chant  de  VOrdinaire  de  la  Messe. 

Ces  principes  étant  admis,  voici  comment  on  peut  procéder  avec 
confiance. 

S'agit-îl  du  chant  des  cantiques  en  langue  vulgaire? 

En  choisir  au  refrain  court  et  à  l'air  connu.  Quand  l'assemblée  en 
aura  chanté  de  ceux-là,  elle  aimera  à  en  apprendre  d'autres.  On  lui  en 
enseignera  de  la  manière  suivante:  On  fait  répéter  à  haute  voix  avec 
attention  au  sens,  les  paroles  du  refrain  deux  ou  trois  fois.  Puis  deux 
ou  trois  fois  on  le  chante  soi-même  en  recommandant  à  chacun  de  suivre 
l'air  avec  les  paroles  déjà  sues.  Enfin,  on  invite  à  chanter.  Quand 
l'air  est  plus  difficile  ou  que  les  vers  sont  trop  longs,  on  divise  le  refrain 
en  deux  parties  que  l'on  chante  et  fait  chanter  séparément  d'abord,  puis 
le  tout  d'un  seul  trait.  En  cinq  minutes  environ  l'assemblée  parvient  à 
chanter  ainsi  n'importe  quel  cantique. 

S'agit-il  de  motets  latins  ? 

Si  les  fidèles  ont  à  la  main  —  pratique  en  usage  dans  certaines  de  nos 
Fraternités  du  Tiers-Ordre  —  le  livre  où  se  trouve  le  motet  à  chanter, 
faire  lire,  si  non,  faire  répéter  à  haute  voix,  les  paroles  que  l'on  dit  soi- 
même.  En  faire  remarquer  le  sens,  puis  en  faire  apprendre  l'air  comme 
on  l'a  fait  pour  les  cantiques.  Ce  petit  exercice  se  fait  quelques  minutes 
avant  l'office  :  après,  on  garderait  difficilement  son  monde.  On  se  con- 
tente d'un  seul  morceau  nouveau  à  la  fois.  Il  est  pratique  de  com- 
mencer par  faire  chanter  aux  Bénédictions  du  Très  Saint-Sacrement, 


—  545  — 

en  prenant  les    morceaux  les    plus    fréquemment    chantés    et    partout 
connus.     On  fait  chanter  le  même  Salut  un  certain  temps. 

S'agit-il  du  Très  Saint  Sacrifice  de  la  Messe? 

Quand  les  fidèles  sont  déjà  habitués  à  chanter  les  cantiques,  les  motets 
du  Très  Saint-Sacrement,  on  en  obtiendra  assez  facilement  qu'ils  chan- 
tent à  la  Messe  ce  qu'ils  entendent  depuis  leur  enfance,  et  dont  ils  savent 
et  les  paroles  et  Tair.  On  peut  donc  leur  demander  de  chanter  VAs- 
perges,  les  Amen,  les  Et  cum  Spiritu  tuo,  les  réponses  du  Dialogue  de 
la  Préface  et  Vite  Missa  est.  Sans  toutefois  oublier  de  leur  faire  re- 
marquer le  sens  de  ces  chants  et  comment  ils  les  font  participer  davan- 
tage à  la  célébration  des  Saints  Mystères. 

Pendant  quelques  dimanches,  on  ne  leur  demandera  que  cela.  Mais 
on  donne  en  même  temps  ordre  à  la  Maîtrise  de  chanter  toujours  telle 
Messe  que  l'on  aura  choisie.  Une  des  plus  faciles  d'abord.  Celle  des 
Anges,  par  exemple.  Au  prône  on  en  fait  remarquer  la  beauté  et  on 
encourage  les  fidèles  à  en  graver  l'air  dans  leur  mémoire.  Après  quel- 
ques semaines  on  prie  les  assistants  de  s'associer  au  chant  du  Kyrie.  Le 
dimanche  suivant  on  entreprendra  le  chant  du  Gloria  et  ainsi  des  autres 
parties  de  la  Messe,  Credo,  Sanctus,  Agnus,  en  ayant  soin  toujours  de 
méditer  au  prône  avec  les  fidèles,  la  partie  du  chant  qu'on  les  invite  à 
chanter. 

Quand  une  première  Messe  aura  été  apprise  ainsi  :  les  autres  s'ap- 
prendront facilement. 

Mais,  direz-vous,  comment  assurer  le  mouvement  convenable  à  ce 
chant  de  la  Messe  par  toute  l'assistance? 

On  trouvera  dans  ce  but,  des  auxiliaires  précieux  dans  les  enfants  des 
écoles,  des  collèges,  dans  les  membres  des  congrégations  paroissiales.  On 
les  initiera  en  particulier  à  l'exécution  des  morceaux  à  chanter  à  l'église 
et  ils  entraîneront  la  masse  des  fidèles  ensuite. 

Je  me  souviens  d'avoir  assisté  à  une  grand'messe  dans  une  paroisse 
où  près  de  200  enfants,  formés  au  chant  par  les  Frères  des  Ecoles  Chré- 
tiennes alternaient  au  chœur  avec  la  Maîtrise  qui  se  tenait  à  la  tribune 
de  l'orgue.  Je  suis  resté  persuadé  qu'il  n'y  aurait  eu  qu'un  mot  a  dire 
pour  que  toute  l'assistance  chantât  avec  eux. 

Dans  certains  endroits,  pour  entraîner  le  chant  de  la  nef,  on  a  place 
ici  et  là  dans  l'église  de  bonnes  voix,  capables  d'entraîner  les  autres. 
C'est  un  moyen  efficace.  ^  . 

On  pourrait  ici  se  demander  s'il  n'est  pas  nécessaire  qu  il  y  ait  un 
modérateur  de  chant  pour  présider  habituellement  le  chant  collectif  de 

Je  ne  le  'crois  pas  indispensable  dès  qu'il  s'agit  d'exécuter  des  chants 
que  les  fidèles  savent.  Dans  nos  assemblées  de  Frères  Tertiaires,  des 
congrégations  de  la  Sainte  Vierge,  de  la  ligue  du  Sacre-C  œur,  la  nef 
chante  sans  modérateur  spécial.  L'orgue  et  la  maîtrise  donnent  et  main- 
tiennent le  ton  et  le  mouvement.  Il  suffit  d  habituer  la  masse  a  se 
guider  sur  eux. 

Une  dernière  remarque.     Il  faut  que  l'organiste  joue  de  telle  sorte 
qu'il  entraîne  et  soutienne  le  chant  mais  ne  l'étouffé  pas. 
18 


—  546  — 

Quand  l'orgue  joue  fort,  ceux  qui  chantent  ne  s'entendent  pas  et  sont 
très  portos  à  se  contenter  d'écouter.  Mais  c'est  surtout  pour  l'étude  des 
morceaux  que  cette  réflexion  me  paraît  importante. 

Messieurs,  j'ai  fini. 

En  terminant  :  Pour  la  gloire  du  Christ-Jésus  vivant  en  l'Hostie,  et 
pour  contribuer  au  plein  épanouissement  de  sa  Vie  dans  les  âmes  qu'il  a 
rachetées;  permettez-moi  de  proposer  à  l'approbation  du  Congrès  les 
Vœux  suivants: 

1°.  —  Que  la  pratique  du  Chant  Collectif  Eucharistique  soit  tentée 
au  plus  tôt  avec  zèle,  constance  et  confiance  dans  les  offices  paroissiaux, 
dans  les  réunions  des  confréries  et  congrégations,  ainsi  que  dans  les 
écoles  et  maisons  d' éducation. 

2°.  —  Pour  que  les  fidèles,  dans  les  cérémonies  eucharistiques,  puis- 
sent aisément,  d'un  même  cœur  et  d'une  même  âme,  chanter  leur  foi  au 
Mystère  d'amour,  les  bienfaits  séculaires  de  Jésus-Hostie  au  monde,  et 
nos  devoirs  personnels,  familiaux  envers  Lui;  qu'il  soit  formé  un  recueil 
de  cantiques  eucharistiques  populaires,  choisis  parmi  ceux  dont  la  doc- 
trine est  à  la  fois  solide  et  clairement  exprimée  et  la  piété  surnaturel- 
lement  affective. 

3°  :  —  Que  soit  pris  en  considération  le  projet  de  publication  —  en 
édition  de  propagande  et  de  format  usuel  —  d'un  petit  recueil  de  chants 
liturgiques  en  Grégorien.  U  serait  composé  de  trois  Messes,  trois  séries 
de  Motets,  formant  chacune  un  Salut  complet  dont  le  cliuix  serait  fait 
par  Nos  Seigneurs  les  évêques.  On  pourrait  ajouter  encore  Hymnes, 
Proses,  Antiennes  en  usage  en  l'honneur  du  Très  Saint-Sacrement. 

Répandu  à  profusion  parmi  les  fidèles,  ce  recueil  aiderait  beaucoup  à 
la  réalisation  du  désir  exprimé  par  notre  hien-aimé  Pontife  et  Père,  le 
Pape  Pie  X,  de  voir  le  peuple,  selon  l'ancienne  coutume,  prendre  une 
part  plus  active  à  la  glorification  de  Dieu  dans  les  offices  de  l'Eglise 
dont  le  Christ  est  à  la  fois  le  Roi,  le  Pontife  et  l'Hostie. 


Après  la  musique  et  le  chant  sacré,  voici  une  autre  branche 
des  Arts  eiocharistiques,  que  vient  étudier,  dans  cette  séance, 
le  R.  P.  Daly,  de  la  Congrégation  du  T.  S.  Rédempteur. 

L'ARCHITECTURE    RELIGIEUSE 


L'architecture  religieuse  a,  de  tout  temps,  exercé  une  influence  prépon- 
dérante sur  l'Art.  Son  histoire  se  confond  pour  ainsi  dire  avec  celle 
des  Beaux- Arts.  Les  ruines  du  Parthénon,  le  Panthéon  d' Agrippa,  les 
cathédrales  de  Paris,  de  Chartres,  de  Reims,  de  Cologne,  la  Basilique  de 
Saint-Pierre  à  Rome,  resteront  à  jamais  aux  tournants  de  l'histoire, 
comme  les  triomphes  de  cet  art  qu'un  poète  a  si  bien  nommé,  le  roi  des 


—  547  — 

Beaux-Arts.  La  religion  d'ailleurs  fournit  aux  artistes  de  tous  les  siècles, 
l'idéal  le  plus  élevé  et  se  plaît,  l'œuvre  accompli,  à  jeter  sur  leurs  tra- 
vaux un  reflet  de  sa  propre  immortalité. 

Mais,  s'il  y  a  un  temple  où  le  Beau  doit  rayonner  dans  l'harmonie  des 
lignes  et  les  splendeurs  du  décor,  c'est  bien  le  temple  catholique  destiné 
à  abriter  Dieu  lui-même  caché  sous  les  voiles  mystérieux  de  l'Eucha- 
ristie. Dans  un  pays  catholique,  les  églises  ne  sont  autre  chose  que 
l'acte  de  foi,  permanent,  visible,  social  du  peuple  à  l'adorable  présence 
de  Jésus-Christ  dans  le  Sacrement  de  son  amour.  Je  vous  le  demande. 
Messeigneurs  et  Messieurs,  qui  a  bâti  ces  nombreuses  églises  et  chapelles 
qui  constellent  notre  vaste  territoire  et  chantent  notre  foi  dans  la  Sainte 
Eucharistie  de  l'Atlantique  au  Pacifique,  des  bords  de  nos  grands  lacs, 
aux  glaces  du  Nord?  Est-ce  la  munificence  des  millionnaires,  l'argent 
de  l'Etat?  Xon,  c'est  l'argent  du  peuple;  et,  l'argent  du  peuple,  c'est 
la  sueur  de  son  front,  le  travail  de  ses  bras,  le  sang  de  ses  veines,  l'éclat 
de  son  esprit,  une  partie  de  sa  vie.  Ici  comme  en  Europe,  le  peuple 
s'est  fait  "  le  logeur  du  Bon  Dieu  "  parce  qu'il  croit  en  la  présence  réelle 
de  Jésus-Christ  dans  la  Sainte  Eucharistie.  La  ville  de  Marie  surtout. 
est  la  ville  de  Jésus-Hostie.  Oui,  la  foi  des  de  Maisonneuve,  des  Dol- 
lard,  des  Bourgeoys,  de  tous  les  héros  et  héroïnes  de  la  première  heure, 
vous  la  trouvez  comme  cristallisée  dans  ses  nombreux  temples  catho- 
liques qui  ont  valu  à  notre  Métropole,  le  beau  nom  de  la  "  Ville  aux 
Eglises." 

Si  la  foi  dans  l'Eucharistie  est  la  raison  d'être  de  nos  églises,  ce  sa- 
crement de  nos  autels  est  lui-même  le  motif  inspirateur  de  leur  beauté. 
L'abri  que  nous  donnons  à  Dieu  sur  la  terre,  nous  le  voulons  beau, 
grand,  magnifique,  afin  que,  comme  dit  le  Père  Sertillange,  0 .  P.,  "  Ia^ 
toit  révèle  son  hôte."  Aussi  l'Eucharistie  a  fait  du  temple  catholique  la 
synthèse  artistique  par  excellence,  l'expression  la  plus  complète  et  le 
triomphe  le  plus  éclatant  de  l'Art.  Les  âges  de  foi  ont  été  les  âges  des 
triomphes  de  l'Architecture  Chrétienne. 

Il  fallait  d'ailleurs  les  voûtes  élancées,  les  grandes  nefs  des  cathédrales 
gothiques  pour  entonner  et  chanter  avec  ampleur  le  "  Lauda  Sion  "  et 
le  "  Sacris  Solemniis  "  du  chantre  de  l'Eucharistie. 

Au  Canada,  peut-être  plus  qu'ailleurs,  le  peuple  aime  son  église,  et 
pour  la  voir  spacieuse,  belle,  il  s'impose  de  nombreux  sacrifices.  Jusque 
dans  les  campagnes  les  plus  reculées,  on  voit  des  églises  dont  la  masse 
imposante  frappe  le  regard  du  voyageur  et  le  jette  dans  rétonncniont. 
Nous  n'avons  pas,  il  est  vrai,  comme  en  Europe,  le  bénéfice  «lu  pas^ié. 
Nous  ne  voyons  pas  se  dresser  au  sein  de  nos  villes  ces  vieilles  cathé- 
drales que  les  siècles  eux-mêmes  ont  respectées,  et  dont  la  présence  seule 
serait  un  reproche  à  ce  que  j'appellerais  volontiers  le  "  mo.lernisme  "  en 
architecture  religieuse  et  une  invitation  à  nous  inspirer  thivantage  des 
vraies  traditions  de  l'art  sacré.  Ce  manque  de  monuments  et  de  tradi- 
tions artistiques,  qui,  naturellement  s'y  rattachent,  la  jeunesse  de  notre 
pays,  les  exigences  de  la  première  heure,  les  rigueurs  de  notre  climat  ne 
nous  ont  point  permis  d'exploiter  comme  nous  aurions  peut-être  voulu, 
le  vaste  domaine  de  l'Architecture  religieuse  et  de  profiter  de  ses  nom- 


—  548  — 

breuses  richesses.  Aussi  nous  sommes  heureux  de  saisir  l'occasion  de  ce 
Congrès  Eucharistique  sur  le  sol  d'Amérique,  pour  travailler  ensemble 
à  une  œuvre  essentiellement  eucharistique,  pour  profiter  des  lumières  et 
de  l'expérience  de  nos  cousins  d'outre-mer  et  devenir  ainsi  comme  au 
Moyen- Age,  ''  de  dignes  logeurs  du  Bon  Dieu." 

Exposer  les  principes  généraux  de  l'Architecture  Chrétienne,  suggérer 
quelques  moyens  d'action  pour  faire  des  églises  belles  et  pratiques,  en  un 
mot,  unir  la  théorie  à  la  pratique,  voilà  donc  l'heureux  sort  qui  m'est 
échu.  Je  dis  heureux,  car  j'apporte  mon  humble  concours  à  la  glori- 
fication de  la  Sainte  Eucharistie  et  j'espère  que  la  grandeur  du  sujet 
fera  oublier  la  faiblesse  du  rapporteur. 


* 


Saint  Thomas  d'Aquin  a  donné  à  l'art  une  borne  sure,  un  champ  im- 
mense d'action,  lorsqu'il  dit  qu'un  objet  est  d'autant  plus  beau  que  sa 
forme  en  manifeste  mieux  et  plus  parfaitement  la  nature,  la  destination 
et  les  qualités  prépondérantes.  L'idée  en  effet  préside  à  toute  concep- 
tion architecturale  :  plus  cette  idée  maîtresse  domine  dans  l'ensemble  des 
lignes  et  se  retrouve  dans  les  détails  d'un  édifice,  plus  cet  édifice  est 
beau,  plus  il  parle  à  notre  intelligence,  plus  il  captive  notre  admiration. 
Ainsi,  un  hôtel  de  ville,  digne  de  ce  nom,  redit  à  l'étranger  l'opulence  et 
le  civisme  de  l'endroit;  le  palais  de  justice  inspire  le  respect  de  la  loi  ;  les 
édifices  imposants  des  banques  et  des  bureaux  d'affaires  parlent  de  la 
richesse  et  de  l'activité  du  commerce. 

Une  église,  pour  être  vraiment  belle  doit,  elle  aussi,  exprimer  dans 
son  ensemble  architectonique  l'idée  d'un  temple,  c'est-à-dire  la  demeure 
de  la  majesté  divine,  du  sanctuaire  de  la  prière.  Grandeur  et  immen- 
sité de  Dieu,  amour  et  condescendance  de  notre  Divin  Rédempteur,  con- 
fiance et  prière  de  l'homme,  joies  et  espérances  du  ciel  mêlées  aux 
tristesses  et  aux  combats  de  la  terre  :  tout  cela,  Messeigneurs  et  Mes- 
sieurs, doit  être,  pour  ainsi  dire,  figé  dans  cette  masse  de  pierres  et  cet 
ensemble  de  formes  et  de  lignes  d'où  l'esprit  de  l'architecte  a  fait  surgir 
l'idéal  du  temple.  Plus  l'artiste  fera  parler  la  pierre  et  emportera  notre 
âme  par  l'élévation  et  l'harmonie  des  lignes,  plus  il  nous  donnera  l'im- 
pression d'une  beauté  calme,  digne  et  j'oserais  dire,  austère  jusqu'à  un 
certain  point,  plus  aussi  son  architecture  sera  religieuse.  Il  faudrait 
qu'en  entrant  dans  une  église  chacun  puisse  se  dire  ce  que  Napoléon  1er 
a  dit  en  franchissant  le  seuil  de  la  cathédrale  de  Chartres:'"  Oh!  qu'un 
athée  doit  se  sentir  mal  à  l'aise  ici." 

Pourquoi  bâtit-on  une  église?  Pour  y  prier.  Tout  doit  donc  y  fa- 
voriser le  recueillement,  le  sentiment  religieux.  L'extérieur  lui-même 
doit  être  une  invitation  à  la  prière. 


—  549  — 

Malheureusement,  comme  nous  l'écrivions  ailleurs,  beaucoup  de  nos 
"  belles  "  églises  s'inspirent  d'un  style  que  nous  appellerions  volontiers, 
style  salon,  style  théâtre.  C'est  beau,  c'est  riche,  c'est  même  somptueux, 
mais  ce  n'est  pas  une  beauté  qui  sied  à  la  maison  de  Dieu.  Ce  sont  de 
brillantes  fantaisies.  Pour  parler  avec  le  sarcastique  Boileau,  on  peut 
à  peine  y  compter  des  plafonds,  les  ronds  et  les  ovales,  ce  ne  sont  que 
festons,  ce  ne  sont  qu'astragales.  Les  grandes  lignes  sont  noyées  dans 
l'abondance  des  détails.  Les  emblèmes  multiples  à  outrance,  les  orne- 
ments sans  nombre  font  perdre  de  vue  l'idée  maîtresse  de  l'architecte. 

Voulons-nous,  Mcsseigneurs  et  Messieurs,  faire  de  nos  églises  les  de- 
meures dignes  de  la  majesté  de  Dieu,  les  sanctuaires  de  la  prière? 
Restons  fidèles  aux  traditions  et  aux  lois  de  la  sainte  architecture,  de 
l'art  chrétien.  Mettons  la  beauté  de  l'édifice  sacré  non  dans  une  super- 
fétation  d'ornements  mais  dans  les  lignes  architecturales.  Que  ces  lignes 
dominent  partout,  s'affirment  avec  force,  ampleur  et  netteté.  Respec- 
tons jusque  dans  les  détails  les  plus  minimes  les  lois  du  style  adopté. 
Nous  pratiquons,  hélas  !  trop  souvent,  un  éclectisme  de  mauvais  aloi. 
Telle  église  gothique  aura  un  porche  roman;  telle  église  romane  sera 
remplie  d'ornements  Renaissance.  L'ogive  seule  ne  constitue  pas  le 
style  gothique,  ni  le  plein  cintre,  le  roman.  Ces  styles  ont  leurs  parti- 
cularités qui  font  à  la  fois  leur  force  et  leur  beauté.  L'architecte  qui 
s'en  éloigne  sous  prétexte  d'originalité,  s'expose  souvent  à  tomber  dans 
l'absurde.  Que  d'ornements,  que  de  consoles,  que  de  pilastres,  que  de 
colonnes  et  colonnettes  dans  certaines  églises  sans  aucun  rôle  architec- 
tonique.  L'interprétation  large  mais  raisonnée  des  lois  fondamentales 
de  chaque  style,  voilà  la  source  de  la  vraie  originalité  et  de  la  beauté 
architecturale.  Xous  ne  demandons  pas  que  nos  églises  soient  des  re- 
productions archéologiques,  ou  que  nos  architectes  nous  fassent  sim- 
plement du  simili  XlIIème  siècle,  du  simili  classique. 

Non,  ce  que  nous  suggérons,  c'est  Vunité  de  style:  ce  qui  n'exclut  pas 
l'originalité  de  la  composition  architecturale.  Comme  prouve  de  ce  que 
nous  avançons,  y  a-t-il,  je  vous  le  demande,  une  plus  grande  variété  dans 
l'unité  que  celle  que  nous  offre  la  longue  et  intéressante  série  des  cathé- 
drales et  chapelles  du  Moyen- Age?  Et  puisque  nous  sommes  à  parler  de 
l'arcliitecture  religieuse  médiévale,  pourquoi  dans  certaines  régions  ne 
lui  donnons-nous  pas  plus  de  préférence?  Le  style  gotbi(iue  n'est-il  pas 
l'art  chrétien  dans  son  expression  la  plus  élevée  et  la  plus  parfaite?  I^e 
seul  fait  d'être  le  produit  de  la  pensée  chrétienne  lui  donne  ce  droit  de 
primauté.  En  plus,  au  point  de  vue  architectonique.  il  n'y  a  pas  de 
style  plus  logique,  plus  sincère,  plus  vrai.  La  grâce  et  la  beauté  y  sont 
toujours  une  forme  de  l'utile.  La  pensée  de  l'artiste  s'y  exprime  en 
échappant  le  plus  possible  aux  étreintes  de  la  matière....  Affaire  de 
sentiment,  affaire  d'histoire,  affaire  de  raison,  répondrons-nous. 

Il  n'entre  donc  pas  dans  notre  oadn>  de  faire  l'Iiistorique  et  l'apologie 
de  l'art  ogival.  Seulement  nous  l'avons  voulu  mettre  en  relief  pour 
combattre  les  préjugés  qui  existent  en  certains  milieux  contre  cette 
forme  d'architecture  éminemment  chrétienne. 


550 


La  décoration  et  l'ameublement  sont  les  compléments  nécessaires  de 
l'architecture.  "  L'architecte,  comme  le  dit  fort  bien  le  Père  Sertillange, 
O.P.,  fait  l'édifice;  la  sculpture  donne  la  vie  à  sa  membrure  rigide; 
la  peinture  en  fait  la  splendeur  ;  soit  qu'elle  éclate  dans  les  verrières,  soit 
qu'elle  décore,  soutienne,  les  pians  de  l'architecture,  soit  qu'elle  relève 
de  ses  tons  une  lumière  trop  uniforme  ou  trop  grise,  soit  enfin  qu'elle 
suspende  aux  murs  ou  qu'elle  étende  comme  des  voiles  couvrant  la  nu- 
dité des  surfaces  la  panoplie  des  toiles  isolées  ou  l'ample  vêtement  des 
fresques."  L'architecture,  disions-nous  au  début,  est  le  "  roi  des  Beaux- 
Arts."  Le  respect  de  cette  ro3'auté  est  la  première  condition  de  succès 
dans  la  féconde  collaboration  du  sculpteur,  du  peintre  verrier  et  de 
l'artiste  décorateur.  Tous  les  arts  dans  le  temple  chrétien  doivent  se 
donner  la  main,  garder  leur  rang  respectif  et  concourir  chacun  dans  sa 
sphère  à  l'effet  d'ensemble.  La  verrière  ne  sera  donc  pas  un  tableau 
peint  sur  verre,  mais  bien  une  mosaïque  translucide,  en  harmonie  avec  le 
cachet  architectural  de  l'église  dont  elle  est  à  juste  titre  l'ornement  le 
plus  précieux.  Ne  permettons  pas  au  peintre  décorateur  de  brosser  un 
ensemble  de  décorations  quelconques,  plus  de  mise  dans  un  salon  ou 
galle-de-pas-perdus  que  dans  un  temple.  ISTe  donnons  pas  de  place  à  ces 
autels  aux  retables  immenses  remplis  de  colonnes  et  de  consoles,  garnis 
de  miroirs  et  de  verres  coloriés. 

Surveillons  chaque  détail  de  l'ameublement,  tel  que  bancs,  confes- 
sionnaux, chaire  de  vérité  afin  que  tout  soit  marqué  au  coin  de  l'art  et 
en  harmonie  avec  le  style  de  l'église.  Surtout  que  les  ornements,  vases 
sacrés,  chandeliers,  crucifix,  candélabres,  images  saintes,  portent  le  ca- 
chet, non  d'un  vil  mercantilisme,  mais  de  l'art  sacré.  Chassons  du 
temple  ces  produits  de  commerce  qui  réduisent  ce  que  nous  avons  de 
plus  saint  et  de  plus  beau  dans  la  sainte  Religion  à  de  vulgaires  bana- 
lités. 


Si  des  régions  sereines  de  l'idéal  nous  descendons  sur  le  terrain  de  la 
pratique,  nous  nous  apercevrons  bien  vite  qu'en  architecture  comme  en 
autre  chose  nous  devons  consulter  les  circonstances.  ■ — ■  L'état  financier, 
les  nécessités  du  culte,  les  rigueurs  et  les  caprices  de  notre  climat,  la 
topographie  de  l'endroit:  voilà  certes  autant  de  facteurs  importants  avec 
lesquels  il  faut  compter  en  construisant  une  église.  Souvenons-nous  ce- 
pendant que  l'art  n'est  pas  quelque  chose  de  pastiche  et  qu'il  s'allie 
parfaitement  au  nécessaire  et  à  l'utile.  L'architecture  est  l'art  pratique 
par  excellence  et  sa  beauté  s'accommode  à  toutes  les  nécessités.  Toute- 
fois ne  sacrifions  pas  à  l'utilité  de  quelques-uns  la  beauté  architecto- 
nique  d'un  temple,  comme  cela  se  voit  dans  ces  églises  où  sous  prétexte 
que  l'autel  doit  être  vu  de  tous,  l'on  a  supprimé  les  colonnes,  et  aux- 
quelles on  a  donné  ainsi  l'aspect  d'une  gare  ou  d'un  auditorium.  Les 
limites  restreintes  de  ce  rapport  ne  nous  permettent  pas  d'insister  davan- 
tage sur  ces  circonstances  essentiellement  variantes. 


—  551  — 

Vœux  : 

Considérant  que  la  gloire  de  la  Sainte  Eucharistie  est  intimement  liée 
à  la  diffudon  des  vrais  principes  de  l'art  sacré  ;  considérant  que  pour 
faire  des  églises  belles  et  pratiques  il  faut  connaître  et  appliquer  ces  prin- 
cipes, ce  Congrès  émet  les  vœux  suivants  : 

1° — Etablir  dans  les  grands  séminaires  un  cours  d'archéologie  et 
d'art  sacré,  y  donner  une  série  de  conférences  sur  l'architecture  sacrée 
afin  de  rendre  compétents  les  prêtres  qui  doivent  diriger  les  travaux  de 
construction  ou  de  restauration  de  nos  églises. 

2° — Fonder  dans  chaque  diocèse  un  comité  permanent  d'hommes 
compétents  pour  examiner  au  point  de  vue  artistique  les  plans  des  églises 
nouvelles. 

3° — Favoriser  la  production  et  la  diffusion  d'œuvres  d'art  religieux 
vraiment  artistiques. 

Après  la  lecture  de  ce  rapport,  quelqu'un  sugjjère  d'en  com- 
pléter les  vœux  en  y  ajoutant  le  suivant  qui  est  certes,  de  la 
plus  haute  importance  : 

"  Enfin,  en  vue  de  faire  des  églises,  non  seidement  belles  mais  pra- 
tiques, on  tiendra  compte,  dans  la  construction  de  nos  temples,  des 
exigences  du  culte,  aussi  bien  que  des  besoins  des  fidèles,  de  telle  sorte 
que  ceux-ci  puissent,  dans  leur  ensemble,  voir  le  prêtre  à  l'autel,  suivre 
les  cérémonies  du  chreur,  entendre  facilement  la  prédication,  et  lire 
sans  difficulté  à  la  lumière  du  jour  ou.  la  nuit,  à  la  lumière  des 
lampes." 


Après  le  P.  Daly,  on  eut  le  bonheur  d'entendre  le  P.  Lemiu.'i, 
0.  M.  !..  nous  parler  des  œuvres  de  Montmartre, 

LES  ŒUVRES  DE  MONTMARTRE  A  PARIS 


Monseigneur, 

Mesdames,  Messieurs, 

Il  m'est  arrivé  une  toute  petite  aventure.  On  m'avait  demandé,  de 
Montréal,  un  rapport  sur  les  relations  entre  rpaicharistie  et  le  Sacré- 
Cœur;  à  la  lecture  du  programme  je  constate  que  je  suis  marqué  pour 
parler  sur  "  Les  Œuvres  de  Montmartre."  Je  n'ai  donc  pas  de  rapport 
préparé,  mais  il  est  écrit  dans  mon  cœur. 

Jo  suis  très  heureux,  do  parler  de  ces  œuvres  devant  Mgr  le  Président. 

Monseigneur  Odelin,  l'un  des  prêtres  les  plus  éminents  de  France,  est. 
en  effet,  le  grand  inspirateur  et  le  grand  directeur  de  toutes  les  œuvres 


—  552  — 

de  Paris,  et  en  particulier  de  Montmartre.  C'est  sous  sa  direction  que 
j'ai  travaillé  pendant  des  années,  et  même,  un  pèlerinage  à  Eeims  orga- 
nisé sous  son  patronage,  me  valut  le  grand  honneur  d'être  condamné  par 
le  tribunal  de  cette  ville. 

Que  vous  dirai-je,  Monseigneur,  Mesdames  et  Messieurs,  de  Mont- 
martre? Vous  connaissez  son  origine.  La  France  agonisait  sous  le 
talon  implacable  d'un  ennemi  cruel;  Metz,  Nancy,  Eeims,  Orléans,  et 
beaucoup  d'autres  villes  avaient  été  prises  par  notre  ennemi  ;  Paris  était 
cerné;  la  terre  était  couverte  de  sang.  Que  de  mères  avaient  arrosé  la 
France  de  leurs  larmes  !  On  se  souvint  des  promesses  du  Sacré-Cœur 
faites  à  Paray-le-Monial.  Notre-Seigneur  avait  demandé  qu'on  lui 
élevât  un  temple,  qu'on  lui  fît  une  place  sous  les  drapeaux,  et  qu'on  lui 
offrît  la  Consécration  nationale  et  l'Hommage  solennel. 

Un  grand  chrétien,  qui  sera  peut-être  un  jour  sur  les  autels  —  c'était 
un  saint  —  M.  Legentil,  pleurait  chaque  jour  aux  pieds  des  autels.  Un 
jour  il  fut  inspiré;  il  tomba  à  genoux  devant  son  confesseur  et  il  fit  un 
vœu  national  au  Sacré-Cœur  de  Jésus.  Il  promit,  au  nom  de  la  nation, 
de  construire  une  église  en  ex-voto  de  pénitence  et  de  consécration  au 
Sacré-Cœur  de  Jésus. 

Quelques  jours  après  se  livrait  la  grande  bataille  de  Loigny.  Nos 
troupes  avaient  été  massacrées  et  elles  s'en  allaient  en  déroute.  Il 
fallait  en  sauver  les  débris.  Le  général  de  Sonis,  s'adressant  à  Charette, 
qui  était  à  la  tête  de  ses  zouaves,  lui  cria  :  "  Arborez  l'étendard  du  Sacré- 
Cœur."  Et  Charette,  qui  portait  cet  étendard  brodé  par  les  religieuses 
de  la  Visitation  de  Paray-le-Monial,  arbore  le  drapeau. 

Qu'advint-il  ?  La  Sainte  Vierge  vint  sauver  encore  une  fois  la  France. 
Au  front  des  troupes  allemandes,  à  Pontmain,  le  37  janvier  1871,  elle 
apparut  au  milieu  des  étoiles.  Elle  avait  sur  sa  tête  un  voile  noir.  Elle 
portait  le  deuil  de  la  patrie,  et  elle  souriait.  Elle  venait  nous  apporter 
la  délivrance.  Sous  ses  pieds  une  grande  banderole  se  déroula,  et  une 
main  invisible  traça  en  lettres  d'or  ces  paroles  :  "  Mais,  priez,  mes  en- 
fants. Dieu  vous  exaucera  en  peu  de  temps.  Mon  Fils  se  laisse  toucher." 

Le  lendemain,  18  janvier  —  l'histoire  de  l'état-major  allemand  en  est 
témoin  —  les  Prussiens  n'avancèrent  pas,  ils  reculèrent.  Et  on  entendit 
sur  les  lèvres  d'un  capitaine  cette  parole:  "  Qu'y  a-t-il  donc?  On  dirait 
qu'une  madone  garde  ce  pays.  Nous  ne  comprenons  rien  à  ce  qui  se 
passe." 

La  Sainte  Vierge  avait  sauvé  la  France.  . . 

Peu  de  jours  après  c'était  l'armistice,  puis  c'était  le  traité  de  paix; 
la  France  était  mutilée,  mais  elle  était  sauvée. 

Alors,  quand  on  apprit  l'acte  patriotique  de  M.  Legentil,  la  France  se 
leva,  elle  ratifia  le  vœu  national  et  elle  éleva  la  basilique  comme  le  pal- 
ladium de  la  patrie.  Vous  savez  que  depuis  quarante  ans  la  France 
chaque  année  donne  son  million.  Voici  déjà  quarante  millions  dépensés 
. .  .  Saluons  la  France  pénitente  et  consacrée  au  Cœur  Sacré  de  Notre- 
Seigneur  .Tésus-Christ. 

L'Assemblée  Nationale  de  1873  ratifia  en  quelque  sorte  le  vœu;  elle 
fit  une  loi  favorable,  et  ce  fut  au  nom  de  cette  loi  d'utilité  publique  que 


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hii  i)i(.cf~sM.ii.  —  Ait  .II-  rAvomic  Laval. 
'llir  l'rocc'ssidii.  —  Arcli  on  Laval  Avenue. 


—  553 


l'on  put  élever  ce  monument  qui  maintenant  domine  Paris  avec  ses  cinq 
coupoles,  qui  semble  protéger  la  ville  et  la  France  entière.  Le  monument 
est  debout,  et  tout  Français  catholique,  en  le  regardant,  sent  palpiter 
son  cœur  et  s'écrie  :  le  Ciel  et  le  Sacré-Cœur  nous  délivreront  de  la  tv- 
rannie  des  sectaires  et  des  francs-jnaçons,  et  ils  referont  la  France 
chrétienne. 


* 


Un  jour,  une  jeune  fille,  —  Dieu  se  sert  toujours  de  vous,  mes- 
dames, —  une  jeune  fille  vint  trouver  le  Cardinal  Guibert.  Elle  était 
appuyée  par  son  confesseur,  le  Père  Chambellan,  provincial  des  Pères 
Jésuites  d'x\ngers;  elle  venait  dire  au  cardinal:  "  Eminence.  le  Sacré- 
Cœur  m'envoie  vous  dire  qu'il  faut  établir  à  Montmartre  l'adoration 
perpétuelle  du  Très  Saint-Sacrement.     Le  Sacré-Cœur  le  veut." 

Quelques  jours  après.  Dieu  envoya  à  Montmartre  la  Mère  Saint-Do- 
minique, une  dominicaine,  et  cette  religieuse  se  mit  à  l'œuvre.  Elle 
parcourut  pour  ainsi  dire  Paris,  alla  s'adresser  aux  hommes  les  plus 
éminents  et  supplia  que  l'on  établit  la  prière  perpétuelle,  la  prière  de 
jour  et  de  nuit,  que  l'on  créât  l'adoration  perpétuelle  sur  les  sommets  de 
Montmartre. 

Ce  qui  a  été  demandé  a  été  fait.  La  grande  œuvre,  la  voilà.  En 
1881  on  a  commencé  à  Montmartre  l'adoration  du  Sacré-Cœur  dans  la 
Sainte  Eucharistie,  et  depuis  lors  l'ostensoir  n'a  jamais  cessé  de  rayonner 
au  milieu  des  flammes  de  l'autel.  Voilà  bientôt  trente  ans  qu'à  Mont- 
martre on  prie  les  bras  levés  et  qu'on  implore  le  salut  de  la  patrie.  C'est 
encore  une  espérance  que  nous  gardons  au  fond  du  cœur. 

L'Œuvre  de  Montmartre,  ce  sont  six  mille  dames  organisées,  qui 
montent,  les  unes  après  les  autres,  tous  les  mois,  qui  viennent  se  mettre, 
comme  la  personnification  de  la  Franco,  aux  pieds  de  l'autel,  et  qui 
prient  ensemble  à  haute  voix  et  ne  cessent  de  répéter  "  Sacré-Cœur  de 
Jésus,  sauvez  la  France." 

Mais  il  fallait  veiller  la  nuit,  et  comment,  disait  le  cardinal  Guil^ort  au 
commencement,  comment  aurons-nous  des  hommes  qui  monteront  toutes 
les  nuits  de  l'année  et  viendront  adorer,  dans  ce  quartier  si  malfamé,  si 
révolutionnaire  ?  Comment  iront-ils  garder  le  Très  Saint-Sacrement  ? 
Le  Sacré-Cœur  fait  des  miracles,  et  depuis  ce  moment-là  les  honmies 
sont  montés  toutes  les  nuits;  toutes  les  nuits  ils  sont  venus  prier.  Je 
les  ai  vus,  trente,  en  moyenne,  quelquefois  deux  cents,  quelquefois  da- 
vantage; nous  avons  eu  des  nuits  admirables  de  quinze  cents  et  deux 
mille  hommes.  Pendant  que  là-bas,  dans  Paris,  on  blasftlième.  on 
offense  Dieu  cruellement,  ces  calholitjues,  sur  le  sommet  de  Montmartre, 
sont  comme  un  paratonnerre  et  attirent  la  miséricorde  et  les  tendresses 
du  Sacré-Cœur  de  Jésus  sur  la  France. 

Je  n'ai  pas  le  temps  de  vous  donner  dos  détails;  soub-ment  celui-ci: 
parmi  ces  adorateurs,  un  jour,  nous  avons  appelé  les  miséreux  de  Pari.';, 
les  sans-foyer,  ceux  qui  n'ont  pas  une  pierre  pour  reposer  leur  tête. 
Ces  miséreux  de  Paris  sont  venus  à  Montmartre;  nous  les  avons  tus. 


—  554  — 

deux  fois  par  semaine,  mille,  quinze  cents,  deux  mille,  nous  sommes 
allés  jusqu'à  trois  mille,  venant  se  confesser,  venant  faire  pénitence. 
Eux  aussi,  bons  Français,  viennent  prier  pour  le  salut  de  la  patrie,  et 
adorer  la  nuit  le  Sacré-Cœur. . . . 

Et  l'œuvre  s'est  répandue  en  France,  les  adoratrices  sont  établies  dans 
nombre  de  paroisses,  on  les  compte  par  centaines  de  mille .... 

Son  Eminence  le  cardinal  Eichard  a  fondé  aussi  une  belle  œuvre,  dont 
nous  saluons  ici  le  président,  c'est  l'Œuvre  des  Hommes  de  France  au 
Sacré-Cœur  de  Jésus. 

Talonné  par  le  temps,,  je  vous  donnerai  simplement  un  détail.  On 
croit  qu'en  France  il  n'y  a  plus  de  catholiques  ;  on  s'imagine  souvent  que 
nous  sommes  tous  des  indifférents  et  des  athées.  Ecoutez  ceci  :  une 
nuit  nous  avons  appelé  les  hommes  des  chemins  de  fer  pour  faire  l'ado- 
ration au  nom  de  tous  ces  hommes  qui  travaillent  sur  nos  voies  ferrées. 
Ils  sont  venus  114,  et  dans  cette  même  nuit  ils  ont  fondé  l'œuvre  spé- 
ciale du  "  Personnel  Catholique  des  Chemins  de  Fer."  Aujourd'hui, 
nous  avons  en  France  plus  de  45,000  hommes  qui  sont  rangés  autour  de 
la  bannière  du  Sacré-Cœur  de  Jésus  et  qui,  en  réunions  mensuelles  se 
fortifient  pour  défendre  leur  foi  ;  eux  aussi,  ils  mettent  leur  espérance 
dans  le  Sacré-Cœur  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ. 

Le  jour  où  l'on  voudra  arborer  le  Sacré-Cœur  dans  toutes  les  villes, 
on  verra  des  merveilles,  comme,  par  exemple,  à  Nancy.  On  a  commencé 
en  1902  avec  quinze  hommes  ;  aujourd'hui,  à  l'appel  général  des  associés 
de  Nancy,  plus  de  cinq  mille  hommes  se  réunissent  dans  la  cathédrale,  et 
sont  fiers  de  s'appeler  les  hommes  du  Sacré-Cœur  de  Jésus.  Ah  !  la 
bonne  besogne  qu'ils  ont  faite  !  Ils  ont  su  remporter  toutes  les  victoires. 

Je  terminerai  en  souhaitant  que  ces  œuvres  se  fondent  dans  toutes  les 
paroisses,  dans  toutes  les  villes  de  notre  chère  France,  et  aussi  du  Ca- 
nada. . . . 

Vous  le  demanderez.  Mesdames,  vous  le  demanderez.  Messieurs,  et  le 
jour  viendra  oii,  l'œuvre  s'étant  répandue,  cette  œuvre  saura  balayer  nos 
tyrans,  à  nous,  nos  francs-maçons,  nos  athées,  et  nous  rendra  un  bon 
gouvernement  —  Notre-Seigneur  nous  a  fait  espérer  ce  salut,  —  le  jour 
viendra  où  un  gouvernement  catholique  montera  à  Montmartre  et  ira 
faire  la  consécration  du  Sacré-Cœur  de  Jésus. 

Dans  cette  basilique  de  Montmartre,  nous  avons  eu  le  bonheur  de 
consacrer,  à  l'intention  de  nos  frères  du  Canada,  une  chapelle  à  Saint 
Jean-Baptiste;  nous  continuerons  à  y  porter  le  souvenir  du  Canada.  En 
retour,  vous  nous  aiderez  à  faire  rayonner  les  œuvres  de  Montmartre. 

Vendredi  dernier  je  me  trouvais  à  Québec,  dans  l'église  de  Saint- 
Sauveur.  Je  vis  là  trois  mille  ouvriers  ;  comme  tous  les  premiers  ven- 
dredis du  mois,  en  sortant  de  leur  travail,  leur  petite  ''chaudière"  à  la 
main,  ils  étaient  venus  y  faire  l'heure  d'adoration. 

Ce  fut  un  spectacle  à  arracher  des  larmes.  Mon  émotion  fut  à  son 
comble  quand  le  Père  Lelièvre  me  dit  :  "  C'est  à  Montmartre  que  j'ai  eu 
l'inspiration  de  faire  cette  œuvre." 


ooo 


ARTICLE  IV 

SECTIONS  SPECIALES 


§    I.  —  Séance  des  Dames. 

C'est  à  l'Université  Laval,  qu'a  eu  lieu  cette  séance  dite 
"  des  Dames  "  ou  mieux  de  "  l'apostolat  féminin  ".  Son  Emi- 
nence  le  cardinal  Logue,  primat  d'Irlande,  Mgr  Montés  de 
Oka,  archevêque  de  St-Louis  de  Potosi  et  Mgr  Odelin,  vicaire- 
général  de  Paris,  se  remarquent  aux  premiei-s  rangs. 

Non-seulement  la  vaste  enceinte  de  la  salle  d'honneur  de 
l'Université,  mais  encore  les  galeries  et  même  l'estrade  ré- 
servée aux  conférenciers  et  rapporteurs  sont  absolument 
remplies.  A  2.30,  heures  précises,  Mgi*  Emard,  prési<lent, 
demande  à  MgT  l'archevêque  de  St-Louis  de  Potosi,  de  vou- 
loir bien  ouvrir  la  réunion  par  la  prière.  Mgr  Emard  ajoute 
quelques  mots  de  bienvenue  et  le  secrétaire. ^Monsieur  l'abbé 
Auclair,  annonce  le  Père  Hage,  des  Dominicains,  qui  traite 
de  la  question  suivante  : 


VIE  EUCHARISTIQUE  ET  VIE  MONDAINE 


Mesdames, 

Le  rapport  que  j'ai  l'iionneur  de  vous  présenter,  a  pour  sujet:  Vie 
eucharistique  et  vie  mondaine. 

Dans  toute  démonstration,  dans  toute  discussion,  on  sauve  du  temps 
et  on  gagne  en  clarté,  si  l'on  a  soin  de  commencer   par  définir  les  termes. 

Vie  eucharistique  :  Vous  savez  ce  que  signifient  ces  deux  mots  :  c'est 
la  vie  chrétienne  soutenue,  développée,  alimentée  par  la  sainte  lùicha- 
ristie,  soit  par  la  réception  du  Sacrement,  soit  .  par  l'assistance  au 
sacrifice,  soit  par  la  visite  à  la  Présence  réelle. 

Vie  mondaine  :  Voici  deux  mots  bien  complexes  et  sur  la  signification 
desquels  il  est  pourtant  nécessaire  de  nous  bien  comprendre,  sous  peine 
de  n'aboutir  point  à  des  conclusions  pratiques. 

Vie  mondaine  :  Cette  expression  se  prend  d'abord  dans  son  sens  péjo- 
ratif: Vie  mondaine  de  principes,  de  mœurs,  d'babitudes  ;  vie  mondain» 
dont  les  maximes,  les  exemples,  les  actes  sont  la  contradiction  des  actes, 
des  exemples,  des  maximes  de  l'Evangile;  vie    niondaine,  dont  Xotre- 


—  556  — 

Seigneur  a  désigné  le  Prince  en  la  personne  de  Satan  lui-même,  (1)  et 
qui  est,  en  effet,  le  premier  ministre  du  démon  au  département  de  l'ini- 
quité, vie  mondaine  qui  se  dresse,  en  un  mot,  comme  l'éternelle  ennemie 
du  Christ  et  de  son  Eglise  :  c'est  d'elle  que  parle  saint  Paul  quand  il  dit  : 
N'allez  pas  vous  conformer  à  ce  siècle.  (2)  C'est  à  elle  qu'il  faut  appli- 
quer la  célèbre  définition  de  saint  Jean,  quand  il  en  réduit  les  dérègle- 
ments à  la  triple  concupiscence,  celle  des  yeux,  celle  de  la  chajr,  et 
l'orgueil  de  la  vie;  (3)  c'est  elle,  enfin,  que  Notre-Seigneur  rejette  et 
anathématisc,  quand,  la  veille  de  sa  passion,  il  arrête  le  cours  de  sa 
prière  pour  faire  cette  étrange  protestation:  Je  ne  prie  pas  pour  le 
monde.  (4)  Or,  nous  naissons  tous  et  nous  vivons  forcément  au  milieu 
de  cette  foule  égarée  sans  doute  et  aveugle,  mais  si  nombreuse  qu'elle 
nous  enveloppe,  si  brillante  qu'elle  nous  charme  et  souvent  nous  entraîne. 
Il  y  a  là  pour  tous  une  épreuve  redoutable,  une  tentation  trop  forte  pour 
n'être  pas  dangereuse;  il  y  a  là,  comme  parle  l'Evangile,  un  grand  et 
perpétuel  scandale. 

Vie  mondaine  :  Ces  deux  mots  ont  une  seconde  signification,  moins 
mauvaise  que  la  première,  encore  que  très  déplorable,  et  cette  seconde 
signification  est,  de  fait,  dans  l'existence  de  la  femme,  la  plus  connue 
et  la  plus  commune,  la  plus  universellement  répandue,  et  par  un  grand 
malheur,  la  plus  adoptée  en  pratique.  Vie  mondaine  signifie  ici  :  vie 
de  plaisirs  et  d'amusements,  de  relations  frivoles  et  de  temps  perdu,  de 
veillées  prolongées  sans  mesure  et  de  théâtres  fréquentés  sans  discer- 
nement. Vie  où  la  fascination  de  la  bagatelle  obscurcit  le  bien,  où  le 
devoir  austère  est  relégué  au  second  plan;  vie  qui  sépare  la  femme  de 
son  mari,  chacun  ayant  donné  à  son  existence  une  orientation  différente  ; 
vie  qui  ne  permet  plus  à  la  mère  de  s'occuper  de  l'éducation  de  ses 
enfants,  ni  à  la  maîtresse  de  maison  de  remplir  ses  obligations  d'ordre 
et  de  surveillance;  vie  néanmoins,  où  l'on  prétend  rester  chrétien,  où  on 
observe  les  pratiques  religieuses  extérieures,  soit  par  la  force  de  la  rou- 
tine, soit  par  un  résidu  de  convictions  adhérant  au  fond  de  l'âme 
indestructiblement  ;  vie,  enfin,  où  l'on  s'efforce  de  cheminer  un  pied 
dans  le  monde  et  un  pied  dans  la  religion,  sinon  même  dans  la  dévotion. 
Tertullien  écrivait  aux  païens:  ce  qui  vous  plaît,  nous  le  repoussons; 
vous  avez  à  dégoût  ce  qui  fait  nos  délices.  Voilà  la  bonne  marque.  Où 
est-elle  à  présent  ?  Quoi  !  le  matin  à  l'église,  à  la  sainte  table  peut-être, 
et  le  soir  au  théâtre,  en  pleine  immodestie,  au  bal  en  plein  délire  ! 

Est-ce  à  dire  que  ces  participations  aux  fêtes  du  monde  soient  mau- 
vaises et  toujours  mauvaises  en  elles-mêmes?  Non.  Relisez  ce  que  saint 
François  de  Sales  écrit  à  ce  sujet  dans  son  admirable  livre  de  l'Intro- 
duction à  la  vie  dévote,  et  de  cette  lecture  vous  pourrez  déduire  une 
troisième  signification  de  la  Vie  mondaine.     Il  s'agit  ici  des  devoirs  de 


(1)  Joan.  XIV-30. 

(2)  Rom.  XII-2. 

(3)  T  Joa-n.  11-16. 

(4)  Joan.  XVII-9. 


—  557  — 

la  société  qu'il  faut  remplir,  des  convenances  auxquelles  il  est  bon  de 
satisfaire,  des  relations  qui  s'imposent,  (hélas!  elles  s'imposent  trop 
quelquefois,)  des  visites  qu'il  faut  faire  ou  qu'il  faut  subir,  de  tout  cet 
ensemble  de  rapports,  les  uns  agréables,  les  autres  ennuyeux,  par  où  il 
est  convenu  que  l'on  se  prouve  mutuellement  estime  et  sympathie. 

jSTous  avons  ainsi  en  présence  trois  sortes  de  vie  mondaine:  vie  mon- 
daine de  principes,  vie  mondaine  de  plaisirs,  vie  mondaine  de  société. 
La  première  est  mauvaise,  la  seconde  est  dangereuse,  la  troisième  est 
bonne,  et  en  regard  de  chacune  d'elles,  il  nous  faut  maintenant  placer  la 
vie  eucharistique. 

Il  saute  aux  yeux  que  la  vie  eucharistique  ne  saurait  en  aucune  ma- 
nière se  concilier  avec  la  vie  mondaine  de  principes:  elle  en  est  mani- 
festement le  contre-pied,  mais,  par  cela  même,  elle  en  est  efficacement 
le  remède.  Et  puisque  tous,  nous  avons  à  vivre  dans  ce  monde  mauvais, 
à  nous  eu  préserver,  à  nous  prémunir  contre  ce  microbe  de  poison  et  de 
mort,  c'est  à  la  vie  eucharistique  que  nous  irons  demander  la  force  de 
la  préservation  et  la  grâce  de  l'immunité.  Qui  dit  vie,  dit  esprit.  Le 
monde  est  donc  un  esprit  mais  un  esprit  qui  n'est  pas  de  Dieu,  et  parce 
qu'il  n'est  pas  de  Dieu,  il  est,  à  proprement  parler,  une  altération,  un 
désordre,  une  fausseté.  Comment  la  vie  eucharistique  purifiera  en 
chacun  de  nous  cette  altération,  redressera  ce  désordre,  détruira  cette 
fausseté  ?  Par  l'esprit  eucharistique,  qui  est  justement  un  esprit  de 
pureté,  un  esprit  d'union  et  d'harmonie,  un  esprit  de  lumière  et  de 
vérité.  J'appelle  esprit  eucharistique,  l'humilité  dont  Notre-Seigneur 
nous  donne  l'exemple  dans  sa  vie  au-dedans  du  tabernacle;  j'appelle^ 
esprit  eucharistique,  l'immolation  de  soi,  que  la  Sainte  Victime  opère 
chaque  jour  sur  nos  autels;  j'appelle  esprit  eucharistique  l'union  intime 
du  Christ  sacramenté  avec  le  Père  qui  est  aux  cieux.  Or.  voici  qu'à 
cette  humilité  une  bonne  visite  aii  Saint-Sacrement  nous  invite;  à  cette 
immolation  de  soi,  une  pieuse  assistance  à  la  messe  nous  convie  ;  à  cette 
union  intime  avec  Dieu,  une  communion,  la  communion,  la  fréquente 
communion  nous  conduit.  Et  quand  enfin  par  l'humilité  nous  aurons 
vaincu  l'orgueil  de  la  vie  mondaine,  quand  par  l'immolation  de  soi  nous 
aurons  détruit  la  sensualité  de  la  vie  mondaine,  quand  par  l'union  à 
Dieu  nous  aurons  redressé  l'éternel  désordre  de  la  vie  mondaine,  celle-ci 
n'aura  plus  de  prise  sur  nous,  et  nous  pourrons  dire  avec  saint  Paul,  que 
nous  usons  du  monde,  comme  n'en  usant  pas,  car  la  figure  du  monde 
passe  et  avec  elle,  ses  promesses  fausses  et  ses  fausses  joies. 

Que  dire,  en  second  lieu,  de  la  vie  eucharistique  par  rapport  à  la  vie 
mondaine  de  plaisirs?  C'est,  si  je  ne  me  trompe,  le  point  de  vue  |)rin- 
cipal  de  cette  étude.  Le  grand  mal  pratique  de  la  société  moderne  est, 
à  n'en  pas  douter,  le  plaisir,  la  recbenhe  du  plaisir,  la  fièvre  du  plaisir, 
plaisir  sous  toutes  les  formes,  du  plaisir  à  tous  les  degrés  de  l'éc-helle 
sociale  depuis  la  femme  du  monde,  dont  Texistence  est  un  tourbillon, 
jusqu'à  la  femme  du  peuple.  (|ui  <lépensera  au  cinématographe  les  cinq 
sous  nécessaires  à  sa  famille. 

La  vie  eucharistique  est  appelée,  ici,  à  rendre  deux  servies  eignalcs: 

lo_]?n  faisant  comprendre  qu'il  n'est  pas  possible  de  concilier  la 


théorie  et  la  pratique  du  plaisir  avec  la  théorie  et  la  pratique  chré- 
tiennes; que  c'est  là  constituer  un  alliage,  qui  pour  fréquent  qu'il  soit, 
n'en  est  pas  moins  condamné  par  la  parole  du  Sauveur:  nul  ne  peut 
servir  deux  maîtres  ;  l'on  est  dans  une  complète  illusion  si  l'on  s'imagine 
que  l'on  pourra  goûter  le  matin  les  consolations  de  la  sommunion  et  le 
soir  les  émotions  du  théâtre:  qu'il  y  a  ^nême  une  sorte  de  scandale  à 
prétendre  harmoniser  deux  choses  aussi  opposées  que  le  sont  la  frivolité 
et  le  sérieux,  la  dissipation  et  le  recueillement,  la  jouissance  et  le  renon- 
cement, le  dehors  qui  est  toujours  léger  et  le  dedans  qui  doit  toujours 
être  austère;  que  dès  lors  une  conclusion  s'impose:  modérer,  modérer 
encore,  modérer  toujours  jusqu'à  l'éteindre,  la  soif  du  plaisir,  pour  se 
donner  tout  uniment  à  la  vie  eucharistique,  et  à  Celui  qui  du  fond  de 
son  tabernacle  nous  crie  sans  cesse  :  J'ai  soif  de  vos  âmes. 

Deuxièmement,  et  surtout,  la  vie  eucharistique  est  appelée  à  ramener 
sincèrement  vers  Dieu  et  à  l'accomplissement  de  ses  devoirs  la  société 
actuelle  q.ue  perd  le  plaisir.  Ah  !  qu'il  est  donc  vrai  de  dire  que  la  Pro- 
vidence divine  suscite  en  leur  temps  les  hommes  qui  sont  nécessaires  et 
les  dévotions  qui  conviennent.  Pie  X  a  été  suscité  de  Dieu  pour  qu'il 
suscitât  à  son  tour  le  décret  sauveur  de  la  communion  fréquente.  Décret 
sauveur  !  On  l'a  ainsi  appelé,  parce  qu'il  libère  l'âme  de  toutes  sortes 
d'entraves  dans  lesquelles  un  reste  de  jansénisme  la  retenait  captive,  et 
empêchait  son  plein  essor  vers  le  Dieu  de  l'Eucharistie.  Mais  oii  seraient 
l'erreur  et  l'exagération  si  l'on  donnait  au  décret  sauveur  une  signifi- 
cation plus  large,  embrassant  la  société  tout  entière,  laquelle  sera  guérie 
de  la  fièvre  du  plaisir  par  le  retour  à  la  communion  fréquente?  Ceci 
tuera  cela,  et  c'est  ce  qu'a  vu  notre  glorieux  et  bien-aimé  Pontife,  quand 
jetant  un  regard  sur  notre  société,  grande  sans  doute  par  certains  côtés, 
mais  indéniablement  emportée  par  le  courant  de  la  jouissance  et  tout 
ensemble  ankylosée  par  la  mollesse,  il  a  poussé  ce  cri  :  A  la  communion  ! 
Personnes  du  monde,  qui  sentez  bien  que  votre  existence  est  vide,  vide 
de  sérieux,  vide  de  résultats,  vide  même  de  ces  joies  que  vous  recherchez, 
à  la  communion  vous  remplirez  votre  cœur,  par  la  communion  vous 
restaurerez  toutes  choses  dans  le  Christ. 

Enfin,  si  nous  considérons  les  rapports  de  la  vie  eucharistique  et  de  la 
vie  mondaine  simplement  sociale,  il  faut  affirmer  hautement  que  celle- 
ci  n'est  pas,  en  principe,  un  obstacle  à  celle-là,  et  il  faut  exhorter  inces- 
samment les  personnes  du  monde  à  mettre  toute  leur  bonne  volonté  et 
toute  leur  pieuse  industrie  à  n'en  point  faire  un  obstacle  dans  la  pra- 
tique. Que  les  relations  sociales  ne  soient  pas  en  principe  un  empêche- 
ment à  la  communion,  rien  n'est  plus  évident,  puisque  non  seulement 
ces  relations  ne  sont  pas  un  mal,  mais  constituent  un  devoir,  un  devoir 
d'état,  et  les  exemples  sont  nombreux  de  femmes  du  monde,  dont  la  foi 
prévoyante  et  ingénieuse  sait  concilier  tous  ces  devoirs  avec  la  commu- 
nion fréquente  et  quotidienne.  Cependant,  il  faut  l'avouer,  pratique- 
ment ces  obligations  de  société  empêchent  la  vie  eucharistique  de 
g'épanouir,  non  pas,  encore  une  fois,  qu'il  y  ait  faute  grave  ou  occasion 
prochaine  de  péché,  mais  elles  distraient,  elles  dissipent,  elles  font  perdre 
du  temps  —  et  il  n'en  reste  plus  pour  les  devoirs  de  la  vie  eucharistique. 


—  559  — 

Qu'on  me  permette  de  toucher  à  un  détail:  les  veillées  canadiennes,  je 
parle  des  bonnes  veillées  de  famille,  ne  se  prolongent-elles  pas  jusqu'à 
onze  heures  et  minuit?  Comment  se  lever  le  lendemain  pour  assister  à 
une  messe  matinale  et  y  communier?  Il  y  a  donc  lieu  ici  à  contenir  les 
relations  de  famille  et  de  société  dans  des  bornes  assez  justes  pour  que 
la  communion  et  les  autres  devoirs  eucharistiques  puissent  être  fidèle- 
ment pratiqués. 

La  femme  sincèrement  catholique  ira  même  plus  loin  dans  ses  rap- 
pox'ts  avec  la  famille  ou  avec  la  société,  elle  saura  trouver  l'occasion  de 
parler  de  la  communion  fréquente,  par  exemple,  en  attirant  l'attention 
sur  les  régions  où  elle  se  pratique,  ou  encore  en  profitant  d'événements 
nombreux,  pour  parler  de  la  consolation  que  donne  la  sainte  communion. 
Ainsi  l'épouse  et  la  mère,  la  femme  du  monde  au  bon  sens  du  mot,  et  la 
chrétienne  fervente  auront  une  part  abondante  à  la  grande  œuvre  que 
poursuit  le  Saint-Père  par  son  décret  sur  la  communion  fréquente. 


Vœux  : 

1°  —  Çue  l'on  persuade  les  fidèles  de  cette  vérité  que  la  vie  eucharis- 
tique, la  communion  surtout,  triomphera  en  leurs  âmes,  de  l'esprit  du 
inonde. 

2°  —  Que  dans  les  prédications,  les  directions  et  tous  autres  moyens 
d'influence,  on  réagisse  par  la  communion  fréquente,  contre  le  mal  mo- 
derne qui  s'appelle  la  fièvre  du  plaisir. 

3°  —  Que  l'on  contienne  les  relations  de  famille  et  de  société  dans  des 
bornes  assez  justes  pour  que  la  communion  et  les  autres  devoirs  de  la  vie 
eucharistique  puissent  être  fréquemment  pratiqués. 


Madame  Béïque,  présidente  de  la  Fédération  Nationale  St- 
Jean-Baptiste,  l'une  des  femmes  d'œuvres  les  mieux  connues 
dans  notre  ville,  parle  ensuite  de  l'apostolat  eucharistique 
de  la  femme  au  foyer. 

L'APOSTOLAT  EUCHARISTIQUE  DE  LA  FEMME 

AU  FOYER 


Aux  hvnines  d'adoration  et  de  louanges  qui  s'élèvent  de  toutes  part* 
pendant  ces  fêtes  eucharistiques,  on  a  cru  qu'il  était  convenable  que  vînt 
se  joindre  un  témoignage  direct  de  foi  et  de  reconnaissanee  fémmin*'?. 
En  effet,  non  seulement  Jésus  est  notre  Sauveur,  celui  (pii  a  racheté  notn- 
âme  au  prix  de  sa  vie,  mais  il  est  \v  pn.teetcur  qui  a  rappelé  au  mondr 
que  nous  étions  comme  l'homme  créées  à  l'image  de  Dieu.     Aucun  <i«« 


—  560  — 

grands  philosophes  de  Tantiquité,  même  ceux  qui  ont  prêché  la  charité 
et  la  commisération  n'avaient  songé  à  traiter  la  femme  en  égale.  Elle 
était  l'éternelle  mineure  quan  elle  n'était  pas  tout-à-fait  l'esclave.  Chez 
la  plupart  des  peuples,  son  abjection  et  sa  misère  étaient  extrêmes,  sur- 
tout quand,  devenue  vieille,  elle  ne  pouvait  plus  épargner  à  l'homme 
toutes  les  fatigues,  ou  se  soumettre  à  tous  ses  caprices.  L'homme  s'arro- 
geant  tous  les  droits  ne  lui  en  reconnaissait  aucun.  Ici  elle  était  vendue 
au  gré  de  la  rapacité  de  sa  famille;  là  elle  devait  monter  sur  le  bûcher 
où  se  consumait  le  corps  de  son  mari;  presque  partout  son  père,  son 
mari,  ses  frères  mêmes  avaient  sur  elle  droit  de  vie  et  de  mort;  toujours 
on  exigeait  d'elle  des  vertus  incompatibles  avec  l'état  d'asservissement 
où  on  la  tenait. 

De  nos  jours  encore,  dans  les  pays  où  la  civilisation  chrétienne  n'a 
pas  pénétré  on  voit  ce  qu'il  est  possible  de  faire  subir  à  un  être  humain 
sans  déroger  aux  usages  établis,  sans  encourir  le  blâme  de  personne. 

Jésus  dans  sa  miséricordieuse  bonté  a  eu  pitié  de  notre  faiblesse  et 
nous  a  mises  à  notre  place  naturelle  qui  est  celle  d'aide  et  de  compagne 
de  l'homme.  Si  le  joug  qui  pesait  sur  nous  a  disparu;  si  les  lois,  grâce 
à  une  lente  infiltration  de  l'esprit  chrétien  s'adoucissent  de  plus  en  plus 
à  notre  égard,  c'est  à  lui  que  nous  le  devons.  Si  notre  cœur  façonné 
par  la  morale  chrétienne  peut  apprécier  à  leur  valeur  le  bien  et  la  vertu  ; 
si  notre  âme  éclairée  par  la  foi  peut  prendre  son  essor  et  rendre  un  libre 
hommage  à  la  toute-puissance  de  Dieu,  c'est  à  lui  aussi  que  nous  devons 
ces  privilèges  précieux  entre  tous. 

Quand  le  Sauveur  en  proie  aux  angoisses  de  sa  passion  semblait  aban- 
donné même  de  son  Père,  quelques  femmes  humbles  et  pauvres  l'entou- 
rèrent jusqu'au  dernier  moment.  Au  jour  de  la  Eésurrection,  elles 
furent  les  premières  au  tombeau,  parce  que  seules  elles  avaient  une  foi 
entière  dans  ses  promesses. 

Les  saintes  femmes  ont  commencé  à  payer  notre  dette  de  reconnais- 
sance; il  nous  appartient  de  les  imiter  et  de  payer  notre  part  de  cette 
dette  sacrée  car  Jésus  est  toujours  avec  nous. 

Il  est  avec  nous,  voilé,  mais  présent;  caché  sous  les  apparences  du 
pain  et  du  vin,  mais  prêt  avec  toute  la  puissance  de  son  amour  pour 
nous,  à  être  notre  guide,  notre  appui,  notre  consolateur.  A  nous  de  for- 
mer une  garde  d'honneur  autour  de  cette  présence  divine  ;  à  nous  de  nous 
faire  les  apôtres  du  culte  spécial  d'adoration  et  de  réparation  qui  lui 
est  dû. 

Soyons  des  habitués  de  sa  maison;  allons  souvent  à  la  table  sainte 
chercher  la  lumière,  la  force,  le  courage  qui  nous  manquent  ;  la  lumière 
qui  nous  montrera  le  vrai  sens  de  la  vie  ;  la  force  qui  nous  maintiendra 
dans  le  droit  chemin;  le  courage  qui  nous  fera  persévérer  jusqu'à  la  fin. 
Nous  avons  près  de  nous  la  source  de  la  grâce,  le  moyen  sûr  d'arriver 
à  Dieu  ;  n'ayons  pas  plus  tard  à  nous  reprocher  de  l'indifférence  ou  de 
la  négligence,  et  ne  laissons  pas  perdre  pour  nous  ou  pour  ceux  qui  nous 
entourent,  le  fruit  de  l'amour  et  des  souffrances  de  Jésus. 

Dieu  a  mis  entre  nous  et  nos  enfants  un  lien  de  sympathie  à  nul  autre 
pareil.  Que  cette  sympathie  nous  serve  à  les  guider  vers  le  bien.  Ces 
jeunes  esprits  qui  nous  sont  confiés,  se  tournent  sans  cesse  vers  nous; 


—  561  — 

pouvons-nous  mieux  répondre  à  cette  confiance  qu'en  leur  inspirant 
l'amour  de  Jésus,  c'est-à-dire  l'amour  de  Celui  qui  est  toute  bonté,  toute 
justice,  toute  perfection  ? 

Et  parce  que  les  conseils  sans  l'exemple  ne  servent  à  rien,  ils  devront 
apprendre  à  prier  en  priant  avec  nous;  ils  devront  apprendre  de  nous 
aussi  à  mettre  le  devoir  au-dessus  de  tout,  à  faire  des  sacrifices  quand 
il  le  faut  pour  remplir  les  obligations  de  la  vie  chrétienne,  à  être  en 
toute  occasion  sincères  et  probes. 

Quand  vient  l'épocpie  de  la  première  communion,  que  ce  grand  acte 
reçoive  toute  la  considération  qu'il  mérite,  et  ne  nous  faisons  pas  illu- 
sion. ISTe  laissons  prendre  aux  yeux  des  enfants,  n'attribuons  nous- 
mêmes  aux  questions  de  costume,  de  cadeaux,  de  cérémonial  que  l'impor- 
tance strictement  nécessaire  et  convenable.  Ce  qui  importe,  c'est  la 
pureté  du  cœur;  c'est  la  résolution  prise  une  fois  pour  toutes  des  con- 
fessions sincères;  c'est  la  volonté  de  servir  Dieu;  c'est  le  désir  de  rece- 
voir Jésus  avec  foi  et  amour  ;  c'est  le  ferme  propos  de  se  corriger  de 
ses  fautes  et  le  sérieux  regret  de  les  avoir  commises. 

Ce  sont  ces  dispositions  qui  attireront  sur  nos  enfants  les  bénédictions 
attachées  à  une  première  communion  bien  faite,  et  seront  une  garantie 
de  leur  conduite  future. 

Une  mère  ne  devrait  pas  avoir  de  peine  à  habituer  ses  jeunes  fille-s 
à  faire  un  usage  fréquent  de  la  communion.  Pour  les  jeunes  gens 
l'exemple  du  père  sera  d'un  secours  inappréciable;  ce  sera  une  raison 
de  plus  pour  que  l'apostolat  de  la  femme  s'exerce  aussi  de  ce  côté  en 
toute  prudence  et  discrétion.  Si  nous  avons  le  zèle  voulu,  qui  pourra 
mieux  que  nous  trouver  le  mot  qui  éclaire  ou  encourage,  l'attention  qui 
touche  le  cœur,  le  moment  opportun? 

Xotre  plus  belle  mission  dans  le  monde  est  d'amener  à  Dieu  ou  -le 
lui  garder  l'âme  de  ceux  qui  nous  sont  proches.  Demandons-lui  chaque 
jour  la  faveur  insigne  d'être  un  instrument  de  salut  pour  nos  parents 
et  nos  amis.  X'oublions  pas  que  pour  rendre  la  vertu  attrayante  il  faut 
la  rendre  aimable;  et  que  des  esprits  tant  soit  peu  mal  disposés,  auront 
assez  naturellement  des  doutes  sur  l'utilité  d'une  dévotion  qui  laisse  libre 
cours  aux  médisances,  aux  suppositions  malveillantes,  au  manque  de 
loyauté,  et  qui  est  surtout  sévère  pour  les  autres. 

Ces  réflexions  se  feront  encore  davantage  en  deliors  de  la  famille,  et 
là  aussi  nous  avons  notre  part  de  responsabilité.  Faisons  donc  de  notre 
mieux  pour  que  l'influence  que  nous  avons  dans  le  cercle  de  nos  rela- 
tions, soit  de  nature  à  faire  respecter  et  honorer  nos  dogmes,  la  morale 
divine  que  Jésus  nous  a  enseignée,  et  les  sacrements  qu'il  a  institués 
pour  venir  en  aide  :\  notre  faibles-se. 

Dans  un  temps  où  on  parle  tant  d'action  sociale,  de  solidarité,  sou- 
venons-nous que  Xotre-Seigneur  Jésus-Christ  a  accompli  la  plus  grande, 
la  plus  belle  action  sociale  qui  se  soit  jamais  faite,  et  cela  parce  «|u'il 
a  eu  pitié  de  toutes  les  misères  et  qu'il  a  eu  soif  des  âmes. 

Si  nous  voulons  avoir  l'honneur  de  coopérer  à  cette  œuvre  qui  pe 
continue  au  cours  des  siècles,  ayons  aussi  un  cœur  plein  de  pitié.     Que 
les  misères  physiques  nous  trouvent  toujours  secourables,  et  ayor 
pitié  des  misères  morales  i»lus  lanu-ntabh^?  encore.  Ayons  pitié  d. 


—  562  — 

glement  des  âmes  qui  vont  à  leur  perte,  parce  qu'il  n'est  pire  tristesse 
que  celle-là,  et  que  nous  connaissons  le  remède  qui  est  la  prière  et  la 
fréquentation  des  sacrements. 

Combien  d'égarements,  combien  d'offenses  à  Dieu  pourraient  être  évi- 
tées si  toutes  les  chrétiennes  étaient  pénétrées  du  sentiment  de  leurs 
responsabilités?  Prenons  donc  en  main  la  cause  de  notre  Maître  qui  est 
la  cause  du  bonheur  et  du  salut  de  tous. 

Nous  avons  toute  raison  d'être  fières  de  notre  foi  qui  a  régénéré  le 
monde,  efforçons-nous  de  la  transmettre  aux  générations  futures  afin 
qu'elle  soit  dans  l'avenir  comme  dans  le  passé  la  force  et  la  sauvegarde 
de  notre  pays. 


Monsieur  le  secrétaire  donne  ensuite  la  parole  à  M.  Charles 
Lamarche,  aumônier  du  pensionnat  de  Villa-Maria. 

PREMIERE  COMMUNION 


(Sérieux  et  Mondanité) 

Mesdames, 

Il  est  un  jour  dans  la  vie  du  chrétien  dont  le  souvenir  doit  demeurer 
à.  jamais  vivace,  c'est  le  jour  de  la  première  communion.  Bien  faite, 
l'expérience  le  prouve,  elle  est  la  base  vraie  de  la  vie  chrétienne,  la 
meilleure  préparation  à  la  fidélité  future,  et  sans  trop  exagérer,  on  a  pu 
dire:  c'est  ce  jour-là  que  l'enfant  signe  son  éternité. 

L'impression  que  ce  jour  laisse  dans  une  âme  ne  doit  pas  être  celle 
d'une  fête  profane  et  mondaine,  ce  doit  être  un  souvenir  tout  embaumé 
du  passage  de  Dieu  et  de  ses  premiers  embrassements.  Il  faut  pour  cela 
que  Jésus-Christ  en  soit  le  centre  et  l'objectif,  que  sa  douce  figure  y 
domine,  et  que  la  petite  âme  toute  blanche  qui  le  reçoit  place  dans  son 
estime  la  frêle  hostie  au-dessus  de  tous  les  trésors  de  ce  monde,  au-dessus 
surtout  de  tous  les  hochets  de  la  vanité. 

L'Eucharistie,  réalité  toujours  féconde,  mais  aussi  mystère  de  foi,  ne 
produira  pas  tous  ses  fruits,  et,  en  particulier,  l'impression  profonde  et 
salutaire  qu'on  a  le  droit  d'en  attendre,  si  l'âme  de  l'enfant  est  distraite, 
dissipée,  partagée  par  mille  mesquines  préoccupations  étrangères. 

Pour  assurer  ces  fruits,  produire  cette  impression  durable,  1°  Que 
faut-il  faire?  2°  Que  faut-il  éviter? 

QUE  FAUT-IL  FAIRE  ? 

TRÉPARER  l'enfant. 

Il  faut  préparer  l'enfant  à  sa  première  communion,  non  seulement  les 
quelques  jours  ou  les  quelques  semaines  qui  la  précèdent  immédiatement, 
mais  longtemps  à  l'avance. 


—  563  — 

Pour  toute  chose  ici-bas,  il  faut  le  temps.  La  nature  ne  procède  pas 
par  bonds.     Toute  croissance  est  successive  et  comme  graduée. 

Ainsi  en  est-il  dans  le  monde  surnaturel.  Le  travail  ordinaire  de  la 
grâce  se  fait  par  une  série  d'invites,  d'appels,  de  secours  de  la  part  de 
Dieu,  et  de  réponses,  d'efforts,  de  coopération  du  côté  de  l'âme.  Pour 
cela,  le  temps  est  nécessaire.  C'est  dire  que  l'enfant  doit  voir  venir  peu 
à  peu  le  grand  jour  et  s'y  préparer  de  loin  par  une  série  d'études,  de 
prières  et  d'efforts  vertueujx  conformes  à  son  âge. 

A  l'école  et  à  l'église,  les  maîtres,  les  maîtresses,  le  ministre  de  Dieu 
doivent  l'entourer  de  soins  intelligents,  mais  il  faut  qu'ils  soient  secondés 
par  les  parents,  par  la  mère  surtout.  Il  faut  que  chacun  de  concert 
s'applique  à  édifier  l'enfant  et  à  lui  inspirer  l'amour  et  le  respect  de 
l'auguste  Sacrement  qu'il  va  recevoir. 

"  C'est  une  grande  année,  peut-on  lui  dire,  que  celle  qui  va  voir  la  pre- 
mière rencontre  de  votre  âme  avec  Dieu.  Le  Roi  du  ciel  va  vous  visiter, 
vous,  faible  enfant.  Des  grâces  abondantes  se  préparent,  ce  jour-là,  le 
ciel  ne  pourra  rien  vous  refuser.  Pensez-y  bien.  C'est  beau  et  touchant, 
en  même  temps  c'est  redoutable.  Les  dons  de  Dieu  sont  des  faveurs, 
mais  aussi  des  responsabilités." 

Et  que  d'autres  propos  édifiants  la  foi  et  l'amour  savent  suggérer! 

Et  ces  bonnes  paroles  venant  parfois  d'une  personne  en  visite  ou  que 
l'enfant  rencontre  accidentellement  vont  droit  à  son  cœur.  "  Il  s'agit 
donc  d'une  bien  grande  action,  se  dira-t-il,  puisque  chacun  s'y  intéresse." 

Les  esprits  les  plus  éminents  n'ont  pas  dédaigné  cet  humble  apostolat. 
Louis  Veuillot,  écrivant  un  jour  à  la  toute  petite  fille  d'un  de  ses  amis, 
lui  disait:  "  Il  y  a  quelqu'un  qui  vous  demande  l'hospitalité  dans  votre 
cœur.  Et  ce  quelqu'un  savez-vous  qui  c"est?  C'est  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ  lui-même.  Il  est  là,  il  frappe,  il  demande  à  entrer.  0 
chère  enfant,  hâtez-vous  de  lui  ouvrir.  Mettez  dans  votre  cœur  tout 
ce  qui  peut  lui  plaire:  l'obéissance,  la  simplicité,  la  complaisance  pour 
vos  sœurs.  Et  alors  vous  serez  heureuse,  parce  que  Jésus  vous  aimera 
et  restera  toujours  avec  vous." 

Voilà  comment  on  parle  quand  on  est  chrétien  et  qu'on  aime. 

CORRECTION   DES   DÉFAUTS. 

"  Mettez  dans  votre  cœur  tout  ce  qui  peut  plaire  ù  Jésus,"  disait 
Louis  Veuillot.  On  a  bien  le  droit  d'ajouter:  arrachez-en  tout  ce  qui 
peut  lui  déplaire. 

Chère  petite  âme  de  l'enfant,  terre  féconde  et  pleine  de  promesse  mais 

oii  déjà   l'ivraie   des   défauts   perce   en   mille   endroits! Il  est  déjà 

orgueilleux,  égoïste,  gourmand,  dissimulé.  C'est  un  petit  potentat  au 
foyer,  c'est  une  petite  reine  assise  sur  son  trône  de  nuages  ou  de  den- 
telles' qu'on  entoure,  qu'on  choie,  qu'on  gâte. 

Ah  !  mères  aveugles,  à  quoi  pensez-vous  donc,  vous  qui  assistez  ré- 
signées et  béates  à  cette  redoutable  éclosion  de  défauts  dans  l'àme  des 
petits  êtres  que  Dieu  vous  a  confiés?...  En  vérité,  il  vous  demandera 
compte  du  sang  de  leurs  âmes. 


—  564  — 

"  Que  son  maître,  sa  maîtresse,  son  chapelain  corrigent  mon  enfant, 
dit-on,  moi  je  n'y  pnis  rien." 

A  vous  d'abord.  Mesdames,  la  tâche.  Personne  ne  touche  de  plus 
près  votre  enfant  que  vous-même.  Et  c'est  surtout  à  l'époque  de  la 
préparation  à  la  première  communion  que  vous  devez  livrer  cette  ba- 
taille contre  ses  défauts. 

Les  enfants  voient  généralement  venir  avec  joie  leur  première  com- 
munion et  ont  à  cœur  de  s'y  bien  préparer.  Seulement  ils  sont  légers, 
oublieux  et  se  laissent  glisser  sur  la  pente  d'une  nature  de  bonne  heure 
inclinée  au  mal.  Au  père,  à  la  mère  surtout,  de  les  reprendre  et  de  les 
avertir  :  "  Tu  ne  m'as  pas  dit  la  vérité,  tu  t'es  fâché,  tu  as  été  avec  de 
mauvaises  compagnies.  A  quoi  penses-tu  donc?  un  enfant  qui  va  faire 
sa  pi-emière  communion  ! . . .  Tu  ne  demandes  donc  pas  au  bon  Dieu  de 
te  préparer  à  cette  grande  action  ?  Demain,  nous  irons  à  l'église,  à  Bon- 
secours,  ou  à  i^otre-Dame  de  Lourdes  pour  prier  Dieu  de  t'aider  à  te 
corriger  de  tes  défauts." 

MORTIFICATION. 

Ah  !  si  de  plus  vous  pouviez  amener  votre  enfant  à  faire  quelques 
petites  mortifications  volontaires,  puisque  le  sacrifice  demeure  pour 
tous  la  loi  austère,  mais  inévitable  du  progrès  ! 

Touchante  pratique  et  inspirée  par  l'amour  de  Jésus-Christ  et  des 
âmes  que  celle  qu'on  m'a  racontée  d'un  certain  vicaire  de  paroisse.  Dès 
l'ouverture  des  catéchismes,  il  remettait  aux  enfants  une  petite  quantité 
de  grains  de  blé  en  priant  chacun  d'eux  de  déposer  dans  un  tronc  spécial 
autant  de  grains  qu'il  aurait  fait  d'actes  de  renoncement,  d'obéissance, 
de  silence,  en  un  mot,  de  mortifications  proportionnées  à  son  âge.  Et 
à  la  fin  de  la  saison,  ces  blés  d'or,  glorieux  trophées,  conquis  au  prix 
des  efforts  intimes  et  des  sacrifices  cachés  de  ces  âmes  d'enfants  étaient 
réduits  en  farine  et  devenaient  l'hostie  blanche  et  pure  que  chaque  petit 
communiant  allait  recevoir  à  la  Table  Sainte. 


CONFESSION. 

Parmi  les  actes  préparatoires  à  la  première  communion,  la  confession 
occupe  la  place  principale.  Pauvre  enfant  inexpérimenté,  exposé  à 
toutes  sortes  de  troubles  et  d'illusions,  qui  refuserait  de  l'aider  dans  le 
noble  labeur  de  la  confession? 

Assurément  le  confesseur,  les  maîtres  et  les  maîtresses  auront  à  cœur 
de  lui  faciliter  la  tâche.  Mais  la  mère  n'a  pas  le  droit  de  se  désinté- 
resser de  son  enfant.  Elle  l'exhortera  à  la  sincérité,  à  la  confiance  et 
lui  fera  remarquer  tels  manquements  à  déclarer  sur  lesquels  sa  vigilance 
maternelle  ne  l'aura  point  trompée. 

Lorsque  dans  une  paroisse  il  y  a  des  centaines  d'enfants,  le  prêtre  le 
plus  zélé  a  besoin  du  concours  des  parents,  et,  j'ajoute,  de  toutes  les 
bonnes  volontés. 

D'ailleurs_,  Mesdames,  l'amour  que  vous  avez  pour  ces  chers  petits  êtres 


—  565  — 

vous  pressera  de  leur  assurer  la  grâce  insi.sfne  d'une  bonne  première 
communion  au  prix  de  tous  les  soins  et  de  tous  les  efforts. 

Il  s'agit  donc,  pour  assurer  à  vos  enfants  une  première  communion 
fervente,  de  les  préparer  sérieusement  à  ce  grand  acte.  Qu'ils  ne  se 
trouvent  pas  transportés  à  la  Table  Sainte  sans  avoir  vu  venir  et  déliré 
cette  faveur  céleste  ;  qu'ils  l'aient  méritée  par  des  efforts  constants  en 
se  corrigeant  de  leurs  défauts  et  en  s'exerçant  aux  vertus  que  le  Cœur 
de  Jésus  aime  à  trouver  chez  ceux  qu'il  daigne  visiter. 

Et  pour  cela,  mères  chrétiennes,  on  demande  votre  concours,  on  vous 
invite  à  entretenir  autour  de  vos  enfants  une  atmosphère  édifiante  de 
prière  et  de  vie  chrétienne,  et  d'orienter  toutes  leurs  énergies  naissantes 
vers  le  grand  jour  de  la  visite  de  leur  Dieu.  Votre  esprit  de  foi,  votre 
amour  pour  eux  et  les  vœux  que  vous  formez  pour  leur  bonheur  vous 
pressent  de  vous  rendre  à  notre  invitation. 


II 
Mondanités. 

Quel  malheur  si,  après  de  longs  et  louables  efforts,  on  en  venait  à 
tout  compromettre  et  à  tout  gâter  lorsqu'est  venu  le  grand  jour! 

Ce  qui  arriverait  si  on  remplaçait  dans  la  pensée  de  Tenfant  l'évé- 
nement principal  par  les  circonstances  accessoires,  la  visite  de  Dieu  par 
les  préoccupations  de  la  toilette,  de  cadeaux,  par  les  gâteries  païennes 
dont  on  l'entourerait. 

A  toutes  les  époques,  l'Eglise  a  dû  se  prémunir  contre  les  infiltrations 
de  l'esprit  mondain.  Aujourd'hui,  il  y  a  un  véritable  renouveau  de  pa- 
ganisme dans  la  société,  surtout  dans  les  grandes  villes,  et  celles-ci 
étendent  dans  les  campagnes  leur  dangereuse  influence. 

Cet  esprit  se  glisse  jusque  dans  les  grands  actes  relisfieux  —  baptêmes, 
mariages,  cérémonies  funèbres.  Les  préoccupations  mondaines  les  pé- 
nètrent comme  s'il  ne  s'agissait  point  là  des  éternelles  destinées  de 
l'homme.  Et  il  semble  qu'on  veuille  faire  à  Dieu,  à  sa  grâce,  au  sur- 
naturel une  place  toujours  plus  étroite,  cependant  que  les  petites  et  les 
grandes  passions  humaines  s'affichent  et  s'emparent  du  terrain. 

La  première  communion  elle-même  n'échappe  pas  à  ce  courant  de 
formalisme  mondain,  de  vanité  mesquine  ou  de  rivalité  inavouable.  L'an 
passé  dans  une  grande  capitale,  des  industriels,  qui  semblent  vraiment 
deviner  les  dégradations  du  sentiment  public,  ont  imaginé  un  "  Sou- 
venir "  de  première  communion.  Edité  avec  luxe,  sur  beau  papier,  en 
gravure  fine,  ce  "  mémento  "  se  compose  d'une  double  page.  A  la  pre- 
mière, un  encadrement  pour  recevoir  la  photographie  de  l'enfant.  liien 
du  reste,  pas  un  emblème  religieux,  pas  une  banderolle  qui  rappelle  la 
destination  de  cette  image.  Seul  le  mot  "  Première  Communion  "  la 
réserve  à  cet  effet  et  atteste  la  volonté  d'en  déchristianiser  le  caractère.  A 
l'intérieur,  le  menu  du  dîner  qui  suit  la  messe.  C'est  tout.  Telle  est 
la  mode,  et  de  bons  catholiques  ont  la  faiblesse  de  s'y  laisser  prendre. 


—  566  — 

Et  je  n'ai  pas  oublié  telle  mère  de  famille  à  qui  l'on  avait  remis  sa 
jeune  enfant  encore  tout  illuminée  de  la  grâce  de  sa  première  communion 
reçue  le  matin  et  qui  le  soir  la  conduisait  au  théâtre  en  disant  :  "  C'est 
un  jour  de  fête  et  dans  mon  monde,  ces  jours-là  on  va  au  théâtre! 

Dans  le  beau  roman  de  M.  René  Bazin,  ''  La  Barrière  "  il  y  a  une 
scène  poignante.  Félicien  Limerel  vient  de  renoncer  à  son  amour, 
parce  qu'il  se  sent  indigne  d'une  chrétienne.  Il  a  perdu  la  foi  et  se  sent 
désespéré.  Il  éclate  en  reproches  contre  la  mauvaise  éducation  religieuse 
qu'il  a  reçue  des  siens. 

"  Et  ta  première  communion,  objecte  le  père,  si  magnifique  et  si  solen- 
nelle !  "  Hélas,  c'est  cette  solennité  profane  elle-même  qui  l'a  distrait 
des  grâces  du  sacrement,  et  Félicien  redouble  d'amertume  :  "  Au  lieu 
d'être  l'enfant  recueilli,  continue-t-il,  autour  duquel  toute  la  maison  se 
resserre,  j'ai  été  la  petite  idole  étourdie  de  visites  et  de  cadeaux,  bourrée 
de  bonbons,  flattée  par  toutes  les  mains,  embrassée  par  tous  les  péchés 
du  monde." 

Cette  peinture  est  bien  vécue  et  n'a  rien  d'exagéré,  si  l'on  tient  compte 
des  différences  de  condition  et  de  fortune.  Quoiqu'il  en  soit,  il  est  cer- 
tain que  le  mal  pénètre  partout.  Monseigneur  l'Archevêque,  depuis 
plusieurs  années  a  jeté  le  cri  d'alarme.  C'est  sur  son  désir  formel  que 
le  sujet  traité  présentement  devant  vous  a  été  mis  à  l'étude,  et  lui-même 
ne  manque  jamais  l'occasion  d'inviter  son  peuple  à  revenir  à  plus  de 
simplicité  et  à  plus  d'esprit  de  foi. 

ABUS  DES  TOILETTES. 

Une  des  exagérations  à  combattre,  c'est  le  souci  de  la  toilette  de 
l'enfant. 

Comme  nos  pères,  avec  leur  sens  traditionnel  exquis  et  si  chrétien, 
avaient  sagement  résolu  cette  question:  le  petit  habit  noir  tout  simple 
et  la  modeste  robe  blanche  !  Aujourd'hui,  il  faut  la  riche  étoffe,  la  coupe 
impeccable,  les  broderies  à  jour,  les  rubans  de  satin  aux  proportions 
démesurées.  Comme  résultat,  dans  tout  cet  attirail  prétentieux,  des 
enfants  qui  rougissent  de  plaisir,  qui  regardent  les  souliers  plus  modestes 
du  voisin  ou  lé  voile  plus  simple  de  la  petite  compagne  ;  et  des  mères  qui 
triomphent  de  rivales  jalouses  et  chagrines. 

Pauvres  enfants,  pauvres  mères,  comme  vous  choisissez  mal  votre  jour 
pour  nourrir  votre  vanité  et  écraser  vos  rivales  ! . .  .  C'est  le  jour  de  Dieu, 
de  l'âme^  de  la  grâce,  de  l'humilité,  et  vous  en  faites  une  proie  d'or- 
gueil !. . . 

Et  si  ces  enfants  en  qui  la  vanité  a  été  éveillée  par  l'imprudence  des 
mères,  se  sentent  surpassés,  ils  sont  malheureux.  Cette  journée,  qui 
devait  être  une  journée  de  bonheur,  devient  pour  eux  un  jour  de  tris- 
tesse, d'amertume  et  d'intime  révolte. 

C'est  bien  à  pareil  jour  pourtant  que  toutes  les  inégalités  de  situation 
devraient  disparaître  le  plus  possible:  l'enfant  moins  fortuné  devrait 
sentir  qu'il  est  devant  Dieu  comme  les  autres  ;  l'enfant  plus  fortuné  qu'il 
n'est  pas  plus  que  les  autres  :  tous  les  deux  n'auraient  ainsi  d'autres  pré- 
occupations que  de  bien  recevoir  celui  qui  vient. 


—  567  — 

Et  les  pères  de  famille  ne  s'en  plaindraient  pas,  eux  qui  tremblent 
d'avance  pour  leur  budget,  eux  qui  voient  venir  avec  effroi  l'époque  des 
premières  communions.  Autrefois  ce  père  en  était  si  heureux.  Une 
triste  expérience  lui  a  montré  qu'elle  est  une  lourde  charge  pour  le 
budget  familial,  car  il  y  a  encore  les  cadeaux. 

CADEAUX. 

On  se  contentait  jadis  d'une  jolie  image  dont  le  s\Tnbolisme  rappelait 
le  divin  banquet  et  les  serments  de  fidélité.  On  y  ajoutait  un  bon  et 
solide  chapelet  destiné  à  un  usage  quotidien  et  pratique,  un  paroissien 
simple,  mais  assez  complet  où  l'enfant  trouvait  les  offices  des  dimanches 
et  des  fêtes,  ou  encore  un  modeste  crucifix  qu'on  pouvait  porter  et  dont 
la  vue  seule  était  réconfortante.  Au  lieu  de  cela,  aujourd'hui,  nous 
voyons  trop  souvent  les  parents  et  les  amis,  esclaves  de  la  mode,  ou 
encore  pour  ne  pas  humilier  le  petit  communiant,  au  parloir,  au  milieu 
de  compagnons  chargés  de  cadeaux,  tomber  dans  de  véritables  exagé- 
rations. 

Autour  de  l'enfant  ébahi  s'entassent  des  objets  profanes  ou  de  pré- 
tendus objets  de  piété  choisis  sans  goût  ou  sans  utilité  pratique,  pièces 
d'ofèvrerie,  montres,  volumes  à  la  mode  à  fine  reliure,  toutes  choses  qui 
peuvent  bien  éveiller  le  goût  du  luxe  et  de  la  frivolité  mais  ne  portent 
pas  à  la  piété  ni  à  l'amour  de  Dieu. 

Pendant  qu'on  prêche  aux  enfants  les  grandeurs  de  l'Eucharistie, 
leur  imagination  de  dix  ans  voyage  et  se  demande  ce  qu'on  va  leur  on- 
voyer.  Et  plus  tard,  lorsqu'ils  se  rappelleront  la  date  du  grand  jour, 
ils  se  diront:  C'est  le  jour  oiî  je  reçus  ma  montre  en  vermeil  ou  mon 
ombrelle  rose. 

"  Monsieur  le  Vicaire,  dit  un  jour  une  dame,  la  veille  de  la  première 
communion,  n'entrerez-vous  pas  voir  les  cadeaux  de  Fernande  ?  "  Et 
Monsieur  le  Vicaire  entra  un  instant.  Il  aperçut  un  guéridon  sur- 
chargé de  bracelets,  de  montres,  de  colliers,  de  boucles  d'oreilles, 
d'épingles,  de  broches;  puis  à  côté  des  Imitations,  des  porte-monnaie, 
des  porte-feuilles:  un  peu  plus  loin  sur  une  table,  une  demi-douzaine 
de  bénitiers,  un  assortiment  de  médailles,  de  chapelets,  de  cadres  en  pe- 
luche et  en  bois  sculpté.  Au  milieu  de  ce  bazar.  Fernande  évoluait,  ivre 
de  vanité,  montrant  les  cartes  de  visite:  "Il  y  a  quarante-sept  cadeaux, 
disait-elle.  —  Vous  êtes  bien  contente,  mon  enfant,  dit  le  prêtre.  —  Oh  ! 
oui.  j'ai  trois  cadeaux  de  plus  que  ma  petite  cousine." 

Et  le  prêtre  s'en  alla  triste.  Pendant  deux  ou  trois  ans,  il  travaillait 
à  préparer  ces  jeunes  âmes  au  grand  jour,  et  voilà  ce  que  IVsprit  jnnn- 
dain,  avec  quelques  miroitements  d'or  et  de  nacre,  faisait  de  ses  travaux. 
Il  arriva  ainsi,  sans  y  penser,  devant  la  demeure  d'une  autre  aspiranto. 
fille  d'un  pauvre  artisan.  Il  entra  dans  la  petite  pièce  basse  et  sombre 
et  vit  l'enfant  nui.  grnve.  penchée  sur  la  table,  rcrivait.  S'étant  appro- 
approebé.  il  lut  ce?  liane?  tracées  en  gros  caractères  sur  un  cahier  de 
deux  sous:  "Aujourd'hui,  je  suis  bien  heureuse,  parce  que  demain  je 
vais  recevoir  Jésus." 


—  568  — 

Non,  il  n'est  pas  besoin  de  tant  de  cadeaux  qui  distraient  l'enfant, 
rapetissent  son  âme,  réveillent  des  instincts  de  vanité,  humilient  ceux 
qui  sont  moins  favorisés,  cliargent  le  budget  de  la  famille  et  des  amis 
et  menacent  de  rendre  odieuse  l'époque  des  premières  communions. 

GATERIES. 

Il  faut  encore  épargner  à  l'enfant  les  gâteries  amollissantes,  ne  pas  le 
gaver  honteusement  de  bonbons  et  ne  pas  aller  au-devant  de  tous  ses 
caprices.  Oh  !  l'entourer  de  tendresse  et  de  bonté,  même  de  respect, 
c'est  bien.  Qu'il  comprenne  cependant  que  ces  hommages,  à  pareil  Jour, 
ne  s'adressent  pas  tant  à  sa  petite  personne  qu'à  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ  qui  est  descendu  en  lui. 

Les  saints  ont  ces  sentiments  d'exquise  délicatesse  et  savent  les  Ins- 
pirer. La  grande  éducatrice  qu'était  la  Bienheureuse  Sophie  Barat 
répondait  à  de  nouvelles  communiantes  qui  lui  demandaient  de  l'em- 
brasser :  "  Mais,  mes  chères  petites,  vous  êtes  des  ciboires,  et  je  n'ai  pas 
la  permission  de  toucher  les  vases  sacrés."  Ce  qui  ne  l'empêchait  pas, 
la  pieuse  leçon  une  fois  donnée,  de  se  rendre  maternellement  à  leur  désir. 

Combien  différente  est  la  conduite  de  ceux  qui  entourent  l'enfant  pour 
l'orner,  le  pomponner,  en  font  une  idole  suffisante  et  prétentieuse,  et 
semblent  s'acharner  à  détruire  la  profonde  édification  attachée  à  ce 
grand  jour. 

Vœu  : 

Quel  vœu  formuler  maintenant  sinon  que  tous  les  parents  chrétiens 
surtout  les  mères  de  famille^  se  coalisent  pour  rendre  à  la  première  com- 
munion la  belle  simplicité  qui  fait  toute  sa  grandeur,  simplicité  qui,  du 
reste,  n'exclut  pas  un  certain  apparat.  Que  toutes  les  bonnes  volontés 
s'unissent  dans  ce  but.  Une  personne  seule,  une  famille  seule  hésitera 
à  remonter  le  courant  si  fort  de  la  mode,  mais  lorsque  plusieurs  se  don- 
nent la  main,  la  tâche  devient  facile.  On  ne  détruit  pas  une  coutume 
en  un  jour,  mais  qu'on  retranche  chaque  année  quelque  chose  de  ces 
exagérations  et  l'on  aura  bientôt  rendu  son  caractère  à  un  jour  qui  doit 
être  une  fête  du  ciel,  un  jour  de  prière  et  de  recueillement. 

Oh!  que  l'habit  de  l'enfant  soit  bien  propre,  le  ruban  attaché  à  son 
bras  bien  blanc,  que  la  robe  et  le  voile  de  la  petite  communiante  imma- 
culés, parlent  d'innocence  et  de  pureté,  mais  que  toute  recherche 
mondaine  en  soit  bannie.  Les  pères  s'en  féliciteront,  le  budget  familial 
en  sera  allégé,  le  recueillement  y  gagnera  et  assurera  les  fruits  de  ce 
grand  jour. 

Si  l'on  peut  disposer  de  quelque  argent,  qu'on  le  réserve  pour  donner 
à  l'enfant  un  livre  ou  un  objet  de  piété  durable  et  de  bon  goût,  ou  pour 
lui  fournir  l'occasion  de  faire  une  aumône  à  un  pauvre,  à  une  Œuvre  de 
charité  ou  de  piété,  afin  que  le  souvenir  de  cette  bonne  action  embaume 
tout  ce  jour  et  affermisse  dans  son  cœur  l'amour  de  Celui  qui  est  venu 
s'y  asseoir  comme  sur  un  trône  et  qui  désire  y  régner  à  jamais. 


—  569  — 
M.  le  secrétaire  présente  alors  Madame  Faustin. 

Déléguée  de  la  Ligue  p.itrioiique  des  Françaises,  Mnie 
Faustin  explique  que  la  Ligue  est  née  du  besoin  d'opposer  à 
la  coalition  antichrétienne  la  coalition  chrétienne.  La  Ligue 
fait  de  l'association  la  condition  même  de  son  existence  : 
elle  ne  compte  pas  moins  de  800  comités  et  400,000  adhéren- 
tes, chpz  lesquelles  elle  a  allumé  la  flamme  d'un  magniH(|ue 
et  très  fructueux  apostolat. 


J'ai  parlé  de  la  flamme  de  l'apostolat  allumé  dans  notre  élite:  il  faut 
que  je  dise  maintenant  oii  s'allume  cette  flamme. 

Or,  elle  s'allume  dans  les  Congrès,  soit  généraux  (deux  par  an),  soit 
régionnaux,  soit  départementaux,  et  si  je  m'en  rapporte  à  le  dernière 
statistique,  leur  nombre  a  été  cette  année  de  quinze.  Elle  s'allume  la 
flamme  apostolique,  dans  les  réunions  mensuelles  obligatoires  pour  les 
dizainières;  réunions  qui  s'ouvrent  par  une  causerie  destinée  à  faire  la 
lumière  dans  les  intelligences  sur  des  questions  d'actualité;  réunion  qui 
se  termine  par  l'exposé  des  résultats  obtenus,  des  difficultés  rencontrées, 
des  objections  entendues  par  chacune.  Et  mettant  là,  en  commun  leurs 
pensées,  leurs  espérances,  leurs  craintes  ;  se  soutenant,  s'éclairant,  se  con- 
seillant, apprenant  à  s'aimer,  les  dizainières  font  circuler  dans  les  Co- 
mités le  sang  d'une  ardeur  toujours  renouvelée. 

Elle  s'allume  la  flamme  apostolique  dans  les  retraites  fermées  qui, 
cette  année  ont  été  au  nombre  de  vingt-sept.  Qu'en  dirai-je?  sinon 
qu'elles  sont  les  véritables  écoles  d'apostolat,  qu'on  s'y  hausse  l'âme  dans 
la  méditation  et  la  prière,  et  qu'on  y  prend,  sous  l'influence  de  la  grâce 
divine,  les  nobles  résolutions  de  toute  une  année. 

Elle  s'allume,  la  flamme  apostolique,  auprès  du  Cœur  de  Jésus  dans 
son  sacrement  d'amour.  J'étais  impatiente  de  vous  en  parler  ;  oui,  dans 
un  Congrès  comme  celui-ci,  où  tous  les  hommages  remontent  vers  l'Eu- 
charistie, j'avais  hâte  de  vous  dire  que.  la  force  et  le  dévouement,  nos 
apôtres  les  puisent  dans  la  Communion  fréquente.  Selon  l'expression 
de  l'une  d'elles,  il  faut  pour  donner  Dieu  aux  autres,  le  posséder  poi- 
même. 

Mademoiselle  Frossard,  notre  Sécrétai re-Cénéralo.  le  si.L'nalait  déjà  à 
Cologne  lorsqu'elle  montrait  que  c'était  par  l'Eucharistie  que  notre  é'ite 
avait  été  poussée  à  l'action.  Elle  disait  que,  point  de  départ  pour  les 
unes,  la  Communion  était  pour  les  autres,  point  d'arrivée:  elle  disait  que 
la  Ligue,  à  travers  toutes  ses  œuvres,  ne  perdait  jamais  de  vue  '••■"  ^  "♦ 
d'augmenter  le  nombre  des  fervents  de  rEuchari-^tie.  et  elle  v 
en  terminant  le  vœu  suivant  : 

Que  tous  les  Comités  de  la  Ligue  Patriotique  des  Fran.,'ais.^-.  -:  ' 

avec  le  clergé,  s'emploient  à  rendm  plus  solennelles  les  fêtes  ou.,,.i,,r.- 


—  5:o  — 

tiques,  à  accroître  le  nombre  des  fervents  de  l'Eucharistie,  des  zélatrices 
pour  les  Confréries  du  Saint-Sacrement  et,  l'établissement,  là  où  elle 
n'existe  pas,  de  la  dévotion  du  premier  vendredi  du  mois. 

Reprise  au  Congrès  général  de  la  Ligue  à  Lourdes,  au  mois  d'octobre 
1909,  cette  pieuse  idée  a  fait  son  chemin,  et  le  culte  de  l'Eucharistie 
s'augmente  dans  les  Comités  sous  toutes  les  formes  possibles.  C'est 
dans  le  Saint  Sacrifice  de  la  Messe,  c'est  dans  les  visites  au  Saint  Sacre- 
ment, c'est  dans  les  adorations,  que  se  traduit  la  dévotion  des  Ligueuses. 
Je  pourrais  vous  citer  non  seulement  un  grand  nombre  de  villes  mais 
aussi  quantité  de  paroisses  perdues  dans  les  campagnes  où,  maintenant 
I^otre-Seigneur  est  grandement  fêté  chaque  premier  vendredi  du  mois. 
Trois  heures  le  matin,  trois  heures  dans  l'après-midi  le  Saint  Sacrement 
est  exposé  et  les  adorateurs  ne  manquent  pas. 

Spectacle  bien  touchant  et  qui  doit  émouvoir  le  Cœur  du  Maître,  que 
celui  de  ces  femmes  en  costume  de  travail,  venant  témoigner  de  leur 
amour  et  de  leur  foi. 

Productrice  de  bonnes  volontés  la  Ligue  devait  être  amenée  à  fonder 
des  œuvres  dans  lesquelles  s'épanouissent  le  dévouement  de  ses  membres. 
Celle  qui  la  passionne  et  vers  laquelle  tendent  ses  premiers  et  principaux 
efforts,  c'est  celle  de  la  Presse. 

On  lit  beaucoup  en  France  !  Et  les  journaux  répandus  par  les  adver- 
saires de  la  religion  se  comptent  par  millions.  Mais  nous  gagnons  du 
terrain.  Par  ses  conférences  qui  éclairent  (la  Ligue  en  fait  donner  plus 
de  1500  par  année),  par  l'influence  de  ses  dizainières  elle  fait  connaître 
le  danger  des  mauvais  journaux;  par  son  organisation  de  vendeurs,  par 
ses  primes,  ses  tarifs  spéciaux,  elle  arrive  à  diminuer  le  nombre  des 
feuilles  antireligieuses  et  à  augmenter  le  nombre  des  feuilles  catholiques. 

Œuvre  passionnante  aussi  que  celle  des  bibliothèques;  la  jeunesse  veut 
des  rêves  ;  il  faut  lui  en  donner  de  beaux  et  de  nobles  par  des  lectures 
exaltant  la  vertu,  le  devoir,  le  mérite.  Soixante-dix-sept  bibliothèques 
ont  été  fondées  par  la  Ligue.  La  jeunesse  veut  des  rêves,  dis-je,  la  jeu- 
nesse a  aussi  besoin  dans  le  grave  conflit  des  idées,  de  connaître  sa  reli- 
gion afin  de  lui  être  plus  fidèle  et  de  mieux  pouvoir  la  défendre.  C'est 
dans  ce  but  que  se  multiplient  les  œuvres  de  catéchisme  destinées  à  se- 
conder l'action  si  difficile  du  prêtre.  Les  dizainières  de  la  Ligue,  les 
jeunes  filles  s'y  dévouent  dans  49  Comités. 

La  jeunesse  a  la  faveur  de  la  Ligue,  c'est  elle,  en  effet,  qui  sera  la 
France  de  demain.  Pour  la  culture  de  cette  jeunesse,  la  Ligue  a  fondé 
65  patronages,  installé  des  colonies  d'études. 

Pour  la  jeunesse,  pour  les  jeunes  filles  qui  seront  demain  des  épouses 
et  des  mères,  nous  avons  à  Paris  10  caisses  dotales,  douze  œuvres  du 
trousseau  qui  leur  permettent  d'entrer  en  ménage,  de  fonder  une  famille 
à  l'abri  de  la  misère,  et  35  écoles  ménagères  qui  leur  enseignent  comment 
on  rend  agréable  le  foyer  où  doivent  se  plaire  le  mari  et  les  enfants. 

^Vous  en  connaissez  assez;  c'est  moins  une  nomenclature  qu'une  idée 
générale  que  j'ai  prétendu  développer  devant  vous.  J'ai  voulu  vous  dire 
l'esprit  qui  anime  la  Ligue  et  le  but  qu'elle  se  propose.  Pourtant,  avant 
de  terminer,  permettez-moi  de  rendre  ici  un  témoignage  public  de  la  re- 


—  571  — 


connaissance  de  la  Ligue  à  l'égard  du  chef  de  TEglise  et  de  l'Episconat 
français  pour  les  encouragements  et  les  bénédictions  qu'ils  ont  répandu, 
abondamment  sur  la  Ligue.  Certes,  nous  savons  bien  que  sans  eux  no  e 
association  n'eut  pas  vaincu  les  obstacles  de  la  route. 


C  est  M.  1  abbé  Henri  Gauthier,  de  Saint-Sulpice,  qui  de- 
vait parler  ensuite  de  l'œuvre  de  la  protection  de  la  ieune 
fille,  dont  il  s'est  fait,  à  Montréal,  depuis  dix  ou  douze  ans 
1  apôtre  infatigable.  Il  a  cependant  cédé  son  tour  de  parole 
a  Mgr  Muller  Sinionis.  de  Strasbourcr,  l'un  des  membres  du 
comité  central  de  l'Œuvre  de  protection  de  la  jeune  lille. 

L'ŒUVRE  DE  PRESERVATION  DE  LA  JEUNE 

FILLE 


Combien  nécessaire  et  avantageuse  dans  nos  grandes 

villes 

Mesdames, 

A  mon  arrivée  à  Montréal,  à  la  veille  du  Congrès,  M.  (jauthier  m"a 
demandé  de  faire  à  sa  place  le  rapport  sur  la  question  de  VŒuvre  de  pré- 
servation de  la  jeune  fille.  J'aurais  presque  dû  récuser  cette  flatteuse 
marque  de  confiance,  car  M.  Gauthier  connaît  infiniment  mieux  que  moi 
la  condition  de  la  jeune  fille  sur  le  continent  américain.  Mais  j'ai  ren- 
contré pour  la  première  fois  M.  Gauthier  dans  l'église  Notre-Dame,  tel 
un  général  exerçant  ses  troupes  à  la  veille  de  la  bataille.  J'ai  vu  à 
quelle  besogne  surhumaine  il  devait  suffire  et  je  me  suis  dit  que  c'était 
un  devoir  de  charité  de  le  soulager  un  peu.  Vous  excuserez  donc  le 
décousu  de  ce  rapport  improvisé. 

Il  me  semble  qu'en  parlant  dans  un  Congrès  de  la  préservation  de  la 
jeune  fille,  il  y  a  lieu  de  s'occuper  exclusivement  de  la  préservation 
organisée,  c'est-à-dire  de  celle  qui  concerne  la  jeune  fille  dans  les  villes. 
A  la  campagne,  la  préservation  est  l'œuvre  de  la  famille  et  de  la  paroisse 
locale. 

En  parlant  de  la  jeune  fille  dans  les  villes,  nous  nous  occuperons 
d'abord  de  la  jeune  fille  dans  sa  ville  natale,  et  ensuite  de  la  jeune  fille 
venant  du  dehors  en  ville. 

1.  La  jeune  fille  dans  sa  ville  natale.  —  Traitant  ce  sujet  dans  les 
limites  d'un  Congrès  Eucharistique,  il  semble  bien  que  le  genre  de  pro- 
tection qui  doit  nous  intéresser  ici  avant  tout,  est  l'ensemble  des  œuvres 
qui  tend  à  rap[)rocher  la  jeune  fille  de  la  source  la  plus  puissante  de 
notre  vie  religieuse,  de  l'Eucharistie. 


—  572  — 

Dans  cet  ordre  d'idées,  l'œuvre  de  protection  par  excellence,  semble 
être  la  congrégation.  Je  n'ai  pas  à  m'étendre  sur  ce  point.  La  congré- 
gation a  tellement  pénétré  la  vie  chrétienne  qu'il  me  sera  permis 
d'émettre  seulement  un  vœu  :  c'est  que,  dans  les  différentes  régions 
—  diocèses  ou  groupements  de  diocèses  —  les  comités  directeurs  des 
congrégations  tiennent  parfois  des  réunions  générales  pour  étudier  les 
meilleurs  moyens  d'infuser  sans  cesse  une  vie  nouvelle  aux  congréga- 
tions. 

Mais,  Mesdames,  si  le  but  de  ce  rapport  doit  être  de  trouver  le  moyen 
de  rapprocher  la  jeune  fille  de  la  Sainte  Eucharistie,  nous  ne  devons  pas 
oublier  un  seul  instant,  que  nos  eiïorts  ne  s'adressent  pas  à  une  petite 
élite.  Nous  devons  aller  à  toutes  les  jeunes  filles,  chercher  à  les  gagner 
toutes  à  Notre-Seigneur. 

Si  nous  essayons  de  classifier  les  jeunes  filles  des  villes,  nous  rencon- 
trons d'abord  les  deux  groupes  extrêmes  :  d'un  côté,  les  congréganistes 
franchement  pieuses  et  qui  ont  déjà  trouvé  dans  leur  appartenance  à  la 
congrégation  la  plus  forte  protection.  A  l'autre  extrême,  nous  trouvons 
les  pauvres  filles  tombées,  tombées  non  seulement  dans  le  secret  de  leur 
conscience,  mais  encore  extérieurement.  Pour  celles-ci,  ce  n'est  plus  la 
protection,  mais  le  relèvement  qui  entre  en  cause.  Aussi  bien,  ne  les 
ai-je  citées  que  comme  un  des  termes  extrêmes  de  notre  classification. 
Elles  ne  rentrent  pas  dans  notre  thème. 

Mais  entre  la  fille  tombée  et  la  congréganiste,  il  y  a  l'immense  foule 
des  jeunes  filles,  ballottées  de  sens  et  d'autres,  livrées  à  toutes  les  solli- 
citations de  la  vie  réelle,  à  tous  les  dangers  des  passions. 

Selon  les  circonstances,  ces  jeunes  filles  s'orienteront  ou  en  haut,  vers 
le  bien,  ou  en  bas,  vers  le  mal.  C'est  cette  foule  qui  forme  l'objet  de 
notre  sollicitude,  de  notre  protection. 

Pour  cette  foule,  la  congrégation  suffit-elle? 

Avoir  posé  la  question  aujourd'hui  et  y  répondre  par  la  négative,  c'est 
tout  un.  Et  le  motif  en  est  bien  simple.  L'entrée  dans  la  congrégation 
suppose  chez  les  jeunes  filles  un  état  d'esprit,  une  préparation,  dont  sont 
très  éloignées  précisément  celles  qui  ont  le  plus  besoin  de  protection. 
D'un  côté,  elles  se  représentent  la  congrégation  comme  une  réunion 
morose,  une  réunion  de  "  dévotes  "  qui  leur  fait  peur  d'avance.  D'un 
autre  côté,  elles  ne  sont  ni  disposées,  ni  même  peut-être  capables  de 
remplir  les  conditions  qu'une  congrégation  doit  imposer  à  ses  membres. 

Il  faut  donc  imiter  la  nature  et,  disons-le  tout  de  suite,  imiter  nos 
missionnaires,  en  d'autres  termes,  aller  pas  à  pas.  Nos  missionnaires 
commencent  par  gagner  la  confiance  des  païens  en  leur  faisant  du  bien, 
et  leur  donnant  quelques  connaissances  utiles  à  la  vie  terrestre.  Une 
fois  la  confiance  gagnée  commence  le  catéchuménat  avec  ses  longues 
attentes,  ses  marches  en  avant  et  ses  reculs.  Le  baptême  ne  vient  que 
longtemps  après.  Comme  toutes  les  autres,  cette  comparaison  cloche, 
mais  elle  vous  fait  comprendre  mon  idée. 

Ce  qu'il  nous  faut  aujourd'hui  dans  les  villes,  ce  sont  des  œuvres  de 
jeunes  filles  qui  les  groupent  d'abord  en  fournissant  à  celles  qui  n'ont 
plus  de  famille,  ou,  ce  qui  est  parfois  pire  encore,  dont  la  famille  ne  vaut 


—  573  — 

rien,  la  possibilité  de  vivre  honnêtement,  dans  nos  "  foyers,"  dans  nos 
"  homes."'  Mesdames,  ne  vous  y  trompez  pas,  cette  simple  possibilité  de 
vivre  honnêtement  est  déjà  un  bienfait  inappréciable,  le  fondement  de 
tout  le  reste. 

Aux  jeunes  filles  dont  la  famille  est  honnête,  il  faut,  en  respectant  le 
lien  familial,  fournir  la  possibilité  de  distractions  honnêtes,  un  autre 
problème,  un  autre  bienfait  d'une  immense  portée. 

Lorsque  nos  dames,  ou,  mieux  encore,  des  jeunes  filles  déjà  associées 
à  nos  œuvres,  font  de  la  propagande  et  cherchent  à  gagner  de  nouvelles 
recrues,  un  des  grands  obstacles  au  recrutement,  c'est  la  crainte  d'être 
tenues  à  trop  de  "  dévotion."  Aussi  bien,  s'il  est  indispensable  que  tous 
nos  établissements  aient  une  chapelle  ou  tout  au  moins  un  lieu  de  prière, 
il  est  tout  aussi  indispensable  de  n'exiger  à  peu  près  rien  des  "  nou- 
velles." II  faut  qu'elles  viennent  prier  d'elles-mêmes,  doucement 
attirées,  notamment  par  l'exemple,  sans  être  contraintes,  ni  même  direc- 
tement influencées. 

Le  lien  qui  groupera  d'abord  les  nouvelles  arrivantes,  ce  sera  un  avan- 
tage matériel:  une  caisse  d'épargne  sous  une  forme  quelconque,  une 
association  à  caractère  professionnel.  Evidemment,  je  ne  puis  qu'in- 
diquer  ici  l'idée:  car  les  différentes  formes  de  ces  organisations  sont  si 
différentes  de  pays  à  pays;  leurs  rapports  avec  les  grandes  organisations 
professionnelles  et  syndicales  sont  si  variables,  qu'il  est  impossible 
d'entrer  dans  le  détail. 

Mais  n'oublions-nous  pas  notre  but,  Jésus-Christ?     Aucunement. 

Dans  ces  organisations  où  nous  commençons  par  n'exiger  à  peu  près 
que  l'honnêteté  humaine,  introduisons  certaines  pratiques  religieuses, 
absolument  libres  —  réunions  de  chapelle  assez  espacées  —  communions, 
non  pas  générales  mais  collectives.  Il  y  viendra  un  certain  nombre  de 
jeunes  filles.  Voilà  de  la  graine  de  congréganistes.  Le  tout  est  de  la 
laisser  germer  et  pousser  à  son  heure. 

Ainsi,  Mesdames,  en  procédant  pas  à  pas,  vous  préserverez  des  chutes 
irrémédiables  un  très  grand  nombre  de  jeunes  filles.  Vous  amènerez  à 
une  vie  chrétienne  normale  la  majorité  des  protégées,  et  enfin  vous  ga- 
gnerez à  une  vie  particulièrement  pieuse,  une  élite. 

Seulement,  il  faut  éviter  quelques  écueils.  Il  ne  faut  pas  qu'on  s'en- 
nuie dans  vos  œuvres.  Ce  résultat  n'est  pas  facile  à  atteindre.  Il  ne 
faut  pas  non  plus,  qu'en  protégeant  la  pureté  des  jeunes  filles  on  en 
arrive  involontairement  à  les  considérer  comme  destinées  au  célibat 

Il  y  a  relativement  au  mariage  de  nos  jeunes  protégées  et  à  ses  préli- 
minaires inévitables,  toute  une  politique,  tout  un  art,  fort  difficiles, 
mais  qu'il  faut  apprendre,  sous  peine  de  voir  nos  efforts  échouer  et  nos 
œuvres  faire  faillite,  précisément  au  tournant  le  plus  important  dans 
la  vie  de  nos  jeunes  filles.  J'ai  ressenti  une  joie  profonde  en  rencontrani 
à  l'œuvre  du  Foyer,  ici  même,  deux  jeunes  filles  qui  se  préparent  a  y 
célébrer  leurs  noces  dans  le  courant  de  ce  mois,  après  y  avoir  conclu 
leurs  fiançailles.     Un  vigoureux  bravo  ! 

Enfin,  il  faut  éviter  que  nos  œuvres  et  nos  congrégations  de  yn/n^.* 
filles  ne  finissent  par  être  des  réunions  de  vieilles  filles.     Lu  d  autre. 


—  574  — 

termes,  il  faut  franchement  savoir,  à  un  âge  déterminé,  faire  passer  nos 
protégées  dans  les  organisations  ordinaires  destinées  aux  femmes.  Ceci 
est  un  point  essentiel,  car  si  la  jeune  fille  accepte  bien  une  patronn&sse 
officielle  plus  âgée  qu'elle,  il  lui  répugne  d'avoir  pour  soit-disant  com- 
pagnes, en  réalité  pour  tutrices,  souvent  désagréables,  d'autres  "  jeunes 
filles  "  de  son  milieu  social,  qui  sont  restées  dans  l'œuvre,  quoiqu'elles 
n'aient  plus  besoin  d'être  protégées,  qui  ont  perdu  les  illusions  de  la 
jeunesse  et  qui  s'arrogent  le  rôle  de  patronnesses  surnuméraires. 

II.  La  jeune  fille  venant  du  dehors.  — •  Je   vous    ai    parlé   beaucoup' 
trop  longtemps  des  jeunes  filles  dans  leur  ville  natale.     J'en  arrive  aux 
jeunes  filles  qui,  du  dehors,  viennent  dans  la  ville. 

Hélas,  pour  celles-ci,  il  faut  l'avouer,  nous  autres  catholiques,  nous 
nous  sommes  laissés  devancer  de  20  ans  par  nos  frères  séparés. 

Mesdames,  la  situation  de  la  jeune  fille  venant  du  dehors,  est  encore 
dans  beaucoup  de  pays,  déplorable.  Parents  et  jeunes  filles  de  la  cam- 
pagne acceptent  des  places  au  loin,  sans  aucun  renseignement  sérieux. 
Souvent,  la  jeune  fille  vient  à  la  ville  sans  aucune  place,  sans  aucune  re- 
commandation pour  une  œuvre  quelconque.  Et  comment  lui  donne- 
rait-on cette  recommandation,  si  on  ne  connaît  pas  les  œuvres?  Aussi 
bien,  ces  nouvelles  venues  sont-elles  une  proie  facile  pour  les  agents  du 
vice.  Ce  sont  elles  qui  fournissent  leur  triste  clientèle  aux  mauvaises 
maisons  ;  ce  sont  elles  que  nous  retrouvons  brisées  et  perdues  dans  les 
lits  des  hôpitaux. 

D'autres  se  perdent  en  route,  n'ayant  personne  qui  vienne  à  leur  ren- 
contre aux  gares  ou  aux  ports.  Mais  Dieu  merci,  la  situation  a  changé, 
et  si  les  protestants  nous  ont  donné  l'exemple,  nous  l'avons  courageu- 
sement suivi. 

Depuis  1897,  une  immense  organisation,  V Association  catholique  in- 
ternationale des  œuvres  de  protection  de  la  jeune  fille  étend  son  action 
sur  le  monde  entier.  Encouragée  par  Léon  XIII,  solennellement 
approuvée  par  Pie  X,  l'association  cherche,  de  son  siège  central  à  Fri- 
bourg,  Suisse,  à  protéger  partout  la  jeune  fille  qui  doit  quitter  son  foyer. 

Elle  cherche  à  la  protéger  avant  son  départ,  par  des  avis  partout  ré- 
pandus, par  un  réseau  mondial  de  secrétariats  où  l'on  peut  se  renseigner 
sur  toutes  les  places  offertes. 

Elle  cherche  à  la  protéger  pendant  son  voyage  en  créant  partout,  dans 
les  grands  centres,  des  œuvres  d'arrivantes  qui  vont  chercher  les  jeunes 
filles  aux  gares,  dans  les  bateaux. 

Pour  y  arriver,  elle  se  met  en  relation  avec  tous  les  établissements, 
toutes  les  sociétés  catholiques  qui,  dans  le  monde  entier,  s'occupent  de 
la  jeune  fille  ;  elle  leur  demande  leur  appui,  et  en  dresse  une  liste  qui 
paraît  sous  une  double  forme.  C'est  d'abord  l'annuaire  destiné  aux 
œuvres  et  aux  correspondantes,  contenant  toutes  les  adresses  de  nos 
associées  dans  le  monde  entier.  C'est  ensuite,  sous  un  format  plus  res- 
treint, le  guide  qui  est  destiné  aux  jeunes  voyageuses. 

L'asRor-iation  cherche  à  créer  dans  chaque  diocèse,  un  comité  diocésain 
chargé  du  travail  de  détail  dans  les  paroisses.  La  question  de  savoir  si 
les  comités  diocésains  se  groupent  à  leur  tour  en  une  organiation  régio- 


0^0 


nale,  et  si  ces  organisations  régionales  ont  à  leur  tête  un  comité  central 
pour  tout  un  pays,  cette  question  dis-je,  est  plus  difficile  à  trancher 
d  une  façon  générale.  C^est  donc  à  la  fois  le  principe  de  la  centralisation 
quant  à  l'unité  de  direction  et  de  méthode,  et  de  la  décentralisation 
quant  au  fonctionnement.  L'association  ne  diminue  en  rien  la  complète 
indépendance  des  œuvres  affiliées.  Elle  leur  demande  seulement,  pour 
le  but  spécial  de  l'association,  leur  coUahoration  organisée. 

L'association  cherche  enfin  à  protéger  la  jeune  fille  arrivée  à  sa  desti- 
nation, non  pas  eu  se  substituant  aux  œuvres  existantes,  mais,  au  con- 
traire, en  amenant  la  jeune  fille  à  ces  œuvres. 

Je  m'arrête  ici,  Mesdames,  car  nous  devons  avoir  mardi  prochain  une 
réunion  spéciale  concernant  l'Association  internationale  des  œuvres  de 
protection  de  la  Jeune  fille.  La  réunion  se  tiendra  à  l'œuvre  du  Foyer, 
185,  rue  du  Champ  de  Mars,  et  je  me  contente  de  vous  v  inviter  bien 
chaudement.  —  Protéger  la  jeune  fille  dans  sa  ville  natale  —  protéger 
la  jeune  fille  venant  du  dehors  —  la  protéger  par  amour  pour  Noti-e- 
Seigneur  et  pour  l'amener  à  Lui  —  que  ce  soit  notre  programme,  l'objet 
de  nos  efforts. 

Je  me  permets  de  vous  soumettre  le  vœu  suivant  : 

Le  Congrès  Eucharistique  émet  le  voeu  que  l'Association  Catholique 
inter  ationnle  des  œuvres  de  protection  de  la  jeune  fille,  bénie  jmr  S.  S. 
Pie  X,  soit  recommandée  à  la  bienveillance  de  NN.  SS.  les  Evoques; 
que  soient  faits  tous  les  efforts  pour  introduire  et  organiser  dans  les  diffé- 
rents diocèses,  cette  association  destinée  à  assurer  la  pleine  efficacité  des 
oeuvres  locales,  sans  toucher  aucunement  à  leur  indépendance. 


Madame  Gérin-Lajoie  succède  à  Mgr  Muller-Siiuoiiis. 

Après  avoir  rappelé  les  invitations  pressantes  que  Pie  X 
adresse  à  tous  les  fidèles  de  s'approcher  quotidiennement  de 
la  Sainte-Table,  Mme  Gérin-L:ijoie  signale  la  catégorie  nom- 
breuse de  celles  que  le  devoir  maternel  retient  au  foyer,  et 
que  des  obstacles  presque  insurmontables  euipêclieut  d'en- 
tendre cet  ap])el  de  l'Eglise  Sans  doute.  au.\  premières 
heures  de  la  journée,  nos  églises  sont  remplies  de  femmes  de 
tout  âge  et  de  toute  condition  qui  se  pres.sent  aux  j)ieds  de 
l'autel.  Mais,  sont-elles  toutes  là  celles  ijui  ont  faim  et  soif 
de  Dieu  ? 

Xon,  à  ce  banquet  préparé  pour  tnu»:,  un  petit  groupe  do  privilégiés 
seulement  sont  nourrie-  et  forlifiéfs;  les  autres  succonihi-iu  sous  leur 
fardeau  et  sont  privés  de  l'aliment  qui  les  soutiendraient.  C'est  pour 
cette  classe  de  délaissées  et  de  pauvres,  pauvres  des  biens  spirituels  qu'il 
faut  éveiller  aujourd'hui  la  pitié  de  l'P^glise.     Et  d'abord,  c'est  la  mère 


—  576  — 

de  famille.  La  mère,  cette  âme  du  foyer  qui,  selon  sa  vertu,  élève  ou 
rabaisse  tout  ce  qui  rapproche,  vers  laquelle  se  fixent  les  regards  inter- 
rogateurs de  reniant,  et  sur  qui  se  modèlent  les  générations  qui  gran- 
dissent, la  mère  qui  porte  le  fardeau  des  plus  dures  responsabilités  et  qui 
voit  ses  obligations  s  accroître  quand  ses  forces  physiques  l'abandonnent; 
la  mère  de  famille  qui  porte  la  peine  d'Eve  et  devient  faible  et  souffrante 
quand  sa  vocation  exige  jusqu'au  sacrifice  de  sa  vie  ! 

Pourquoi  cette  femme,  dans  l'accomplissement  de  ses  fonctions  natu- 
relles, ne  peut-elle  pas,  sans  trahir  son  devoir,  se  fortifier  chaque  jour  de 
son  Dieui*  Oh!  vous  tous  qui  connaissez  les  exigences  de  la  vie  de  fa- 
mille, dites-moi,  est-il  possible  qu'une  mère  entourée  de  jeunes  enfants 
déserte  habituellement  le  foyer  à  l'heure  matinale  où  la  réclament  tous 
les  soins  domestiques?  Négligera-t-elle  la  préparation  du  repas,  le  dé- 
jeuner à  servir  au  mari  qui  part  pour  l'ouvrage,  aux  enfants  qui  vont  à 
l'école?  Ajoutez  à  cela  l'impitoyable  tyrannie  des  nouveaux-nés  qui, 
après  avoir  imposé  à  la  mère  de  longues  heures  d'insomnie,  l'arrachent 
encore  au  sommeil  dès  les  premières  lueurs  de  l'aube. 

Ah  !  combien  elle  est  absorbante  cette  tâche  de  la  mère  de  famille,  et 
combien  impérieusement  elle  s'impose  à  elle.  Il  semble,  à  certaines 
heures,  le  matin  surtout,  que  la  pauvre  femme  fléchisse  sous  le  poids  du 
travail.  Si  j'en  excepte  la  classe  aisée  qui  s'accorde  le  luxe  d'une  domes- 
tique, la  plupart  des  femmes  sont,  pour  ainsi  dire,  rivées  au  foyer  ;  elles  y 
sont  attachées  par  cette  chaîne  d'enfants  qui  ne  peuvent  vivre  un  instant 
sans  elle  et  qui  exigent  des  soins  continuels  ;  aussi,  n'est-il  pas  rare,  sur- 
tout à  la  campagne,  où  l'isolement  est  très  grand,  et  où  il  est  difficile 
d'appeler  une  voisine,  qu'une  femme  passe  plusieurs  semaines  consécu- 
tives sans  sortir  de  la  maison,  pas  même  le  dimanche. 

Et  cependant,  cette  femme  qui  ne  s'appartient  pas  et  qui  joue  un  si 
grand  rôle  dans  la  formation  de  la  société,  comment  peut-elle  s'affran- 
chir des  sens  ?  Où  va-t-elle  épurer  sa  pensée  ?  Comment  va-t-elle  pénétrer 
la  volonté  divine  et  la  faire  régner  dans  sa  maison?  A  quel  feu  divin 
va-t-elle  embraser  son  cœur  de  l'amour  du  bien?  Sans  doute.  Dieu  peut 
faire  à  son  égard  des  prodiges  d'amour  et  des  miracles  mêmes,  mais  sa 
volonté  n'en  est  pas  moins  que  l'on  aille  à  Lui  par  la  voie  qu'il  a  établie  ; 
et  cette  voie,  c'est  Jésus-Christ  lui-même.  "  Je  suis  la  voie,  la  vérité  et 
la  vie,"  disait  le  Sauveur  à  ses  apôtres  dans  ce  moment  d'épanchement 
qui  suivit  la  Cène.  Il  faut  donc  se  transformer  en  Lui,  non  seulement 
par  la  pensée  et  dans  un  élan  de  l'âme  comme  le  veulent  nos  frères 
séparés,  les  protestants;  mais,  il  faut  s'unir  à  Lui  réellement  et  substan- 
tiellement par  la  réception  et  l'assimilation  de  son  corps. 

Or,  la  mère  de  famille,  à  cause  des  conditions  de  vie  qui  lui  sont  faites 
par  la  civilisation  actuelle,  est  à  peu  près  privée  de  ce  bien  sacré,  acheté 
cependant  si  chèrement  pour  elle  par  l'incarnation  et  la  mort  du 
Sauveur. 

Mesdames,  je  viens  de  vous  dépeindre,  malgré  mon  impuissance  à  le 
reproduire  dans  toute  sa  fidélité,  l'état  de  détresse  et  de  misère  spirituelle 
dans  lequel  vit  la  femme  mariée;  et  que  dire  à  présent  de  cette  mul- 
titude non  moins  considérable  d'ouvrières,  employées  de  toutes  sortes, 


Oi 


attachées  à  leur  métier  plus  étroitement  peut-être  que  le  serf  ne  l'était 
autrefois  à  la  glèbe  ?  Comment  ces  milliers  de  jeunes  filles  en  qui  re- 
posent les  promesses  des  générations  futures,  peuvent-elles  à  leur  tour 
se  procurer  le  bien  inestimable  de  la  communion  quotidienne?  L'appel 
matinal  à  l'atelier  leur  laisse  à  peine  le  temps  de  déjeuner,  quelques-unes 
partent  sans  assouvir  leur  faim.  La  distance  de  la  maison  à  l'atelier 
est  souvent  longue  à  parcourir,  et  presque  toutes  arrivent  à  leur  besogne 
déjà  fatiguées,  et  nerveusement  agitées  à  Tidée  qu'une  seule  minute  do 
retard  sera  impitoyablement  enregistrée  par  le  patron;  car  une  fois  la 
machine  de  l'usine  mise  en  branle,  on  ne  souffre  pas  de  ralentissement 
dans  l'ouvrage,  et  nouveau  minotaure  à  qui  l'industrie  humaine  offre 
constamment  des  victimes,  ce  bras  de  fer,  cet  engin  monstrueux  force 
à  le  suivre  dans  son  allure  ensoufflante,  des  traînées  d'adolescentes  qui 
se  ruinent. 

Ah!  dites-moi,  quand  on  jette  un  regard  sur  l'humanité  qui  peine, 
n'est-on  pas  tenté  d'avoir  pour  elle  la  pitié  du  Sauveur  qui  disait:  "  J'ai 
compassion  de  cette  foule,  car  voici  trois  jours  qu'elle  persévère  à  rester 
près  de  moi,  et  elle  n'a  rien  à  manger." 

Aujourd'hui  comme  autrefois,  s'étale  à  nos  yeux  l'épuisement  des 
enfants  de  Dieu;  nous  sera-t-il  donné  d'entendre  cette  parole  d'espoir: 
"Je  ne  veux  pas  les  renvoyer  à  jeun;  si  je  les  laissais  retourner  ainsi 
chez  eux,  ils  tomberaient  de  défaillance  en  route.'* 

Jésus-Christ  sachant  que  nous  ne  pouvions  nous  élever  vers  lui  a 
accepté  toutes  les  humiliations  de  notre  condition  pour  s'abaisser  jusqu'à 
nous,  et  quand  le  monde  physique  faisait  obstacle  à  l'accomplissement 
de  sa  volonté,  il  usait  de  sa  toute-puissance  pour  l'asservir  à  ses  fins; 
quand  pour  nourrir  tout  un  peuple,  il  ne  possédait  que  cinq  pains,  ces 
pains,  il  les  multipliait  à  l'infini  et  en  rassasiait  ses  disciples. 

Comment  et  par  quels  moyens  atteindra-t-il  encore  les  foules  pour 
prendre  possession  des  âmes;  voilà  le  secret  de  l'avenir.  Quoi  qu'il  en 
soit,  il  faudra  qu'il  règne  sur  la  race  qui  lui  a  été  donnée  en  héritage. 

Mais  arrêtons-nous  ici,  car  il  ne  nous  appartient  pas  de  suggérer  le 
remède  à  ce  mal  que  nous  signalons;  la  pensée  éclairée  qui  saura  y 
apporter  du  soulagement  ne  peut  être  que  cette  pensée  inspirée  (jui  pro- 
cède de  l'Esprit  Saint  lui-même  et  qui  réside  dans  l'F.-.dise.  l^»ur  nous, 
simples  fidèles,  continuons  d'adresser  à  Dieu  nos  supplications,  et  disons- 
lui  de  tout  cœur:  '•  Xotre  Père,  donnez-nous  notre  pain  quotidien." 


19 


—  578  — 

M.  l'abbé  Dupuis  expose  ensuite  le  rôle  de  la  communion 
dans  la  vie  de  dévouement  et  d'apostolat  de  la  femme. 

LE   ROLE   DE  LA   COMMUNION   DANS   LA  VIE   DE 
DEVOUEMENT  ET  D'APOSTOLAT  DE  LA  FEMME 

(Communion  et  Œuvres) 

Eminence^ 

Messeigneurs, 

Mesdames, 

Je  ne  puis  livrer  le  titre  du  Kapport  qui  m'a  été  confié  :  "  Eôle  de  la 
Communion  dans  la  vie  de  dévouement  et  d'apostolat  de  la  femme  " 
sans  jeter  un  regard  en  arrière  dans  l'histoire  de  notre  Jeune  pays,  pour 
y  saluer,  avec  reconnaissance  et  amour,  ces  héroïnes  qui  furent  les  co- 
fondatrices  de  notre  cher  Canada,  en  même  temps  que  les  ferventes  de 
la  Divine  Eucharistie. 

L'on  a  exalté  et  l'on  n'exaltera  jamais  assez  Monseigneur  de  Mont- 
morency-Laval, premier  évêque  du  Canada,  ou  plutôt  premier  évêque 
des  trois-quarts  de  l'Amérique  du  Nord.  L'on  a  glorifié  Champlain, 
le  fondateur  de  Québec,  ce  boulevard  imprenable  de  notre  nationalité. 
L'on  a  chanté  Paul  Chomedey  de  Maisonneuve,  Tintrépide  fondateur  de 
Ville-Marie.  En  1649,  il  y  a  donc  261  ans,  une  modeste  procession 
s'acheminait  vers  les  cimes  verdoyantes  de  notre  Mont-Eoyal.  Or  là  tout 
comme  demain,  une  messe  solennelle  était  célébrée  en  face  d'une  croix 
que  Maisonneuve  avait  tenu  à  porter  lui-même  tout  le  long  du  parcours. 

Ces  trois  grands  hommes  —  un  grand  évêque  et  deux  chrétiens  —  ont 
présidé  à  nos  destinées  nationales  et  religieuses,  et  leurs  noms  sont  sur 
toutes  les  lèvres.  Mais  il  me  semble  que  nous  oublions  trop  facilement 
ces  femmes  vaillantes  qui,  en  pleine  sauvagerie,  à  trois  mille  lieues  de 
la  mère-patrie,  entourées  de  peuples  barbares,  malgré  les  obstacles  et  les 
oppositions  de  tout  genre,  implantaient  ici,  de  concert  avec  nos  Mission- 
naires, le  règne  de  Jésus-Hostie.  Monseigneur  Emard  le  rappelait 
avec  éloquence  dans  une  lettre  pastorale  qui  restera  :  "  l'Eucharistie  et 
.les  origines  de  Montréal." 

Oh  !  saluez  Jeanne  Mance,  la  fondatrice  de  l'Hôtel-Dieu  de  Montréal, 
préparant,  avec  ses  compagnes,  le  reposoir  champêtre  de  nos  processions 
d'il  y  a  deux  cent  cinquante  ans.  Saluez,  saluez  bien  bas  la  Vénérable 
Marguerite  Bourgooys,  inculquant  l'amour  de  l'Eucharistie  à  ses  pre- 
mières élèves,  organisant  l'adoration  Diurne  dans  son  couvent  naissant 
de  la  Congrégation  de  Notre-Dame. 

Et  permettez-moi  d'émettre  ici  un  vœu.  Le  jour  où  la  Bienheureuse 
Jeanne  d'Arc  sera  proclamée  sainte,  oh  !  combien  nous  serions  recon- 
nai-ssants  à  Dieu  et  au  Pape  si  Marguerite  Boui'gcoys  était  proclamée 
Bienheureuse.  Ce  serait  la  vieille  France  et  la  France  nouvelle  se  don- 
nant, au  ciel,  le  baiser  que  la  mère  donne  à  son  enfant  ! 

Kelise^  les  méditations  de  la  Vénérable  Marie  de  l'Incarnation,  pre- 
mière supérieun;  des  Lrsulines  de  Québec,  vous  verrez  que  la  sainte  com- 
munion était  le  tout  de  cette  âme  séraphique. 


—  579  — 

Et  que  dire  de  Jeanne  Le  Ber,  notre  recluse  canadienne":'  (Je  ne  puis 
évoquer  ce  souvenir  sans  émotion,  puisque  la  mère  de  ma  mère  poiiait 
ce  nom).  Deux  Anglais,  dont  un  mini^^tre  protestant,  voyant  ses  habits 
de  pauvresse  et  le  dénûnient  de  sa  cellule,  sont  étonnés.  Uù  puisez-vous 
tant  de  courage  ?  demande  l'Anglais,  et  Jeanne  Le  Ber  ouvrant 
le  petit  sfuichet  où  elle  recevait  la  sainte  communion,  lui  répond:  *'  C'est 
la  personne  adorable  de  Xotre-Seigneur  réellement  présent  dans  TEu- 
charistie  qui  m'engage  à  renoncer  à  toutes  choses  pour  avoir  le  bonlu-ur 
de  vivre  auprès  de  Lui." 

Voilà,  Mesdames,  nos  gloires  les  plus  pures!  Voilà  l'histoire  de  nos 
origines.  Xos  origines  et  nos  gloires  sont  eucharistiques.  Nos  mères 
ont  été  à  cette  sublime  école.  Tant  vaut  la  mère,  tant  vaut  la  famille. 
Tant  vaut  la  famille,  tant  vaut  la  nation.  C'est  la  femme  qui,  en  déli- 
nitive,  forme  les  peuples. 

Tout  le  monde  connaît  ces  belles  paroles  de  Joseph  de  Maistre  :  "  Les 
femmes  n'ont  fait  aucun  chef-d'œuvre  en  aucun  genre.  Elles  n'ont 
écrit  ni  l'Iliade,  ni  l'Enéide,  ni  la  Jénisalem  Délivrée,  ni  Athalie,  ni 
Hamlet,  ni  le  Paradis  Perdu.  Elles  n'ont  construit  aucune  église 
comme  celle  de  Saint-Pierre,  elles  n'ont  sculpté  ni  l'Apollon  du  Belvé- 
dère, ni  peint  le  jugement  dernier,  elles  n'ont  inventé  ni  l'Algèbre,  ni 
le  télescope,  ni  les  machines  à  vapeur.  Mais  elles  ont  fait  quelque  chose 
de  plus  grand  que  cela  :  c'est  sur  leurs  genoux  que  se  forme  ce  qu'il  y  a 
de  plus  grand  au  monde,  "  un  honnête  homme  et  une  honnête  femme." 
Et  moi  j'ajoute  qu'il  y  a  quelque  chose  de  plus  grand  que  do  former 
d'honnêtes  hommes  et  d'honnêtes  femmes,  c'est  de  former  des  chrétiens 
et  des  chrétiennes,  et  telle  a  été  la  mission  glorieuse  de  nos  femmes 
canadiennes-françaises.  Si  l'homme  est  la  tête  de  la  société,  la  femme 
en  est  le  cœur.  Oh  !  alors  le  cœur  de  notre  nation  a  été  un  cœur  tout 
plein  de  dévouement  et  d'apostolat,  puisque  ce  cœur  a  été  en  contact 
continuel  avec  le  cœur  de  Jésus-Hostie.  Et  c'est  là  la  source  de  notre 
véritable  grandeur.  Ce  n'est  pas  d'hier  que  la  conmuinion  fréquente 
est  en  honneur  chez  nous. 

A  chaque  jour  de  l'année,  pour  ainsi  dire,  nos  confessionnaux  sont 
assiégés,  et  chaque  matin  des  milliers  de  fidèles  reçoivent  la  sainte  com- 
munion. C'est  ce  qui  fait  l'étonnement  et  l'édification  des  étrangers  qui 
nous  visitent.  Xos  temples  ne  sont  jamais  déserts,  et  le  dimanche,  par 
exemple,  malgré  nos  53  églises  parois-iales  et  nos  86  chapelles,  bien  que- 
4,  6,  8  ou  lo'messes  soient  célél^rées  en  quelques-unes,  c'est  souvent  uit 
nroblème  que  de  pouvoir  y  trouver  un  siège  convenable. 

Mais  j'oublie  que  nous  sommes  en  Congrès  Eucliaristit|Uo,  cl  j.-  vais 
être  certainement  taxé  de  chauvinisme  par  l'impartial  et  éminent  pré- 
sident de  cette  réunion  cosmoiiolitc  Aux  congressistes  d'outrc-mer  je 
redirai  notre  chant  populaire: 

Comme  le  dit  un  vieil  adage. 
"Rien  n'est  plus  beau  que  son  pays. 
Et  de  le  chanter  c'est  l'usage. 
Le    mien  je  chante  h  me.«?  amis. 


—  580  — 

Nos  femmes  canadiennes  n'ont  pas  seulement  formé  la  nation,  elles 
ont  présidé  à  la  fondation  de  nos  œuvres  d'éducation,  de  bienfaisance  et 
de  charité.  Dans  la  dernière  moitié  du  siècle  passé,  une  douzaine  de 
communautés  de  femmes  ont  surgi,  comme  par  miracle,  du  terroir  cana- 
dien ;  or,  lorsqu'on  étudie  l'histoire  de  ces  familles  religieuses  qui 
ont  essaimé  non  seulement  dans  tout  le  Dominion,  mais  jusqu'aux  extré- 
mités des  Etats-Unis,  l'on  voit  que  c'est  à  l'autel  que  ces  apostolats  si 
féconds  ont  pris  naissance.  Tout  le  dévouement  catholique  vient  cher- 
cher là  son  exemple,  sa  force  et  sa  vie.  C'est  du  Tabernacle,  comme 
d'une  source  inépuisable,  que  sortent  ces  merveilles  d'amour  héroïque 
auxquelles  le  monde  prodigue  son  admiration  et  dont  il  ignore  trop 
souvent  le  secret.  Le  culte  eucharistique  qui  est  la  réalisation  exté- 
rieure et  perpétuellement  présente  d'un  dévouement  infini,  qui  en 
réveille  chaque  jour  le  souvenir,  qui  nourrit  de  cette  mémoire  notre 
pensée,  notre  cœur  et  nos  sens  même,  nous  incorpore  pour  ainsi  dire, 
l'esprit  de  sacrifice.     Voilà  ce  qui  rend  la  charité  active  et  persévérante. 

Voltaire  qui  conseillait  à  Louis  XV  de  dédaigner  "  nos  quelques 
arpents  de  neige  "  a  écrit  ces  remarquables  paroles  dans  son  "  Essai  sur 
les  Mœurs  :  "  "  Peut-être  n'est-il  rien  de  plus  grand  sur  la  terre  que  le 
sacrifice  que  fait  un  sexe  délicat,  de  la  beauté,  de  la  jeunesse  et  souvent 
de  la  haute  naissance,  pour  soulager  dans  les  hôpitaux  ce  ramas  de  toutes 
les  misères  humaines  dont  la  vue  est  si  humiliante  pour  l'orgueil,  et  si 
révoltante  pour  notre  faiblesse."  Eh  !  sans  doute,  M.  de  Voltaire,  et  c'est 
ce  que  ne  contestent  pa,s  les  incrédules  de  nos  jours,  ne  vous  arrêtez  pas 
au  fait,  cherchez-en  l'explication.  Croyez-vous  que  ces  retraites  soient 
inaccessibles  aux  ennuis,  aux  dégoûts,  aux  orages  du  cœur:  croyez-vous 
que  ce  cœur  humain  iqui  se  fatigue  de  plaisir,  ne  se  fatigue  jamais  de 
sacrifices ....  Or,  savez- vous  ce  qui  le  soutient  dans  ses  défaillances  ou 
l'en  préserve?  Vous  l'ignorez,  dites-vous.  Faites  comme  ceux  qui  ont 
voulu  le  savoir.  Demandez^e  à  elles-mêmes.  Leur  réponse  est  una- 
nime :  La  communion  quotidienne.  C'est  là  l'aliment  de  leur  dévoue- 
ment, le  remède  contre  les  langueurs  de  la  nature,  l'excitation  vitale  qui 
provoque  continuellement,  en  leur  cœur,  les  pulsations  de  la  charité. 

Ce  département  de  la  charité  dans  l'Eglise  semble  dévolu  aux  reli- 
gieuses. Mais  les  religieuses  ne  travaillent  pas  seules.  Elles  sont  sous 
la  direction  du  clergé  et  elles  ont  comme  auxiliatrices  d'autres  femmes 
qui  ont  un  nom  dans  le  langage  chrétien.  On  les  appelle  Dames  de 
Charité  ou  Dames  Patronnesses.  Groupées  dans  une  association,  elles 
se  partagent  les  quiartiers  d'une  paroisse  ou  les  différents  genres  de 
misères. 

A  l'occasion  do  ce  Congrès  Eucharistique,  qu'il  me  soit  permis  d'in- 
viter instamment  les  Dames,  au  nom  de  Notre-Seigneur,  à  se  faire  de 
plus  en  plus  apôtres.  Elles  trouveront  dans  cet  apostolat  de  puissants 
ROfours  et  de  bien  douces  consolations.  Il  y  a  des  âmes  brisées  par  la 
douleur.  Elias  se  noient  dans  leurs  larmes.  Elles  traînent,  sous  leurs 
vêtements  de  deuil,  une  existence  désolée  et  découragée.  Qu'elles  agis- 
sent !  Qu'elles  s'enrôlent  dans  nos  œuvres  catholiques,  et  elles  souffriront 
moins  en  agissant  davantage.     Il  y  a  des  âmes  tièdes.     Elles  ne  vou- 


—  581  — 

(iraient  pas,  pour  un  empire,  blesser  le  cœur  de  Dieu.  Mais  les  sollici- 
tations du  pédié  les  harcèlent  sans  cesse.  Qu'elles  se  livrent  aux  bonnes 
œuvres  !  Et  elles  échapperont  aux  assauts  de  la  tentation  par  les  élans 
du  zèle.  Il  y  a  des  âmes  inoccupées.  Quand  elles  ont  accompli  leurs 
devoirs  de  piété  et  leurs  devoirs  d'état,  il  leur  reste  de  longs  loisirs  dont 
elles  ne  savent  que  l'aire  et  qu'elles  abandonnent  à  de  creuses  frivolités. 
Elles  sont  la  proie  d'un  inexorable  ennui  et  elles  gaspillent  un  temps 
précieux.  Qu'elles  écoutent  la  voix  du  Père  de  famille,  qui,  en  toute 
charité,  leur  dit:  Et  vous  aussi  allez  donc  travailler  à  la  vigne  du  Sei- 
gneur. Il  y  a  aussi  des  âmes  scrupuleuses  préoccupées  au  plus  haut 
point,  de  la  recherche  de  la  Volonté  Divine,  et  craignant  toujours  de  ne 
pas  la  reconnaître.  Ces  âmes  sont  à  plaindre,  car  elles  sont  privées  de 
toute  confiance,  de  toute  paix,  de  toute  joie,  et  comme  noyées  dans  une 
incurable  tristesse.  Qu'elles  se  précipitent  dans  Taction.  En  s'occu- 
pant  des  autres  elle  s'oublieront  elles-mêmes.  Le  scrupule  vit  de  l'at- 
tention que  nous  lui  donnons.  Il  meurt  quand  nous  n'avons  pas  le 
temps  d'y  penser.  Il  y  a  aussi  des  âmes  heureuses  au  point  de  vue  na- 
turel et  humain.  Comblées  des  dons  de  la  fortune  et  des  joies  du  foyer, 
elles  ont  besoin  de  s'imposer  des  sacrifices  volontaires,  de  prouver  à  Dieu 
leur  reconnaissance  et  de  se  faire  pardonner  devant  les  hommes,  la  féli- 
cité exceptionnelle  dont  elles  jouissent  sans  l'avoir  méritée.  Que  ces 
femmes  privilégiées  demandent  à  l'exercice  du  zèle,  la  rançon  de  leur 
bonheur  surabondant,  et  elles  trouveront  l'apaisement  et  la  sécurité  de 
leur  conscience,  dans  les  bonnes  œuvres  spontanément  entreprises  et  la- 
borieusement conduites. 

Il  est  bien  entendu  que  pour  bien  accomplir  sa  mission,  la  Dame  de 
Charité  apportera  au  pauvre  plus  et  mieux  que  le  secours  matériel.  Elle 
lui  donnera  non  seulement  quelque  chose  de  sa  bourse,  mais  encore  (|uel- 
que  chose  de  son  cœur.  Dans  une  page  délicieuse,  Eené  Bazin  (que  nous 
regrettons  tant  de  ne  pas  entendre  au  Congrès)  écrit  : 

"Le  remède  aux  maux  de  ce  temps  n'est  pas  à  trouver.  11  existe,  et 
c'est  le  don  de  soi-même.  Elargissez  votre  âme.  Aimez-les  tous  quoi 
qu'ils  fassent.  Semez  de  la  joie.  Ne  leur  parlez  de  devoir  que  s'ils  sont 
déjà  consolés.  Dieu  n'injurie  jamais:  ses  reproches  tiennent  dans  un 
regard  de  pitié.  Il  a  pardonné  les  fautes  de  l'esprit.  Souvenez-vous  î 
Plus  souvent  encore  il  a  pardonné  les  fautes  du  cœur:  ^ladeleine,  la  Sa- 
maritaine, bien  d'autres  dont  il  n'est  pas  fait  mention.  Oh  !  celui-là 
savait  la  faiblesse  humaine.  Vous  tressaillirez  de  joie  pour  des  bon- 
heurs qui  ne  sont  pas  les  vôtres.  N'ayez  pas  peur  du  mal.  allez.  Ah  ! 
l'envers  du  mal,  ceux-là  seuls  le  connaissent  qui  l'ont  pris  et  retourné  de 
leurs  mains  !  Et  qu'elle  est  belle  l'occasion  qui  naît,  par  lui.  de  dévoue- 
ments, de  repentirs,  de  sacrifices,  d'efforts  qui  rachètent  tout." 

Seul  beau  programme  pour  la  Dame  de  Charité,  mais  pr<'  •  qui 

suppose    l'esprit    chrétien,  et    c'est    ainsi    que   la  Dame  de  ( perii 

simple  et  bienveillante,  aimante  et  fraternelle.  Elle  ne  sera  pas  l'or- 
gueilleuse patricienne  promenant  sur  la  misère  un  reganl  altier  et 
dédaigneux,  laissant  tomber  de  ses  lèvres  la  réprimande  sévère  et  le 
conseil  hautain. 


—  583  — 

Elle  visitera  le  pauvre  non  comme  un  protégé,  mais  comme  un  fils 
bien  aimé,  ou  plutôt  comme  un  frère  tendrement  chéri.  Et  l'esprit  chré- 
tien, où  le  prendre,  si  ce  n'est  dans  l'Eucharistie?  Qu'est-ce  donc  que 
l'Eucharistie?  Dans  l'Eucharistie  je  vois  deux  choses:  elle  est  tout  à  la 
fois  sacrifice  et  sacrement.  Par  le  sacrifice,  Jésus  s'immole.  Par  le 
sacrement,  Jésus  se  donne.  S'immoler,  se  donner,  c'est  bien  court,  c'est 
bien  simple,  mais  c'est  aussi  bien  sublime.  S'immoler  et  se  donner, 
voilà  les  deux  lois  de  la  vie  chrétienne. 

L'Eucharistie  est  une  donation  continuelle  de  Jésus  à  l'humanité. 
Jésus  nous  donne  sa  présence,  Il  est  avec  nous,  Il  habite  nos  temples 
qui  sont  sa  maison,  et  cette  maison  touche  les  nôtres.  Jésus  est  ainsi 
notre  concitoyen,  Il  voyage  avec  nous  sous  cette  tente  de  bois,  de  pierre 
>et  de  marbre,  ce  pèlerin  de  la  vie,  il  nous  aide  à  en  supporter  les  amer- 
tumes. Jésus  nous  donne  tout  ce  qu'il  est,  Il  nous  donne  les  rayons  de 
son  visage,  les  rayons  de  ses  mains,  les  rayons  de  son  cœur.  C'est  un 
astre  voilé  qui  nous  cherche  et  qui  nous  trouve.  Chaque  matin,  le  soleil 
se  lève  à  l'horizon.  Il  passe  radieux  sur  nos  demeures  et  il  nous  salue, 
avec  amour,  de  son  premier  sourire.  Eh  bien  !  tandis  que  l'astre  royal 
passe  ainsi  sur  le  sommet  de  nos  cités,  il  y  a  un  autre  soleil  qui,  bien  que 
voilé  à  nos  regards,  se  lève  chaque  matin  sur  nos  têtes,  nous  sourit,  nous 
réchauffe  et  nous  vivifie.  C'est  Jésus  le  soleil  des  âmes.  Jésus  nous 
donne  sa  présense,  ses  rayons.  Il  nous  donne  aussi  ses  visites.  A 
chaque  heure  du  jour,  si  nous  le  voulons,  il  nous  reçoit  à  ses  pieds,  et 
jamais  nous  ne  le  quittons  sans  être  devenus  meilleurs.  Lorsque  nous 
ne  pouvons  pas  venir,  c'est  lui-même  qui  vient  nous  trouver.  Il  passe 
alors  sur  nos  places  publiques,  circule  dans  nos  rues,  monte  l'escalier  de 
notre  maison,  vient,  par  sa  présence,  fortifier  notre  agonie  et  consoler 
nos  tristesses.  Et  Jésus  se  donne  encore  mieux  que  tout  cela.  Il  a 
trouvé  le  moyen  de  se  livrer  à  nous  dans  d'étranges  proportions  ou  plu- 
tôt sans  mesure.  Il  devient  l'aliment  même  de  notre  vie,  le  pain  que  nous 
mangeons,  le  vin  que  nous  buvons.  La  fameuse  Cène  de  l'Evangile  oii 
il  est  dit  que  Jésus  se  prit  lui-même  dans  ses  propres  mains  et  se  dis- 
tribua à  ses  apôtres,  en  leur  disant  :  "  Prenez  et  mangez,  ceci  est  mon 
corps,  ceci  est  mon  sang,"  cette  fameuse  Cène  se  reproduit,  chaque 
jour,  sur  tous  les  points  de  la  terre.  Chaque  jour,  nous  sommes  les 
témoins  émus  de  ces  distributions  continuelles  que  Jésus  fait  de  lui- 
même  aux  âmes,  l'humanité  tout  entière  est  conviée  à  ces  merveilleux 
festins.     On  les  voit  se  grouper  en  masses  compactes  au  pied  de  l'Autel. 

Tel  est  le  spectacle  magnifique  auquel  l'humanité  assiste  depuis  dix' 
neuf  siècles  sans  pouvoir  s'y  habituer,  tant  il  est  écrasant  de  sublimité, 
de  lumière  et  d'amcmr.  Jésus  se  donne  dans  l'Eucharistie.  C'est  la 
grande  leçon  qu'il  faut  comprendre  et  dont  nous  devons  profiter.  Se 
donner,  voilà  la  grande  loi  du  dévouement  et  de  l'apostolat.  Oui,  sachez 
que  vous  n'avez  pas  été  créées  pour  vous-mêmes,  que  vous  n'êtes  pas  le 
seul  but  de  votre  activité.  Dieu  vous  a  faites  surtout  pour  les  êtres  qui 
vous  entourent,  pour  votre  famille,  pour  la  société,  pour  l'Eglise.  Il  a 
même  voulu  que  le  bonheur  fût  refusé  à  celles  qui  se  renferment  dans  un 
étroit  égoïsme  et  se  cherchent  uniquement  elles-mêmes  aux  dépens  des 


—  583  — 

autres.     Celles-là  sont  sûres  de  ne  rencontrer  sur  leur  chemin  que  mal- 
aise, tristesse  et  ennui.     Pour  être  heureux,  il  faut  sortir  de  soi-même 
aller  chez  les  autres,  se  donner  toujours.     I^à  seulement    est  la  vraie 
félicité.     Telle  est  la  loi  providentielle. 

Eh  bien!  donnez-vous,  Mesdames,  il  n'est  pas  nécessaire  d'être  puis- 
samment riche  pour  assister  le  pauvre.  Avec  le  vieux  linge  qui  se  dété- 
riore au  fond  des  armoires,  avec  les  vêtements  hors  d'usage  on  habillerait 
de  pied  en  cape  tout  c-e  qu'il  y  a  d'orphelins  dans  les  deux  hémisphères. 
Que  si  avec  rien  on  peut  déjà  donner  beaucoup,  que  si  déjà  le  devoir  de 
la  charité  s'impose  à  celles  qui  sont  dans  la  presqu'aisance,  à  celles  qui 
sont  dans  l'aisance,  dans  l'abondance,  dans  l'opulence  il  s'impose  bien 
davantage  encore.  Le  quart  seulement  de  ce  qui  est  jeté  avec  profusion 
dans  les  caprices  du  luxe  et  de  la  mode  suffirait  amplement  à  bâtir  des 
hospices,  des  orphelinats,  des  écoles,  des  refuges,  à  consoler  le  désespoir 
rentré  d'un  monde  de  pauvres  honteux.  Levez-vous  donc,  ô  riches  ! 
courez  à  vos  épargnes  et  apportez  votre  superflu  à  l'indigence  des 
pauvres.  Xe  souffrez  pas  qu'une  âmo  se  rencontre  dans  votre  voisinage, 
égarée  par  l'angoisse,  jusqu'à  blasphémer  la  Providence. 

Donnez  aussi  votre  intelligence.  Donnez  votre  génie,  vous  à  qui 
Dieu  en  a  départi  quelque  parcelle.  Sous  votre  front  il  peut  y  avoir  une 
idée  puissante,  et  sur  vos  lèvres  un  verbe  persuasif  et  éloquent  ;  dans 
votre  main  il  y  a  peut-être  une  plume  facile,  brillante,  chaude  et  hardie 
qui  pénètre  comme  un  glaive.  Eh  bien  !  avec  la  pensée  de  votre  tête, 
avec  le  verbe  de  vos  lèvres,  avec  la  plume  de  votre  main,  donnez  votre  in- 
telligence, donnez  votre  génie,  vous  qui  en  possédez  quoique  étincelle, 
faites-le  rayonner  autour  de  vous  sur  les  questions  difficiles,  chassez  les 
ténèbres,  résolvez  les  problèmes  inquiétants,  tâchez  de  faire  régner  par- 
tout la  paix. 

La  richesse  et  les  talents  transcendants  sont  le  fait  du  petit  nombre. 
Vous  qui  n'avez  ni  or,  ni  génie,  mais  qui  avez  du  cœur,  donnez  votre 
cœur.  Le  cœur  c'est  la  meilleure  part.  Eh  bien  !  qu'il  rayonne  ce 
cœur,  qu'il  tombe  sur  l'humanité  en  paroles  de  consolation,  en  sourires 
fraternels,  en  pardons  magnanimes.  Donnez-le  sans  doute  d'abord  â 
vos  familles,  vous  qui  en  êtes  les  souveraines  et  les  reines.  Donnez-vous 
tout  particulièrement  au  compagnon  de  votre  jeunesse.  Vivez  pour  lui. 
pour  sa  félicité,  pour  son  bonheur.  Donnez-vous  à  vos  enfants,  à  ces 
êtres  sortis  de  votre  sang,  qui  portent  votre  nom.  Pour  eux  sachez  vous 
priver  de  plaisirs,  renoncer  à  des  joies  saines.  Ké<luisez  votre  budget 
afin  d'augmenter  vos  ressources  pour  le  bien.  0  mères  qui  m'écoutt^z. 
ne  soyez  pas  égoïstes,  vous  qui  êtes  les  reines  de  la  famille,  soyez-en,  s'il 
le  faut,  les  martyrs  ! 

Donnez-vous  aux  œuvres  catholiques  —  œuvres  do  charité  et  dt-  bien- 
faisance —  œuvres  des  Incurables,  des  Orphelins,  de  In  ('rèfh(\  des 
Aveugles,  des  Sourds-Muets,  des  vieillards  abandonnés. 

Ces  œuvres  ici  ne  reçoivent  rien  ou  presque  rien  de  l'Etat,  ces  œuvres 
sollicitent  votre  générosité.  Elles  rc-clamont  votre  or,  vos  talents,  votre 
temps,  vos  bons  exemples.     Donnez  tout  cela  sans  compter. 

Donnez-vous  surtout  aux  œuvres  du  jour.     Nous  somiii"^  n  un  tour- 


—  584  — 

nant  de  notre  histoire.  Les  patronages  ouvriers,  la  préservation  de  la 
jeune  fille,  la  bonne  presse,  les  bons  livres  doivent  être  au  tableau 
d'honneur. 

Au-dessus  de  la  charité  matérielle,  placez  la  charité  intellectuelle. 
Favorisez  la  grande  cause  de  l'instruction  —  l'enseignement  supérieur  et 
l'enseignement  populaire,  l'Université  et  nos  écoles  catholiques  ont  un 
droit  sacré  à  vos  plus  vives  sympathies. 

Ne  portez  pas  Jésus  dans  votre  cœur  comme  dans  un  ciboire,  le  tenant 
caché,  captif,  impuissant.  Portez  Jésus  dans  votre  cœur,  comme  dans 
un  ostensoir  d'où  il  rayonne  sur  votre  foyer,  sur  l'Eglise  et  sur  la  patrie. 

Dans  trois  jours,  le  Maître  sortira  de  son  Tabernacle,  porté  par  les 
mains  de  l'Auguste  Eeprésentant  de  son  Vicaire  actuellement  au  milieu 
de  nous.  Il  passera  parmi  les  rangs  d'une  foule  émue  accourue  de  tous 
les  points  du  globe.  0  Jésus  !  ô  Maître,  ô  Eoi,  les  femmes  n'auront  pas 
le  privilège  de  prendre  part  à  ce  cortège  eucharistique,  mais  elles  seront 
là  nombreuses,  agenouillées  sur  votre  passage  jetant  des  fleurs,  chantant 
des  hymnes,  vous  présentant  leurs  petits  enfants.  Oh  !  puissiez-vous 
nous  bénir  et  nous  toucher  tous  sur  votre  chemin.  Touchez-nous  à  la 
tête  et  au  cœur  —  à  la  tête  afin  que  nous  arrivions  à  nous  oublier  nous- 
mêmes  —  au  cœur  pour  y  enflammer  les  sentiments  de  dévouement  et 
d'apostolat  à  votre  égard  et  à  l'égard  de  toutes  les  saintes  causes. 


La  Ligue  des  Femmes  Françaises  a  tenu,  elle  aussi,  à  figu- 
rer dans  cette  séance  de  notre  Congrès,  par  un  rapport  de 
Mme  de  Kersabiec,  lu  par  Mademoiselle  I.  Saint-Jean.  La 
Ligue  des  Femmes  Françaises  s'est  signalée  par  un  apostolat 
social  très  étendu  :  catéchismes  d'enfants,  fondations  de 
patronages,  d'écoles  ménagères,  etc.,  et  qui  s'alimente  tous 
les  mois,  et  sur  tous  les  points  de  la  France,  dans  la  Messe 
et  dans  la  Communion.  Le  rapport  formule,  en  terminant, 
un  vœu  qui  a  été  accueilli  par  d'unanimes  applaudissements. 

Permettez-nous,  en  terminant,  de  formuler  un  vœu,  qui  nous  tient 
à  cœur.  Femmes  de  France  et  Femmes  du  Canada,  nous  sommes  sœurs 
par  le  sang  qui  coule  dans  nos  veines,  par  le  patrimoine  de  nos  antiques 
et  glorieuses  traditions  et  par  les  liens  d'amour  qui  unissent  nos  deux 
pays.  Xous  vous  demandons  de  participer  à  notre  œuvre.  Et  puisque 
la  Messe  et  la  Communion  mensuelles  forment  la  part  la  plus  impor- 
tante et  la  plus  belle  de  notre  apostolat,  nous  vous  supplions  de  les 
établir  cbez  vous,  en  union  avec  les  nôtres.  Alors  dans  la  vieille  France 
comme  dans  la  France  d'Outre-mer,  nos  cœurs  se  fondront  dans  une 
même  prière  pour  la  Mère  Patrie  ! 

Vous  accéderez  à  notre  demande,  nous  en  avons  la  ferme  confiance.  La 
Providence  elle-même  n'a-t-elle  pas  déjà  daigné  nous  unir,  en  permet- 
tant que  nos  Ligueuses,  empêchées  de  traverser  l'océan,  fussent  repré- 
sentées dans  cette  réunion  par  une  de  nos  sœurs  du  Canada? 


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I  lie  l'roct'saioii.  —  Arcli  toviTod  witli  .Miiiiitoltii  \Vlic«(. 


—  585  — 
Le  Père  Loiseau,  S.  J.,  vient  ensuite. 

LE  ROLE  DE  LA  COMMUNION  DANS  LES  ŒUVRES 

ET  LES  ASSOCIATIONS  DE  JEUNES  FILLES 

ET  DE  FEMMES  CHRETIENNES 


Monseigneur,  Mesdames, 

L'objet  de  ce  rapport  était  primitivement,  et  serait  encore,  d'après 
quelques  programmes:  le  rôle  de  l'assistance  à  la  Sainte  Messe  avec 
celui  de  la  Communion  dans  les  œuvres  et  les  associations  de  jeunes 
filles  et  de  femmes  chrétiennes. 

Mais  le  Saint-Sacrilice  n'obtient  son  intégrité  parfaite  que  par  la 
Communion  du  prêtre,  il  ne  produit  tous  ses  effets  dans  Tâme  des  fidèles 
que  s'ils  y  participent  eux-mêmes  par  la  Sainte  Communion;  et  c'est 
bien  pourquoi  la  Sainte  Eglise,  au  concile  de  Trente,  exprimait  son 
constant  désir  que  les  fidèles  fissent  la  communion  à  toutes  les  messes 
auxquelles  ils  ont  le  bonheur  d'assister. 

Et  puisque,  d'ailleurs  on  assiste  généralement  à  la  sainte  Messe  avant 
de  communier,  nous  ne  croirons  pas  diminuer  le  sujet  de  ce  rapport, 
mais  uniquement  en  abréger  les  développements  si  nous  considérons  le 
rôle  de  la  seule  communion  dans  les  œuvres  et  les  associations  de  jeunes 
filles  et  de  femmes  chrétiennes. 

Ces  associations  semblent  au  premier  aspect,  aussi  diverses  dans  leur 
but  que  leurs  œuvres  sont  différentes. 

Ici,  l'on  se  réunit  sous  les  auspices  de  la  Sainte  Vierge  ou  de  Sainte 
Anne,  pour  honorer  d'un  culte  spécial  ces  saintes  patronnes  afin  d'obtenir 
par  leur  intercession  un  accroissement  de  piété  véritable.  Des  exhor- 
tations excitent,  les  encouragements  mutuels  animent,  les  exemples  en- 
traînent à  mener  une  vie  plus  chrétienne  ot  plus  sainte  que  l'ordinaire. 
C'est  une  élite  'que  l'on  veut  former,  élite  qui,  n'ayez  crainte,  ne  s'immo- 
bilisera pas  dans  un  pieux  égoïsme  et  une  sainte  inutilité.  T^es  congré- 
gations de  la  Sainte  Vierge,  les  réunions  d'enfants  de  Marie  sont  un 
Cénacle  où  s'allument  dans  les  cœurs  le  feu  de  l'Esprit,  les  ardeurs  du 
zèle,  et  leur  histoire  atteste  que  leurs  membres  furent  dans  le  passé, 
jcomme  ils  sont  encore  aujourd'hui  non  seulement  l'élite  des  chrétiens 
de  leur  condition,  mais  aussi  les  pionniers  des  œuvres;  ils  marchaient, 
on  les  V  trouve  encore,  à  l'avant-garde  des  entreprises  do  la  Chanté 

La  charité  groupe  encore  sous  sa  bannière  bien  d'autres  magnifiques 

dévouements. 

Ce  sont  des  associations  de  bienfaisance  (|ui  voudraient  apporter  un 
remède,  au  moins  un  adoucissement,  à  toutes  les  maladies,  une  com^o- 
lation  à  toutes  les  misères,  une  protection  à  toutes  les  faiblesses. 

Ce  sont  des  associations  — ce  sont  même  des  Fédérations, —qui  chor- 
chent  et  veulent  trouver  et  veulent  appliquer  le  remède  à  ees  maux  dont 
souffre  toute  notre  société  moderne,  mais  qui  pèsent  plus  lourds,  c;c 
semble,  et  plus  tyranniques  sur  la  femme,  à  son  foyer,  dans  son  travail 
et  dans  la  cité. 


—  586  — 

Voilà  sans  doute,  des  œuvres  admirables,  auxquelles  on  ne  saurait  trop 
a,pplaudir,  auxquelles  vont  les  préférences  du  grand  nombre,  ce  dont 
on  ne  pourrait  que  se  réjouir  si  cette  préférence  n'était  pas  le  plus  sou- 
vent motivée  par  un  mépris,  déclaré  ou  secret,  des  pratiques  de  la  piété 
pure.  On  estime  surtout,  de  nos  jours,  les  résultats  visibles  et  palpables, 
et  l'on  n'a  peut-être  pas  assez  d'égards  pour  les  causes  qui  les  amènent  ; 
on  veut  cueillir  les  fruits  sans  souci  de  l'arbre  qui  les  produit! 

Savourons  les  fruits,  soit,  mais  cultivons  l'arbre,  et  l'arbre  qui  produit 
ces  fruits  bienfaisants,  c'est  la  charité  chrétienne. 

Les  impies  de  notre  temps  prétendent,  il  est  vrai,  avoir  remplacé  la 
charité  chrétienne  par  des  vertus  humaines,  filles,  assurent-ils,  de  la 
Science  et  de  la  raison  et  qu'ils  ont  • — -  ne  disons  pas  baptisées,  —  mais 
dénommées:  philanthropie  ou  solidarité.  Leur  bienfaisance  est  laïque, 
disent-ils,  parce  qu'ils  croient  en  avoir  banni  toute  inspiration  chré- 
tienne. 

C'est  une  immense  erreur.  Les  ouvriers  de  cette  bienfaisance  laïque 
ne  sont  pas  chrétiens,  c'est  entendu,  mais  leur  bienfaisance,  elle,  est 
chrétienne.  On  oublie  trop  que  notre  civilisation  est  l'œuvre  des  siècles, 
de  longs  siècles  de  christianisme.  Le  tempérament  reçu  des  ancêtres  ne 
change  pas  par  cela  seul  qu'on  les  renie,  et  notre  société,  même  dans 
les  pays  où  elle  s'acharne  le  plus  furieusement  à  renier  le  Dieu  de  nos 
pères,  notre  société  n'a  pas  encore  perdu  le  tempérament  chrétien.  Que 
l'émigré  adopte  vite  les  idées,  les  préjugés  et  les  passions  de  son  nouveau 
pays,  c'est  possible  ;  mais  il  garde  longtemps  encore  maints  usages  de  la 
vieille  patrie.  Ainsi  nos  transfuges  de  la  foi  ont-ils,  quoi  qu'ils  en  disent, 
conservé  les  habitudes  de  la  charité. 

Même  sous  les  noms  de  philanthropie  et  de  solidarité  par  lesquels  on 
la  déshonore,  la  bienfaisance  ne  se  rencontre  que  dans  les  sociétés  où  la 
religion  du  Dieu  Très  Bon  l'a  introduite  et  acclimatée.  C'est  en  vain 
que  vous  la  chercherez  ailleurs,  elle  n'y  est  pas  même  connue.  La  raison 
et  la  science  ignoraient  ses  œuvres  et  son  nom  jusqu'au  jour  où  la  foi 
les  leur  a  fait  connaître,  et  elles  ne  peuvent,  sans  injustice  ou  aveugle- 
ment, se  prétendre  les  mères  de  celle  qui  est  née  de  la  charité. 

Et  la  charité,  c'est  Dieu,  Deus  charitas  est.  Elle  entre  avec  Lui  dans 
le  cœur;  elle  y  vit  de  Sa  vie,  et  ses  accroissements  se  mesurent  aux  ac- 
croissements de  la  vie  divine  en  nous.  La  charité  est  amour  et  les  vi- 
vants seuls  peuvent  aimer.  La  charité  est  amour  divin  et  ceux-là  seuls 
peuvent  aimer  divinement  qui  vivent  divinement. 

Que  vous  viviez  divinement,  voilà  donc.  Mesdames,  la  condition  de 
votre  charité,  comme  la  condition  do  ses  expansions  est  que  la  vie  divine 
déborde  en  vous.  Mais  n'en  est-ce  pas  aussi  le  but  et  la  récompense,  et 
quel  autre  résultat  attendez-vous  enfin  de  vos  efforts  et  de  votre  dévoue- 
ment qu'un  accroissement  de  mérites,  de  sanctification,  c'est-à-dire  de 
vie  divine  en  vous  ? 

Et  c'est  par  là  où,  en  définitive,  vous  vous  ressemblez  toutes,  quelle 
que  puisse  être,  par  ailleurs,  la  diversité  de  vos  œuvres.  Soit  que  vous 
l'a  développiez  en  vous  par  les  pratiques  de  la  piété  en  honneur  dans  les 
congrégations,  soit  que  vous  en  demandiez  l'accroissement  aux  travaux 
de  votre  charité,  c'est  la  vie  divine  qui  vous  anime,  c'est  elle  que  vous 
voulez  faire  sans  cesse  croître  en  vous. 


—  587  — 

Or  toute  vie  capable  d'accroissement  ne  grandit  que  par  le  secours 
d'un  aliment. 

Aux  plantes,  Dieu  a  donné  l'air  et  la  terre  d'où  elles  tirent  des  sucs 
nourriciers;  aux  animaux,  les  plantes;  les  uns  et  les  autres  sont  nourri- 
ture pour  le  corps  de  l'homme,  tandis  qu'à  son  intelligence  il  faut  un 
aliment,  la  science,  laborieusement  préparé  par  d'autres  intelligences. 
Chaque  vie  ayant  son  aliment  approprié,  quel  est  celui  de  notre  vie  di- 
vine  ? 

Il  ne  peut  être  que  divin,  c'est  le  Corps,  c'est  le  Sang  d'un  Dieu,  de 
JSTotre-Seigneur  Jésus-Christ,  c'est  la  sainte  communion  ! 

Et  voilà  bien  tout  le  sens  de  ces  paroles  mystérieuses  :  Mon  Corps  est 
vraiment  une  nourriture,  et  mon  Sang  un  breuvage."  Cet  aliment  des- 
cendu du  ciel  est  la  condition  de  la  vie:  "  Si  vous  ne  mangez  la  cliair  du 
Fils  de  l'homme . . .  vous  n'aurez  pas  la  vie  en  vous  ;  tandis  que  celui  qui 
mange  ma  chair  a  la  vie  éternelle."  Eternelle,  c'est  donc  à  dire:  divine 
puisque  Dieu  seul  est  éternel. 

Eh  bien,  si  dans  nos  réunions  de  piété,  dans  nos  associations  de  travail 
ou  de  charité  notre  premier  ou  principal  souci  est  de  développer  en  nous 
la  vie  divine,  il  n'est  plus  difficile  d'apercevoir  le  rôle  essentiel  qu'y  doit 
tenir  la  sainte  Communion.  Sans  elle,  pas  de  vie  divine,  pas  de  charité. 
Si  nous  ne  communions  que  rarement,  la  vie.  mal  alimentée,  demeurera 
languissante  et  incapable  des  généreux  efforts.  Si,  au  contraire,  nous 
obéissons  à  la  loi  de  toute  vie,  si  nous  prenons  souvent,  avec  régularité 
l'aliment  préparé  et  offert  pour  chacun  de  nos  jours,  notre  vie  aura  la 
Surabondance  que  le  Verbe  divin,  qui  est  la  Vie,  est  venu  lui  apporter  ; 
nous  la  dépenserons  sans  compter,  assurées  de  trouver  dans  ce  pain  quo- 
tidien la  réparation  de  nos  fatigues  quotidiennes,  et  la  force  pour  des 
efforts  qui  pourront  alors  devenir,  eux  aussi,  quotidiens. 

La  communion  est  source  de  vie  et  de  générosité;  elle  le  savait,  cette 
jeune  fille  que  nous  commençons  enfin  à  vénérer  et  que  les  siècles  à  venir 
vénéreront,  semble-t-il,  comme,  —  après  la  St<^-Vierge.  —  une  des  gloires 
les  plus  hautes,  les  plus  pures  et  les  plus  éclatantes  de  son  sexe,  la  Bien- 
heureuse Jeanne  d'Arc.  Elle  communiait  toutes  les  fois  qu'elle  pouvait 
entendre  la  Sainte  Messe,  et  c'est  bien  la  communion  fréquente  qui  lui 
donnait  cette  exubérance  de  vie,  cette  bonne  humeur  (|ni  nous  ravis.sent, 
ce  courage,  cette  ardeur  qui  relevait  et  entraînait  les  hommes  d'nrmes. 
eette  force,  enfin,  cette  force  surhumaine  avec  laquelle  elle  offrit  son 
sacrifice. 

C'est  la  communion  et  la  communion  fréquente  qui  retient  tant  d'ad- 
mirables religieuse.^  enfermées  dans  ces  salles  où  l'on  réunit  les  plus 
hideuses,  les  plus  repoussantes  des  misères  humaines;  dans  ces  salles  où 
les  visiteurs  hâtent  le  pas,  pressés  qu'ils  sont  d'en  fuir  l'infection.  l{é- 
cemment,  l'un  d'eux,  à  colle  qui  l'avait  conduit,  demandait  où  elle  pou- 
vait trouver  la  force  d'un  tel  dévouement.  Elle  lui  montra  la  porte  de 
la  chapelle.  —  "  Comment,  c'est  cela  qui  vous  donne  du  courage?  "  —  Et 
elle  de  répondre  simplement:  "  Ce  serait  impn.ssible  sans  ct-la  ! 

Impossibles  sans  cela,  vos  œuvres  le  sont  donc,  mesdames,  mais  avec 
cela  elles  deviennent  non  seulement  possibles,  mais  faciles  et  fructueuses. 

L'Evangile  nous  raconte  la  parabole  de  ce  festin  préparé  par  le  ]H.'Te 
<le  famille  pour  des  invités  qui  s'excusent  et  qu'on  n-mplace.  prewjue  de 


—  588  — 

force,  par  tous  les  miséreux  rencontrés  le  long  des  chemins.  C'est,  nous 
le  savons,  l'image  de  cette  Table  sainte,  si  richement  servie,  à  laquelle 
Dieu  nous  a  conviés;  c'est  aussi,  hélas,  l'histoire  de  nos  négligences  et 
•de  nos  folles  excuses;  mais,  pour  notre  sujet,  nous  ne  retiendrons  de  la 
parabole  que  cette  seule  circonstance  :  c'est  à  un  festin  que  l'on  nous 
jconvie. 

La  communion  n'est  donc  pas  le  morceau  de  pain,  l'aliment  néces- 
saire que  l'on  remet  à  un  affamé,  et  qu'il  s'en  ira  dévorer  solitaire,  elle 
nous  est  servie  au  banquet  eucharistique,  à  la  table  sainte  où  nous  venons 
tous  nous  asseoir  ensemble.  Or  à  la  même  table,  en  un  même  festin 
ne  se  rencontrent  que  des  amis,  ou  bien,  si  l'amitié  ne  préexistait  pas, 
elle  y  naît  le  plus  souvent  et  très  facilement. 

A  sa  table,  donc,  le  Père  céleste  convie  tous  ses  enfants. pour  les  unir; 
Il  les  rapproche  pour  leur  faire  oublier  ces  distances  que  le  monde  a  éta- 
blies; Il  les  nourrit  tous  du  même  aliment  pour  que  le  même  sang  qui 
coulera  dans  leurs  veines  mette  en  leurs  cœurs  un  même  amour  et  qu'ils 
soient  vraiment  frères,  enfants  de  Celui  à  qui  ils  disent  "  Notre  Père  ". 

Dieu  veut  unir,  le  monde  a  séparé;  Jésus  priait  pour  nous  son  Père: 
"  Qu'ils  soient  un  comme  Vous,  mon  Père  et  moi  nous  sommes  Un,"  et 
le  monde  nous  a  divisés  ;  la  vie  chrétienne,  la  communion  avait  établi  une 
entente  admirable  entre  les  maîtres  et  les  serviteurs,  entre  les  patrons 
et  les  ouvriers;  et  la  révolution  s'est  faite  qui  amena  cet  antagonisme 
dont  nous  souffrons,  —  il  faudrait  dire  :  dont  nous  allons  périr  si  vos 
associations.  Mesdames,  et  tant  d'autres  par  le  monde,  n'avaient  entre- 
pris de  guérir  ces  maux  en  combattant  et  détruisant  leur  cause,  l'indi- 
vidualisme. 

Vous  aussi,  comme  Dieu,  vous  voulez  rapprocher  et  réunir  les  cœurs 
afin  de  rendre  les  uns  patients,  d'abord,  puis  modérés  envers  le  prochain. 
Tl  n'en  faut  pas  moins  pour  détruire  d'une  manière  durable,  les  misères 
imméritées  des  travailleurs  en  détruisant  aussi  la  cupidité  effrénée  qui 
les  cause,  pour  rétablir,  c'est  votre  dessein,  l'état  social  dans  lequel  tous 
pourront,  aux  prix  d'un  labeur  modéré,  se  procurer  la  somme  de  biens 
qui  est  nécessaire  à  la  pratique  de  la  vertu. 

Entreprise  noble  entre  toutes  et  laborieuse  pour  laquelle  vous  ne 
.trouverez  pas  de  meilleur  aide  que  la  communion  qui  rapproche  et  unit 
les  cœurs  ;  qui  fait  naître  les  sympathies,  qui  établit  la  véritable  frater- 
nité. La  communion,  faisant  entre  toutes  la  commune  union,  vous  per- 
mettra de  vous  comprendre,  de  vous  entendre  et  de  trouver,  de  commun 
accord,  le  nouvel  état  de  choses  auquel  tous  aspirent  sans  le  connaître 
encore.  La  communion  y  réussira.  Elle  a  bien  détruit  l'esclavage  :  elle 
•a  fait  des  sœurs  d'une  maîtresse  cruelle  et  d'une  esclave  torturée,  d'une 
Fabiola  et  d'une  Syra. 

Tl  ne  reste,  pour  terminer  ce  rapport,  qu'à  dire  quelques-unes  des 
causes  pour  lesquelles  on  ne  fait  pas,  on  ne  désire  pas  faire  des  commu- 
nions fréquentes. 

D'abord  l'indifférence.  On  fait  peu  de  cas  de  la  vie  surnaturelle,  alors 
qu'on  attacbe  tant  d'importance  à  mille  riens,  à  ries  plaisirs  d'un  instant. 
Si  nous  savions  ce  qu'est  la  vie  divine  dont  nous  vivons;  cette  incompré- 
hensible élévation  au-dessus  de  notre  nature  humaine  jusqu'à  la  parti- 


—  589  — 

cipation  à  la  nature  même  de  Dieu,  divinae  consortes  naturae  ;  cette  déifi- 
cation qui  nous  rend  capables  des  opérations  divines  de  connaissance  et 
d'amour  en  attendant  qu'elle  nous  amène  à  la  vision,  à  la  possession  de 
Dieu  Lui-même  quand  nous  habiterons  la  terre  des  vivants  !  Que  serait 
donc  alors  tout  le  reste,  pour  nous  ;  et  de  tous  ces  plaisirs  qui  nous  char- 
ment un  instant,  ferions-nous  plus  de  cas  que  nous  ne  faisons,  à  présent, 
des  amusements  de  notre  enfance?  Connaissons  notre  dignité  de  chré- 
tiennes, le  prix  de  la  vie  surnaturelle  et  nous  communierons  tous  le& 
jours  comme  Pie  X  nous  presse  si  instamment  de  le  faire. 

Les  soins  multiples  et  divers  qui  remplissent  la  vie  du  monde  n'y 
laissent  que  peu  de  place  pour  la  communion.  Les  fatigues  des  visites, 
le  retard  des  veillées  de  tout  genre,  ne  permettent  pas  le  lever  matinal. 
Hélas,  parviendra-t-on  à  changer  des  habitudes  si  générales.  Il  serait 
peut-être  téméraire  de  l'espérer.  Que  faire  alors?  Que  faire  ?  Choisir. 
Notre-Seigneur  disait  déjà  qu'il  est  impossible  de  servir  deux  unûtres. 
Dieu  et  le  monde.  . .,  Mesdames,  entre  Dieu  et  le  monde,  il  faut  choisir, 
voilà  tout. 

Enfin,  le  respect  de  la  communion  lui-même  arrête  certaines  âmes  qui 
ne  se  croient  pas  assez  saintes  pour  communier  fréquenmicnt.  D'autres 
n'en  sentent  pas  le  goût  ou  bien  pensent  n'en  retirer  aucun  fruit  si  elles 
n'y  trouvent  pas  la  ferveur  d'un  dévotion  sensible.  Que  toutes  ces 
pieuses  personnes  se  rappellent  donc  que  la  Sainte  Communion  est  une 
nourriture,  que  Xotre-Seigneur  ne  nous  la  présente  pas  autrement  :  qu'il 
nous  la  donne  sous  les  apparences  d'un  aliment  ordinaire  et  bienfaisant 
((uoique  peu  savoureux  :  que  l'Eglise  la  donnait  autrefois  aux  plus  petits 
enfants  et  (ju'elle  vient  de  nous  rappeler  (|ue  l'obligation  de  la  recevoir 
leur  incombe  dès  l'âge  de  discrétion.  Tous  ces  souvenirs  les  convain- 
cront qu'il  faut  user  de  la  communion  comme  on  use  d'une  nourriture 
nécessaire  à  la  conservation  de  la  vie  et  à  la  guérison  de  toutes  ses  ma- 
ladies. 

On  fera  peut-être  de  ce  rapport  une  critique  qui  peinerait  fort  le 
rapporteur.  Le  rapport  n'a  rien  dit  de  spécial  aux  associations  de 
femmes  chrétiennes,  on  le  lirait  avec  le  même  à  propos  dans  les  œuvres 
d'hommes. 

C'est  grave,  mais  voici  qui  sera  spécial  aux  femmes. 

Depuis  que  notre  mère  Eve  a  pris  l'initiative  de  iiotre  malheur,  c'est 
à  des  femmes  que  Dieu  s'est  plu,  ce  semble,  à  donner  l'initiative  dos 
réparations.  A  la  très  Sainte  Vierge  celle  de  la  lîédeniption  du  genre 
humain,  à  la  Bienheureuse  Jeanne  d'Arc,  celle  de  la  délivrance  de  son 
pays.  Les  hommes,  les  hommes  de  guerre  eux-niênics  étaient  pusilla- 
nimes, lâches,  découragés,  c'est  une  femme,  une  jeune  fille  de  Ifi  ans  qui 
se  lève  la  première,  qui  les  persuade,  les  anime  et  les  entraîne. 

Mesdames,  c'est  faire  œuvre  de  réparation  que  de  détruire  les  pr^ 
jugés,  que  de  rompre  les  vieux  usages  opposés  à  la  communion  fréquente. 

Les  hommes  devraient  l'entreprendre,  mais  les  hommes le  feront-ils 

à  moins  que  votre  exemple  ne  les  y  entraîne? 

Mesdames,  c'est  bien  à  vous  de  commencer. 


—  590  — 


Voe.u 


Il  est  à  désirer  que  les  Associations  de  jeunes  filles  et  de  femmes  ex- 
citent leurs  membres  à  la  pratique  de  la  communion  fréquente  et  même 
quotidienne,  puisqu'elle  est  le  moyen  nécessaire  de  faire  croître  en  elles 
la  vie  surnaturelle  et  le  plus  sûr  garant  du  succès  de  leurs  œuvres. 

Puisque  la  communion  fréquente  et  même  quotidienne  est  si  instam- 
ment recommandée  de  nos  jours  comme  un  excellent  moyen  de  tout  res- 
taurer dans  le  Christ,  il  est  à  désirer  qu'on  en  facilite  à  tous  la  pratique 
en  célébrant  la  Sainte  Messe  à  une  heure  un  peu  plus  commode  si  les 
occupations  du  saint  ministère  le  permettent. 


Avant  de  demander  à  Mgr  le  Président  de  conclnre,  M  le 
Secrétaire,  se  rendant  aux  désirs  de  plusieurs,  donne  la  parole 
à  M.  l'abbé  Thellier  de  Poncheville. 


Monseigneur,  Mesdames^ 


C'est  un  groupe  de  femmes  canadiennes  qui  a  eu  Thonneur  d'offrir 
l'ostensoir  d'or  dans  lequel  dimanche  l'hostie  brillera  triomphalement 
à  travers  les  rues  de  votre  cité. 

Toutes  les  mères  sont  appelées  par  Dieu  à  un  honneur  plus  magni- 
fique, car  toutes  elles  doivent  être  les  donatrices  et  les  orfèvres  d'un  os- 
tensoir vivant  dont  il  préfère  la  richesse  aux  étincellements  de  l'or  et  aux 
ruissellements  des  pierreries  :  les  cœurs  d'enfants  qu'elles  ont  pour  mis- 
sion de  préparer  à  recevoir  Jésus-Christ  en  les  ornant  pour  sa  venue,  en 
les  ciselant  et  en  les  ouvrant  à. sa  mesure,  afin  qu'il  les  emplisse  de  la 
plénitude  de  sa  vie  et  de  sa  beauté. 

Votre  œuvre,  votre  chef-d'œuvre,  Mesdames,  le  voilà  !  Oeuvre  presque 
sacerdotale,  qui  fait  de  vous  des  agents  d'une  surnaturelle  transfigu- 
ration. 

Comme  le  prêtre  offre  à  Dieu  la  parcelle  de  pain  où  sa  parole  va  réa- 
liser la  présence  même  de  Jésus,  vous  penchant  sur  les  l>erceaux  qui  sont 
vos  autels,  prenant  dans  vos  mains  l'enfant  qui  vient  de  naître,  vous  le 
consacrez  vous  aussi  à  son  Père  des  cieux  afin  (|u'il  en  agrée  l'offrande, 
et  de  votre  souffle  religieux,  de  vos  sanctifiantes  influences  maternelles, 
vous  faites  de  jour  en  jour  s'épanouir  en  lui  la  vie  divine  qui  l'assimile 
au  Christ. 

Plus  heureuses  que  le  prêtre  sous  les  yeux  duquel  ce  prodige  s'accom- 
plit invisiblement,  vous  avez  la  joie  do  voir  sous  la  frêle  enveloppe  de 
chair  qui  devient  transparente,  se  dégager  peu  à  peu  cette  beauté  de 
l'âme  vivifiée  par  la  grâce,  ineffable  spectacle  dont  s'enivre  le  regard 
des  mères. 


—  591  — 

Dieu  se  plaît  comme  vous  à  contempler  cette  œuvre.  Il  ne  peut  ee 
passer  de  vous  pour  l'accomplir.  Il  a  besoin  de  votre  consentement  pour 
multiplier  les  âmes  sur  terre  et  de  votre  concours  pour  les  élever  vers 
le  ciel.  Cette  volontaire  collaboration  de  votre  maternité,  qu'il  a  solli- 
citée de  sa  propre  Mère,  vous  la  lui  accordez,  ô  femmes  du  Canada,  dans 
des  sentiments  semblables  d'obéissance  confiante  et  courageuse  qui  per- 
mettent de  redire,  devant  vos  foyers  riches  de  berceaux  et  de  vertus,  la 
paroles  de  l'Ange  à  Marie  :  "  Vous  êtes  bénie  entre  toutes  les  femmes  !  " 

Oui,  c'est  un  hommage  qui  vous  est  dû  et  qu'il  faut  vous  rendre  à  la 
face  du  monde,  eu  un  temps  où  la  lâcheté  fait  parfois  fuir  devant  les 
souffrances  créatrices  de  vie,  en  un  pays  où  le  vieux  sang  de  France  est 
resté  si  fécond.  Oui,  je  vous  salue,  ô  mères  canadiennes,  fidèles  à  votre 
glorieuse  et  rude  mission,  malgré  les  sophismes  corrupteur?  d'une  litté- 
rature sans  pudeur  et  sans  foi;  je  vous  salue,  sublimes  collaboratrices  de 
Dieu,  qui  de  vos  douleurs,  de  votre  sang,  et  quand  il  le  faut,  de  votre 
vie,  donnez  sans  compter  des  enfants  à  vos  foyers,  des  citoyens  à  votre 
patrie,  des  prêtres  à  l'Eglise  et  des  saints  au  royaume  du  ciel  ! 

Votre  mission  n'est  pas  achevée  le  jour  où  votre  enfant  repose  dans 
son  berceau.  Car  il  n'y  est  pas  né  encore  tout  entier.  Sa  mère,  de  qui 
il  a  reçu  sa  vie  physique,  a  charge  d'éveiller  aussi  son  âme  à  cette  vie 
surnaturelle  qui  la  constituera  fille  de  Dieu.  Vous  rappeler  comment 
se  réalise  cette  grande  tâche  d'éducatrices  serait  bien  long  et  sans  doute 
inutile.  Je  n'en  signalerai  qu'un  seul  point  spécial  à  notre  congrès,  la 
formation  eucharistique  qui  doit  développer  en  ces  petits  frères  de  Jésus 
la  connaissance  et  l'amour  de  son  Saint-Sacrement. 

Heureux  l'enfant  à  qui  sa  mère  a  révélé  le  mystère  de  l'Eucharistie  ! 
L'initiation  faite  par  elle  est  inoubliable.  Dans  une  certaine  mesure 
elle  est  irremplaçable,  car  ces  premières  impressions  du  jeune  âge  des- 
.cendent  à  des  profondeurs  où  n'atteignent  plus  les  autres  et  où  rien  ne 
peut  pleinement  les  effacer.  A  de  longues  années  de  distance,  en  pleine 
virilité,  jusqu'au  soir  de  sa  vie,  en  dépit  des  tempêtes  qui  ont  passé  sur 
son  âme,  des  dénégations  et  des  passions  qui  l'ont  entraîné  loin  de  Dieu, 
l'homme  retrouve  au  plus  intime  de  lui-même  ces  émouvant?  souvenirs 
de  sa  foi  mêlés  à  l'immortel  souvenir  de  sa  mère,  gravés  en  lui  par  son 
'amour,  scellés  en  lui  par  ses  baisers.  C'est  elle,  la  femme  au  vi.sage  tou- 
jours souriant,  au  cœur  toujours  débordant  de  tendresse,  qui  le  condui- 
sait à  l'église,  l'approchait  du  tal^ernacle.  l'agonouillait  près  d'elle  en 
lui  indiquant  du  doigt  la  porte  mystérieuse  derrière  laquelle  le  regardait 
le  petit  Jésus.  C'est  elle  qui  croisait  ses  mains  pour  la  prière  devant 
l'hostie  blanche  et  inclinait  doucement  son  front  sou?  l'ostensoir  liénis- 
sant,  lui  parlant  à  voix  basse  de  son  immense  amour:  "  Il  y  a  quel(|u'un 
qui  t'aime  infiniment  plus  que  ta  mère  et  qu'il  faut  aimer  encore  plus 
que  moi."  Ce  n'était  pas  encore  pour  l'enfant  l'âge  de  raison,  c'étjiit 
déjà  l'âge  d'émotion,  et  il  devinait  par  le  cœur  ce  (lue  son  intelligence 
trop  chétive  ne  pouvait  coiiiprendre.  Quelque  chose  de  ces  sentinienti» 
survivra  à  la  mort  apparente  de  ses  croyances:  ils  denu'ureront  toujoun» 
en  lui,  malgré  lui.  peut-être,  comme  une  semence  de  résurrection,  le 
préservant  des  oublis  irréparahle?  et  de?  apostasies  sans  retour. 

Cette  école  eucharistique,  elle  est  inscrite  depuis  longtemps.  Mes- 
dames, à  vos  foyers.     Des  raisons  nouvelles  exigent  (lUe  son  ensi-ignement 


—  59-2  ^ 

se  fortifie  et  que  les  mères  d'aujourd'hui  soient  des  maîtresses  plus  dili- 
gentes encore  que  celles  du  passé. 

Vos  fils,  en  grandissant,  rencontreront  des  difficultés  plus  graves  que 
leurs  pères  pour  garder  leurs  croyances  traditionnelles.  Ils  se  heurte- 
ront à  l'objection  plus  répandue,  à  l'hostilité  plus  violente,  au  scepticisme 
plus  envahissant.  Prémunissez-les  par  la  forte  éducation  de  la  famille 
contre  ces  périls  ambiants.  Donnez-leur  des  convictions  chrétiennes 
profondes,  un  attachement  au  Dieu  de  l'Eucharistie  réfléchi,  personnel, 
vivant;  que  par  vos  leçons  la  foi  soit  non  pas  épinglée  à  la  surface  de 
leur  peau,  mais  mêlée  à  toutes  leurs  pensées,  aimée  de  toutes  les  fibres 
de  leur  cœur,  et  comme  imprégnée  jusque  dans  la  moelle  de  leurs  os. 
Ils  vous  devront,  aux  jours  de  tentation,  le  bienfait  des  certitudes  et  des 
fidélités  que  rien  ne  pourra  ébranler. 

Si  la  pensée  de  ces  menaces  ne  vous  émeut  pas  parce  qu'elles  sont 
encore  lointaines,  une  raison  toute  proche  et  indiscutable  vous  sollicite 
dès  à  présent  de  donner,  dès  leur  premier  âge,  cette  éducation  plus  pro- 
fondément religieuse  à  vos  fils. 

Un  récent  décret  de  Pie  X  sur  la  communion  vous  ordonne  de  les 
conduire  à  l'adorable  sacrement  d'amour  aussitôt  qu'ils  peuvent  distin- 
guer son  pain  d'une  nourriture  ordinaire.  Comme  aux  jours  de  sa  vie 
mortelle,  Notre-Seigneur  demande  à  ses  disciples  qu'ils  laissent  venir 
à  lui,  qu'ils  lui  amènent  ces  petits  enfants  dont  la  présence  lui  était  si 
chère  et  l'âme  si  sacrée. 

Ce  bienfait  nouveau  pour  eux  est  un  nouveau  devoir  pour  vous.  L'ex- 
cuse ne  vous  est  plus  permise  de  vous  décharger  sur  leurs  maîtres  de 
classe  de  la  préparation  à  leur  première  communion.  C'est  presque  au 
sortir  de  la  maison  maternelle  qu'ils  se  rendront  directement  à  la  sainte 
Table.  C'est  donc  à  vous  de  les  en  rendre  capables  et  dignes  en  vous 
faisant  leurs  catéchistes,  à  vous  de  les  préparer  de  bonne  heure  à  leur 
sublime  rencontre  avec  le  petit  Jésus. 

Quelle  impatience  joyeuse  doit  faire,  à  cette  pensée,  tressaillir  le  cœur 
de  toutes  les  mères  !  Il  dépend  d'elles  de  hâter  cette  heure  émouvante 
et  qu'au  front  de  l'enfant  qu'elles  ont  gardé  pur  pour  lui,  qu'elles  ont 
instruit  de  sa  foi  et  nourri  de  sa  piété,  le  Christ  vienne  plus  tôt  mettre 
son  baiser  ! 

"  Cette  fleur  qui  réjouit  mon  foyer,  oui,  je  veux  qu'elle  s'épanouisse 
rapidement  au  seuil  du  tabernacle.  J'en  prendrai  tant  de  soin,  je  la 
réchaufferai  avec  tant  d'amour,  qu'un  rayon  du  divin  soleil  eucharistique 
pourra  bientôt  se  reposer  sur  elle  pour  consacrer  et  parfaire  sa  religieuse 
beauté  !  " 

Cette  œuvre  captivante,  comment  la  réaliser  ?  Vous  vous  effrayez 
peut-être  de  ses  responsabilités.  Les  connaissances  et  les  loisirs  vous 
manquent,  objectez-vous.  Devant  un  devoir  aussi  grave  à  remplir,  il 
n'est  pas  de  chrétienne  qui  n'arrive  à  se  donner  la  science  et  à  se  trouver 
]p  temps  nécessaire! 

Ce  n'est  pas  le  savoir  humain  (jiii  importe  le  plus.  Sans  doute,  il 
serait  excellent  que  toutes  nos  familles  eussent  leur  bibliothèque  reli- 
gieuse à  la  place  d'honneur,  et  qu'à  côté  des  livres  de  prières  qui  y  fi- 
gurent nécessairement,  s'y  trouvassent  toujours  un  bon  cours  de  religion, 
un  catéchisme  expliqué,  une  histoire  sainte,  une  histoire  de  l'Eglise,  une 


—  593  — 

explication  des  fêtes  liturgiques,  un  manuel  apologétique,  où  les  enfants 
s'instruiraient  près  de  leur  mère  des  vérités  de  leur  foi.  Suppléez  du 
moins  à  ce  qui  manque  chez  vous  par  le  journal  catholique,  la  revue 
chrétienne,  le  bon  livre,  afin  d'être  plus  riches  de  pensées  bienfaisantes 
à  transmettre  à  vos  fils.  Si  vous  le  pouvez,  ajoutez  à  cet  enseignement 
élémentaire  une  culture  supérieure  acquise  par  le  travail  personnel,  le 
cercle  d'études,  les  conversations  instructives  qui  vous  donneront  plus 
de  valeur  intellectuelle  et  de  puissance  apologétique.  Ainsi  vous  serez 
dans  votre  famille  quelque  chose  de  plus  qu'une  tendresse,  une  lumière, 
et  sur  ceux  que  vous  aimez,  grandira  votre  influence  religieuse  par  cet 
ascendant  de  votre  savoir  uni  à  votre  bonté. 

Dieu  n'exige  pas  ces  hautes  capacités  de  ceux  qui  ne  sont  pas  en  me- 
sure de  les  conquérir.  La  mère  de  Jeanne  d'Arc  n'était  qu'une  paysanne, 
et  sans  doute  d'instruction  modeste,  puisque  sa  fille  n'avait  pas  appris  à 
lire  en  travaillant  à  ses  côtés.  "  Je  ne  sais  ni  A  ni  B  "  répondait  Jean- 
nette à  ses  juges,  mais  elle  ajoutait,  et  ce  mot  suffit  à  illustrer  devant 
l'histoire  et  devant  Dieu,  la  femme  dont  elle  est  née  :  "  Je  n'ai  appris 
ma  créance  que  de  ma  mère."  Toute  sa  conviction  religieuse,  toute  sa 
ferveur  eucharistique,  elle  l'avait  puisée,  avant  la  venue  de  ses  voix  cé- 
lestes, au  cœur  de  sa  mère  ! 

Les  mères  ont  de  ces  mots  tout  simples  qui  disent  tant  de  choses  à 
l'âme  de  leurs  enfants  !  Ils  naissent  de  leur  foi  et  ils  font  naître  en  eux 
la  foi.  Ils  viennent  de  leur  cœur  et  ils  descendent  en  vibrations  pro- 
fondes dans  leurs  cœurs. 

Parlez  ainsi  à  vos  fils.  Profitez  de  vos  rares  loisirs,  des  heures  de 
confidence,  des  soirées  de  famille,  des  jours  d'émotion  joveuse  ou  dou- 
loureuse qui  passent  sur  vos  foyers,  des  périodes  décisives  dans  leur  vie 
ou  la  vôtre.  Ne  négligez  aucune  de  ces  occasions  de  laisser  tomber  une 
parole  qui  fortifie  leur  foi  en  Jésus,  leur  respect  du  tabernacle,  leur 
amour  de  la  communion.  Eéservez-vous  quelques  minutes  cliaque  jour, 
chaque  dimanche  au  moins,  pour  être  à  eux  dans  l'abandon  des  causeries 
maternelles  où  les  âmes  s'étreignent  plus  que  leurs  mains  enfantines 
enlacées  autour  de  votre  cou. 

Ces  paroles  vivifiantes,  ce  ne  sont  pas  les  lectures  seules  (|ui  les  sug- 
géreront. C'est  Jésus,  c'est  le  tabernacle.  Votre  âme,  mise  en  posses- 
sion de  son  Dieu,  rayonnera  en  invisibles  effluves,  en  inspirations  reli- 
gieuses, plus  éloquentes  et  convaincantes  que  les  plirases  d'un  discours. 
Pour  apprendre  une  langue  étrangère,  il  ne  suffit  pus  d'ouvrir  b'S  livres 
où  elle  est  enseignée,  il  est  nécessaire  de  vivre  au  pavs  où  elle  se  parle. 
De  même,  pour  tenir  à  vos  enfants  ce  langage  chrétien,  c'fst  trop  pfu 
de  vous  instruire  de  votre  catéchisme  dans  qucbiues  bons  ouvrages.  Il 
faut  vous  établir  au  pays  de  Xotre-Seigneur,  dans  l'intimité  du  taber- 
nacle, dans  le  sentiment  de  sa  présence  en  vous:  là  seulement  vous  ac- 
querrez, en  parlant  de  lui,  ce  quelque  chose  d'intraduisil)lc  (|ue  b'S  ma- 
nuels de  religion  les  mieux  faits  n'enseignent  pas  et  qui  s'appelb-  l'arc-nt 

de  la  foi. 

Il  y  a  en  vous.  Mesdames,  une  foi  encore  plus  persuasive  que  .vile  .le 
la  parole,  c'est  celle  de  l'exemple.  Vos  enfants  se  modèlent  sur  votre 
attitude  plus  encore  que  sur  vos  con.seils.  Leurs  yeux  attontiven.ent 
fixés  sur  vous  vous    regardent  comme    l'incarnation  vivante  du  devoir. 


—  594  — 

Montrez-leur  ce  qu'est  une  communiante,  et  vous  leur  donnerez  le  désir 
et  le  sens  de  la  communion.  Qu'ils  vous  voient  souvent  à  l'église,  dans  le 
recueillement  de  la  prière,  dans  l'assistance  sérieuse  à  la  messe,  dans  la 
fréquentation  assidue  de  la  sainte  Table;  qu'ils  voient  chaque  jour,  au 
foyer  même,  la  fructification  des  divines  semences  de  vertus  que  l'Eu- 
charistie a  déposées  en  vous.  Comment  pourraient-ils  croire  que  vous 
vous  êtes  nourries  du  pain  vivant  de  la  charité  si  votre  âme  demeurait 
morte  d'égoïsme  !  Ils  seront  au  contraire  attirés  vers  l'hostie  par  le 
spectacle  des  beautés  et  des  bontés  qu'elle  fera  croître  en  vos  cœurs  et 
s'épanouir  dans  vos  vies. 

Donnez-vous  de  la  piété  eucharistique  pour  leur  en  donner.  Cette 
pensée  vous  aidera  dans  l'effort  à  faire  pour  rapprocher  votre  âme  de 
Jésus  :  l'âme  de  votre  enfant  se  sanctifie  par  la  vôtre.  Vous  ave2,  aimé 
les  douleurs  que  vous  a  coûtées  sa  venue  en  ce  monde,  car  c'est  à  ce  prix 
que  vous  achetiez  la  joie  d'être  mère  :  Aimez  les  sacrifices  que  vous  de- 
mande son  ascension  vers  le  tabernacle.  Vous  avez  préparé  avec  amour 
le  berceau  pour  le  petit  être  impatiemment  attendu  :  ornez  avec  plus 
d'allégresse  et  de  délicatesse  encore  son  âme,  par  les  mérites  et  les 
exemples  de  la  vôtre,  pour  la  visite  de  Jésus  qui  réjouira  votre  demeure 
en  descendant  en  elle. 

Quand  cette  heure  radieuse  aura  sonné,  vos  pieuses  sollicitudes  se  pro- 
longeront encore  sur  votre  premier  communiant.  Il  vous  appartiendra 
de  l'habituer  à  prendre  le  chemin  de  la  sainte  Table,  en  l'y  accompagnant, 
en  l'invitant  à  revenir  souvent  s'y  agenouiller,  plus  souvent  que  ne  le 
faisaient  ses  frères  aînés,  plus  souvent  que  vous  ne  l'avez  fait  vous-même 
à  son  âge.  Vous  avez  entendu  la  parole  pressante  du  Pape,  l'appel  de 
Notre-Seigneur  qui  veut  multiplier  le  don  de  lui-même  à  ses  créatures. 
Il  les  aime  plus  que  vous  ces  âmes  qu'il  a  lui  aussi,  enfantées  dans  la 
douleur  et  vivifiées  de  son  sang.  Il  les  veut  pour  leur  faire  du  bien.  Ne 
craignez  pas  qu'il  les  visite  trop  fréquemment.  Eéjouissez-vous  au  con- 
traire que  son  amour  palpite  vivement  dans  leurs  jeunes  poitrines.  Il 
ii'est  pas  l'ennemi  de  votre  affection.  Il  n'affaiblira  pas  en  eux  les  sen- 
timents de  piété  filiale  qui  ont  pour  vous  tant  de  douceur.  Il  n'en  chas- 
sera que  les  passions  coupables  qui  sont  maudites  des  mères.  Il  ne  vous 
prendra  pas  leurs  cœurs,  il  vous  les  gardera  tels  que  votre  tendresse 
voudrait  les  voir  toujours  meilleurs  qu'elle  ne  les  peut  faire  à  elle  seule. 
Car  il  est  comme  vous  jaloux  de  leur  pureté,  avide  de  leur  beauté,  et 
mieux  que  vous  sa  grâce  réalisera  en  eux  votre  idéal  qu'elle  surpassera. 
Oui,  laissez-le  agir  en  toute  liberté  dans  ces  cœurs  d'enfants  afin  qu'il 
les  purifie  et  les  sanctifie,  afin  qu'il  auréole  leurs  fronts  de  clarté  et  vos 
foyers  de  foi.  A  mesure  qu'ils  grandissent,  permettez-lui  de  prendre 
pleine  possession  de  ces  cœurs  oii  affluent  la  richesse  du  sang  et  le  désir 
de  se  donner;  il  attirera  vers  lui  leurs  regards,  toiites  leurs  chastes  et 
viriles  aspirations,  il  les  gardera  du  mal,  il  les  passionnera  pour  le  bien, 
il  vous  rendra  vos  jeunes  filles  pudiques  et  vaillantes,  vos  jeunes  gens 
dignes  de  vous  et  dévoués  pour  leurs  frères. 

Montréal  offrira  dimanche  soir  un  spectacle  d'incomparable  magni- 
ficence. L'illumination  l'enveloppera  de  ses  feux  innombrahles  qui 
scintilleront  à  toutes  vos  fenêtres,  le  long  de  toutes  vos  avenues,  et   ce 


—  595  — 

sera  du  Mont-Eoyal  une  féerie  merveilleuse  que  cet  embrasement  d'é- 
toiles d  or  répondant  à  celui  du  ciel. 

Mais  du  haut  des  collines  éternelles  une  vision  plus  radieuse  sera 
offerte  par  les  mères  chrétiennes  aux  regards  de  Dieu:  l'embrasement 
des  âmes,  cette  lumière  de  foi  et  d'amour  dont  vous  aviverez  la  clarté 
au  cœur  de  vos  enfants,  et  dont  la  lueur  rayonnante  fera  resplendir  dans 
la  nuit,  au-dessus  de  vos  foyers,  comme  une  auréole  eucharistique. 

Il  est  5.45  heures.  Mgr  le  Président  prend  la  parole  un 
instant  pour  dire  merci  aux  divers  rapporteurs.  Et  la  séance 
est  levée. 

Le  Révérend  Père  Marie  Joacliim  Fouquet,  des  Frères 
Prêcheurs,  aumônier  du  Cénacle  à  New- York,  communique 
au  tout  dernier  moment  un  rapport  intéressant  sur  l'Œuvre 
du  Cénacle,  dont  l'abondance  des  matières  inscrites  ne  per- 
met pas  la  lecture  en  séance. 


§  II.  • —  Séances  Sacerdotales. 
Séance  du  Jeudis  8  Sept. 

La  première  séance  sacerdotale  <iHi  devait  être  consaci-ée 
à  VapoHtolat  de  la  Communion,  fut  la  plus  brillante  de  toutes. 
La  présidence  en  avait  été  offerte  à  Sa  (irandcnr  ^Nfonsciirnonr 
ArchamhiiuJt.  Kvêque  de  Joliette,  assisté  du  1'.  /'.  <lnltin\  S. 
S.  S.,  remplissant  l'office  de  Secrétaire  du  bureau.  Mais,  sur 
ces  entrefaites,  le  Cardinal  Léj>at  avait  lui-même  accepté  de 
venir  ouvrir  cette  première  séance  saceiflotalc  Aussi  ccttî 
assemblée  se  fit-elle  remarquer  par  un  cuthousiasuH'  Indes 
criptible. 

Le  Cai'dinal  était  attendu  ]»()ur  '2.'M)  lii-s.  JMus  d'uur  heure 
auparavant,  une  foule  estimée  à  lO.IMIO  i»ersounes  au  moins 
s'est  massée  dans  la  rue,  aux  abords  de  l'église  du  T.  S.  Sacre 
ment.  A  partir  de  2  heures,  de  longues  théM)ries  «le  prêtres  et 
de  religieux  de  tous  les  ordres  ai-riveut  au  sanctuaire.  Il  fait 
un  temps  splendide.  A  tout  instant,  des  vuit  ures  <le  ;iala  auiè 
nent  les  prélats  qui  vont  successiviMiient  pn-n<lre  place  au 
chœur,  autoui-  du  fauteuil  <lu  pr('*sident  tandis  (ju<*  le  »  ler^r,:  se 
masse  dans  la  nef  et  dans  les  jialeries.  Les  cloches  annoncent 
bientôt  Tai-rivée  du  Lé^at  ;  «"«st  alors  de  la  part  de  la  foule 
une  loiiiiue  et  chaleureuse  ovation.  La  voilure  cardin-ilite 
avance  lentement  et  les  acclamât  ions  ledoubU'nt.  Au  nionien» 
où  Son  Eminence  met  pied  à  terre,  les  z«>uaves  qui  font   la 


—  596  — 

haie  présenteut  les  armes,  les  enfants  de  chœur  jettent  des 
rieurs.  Le  Cardinal  s'arrête  quelques  instants,  ému  jusqu'aux 
larmes  à  la  vue  de  cette  manifestation  populaire  si  sympa- 
thique et  isi  spontanée.  Puis,  après  avoir  béni  la  foule,  il  pé- 
nètre dans  le  sanctuaire,  précédé  des  religieux  de  la  Commu- 
nauté du  T.  Saint-Sacrement. 

A  son  entrée,  le  spectacle  est  plus  impressionnant  encore. 
Plus  de  2,000  prêtres  sont  là,  une  trentaine  d'évêques  et  de 
nombreux  prélats.  C'est  alors  un  vrai  délire  qui  s'empare  de 
cette  troupe  d'élite  de  l'armée  du  Christ  et,  pendant  plusieurs 
minutes,  ils  acclament,  debout,  leur  général,  le  Représentant 
du  Souverain  des  rois. 


* 
*  * 


Lorsque  les  applaudissements  se  sont  calmés,  Mgr  Archam- 
bault,  évêque  de  Joliette,  et  président  d'office  de  la  séance, 
adresse  en  ces  termes  la  bienvenue  à  Son  Eminence  : 


DISCOURS  DE  MGR  ARCHAMBAULT 


Eminentissime  Seigneur, 


La  présence  de  Votre  Eminence  à  cette  première  séance  de  la  section 
sacerdotale  n'est  pas  seulement  un  honneur  insigne,  c'est  encore  une  ré- 
compense et  un  puissant  encouragement.  Nous  éprouvons  une  joie 
intense  de  voir  au  milieu  de  nous,  pour  bénir  nos  travaux,  et  exciter 
notre  zèle  par  sa  parole  pleine  de  lumière  et  de  chaleur  communicative, 
l'illustre  Légat  "  a  latere  "  que  tant  de  Congrès  Eucharistiques  ont  déjà 
acclamé. 

En  votre  auguste  personne,  Eminence,  nous  saluons  le  Prince  de 
l'Eglise  qui,  depuis  plus  de  trente-neuf  ans,  met  au  service  de  la  société 
chrétienne  sa  piété,  sa  science  et  son  tact,  nous  saluons  l'envoyé  extra- 
ordinaire du  grand,  du  bon,  du  saint  Pontife  que  l'bistoire  nommera 
"le  Pape  de  l'Eucharistie";  nous  saluons  entin  le  représentant  officiel 
du  chef  suprême  à  qui  l'Homme-Dieu  a  donné  le  pouvoir  de  régir,  avec 
une  égale  autorité,  les  fidèles,  les  prêtres  et  les  Evêques.  Nous  sentons 
que  le  Christ  Jésus  est  présentement  avec  nous,  et  nous  touchons  du 
doigt  l'admirable  unité  du  sacerdoce  catholique,  source  de  sa  force  et  de 
sa  fécondité. 

Aussi,  est-ce  pour  nous  un  besoin  irrésistible  de  vous  affirmer,  Emi- 
nentissime Seigneur,  notre  inaltérable  attachement  au  Siège  apostolique, 
notre  soumission  entière  et  affectueuse  à  ses  ordres,  à  ses  directions,  à  ses 


—  597  — 

simples  désirs.  Xotre  foi  et  notre  enseignement  doctrinal  n'ont  pas  été 
entamés  par  les  erreurs  qu'exposait  naguère  avec  tant  de  clarté  et  ré- 
futait avec  une  logique  si  vigoureuse,  l'incomparable  encyclique  "'  Pas- 
cendi  Dominici  gregis."  Ces  erreurs,  Eminence,  nous  les  réprouvons, 
et,  nous  avons  la  ferme  conviction  qu'aucun  prêtre  présent  au  Congrès 
Eucharistique  de  Montréal  n'en  subira  jamais  la  funeste  influence,  n'en 
répandra  les  principes  subversifs  de  nos  dogmes  les  plus  sacrés  et  les  plus 
chers. 

Que  Dieu  conserve  longtemps  Votre  Eminence  à  la  vénération  du 
monde  catholique,  qu'il  renouvelle  des  forces  mises  sans  réserve  aux 
services  du  règne  social  de  Jésus-Christ,  iqu'il  daigne  répandre  dans  votre 
âme  la  plénitude  de  sa  paix  et  que  jamais  nos  ennemis  ne  triomphent  de 
vos  nobles  efforts  et  de  votre  indomptable  énergie  à  promouvoir  les 
intérêts  de  notre  Mère  la  Sainte  Eglise,  '' Do  minus  conservet  Eum, 
vivificet  Eum,  heatum  faciat  Eum  in  terra  et  non  tradat  Eum  in  animam 
inimicorum  Ejus." 


A  cette  adresse,  soulignée  à  plusieurs  reprises  par  les  vifs 
applaudissements  de  toute  l'assemblée,  le  Cardinal,  très  ému, 
répondit  par  un  discours  magistral,  où  il  exposa  avec  force  et 
clarté  la  doctrine  intégrale  de  l'Eglise  sur  le  sujet  de  la  Com- 
munion fréquente  et  sur  les  devoirs  du  prêtre,  comme  consé- 
crateur  et  dispensateur  de  cet  auguste  Mystère.  En  voici  le 
texte  : 

DISCOURS  DE  S.  E.  LE  CARDINAL  VANNUTELLI  (1) 


Messeigxeurs,  Messieurs, 

Cet  accueil  si  cordial  que  je  reçois  de  la  section  sacerdotale,  ces  paroles 
si  bienveillantes  et  si  pleines  de  foi  m'émeuvent  profondément.  L'émo- 
tion qui  me  domine  en  ce  moment  m'empêche  de  vous  exprimer  comme 
je  le  voudrais  les  sentiments  de  reconnaissance  qui  s'accumulent  en  mon 
cœur  à  l'occasion  de  cette  réception,  à  l'occasion  de  ce  grand  Congrès. 

Je  suis  heureux  de  voir  dans  ce  Congrès  tant  de  prêtres,  tant  d'ecclé- 
siastiques. Il  y  en  a  peut-être  plus  à  ce  Congrès  de  Montréal  que  dans 
tous  les  autres  congrès.  Ce  ne  sont  pas  seulement  des  prêtres  canadiens  ; 
il  en  est  qui  viennent  de  loin.  Il  y  en  a  des  autres  parties  de  l'Amé- 
rique; il  en  est  qui  viennent  des  pays  lointains  de  l'Elurope  et  même  de 
l'Asie,  de  l'Afrique  et  de  l'Océanie. 

J'éprouve  le  plus  grand  bonheur  en  me  voyant  entouré  par  des  ecclé- 
siastiques   qui    tous    semblent    animés    du    culte    de    la    Très    Sainte 

(1)  Le  Légat  ne  voulut  pae,  en  parlant  aux  prôtres,  s'astreindre  I  U  Ic-cture 
d'un  discours  préparé  à  l'avance.  Nos  C•<.nfr^r.•^  «M-ront  heureux,  croyonr^-noui, 
de  retrouver  ici  le  texte  même  de  ce  discours  tout  intime. 


—  598  — 

Eucharistie,  qui  tous  ont  été  stimulés  et  poussés  à  venir  à  Montréal  pai 
l'amour  qu'ils  professent  à  Notre-Seigneur  Jésus-Christ. 

Je  ne  manquerai  pas  de  faire  connaître  au  Saint-Père  combien  j'ai  été 
touché  de  la  réception  qu'on  me  fait  aujourd'hui  à  la  section  sacerdotale. 
Je  dirai  au  Saint-Père  qu'il  a  le  bonheur  d'avoir  dans  le  monde  entier 
des  ecclésiastiques  qui  ne  demandent  qu'à  suivre  sa  direction,  qu'à  être 
prêts  à  ses  moindres  désirs  pour  lui  obéir,  pour  lui  témoigner  toute  l'af- 
fection, tout  le  dévouement  et  toute  la  soumission  filiale.  Il  appellera 
sur  vous  tous,  sur  vos  paroissiens,  d'abondantes  bénédictions  divines. 

Permettez  que  je  profite  de  cette  occasion,  puisque  nous  sommes  ici 
tous  prêtres,  tous  animés  du  même  désir,  c'est-à-dire  la  gloire  de  Dieu, 
permettez-moi,  dis-je,  de  vous  adresser  quelques  paroles  d'exhortation. 

Vous  êtes  venus  au  Congrès  de  Montréal  et  je  suis  sûr  que  vous  ne 
vous  en  repentirez  pas.  Vous  conserverez,  comme  moi-même,  un  sou- 
venir inoubliable  d'avoir  assisté  à  un  tel  triomphe  de  la  Sainte  Eucha- 
ristie; mais  vous  n'êtes  pas  seulement  venus  pour  rehausser  l'éclat  du 
congrès,  vous  êtes  venus  aussi  pour  répandre  autour  de  vous  les  bons 
résultats,  les  fruits  de  ce  congrès,  et  c'est  à  cela  que  vous  devrez  travailler 
de  retour  au  milieu  de  vos  ouailles. 

Quel  est  le  meilleur  moyen  de  répandre  les  fruits  du  congrès  au  milieu 
des  fidèles  qui  sont  confiés  à  vos  soins  ?  C'est  avant  tout  de  traiter  nous- 
mêmes  dignement  ce  grand  sacrement  qui  nous  est  confié  tout  spécia- 
lement, de  traiter  dignement  la  Sainte  Hostie,  qui  daigne  descendre 
chaque  jour  dans  nos  cœurs. 

Dieu  nous  a  faits  ses  ministres  et  il  nous  permet  de  renouveler  sur  les 
autels,  d'une  manière  mystique,  mais  d'une  manière  qui  représente  réel- 
lement le  Saint  Sacrifice  de  la  Croix,  sacrifice  où  Dieu  JSTotre-Seigneur, 
pour  nous  racheter  de  la  servitude,  a  versé  jusqu'à  la  dernière  goutte  de 
son  sang.  Eh  bien,  pour  que  les  fidèles  voient  que  nous  apprécions,  que 
nous  connaissons  la  grandeur  du  bienfait  qui  nous  est  donné,  la  gran- 
deur du  mystère  qui  est  traité  par  nos  mains,  il  faut  que  nous  traitions 
ce  mystère  avec  toute  la  vénération,  avec  tout  le  recueillement,  avec  tout 
le  culte  qu'il  mérite,  et  je  vous  le  recommande  tout  spécialement.  La 
célébration  de  la  sainte  messe  doit  être  pour  vous  une  prédication,  afin 
que  ceux  qui  vous  regardent,  qui  assistent  au  saint  sacrifice,  qui  est  la 
répétition  du  sacrifice  du  calvaire,  connaissent  et  s'aperçoivent  de  plus 
en  plus  que  c'est  là  le  plus  grand  bienfait  que  Jésus  Kédempteur  a  fait 
à  l'humanité,  en  nous  permettant  d'offrir  chaque  jour,  chaque  moment, 
à  son  Père  éternel,  le  plus  précieux  de  son  sang. 

Mais  de  toutes  les  prédications,  je  vous  recommande  les  prédications 
verbales.  Oui,  il  faut  que  de  temps  en  temps  vous  répétiez  les  recom- 
mandations spéciales  à  ceux  qui  vous  sont  confiés  concernant  le  culte 
de  l'Eucharistie;  il  faut  que  les  fidèles  sachent  par  votre  direction,  par 
votre  instruction,  que  c'est  là  vraiment  le  centre  de  toute  prière,  que  c'est 
le  foyer  de  toute  dévotion,  que  c'est  la  source  de  toute  vérité. 

Eh  bien,  je  vous  le  recommande,  que  votre  prédication  soit  dirigée 
d'une  manière  spéciale  dans  ce  but. 

En  troisième  lieu,  je  vous  recommande  aussi  de  retenir  toujours  le 
décret  de  1905  concernant  la  communion  fréquente.     Oui,  ce  décret  a 


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eu  déjà  de  grands  résultats,  a  produit  des  effets  des  plus  salutaires,  mais 
quelque  chose  reste  encore  à  faire.  Je  suis  persuadé  que  de  votre  côté 
vous  ne  vous  épargnerez  pas,  que  vous  serez  toujours  là  pour  faire  com- 
prendre aux  fidèles  que  la  participation  au  banquet  divin  est  le  moyen 
le  plus  sûr,  le  plus  efficace  pour  vaincre  ses  passions,  pour  dominer  ses 
mauvais  penchants,  pour  résister  aux  tentations  du  démon,  pour  se  for- 
tifier dans  l'exercice  do  la  piété  chrétienne,  dans  la  profession  de  la  foi 
catholique.  Et  qu'il  ne  nous  soit  pas  désagréable  d'être  toujours  prêts 
au  tribunal  de  la  confession  pour  ceux  qui  voudraient  encore  se  rcK-on- 
cilier  avec  Dieu,  pour  s'approcher  dignement  de  la  sainte  Table  ;  et  qu'il 
ne  vous  soit  pas  désagréable  non  plus  de  pousser  à  cette  fréquentation  de 
la  sainte  communion  les  hommes  et  les  femmes  de  tout  âge.  de  toutes 
conditions,  pourvu  qu'ils  en  aient  les  dispositions  nécessaires,  c'est-à-dire 
la  bonne  intention  et  la  conscience  exempte  de  fautes  mortelles. 

A  présent,  le  Saint-Père  a  décidé  que  ces  bons  petits  enfants,  qui  se 
trouvent  déjà  à  l'âge  de  discrétion,  qui  savent  distinguer  le  bien  du  mal, 
qui  savent  comprendre  que  dans  le  saint  tabernacle  nous  avons  un 
trésor  caché,  qui  est  là  pour  venir  à  notre  aide  et  à  notre  secours,  que  ces 
enfants  puissent  enfin  s'approcher  de  la  Table  Sainte.  Il  reste  triste, 
affligé,  de  les  savoir  repoussés  de  cette  participation  (applaudissements). 
Pour  quelle  raison,  de  quel  droit  nous  repousserait-on?  il  y  en  a  qui  le 
disent,  véritablement.  —  Eh  bien,  j'espère  que  ces  enfants  arrivés  à  un 
âge  de  discrétion,  seront  aussi  admis  à  la  sainte  Table.  Qu'il  ne  vous 
soit  pas  désagréable  de  changer  un  peu  la  routine  (applaudissemsents), 
cette  routine  qui  prive  les  petits  enfants  d'un  secours  précieux  pour 
préserver  leur  candeur  et  leur  innocence,  leur  donner  l'arme  la  plus 
vaillante  pour  se  défendre  des  ennemis  de  leur  foi,  des  ennemis  de  leur 
pureté  et  de  leur  innocence  (applajudissemeîits).  Ce  ne  vous  sera  pas 
trop  difficile,  il  faut  être  plein  de  confiance.  Au  premier  moment,  des 
difficultés  se  rencontreront,  mais  de  grands  effets  se  feront  sentir  dans 
la  suite,  et  ce  sera  pour  vous  la  plus  l)elle  et  la  plus  agréable  consolation 
qu'il  soit.  Donc,  travaillez  dans  ce  l)ut  et  vous  ferez  une  chose  qui  sera 
la  plus  belle  et  la  plus  grande  consolation  de  notre  bien-aimé  Saint-Père 
Pie  X,  qui  porte  à  cette  dévotion  un  si  grand  intérêt  et  qui,  à  juste  titre, 
est  appelé  le  pape  de  l'Eucharistie. 

Je  vous  recommande  de  prier  pour  lui,  pour  la  Sainte  Eglise,  C'est 
sur  la  prière  des  prêtres  qu'il  compte  d'une  manière  toute  particulière; 
priez  pour  que  le  bon  Dieu  le  délivre  de  ses  ennemis  et  le  conserve  à 
l'affection  de  ses  enfants;  priez  aussi  pour  que  ce  congrès  produise  de 
bons  résultats,  abondants,  et  qu'il  soit  vraiment  favorisé  de  grâces  et  de 
bénédictions.  Et  dans  ce  but,  je  vais  maintenant  vous  bénir  au  nom  de 
Sa  Sainteté  dont  je  suis  au  milieu  de  vous  l'indigne  représentant.  (Cha- 
leureux applaudissements.) 

Ce  fut  alors  un  spectacle  émouvant  que  celui  <1(*  c(m*  (1<mix 
mille  prêtres,  inclinant  la  tête  pour  recevoii-  au  il -ni  du  P:ii)e 
la  bénédiction  de  son  Tvé^at. 


—  600  — 

Mgr  Bruchési,  dans  une  courte  allocution,  se  fit  auprès  de 
son  Eminence  l'interprète  des  sentiments  de  tous  les  évêques 
et  de  tous  les  prêtres  présents. 


DISCOURS  DE  MONSEIGNEUR  BRUCHESI 


Emiîs[ence, 

Je  n'ai  qu^un  simple  mot  à  adresser  après  les  éloquentes  et  touchantes 
paroles  qui  viennent  de  tomber  de  votre  bouche. 

Il  me  semble  que  c'est  aujourd'hui  que  le  monde  entend  pour  la  pre- 
mière fois  cet  officiel  commentaire  du  décret  de  Pie  X  sur  la  commu- 
nion des  petits  enfants. 

Vous  interprétez  la  parole  qui  ne  trompe  pas,  la  parole  du  Docteur 
infaillible  :  c'est  Montréal  qui  l'entend,  Montréal  en  est  honoré  et  fier, 
et  ici,  à  Montréal,  je  crois  pouvoir  me  faire  l'interprète  de  tous  les  évê- 
ques de  la  province,  des  évêques  du  Canada  en  vous  disant  que  la  routine 
va  disparaître.     (Applaudissements.) 

La  doctrine  du  Saint-Père  peut  paraître  nouvelle  ;  elle  change  peut- 
être  nos  idées,  mais,  puisque  le  Saint-Père  nous  le  dit,  il  est  vrai,  nous 
allons  changer  de  route  et  la  route  que  nous  allons  prendre  sera  la  bonne, 
celle  qui  nous  conduira  au  ciel  et  qui  fera  régner  chez  les  enfants,  comme 
le  Saint-Père  le  veut,  l'innocence  et  la  pureté. 

Vous  avez  devant  Vous,  Eminence,  nous  avons  devant  nous,  Messei- 
gneurs  et  Messieurs,  la  réunion  la  plus  vénérable  et  la  plus  chère  de  tout 
le  Congrès  Eucharistique,  réunion  de  ceux  qui,  chaque  matin,  font  des- 
cendre sur  l'autel,  dans  leurs  mains  et  dans  leurs  cœurs,  le  Dieu  trois 
fois  saint.  C'est  à  eux  qu'était  réservé  l'honneur  de  votre  première  visite 
officielle  au  cours  des  séances;  cet  honneur  ils  le  méritaient  et  ils  vous 
remercient  de  leur  avoir  parlé  du  fond  de  votre  cœur.  Cardinal  Légat  du 
Saint-Père,  comme  vous  l'avez  fait.  C'est  un  encouragement,  c'est  une 
récompense. 

Vous  vous  trouvez  ici,  Eminence,  dans  la  chapelle  des  Pères  du  Très 
Saint-Sacrement.  Ah!  je  dois  dire  ici  ce  que  nous  devons  aux  Pères  du 
Saint-Sacrement  pour  le  Congrès  Eucharistique.  (Applmidissements.) 
Il  a  été  bien  organisé,  comme  vous  le  voyez;  Eminence,  cela  est  dû  par- 
ticulièrement à  eux  ;  c'est  ici  que  je  suis  venu  chercher  mon  secrétaire 
général,  le  Eévérend  Père  Pelletier,  secondé  par  le  Révérend  Père  Galtier 
ici  présents,  par  les  Pères  de  sa  communauté,  les  petits  novices  et  les 
petits  juvénistes.  Je  les  ai  vus  à  l'œuvre  depuis  un  an.  Ils  ont  mis 
toute  leur  énergie,  tous  leurs  efforts,  tout  leur  zèle  à  promouvoir  le  grand 
Congrès  Eucharistique  de  1910.  Aussi,  Eminence,  je  sais  que  ces  bons 
Pères  reçoivent  aujourd'hui  dans  votre  visite,  dans  la  réunion  des  prêtres 
dans  la  maison  de  leur  Dieu,  leur  meilleure  récompense.  Moi,  je  ne 
peux  que  les  remercier,  mais  c'est  Dieu  qui  les  récompensera  comme  ils 
méritent  de  l'être. 


—  601  — 

Puisque  j'en  suis  aux  remerciements,  en  toute  justice  je  me  ferais  un 
reproche  de  ne  pas  mentionner,  à  côté  du  Père  Pelletier  et  du  Père 
Galtier,  M.  le  chanoine  Koy,  qui  a  été  aussi  zélé  que  ces  deux  Pères  pour 
tout  ce  qui  regarde  le  Congrès  Eucharistique.  Mes  chers  Frères,  vous  ne 
savez  pas  ce  que  nous  devons  à  notre  chancelier  pour  le  Congrès  Eucha- 
ristique !  Il  a  mis  au  service  de  la  cause  toutes  ses  forces,  il  s'est  dévoué 
au  point  de  s'exposer  à  être  malade,  mais  il  ne  le  sera  pas,  j'en  suis 
assuré,  car  le  Dieu  de  l'Eucharistie  saura  bien  le  soutenir. 

Maintenant,  à  tous  ceux  qui,  de  près  ou  de  loin,  ont  pris  une  part  à 
ce  cher  Congrès  Eucharistique,  à  vous  surtout  mes  Frères,  qui  êtes  venus 
de  l'autre  côté  de  l'Océan,  de  France,  de  Belgique  et  des  autres  parties 
du  monde,  à  vous  nos  souhaits  de  remerciements  et  de  bienvenue.  N'ou- 
bliez pas  que  durant  le  congrès,  vous  êtes  ici  chez  vous,  vous  avez  le 
pouvoir  des  prêtres  de  mon  diocèse;  usez-en  pour  le  bien  de  vos  âmes  et 
des  âmes  que  vous  pourrez  rencontrer.     {^Applaudissements). 

* 
*   * 

Après  cette  vibrante  allocution,  le  Cardinal,  escorté  de 
l'Archevêque  de  Montréal,  de  Monseigneur  Heylen  et  de  quel- 
ques prélats,  quitte  la  séance,  pour  aller  inaugurer  aussi  la 
première  réunion  sacerdotale  de  la  Section  anglaise.  Tous  les 
prêtres  sont  debout  et  applaudissent  frénétiiiucnieut.  Puis  la 
séance  d'étude  proprement  dite  commence. 


Monseigneur  Archanibault,  IMésident,  s'adresse  eu  ces 
termes  à  son  auditoire  : 

Messieurs, 

Monseigneur  l'archevêque  de  Montréal,  en  me  demandant  d"étre  le 
vice-président  de  la  première  séance  de  la  section  sacerdotale  du  Con- 
grès, ne  pouvait  pas  procurer  une  joie  plus  douce  à  mon  cœur  d'évêquc, 
ni  m'offrir  un  foyer  plus  lumineux  et  plus  ardent  pour  purifier,  re- 
tremper, éclairer'^le  zèle  apostolique  dont  je  dois  être  animé  envers  la 
divine  Eucharistie.  Cette  délicate  attention  de  la  part  de  mon  venere 
métropolitain  est  aussi  un  honneur  enviable  auquel  je  n'avais  aucun 
titre;  mais  qu'il  m'est  bien  permis  de  considérer  comme  la  récompense 
ménagée  par  Dieu  au  diocèse  de  Joliette. 

Ce  diocèse,  le  premier  créé,  par  Sa  Sainteté  le  Pape  Pie  \.  est  1  j.n 
des  plus  remarquables  par  la  vivacité  de  sa  foi  et  la  ferveur  de  son  cul  e 
eucharistique.  Dans  mil  ville  épiscopale  fut  établie  la  direction  ce 
l'Œuvre  des  Prêtres  Adorateurs  pour  l'Amen(|ue  du  Nord.  Le  re^r-  <• 
Père  Beaudrv.  des  clercs  de  Saint-Viat.nir  et  ancien  •'"•ft^'"'-^;'"  /. 
minaire  de  Joliette,  en  resta  l'âme  pendant  .le  longues  annéj^  J/"  ,^ 
bonheur,  quand  ils  arrivèrent  au  pays,  de  la  remettre  entre  les  nuuns  des 


—  602  — 

dignes  fils  du  Vénérable  Pierre- Julien  Eymard,  et  d'en  voir  ainsi  assurés 
le  plein  développement  et  la  perpétuité. 

A  ce  saint  religieux  revient  encore  la  gloire  d'avoir  été,  toute  sa  vie 
sacerdotale,  le  défenseur  intrépide  de  la  communion  fréquente  chez  les 
enfants  de  nos  écoles,  chez  les  jeunes  gens  de  nos  collèges,  et  cela  bien 
avant  que  le  Saint-Siège  eût  fait  disparaître  du  monde  chrétien  les  der- 
niers vestiges  du  jansénisme  par  le  mémorable  décret  "  Sacra  Triden- 
tina  Synodus." 

Enfin  le  diocèse  de  Joliette  a  procuré  l'an  dernier,  à  ses  prêtres  dé- 
voués la  consolation  d'enregistrer  plus  de  1,200,000  communions,  alors 
que  le  nombre  total  des  personnes  en  âge  de  communier  n'atteint  pas  le 
chiffre  de  50,000. 


La  section  sacerdotale  est  certainement,  de  toutes  les  sections  dont  se 
compose  le  XXIe  Congrès  Eucharistique  International,  celle  sur  la- 
quelle les  regards  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  s'arrêtent  avec  le  plus 
d'amour  et  de  confiance.  N'êtes-vous  pas  ses  amis  choisis,  les  confidents 
de  ses  secrets,  les  dépositaires  de  ses  pouvoirs?  Ne  lui  donnez-vous  pas, 
chaque  jour,  l'être  sacramentel  sans  lequel  l'Homme-Dieu  ne  saurait  ni 
exercer  son  sacerdoce  à  travers  le  monde  et  à  travers  les  âges,  ni  perpé- 
tuer au  milieu  de  nous  les  innombrables  bienfaits  de  sa  présence  réelle? 

L'onction  sacerdotale  ne  nous  a-t-elle  livrés  exclusivement  à  la  garde, 
au  service,  à  la  défense  de  l'Eucharistie?  Alors  que  tant  d'âmes  s'éloi- 
gnent du  Maître,  parce  qu'elles  trouvent  trop  dur  de  croire  au  mystère 
de  sa  vie  eucharistique,  et  plus  dur  encore  de  conformer  leur  vie  à  cette 
croyance,  ne  vous  pressez-vous  pas  en  rangs  compacts  autour  de  l'autel, 
disant  avec  l'Apôtre  saint  Pierre  :  "  A  qui  irions-nous  donc.  Seigneur  ? 
vous  avez  les  paroles  de  la  vie  éternelle." 

Votre  section.  Messieurs,  l'emporte  encore  sur  toutes  les  autres,  par  la 
nature  et  la  variété  des  études  auxquelles  vous  allez  vous  livrer.  On  l'a 
écrit  avec  raison,  c'est  parmi  vous  que  se  fera  le  travail  le  plus  sérieux, 
le  plus  efficace,  le  plus  durable.  Ici,  dans  ce  sanctuaire  béni  consacré 
à  l'adoration  perpétuelle  de  Jésus-Hostie,  loin  du  bruit  et  des  applau- 
dissements de  la  foule,  tous  sous  l'œil  du  Maître  et  sous  les  battements 
précipités  de  son  divin  cœur,  vous  allez  jeter  en  terre  la  semence  de  la 
moisson  qui  lèvera  plus  tard.  —  "  Apostolat  de  la  communion  "  — 
"  Adoration  et  prédication  de  l'Eucharistie  "  —  Œuvres  eucharistiques," 
—  voilà  les  titres  pleins  d'ampleur  sous  lesquels  se  classent  les  travaux 
multiples  et  féconds  de  notre  programme.  Quel  vaste  champ  ouvert  à 
votre  érudition,  à  votre  expérience  du  saint  ministère  et  à  votre  zèle 
d'apôtres  !  En  remplissant  bien  les  cadres  de  ce  programme,  vous  serez 
l'âme  même  du  congrès.  Que  restera-t-il  dans  quelques  mois,  dans 
quelques  semaines,  des  cérémonies  grandioses  et  des  incomparables  dé- 
monstrations en  l'honneur  du  Christ-Eoi?  Les  riches  décorations  auront 
disparu  des  temples,  des  édifices  et  des  rues  de  la  métropole  canadienne  \ 
les  chants  d'amour  et  de  triomphe  auront  cessé;  la  voix  puissante  des 
orateurs  chrétiens  aura  fait  silence.  Des  milliers  et  des  milliers  d'âmes 
garderont  longtemps  sans  doute  le  souvenir  ému  de  ces  spectacles  récon- 


—  603  — 

fortants.  Combien  d'antres  devront  à  ces  jours  de  prières  et  d'adoration 
prolongées  la  grâce  d'un  retour  sincère  au  13ieu  de  leur  jeunesse,  ou  celle 
non  moins  précieuse  d'une  vie  plus  chrétienne,  d'une  poussée  plus  forte 
vers  les  sommets,  jusque  là  inaccessibles,  de  la  perfection  !  Ces  résultats 
seront  consolants,  mais  je  ne  crains  pas  de  l'affirmer,  le  vrai  monument 
du  Congrès  Eucharistique,  le  monument  le  plus  beau,  celui  que  n'atta- 
quera ni  le  temps,  ni  l'instabilité  des  choses  humaines,  aura  été  élevé 
par  vous,  chers  et  dévoués  frères  dans  le  sacerdoce.  Grâce  à  vos  tra- 
vaux, pleins  de  piété  et  de  science,  vous  allez  imprimer  un  élan  nouveau 
au  grand  mouvement  qui  entraîne  actuellement  le  monde  vers  la  divine 
Eucharistie. 

C'est  l'unique  récompense  qu'ambitionne  sur  la  terre  l'illustre  prési- 
dent et  l'apôtre  infatigable  des  Congrès  Eucharistiques  Internationaux, 
Sa  Grandeur  Monseigneur  l'Evêque  de  Xamur  qui  a  bien  voulu  nous 
honorer  aujourd'hui  de  sa  présence. 

A  l'œuvre  donc,  Messieurs,  et  sachons  unir  à  la  clarté,  à  la  précision 
du  style,  la  fécondité  d'une  doctrine  sûre  et  pratique,  suivant  ces  belles 
paroles  que  nous  lisons  au  bréviaire  des  Dominicains,  en  la  fête  de  saint 
Thomas  d'Aquin,  le  chantre  divin  de  l'Eucharistie:  "  Stijlus  hrevis 
"  grata  facundia,  celsa,  dam,  firma  sententia,  tanquam  flumen  clarae 
"  scientiae,  rigat  vos  et  sanctam  Ecclesiam." 


Après  son  allocution,  Mgr  le  Président  offre  la  parole  au 
premier  rapporteur,  inscrit  au  programme,  le  K.  P.  Gont/aer, 
S.  J  ,  qui  doit  traiter  de  : 

«  LA  COMMUNION  ET  SES  DIVERS  DEGRES  ' 


Messeigneurs, 

Messieurs, 

En  lisant  le  décret  "  Sacra  Tridentina  Synodiis  "  publié  le  20  déc. 
1905,  par  la  S.  C.  C,  sur  l'ordre  du  Pape  Pie  X  gloneusemont  régnant 
on  ne  peut  manquer  d'être  frappé  de  l'énergie  et  de  1  insistance  avec-  les- 
quelles est  proclamé  le  désir  de  l'Eglise  de  voir  la  C'onimunion  devenir 
de  plus  en  plus  fréquente  dans  le  peuple  chrétien.  C  est  1  intention,  le 
désir  profond  de  Notre-Seigneur  Jésus-Cbnst  que  son  Sacrement 
d'amour  soit  mis  à  la  portée  de  tous,  et  tous  sont  invites  a  s  ^'^  approd.er 
le  plus  souvent  possible.  Non  seulement  l'accès  a  ce  divin  banque  ne 
doit  pas  être  rendu  difficile,  mais  au  contraire,  il  doit  ^'tre  rem  a,, 
et  toute  personne  de  bonne  volonté  doit  pouvoir  s  en  approc-lier  tou^  K. 

^Tai  1.  -  "La  communion  fréquente  et  quoti^lienne.  »;!^''t/ouver.u- 
nement  désirée  par  Notre-Seigneur  Jésus-Chnst  et  par  1  hghse  eatho- 


—  604^ 

lique,  doit  être  rendue  accessible  à  tous  les  fidèles  de  quelque  classe  et 
de  quelque  condition  qu'ils  soient,  en  sorte  que  nul,  s'il  est  en  état  de 
grâce  et  s'il  s'approche  de  la  sainte  Table  avec  une  intention  droite,  ne 
puisse  en  être  écarté." 

(a)  6.  —  "  Comme  il  est  évident  que  la  communion  fréquente  et  quo- 
tidienne augmente  l'union  avec  Jésus-Christ,  alimente  avec  plus  de  force 
la  vie  spirituelle,  embellit  l'âme  des  plus  abondantes  vertus  et  nous 
donne  un  gage  encore  plus  ferme  de  la  vie  éternelle,  les  curés,  les  con- 
fesseurs et  les  prédicateurs,  suivant  la  doctrine  approuvée  du  catéchisme 
romain  (p.  II,  c.  63),  devront  exhorter,  dans  de  fréquents  avis  et  avec  un 
zèle  empressé,  le  peuple  chrétien  à  cette  pratique  si  pieuse  et  si  salu- 
taire." 

A  ces  textes  déjà  si  clairs,  des  actes  nombreux  du  S.  Père  sont  venus 
ajouter  une  lumière  encore  plus  grande  s'il  était  possible,  on  dirait  que 
le  Pape  a  pris  à  tâche  d'iusister,  et  d'inculquer  profondément  cette 
vérité,  que  nous  ne  saurions  mieux  répondre  au  désir  de  Notre-Seigneur 
qu'en  lui  amenant,  de  plus  en  plus  nombreux,  les  communiants. 

Je  me  contente  d'indiquer  d'un  mot  les  nombreux  documents  que  vous 
connaissez  bien,  et  qui  du  reste  feront  l'objet  de  plusieurs  travaux  spé- 
ciaux durant  ce  Congrès  : 

Déclaration  de  la  S.  C.  C.  relative  à  la  communion  quotidienne  des 
enfants,  même  dans  les  maisons  d'éducation  (1),  facilité  accordée  aux 
malades,  en  adoucissant  pour  eux  la  loi  du  jeûne  eucharistique  (2),  con- 
cession relative  à  la  confession  sacramentelle  requise  pour  gagner  les 
indulgences  (3),  distribution  de  la  communion  dans  les  oratoires 
privés  (4),  exhortation  souvent  répétée,  surtout  à  l'occasion  des  Congrès 
eucharistiques. 

Enfin  Tacte,  peut-être,  le  plus  important  est  le  Décret  de  la  S.  C.  C. 
du  8  août  1910,  sur  l'âge  de  la  première  communion. 

Je  me  borne  à  le  nommer,  il  serait  trop  long,  et  ce  serait  sortir  de 
mon  sujet  que  de  l'expliquer.  Ce  décret  sera  commenté,  et  surtout  mis 
à  exécution,  et  la  pratique  de  la  Communion  fréquente  se  répandra  dans 
tout  le  peuple  chrétien. 

Aucun  doute  ne  peut  subsister,  le  désir  de  l'Eglise  exprimé  avec  tant 
d'insistance  ne  nous  laisse  aucune  obscurité. 

Toute  âme  do  bonne  volonté  doit  être  admise  à  la  sainte  Table,  non 
pas  de  loin  en  loin,  ni  même  assez  souvent,  mais  chaque  fois  qu'elle  le 
désire,  tous  les  jours  sans  exception,  si  sa  piété  l'y  porte.  Et  le  prêtre, 
quel  qu'il  soit,  curé,  confesseur,  prédicateur,  bien  loin  de  semer  des  obs- 
tacles sur  sa  route,  et  de  l'arrêter  dans  ce  que  certains  auteurs  auraient 
autrefois  appelé  une  piété  excessive  et  indiscrète,  doit  l'admettre,  l'en- 
courager, l'exhorter,  et  faire  tout  en  son  pouvoir  pour  lui  rendre  la  pra- 
tique de  la  communion  facile. 


(1)  S.  C.  C.  15  sept.  1906. 

(2)  S.  C.  C.  7  cl<-c.  1906. 

(3)  S.  C.  C.  Indulg.  14  févr.  1906. 

(4)  S.  R.  C.  8  mai  1900. 


—  605  — 

"  Venite  ad  me  omnes,"  tel  est  l'appel  du  divin  Maître,  et  ses  mi- 
nistres doivent  le  faire  entendre  à  toutes  les  âmes. 

Mon  but  n'est  pas  d'expliquer  en  détail  le  sens  de  ces  documents,  pas 
même  le  décret  :  "  Sacra  Tridentina  Synodus,"  cela  est  fait  dans  un 
autre  rapport  :  mais  plutôt  de  considérer  quelques  questions  particulières 
et  pratiques,  dont  la  solution  doit  guider  notre  conduite,  à  nous  prêtres, 
curés,  confesseurs,  prédicateurs,  puisque  c'est  à  nous  qu'incombe  la 
charge  d'amener  le  peuple  fidèle  à  Xotre-Seigneur. 

Et  ici  encore,  au  milieu  des  innombrables  aspects  sous  lesquels  on  peut 
considérer  la  divine  Eucharistie,  il  me  faut  faire  un  choix.  D'autres 
vous  rediront  les  fruits  merveilleux  de  la  communion,  ou  insisteront  sur 
les  dispositions  nécessaires  pour  s'en  approcher  dignement,  ou  utiles 
pour  en  retirer  de  plus  grands  fruits. 

Ma  question  sera  beaucoup  plus  restreinte:  j'ai  à  vous  parler  des 
divers  degrés  de  fréquence  dans  la  réception  du  sacrement,  et  cela  sui- 
vant les  diverses  catégories  de  fidèles. 

§  I  —  Diverses  catégories  de  fidèles 

Cette  expression  est  de  nature  à  étonner  actuellement.  Les  théolo- 
giens antérieurs  au  présent  décret,  parlaient  de  catégories  différentes  et 
bien  caractérisées,  auxquelles  on  pouvait  accorder  la  communion  men- 
suelle ou  hebdomadaire,  —  pour  la  communion  fréquente,  et  sous  ce  nom 
ils  entendaient  celle  qui  est  reçue  deux,  trois  fois  par  semaine  ou  un 
peu  plus  souvent,  ils  exigeaient  ordinairement  des  préparations  et  des 
dispositions  spéciales,  (|ui  en  faisaient  le  privilège  d'une  catégorie  assez 
restreinte,  ils  en  excluaient  assez  souvent  les  personnes  mariées;  enfin  la 
communion  quotidienne  n'était  concédée  qu'à  un  tout  petit  groupe 
d'âmes  spécialement  ferventes,  il  semblait  bien  difficile  de  l'accorder  aux 
personnes  vivant  dans  le  monde;  et  même  au  sein  des  communautés  reli- 
gieuses, elle  devait  être  réservée  à  quelques  âmes  choisies,  d'une  pureté 
de  vie  et  d'une  ferveur  exceptionnelles. 

On  avait  alors  des  catégories  de  fidèles  bien  marquées,  distinctes  les 
unes  des  autres,  non  seulement  par  le  degré  de  ferveur,  mais  aussi  ])ar 
les  occupations  ordinaires,  les  devoirs  d'état,  le  temps  plus  ou  moins 
long  qu'ils  pouvaient  consacrer  à  la  préparation,  à  l'action  de  grâces,  à 
la  prière  durant  le  cours  de  la  journée;  car,  d'une  manière  assez  générale, 
les  auteurs  exigeaient  des  préparations  spéciales  pour  chacune  de  ces 
catégories,  préparations  difficiles,  et  dont  quehiues-unc-;  i)'('t;ii.nl  pas  à 
la  portée  de  tous,  loin  de  là. 

Sans  la  moindre  intention  de  blâme  ou  de  critique  à  l'égard  de  tant 
d'excellents  auteurs,  animés  s<ins  aucun  doute  d'un  zèle  très  pur,  sans 
rechercher  non  plus  comment  l'influeme  des  arides  et  désespérantes 
théories  jansénistes  avait  pu  se  faire  sentir  même  chez  des  Saint.s  a<]ini- 
rables,  et  les  empêcher  d'aller  jusqu'au  bout  des  principes  posés  par  b-ur 
science  et  leur  piété,  nous  devons  constater  que  désormais  toutf  discus- 
sion à  propos  de  catégories  entendues  dans  le  sens  ancien  n'a  plus  aucune 
raison  d'être,  le  décret  "Sacra  Tridentina  Synodus"  ne  laiMc  place  à 
aucune  divergence  d'opinions. 


—  606  — 

(a)  1.  —  "La  communion  fréquente  et  quotidienne....  doit  être  rendue 
accessible  à  tous  Jes  fidèles  de  quelque  classe  et  de  quelque  condition 
qu'ils  soient."  Plus  de  catégories  fondées  sur  la  condition  des  fidèles: 
tous  sans  exception  sont  invités  et  doivent  être  admis  :  âmes  religieuses 
ferventes  et  déjà  parvenues  à  un  très  haut  degré  de  sainteté,  âmes  moins 
courageuses,  qui  avancent  d'un  pas  moins  rapide  dans  le  chemin  de  la 
perfection,  personnes  vivant  dans  le  monde  aussi  bien  que  celles  qui 
vivent  dans  le  cloître,  personnes  engagées  dans  les  liens  du  mariage, 
tous  sont  appelés,  aucun  ne  doit  être  exclu. 

L'unique  condition  est  que  ces  âmes  soient  en  état  de  grâce  et  s'ap- 
prochent de  la  sainte  Table  avec  une  intention  droite. 

C'est  la  Sacrée  Congrégation  des  Conciles  qui  nous  le  déclare. 

Désormais  il  est  donc  bien  évident  qu'un  prêtre,  curé,  confesseur  ou 
prédicateur,  serait  très  imprudent  et  se  montrerait  fort  peu  soumis  à 
l'autorité  de  l'Eglise,  s'il  osait  écarter  de  la  Table  sainte,  même  seule- 
ment certains  jours  de  chaque  semaine,  des  âmes  bien  disposées  qui 
désirent  communier. 

Loin  de  les  écarter,  il  doit  au  contraire,  les  inviter,  les  exhorter,  les 
encourager,  les  soutenir  de  ses  conseils. 

Comme  le  décret  dans  l'art.  2,  définit  très  clairement  ce  que  l'on  doit 
■entendre  par  intention  droite,  il  ne  peut  rester  aucune  difficulté.  Je 
ferai  seulement  remarquer  que  si  le  confesseur  s'aperçoit  que  l'intention 
d'une  personne  qui  désire  communier  souvent,  n'a  pas  toute  la  rectitude 
désirable,  il  ne  devra  pas  immédiatement  conclure  qu'il  faut  impitoya- 
blement l'exclure  de  la  sainte  Table,  il  devra  plutôt  s'attacher  lui-même 
à  l'instruire  et  l'amener  à  réformer  ce  qui  était  défectueux  dans  son 
intention. 

Quelques  mots  encore  pour  répondre  brièvement  à  certaines  inquié- 
tudes :  on  trouve  peut-être  parfois  des  esprits  qui  redoutent  que  cer- 
taines catégories  de  personnes  n'aient  pas  le  temps  ou  ne  soient  pas 
dans  les  conditions  voulues  pour  faire  une  préparation  convenable; 
d'autres  ne  croient  pas  que  certaines  catégories  aient  \me  pureté  de  vie 
suffisante  et  une  ferveur  assez  grande  pour  que  des  communions  fré- 
quentes puissent  leur  être  véritablement  utiles. 

A  la  première  de  ces  craintes  le  décret  répond  par  son  art.  4  :  "  Quoi- 
que les  sacrements  de  la  nouvelle  loi  produisent  leur  effet  ex  opère  ope- 
rato  (par  eux-mêmes),  cet  effet  néanmoins  est  d'autant  plus  grand  que 
les  dispositions  de  ceux  qui  les  reçoivent  sont  plus  parfaites.  Il  faut 
donc  veiller  à  faire  précéder  la  sainte  communion  d'une  préparation 
diligente  et  à  la  faire  suivre  d'une  action  de  grâces  convenable,  suivant 
les  forces,  la  condition  et  les  devoirs  de  chacun."  (Cf.  Décret  S.  C.  Soc, 
8  août  1910.) 

On  doit  veiller  à  ce  que  les  enfants  apportent  la  préparation  qui  con- 
vient à  leur  âge.  Que  le  prêtre  exhorte  à  une  préparation  toujours  meil- 
leure, fort  bien;  mais  f|u'il  se  garde  d'imposer  ou  d'exigei-  des  prépara- 
tions qui,  peut-être  très  bonnes  en  elles-mêmes,  seraient  au-dessus  des 
forces,  ne  conviendraient  pas  à  la  condition,  ou  gêneraient  l'accomplis- 
sement dos  devoirs  des  fidèles.  Tl  est  par  trop  évident  (|u'il  ne  serait 
pas  raisonnable  d'exiger  de  jeunes  enfants  de  longues  prières  mentales. 


—  607  — 

d'imposer  à  des  ouvriers  ou  des  ouvrières  des  jeûnes  ou  des  méditations 
prolongés,  de  demander  aux  personnes  mariées  des  choses  qui  trouble- 
raient l'ordre  de  la  famille  ou  compromettraient  la  paix  du  ménage. 

Comme  l'ont  dit  déjà  plusieurs  des  meilleurs  commentateu'rs  de 
notre  décret,  le  fidèle  accomplissement  des  devoirs  quotidiens  sera  une 
excellente  préparation  à  la  réception  du  sacrement,  et  même  une  bonne 
communion  sera  une  très  bonne  disposition  pour  la  communion  du  len- 
demain. 

Quant  à  ce  qui  regarde  la  pureté  de  la  vie  et  la  ferveur,  remarquons 
avec  le  décret  que  l'exemption  du  péché  mortel,  l'état  de  grâce,  est  la 
condition  essentielle  pour  que  la  communion  soit  bonne,  et  que  toute 
bonne  communion  produira  toujours  des  fruits  de  salut. 

Sans  aucun  doute  une  pureté  plus  grande  est  fort  désirable,  l'absence 
de  tout  péché  véniel  pleinement  volontaire,  surtout  de  toute  attache  au 
péché  véniel,  la  ferveur  intense  seront  des  dispositions  bien  meilleures; 
il  faudra  amener  peu  à  peu  les  âmes  à  ces  dispositions  plus  parfaites,  et 
l'on  peut  fort  bien  soutenir  qu'une  communion  très  fervente  donnera 
des  grâces  et  des  fruits  incomparablement  plus  abondants  que  plusieurs 
communions  moins  bien  préparées.  Tout  cela  peut  être  admis,  mais  on 
aurait  tort  d'en  conclure  qu'il  faut  nécessairement  espacer  les  commu- 
nions afin  de  se  mieux  disposer  à  chacune  d'entre  elles. 

Comme  le  dit  expressément  notre  décret,  art.  3  :  "il  suffit  néanmoins 
qu'ils  n'aient  aucune  faute  mortelle,  avec  le  ferme  propos  de  ne  plus 
pécher  à  l'avenir;  étant  donné  ce  ferme  propos  sincère  de  l'âme,  il  n'est 
pas  possible  que  ceux  qui  communient  chaque  jour  ne  se  corrigent  pas 
également  des  péchés  véniels  et  peu  à  peu  de  leur  affection  à  ces  péchés." 

Cet  "  antidote  qui  nous  délivre  des  fautes  quotidiennes  et  nous  pré- 
serve des  péchés  mortels,"  comme  le  S.  Concile  de  Trente  appelle  le 
T.  S.  Sacrement  (sess.  13,  c.  2)  opérera  lui-même  bien  mieux  que  ne  le 
pourraient  faire  toutes  nos  exhortations  et  tous  nos  conseils.  Le  divin 
aliment  préparé  par  l'amour  tout-puissant  de  Xotre-Seigneur  augmen- 
tera les  forces  de  l'âme,  l'union  plus  intime  (|u'il  pro<luit  avec  l'auteur 
de  toute  grâce  sanctifiera  peu  à  peu  l'âme  de  bonne  volonté,  le  pain  des 
forts  agrandira  ses  énergies,  le  vin  qui  fait  germer  les  vierges  lui  ins- 
pirera peu  à  peu  la  pureté,  et  la  rendra  à  la  fois  plus  délicate  et  plus 
courageuse.  On  ne  doit  donc  plus  dire:  vivez  de  manière  à  être 
digne  de  communier  tous  les  jours,  mais  plutôt:  communiez  tous  les 
jours  afin  de  mieux  vivre  et  d'arriver  à  la  vraie  «linteté. 

Ne  considérons  pas  la  communion  comme  la  récompense  de  la  vertu 
déjà  acquise,  mais  bien  comme  le  meilleur  moyen  de  nous  aider  à  l'ac- 
quérir. ,  . 

La  communion  n'est  pas  le  privilège  des  âmes  deja  parfaitement 
pures,  mais  l'aliment  de  tous  pour  la  vie  spirituelle,  aliment  «« 

à  tous    aux  forts  pour  entretenir  et  augmenter  leurs  forces,  aux   s 

et  aux  convalescents  pour  recouvrer  la  santé,  aux  vaincpieurs  qui  ont 
déjà  triomphé  autant  que  le  peut  la  faiblesse  humaine  durant  cette  vu- 
mortelle,  de  leurs  passions  et  de  leurs  convoitises,  pour  persévérer  et 
s'unir  plu^  intimement  à  Di<'U,  mais  tout  autant  à  ceux  qui  luttent  péni- 
blement afin  de  ne  pas  succomber  dans  la  tentation  et  d  être  peu  a  p<'U 
délivrés  de  leurs  misères  quotidiennes. 


—  608  — 

Nous  ne  pouvons  plus,  à  aucun  titre  raisonnable,  maintenir  l'antique 
division  donnée  par  beaucoup  d'auteurs,  des  diverses  catégories  de 
fidèles,  auxquelles  correspondrait  la  division  des  communions  mensuelle, 
hebdomadaire,  fréquente  et  quotidienne. 

Cette  division  ne  peut  se  fonder  ni  sur  la  condition  des  personnes, 
consacrées  à  Dieu  dans  la  vie  religieuse  ou  vivant  dans  le  monde  et  en- 
gagées dans  les  liens  du  mariage,  ni  sur  la  ferveur  et  sur  la  pureté  habi- 
tuelle plus  ou  moins  grande  des  âmes. 

Le  confesseur  auquel,  selon  la  recommandation  du  décret,  il  impor- 
tera toujours  de  demander  conseil,  devra  dans  sa  direction  peser  toute 
chose,  et  conseiller  ce  qui,  suivant  les  cas,  paraîtra  à  la  fois  le  plus  pos- 
sible et  le  plus  utile,  mais  il  devra  "  se  garder  de  priver  de  la  commu- 
nion fréquente  et  quotidienne  une  personne  qui  est  en  état  de  grâce  et 
qui  s'en  approche  avec  une  intention  droite. 

§  II  —  Degrés  de  fréquence 

Que  signifie  donc  le  titre  donné  au  rapport  dont  je  suis  chargé? 
Divers  degrés  de  fréquence . . .  selon  les  diverses  catégories  de  fidèles  ? 

C'est  que,  semble-t-il,  et  sauf  meilleur  avis,  tout  en  nos  efforçant  de 
réaliser  le  désir  de  Notre-Seigneur  et  de  son  Eglise,  nous  n'arriverons 
pas  à  obtenir  la  communion  quotidienne  de  tous  les  fidèles,  nous  aurons 
même  beaucoup  de  difficulté  à  obtenir  des  communions  vraiment  fré- 
quentes de  la  part  d'un  très  grand  nombre.  Trop  d'obstacles  s'y  oppo- 
seront contre  lesquels  il  faudra  lutter  patiemment,  persévéramment,  que 
nous  pourrons  diminuer  à  force  de  bonne  volonté  mais  que  nous  ne  par- 
viendrons pas  à  renverser  totalement. 

Il  y  aura  des  difficultés  matérielles  et  des  difficultés  morales. 

Et,  suivant  l'intensité  plus  ou  moins  grande  de  ces  difficultés  les 
fidèles  se  trouveront  naturellement  et  d'eux-mêmes  divisés  en  de  mul- 
tiples catégories  dont  il  est  utile  de  dire  quelques  mots,  afin  de  suggérer 
quelques  réflexions  et  d'indiquer  quelques  procédés  pratiques,  de  nature 
à  nous  aider  dans  notre  œuvre  de  zèle  auprès  de  ces  diverses  classes  de 
personnes. 

La  communion  quotidienne  est  un  idéal  souverainement  désirable, 
mais  la  communion  plusieurs  fois  chaque  semaine  sera  fortement  à  con- 
seiller lorsque  la  quotidienne  n'est  pas  possible.  A  ceux  qui  ne  peuvent 
ou  ne  veulent  ni  l'une  ni  l'autre,  il  sera  bon  de  recommander  au  moins 
la  communion  hebdomadaire,  et  si  nous  ne  pouvons  l'obtenir,  nous 
chercherons  au  moins  à  faire  venir  à  la  Sainte  Table  tous  les  mois. 

Mais  il  est  bon  d'entrer  dans  quelques  détails. 

1°  Difficultés  matérielles. 

Même  à  des  personnes  très  pieuses,  et  qui  désireraient  beaucoup  re- 
cevoir souvent  le  pain  des  Anges,  cela  ne  sera  pas  toujours  possible  à 
cause  de  difficultés  matérielles  indépendantes  de  leur  volonté.  Un 
travail  absorbant,  commencé  forcément  de  grand  matin  les  empêchera 
de  venir  à  l'église,  ou  bien  l'éloignement  où  elles  se  trouvent  de  cette 
église  leur  interdira  l'assistance  fréquente  à  la  messe,  ou  bien  encore  les 


—  fi09  — 

occupations  à  la  maison  seront  trop  abondantes,  v.  g.  pour  une  mère  de 
famille  chargée  de  nombreux  enfants  en  bas  âge.  Peut-être  pour 
dautres  ce  seront  des  infirmités  qui  les  empêcheront  de  se  rendre  à 
l'église  aussi  souvent  qu'on  le  désirerait:  puis,  que  de  fois,  des  courses 
assez  longues  le  matin  seront  rendues  fort  difficiles  par  le  mauvais  temps 
ou  les  mauvais  chemins.  Que  dire  si  après  des  efforts  très  méritoires, 
en  arrivant  à  l'église,  on  trouve  que  le  prêtre  n'y  est  pas? 

Quelques-unes  de  ces  difficultés  peuvent  être' écartées  par  la  bonne 
volonté  de  tous. 

Il  sera  bien  désirable,  par  exemple,  que  les  églises  soient  multipliées, 
et  que  leur  accès  soit  facile;  les  chapelles  de  communautés  ouvertes  au 
public  rendront  d'inestimables  services;  nous  voyons  même  que  le  Saint- 
Père,  pour  rendre  la  réception  de  la  communion  plus  aisée,  a  fait  dé- 
clarer authentiquement  par  la  S.  P.  C.  (8  mai  19U6),  que  Ton  pourrait 
désormais  distribuer  la  communion,  même  dans  les  oratoires  privés,  à 
toutes  les  personnes  qui  assisteront  à  la  messe  qu'on  y  célèbre. 

Puis  la  régularité  du  prêtre  à  dire  sa  messe  à  heure  fixe,  autant  que 
les  nécessités  de  la  paroisse  le  permettent,  ou  tout  au  moins  à  distribuer 
la  communion  à  des  moments  déterminés,  connus  des  fidèles,  et  conve- 
nablement choisis,  supprimera  plus  d'une  difficulté. 

Je  n'insiste  pas  sur  ce  point,  qui,  je  le  crois,  fait  l'objet  d'un  autre 
rapport. 

Il  me  suffit  de  rappeler  que  c'est  un  devoir  important  du  ministère 
paroissial,  que  d'organiser  les  choses  dans  chaque  paroisse  de  telle  sorte 
que  personne  ne  puisse  raisonnablement  se  plaindre,  et  s'excuser  sur 
l'impossibilité  où  il  se  trouve  de  communier  souvent.  Il  serait  inutile 
de  prêcher  la  communion  fréquente,  et  surtout  quotidienne,  dans  une 
paroisse  oii  les  fidèles  constateraient  que  cette  communion  leur  est  im- 
possible. 

2°  Difficultés  morales. 

C'est  par  un  autre  côté  surtout  que  les  diverses  catégories  de  fidèles 
se  différencieront  les  unes  des  autres. 

Pour  communier,  et  communier  souvent,  il  faut  le  vouloir. 

Et  c'est  à  cette  volonté  que  se  heurteront  souvent  les  efforts  du  prêtre; 
c'est  à  vaincre  les  difficultés  de  diverse  nature  opposées  par  l'indiffé- 
rence, la  paresse,  la  timidité,  etc.,  qu'il  devra  applicpicr  son  zèle. 

C'est  là  que  son  industrie  personnelle  aura  à  s'ingénier  pour  con- 
vaincre les  indifférents  de  la  nécessité  de  venir  plus  souvent  à  la  Sainte 
Table,  pour  exciter  les  bonnes  volontés  encore  vacillantes,  pour  rassurer 
les  âmes    craintives,    encourager  les    faibles,  soutenir   chacun  contre  les 

défaillances. 

Et,  pour  cela,  il  devra  être  bien  convaincu  lui-même  de  l'utilité  de  la 
fréquente  communion,  afin  de  faire  pénétrer  sa  conviction  dans  les 
âmes,  et  d'être  capable  de  les  soulever  en  queUpie  sorte  au-dessus  d  elles- 
mêmes,  pour  les  entraîner  et  les  amener  au  divin  Maître,  (jui  les  appelle 

par  sa  voix.  ,  ,  ,  , 

Son  zèle  devra  être  plein  d'anleur,  mais  il  devra  être  tempère  ]»ar  la 
prudence:  il  faudra  choisir  le  moment  propice  de  parler,  et  les  arpi- 
20 


—  610  — 

ments  les  plus  utiles  à  employer.     Parfois  en  voulant  trop  demander  du 
premier  coup,  on  s'expose  à  ne  rien  obtenir,  et    même  à    écarter  celui 
qu'on  aurait  voulu  faire  avancer  d'un  pas  trop  rapide  à  son  gré. 
Xous  examinerons  donc  quelques  cas  j)articuliers. 

3°  Pécheur  qui  se  convertit,  etc. 

Voici  un  pécheur  qui  a  passé  plusieurs  années  dans  l'abîme  du  péché, 
loin  des  sacrements,  enfoncé  dans  ses  mauvaises  habitudes,  ne  faisant 
aucun  effort  pour  se  relever,  désespérant  presque  de  jamais  sortir  du 
gouffre  oii  il  se  sent  plongé.  Mais  la  grâce  vient  de  le  toucher:  dans 
une  retraite,  au  cours  d'une  mission,  à  la  suite  peut-être  d'une  épreuve 
cruelle,  il  a  réfléchi,  il  a  vu  son  triste  état,  il  en  gémit,  il  veut  en  sortir. 

Ou  bien  encore  c'est  un  de  ces  hommes  qui  viennent  à  Pâques,  au  der- 
nier moment,  pour  se  mettre  en  règle,  et  qui  doit  faire  le  triste  aveu  de 
ses  faiblesses  journalières.  Chaque  année  il  se  confesse  et  communie  au 
temps  pascal,  mais,  hélas,  au  bout  de  peu  de  jours,  chaque  année  aussi, 
les  bonnes  dispositions  s'affaiblissent,  les  mauvaises  habitudes  repren- 
nent leur  empire,  et  l'histoire  de  la  nouvelle  année  est  aussi  misérable 
que  celle  des  années  précédentes. 

Que  faire?  quels  remèdes  prescrire?  quels  conseils  donner? 

Ces  gens  sont,  je  le  suppose,  suffisamment  disposés  ;  d'après  les  règles 
de  la  théologie  morale,  on  peut  et  on  doit  leur  accorder  l'absolution,  ils 
acceptent  la  pénitence  qu'on  leur  impose. 

Le  passé  va  être  réparé,  le  scandale,  s'il  y  a  lieu,  sera  effacé;  mais 
l'avenir? 

Les  dispositions  actuelles  sont  bonnes,  mais  combien  de  temps  vont- 
elles  durer? 

Quel  confesseur  n'a  pas,  dans  son  expérience,  rencontré  des  cas  de 
conversions  sincères,  vraies  au  moment  même,  oii  paraissait  un  véritable 
désir  de  bien  faire,  mais  auxquelles  a  manqué  la  persévérance? 

Durant  quelques  jours,  peut-être  quelques  semaines,  tout  a  été  bien. 
Mais  peu  à  peu  la  bonne  volonté  s'est  affaiblie,  les  mauvaises  habitudes, 
dont  le  germe  n'était  pas  arraché,  ont  poussé  de  nouvelles  tiges,  et,  petit 
à  petit  repris  leur  empire.  Les  tentations  se  sont  multipliées,  le  démon 
a  fait  de  nouveaux  efforts  pour  ressaisir  la  proie  qui  lui  avait  échappé,  et 
finalement  on  est  retombé.  Puis  une  fois  retombé,  on  n'a  pas  eu  le. 
courage  de  secouer  immédiatement  le  joug,  et  le  mot  de  S.  Grégoire  s'est 
vérifié:  " Peccatum  quod  mox  per  pœnitentiam  non  deletur,  sua  pondère 
ad  aliud  trahit  "  (lib.  25  Moralium,  c.  9),  la  vie  de  péché  a  recommencé, 
elle  se  continue,  on  s'enfonce  de  plus  en  plus  dans  l'abîme.  Parfois, 
suivant  la  parole  de  Notre-Seigneur  lui-môme,  le  nouvel  état  est  pire 
que  celui  dont  on  était  sorti. 

Il  importe  de  prévenir  ces  rechutes,  il  faut  à  tout  prix  mettre  en 
sûreté  le  trésor  de  grâce  péniblement  reconquis. 

Or,  pour  assurer  la  persévérance,  il  n'y  a  pas  de  moyen  plus  efficace 
que  la  communion,  et  la  communion  fréquente,  même  quotidienne. 

Dans  l'ordre  du  salut,  la  grâce  est  indispensable,  et  les  moyens  de 
l'obtenir  sont  la  prière  et  les  sacrements. 


—  611  — 

Le  pécheiu-  converti,  dont  nous  parlons,  devra  courageusement  com- 
battre le  démon  et  lutter  contre  les  séductions  du  monde,  et  contre  ees 
propres  habitudes  mauvaises.  Pour  cela  il  a  besoin  de  force,  où  ]a, 
trouvera-t-il  mieux  que  dans  le  sacrement?  Il  a  besoin  de  s'unir  à 
Notre-Seigneur,  comment  pourra-t-il  le  faire  plus  efficacement  qu'en 
recevant  avec  amour  le  gage  de  notre  union  à  Dieu  ? 

Puis  après  sa  résurrection  à  la  vie  de  la  grâce,  il  reste  en  lui  une 
grande  faiblesse,  une  convalescence  s'impose,  il  a  besoin  d'une  nourriture 
fortifiante  :  c'est  la  divine  Eucharistie  qui  lui  fera  recouvrer  les  forceç 
et  le  conduira  jusqu'à  la  parfaite  santé,  elle  est  "l'antidote  qui. . .  nous 
préserve  des  péchés  mortels."     (Trid.  1.  c.) 

On  devra  sans  doute  prescrire  et  conseiller  à  ce  pécheur  repentant  des 
exercices  de  vertu,  l'éloigner  des  occasions  de  péché,  lui  indiquer  des 
dévotions  utiles,  obtenir  de  lui  des  prières  fréquentes,  l'amener  à  lutter 
contre  lui-même  et  à  vaincre  ses  passions  :  tout  cela  sera  bon  et  néces- 
saire, mais  il  n'en  reste  pas  moins  vrai  que  la  fréquentation  des  sacre- 
ments sera  le  moyen  le  plus  efficace;  c'est  d'ailleurs  cette  fréquentation 
elle-même  qui  aidera  et  soutiendra  dans  l'observation  de  tous  les  autres 
moyens  conseillés. 

Mais  pourra-t-on  immédiatement  proposer  à  ce  converti  la  communion 
quotidienne,  ou  même  la  communion  très  fréquente? 

Si  ses  dispositions  étaient  excellentes,  si  son  désir  de  transformer  sa 
vie  dépassait  ce  que  l'on  observe  d'habitude,  on  le  pourrait,  et  il  serait 
sage  de  le  faire  :  l'histoire  des  saints  nous  montre  plus  d'une  fois  de 
grands  pécheurs  remplis  d'une  douleur  intense  de  leurs  crimes,  se  trans- 
formant en  un  instant  sous  l'action  de  la  grâce,  et  après  une  vie  de 
péchés,  commençant  presque  sans  transition  une  vie  tout  entière  con- 
sacrée à  la  pénitence.  Mais  ce  n'est  guère  le  cas  ordinaire,  et  le  confes- 
seur qui  voudrait  trop  exiger  risquerait  de  ne  rien  obtenir  et  de  se 
heurter  à  un  refus  absolu. 

Au  moins  le  confesseur  pourra  et  devra  conseiller  fortement  une  fré- 
quentation plus  grande  des  sacrements,  recommander  de  venir  toutes 
les  semaines  ou  au  moins  tous  les  mois.  Si  le  converti  accepte,  et  vient 
fidèlement,  on  peut  compter  sur  un  changement  sérieux  dans  sa  con- 
duite, et  il  n'est  pas  téméraire  d'espérer  qu'il  sera  à  l'abri  des  recbutes. 

En  efl'et,  ce  pécheur  luttera  les  premiers  jours  avec  entrain  et  ferveur, 
mais  au  bout  de  quelque  temps  il  éprouvera  de  la  fatigue,  il  sentira  que 
ses  forces  s'épuisent.  Qu'il  vienne  alors  à  Celui  qui  a  dit  :  "  Venez  à 
moi  vous  tous  qui  êtes  fatigués. . .  et  je  vous  soulagerai,"  et  le  Maître 
ne  manquera  pas  à  sa  promesse,  il  renouvellera  la  provision  d'énergie, 
et  l'âme  se  trouvera  prête  pour  de  nouveaux  combats.  Surtout,  si  une 
défaillance  s'était  produite,  que  cette  pauvre  âme  ne  se  lai.sse  pas  aller 
au  découragement,  mais  qu'elle  recourre  au  plus  vite  à  Celui  dont  la 
miséricordie^use  bonté  a  donné  à  ses  disciples  l'ordre  de  pardonner  non 
pas  une  fois  ou  sept  fois,  mais  soixante-dix  fois  sept  fois.  Relevée  an 
plus  tôt  de  sa  chute,  l'âme  devenue  plus  humble  et  plus  prudente  se  re- 
mettra avec  une  nouvelle  ardeur  au  bon  combat. 

Si  nous  pouvions  ainsi  obtenir  que  les  convertis  s'approchent  souvent 
de  la  Sainte  Table,  et  qu'ils  ne  restent  jamais  dans  lo  pcVlié  lorsqu'il 
leur  arrive  d'v  retomber,  nous  serions  bien  sûrs  de  b-ur  persévérance.  Et 


—  612  — 

dans  cette  lutte  constante,  ils  puiseraient  une  force  toujours  nouvelle, 
une  bonne  volonté  toujours  plus  grande,  une  ferveur  qui  irait  sans  cesse 
en  croissant.  Chaque  étape  nouvelle  serait  parcourue  avec  plus  de 
facilité  et  d'allégresse  ;  peu  à  peu  les  plaies  laissées  par  les  péchés  passés 
se  cicatriseraient,  les  bonnes  habitudes  s'enracineraient  dans  le  cœur,  les 
germes  des  vertus  se  développeraient,  et.  au  bout  de  quelques  mois,  nos 
convertis  seraient  des  hommes  nouveaux,  des  chrétiens  vivant  vraiment 
de  la  vie  du  Christ. 

Demander  la  communion  de  chaque  mois,  ou  même  si  on  le  peut,  de 
chaque  semaine,  sera  donc  une  excellente  pratique.  Bien  rares  seront 
les  personnes  de  bonne  volonté  qui  ne  comprendront  pas  que  la  commu- 
nion au  moins  mensuelle  leur  sera  véritablement  utile,  et  qui  refuseront 
de  suivre  le  conseil. 

Pour  obtenir  la  fidélité  à  cette  communion  du  mois,  il  sera  bon  de 
fixer  les  dates,  et  de  ne  pas  rester  dans  le  vague. 

Ici  je  ne  veux  pas  entrer  dans  des  indications  trop  précises,  la  dévo- 
tion du  pénitent  ou  du  confesseur  suggéreront  ce  qui  sera  le  plus  utile. 
Il  y  a  tant  de  circonstances  diverses  qui  pourront  infiuer,  et  faire  choisir 
une  méthode  plutôt  qu'une  autre. 

Un  dimanche  déterminé  de  chaque  mois,  les  fêtes  de  Notre-Seigneur 
ou  de  la  Sainte  Vierge,  les  fêtes  de  quelques  Saints  envers  lesquels  on 
éprouve  une  -dévotion  particulière,  pourront  marquer  les  dates  des  com- 
munions. Mais  il  sera  bon,  je  le  répète,  de  préciser  et  de  fixer  les  dates 
avec  certitude.  Autrement  on  s'expose  à  différer,  à  remettre  de  jour  en 
jour,  et  en  définitive  à  oublier  et  négliger  entièrement.  Il  est  très  bon 
d'avoir  des  jalons  fixes  qui  marquent  les  étapes. 

Dans  certaines  paroisses,  on  annonce  d'avance  des  communions  géné- 
rales pour  les  diverses  catégories  de  fidèles.  Un  dimanche  est  attribué 
aux  hommes,  un  autre  aux  jeunes  gens,  puis  d'autres  aux  congrégations 
de  dames  ou  de  jeunes  il  lies.  Je  crois  qu'un  de  nos  rapporteurs  expli- 
quera comment  toute  cette  organisation  peut  fonctionner  dans  une 
paroisse  pour  le  plus  grand  bien  de  tous,  je  n'insiste  donc  pas. 

Il  est  cependant  une  pratique  que  l'expérience  montre  éminemment 
efficace,  et  que  je  me  reprocherais  de  ne  pas  signaler  ici.  Je  veux  parler 
de  la  communion  des  neuf  premiers  vendredis  du  mois,  en  l'honneur  du 
Sacré-Cœur. 

Nous  connaissons  tous,  les  innombrables  indulgences  dont  cette  pra- 
tique de  dévotion  a  été  enrichie  par  les  Souverains  Pontifes,  nous  con- 
naissons également  les  admirables  promesses  de  Notre-Seigneur  à  sa 
fidèle  servante  la  Bienheureuse  Marguerite-Marie,  et  nous  savons  que 
ces  promesses,  si  étonnantes  et  si  consolantes,  ont  été  examinées  par  les 
Congrégations  Komaines,  et  que,  sans  les  imposer  à  notre  foi,  l'Eglise 
nous  autorise  à  les  considérer  comme  de  véritables  révélations  privées 
auxquelles  nous  pouvons  avoir  toute  confiance.  Je  crois  d'ailleurs  qu'un 
rapport  spécial  vous  les  rappellera. 

L'expérience  nous  montre  bien  clairement  que  cette  dévotion  vient  de 
Dieu,  et  est  tout  partic-nlièreraent  bénie  par  lui. 

Comment  expliquer  sans  une  intervention  toute  spéciale  de  la  grâce, 


—  613  — 

qu'une  pareille  dévotion  ait  pu  s'établir,  se  continuer  et  se  développer 
de  jour  en  jour,  comme  nous  le  voyons? 

Il  est  si  difficile  aujourd'hui,  il  l'était  encore  plus  au  moment  où  ^ 
B.  Marguerite-]\Iarie  a  commencé,  d'obtenir  des  fidèles  qu'ils  viennent 
communier  les  dimanches,  jours  consacrés  à  la  piété,  et  où  cessent  leç 
travaux  de  la  semaine,  et  voilà  qu'on  propose  de  comniunier  le  vendrtHli, 
jour  de  travail,  où  la  plupart  des  gens  sont  occupés  et  absorbés  par  leur 
besogne  journalière.  On  aurait  pu  penser  qu'une  dévotion  de  ce  genre 
s'introduirait  dans  les  couvents,  parmi  les  âmes  pieuses,  là  où  tous  les 
jours  on  a  la  facilité  d'assister  à  la  messe  ;  mais  comment  espérer  quelle 
pût  devenir  populaire  et  se  répandre  dans  les  masses  ouvrières?  Et 
pourtant,  malgré  tous  les  obstacles,  cette  dévotion  s'est  établie,  s'est  pro- 
pagée, et  actuellement  il  n'y  en  a  peut-être  aucune  qui  soit  plus  vraiment 
et  plus  profondément  populaire.  La  veille,  les  confessionnaux  sont 
assiégés,  et  le  vendredi,  dès  l'heure  la  plus  matinale,  on  voit  avec  éton- 
nement  de  vraies  multitudes  se  presser  en  rangs  serrés  à  la  Sainte  Table. 
Hommes,  femmes,  enfants,  tous  s'empressent  :  des  ouvriers  et  des 
ouvrières  se  hâtent,  il  a  fallu  se  lever  plus  matin,  il  faut  se  presser, 
peut-être  faudra-t-il  abréger  son  déjeuner  ou  même  s'en  passer,  l'heure 
du  travail  approche. 

Que  de  grâces  de  conversion  et  de  persévérance  ne  doit  pas  produire 
une  semblable  dévotion? 

Mais  pour  en  revenir  au  sujet  précis  que  nous  traitons,  n'est-il  pas 
évident  que  si  nous  pouvons  déterminer  un  pécheur  converti  à  faire 
fidèlement  ses  neuf  communions  des  premiers  vendredis  i\o  chaque  mois, 
nous  aurons  gagné  immensément,  et  que  nous  l'aurons  véritablement  mis 
dans  la  voie  du  salut? 

Que  durant  neuf  mois  cette  âme  vienne  sans  faute  à  la  source  de  1^ 
grâce,  il  serait  bien  étonnant  que  cette  fidélité  n'apporte  pas  avec  elle 
contre  les  mauvaises  habitudes,  la  fuite  des  occasions,  l'exercice  de» 
vertus  chrétiennes.  Et  au  bout  de  ces  neuf  mois,  l'habitude  sera  prise 
de  s'approcher  des  sacrements,  et  on  continuera  tout  naturcUcincnt  à 
communier  au  moins  tous  les  mois.  Il  sera  même  bien  surprenant  qu'un 
grand  nombre  n'aille  pas  plus  loin,  et  n'ajoute  pas  à  ces  communions  du 
vendredi,  un  certain  nombre  d'autres  communions. 


4°   Communion  hebdomadaire. 

A  toute  âme  de  bonne  volonté  la  communion  au  moins  hebdomadaire 
est  à  conseiller. 

Qu'il  s'agisse  d'un  pécheur  converti  et  qui  se  rend  compte  de  sa  fai- 
blesse, et  sent  le  besoin  de  renouveler  plus  souvent  ses  bonnes  disposi- 
tions, et  de  puiser  plus  fréquemment  à  la  source  <les  grâces,  ou  l)ien 
d'une  personne  déjà  pieuse,  et  qu'il  faut  faire  avancer  dans  les  voies  de 
la  perfection  chrétienne,  n'est-il  pas  de  toute  évidence  que  la  sainte  com- 
munion reçue  au  moins  tous  les  huit  jours  aura  d'inimenses  avantages? 

Union  plus  intime  avec  Xotre-Scigncur.  n-nouvrléc  phis  souvent,  soin 
plus  constant  de  veiller  sur  son  âme,  habitudes  de  piété  fixées  dans  le 
cœur  par  des  actes  plus  fréquemment   répétés;   tout    cela    ne    jtcut  que 


—  6U  — 

contribuer  grandement  à  développer  la  véritable  piété;  et  si,  en  même 
temps,  l'àme  s'efforce  de  se  préparer  d'une  manière  de  plus  en  plus  par- 
faite, la  vie  spirituelle  se  perfectionnera  sans  cesse. 

Et  si  on  objectait  que  beaucoup  d'âmes  sont  trop  mondaines,  trop 
soucieuses  de  leur  bien-être,  trop  attachées  à  leurs  plaisirs  pour  que  des 
communions  si  fréquentes  soient  utiles,  que  ces  communions  ne  seront 
pas  suffisamment  respectueuses,  qu'il  convient  d'exiger  chaque  fois  des 
préparations  plus  ferventes,  nous  pourrions  nous  contenter  de  répondre 
par  les  termes  même  dont  se  sert  le  décret,  art.  3  :  "il  n'est  pas  possible 
que  ceux  qui  communient  chaque  jour  ne  se  corrigent  pas  également  des 
péchés  véniels  et  peu  à  peu  de  leur  affection  à  ces  péchés." 

Nôtre-Seigneur  Jésus-Christ  lui-même,  par  son  sacrement,  produira 
les  effets  que  tous  nos  efforts  ne  sauraient  réaliser  de  la  même  manière. 
C'est  lui  qui  peu  à  peu  détachera  ces  âmes  de  l'amour  des  choses  ter- 
restres, lui  qui  leur  fera  voir  la  vanité  des  choses  du  monde,  et  les 
attirera  peu  à  peu  à  lui. 

Il  n'est  pas  douteux  que  l'amour  du  monde  et  la  piété  auront  des  luttes 
à  se  livrer  dans  ces  âmes.  Tandis  que  Notre-Seigneur  leur  fera  entendre 
son  appel,  la  nature  résistera,  le  monde  cherchera  à  les  séduire,  et  le 
démon  ne  manquera  pas  de  leur  livrer  des  assauts  tantôt  plus  violents, 
tantôt  plus  subtils.  Mais  serait-ce  par  hasard  en  s'éloîgnant  de  ISTotre- 
Seigneur  qu'on  lutterait  plus  efficacement? 

Quel  est  le  confesseur  qui  n'a  pas  observé  au  contraire,  que  lorsque, 
dans  une  âme  habituée  à  des  exercices  réguliers  de  piété,  l'esprit  du 
monde  réussit  à  s'insinuer,  de  suite  la  fréquence  des  communions  dimi- 
nue :  un  Jeune  homme  ou  une  Jeune  fille  qui  se  laisse  aller  à  l'attrait  du 
plaisir  ne  continue  pas  longtemps  à  fréquenter  la  sainte  Table;  des  pré- 
textes, des  difficultés  de  toute  nature,  qu'avec  d'autres  dispositions  ils 
auraient  comptés  pour  rien,  suffisent  pour  les  éloigner,  et  rendre  leurs 
comm.unions  de  plus  en  plus  rares. 

Quand  on  demande  à  une  personne  qui  n'a  pas  communié  depuis  trois 
ou  quatre  mois,  si  elle  n'avait  pas  l'habitude  de  communier  souvent,  on 
entend  souvent  la  même  réponse  :  mais  si,  autrefois  Je  communiais  tous 
les  huit  Jours,  mais  la  négligence,  l'oubli,  des  occasions  de  plaisir,  peut- 
être  des  occasions  de  péché,  m'ont  fait  remettre  de  plus  en  plus  ;  et  si 
alors  on  peut  obtenir  que  cette  personne  reprenne  ses  bonnes  habitudes, 
on  est  presque  sûr  que  la  piété  va  refleurir,  et  que  toute  la  conduite  va 
s'améliorer. 

5°   Communion  fréquente  et^  quotidienne. 

Tous  les  avantages  que  nous  avons  reconnus  à  la  communion  men- 
suelle et  helKlomadaire  sont  produits  d'une  façon  bien  plus  efficace 
encore  par  la  communion  fréquente,  c'est-à-dire  de  plusieurs  fois  par 
semaine,  et  surtout  par  la  communion  quotidienne.  C'est  alors  surtout 
que  Xotre-Seigneur  prend  véritablement  possession  du  cœur  et  le  trans- 
forme peu  à  peu. 

Quand  une  âme  de  bonne  volonté  vient  tous  les  Jours  se  réchauffer  au 
foyer  d'amour,  sa  ferveur  grandit  et  devient  de  plus  en  plus  solide,  les 
bonnes  pensées,  les   bons  désirs  germent  et  se    développent  en  elle,  elle 


—  615  — 

devient  plu;;  soumise  et  plus  obéissante  à  l'action  de  la  ^rrâoe.  En  nicnie 
temps  les  affections  imparfaites  se  rectifient,  les  défauts  sont  mieux  vus 
et  mieux  corrigés.  Peu  à  peu  cette  âme  devient  plus  délicate  et  plus 
attentive  à  éviter  ce  qui  peut  hlesser  le  regard  de  Dieu,  et  sans  verser 
dans  le  scrupule,  elle  cherche  à  détruire  en  elle  ces  imperfections  que  des 
âmes  moins  pures  ne  remarquent  même  pas.  L'union  plus  intime  avec 
Xotre-Seigneur  lui  apporte  à  la  fois  la  lumière  pour  voir  ce  qui  lui 
manque,  et  le  courage  nécessaire  aux  luttes,  et  même  aux  luttes  les  plus 
héroïques. 

X'est-ce  pas  dans  la  communion,  et  la  communion  très  fréquente  que 
tant  d'âmes  ont  puisé  le  renoncement  à  toutes  les  choses  de  la  terre,  le 
courage  de  tout  sacrifier  pour  Dieu,  la  force  de  vaincre  tous  les  obstacles, 
et  de  parvenir  à  la  plus  haute  sainteté? 

Je  n'insiste  pas.  Tout  le  monde  convient  sans  peine  que  pour  les 
âmes  généreuses  qui  veulent  parvenir  au  plus  haut  degré  de  la  perfec- 
tion, il  n'y  a  pas  de  moyen  plus  efficace  que  la  communion  quotidienne. 

Mais  peut-être  reste-t-il  un  doute  au  sujet  des  personnes  qui,  tout  en 
étant  bonnes  et  pieuses,  sont  cependant  loin  encore  de  ce  sommet  de  per- 
fection, et  ne  paraissent  même  pas  très  soucieuses  d'y  arriver.  Je  veux 
parler  des  âmes  qui  vivent  chrétiennement  sans  doute,  mais  sans  efforts 
bien  accentués  pour  se  renoncer  et  pratiquer  les  grandes  vertus,  de  ces 
âmes  qui  sont  loin  de  briller  par  leur  ferveur  et  k  pureté  de  leur  vie. 
(Cf.  décret  Cum  ad  aures.) 

On  se  demandera,  et  elles  ?o  le  demandent  elles-mêmes: 

Sont-elles  dignes  de  communions  si  fréquentes? 

Apportent-elles  une  préparation  suffisante  à  un  acte  si  saint? 

Il  est  bon  de  répondre  au  moins  en  quelques  mots  à  ces  questions,  qui 
deviennent  si  aisément  des  objections. 

Sont-elles  dignes  de  communier  si  souvent? 

Sans  aucun  paradoxe,  nous  pourrions  hardiment  répondre,  iwt}.  elles 
ne  le  sont  pas,  et  cependant  elles  peuvent  et  doivent  communier  sans 
crainte. 

Dignes?  mais  qui  donc  est  digne  de  s'approcher  de  Dieu?  (|iii  donc, 
même  parmi  les  âmes  les  plus  ferventes,  peut  se  proclamer  digne  le 
s'asseoir  au  divin  banquet?  le  pain  de  vie,  le  pain  des  Anges,  le  Corps 
sacré  auquel  Dieu  n"a  préparé  une  demeure  digne  de  lui  (lu'en  sancti- 
fiant d'une  mani»^'re  toute  exceptionnelle  l'âme  et  le  corps  (\o  la  Trè? 
Sainte  Vierge,  ne  trouvera  ici-bas  aucune  autre  demeure  digne  de  le 
recevoir.     Les  Anges  eux-mêmes  tremblent  devant  la  sainteté  ineffable 

du  Eoi  de  Gloire.  , 

Quelle  est  l'âme  assez  sainte,  assez  sure  de  sa  pureté,  pour  se  dispenser 
avant  la  communion  de  cette  admirable  prière  que  l'Eglise  met  sur  les 
lèvres  de  ses  prêtres:  ''Domine  non  snm  dignus."  Seigneur.  ]e  ne  suis 
pas  digne  que  vous  entriez  dans  ma  maison  ? 

Aussi  ce  n'est  pas  le  coté  de  la  dignité  qui  doit  surtout  attirer  notre 
attention.  Les  Jansénistes  et  les  autres  rigoristes  ont  fait  fausse  route 
en  s'attachant  uniquement  à  cette  considération.      _ 

Du  reste,  si  nous  méditons  la  prière  préparatoire  a  la  communion, 
nous  vovons  que  l'Eglise  nous  fait  immédiatement  ajouter:  W  fnnnm 
die  verbvM  et  sanahitur  anima  mea,"  dites  seulement  une  parole  et  m-n 


—  616  — 

âme  sera  giiérie.  Sublime  prière  qui  unit  si  parfaitement  la  profonde 
humilité  et  la  confiance  en  la  miséricorde  du  Sauveur.  En  se  regardant, 
l'âme  se  trouve  indigne,  et  elle  a  raison,  mais  en  élevant  ses  yeux  jusqu'à 
la  bonté  et  à  la  tendresse  infinie  de  Celui  qui  l'appelle,  elle  rejette  se§ 
craintes,  et  s'avance  avec  une  sainte  confiance.  Son  humilité  attire  les 
grâces  divines,  Dieu  qui  repousse  les  superbes  contemple  avec  bienveil- 
lance les  humbles,  et  c'est  sur  eux  qu'il  verse  l'abondance  de  ses  dons. 
Que  cette  âme  ne  craigne  donc  pas  de  s'abîmer  dans  la  contemplation  de 
son  indignité,  pourvu  que  cette  humilité  ne  l'éloigné  pas  et  ne  détruise 
pas  en  elle  la  confiance  et  l'amour. 

D'ailleurs  ce .  n'est  nullement  comme  récompense  de  la  vertu  déjà 
acquise  que  Xotre-Seigneur  nous  a  fait  connaître  son  sacrement. 

On  a  remarqué  bien  souvent  que  les  Saints  Pères,  et  l'Eglise  avec  eux, 
ont  tiré  leurs  enseignements  relatifs  à  la  communion  du  chapitre  Vie 
de  l'Evangile  de  S.  Jean,  chapitre  dans  lequel  le  divin  Maître  annonce 
à  ses  disciples  l'institution  de  l'Eucharistie,  et  dans  lequel  il  insiste  avec 
une  si  inconcevable  énergie  sur  la  nécessité  de  manger  son  Corps  et  de 
boire  son  Sang. 

Or,  dans  ce  chapitre,  Xotre-Seigneur  compare  perpétuellement  son 
sacrement  à  la  nourriture  corporelle.  "  Je  suis  le  pain  de  vie . . .  vous 
vous  étonnez  qu'avec  cinq  pains  j'ai  nourri  toute  une  multitude,  je  ferai 
bien  plus ...  je  suis  moi-même  le  pain  descendu  du  ciel  pour  vous  donner 
la  vie. . .  vos  pères  ont  mangé  la  manne  dans  le  désert  et  ils  sont  morts, 
celui  qui  inangera  ma  chair  et  boira  mon  sang  aura  la  vie  en  lui,  etc." 

La  sainte  communion  fait  donc  pour  la  vie  spirituelle  ce  que  la  nour- 
riture corporelle  fait  pour  la  vie  temporelle.  De  même  que  sans  la 
nourriture  du  corps,  suffisamment  abondante,  et  reçue  assez  souvent,  il 
est  impossible  de  conserver  la  vie,  de  grandir,  d'acquérir  des  forces,  de 
inême  sans  la  réception  de  la  nourriture  divine  préparée  à  la  Table  sainte, 
il  est  impossible  de  conserver  la  vie  spirituelle,  de  grandir  dans  l'exercice 
des  vertus,  d'acquérir  les  forces  nécessaires  aux  travaux  et  aux  combats 
de  la  rie  spirituelle. 

La  communion  n'est  pas  la  récompense  de  la  vertu,  elle  est  le  moyen 
de  l'acquérir. 

La  communion  n'est  pas  réservée  aux  âmes  parfaites,  elle  est  le  moyen 
de  parvenir  à  la  perfection. 

Pour  communier  avec  fruit,  il  n'est  pas  nécessaire  d'être  exempt  de 
défauts,  au  contraire,  selon  l'enseignement  du  saint  Concile  de  Trente, 
la  communion  sera  elle-mêrao  l'antidote  qui  nous  délivre  des  fautes  quo- 
tidiennes (cité  dans  le  décret). 

Que  les  âmes  humbles  qui  redoutent  de  n'être  pas  dignes  de  la  com- 
munion quotidienne  se  rassurent  donc.  Qu'elles  s'efforcent  de  croître 
on  vertu,  qu'elles  se  hâtent  de  lutter  contre  leurs  défauts,  et  qu'elles 
cherchent  tous  les  moyens  de  s'en  délivrer.  Mais  qu'elles  ne  se  laissent 
pas  tromper  par  l'ennemi,  qui  ne  désire  pour  le  moment  que  les  éloigner 
du  sacrement  de  vie,  en  attendant  de  les  tenter  plus  violemment,  que  leur 
timidité  ne  les  arrête  pas,  qu'elles  écoutent  l'appel  si  miséricordieux  du 
Sauveur,  et  qu'elles  excitent  leur  confiance  et  leur  abandon  en  son 
amour. 


'''^#. 


J<(*  ikCjH>8(>ir,  iiii  parc  Mi>ii(-iv<i\  ni. 
Tlie  Altar  on  .Moiint  Koval  l'urk. 


—  6i: 


* 


Mais,  diront  d'autres,  comment  me  présenter  si  souvent  à  la  sainte 
Table?  Quelle  préparation  puis-je  faire? 

J'ai  si  peu  de  temps,  des  préoccupations  pressantes  absorbent  tous 
mes  moments;  à  peine  m'est-il  possible  de  faire  de  temps  en  temps  quel- 
ques courtes  prières,  je  ne  puis  pas  méditer,  prier  longuement,  comme  les 
livres  de  piété  que  j"ai  entre  les  mains  le  demandent. 

Puis  au  moment  de  la  communion.  Je  me  trouve  si  aride,  si  distrait, 
si  entraîné  par  des  pensées  inutiles  ou  mauvaises  dont  je  ne  réussis  pas 
à  me  débarrasser. 

Comment  oser  approcher  ainsi  de  Notre-Seigneur  ? 

Pour  répondre  d'une  façon  satisfaisante  à  cette  objection,  il  importe 
de  bien  s'entendre,  et  pour  cela  de  considérer  sucessivement  plusieurs 
questions. 

Tout  d'abord  il  est  certain  que  les  fruits  de  la  communion,  de  même 
que  ceux  des  autres  sacrements,  sont  mesurés  d'une  certaine  manière  par 
les  dispositions  plus  ou  moins  parfaites  avec  lesquelles  on  les  reçoit; 
c'est  ce  que  le  Concile  de  Trente  enseignait  déjà  très  clairement  en 
disant  que  dans  la  justification,  nous  recevons  la  justice,  que  le  Saint- 
Esprit  distribue  à  chacun  comme  il  veut,  et  selon  la  disposition  et  la  co- 
opération propre  de  chacun,  (secundum  propriam  cujusque  dispositionem 
et  cooperaiionem  (sess.  YI,  c.  7).  C'est  ce  que  le  décret  ^'  Sacra  Tri- 
dentina  Synodus  "  répète  avec  une  clarté  parfaite,  art.3  :  "  Quoique  les 
sacrements  de  la  nouvelle  loi  produisent  leur  effet  ex  opère  operato  (par 
eux-mêmes),  néanmoins  cet  effet  est  d'autant  plus  grand  que  les  dispo- 
sitions de  ceux  qui  les  reçoivent  sont  plus  parfaites."'  Une  bonne  pré- 
paration est  donc  souverainement  désirable,  et  toute  âme  vraiment  fidèle 
devra  s'efforcer  de  se  préparer  de  son  mieux. 

Toutefois  il  y  a  deux  choses  qu'il  ne  faut  pas  perdre  de  vue. 

Premièrement  toute  communion  faite  en  état  de  grâce  et  avec  une  in- 
tention droite  sera  toujours  utile  et  profitable.  Une  communion  mieux 
préparée  produirait  de  plus  grands  fruits,  mais  celle-là  en  produira  déjà 
de  bons  et  d'utiles.  Préparée  avec  la  ferveur  d'un  T,ouis  de  Gonzague 
ou  d'un  Stanislas  de  Kostka,  d'une  sainte  Tbérèso  ou  d'une  Bionheurouse 
Marirnerite-Marie,  une  communion  apporterait  plus  de  bénédictions 
célestes  qu'un  nombre  considérable  de  communions  faites  avec  moins  de 
ferveur,  mais  ces  communions  moins  parfaites  seront  bonnes,  et  les  fruits 
de  salut  produits  par  elles  seront  déjà  abondants. 

La  communion  d'une  âme  angélique,  toute  à  Dieu,  parvenue  au  plus 
haut  degré  de  l'union  divine  possible  ici-lias,  sanctifiera  l'ame  d  une 
façon    sublime,    mais    les   communions    d'Ames    nu.ins    iiarfait.-    — -...it 

bonnes  elles  aussi.                                              ^.  ,.,      .,,.,.       .1 

Ecoutons  ce  que  dit  notre  décret,  art.  3  :  "  Bien  qu  il  soit    res  des.rnl.le 
!..  .        r  ' 1,    ^i-    ,|ii,,tidieniH'  ^^'<'>"« 


—  618  — 

qui  ne  laisse  rien  à  désirer,  "  étant  donné  ce  proj^os  sincère  de  l'âme,  il 
n  est  pas  possible  que  ceux  qui  communient  chaque  jour  ne  se  corrigent; 
pas  également  des  péchés  véniels,  et  peu  à  peu  de  leur  affection  à  ce^ 
péchés."'  La  pratique  de  communier  chaque  jour  sera  donc  un  excel- 
lent moyen  de  mieux  se  préparer  aux  communions  suivantes. 

Secondement,  on  aurait  tort  de  vouloir,  comme  certains  auteurs  l'ont 
fait,  exiger  de  tous  les  mêmes  préparations  pour  la  communion,  d'in- 
diquer des  prières  longues,  des  jeûnes,  des  pratiques  de  vertu  spéciales, 
et  de  les  demander  à  tous  indistinctement.  Bien  imprudent  serait  le 
confesseur  qui,  pour  permettre  à  un  enfant  la  communion  de  chajque 
jour,  exigerait  de  lui  les  mêmes  actes  de  dévotion  que  d'un  homme  fait 
et  déjà  rompu  aux  exercices  de  la  piété,  qui  demanderait  à  une  ouvrière 
épuisée  par  un  travail  quotidien  et  pénible,  de  longues  prières  qu'une 
dame  peu  occupée  par  les  soins  de  sa  maison  peut  faire  sans  difficulté. 

Le  décret  est  formel  à  ce  sujet,  art.  4:  '  il  faut  donc  veiller  à  faire 
précéder  la  sainte  communion  d'une  préparation  diligente,  et  à  la  faire 
suivre  d'une  action  de  grâces  convenable,"  mais  remarquons  bien  les 
mots  qui  suivent  :  '"  selon  les  forces,  la  condition,  et  les  devoirs  de 
chacun." 

Il  appartiendra  au  confesseur  d'indiquer  lavec  discrétion  les  prépara- 
tions convenables,  mais  celui-ci  serait  très  imprudent  s'il  exigeait  des 
actes  peu  proportionnés  aux  forces  des  âmes  qu'il  dirige,  des  exercices 
que  leur  condition  leur  rend  trop  difficiles  ou  même  impossibles,  surtout 
s'il  demandait  des  choses  qui  nuisent  à  l'accomplissement  des  devoirs  de 
chacun. 

Enfin,  si  nous  demandons  quelles  sont  les  préparations  les  plus  utiles 
pour  faire  des  communions  fructueuses,  nous  devrons  reconnaître  que  ce 
ne  sont  pas  des  prières  stéréotypées,  des  actes  déterminés  une  fois  pour 
toutes,  bien  que  ces  prières  puissent  être  fort  utiles.  La  préparation  la 
meilleure  est  la  pureté  de  la  vie,  l'exercice  quotidien  des  vertus,  la  cha- 
rité, la  patience,  le  fidèle  accomplissement  des  devoirs  d'état.  La 
meilleure  préparation  est  sans  contredit  la  dévotion  solide,  celle  que 
saint  Thomas  (2.2ae,  q.  82,  a.  I),  définit  une  volonté  prompte  à  se  livrer 
aux  choses  qui  regardent  le  service  de  Dieu,  {unde  devoiio  nihil  aliud 
esse  videtur,  quant  voluntas  quaedam  prompte  tradendi  se  ad  ea  quae 
pertinent  ad  Dei  famulatum)  ;  cette  dévotion  vraiment  solide  est  bien 
évidemment  ce  qui  dispose  le  mieux  à  profiter  de  la  communion. 

Or,  cette  dévotion  solide,  ce  dévouement  au  service  divin,  peut  parfai- 
tement coexister  avec  les  aridités,  les  distractions  involontaires,  les 
sécheresses  qui  désolent  tant  d'âmes  de  bonne  volonté,  et  que  même  le 
Seigneur  n'a  pas  l'habitude  d'épargner  aux  âmes  généreuses. 

Quand  une  personne  fait  tous  ses  efforts  pour  plaire  à  Dieu,  lui  con- 
sacrer toutes  ses  pensées,  lui  être  fidèle  en  toutes  les  actions  de  sa  vie,  il 
est  bien  évident  qu'elle  a  cette  promptitude  de  dévouement,  qui  est  la 
caractéristique  de  la  véritable  dévotion  ;  et  si  cette  personne  est  em- 
pochée par  ses  occupations  nécessaires  de  donner  à  la  prière  autant  de 
temps  qu'elle  le  voudrait,  serait-ce  une  raison  de  l'écarter  de  la  sainte 
Table? 

Xest-il  pas  bien  clair  que  Xotre-Seigneur  aimera  à  la  recevoir  à  son 
banquet,  et  qu'il  aura  pour  elle  des  faveurs  et  des  grâces  très  abon- 
dantes? 


—  619  — 

Une  ouvrière,  une  personne  très  occupée,  qui  chaque  jour  se  lève  de 
bonne  heure,  fait  peut-être  une  longue  marche  pour  venir  à  l'église 
quelque  temps  qu'il  fasse,  et  qui  ensuite,  clans  le  cours  de  la  journée, 
s'efforce  de  vivre  unie  à  Dieu,  et  de  pratiquer  généreusement  Ici;  sacri- 
fices imposés  par  le  fidèle  accomplissement  de  ses  devoirs  détat,  a  très 
évidemment  une  bonne  et  excellente  préparation  à  la  communion  quoti- 
dienne, et  ce  serait  une  cruauté  tout  à  fait  opposée  à  l'esprit  de  l'Eglise, 
que  de  la  repousser  et  de  lui  mesurer  parcimonieusement  les  communions 
permises,  sous  prétexte  qu'elle  ne  consacre  pas  une  heure  ou  au  moins 
une  demi-heure  chaque  jour  à  la  méditation. 

Ouvrons  au  contraire  largement  l'accès  du  banquet  divin  à  ces  âme§ 
de  bonne  volonté,  encourageons-les,  soutenons-les,  ne  les  laissons  pas 
s'abandonner  à  la  timidité  et  à  la  crainte. 

La  divine  vertu  du  sacrement  suppléera  surabondamment  à  toutes  les 
préparations  exigées  par  certains  auteurs,  et  ces  âmes  déjà  vraiment 
bonnes  se  sanctifieront  de  plus  en  plus. 


Conclusion 

Pour  conclure  en  quelques  mots,  il  nous  semble  que  nous  pouvons 
dire  : 

1.  —  Plus  de  catégories  entendues  dans  le  sens  ancien..  Toute  per- 
sonne de  bonne  volonté  doit  être  admise  à  la  sainte  Table,  et,  pourvu 
qu'elle  y  apporte  l'état  de  grâce  et  une  intention  droite,  elle  ne  pourra 
pas  manquer  de  retirer  des  fruits  abondants  de  ses  communions. 

2.  —  Le  prêtre  doit  faciliter  l'accès  de  la  communion. 

3.  —  Les  curés,  confesseurs,  prédicateurs,  doivent  exhorter  les  fidèles 
à  une  fréquentation  de  plus  en  plus  grande.  Sans  violenter  la  liberté, 
ils  doivent  exciter  le  désir  de  la  communion,  rassurer  les  âmes  inquiètes, 
encourager  les  faibles,  soutenir  les  âmes  ferventes. 

4. —  La  communion  au  moins  mensnello.  faite  régulièrement  à  des 
dates  déterminées,  sera  souverainement  utile  pour  retirer  les  pécheurs  de 
l'habitude  du  péché,  il  faut  toujours  chercher  à  l'obtenir,  comme  un 
minimum. 

5.  —  Xa  communion  hebdomadaire  sera  toujours  à  conseiller,  comme 

une  moyenne  générale. 

6.  —  La  communion  quotidienne  est  non  seulement  permise  â  toutes 
les  âmes  de  bonne  volonté,  mais  on  doit  la  conseiller,  et  il  sera  toujours 
bon  de  chercher  à  l'obtenir. 

7.  —  Pas  de  rède  absolue,  on  ne  doit  pas  dire:  pour  telle  catégorie  la 
communion  de  tous  les  huit  jours,  pour  telle  autre  trois  ou  quatre  fois 
par  semaine.  On  ne  voit  pas  sur  quel  principe  on  pourrait  se  fonder 
pour  exiger  l'abstention  au  moins  une  fois  ou  deux  par  semaine,  m  pour- 
quoi aux'^personnes  pieuses  on  interdirait  la  communion  à  certains  jours, 
V.  g.  le  jour  de  la  confession. 

Exciter  le  désir  et  laisser  une  très  grande  liberté,  telle  paraît  être  la 
règle  de  conduite  la  plus  prudente. 


—  620 


Fidèles  à  la  voix  de  Celui  qui  a  dit:  "  Ve7iite  ad  me  omnes. . .  et  ego 
re/iciam  vos,"  soyons  bien  convaincus  que  plus  nous  amènerons  les  âmes 
au  divin  banquet,  et  plus  aussi  nous  aurons  efficacement  travaillé  à  leur 

en  nrifi  fi  r>fi  ii  r>n 


sanctification 


Le  R.  P.  Foiicher,  des  Olercs  de  St-Viateur,  traite  ensuite 
dfe  r  "Apostolat  pratique  de  la  Communion  fréquente  pour  le 
prêtre  ". 


L'APOSTOLAT  PRATIQUE  DU  PRETRE 


"  Le  décret  "  i)acra  Tridentina  Synodus  "  est  un  acte  législatif  auquel 
"  les  évêques,  les  curés  et  les  confesseurs  sont  tenus  de  se  soumettre  et  de 
"  se  conformer  entièrement  dans  la  direction  des  âmes.  Le  décret  re- 
'*  connaît  des  droits,  impose  des  devoirs  :  droits  du  côté  des  fidèles,  de- 
"  voirs  du  côté  des  curés,  des  prédicateurs  et  des  confesseurs/'  écrivait 
Mgr  de  Joliette  dans  une  circulaire  à  son  clergé. 

Il  n'est  plus  d'hésitation,  ni  de  discussion  possible.  Pasteurs  et  fidèles 
sont  pressés  de  répondre  aux  désirs  dont  brûlait  le  Cœur  de  Jésus  dans 
l'institution  du  Sacrement  d'amour,  à  la  doctrine  et  à  la  pratique  cons- 
tante de  l'Eglise,  à  la  volonté  expresse  de  son  Chef  Suprême.  S'écarter 
de  cette  voie,  c'est  l'ignorance  et  la  mort;  la  suivre  fidèlement,  c'est  la 
résurrection  et  la  vie  pleine  et  parfaite,  parce  que  c'est  la  participation 
à  la  vie  divine  elle-même. 

La  parole  qu'il  dit  un  jour  à  ses  apôtres,  le  Maître  et  Seigneur  ne 
cesse  de  la  redire  à  ses  prêtres,  toujours  pour  les  mêmes  pressantes  rai- 
sons "Date  illis  vos  manducare  "  (Matth.  14-16.  Marc  6.  37.  Luc  9.  13). 

Par  quels  moyens  pratiques,  la  tribu  sacerdotale  enflammée  du  zèle 
de  la  gloire  divine  et  du  bien  des  âmes  obéira-t-elle  au  commandement 
de  J.  C,  à  l'ordre  formel  du  Souverain  Pontife,  lui  enjoignant  de  con- 
duire les  âmes  à  la  coinniunion  fréquente  et  quotidienne  ? 

Nous  inspirant  de  l'instruction  aux  membres  de  la  "  Ligue  Sacerdo- 
"  taie  ï^ucharistique,  et  guidés  par  les  exemples  de  ces  hommes  doctes 
"  et  pieux  qui  permirent  plus  facilement  la  pratique  si  salutaire  et  si 
"agréable  à  Dieu  de  la  Communion  fréquente  et  quotidienne,  et  qui 
"  surent  enseigner  d'après  l'autorité  des  Pères,  la  vraie  doctrine  de 
'•'  riîglise  "  tels  Mgr  de  Ségur,  le  Vén.  P.  Eymard,  le  Vén.  Dom  Bosco, 
le  Bx  Curé  d'Ars  et,  dans  notre  pays,  leur  pieux  émule,  le  E.  P.  Cyrille 
Beaudry,  nous  croyons  pouvoir  indiquer  comme  moyens  pratiques  d'ob- 
tenir cette  fin  divine  de  notre  ministère  sacré:  l'étude,  la  parole,  le  dé- 
vouement, les  œuvres,  la  prière. 


—  621  — 


1"  I.  Etude. 


Il  est  essentiel  que  le  prêtre  acquière  une  notion  exacte,  et  de  jour  en 
jour  plus  nette  et  plus  claire,  de  la  doctrine  de  l'Eglise  sur  tout  le  dogme 
eucharistique:  Sacrement,  Sacrifice,  Communion  et  Culte,  et  très  spé- 
cialement sur  la  communion  fréquente  et  quotidienne  et  sur  les  règles 
établies  pour  l'encourager  et  la  faciliter. 

Quel  champ  vaste  et  riche  s'offre  ici  aux  recherches  à  la  fois  les  plus 
attrayantes  et  les  plus  sanctifiantes  !  Décisions  des  Conciles,  décrets  de5 
Souverains  Pontifes,  enseignements  des  théologiens,  écrits  des  Pères, 
pratiques  des  Saints,  le  tout  étudié  à  la  lumière  des  actes  pontifîcaui  les 
plus  récents  et  des  commentaires  autorisés  qui  les  expliquent. 

Dans  l'éblouissante  clarté  qui  jaillit  de  ce  foyer,  le  prêtre  se  sentira 
rempli  d'un  zèle  ardent  pour  se  débarrasser,  s'il  en  était  besoin,  des  fu- 
nestes préjugés,  restes  pestilentiels  d'une  éducation  janséniste  qui  entra- 
vent et  gênent  son  ministère,  et  pour  instruire  ensuite  les  fidèles  et  le^ 
convier  à  la  Table  Sainte. 

En  parlant  de  la  nécessité  de  l'étude  de  l'Eucharistie  pour  former  et 
soutenir  l'apostolat  d'Eucharistie,  serait-ce  dépasser  la  question  actuelle 
que  de  se  demander  si  dans  le  séminaire,  l'école  de  la  formation  sacer- 
dotale qui  contient  en  germe  l'apostolat  futur  " spes  messis  in  semine, 
l'enseignement  eucharistique,  la  formation  théorique  et  pratique  au 
point  de  vue  eucharistique  s'inspirent  sérieusement  et  universellemeni 
du  décret  "  Sacra  Tridentina  Sydonvs  "  et  de  ceux  qui  l'expliquent  et  le 
complètent  ? 

A  notre  humble  point  de  vue,  cette  direction  eucharistique,  donnée 
à  la  formation  sacerdotale,  est  de  primordiale  importance. 

Le  séminariste  qui  n'a  pas  étudié  l'Eucharistie,  qui  n'a  pas  pratiqué 
la  communion  quotidienne  sera  difficilement  un  prêtre  apôtre  de  la 
communion  quotidienne,  comme  J.-C,  l'Eglise  et  le  Pape  veulent  que 
soit  tout  prêtre. 

Mais  si,  reçue  au  séminaire,  la  science  de  l'Eucharistie  viviliée  jtar  la 
pratique  de  la  communion  quotidienne,  est  soutenue  dans  le  ministère 
par  l'étude,  "  cette  étude  augmentera  la  foi  du  prêtre  en  l'effieacité  du 
'•  Sacrement,  et  lui  rappellera  que  les  âmes  sont  sanctifiées,  non  par 
"  des  exhortations  ou  des  conseils,  mais  par  le  Christ  avce  lecpiel  il  les 
"  met  en  contact.  C'est  la  raison  pour  laquelle  un  prêtre  de  vertu  nié- 
"  diocre  mais  généreux  dispensateur  du  don  divin,  contriljuera  plus  au 
"  progrès  des  âmes,  qu'un  autre  plus  parfait,  mais  avare  du  Pain  di 
"  vie,"  ainsi  parlait  le  K.  P.  Lentelo  au  Congrès  do  Met/.. 

2°  La  Parole. 

Le  prêtre  qui  connaît  l'Eucharistie,  la  fera  connaître  et  aimer.  "  Le 
"  prêtre,  dit  le  P.  P.  Tesnière  de  la  Congrégation  du  1 .  S-Saoremont. 
"a  le  devoir  d'annoncer,  de  publier  la  eonununion,  afin  de  fa-r»;  c^m- 
"naître  au  peuple,  et  d'exciter  dans  les  âmes  le  besoin,  le  dt^ir.  lapiH- 
"tit  du  Pain  divin."     Tl  ne  le  saurait  trop  faire.     Sa  par..]..  •  ra 

donc  la  communion  en  chaire.     Elle  l'enseignera  dans  -^  ..•.'■ 


—  623  — 

Elle  y  conduira  les  âmes  dans  ses  avis  au  confessionnal  et  dans  ses  di- 
rections spirituelles. 

L'instruction  aux  membres  de  la  Ligue  Sacerdotale  enjoint  aux  curés 
et  aux  prêtres  ayant  charge  d'âmes  de  se  mettre  sans  retard  à  l'œuvre 
pour  expliquer  au  peuple  ce  qu'est  l'Eucharistie  :  "  Quomodo  audient 
sine  praedicante  f  '■"  Eom.  X.  l4.  "  Tout  ce  qui  se  peut  dire  de  la  puis- 
"  sance  admirable  et  des  fruits  du  sacrement,  il  n'est  en  vérité  aucune 
"  classe  de  fidèles  à  qui  la  comiaissance  n'en  soit  très  accessible  en  même 
"  temps  que  très  nécessaire." 

"  Car  si  l'on  veut  que  les  fidèles  apprécient  la  valeur  de  l'Eucharistie 
"  (et  c'est  là  le  but  à  atteindre),  il  faut  faire  connaître  toutes  les  belles 
"  choses  qui  lui  ont  été  si  abondamment  dites.  D'ailleurs,  comme  on 
"  ne  pourra  jamais  en  un  seul  discours  exposer  ses  immenses  ressources 
"  et  ses  fruits  sans  nombre,  il  faut  en  parler  souvent,  en  découvrir  suc- 
"  cessivement  quelque  partie,  afin  de  révéler  aux  âmes  quelle  plénitude 
"  de  tous  les  biens  est  contenue  dans  ses  sacrés  mystères."  Catéchisme 
lîoniain,  Ch.  lY,  quest.  44  et  45. 

La  prédication  doit  atteindre  ce  but  de  convaincre  les  fidèles,  et  de  les 
convaincre  pratiquement,  que  communier,  et  communier  chaque  jour, 
est  l'acte  divia  mais  nécessaire  du  chrétien  qui  veut  vivre  Burnaturelle- 
ment,  car  "  si  nous  ne  mangeons  la  chair  du  Fils  de  l'homme  et  si  nous 
ne  buvons  son  sang,  nous  n'aurons  pas  la  vie  en  nous."    S.  Jean,  Ch.  VI. 

Le  Pain  eucharistique  est  un  besoin.  Faisons-le  comprendre  au 
peuple.  (^u'il  sache  que  ce  n'est  pas  l'aliment  rare  destiné  au  banquet 
des  grandes  fêtes,  dit  le  P.  Tesnière.  C'est  le  pain  domestique,  c'est  la 
nourriture  quotidienne,  "  il  est  pour  le  besoin  journalier,  besoin  de  res 
"  tauration,  liesoin  de  conservation,  besoin  d'action,  besoin  de  fécondité 
"  spirituelle,  besoin  de  progrès  constant,  jusqu'à  la  perfection  et  à  la 
"  plénitude  de  la  vie  éternelle."     Le  prêtre  prêchera  donc  l'Eucharistie. 

Il  la  prêchera  souvent,  fréquenter. 

Il  la  prêchera  avec  soin,  multo  studio. 

Il  la  prêchera  à  tous,  "  Omnibus  Christi  fideîibus  cujusvis  ordinis  aut 
conditionis."  S'efforçant  de  dissiper  les  objections  et  les  préjugés  les  plus 
répandus,  mettant  en  garde  contre  trop  de  livres  de  piété  qui  restent 
corrompus  du  vieux  levain  rejeté  par  le  Décret  libérateur,  et  surtout  en 
donnant  une  notion  bien  jus^te  des  conditions,  les  seules  rigoureusement 
requises  (ou  requises  en  cïroit),  même  pour  la  communion  quotidienne, 
savoir,  l'état  de  grâce  ou  l'exemption  du  péché  mortel  et  l'intention 
droite  et  pure. 

Et  si  après  y  avoir  mis  tout  son  zèle,  le  prêtre  a  la  consolation  de  voir 
la  grâce  bénir  ses  effort',  et  ses  fidèles  venir  en  foule  et  assidûment  à  la 
Sainte  Table,  il  se  gardera  bien  de  croire  que  tout  est  gagné.  Mais 
plutôt,  il  é'outera  et  suivra  cet  avis  formel  donné  aux  membres  de  "La 
Ligue  Sacerdotale  Eucharistique  "  dans  le  Xlle  Statut  : 

"  L'usage  de  la  communion  quotidienne  étant  ainsi  inauguré  dans  une 
paroisse,  les  curés  s'efforceront  de  l'enraciner  de  plus  en  plus,  en  adres- 
sant souvent,  très  souvent,  au  peuple  assemblé  pour  la  Sainte  Messe, 
des  exhortations  courtes  mais  très  pressantes  pour  inviter  les  assistants 
à  participer  à  la  divine  Victime. 


—  623  — 

A  la  prédication  plus  solennelle,  le  prêtre  qui  veut  amener  les  âmes 
à  la  communion,  devra  joindr^^  rtn-eignement  plus  simple  et  souvent 
plus  efficace,  du  catéchisme.  Qu'il  s'agisse  du  catéiliisnie  de  persé- 
vérance ou  du  catéchisme  préparatoire  à  la  réception  des  sacrements, 
tout  convergera  vers  l'Eucliaristie,  tout  devra  y  ramener  Tesprit  et  le 
cœur,  à  l'aiJe  de  comparaisons,  par  de^  citations  bien  choisies  et  par 
des  exemples  attrayant^,  toujours  si  goûtés  quand  il  s'agit  de  l'Eucha- 
ristie, il  provoquera  chez  tous  le  désir  de  la  Table  Sainte.  L'effort  du 
prêtre  dans  ses  catéchismes  doit  développer  jusqu'à  son  plein  épanouisse- 
ment le  sens  clirétien  qui  devient  le  sens  eucharisticiue. 

Est-il  besoin  de  le  dire  ici,  c'est  la  plus  tendre  enfance  qu'il  faut 
ainsi  élever  à  l'Eucharistie.  Le  récent  décret  du  8  août  dernier  sur 
l'obligation  de  faire  communie"  les  enfants  dès  l'âge  de  raison  l'ordonne 
formellement,  et  plus  l'heure  de  la  première  communion  ajtproclie. 
mieux  doit  s'affirmer  cette  préoccupation. 

En  effet,  la  première  communion  est  un  moment  propice  entre  tous 
pour  former  l'âme  à  la  pratique  de  la  communion.  Loin  de  conserver  la 
coutume  étrange  de  retarder  à  un  mois,  ni  même  à  un  jour  détenniné, 
le  même  ])our  tous,  (et  de  quel  droit  peut-on  bien  agir  ainsi?)  le  prêtre 
conviera  sans  retard  ses  premiers  communiants  à  la  communion  fré- 
quente et  quotidienne.  Le  prêtre  mettra  dans  ces  âmes  fraîches  et 
pures,  comme  sur  les  fleurs  descend  la  rosée  du  ciel,  la  Divine  Hostie  qui 
les  fera  s'épanouir  dans  la  force  et  l'éclat  des  solides  vertus  chrétiennes. 
Elles  en  concevront  comme  utu^  sainte  avidité  qui  deviendra  le  besoin 
de  leur  vie,  source  chi  plus  vrai  bonheur  temporel,  et  gage  de  l'étemelle 
félicité. 

Ce  premier  apostolat  poursuivra  son  action  salutaire  auprès  des  en- 
fants qui  continuent  à  fréjmnter  les  écoles;  il  trouvera  dans  les  maî- 
tres et  les  maîtresses  assez  généralement  des  auxiliaires  faciles  à  con- 
vaincre et  auprès  d'eux  il  tentera  de  réaliser  le  conseil  que  Mgr  l'Evê^iue 
de  Namur  donnait  à  des  instituteurs  dans  une  séance  du  congrès  de 
Met<:  "Conduisez,  leur  disait-il,  vos  enfants  au  Sauveur  qui  les  ap- 
"  pelle,  conduisez-les  à  la  Table  Sainte.  Oui,  Messieurs,  allez  de  l'avant 
"par  le  bon  exemple  particulièrement  puissant  quand  il  vient  de  vous 
"  et  vous  préparez  une  grande  joie  au  Sauveur." 

Tl  appellera  donc  les  écoliers  à  la  communion  fré(|uento  et  même  ijuc»- 
tidienne.  par  son  dévouement  il  suppléera  à  la  faiblesse,  à  l'inconstance, 
à  la  débilité  du  jeune  âge  et  jamais  mieux  son  zèle  ne  se  manifestera 
qu'aux  jours  dangereux  des  vacances;  c'est  alors  surtout  qu'il  disputera 
en  quelque  sorte  l'âme  à  elle-même  pour  la  livrer,  et  le  plus  snuvent 
possible,  au  contact  purifiant  et  fortifiant  du  Sacrement  qui  fait  les 
vaillants  et  les  forts. 

Agir  ainsi,  c'est  à  la  lettre  mettre  en  pratique  le  Statut  Xlll^de 
"La'^Ligne  Sacerdotalo  Eucharistique"  érigée  en  .Vnhi-.Vssociation  Tn- 
maria,  et  qui  se  lit  ainsi  : 

"Tls  auront  un  soin  tout  spécial  de  faire  naître  un  vif  désir  de  la 
communion  quotidienn-  dans  les  creurs  purs  et  dépourvus  .le  yainw 
craintes  des  enfants  quan.l  ils  les  préparent  à  la  1ère  eommuninii.  t^i  •!« 
veillent  à  leur  faire  faire  cette  1ère  conmiunion  dès  qu  ils  on  «ont  ca- 
pables,  et  à  la  leur  faire  renouveler  si  possible,  tous  les  jours. 


—  624  — 

"  Cette  première  éducation  eucharistique  sera  continuée  avec  zèle  dans 
"  l'enfant  devenu  jeune  homme  ou  jeune  fille  de  13  à  20  ans.  Heure 
"  criti(|ue  de  la  vie,  convbat  redoutable  qui  demande  les  meilleures  armes. 
"  L'Hostie  reçue  souvent  peut  seule  vaincre  la  redoutable  coalition  des 
"  puissances  mauvaises,  elle  est  la  lumière  pour  l'esprit  qui  vient  à  elle 
"  avec  simplicité  ;  elle  est  la  force  pour  le  cœur  qui  lui  confie  l'éveil  de 
"  ses  passions." 

"  Communiez  souvent,  disait  l'apôtre  le  plus  ardent  et  le  plus  théo- 
logien du  XIXe  siècle,  c'est  là  le  préservatif  par  excellence." 

"  Il  est  acquis  que  partout  où  le  prêtre  s'est  efforcé  de  recommander 
la  communion  fréquente,  il  a  trouvé  des  jeunes  âmes  assez  généreuses 
pour  lui  obéir.''  (Timon  David).  Ces  habitués  de  la  Table  Sainte  de- 
venus chefs  de  famille  resteront  fidèles  à  demander  le  pain  quotidien 
si  le  zèle  sacerdotal  sait  entretenir  en  leur  âme  la  faim  de  cette  Manne 
céleste. 

Le  travail  dont  nous  venons  de  parler  est  un  travail  d'ensemble,  un 
apostolat  en  masse.  Le  prêtre  qui  veut  sincèrement  pour  son  peuple  les 
biens  inestimables  que  lui  assure  la  communion  fréquente  et  quotidienne 
ne  s'en  tiendra  pas  là. 

C'est  auprès  de  chaque  âme  en  particulier  qu'il  doit  poursuivre  son 
travail,  et  selon  les  aptitudes  et  les  dispositions  de  chacune  d'elles  que, 
au  confessionnal,  devra  s'exercer  son  ministère  divin.  "  Ministère  obscur, 
"  dit  le  P.  Tesnière,  (Somme  de  la  Préd.  Euch.  Tome  III  p.  576)  mono- 
"  tone,  fatigant  et  pénible,  qui  absorbe  de  longues  heures,  prive  de  beau- 
"  coup  de  plaisirs  permis,  même  des  saines  joies  du  travail  de  cabinet  ; 
"  mais  si  nécessaire,  que  tout  pasteur  qui  le  néglige  ou  ne  s'y  prête  que 
"trop  parcimonieusement,  doit  renoncer  à  voir  fleurir  dans  sa  paroisse 
"  la  céleste  végétation  de  la  communion." 

Dans  ce  ministère  de  la  confession,  le  zèle  du  prêtre,  prudent  toujours, 
dirigé  par  l'étude,  mais  ardent  aussi  et  toujours  en  activité,  éclairera  les 
âmes,  redressera  les  vues,  dissipera  les  obstacles,  ruinera  les  objections, 
et  discrètement,  par  degré,  les  amènera  à  la  communion  de  plus  en  plus 
fréquente,  heureux,  pour  les  encourager,  de  leur  signaler  les  progrès 
réalisés,  ou  tout  au  moins  les  imperfections  corrigées,  ou  les  fautes  évi- 
tées. 

L'apôtre  de  la  communion  sera  donc  au  confessionnal  un  directeur 
pieux  et  instruit,  condescendant  et  bon,  certain  de  trouver  dans  la  con- 
fession fréquente  peut-être  le  plus  puissant  moyen  de  faire  naître,  sur- 
tout dans  les  âmes  jeunes,  l'appétit  eucharistique. 

Il  se  souviendra  qu'il  n'a  pas  à  régler  le  nombre  de  communions  que 
pourra  faire  le  pénitent.  Car  le  régime  nomial  et  régulier  qu'il  doit 
proposer  à  tous,  et  aura  à  cœur  d'établir:  c'est  la  communion  quoti- 
diene.  En  effet,  le  décret  "  Sacra  Tridentina  "  lui  enjoint  de  la  pro- 
voquer comn^e  il  lui  interdit  de  la  refuser  à  quiconque  v  apporte  les 
seules  dispositions  exigée-;. 

Ainsi  que  s'exprime  le  1'.  Lintelo  "Agir  autrement,  ce  serait  de  la 
part  du  confesseur,  faire  injure  à  l'Eglise  qui  le  délègue,  et  au  pénitent 
qui  a  droit  à  l'Eucharistie."  Et  il  convient  de  rappeler  cette  grave  pa- 
role du  cardinal  Gennari  :  "Ce  n'est  pas  une  petite  injustice  wie  de 
priver  un  pénitent,  même  une  fois,  sans  de  justes  et  graves  motifs,  des 
biens  que  la  communion  procure."  (De  la  communion  fréquente,  p.  28). 


o 


G25 


3°  Dévouement. 

Foyer  de  lumière  dans  l'âme  sacerdotale,  la  science  eucharistique  doit 
la  rendre  capable  de  tous  les  dévouements.  En  vain  le  prêtre  prêchera- 
t-il  la  communion  par  tous  les  moyens  en  son  pouvoir,  si  par  son  assi- 
duité,  généreuse  au  confessionnal  et  par  sa  hieyiveillance  à  distribuer  la 
Sainte  Communion,  il  n'est  pas  empressé  au  service  des  fidèles.  Tous 
ses  beaux  enseignements  sont  perdus  et  son  ministère  de  la  parole  est 
à  peu  près  rendu  stérile. 

Sans  doute,  le  prêtre  dans  une  paroisse,  ou  dans  une  communauté,  doic 
avoir,  pour  entendre  les  confessions,  des  heures  réglementaires  auxquelles 
le  premier  il  doit  être  scrupuleusement  fidèle.  Mais  je  l'ose  dire:  ce 
n'est  pas  assez,  non,  ce  n'est  pas  assez.  Et  si  peut-être,  il  faut  gémir 
sur  les  fruits  insuffisants  des  dernières  directions  pontificales,  si  les 
derniers  décrets,  dans  lesquels  on  croit  entendre  la  plainte  du  Cœur 
même  de  Jésus  "  Desiderio  desideravi,"  n'ont  pas  encore  reçu  de  la  part 
des  fidèles  la  sérieuse  application  qu'ils  méritent,  hélas  !  parfois  le  prêtre 
ne  pourrait-il  pas  s'en  faire  le  reproche? 

Le  ]H'être,  au  prix  de  son  propre  repos,  au  prix  même  de  réels  sacri- 
fices, se  souviendra  que,  ministre  de  Dieu,  il  est  à  l'exemple  de  soii 
divin  Maître,  non  pour  être  servi,  mais  pour  servir.  En  con?é<)uenoo, 
s'il  veut  amener  à  la  communion,  il  faut  que  les  fidèles  sachent  pratique- 
ment qu'ils  ont  toutes  les  facilités  pour  les  confessions,  que,  en  tout 
temps  il  est  heureux  de  répondre  à  leur  appel,  et  comme  pour  le  bon 
service  religieux  il  sera  nécessaire,  nous  l'avons  dit,  de  fixer  dos  heures 
réglementaires,  ces  heures,  est-il  besoin  d'y  insister,  seront  à  la  conve- 
nance des  pénitents  au  moins  autant  qu'à  celle  du  confesseur. 

L'apôtre  de  la  communion  ne  sera  pas  de  ces  prêtres  rigides,  intrai- 
tables qui  ne  savent  pas  se  déranger  en  dehors  do  certaine-;  heures.  I! 
agira  mieux,  se  souvenant  qu'il  remplace  J.-C.  parmi  les  hcmmes,  ses 
frères,  il  le  fera  revivre  par  sa  condescendance,  sa  bonté,  sa  charité. 

Il  n'est  pas  hors  de  propcs  de  faire  ici  une  remarque  inijortante.  Le 
prêtre  doit  travailler  à  rendre  plus  rares  les  confessions  qui  no  sont  pas 
nécessaires.  Antoni.  dans  une  brochure  honorée  d'une  recommandation 
du  Souverain  Pontife,  dit:  (Brochure,  Pourquoi  tant  de  vaincs  craintes 
éloignent-elles  de  la  communion  fréquente  et  quotidienne,  p.  2î))  Ap- 
"  prenons  aux  âmes  à  communier  sans  crainte  et  avec  joie  les  purs  ou 
"elles  le  peuvent,  pondant  dos  semaines  et  des  mois  mémo,  s  il  en  est  he- 
"soin,  sans  se  confesser,  quand  elles  ne  sont  pas  certaines  d  avoir  péché 
"mortellement  depuis  la  dernière  confession.»  Ce  qui  revient  a  .hro 
comme  1' 


l'explique  le  Père  Lintelo.  "  qu'on  no  sacrifie  pas  une  ^o-;:;"'  "^^^^ 
parce  qu'on  a  dû  omettre  une  confession  do  puro  'l^'^oiion.  C  est  qiie 

la  confession  ne  devienne  pas  une  barnèro  pour  la  .ommunion.     (    les 
devoirs  des  confesseurs."  p.  20). 

Tl  serait  t"os  bien  de  conseiller  à  ceux  dos  pénitents  ^^^;;^^^ 
plus  fréquemment  de  choisir,  pour  leur  <onfession.  un  ]our  m.  une  luure 
où  le  confessionnal  est  plu^  libre. 


—  626  — 

"  Ce  qui  importe  le  ])lus  en  cette  matière,  c'est  d'extirper  ce  préjugé 
"anticatholique  qui  (id.  p.  21)  sous  prétexte  de  sainteté  plus  grande, 
"  exalte  la  confession  aux  dépens  de  la  communion,  nous  fatigue  de  scru- 
'*  pules,  nous  fausse  la  conscience  et  plaît  infiniment  au  diable  en  nous 
"  tenant  respectueusement  éloignés  de  l'adorable  Eucharistie  qui  est  le 
"  foyer  vivant  de  la  sainteté." 

Enfin,  tous  ces  moyens  doivent  trouver  une  expression  pratique  dans 
le  pieux  empressement  que  mettra  le  prêtre  à  distribuer  la  Sainte  Com- 
munion autant  et  aussi  souvent  qu'il  en  sera  requis,  avant,  pendant  et 
après  la  messe. 

Au  besoin  même,  son  zèle  devra  prévenir  les  désirs  et  il  saura,  surtout 
dans  les  concours,  offrir  la  Sainte  Communion  aux  heures  les  plus  favo- 
rables aux  fidèles. 

Le  devoir  donc  du  prêtre  est  de  se  montrer  facile  à  donner  la  com- 
munion aux  fidèles  qui  la  demandent. 

"  Encore  que,  normalement,  la  communion  doive  se  faire  pendant  le 
"  Saint  Sacrifice,  après  les  saintes  prières  préparatoires  de  la  liturgie, 
"  dans  une  participation  immédiate  à  la  victime  offerte  et  consacrée, 
"  cependant  il  n'y  a  aucune  loi  qui  défende  de  la  donner  en  dehors  de  la 
"messe;  et  la  coutume  de  l'Eglise  de  Eome  est  de  la  donner  avant  et 
"  après  aux  fidèles  qui  se  présentent  pour  la  recevoir.  Sans  doute,  un 
"  pasteur  avisé  veillera  à  ne  point  favoriser  chez  des  personnes  de  loisir 
"  une  habitude  qui  tendrait  à  supprimer  toute  préparation  prochaine  de 
"  prière  avant  la  communion  et  qui  les  ferait  même  toml^er  dans  l'irré- 
"  vérence,  si  elles  accouraient  à  la  Sainte  Table  dès  leur  entrée  dans 
"  l'église. 

"  Mais  pour  combien  de  personnes  qui  ne  peuvent  disposer  que  d'une 
"  demi-heure,  ou  qui  ne  sont  pas  libres  à  l'heure  de  l'unique  messe,  ou- 
"  vrières,  domestiques,  mères  de  famille,  femmes  en  possession  de  maris 
"  exigeants,  hommes  d'affaires,  jeunes  gens  des  écoles,  ouvriers  des  ate- 
"  liers,  soldats  échappant  à  la  caserne  après  les  exercices  du  matin,  la 
"  condescendance  à  les  communier  en  dehors  de  la  messe,  leur  permettra- 
"  t-elle  de  recevoir  le  Pain  divin  dont  elles  ont  saintement  faim,  et 
"  qu'elles  viennent  chercher  avec  d'autant  plus  de  mérite,  qu'il  leur  est 
"pins  difficile  de  le  faire." 

"  Plus  le  prêtre  se  montrera  bienveillant  et  empressé  à  distribuer  les 
"trésors  divins  dont  il  a  la  garde,  plus  il  sera  selon  le  Cœur  de  son 
"  Maître,  ouvrant  les  bras  à  la  Cène,  offrant  l'Eucharistie  à  tous  et  di- 
"  sant  :  Prenez  et  mangez-en  tous.  Le  prêtre  est  le  ministre  de  Jésus.  Il 
"est  le  canal  de  cette  source  unique  :  qu'il  écoule  largement  ses  eaux 
"  vives.  Il  est  le  dispensateur  des  dons  divins  :  qu'il  ne  s'en  montre  pas 
"  le  retenteur.  Il  n'est  pas  de  plus  beau  geste  sur  la  terre  que  celui  du 
"  prêtre,  frère  et  père  des  hommes  selon  l'esprit,  élevant  à  leurs  yeux  le 
"  Pain  de  vie,  l'offrant  généreusement  et  allègrement  à  ses  frères  et  à  ses 
"enfants,  en  leur  disant:  Que  le  corps  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ 
"garde  vos  âmes  pour  la  vie  éternelle.  Il  est  alors  le  fover  de  la  vraie 
"  lumière,  le  principe  de  la  vie  dans  les  âmes,  le  lien  do  la  paix  dans  le 
"  monde,  le  promoteur  de  la  vie  éternelle,  le  Christ  Rédempteur  lui- 
"  même,  un  Dieu  qui  fait  des  dieux:  Ipse  Deus  deos  faciens."  (P.  Tes- 
nière,  S.  S.  S.) 


—  627  — 


4°   Œuvres. 


Cette  action  directe  du  prêtre  par  la  parole  et  le  dévouement  à  pro- 
mouvoir la  communion  fréquente  et  quotidienne  sera  soutenue  par  des 
œuvres  dont  la  bienfaisante  germination  dans  une  paroisse  assurera  l"é- 
closion  des  fruits  eucharistiques  les  plus  merveilleux.  Ces  œuvres  di- 
verses qui  sont  comme  autant  de  pieuses  industries  par  lesquelles  le 
prêtre  amènera  les  fidèles  à  la  commtmion,  doivent  recevoir  de  lui  une 
direction  unique;  il  faut  que  toutes  encouragent  à  l'Eucharistie,  comme 
dans  le  temple  catholique  tout  converge  vers  l'Hostie  du  tabernacle,  tout 
existe  pour  elle,  la  sert  et  l'honore. 

L'apôtre  de  la  communion  s'efforcera  : 

1°  De  promouvoir  l'assistance  à  la  Sainte  Messe;  ce  sera  même  le 
premier  pas  à  faire.  Inutile  d'espérer  la  communion  fréquente  et  régu- 
lière dans  le  peuple,  si  le  peuple  n'a  pas  la  pieuse  habitude  d'entendre- 
la  Sainte  Messe.  C'est  ce  que  les  statuts  de  la  Ligue  Sacerdotale  rap- 
pellent en  ces  termes  :  ''  Comme  il  n'est  pas  possible  de  propager  le  pieux 
usage  de  la  communion  quotidienne  là  ovi  l'on  n'a  pas  d'abord  propagé 
celui  d'aile:-  chaque  jour  à  la  messe,  ils  exhorteront  vivement  et  fré- 
quemment le  peuple  à  aï^sister  chaque  jour  au  sacrifice  non  sanglant." 

2°  Il  suscitera  la  dévotion  au  Sacré-Coeur  de  Jésus  qui  ne  fait  ([u'une 
avec  la  dévotion  du  T.  S.-Sacrement;  qui  aime  le  Sacré-Cœur  de  Xotre- 
Seigneur  sera  comme  irrésistiblement  entraîné  à  la  communion  aussi 
fréquente  que  possible.  Et  cette  dévotion  au  Sacré-Cœur,  elle  sera  en- 
tretenue et  vivifiée  par  les  congrégations  diverses  <jui  ont  pour  but  de 
la  cultiver:  Apostolat  de  la  prière,  Garde  d'Honneur,  Ligue  du  S.-C.  etc. 

3°  Toujours  avec  l'approbation  de  l'ordinaire,  quand  elle  est  requise, 
il  multipliera  les  exercices  du  culte  eucharistique:  expositions,  heures 
d'adoration,  prière  du  soir  en  commun  à  l'église  ;  mais  par-dessus  tout, 
obéissant  à  la  volonté  du  Souverain  Pontife  (|ui  a  rencontré  clu-z  l.nis  nos 
Evêques  une  si  pieuse  et  si  prompte  adhésion,  il  célébrera  annuellement, 
avec  toute  la  pompe  possible,  les  Triduuras  eucharistiques. 

4°  Il  entretiendra,  avec  un  soin  jaloux,  dans  le  plus  parfait  état  d  î 
propreté  et  ornera  l'autel  où  réside  le  T.  S.-Sacrement,  ainsi  il  fera  vivre 
et  parler  le  tabernacle  qui  sera  vraiment  la  demeuiv  du  Dieu  vivant. 
Croire  que  ces  détails  sont  indifférents  pour  le  but  qui  nous  préoccupe, 
serait  ne  pas  connaître  le  rôle  puissant  du  culte  extérieur  sur  les  senti- 
ments de  l'âme  humaine. 

5°  Il  organisera  une  confrérie  paroissiale  du  T.  S.-S.  à  laquelle  A 
assurera  les  précieux  avantages  spirituels  de  l'affiliation  à  1  "a rchi confré- 
rie canoniquement  érigée  en  l'église  St-Claude  de  Kome.  ('est  la  voie 
toute  préparée  à  la  pratique  éminemment  salutaire  de  1  adoration  diurne, 
par  laquelle  il  crée  comme  un  lover  ].lus  intense  de  la  vie  eucharistique 
qui  répandra  sur  toute  sa  paroisse  la  surnaturelle  et  toute  vivihante  in- 
fluence de  ses  exemples  et  des  grâces  qu'elle  méntera.  Los  faits  les  p  us 
consolants  ont  prouvé  la  merveilleuse  efficacité  de  ce  moven  d  ap..st(.Ia; 

eucharistique.  ■  ,       -,        ,  •        „^.., 

Les  autres  confréries  pieuses  déj<à  organisées  dans  la  paroisse,  pour 

mieux  et  plus  sûrement  poursuivre  leur  propre  fin.  entre  les  mains  de 


—  628  — 

leur  directeur  deviendront  autant  d'agents  de  propagande  de  la  com- 
munion fréquente  et  quotidienne  pour  leurs  membres,  et  pour  tous  ceux 
sur  qui  s'exerce  leur  autorité. 

6°  Il  travaillera  à  la  propagande  et  à  la  diffusion  d'une  presse  eucha- 
ristique: livres,  revues,  bulletins,  opuscules,  feuillets,  images,  en  y  met- 
tant la  discrétion  que  commandent  la  différence  des  classes,  le  degré  de 
culture,  s'efîorçant  toutefois  d'atteindre  jusqu'aux  plus  jeunes  enfants, 
ne  serait-ce  que  par  le  don  d'une  médaille  eucharistique.  Imitant  en 
cela  Pie  IX  distribuant  de  sa  main  aux  prédicateurs  du  carême,  l'opus- 
cule de  Mgr  de  Ségur  "  la  communion." 

Entin,  pour  réunir  en  faisceau  toutes  ces  énergies,  pour  prémunir  le 
zèle  des  plus  fervents,  contre  le  danger  toujours  possible  de  l'inconstance, 
et  pour  s'assurer  par  les  grâces  et  les  précieux  avantages  spirituels 
qu'elle  procure  à  ses  membres,  une  plus  grande  efficacité  de  ministère, 
le  prêtre  qui  veut  être  l'apôtre  de  la  communion,  n'aura  rien  de  plus  à 
cœur  que  de  devenir  membre  de  ''La  Ligue  Sacerdotale  Eucharistique  ' 
dont  le  but  est  de  travailler  à  promouvoir  dans  le  peuple  chrétien  l'usage 
de  la  communion  fréquente  et  quotidienne,  fart.  III)  "  par  l'apostolat 
de  la  prière,de  la  parole  et  de  la  presse."  (Art.  IV  des  statuts). 

Dans  une  circulaire  à  son  clergé  (Vol.  II,  ISTo  5-10  fév.  1909)  Mgr 
l'Evêque  de  Joliette  en  parle  en  ces  termes  :  ''  Cette  œuvre  s'adresse 
"  exclusivement  au  clergé  et  forme  pour  ainsi  dire,  comme  un  complé- 
"ment  de  l'Association  des  Prêtres- Adorateurs  sur  laquelle,  du  reste, 
"  elle  est  greffée,  tout  en  restant  complètement  distincte;  car  si  l'Associa- 
"  tion  a  pour  but  direct  la  sanctification  du  prêtre  par  l'Eucharistie 
"mieux  adorée  et  mieux  servie,  l'œuvre  dont  nous  parlons  poursuit  la 
"  sanctification  des  fidèles  par  l'Eucharistie  plus  fréquemment  reçue." 


5°  Prière. 

Quand  il  aura  ainsi  fait  tous  ses  efforts,  quand  il  aura  mis  tout  son 
dévouement,  quand  il  se  sera  donné,  dépensé  pour  satisfaire  dans  toute 
la  mesure  de  son  pouvoir  le  désir  du  Cœur  de  Jésus  "  qui  a  une  soif 
ardente  d'être  honoré  dans  le  Sacrement  de  son  amour,"  qu'il  se  sou- 
vienne encore,  lui,  l'homme  de  la  prière  que  tout  ce  noble  zèle  serait 
peu  de  chose,  s'il  n'était  vivifié  par  l'esprit  de  prière.  "  Nisi  Dominus 
aedificaverit  domum,  in  vanum  lahoraverunt  qui  aedificant  eam." 

ISTon,  le  prêtre  ne  peut  rien  pour  la  gloire  de  Dieu,  il  ne  peut  rien  pour 
le  bien  des  âmes  sans  la  grâce  de  Dieu  "  Sine  me  nihil  potestis  facere." 
Le  prêtre,  nouvel  orante,  unira  sans  cesse  sa  prière  à  la  prière  du  Sou- 
verain Médiateur. 

Dans  sa  lettre  an  clergé  à  l'occasion  du  50e  anniversaire  de  son  sacer- 
doce, ]Sr.  S.  P.  le  Pape  nous  rappelle  et  la  nécessité  et  l'efficacité  de  ce 
moyen  d'action  : 

"  Considérons,  dit-il,  comme  certain  et  bien  établi  que  le  prêtre  pour 
"  tenir  dignement  son  rang  et  remplir  son  devoir  doit  se  consacrer  avant 
"  tout  à  la  prière.  Le  prêtre,  en  effet,  plus  que  tout  autre,  doit  obéir 
"  au  précepte  du  Christ  :  "  Il  faut  toujours  prier  "  (Luc.  XVIII,  I)  pré- 
"  cepte  que  S.  Paul  recommande  très  instamment:  "Persévérez  dans  la 


—  629  — 

"'prière,  apportez  de  la  vigilance  avec  des  actions  de  grâces.""  (Coloss 
lV-2)  ;  "  Priez  sans  cesse.''  (I.  Thess.  V,  17). 

Le  prêtre  priera  pour  son  peuple,  et  il  priera  avec  son  peuple,  ei  du 
Cœur  de  Jésus,  "  source  de  vie  et  de  sainteté  "  —  -  dont  la  plénitude 
se  répand  sur  nous  ",  descendront  sur  le  pasteur  et  sur  le  troupeau,  Tin- 
telligence  des  dons  divins  et  l'esprit  de  charité  par  lesquels  saintement 
aifamés  de  vie  et  de  justice,  tous  sentiront  l'irrésistible  faim  du  Pain  de 
vie:  les  prêtres  pour  s'en  nourrir  et  le  donner  aux  autres,  "ut  sumant 
et  dent  coeteris/'  les  fidèles  pour  le  demander  et  en  être  rassasiés,  "  ci- 
bavit  illos  ex  adipe  frnmenti  et  de  petra  melle  saturavit  eos,"  pour  qu'il 
soit  aux  uns  et  aux  autres  le  gage  de  la  gloire  future  "  futurae  gloriae 
nohis  pignus  datur." 

Pour  réaliser  plus  parfaitement  le  désir  du  Cœur  de  Jésus,  pour  mieux 
répondre  aux  directions  de  Notre  Mère,  la  Sainte  Eglise  et  conformé- 
ment à  cette  parole  du  vénéré  Pontife  qu'on  se  plaît  à  appeler  le  Pape 
de  l'Eucharistie,  prononcée  le  2  juin  19U5,  en  clôturant  le  Congrès  Eu- 
charistique de  Eome  :  "  Je  vous  prie  et  je  vous  conjure  tous  de  recom- 
"  mander  aux  fidèles  de  s'approcher  du  divin  Sacrement.  Et  je  m'a- 
"  dresse  spécialement  à  vous,  mes  chers  fils  dans  le  Sacerdoce,  atin  que 
"  Jésus  le  trésor  du  Paradis  et  le  bien  suprême  de  l'humanité  ne  soit  plus 
"  abandonné  d'une  manière  aussi  injurieuse  et  aussi  ingrate,"  le  trop 
pauvre  rapporteur  a  l'honneur  de  soumettre  les  vœux  suivants: 

Voeux  : 

1°  Que  la  section  sacerdotale  du  XXIe  Congrès  Eucharistique  Inter- 
national réitère  le  voeu  exprimé  par  la  section  du  XV II le  Congrès,  que, 
confiants  en  la  parole  liberalrice  du  Vicaire  de  J.-C.  tous  le.s  pasteurs 
des  âmes  orientent  résolument  leur  ministère  eucharistique  dans  le  sens 
de  la  salutaire  piatique  de  la  communion  fréquente  et  quotidienne,  et 
fassent  tendre  toute  leur  action  pastorale  vers  V accomplissement  toujotirs 
plus  entier  de  ce  désir  de  J.-C.  et  de  l'Eglise. 

2°  Que,  eu  vue  de  soutenir  el  de  sanctifier  leur  zèle  dans  la  propa- 
gation de  la  communion  fréquente  et  quotidienne,  tous  les  prêtres  dans 
l'exercirc  du  suint  Ministère  fassent  partie  de  "  La  Ligue  Sacer'hihilr 
Eucharistique." 


* 
* 


Ce  rapport  attire  à  son  auteur  les  (•lojrcs  <l.'  .Mj,n-  le 
Président,  soulijinés  par  les  applaudissciiicnts  (!«'  l'auditoire 
qui  en  ratifie  les  vœux. 


—  630  — 

Puis  la  parole  est  offerte  au  E.  P.  Galtier,  S.iS.S.,  secrétaire, 
pour  présenter  un  travail  sur  : 


LA  VRAIE  PORTEE  DOCTRINALE  ET  DISCI- 
PLINAIRE 

Du  décret  sur  la  communion  quotidienne. 


Depuis  qu'est  paru,  en  déc.  1905,  le  célèbre  Décret  "  SACEA  TKI- 
DENTINA  SYISTODUS  "  sur  la  Communion  fréquente  et  quotidienne, 
bien  des  esprits  se  sont  demandé  et  se  demandent  encore,  quelle  est 
la  vraie  portée  pratique  de  cet  acte  pontifical  et  quelle  attitude  il 
convient  de  prendre  à  son  endroit.  Ce  décret  introduit-il  un  change- 
ment dans  la  discipline  actuelle,  et  faut-il  que  chaque  prêtre  se  fasse 
désormais,  en  toute  occasion,  l'apôtre  de  la  Communion  fréquente  et 
quotidie'ine  ?  N'est-ce  pas  plutôt  un  document  théorique,  une  affirma- 
tion de  principes,  l'expression  d'un  désir  du  Pape  actuel,  un  rappel  très 
opportun  de  l'idéal  de  l'Eglise  au  sujet  de  la  Communion;  mais  sans 
caractère  vraiment  pratique,  sans  lien  direct  avec  sa  réalisation  immé- 
diate ? 

Ainsi  l'ont  pensé  et  l'ont  dit  certains  prêtres  à  qui,  du  reste,  ne  man- 
quaient ni  la  science,  ni  la  piété.  (1)  A  les  entendre,  le  Pape  n'a  point 
prétendu  définir  un  point  de  théologie  pastorale,  ni  imposer  une  nou- 
velle orientation  à  l'enseignement  de  la  morale  et  à  la  pratique  du  minis- 
tère sacerdotal;  il  n'a  pas  voulu  bouleverser  des  habitudes  séculaires. 
Son  intention  n'est  pas  de  pousser  à  la  communion  fréquente  et  quoti- 
dienne tous  les  chrétiens  qui  déjà  ont  la  pratique  de  communier  plus  ou 
moins  souvent.  Et,  quant  à  ceux  qui  ont  voulu  s'autoriser  du  document 
pontifical  pour  se  faire  les  apôtres  zélés  de  la  Communion  fréquente  et 
quotidienne,  ils  ont  passé,  aux  yeux  de  ces  sages  mentors,  pour  des  em- 
ballés. Oui,  il  y  a  eu  emlDallement,  disent-ils,  et  on  en  reviendra.  C'est 
tout  juste  s'ils  ne  taxent  pas  d'exagération  l'auguste  Pie  X  lui-même. 
Pour  eux,  plus  sages  que  tous  ces  prêtres  zélés  qui  ont  avec  docilité  em- 
boîté le  pas  au  Décret,  ils  demeurent  fixes,  inébranlables  sur  leurs  posi- 
tions séculaires,  et  ils  attendent  "  qu'on  en  revienne  !  " 

Fantaisies  étranges,  à  la  vérité  !  Affirmations  qui  se  concilient  mal 
avec  la  simple  lecture  attentive  d'un  document  très  explicite  dans  son 
but  et  très  clair  dans  ses  termes. 

Non,  ce  ne  sont  pas  ceux,  que  dédaigneusement  on  traite  à'em'ballés, 
qui  se  trompent;  ce  sont  eux  qui,  sous  prétexte  de  sage  modération,  ne 
veulent  rien  changer  à  leur  conduite,  refusent  de  suivre  le  Pape  dans 
les  voies  qu'il  leur  ouvre  par  le  Décret  en  question,  et  dénient  à  cet  Acte 
toute  portée  pratique  et  obligatoire. 


(  1  )  "  Un  prand  nombre  de  prêtres  dénaturent  si  bien  ce  décret  qu'ils  vont 
jusqu'à  nier  toute  portée  pratique."  (R.  P.  Touet,  S.S.S.,  Rapport  présenté  au 
Congrès  de  Metz). 


—  631  — 

Une  telle  disposition  ne  s'explique  que  par  un  fort  relent  de  cette  per- 
nicieuse erreur  Janséniste,  qu'on  a  appelé  le  chef-d'œuvre  de  Satan,  et 
qui  garde  encore  de  profondes  racines  dans  un  grand  nombre  d'es]>rits. 

Sans  doute,  l'hérésie  a  été  condamnée.  L'enseignement  théologique 
l'a  désavouée  ;  et  de  no5  jours,  grâce  à  Dieu,  les  âmes  commencent  à 
s'affranchir  de  plus  en  plus  de  ses  influences  néfastes.  Mais,  hélas  ! 
trop  souvent  encore,  l'enseignement  pastoral  et  le  ministère  sacerdotal 
subissent,  à  leur  insu,  non  pas  l'action  directe  et  ouverte  —  qu'ils  rejet- 
teraient avec  horreur  —  mais  l'influence  réelle,  quoique  latente,  de  l'es- 
prit janséniste. 

Et  c'est  ainsi  que,  sans  s'en  douter  peut-être,  un  grand  nombre  de 
prêtres  dénaturent  si  bien  le  Décret  pontifical  sur  la  C'oiiiinunion.  (ju'i!;; 
vont  jusqu'à  en  faire  un  document  sans  portée  pratique. 

Il  ne  sera  donc  pas  inutile  à  l'occasion  de  ce  Congrès  de  Montréal,  de 
fixer,  par  l'examen  attentif  des  documents,  la  véritable  portée  doctrinale 
et  disciplinaire  du  Décret  ''Sacra  Trid.  Synodus",  et  d'étudier  les  prin- 
cipales conséquences  qui  en  découlent  pour  le  ^irêtre,  dans  les  diverse-  cir- 
constances où  peut  le  placer  son  ministère.  Dans  cette  étude  trop  vaste, 
nous  devrons  nous  borner  à  fixer  brièvement  les  principes  et  à  indiquer 
seulement  les  conclusions  pratiques. 


Le  caractère  doctrinal,  disciplinaire  et  obligatoire 

du  Décret. 

Il  est  de  toute  évidence  que  le  Décret  S,  T.  S.,  marque  une  époque 
nouvelle  dans  la  discipline  eucharistique  et  dans  ce  point  de  théologie 
morale  qui  concerne  la  Communion:  ainsi  s'exprime  un  savant  canoniste, 
le  P.  Termesch.  (1)  Sans  doute,  la  doctrine  qu'il  annonce  n'est  point 
nouvelle.  Il  ne  fait  que  répéter,  au  sujet  de  la  Communion,  l'enseigne- 
ment traditionnel  de  l'Eglise;  mais  cet  enseignement  le  Décret  l'édaire 

et  le  précise. 

Il  rappelle  une  doctrine  aussi  ancienne  que  l'Eglise,  qui,  au  cours  (Tes 
siècles,  s'était  chargée  de  nuages  créés  par  l'ignorance,  les  illusions,  les 
préjugés  et  les  passions.  Il  met  fin  aux  discussions  regrettables  qui, 
jusqu'à  nos  jours,  partageaient  les  théologiens  et,  par  suite,  les  Direc- 
teurs d'âmes  En  ce  sens,  le  Décret  constitue  une  innovation  d  une 
portée  incalculable.  Il  définit  un  point  de  théologie  morale  par  1  étude 
qu'il  fait  de  la  nature  et  des  motifs  de  la  Communion:  en  même  temps 
qu'il  réforme  et  fixe  un  article  de  discipline  pastonilr  par  les  règles  « 
claires  et  si  nettes  qu'il  formule.  ,      .  .  „. 

Il  a  pour  but  d'orienter,  non-seulement  les  intelligences,  mais  on.-,  re 
les  volontés:  de  poursuivre  la  pleine  exécution  des  avis  pressants  .-t  'les 


(1)  Apparet  disciplinai,  de  c<.n.nu.ni<.nibus.  ^icut  'l^P'"'''''"'*,?  î'*  P^''^^ 
variasse.^  Ûbique  tamen  laudibus  officitur  usus  conuuun....n.H  quot.d.an..-.  OV 
Relig.  Instit..  T.  II.  p.  81). 


632 


ordres  du  Concile  de  Trente,  trop  oublié  depuis  les  erreurs  jansénistes; 
de  nous  ramener,  enfin,  à  la  mentalité  et  a  la  pratique  des  premiers 
sièclee  du  Christianisme,  autant  que  faire  se  peut. 


Le  point  fondamental  que  fixe  et  définit  TAete  pontifical,  est  le  sui- 
vant :  Les  fidèles,  à  quelque  classe  ou  condition  qu^ils 
appartiennent,  ont  le  droit  de  communier  tous  les  jours 
s'ils  le  désirent,  pourvu  qu'ils  soient  en  état  de  grâce, 
et  qu'ils  s'approchent  avec  une  intention  droite  et 
pieuse.  Ce  sont  là  les  deux  seules  conditions  posées  par  le  Décret  à  la 
communion  quotidienne,  et  personne,  pas  même  les  confesseurs,  n'est 
autorisé  à  en  ajouter  d'autres  et  à  refuser,  sous  ce  prétexte,  la  commu- 
nion aussi  fréquente  qu'elle  soit.  Les  péchés  véniels  ne  sont  pas  un 
obstacle  à  la  communion  quotidienne;  pas  même  les  péchés  mortels,  si 
nombreux  et  graves  qu'ils  soient,  pourvu  qu'on  les  ait  confessés  et  qu'on 
s'en  repente.  C'est  la  Communion  qui  sera  le  meilleur  moyen  de  se 
corriger  des  uns  et  des  autres. 

Yoilà  la  grande  valeur  doctrinale  et  morale  du  Décret.  Au 
fond,  il  change  l'axe  de  la  question  de  la  Communion  et  les  principes 
qui  la  régissaient  trop  communément.  Au  lieu  de  poser  comme  grand 
principe  de  la  fréquence  des  Communions  le  respect  dû  à  X.  Seigneur 
et  la  sainteté  du  communiant,  il  fixe,  comme  principal  critérium,  le 
besoin  des  âmes.  Au  lieu  de  faire  de  rÉucharistie  une  récompense  de  la 
vertu,  il  en  fait  surtout  ce  qu'elle  est,  en  effet,  de  sa  nature  le  grand 
moyen  de  sanctification. 

Le  Décret  a  donc  une  portée  doctrinale  et  disciplinaire,  et  par  consé- 
quent pratique,  considérable.  On  a  même  remarqué  que  rares  sont, 
depuis  le  Concile  de  Trente,  les  Actes  disciplinaires  de  Eome  qui  ont 
eu  une  telle  portée. 

Est-il  maintenant  besoin  d'insister  sur  le  caractère  obligatoire 
du  Décret  pour  les  prêtres  et  les  fidèles  ? 

Le  Décret  nous  vient  de  la  S.  Congrégation  du  Concile;  mais  le  Sou- 
verain Pontife  lui-même  en  est  l'inspirateur  et  le  véritable  auteur.  C'est 
lui  qui  Va.  fait  publier,  comme  les  termes  mêmes  du  document  l'affirment. 

Et  pour  atteindre  le  l)ut  qu'il  se  propose,  le  Souverain  Pontife  inter- 
dit toute  discussion  future  sur  la  teneur  de  ce  Décret;  il  fixe  les  règles 
qui,  dans  les  écoles  c^e  théologie,  prendront  la  place  des  règles  arbitraires 
substituées  à  la  vraie  tradition;  il  prescrit  même  certaines  mesures:  ]' 
veut  que  les  curés,  confesseurs  et  prédicateurs  exhortent  fréquemment 
et  avec  beaucoup  do  zèle  le  peuple  chrétien  à  l'usage  de  la  Communion 
fréquente  et  (|Uotidienne  (Reg.  G).  Et  le  Décret  termine  en  enjoignant 
aux  évoques  d'instruire  le  S.  Siège,  dans  leurs  relations  diocésaines,  de 
ce  qu'ils  ont  fait  pour  en  assurer  l'exécution. 

Est-ce  donc  là  un  document  purement  spécnlatif  et  qui  n'engage  à 
rien  ?  N'est-ce  pa«,  au  contraire,  un  document  éminemment  pratique 
et  qui  prétend  à  une  application  immédiate  dans  le  domaine  des  faits? 
Prétendra-t-on  encore,  avec  une  inconsciente  dérision,  "  qu'on  en  revien- 


—  633  — 

dra  ?  "  comme  si  le  Pape  n'avait  pas  pris  toutes  les  mesures  pour  qu'où 
en  revienne  pas,  tellement  sa  volonté  est  nette  et  ferme  sur  ce  point! 

Xon,  non,  il  n'y  a  pas  eu  d'emballement  dans  cette  campagne  en 
faveur  de  la  Communion  fréquente  et  quotidienne  dont  le  Décret  a  été 
soit  le  signal,  soit  le  principal  encouragement.  Au  contraire,  nous 
nous  trouvons  en  face  dun  mouvement  de  réforme  voulu  par  le  Chef  de 
l'Eglise,  parfaitement  organisé  et  poursuivi  depuis. 

Pour  s'en  convaincre  davantage,  il  n'y  a  qu'à  considérer  les  Actes 
Pontificaux  qui  ont  accompagné  ou  suivi  le  Décret  et  dont  l'en- 
semble revêt  une  signification  des  moins  équivoque*. 

C'était,  déjà  avant  le  Décret,  l'Encyclique  "  Mirae  caritatis  " 
de  Léon  XIII,  qui  a  consacré  si  éloqucmment  le  mouvement  eucharis- 
tique de  la  deuxième  moitié  du  XIXe  siècle,  mais  dont  le  côté  pratique 
a  peut-être  été  oublié,  (l'encvclii  [ue  elle-même  n'a-t-elle  point,  pour  beau- 
coup, passé  inaperçue?).  Elle  s'exprimait  ainsi:  ''  Mais  ce  à  quoi  il  faut 
surtout  travailler,  c'est  à  étendre  dans  le  peuple  chrétien  l'usage  fré(]uent 
de  l'Eucharistie.  C'est  l'enseignement  que  nous  donnent  les  exemples 
de  l'Eglise  naissante  rappelés  plus  haut,  les  décrets  des  Conciles,  l'auto- 
rité des  Pères  et  des  saints  de  tous  les  temps.  Comme  le  corps,  l'âme  a 
besoin  de  sa  nourriture,  et  l'Eucharistie  lui  fournit  l'aliment  vital  par 
excellence.  C'est  pourquoi,  il  faut  détruire  les  préjugés  des  adversaires, 
les  vaines  craintes  d'un  grand  nombre  et  les  prétextes  spécieux  de  s'abs- 
tenir, car  il  s'agit  du  moyen  le  plus  efficace  de  détacher  le  peuple  fidèle 
du  souci  des  choses  terrestres,  de  ranimer  et  de  maintenir  dans  le  monde 
l'esprit  chrétien.  A  ce  résultat  contribueront  les  exhortations  et  les 
exemples  des  ordres  les  plus  important?  de  la  hiérarchie,  mais  particu- 
lièrement l'activité  et  les  efforts  du  clergé." 

On  réclame  une  encyclique  pontificale,  plus  solennelle  que  le  Décret 
Sacra  Tridcntina  Synodus.  La  voilà.  Elle  nous  donne,  dans  le  passage 
que  je  viens  de  citer,  pour  ainsi  dire  le  sommaire  du  décret,  lequel  est 
venu  régler  le^  détails  et  diriger  l'application  pratique  des  principes 
contenus  dans  l'encvclique.  Le  décret  de  la  Sacrée  Congrégation  du 
Concile,  puldiée  par  ordre  de  Pie  X,  découle  naturellement  de  l'Ency- 
clique "Mirae  Caritatis"  de  Léon  XIII,  parue  en  1902. 

C'est  ensuite.,  six  mois  avant  le  décret.  rappro])ation  de  la  Prière 
pour  la  diffusion  de  la  Communion  quotidienne,  l  n 
rescrit  accompagnait  cette  prière  et  il  n(.ii>  ra|)i»clait  qiiu  1.-^  Tape  atta- 
chait de  précieuses  indulgences  à  sa  récitation,  "'  pane  qu  il  a  souve- 
rainement à  cœur  de  voir  l'usage  de  la  Communion  quotidienne,  se  ré- 
pandre partout  dans  le  peuple  chrétien." 

Peu  de  tomp*  après  la  publication  du  Décret  sur  la  Communion.  la 
S.  Cono-régation  des  indukences  émettait,  en  février  1906,  un  document 
important  sur  la  Confession,  <,ui  changeait  un  point  grave  de  di.^- 
cipline  et  accordait  une  bien  précieuse  faveur.  _ 

A  l'avenir,  tous  ceux  qui  ont  coutume  de  conï.nunier  chaque  jour,  ou 
du  moins  cinq  fois  par  semaine,  pourront  gagner  toutes  les  '"^l/''^^;'^; 
sans  faire  la  confession  hebdo.nadaire  autrefois  requise  d  après  le  Décrel 
de  Clément  XITI.  Le  but  avéré  de  cet  acte  pontifical  est  tout  .\  la  foi? 
de  faciliter  la  communion  quotidienne  et  d'alléger  la  tache  des  confes- 
seurs, malgré  l'accroissement  du  n<.mbre  des  communiants. 


—  634  — 

Il  y  a  plus.  L'Eglise,  par  m\  décret  d'une  souveraine  importance, 
en  date  du  T  décembre  1906,  mitigé  la  loi  du  jeûne  eucliaristique 
en  faveur  des  malades,  pour  leur  rendre  plus  facile  la  Com- 
munion. 

Autre  fait  non  moins  remarquable. 

Le  27  juillet  1906,  est  érigée  à  Eome,  par  les  soins  du  Cardinal  Vi- 
caire, une  Ligue  Sacerdotale  dont  le  but  est  la  propagation  du 
saint  usage  de  la  Communion  quotidienne.  (1)  Par  l'appât  de  faveurs 
qu'on  peut  appeler  exceptionnelles  et  inouïes,  le  Souverain  Pontife  veut 
attirer  les  prêtres  à  une  immense  croisade  en  faveur  de  la  Communion 
selon  la  teneur  du  Décret  "  Sacra  Tridentina  Synodus."  Dira-t-on  en- 
core que  ce  Décret  est  spéculatif  et  qu'il  doit  rester  lettre  morte  ?  Mais 
ce  n'est  pas  tout. 

Le  15  septembre  1906,  une  réponse  de  la  S.  Congrégation  du  Concile 
résoud  une  objection  qui  s'est  présentée  à  beaucoup  d'esprits  ;  "  faut-il 
admettre,  non  seulement  les  jeunes  gens,  mais  aussi  les  enfants  à  la 
Communion  fréquente  et  quotidienne  ?  "  ne  doit-on  pas  craindre  des 
irrévérences,  par  suite  de  la  légèreté  de  cet  âge  ? 

La  Sacrée  Congrégation  répond  :  "'  La  communion  fréquente  est  re- 
commandée même  aux  enfants.  Une  fois  admis  à  la  Table  Sainte, 
suivant  les  règles  du  Catéchisme  Eomain,  ils  ne  doivent  plus  être  em- 
pêchés d'y  participer  fréquemment,  mais  on  doit  bien  plutôt  les  y  ex- 
horter.    Toute  pratiqua  contraire  est  réprouvée." 

En  avril  1907,  la  S.  Congrégation  des  Indulgences  adresse,  sur  l'ordre 
du  Pape,  une  Lettre  aux  Evêques,  pour  leur  demander  la  célébration  an- 
nuelle d'un  Tridinun  de  prières  et  de  prédications,  en  vue  d'amener  les 
fidèles  à  recevoir  fréquemment  la  Sainte  Eucharistie. 

Est-ce  tout,  enfin?  car,  à  vrai  dire,  cette  série  d'actes  pontificaux  ten- 
dant sans  cesse  au  même  objet,  la  Communion  fréquente,  semble  bien 
excessive  et  extraordinaire  ! 

Eh  bien  !  non,  ce  n'est  pas  tout  !  car  voici  un  autre  acte,  tout  récent, 
qui  vient  nous  manifester  une  fois  de  plus,  la  pensée  persistante  du 
Pape  et  les  directions  évidentes  de  l'Eglise. 

Il  s'agit  de  l'admission  des  enfants  à  la  1ère  commu- 
nion. Le  8  août,  de  cette  année  1910,  la  Congrégation  des  Sacrements 
publiait  un  Décret,  sanctionné  par  le  Pape,  sur  l'âge  de  le  1ère  com- 
munion. Décret  très  grave,  qui  déclare  que  l'obligation  de  la  communion 
pascale  atteint  les  enfants  dès  qu'ils  ont  l'âge  de  raison.  Cet  âge  n'est 
pas  différent  pour  la  confe-;sion  et  la  communion,  et  tombe  vers  7  ans. 

La  connaissance  parfaite  de  la  religion  n'est  pas  requise.  L'obligation 
qui  tombe  sur  les  enfants  retombe  sur  ceux  qui  en  ont  la  charge,  comme 
les  parents,  les  confesseurs,  les  instituteurs,  le  curé. 

Le  Pape  ordonne  à  tous  les  Ordinaires  de  faire  connaître  ce  Décret 
aux  fidèles*  en  en  faisant  lire  la  traduction  en  langue  vulgaire,  chaque 
année,  au  temps  Pascal. 


(  1  )  On  peut  se  procurer  les  Statuts  de  cette  Ligue  dans  les  maisons  des  Pères 
du  St-Sacrement  à  qui  en  est  confié  la  direction. 


—  635  — 

A-t-on  jamais,  nous  osons  le  demander,  vu  une  pareille  série  de  docu- 
ments, sur  un  même  sujet  et  visant  au  même  but,  émanés  du  S.  Siège  ? 
La  S.  Congrégation  du  Concile,  la  Set-rétairerie  des  Brefs,  la  Sacrée 
Congrégation  des  Sacrements  et  celle  des  Indulgences,  semblent  s'être 
donné  le  même  mot  d'ordre  et  ont  parlé,  tout  à  tour,  dans  le  même  sens, 

Concluons  donc,  de  toute  cette  étude  que,  dan?  son  décret  sur  la  Com- 
munion fréquente  et  quotidienne,  le  Pape  parle  clair  et  veut  être  obéi, 
et  que  c'est  là  un  document  d'une  haute  portée  morale,  disciplinaire  et 
pratique. 

C'est  pourquoi,  dirons-nous  avec  S.  E.  le  Cardinal  Yannutelli  au 
Congrès  de  Tournai:  'Mes  Evêques,  les  chefs  dOrdre,  les  PrésideuL- 
d"(euvres,  les  Prêtres,  les  religieux,  les  laïques,  auront  pour  devoir  d'ac- 
clamer le  Décret  et  d'en  faire,  pour  l'avenir,  leur  mot  d'ordre." 

II 
Conséquence  du  Décret,  —  Devoirs  qu'il  impose. 

Le  vrai  sens  du  Décret  pleinement  défini  et  compris,  il  nous  sera  plus 
facile  de  nous  entendre  sur  ses  conséquences  pratiques  et  de  délimiter  les 
devoirs  qu'il  impose  à  tous  et  à  chacun. 

A  tous  les  prêtres  il  impose  l'obligation  de  le  faire  entrer  résolument 
dans  la  pratique  courante  de  leur  enseignement  et  de  leur  ministère 
quelqu'il  soit. 

Vouloir  rester  eu  arrière  ou  se  tenir  sur  l'expectative,  sous  prétexte 
de  prudence,  ce  serait  franchement  vouloir  être  plus  sage  que  l'Eglise, 
lui  désobéir  en  un  point  important,  faire  preuve  de  cette  ])nidence  toute 
humaine  que  réprouve  l'Esprit  Saint,  se  trouver  janséniste  sans  s'en 
douter,  et  priver  les  âmes  de  grâces  inestimables  auxquelles  elles  ont 
droit. 

Le  droit  qu'ont  les  Chrétiens  de  communier  fréquemment  et  même 
quotidiennement,  dès  lors  qu'ils  ont  les  deux  conditions  re<|uises,  im- 
plique pour  les  prêtres  le  devoir  de  seconder,  promouvoir  et  faciliter 
cette  pratique.  11  n'est  ni  habitude,  ni  préjugé,  qui  licnnc:  il  iiiijKirtc. 
avant  tout,  que  le  prêtre  se  dégage  de  préjugés  inconscients,  d'idt'es  per- 
sonnelles, d'habitudes  anciennes  pour  se  faire  une  mentalité  confonne 
aux  directions  du  Vicaire  de  Jésus-Christ,  et  y  adopter  la  mentalité  de 
ses  ouailles. 

Voilà  le  devoir  commun  à  tous. 

Mais  le  Décret  rentre  dans  les  détails  et  indique  les  applications  par- 
ticulières (jui  doivent  en  ^-tre  faites,  selon  les  diverses  catégories  d'âmes 
qu'il  concerne.     Xous  allons  le  faire  brièvement  après  lui. 

1°  Le  Décret  et  les  Pi-édicateurs, 

Il  est  indispensable  de  prêcher  la  Communion  quotidienne.     î  " 

le  veut;  et  à  plusieurs  reprises,  le  Décret  déclare  que  tous  les  ; . 

le  peuple  chrétien  tout  entier,  doivent  être  incités  à  s'approcher  sou- 
vent du  divin  ban(iuet;  il  ajoute:  "les  curés,  les  prvdicateure.  exhor- 


—  CSG  — 

teront  fréquemment  et  avec  beaucoup  de  zèle  le  peuple  chrétien  à  un 
usage  si  pieux  et  si  salutaire.''  Et  dans  la  Lettre  adressée  aux  Evêques, 
au  nom  de  Sa  Sainteté,  pour  les  inviter  à  faire  donner  des  Triduums 
Eucharistiques,  nous  trouvons  le  même  désir  exprimé  en  termes  des  plus 
énergiques  :  "  que  les  prêtres  travaillent  de  toutes  leurs  forces,  omnem 
im pendant  opérant,  à  attirer  les  fidèles  à  la  Table  Sainte.''  Le  désir 
qu'a  le  Pape  de  voir  prêcher  la  Communion  quotidienne  est  si  grand, 
(|u"il  fixe  comme  but  formel  et  précis  aux  triduums  eucharistiques  non 
pas  seulement  de  renouveler  la  dévotion  des  fidèles  au  S.-Sacrement  en 
général,  mais  de  développer  panni  eux  la  pratique  de  la  Communion  fré- 
quente et  quotidienne.  Cette  intention  du  Triduum  est  si  nettement 
marquée,  que  ce  serait  rendre  douteux  le  gain  des  indulgences  atta- 
chées à  ces  exercices  que  de  transformer  ces  cérémonies  et  ces  prédica- 
tions en  simple  exercice  de  dévotion  envers  le  S.-Sacrement.  (1) 

Les  Prédicateurs  doivent  donc  travailler  à  inculquer  fortement  aux 
fidèles  de  tout  âge  et  de  toute  condition,  par  de  fréquentes  et  solides 
exhortations,  par  des  conseils  souvent  répétés,  la  nécessité  morale  où  ils 
sont  de  se  nourrir  souvent,  tous  les  jours,  du  pain  eucharistique,  s'ils 
veulent  vivre  sumaturellement;  ils  doivent  leur  expliquer  la  nature  de 
la  Communion,  qui  est  d'être  l'aliment  habituel  des  âmes  ;  leur  exposer 
la  facilité  des  conditions  mises  par  l'Eglise  à  la  Communion  quotidienne  ; 
et,  surtout,  dissiper  les  préjugés,  résoudre  les  objections  qui  éloignent 
tant  d'âmes  de  la  Table  Sainte. 

Les  meilleures  occasions  de  ces  prédications  eucharistiques  seront  cer- 
tainement les  Triduums,  les  Quarante-Heures,  les  Eetraites,  les  Grandes 
Fêtes,  etc.  Mais  un  prêtre  zélé  ne  se  contentera  pas  de  ces  occasions 
trop  rares,  et  il  reviendra  souvent  sur  la  Communion  dans  ses  prônes, 
ses  instructions,  ses  catéchismes,  etc. 

Quel  magnifique  mouvement  des  âmes  vers  la  Sainte  Communion  se 
dessinerait  de  plus  en  plus  dans  l'Eglise,  quel  ébranlement  se  produirait, 
si  tous  les  prédicateurs  travaillaient  de  concert  à  la  sainte  croisade  que 
le  Pape  nous  propose  ! 


2°  Le  Décret  et  les  Confesseurs. 

Au  S.  Tribunal  do  la  Pénitence,  le  prêtre  devra  se  faire  l'apôtre  ré- 
solu de  la  communion  et,  comme  dit  le  Décret,  ''  exhorter  avec  beaucoup 
de  zèle  les  âmes  à  la  communion  quotidienne." 

Appeler  les  âmes  à  la  Table  Sainte,  exciter  leurs  désirs,  les  contrain- 
dre suavement:  telle  est  la  mission  du  confesseur.  Dans  ce  ministère 
où  il  rencontrera  tant  d'ol)stacles  et  de  préjugés  à  vaincre,  il  ne  devra 
pas  se  décourager  des  insuccès  que  trop  souvent  il  récoltera;  mais  per- 
sévérer avec  un  zèle  inlassable.  Inutile  de  dire  qu'une  des  conditions  de 
succès  sera,  pour  le  ])rêtre,  de  se  faire  tout  à  tous,  en  donnant  aux  âmes 
le  plus  de  facilités  possible  pour  la  confession. 


(1)    Voir:   Nouvelle  Revue  Theol..  Janvier   1909. 


—  637  — 

Dispensateur  fidèle  du  don  diviu,  le  confesseur  se  rajjpellera  (jue, 
loin  de  pouvoir  disposer  du  Sacrement  à  sa  guise,  il  doit  s'inspirer  uni- 
quement du  vœu  de  TEglise,  du  désir  de  Xotre-Seigneur,  du  plus  grand 
bien  des  âmes  ;  qu'il  n'a  pas  le  droit  de  réglementer  à  sa  guise  le  nombre 
des  communions  à  accorder  aux  âmes,  et  que  le  régime  normal  et  ré<^u- 
lier  quïl  doit  proposer  à  tous,  eu  autant  que  cliaeun  en  est  capable, 
c'est  le  régime  de  la  Communion  quotidienne.  Il  lui  est  enjoint  d'v 
amener  les  âmes  toutes  les  fois  qu'il  le  pourra  ;  il  lui  est  défendu  de  les 
en  écarter  toutes  les  fois  qu'elles  y  apportent  les  deux  seules  conditions 
exigées:  l'état  de  grâce  et  l'intention  droite. 

Le  confesseur  n'a  donc  pas  le  droit,  sans  faire  un  abus  de  pouvoir, 
de  refuser  la  coniunmion,  ne  fût-ce  qu'une  fois  par  semaine,  aux  âmes 
qui  sont  dans  les  dispositions  requises  pour  communier  tous  les  jours. 

Si  le  Décret  requiert  la  permission  du  confesseur  pour  pouvoir  com- 
munier, il  faut  que  celui-ci  sache  bien  qu'il  n'a  pas  le  droit,  sans  motif 
très  sérieux,  de  refuser  cette  permission.  Du  reste,  cette  permission 
n'est  que  consultative  et  c'est  plutôt  l'avis  de  son  confesseur  que  sa 
permission  stricte,  que  le  pénitent  sollicite  pour  pouvoir  communier. 
Encore,  cet  avis,  le  pénitent  n'est  pas  absolument  tenu  de  le  demander; 
il  peut  le  supposer  et,  en  certains  cas,  s'en  passer.  Il  convient  souve- 
rainement, toutefois,  que  cette  permission  du  confesseur  soit  sollicitée 
par  le  pénitent. 

C'est  affaire  de  prudence  plus  grande,  d'humilité  plus  parfaite,  de 
fruits  plus  assurés  à  retirer  de  la  communion. 

Tel  est,  quant  aux  confesseurs,  l'enseignement  commun  des  théolo- 
giens qui  ont  commenté  le  Décret.  (1) 


3°  Le  Décret  et  les  Communautés  et  Séminaires. 

Le  but  du  Décret  quemadmodum  de  Léon  XTII,  en  ce  qui  concerne 
la  communion,  était  d'enlever  aux  Supérieurs  ou  Sujx'rieures  tout  droit 
d'accorder  ou  de  refuser  la  communion  à  leurs  inférieurs,  sauf  de  tr(>s 
rares  exceptions;  et  en  cela  il  réformait  de  graves  et  nombreux  abus 
commis  par  le  passé. 

Le  Décret  "Sacra  Tridentina  Synodus"  complète  ce  premier  dcVrei 
et,  il  demande  formellement  que  la  communion  fréquente  et  quotidienne 
soit  spécialement  recommandée  dans  les  instituts  religieux  de  tout  genre, 
et  déclare  que,  nonobstant  ce  que  détermine  la  règle  relativement  au 
nombre  des  communions,  ce  nombre  doit  être  considéré  comme  un  f»i- 
nimum  pour  la  piété  des  religieux,  et  qu'un  accès  plus  fréquent  et  même 
quotidien  à  la  table  eucharistique  devra  toujours  leur  être  librement 
accordé,  suivant  les  règles  transmises  plus  haut.  Décret  Sacra  Synodu.^. 
Nos  7  et  8. 

Le  Saint  Père  ordonne  même,  afin  de  permettre  aux  religieux  de  l'un 
et  de  l'autre  sexe  de  connaître  exactement  les  dispositions  du  décret,  qu" 


(1)   V.  Etudes,  20  mai  1907.  p.  .'542;  le  R.  P.  VVrmo..rKch.«/f  llclfjto.stM  l'eru^, 

on,  O.  S.  B.,  Rév.  Théol.,  oct.  lOOti.  p.  613;  ^^r.•  F.-rr.r.-H. 


20  avr.  1906;  Dom  Basti 

S.  J.,  Comment,  caïi.  moral,  sur  le  décret,  p.  138,  etc 


—  638  — 

les  supérieurs  de  chaque  maison  veillent  à  la  faire  lire  publiquement  en 
langue  vulgaire,  chaque  année,  pendant  l'octave  du  T.  S.-Sacremenc 
(No  10). 

Il  est  donc  évident  que  pour  les  religieuses  et  les  religieux,  plus  encore 
que  pour  les  simples  fidèles  moins  éclairés  qu'eux  en  matière  de  piété  et 
de  perfection,  la  consultation  du  confesseur,  en  ce  qui  concerne  la  com- 
munion fréquente  et  quotidienne,  bien  que  très  désirable  et  habituelle- 
ment à  solliciter,  n'est  pourtant  que  de  conseil. 

Les  religieux,  après  avoir  pris  conseil  de  leur  confesseur  pour  la  com- 
munion fréquente  ou  quotidienne,  doivent  le  dire  (une  fois  suffit  pour 
toujours)  au  Supérieur,  qui  ne  peut  pas  s'opposer  à  cette  pratique,  ex- 
cepté uniquement  le  cas  où  le  religieux  aurait  donné  scandale  à  la  com- 
munauté, ou  bien  aurait  commis  iquelque  faute  extérieure  grave:  dans 
ce  cas  le  supérieur  devra  en  avertir  le  confesseur,  et  ce  dernier  sera  ap- 
pelé à  juger  la  question." 

Il  serait  ouvertement  contraire  au  décret,  de  vouloir  régler  les  corn- 
munio;is  sur  des  normes  arbitraires,  par  exemple,  dans  une  communauté, 
sur  la  diversité  des  charges  ou  les  distinctions  de  profession. 

Il  ne  serait  pas  non  plus  légitime,  dans  un  scolasticat  ou  un  séminaire, 
de  prétendre  proportionner  le  nombre  des  communions  à  la  hiérarchie 
d'ordre.  Sans  nul  doute,  ce  serait  tout  à  fait  regrettable  que  la  pra- 
tique quotidienne  ne  fût  pas  en  usage  parmi  les  diacres  ou  les  sous- 
diacres  ;  mais  loin  de  l'interdire  ou  d'en  dissuader  ceux  qui  ne  sont  que 
minorés  ou  ne  sont  même  pas  tonsurés,  on  doit  au  contraire  les  y  engager. 

En  somme  l'aboutissant  naturel,  inévitable  du  décret  totalement  exé- 
cuté, c'est  que  la  communion  quotidienne,  dans  les  maisons  de  formation 
ecclésiastique  et  religieuse,  même  dans  toutes  les  maisons  d'éducation, 
devienne  de  pratique  courante. 

4°  Le  Décret  et  les  Enfants. 

Nous  navons  pas  ici  à  faire  un  commentaire  du  Décret  du  "  Quam 
singulari  Christus  aniore  "  qui  fixe  l'âge  de  la  1ère  communion  des  En- 
fants. Désormais,  nous  devons  rompre  avec  les  coutumes  jansénistes, 
si  enracinées  en  certains  milieux,  et  qui  éloignaient  toutes  les  jeunes 
âmes  du  banquet  sacré  avant  un  âge,  hélas  !  trop  tardif.  Dès  que  l'en- 
fant a  senti  s'éveiller  sa  raison  et  «qu'il  a  acquis  les  connaissances  rudi- 
mentaires  suffisantes  sur  les  mystères  principaux  de  la  religion  et  sur 
l'Eucharistie  en  particulier,  il  a  un  droit  strict  à  se  nourrir  du  pain  des 
forts,  et  il  ne  relève,  sur  ce  point,  que  du  jugement  de  ses  parents  et 
de  son  confesseur;  aucune  intervention  étrangère  ne  peut  le  frustrer  de 
ce  droit. 

La  1ère  communion  deviendra  donc,  désormais,  un  des  premiers  actes 
religieux  de  la  vie  morale  du  jeune  âge.  Aux  Evêques  de  voir  comment, 
en  pratique,  on  pourra  allier  ces  premières  communions  plus  hâtives, 
avec  les  anciennes  solennités,  toujours  respectables  en  soi,  et  l'instruc- 
tion religieuse  complète  des  enfants  à  assurer. 

Avec  cette  législation  nouvelle  concernant  l'admission  à  la  première 
communion  disparaîtra,  nous  l'espérons,  l'abus  dit  des  Secondes  Com- 
munions solennelles.     Nous  ne  blâmons  certes  pas  la  louable  coutume 


—  639  — 

de  réunir  dans  une  cérémonie  commune  et  dans  une  communion  6olen- 
nelle  tous  ceux  c^ui  ont  fait  récemment  leur  première  counnuuiou,  11 
n'y  a  en  cela  que  de  grands  avantages.  Mais  à  une  condition  :  c'est 
qu'on  n'empêchera  pas  entre  ces  deux  communions,  la  première  et  la 
seconde,  l'entant  de  s'approcher  de  la  Sainte  Table  aussi  souvent  qu'il 
le  désirera. 

Comment,  alors,  dénoncer  assez  énergiquement  l'abus  intolérable 
et  jusqu'ici  assez  répandu,  de  tenir  les  enfants,  après  leur  1ère  commu- 
nion, éloignés  de  la  Table  Sainte  pendant  quinze  jours,  un  mois,  quel- 
quefois un  an,  jusqu'à  ce  qu'on  appelle  avec  emphase  leur  seconde  com- 
munion? X'est-ce  pas  un  véritable  abus  de  pouvoir,  une  injustice  et  une 
cruauté  envers  ces  cliers  enfants,  que  de  les  priver  par  force  de  la  sainte 
Eucharistie,  juste  au  moment  de  leur  vie  où  ils  sont  les  mieux  préparés 
et  où  leurs  jeunes  âmes  sont  le  plus  avides  du  pain  céleste  ? 

Maintes  fois  l'Eglise  a  condamné  cet  abus,  et  il  ne  peut  plus  être 
toléré  après  le  décret  de  Pie  X  sur  la  Communion  fréquente  et  la  ré- 
ponse donnée  le  15  sept.  190G  par  la  S.  Congrégation  : 

"  La  fréquentation  de  la  Sainte  Communion  doit  être  recommandée 
même  aux  enfants;  et  une  fois  qu'on  les  a  admis  à  la  Sainte  Table, 
selon  les  règles  tracées  par  le  Catéchisme  du  Concile  de  Trente  (  c.-à.-d. 
l'âge  de  discrétion),  on  doit  les  exhorter  à  s'en  approcher  souvent.  La 
coutume  contraire  est  à  réprouver." 

Yoilà  la.  règle  à  garder  vis-à-vis  des  enfants:  la  fréquentation  de  la 
Sainte  Table  dès  qu'on  les  a  admis  à  la  première  communion. 

Il  importe  aussi  de  donner  des  notions  très  exactes  aux  enfants  du 
catéchisme:  inspirons-leur  l'aversion  la  plus  grande  de  la  communion 
sacrilège;  mais  cessons  de  leur  dire  qu'il  vaut  mieux  ne  pas  communier 
que  de  communier  avec  tiédeur.  Qu'ils  sachent  au  contraire,  qu'en 
dehors  du  péché  mortel  non  confessé,  rien  ne  doit  leur  faire  appréhender 
de  s'approcher  de  la  source  de  toutes  grâces.  Xe  nous  cont<'nton>  pas 
de  la  doctrine:  dès  leur  première  communion,  selon  la  recommandation 
du  Saint-Siège,  quand  leur  jeune  cœur  est  encore  tout  ouvert  aux  at- 
traits eucharistiques,  propageons  parmi  eux  les  habitudes  de  la  fréquen- 
tation quotidienne. 

Le  Décret  et  /Enseignement  théologique. 

Nous  devons  enfin,  en  terminant  cette  étude  sur  le  Dt-cret  "  Wci 
Tridentina  Synoclns,"  dire  un  mot  de  la  place  H» 'l/^^it  prendre  dan 
l'enseignement  théologique  des  Séminaires  et  <]u  dovn.r  qui  incombe  aux 

professeurs  à  son  endroit.  .  n-  ,.  ,   ^„p  i.,  Pom- 

Il  est  évident  que  le  Pape  entend  bien  voir  le  iJe.ret  f\];\^T^ 
munion  fréquente's'nnposer  à  l'enseignement  ^]'\Vror^^^lfJ^^^^^ 
cric  et  prendre  une  place  défimtive  dans  h  traite      De   ^'"^^«"^^^^ 
au  chaiulre  "Sacra  Commumone",  puisqu  >1  tranche  un  l-"     -^^^^^^ 
versé  entre  théclogiens,  fixe  des  règles  très  P^^  ^  ^  ^  ^^^^'^^^'*   '^"'"^ 
l'avenir  toute  discussion  contcntieuse  sur  la  ^^'^^^^^^  ,„ 


—  64Û  — 

en  diverses  règles  que  donnaient  as.-ez  communément  les  théologies  mo- 
rales. 

L'autre  opinion,  au  contraire,  soutenait  que  la  communion  quotidienne 
ne  réclame  pas  des  dispositions  plus  parfaites  que  la  communion  heb- 
domadaire ou  mensuelle. 

De  ces  deux  opinions,  le  décret  réprouve  la  première  comme  une  infil- 
tration incousciente  du  venin  janséniste  (voir  le  texte  au  paragraphe 
Virus  tamem)  ;  il  ratifie  la  seconde  comme  la  plus  conforme  aux  désirs 
de  Notre-Seigneur  et  de  l'Eglise,  à  la  doctrine  des  Pères,  à  la  discipline 
primitive,  au  bien  des  âmes. 

Voilà  exactement  la  doctrine  fondamentale  du  décret;  et  toute  atté- 
nuation qu'on  voudrait  y  mêler  en  serait  une  diminution.  Cet  ensei- 
gnement modifie  les  principes  que  beaucoup  d'entre  nous  avaient  reçus 
de  maîtres  autorisés  et  qui  ne  gont  pas  dépourvus  de  tout  appui  chez  de 
saints  docteurs,  comme  saint  François  de  Sales  et  saint  Liguori.  Loin 
de  se  le  dissimuler,  il  vaut  mieux,  sans  hésiter,  le  reconnaître  (le  décret 
prévient  lui-même  l'objection),  pour  se  dégager  résolument  de  l'am- 
biance de  notre  éducation  première  et  comprendre  adéquatement  la  doc- 
trine de  l'Eglise. 

Eh  bien  !  il  faut  le  constater  avec  douleur,  bien  des  auteurs  de  théolo- 
gie, bien  des  professeurs  n'ont  pas  encore  jugé  opportun  de  modifier  leurs 
écrits  ou  leur  enseignement,  au  sujet  de  la  Communion,  dans  le  sens 
indiqué  par  le  Décret;  mettant  ainsi  leur  propre  sagesse  au-dessus  de 
celle  de  l'Eglise.  Ils  enseignent  encore  plus  ou  moins  les  anciennes 
théories,  que  le  Pape  réprouve,  sur  la  nature  de  la  communion,  récom- 
pense plutôt  que  nourriture  des  âmes,  sur  les  dispositions  à  y  apporter 
et  sur  la  grande  norme  janséniste,  opposée  à  la  règle  de  l'Eglise,  qui 
décide  de  la  fréquence  des  communions  d'après  le  respect  dû  au  Sacre- 
ment plutôt  que  d'après  le  besoin  des  âmes.  (1) 

Il  est  donc  à  désirer  que  les  professeurs  conforment,  sans  plus  tarder, 
leur  enseignement  aux  directions  du  Décret. 

Les  professeurs  de  théologie  dogmatique,  au  traité  "  De  Eucharistie  ' 
serviront  la  cause  de  la  communion  fréquente  en  développant  la  thèse 
de  la  nature  et  de  l'effet  propre  du  Sacrement,  qui  est  d'être  la  nourri- 
ture habituelle  du  chrétien  et  le  grand  soutien  de  l'état  de  grâce;  et 
cela,  d'après  les  intentions  mêmes  de  son  divin  Instituteur. 

Dans  ]e  traité  parallèle  de  théologie  morale,  au  lieu  de  s'en  tenir  aux 
classifications  anciennes  d'après  lesquelles  on  graduait  la  fréquence  des 
communions,  le  professeur  ne  craindra  pas  de  poser  en  principe  que  la 


(  1  )  Ne  lkson3-nous  pas,  avec  tristesse,  dans  un  ouvrage  de  théologie  morale, 
d'ailleurs  excellent  et  signé  d'un  grand  nom,  ces  lignes  regrettables  et  injusti- 
fiables parues  après  le  décret  : 

"  Ubi  de  frequentia  communionis  laicorum  judicium  ferendum  est,  pluris  fa- 
cieiida  est  reverentia  sacramento  débita  quam  utilitas  privata  communicantis  ; 
quamobrem'  ii  qui  requisitis  dispositionibus  carent,  a  frequenti  communione  ar- 
ceantur,  licet  ipsis  communio  per  se  utilis  foret,  parochi  et  confessarii  magni  fa- 
ciant  frequentem  communionem.  .  .  Ordinaria  tamen  frequentia,  considerata  tide- 
lium  indole,  est  communio  menstrua,  ad  quam  alia  dispositio  non  requiritur, 
quam  actualis  status  gratiœ." 

(Noldin,  De  Euchar.  Cap.  I,  q.  5,  art.  5,  p.  181). 


—  641  — 

Table  Sainte  est  ouverte  tous  les  jours  à  toutes  les  âmes  de  bonne 
volonté  et  il  substituera  à  toutes  les  règles  anciennes  imbues  de  jansé- 
nisme, les  règles  si  claires  fixées  par  le  Décret. 

Dans  le  cours  de  Pastorale,  les  jeunes  ecclésiastiques  seront  formés 
à  être,  non  point  des  gardiens  jaloux  et  avares,  mais  des  Dispensateurs 
zélés  du  Pain  de  vie. 

Voeux  : 

Messieurs,  qu'il  me  soit  permis,  en  terminant  cette  étude  frop  Ininjuc, 
et  pourtant  incomplète  encore,  du  Décret  sur  la  Cinunnnium  fréipinitc 
et  quotidienne,  de  proposer  les  voeux  suivants  : 

1  °  Que  les  prêtres  considèrent  de  plus  en  plus  le  Décret  "  Sacra  TH- 
dentina  Si/nodus"  complété  par  les  actes  subséqurnts  de  Rome  sur  le 
Communion,  comme  un  Document  de  la  plus  ha'ute  valeur  doctrinale, 
disciplinaire  et  pratique;  et  qu'ils  s'attachent  à  /y  conformer  leurs  idées, 
leurs  sentiments,  leur  mentalité,  leur  ministère. 

2°  Qu'ils  s'efforcent  de  recommander  instamruent  et  sans  cesse  la  com- 
munion fré(juente  et  quotidienne  aux  fidèles,  en  leur  exposant  la  vraie 
nature  du  Sacrement,  la  facilité  des  dispositions  qu'il  demande,  et  en 
leur  faisant  comprendre  qu'il  y  a  quelque  chose  à  chanf/er,  à  propos  de 
la  communion,  dans  les  opinions  et  les  usages  reçus  jadis  couramment. 


* 
*    * 


Les  trois  rapports  présentés  jusqu'ici,  se  complétant  l'un 
l'autre,  forment  un  commentaire  comi)let  et  pratique  du  (•«'- 
lèbre  Décret:  "  S  aéra  Tridentina  Si/nodn.s."  C'est  un  petit 
traité  de  la  Communion  fréquente  et  (luotidienne,  an  ]K>int  de 
vue  théorique  et  pratique. 


Voici  inaintenent  une  autre  classe  de  cominuniitnts  dont, 
jusqu'ici,  ou  ne  s'était  pour  ainsi  dire  pas  occupé  dans  les 
Congrès  précédents  :  les  ma/ades,dont  va  pirler  le  quatrième 
rapporteur,  M.  l'abbé  6^ar/^/)//,  professeur  de  morale  et  direc- 
teur au  grand-séminaire  de  Québec. 

"  LA  COMMUNION  DES  MALADES 


Le  rôl(>'.lu  prêtre  en  toutes  choses  et  dans  toutes  h*  cire 
la  vie.  c'est  le  rôle  du  Christ.     T.o  prêtre  doit  être  et  se  mo:.^ 
ILnifl^-ifinn    du    Sauveur      -  Sacerdas    altrr     Chruiliv,.       Or.    p 
r;;!::;';;:^de  l'E:^;:^ile-rend  témoignage  ,ue  c'est  sur  le.  n.al.lo.  ,uo 


r- 


—  642  — 

semblent  se  concentrer  les  meilleures  sollicitudes  de  Notre-Seigneur  et 
se  reposer  les  préférences  de  sa  tendresse.  Relisez  l'histoire  de  ses  ren- 
contres avec  les  infirmes  :  le  lépreux,  le  paralytique  de  Capharnaiim, 
celui  de  la  piscine  probatique,  les  aveugles,  le  serviteur  du  centurion,  le 
sourd-muet,  et  tant  d'autres.  Quelle  sollicitude,  quelle  affection,  quel 
cœur.  Jésus  répond  à  tous  les  désirs,  et  on  le  voit,  s'inspirant  d'une 
miséricorde  infinie,  aller,  revenir,  franchir  les  montagnes,  traverser  les 
torrents  et  les  lacs,  déployer  enfin  sa  vertu  souveraine  au  profit  des  mal- 
heureux. 

0  prêtre,  voilà  celui  dont  vous  devez  être  le  continuateur.  Voilà 
votre  modèle,  et  voilà  ce  que  vous  devez  être  :  l'homme  des  malades. 
Aussi  le  Eituel  Eomain  (de  Visitatione  et  cura  infirmorum)  réslime-t-il 
en  quelques  lignes  vos  obligations  à  l'égard  des  infirmes  :  "  Le  pasteur 
doit  se  souvenir  que  le  soin  des  malades  n'est  pas  la  dernière  part  de  sa 
charge  pastorale."  Il  doit  s'occuper  d'eux  à  cause  du  salut  de  leur  âme 
et  à  cause  du  traitement  pécuniaire  qu'il  reçoit  de  ses  paroissiens. 

Ce  devoir  envers  les  malades,  le  prêtre  l'accomplira  en  les  visitant,  en 
priant  pour  eux  et  en  leur  administrant  les  sacrements.  Or,  parmi  les 
sacrements,  le  plus  grand  est  sans  contredit  le  sacrement  de  la  sainte 
Eucharistie,  puisque,  si  les  autres  nous  confèrent  la  grâce,  celui-ci  nous 
donne  l'auteur  de  la  grâce.  Le  prêtre  doit  donc  préparer  les  malades  à 
la  sainte  communion  et  leur  faire  recevoir  ce  sacrement  aussi  souvent 
que  possible. 

Cependant  la  distribution  de  la  sainte  Eucharistie  n'est  pas  laissée  à 
la  libre  disposition  du  prêtre,  mais  l'Eglise  a  édicté  des  lois  qui  déter- 
minent toutes  les  circonstances  de  cette  action.  Par  conséquent,  le  zèle 
.  ne  suffit  pas,  et  il  faut  encore  connaître  et  ohserver  les  règles  fixées  par 
l'Eglise.  A  cette  fin,  nous  exposerons  premièrement  ces  règles,  et  dans 
une  deuxième  partie  nous  dirons  ce  que  le  zèle  prudent  et  éclairé  com- 
mande au  prêtre. 

I,  —  liégislation 

Les  malades,  quant  à  la  communion,  se  divisent  en  deux  groupes: 
malades  en  danger  de  mort,  çt  malades  qui  ne  sont  pas  dans  un  tel 
danger.,     .  ,     .      .  ... 

1°  Maladeis  en  danger  de  iHort.  —  Le  Rituel  Romain  (de 
■Communioheiiiftrrnoru-m)  dit  :  •."  Le  curé  doit  apporter  le  plus  grand 
soin  et  le  plus  grand  zèle  à  donner  le  feaint  Viatique  aux  m,alades  en 
temps  opportun,  de  peur  que  par  sa  négligence,  ces  malades  ne  meurent 
privés  d'un  si  grand  bien."  De  là  obligation  grave  pour  le  curé  d'ad- 
ministrer la  sainte  Communion  aux  fidèles  qui  sont  en  danger  de  mort. 

(a)  En  effet,  il  est  certain  qu'il  y  a  obligation  grave  de  communier 
_pour  toute  personne  fidèle  qui  se  trouve  en  danger  sérieux  de  mort,  et 
qui  le  peut  moralement.  Ce  devoir  grave  est  reconnu  par  tous  les  théo- 
logiens comme  venant  du  précepte  divin  posé  par  Notre-Seigneur,  quand 
Il  dit:  " Nisi  manducav'erùis  carnem  Filii  horninis....  non  hahehitis 
vitam  in  vobis."  (S.'  Jean,  VI,  54.)  Ces  paroles,  avec  k  menace  qu'elles 


—  643  — 

renferment,  imposent  certainement  Tobligation  grave  de  oommunitT 
plusieurs  fois  dans  la 'vie.  D'autre  part,  Xotre-Seigneur,  en  instituant 
l'Eucharistie  sous  les  espèces  du  pain  et  du  vin,  a  indiqué  suftisaninient 
par  là  que-  l'homme  en  a  besoin  pour  refaire  les  forces  spirituelles  qui 
s'en  vont  et  ne  pas  perdre  la  vie  de  Tâme,  comme  il  a  besoin  de  la  nour- 
riture matérielle  pour  refaire  les  forces  du  corps  et  ne  pas  mourir.  Mais 
s'il  y  a  obligation  grave  de  communier  plusieurs  fois  dans  la  vie,  cett^ 
obligation  doit  exister  surtout  dans  le  danger  de  mort,  parce  qu'il  n'y  a 
aucun  autre  moment,  où  l'homme  ait  plus  grand  besoin  de  la  force  spiri- 
tuelle que  donne  le  pain  eucharistique. 

Aussi  la  tradition  de  l'Eglise  universelle  depuis  le  temps  des  Apôtres, 
confirmée  par  les  saints  Pères,  les  Souverains  Pontifes  et  les  Conciles, 
a  toujours  reconnu  explicitement  ou  implicitement  cette  nécessité  dç 
communier  en  danger  de  mort.  Déjà  le  premier  concile  œcuménique  de 
Nicée,  en  l'an  325,  ordonnait  "  antiquam  liane  legis  regtdam  necessario 
ohservandam."  Le  concile  d'Agde,  de  l'an  506,  prescrit  le  Viatique  à 
tous  ceux  qui  sont  en  danger  de  mourir:  "  Viaticum  omnibus  in  morte 
positis  non  negandum."  Tout  fidèle,  qui  se  trouve  en  danger  de  mort, 
est  donc  obligé  suh  gravi  de  recevoir  ce  pain  céleste  pour  se  fortifier  dans 
le  dernier  com])at,  à  moins  qu'il  n'en  soit  empcnr-hé  par  les  circoniîtanceg 
ou  qu'il  ne  puisse  le  recevoir  sans  un  grand  danger  de  profanation. 
De  là  l'Eglise  enjoint  au  prêtre  de  veiller  scrupuleusement  à  ce  que  le 
Viatique  soit  administré  aux  fidèles  dont  il  a  la  charge. 

(b)  Cette  obligation  de  recevoir  le  Viatique  est  imposée  à  tous  les 
fidèles,  qui  sont  en  danger  de  mort,  d'où  que  vienne  ce  danger,  soit  de  la 
maladie,  soit  d'une  blessure,  soit  même  de  la  condamnation  d'un  juge. 

Mais  ici,  on  nous  permettra  de  faire  remaniuer  que  les  malades  en 
danger  de  mort  peuvent  se  trouver  ou  à  l'article  de  la  mort,  ou  dans  un 
danger  probable.  Quelqu'un  est  à  l'article  de  la  mort,  quand  cello<'i  est 
imminente,  moralement  certaine  et  à  peu  près  inévitable.  Il  y  a  danger 
probable  de  mort,  quand  probablement  la  mort  surviendra,  parce  que 
dans  de  telles  circonstances  elle  a  coutume  d'arriver  fréquemment:  ainsi 
ceux  qui  sont  atteints  d'une  maladie  mortelle  ou  d'une  maladie  dange- 
reuse qui  peut  causer  la  mort,  ceux  (|ui  sont  sur  le  point  de  subir  une 
opération  vraiment  périlleuse,  sont  dans  un  danger  probal)le  de  ni<»rt. 
(Gousset,  Théol.  morale,  II,  n.  227.)  On  peut  encore  dire  (|ue  le  danger 
probable  de  mort  existe  cluKiue  fois  que  la  maladie  est  d'une  nature  telle 
que,  même  bien  soignée,  die  puisse  amener  un  dénouement  fatal,  soit 
par  elle-même,  soit  par  les  complications  qu'elle  entraîne  habituellement. 

Or  tous  les  théologiens,  à  la  suite  de  S.  Alphonse,  enseignent  que  le 
danger  prol)able  de  mort  suffit  pour  que  le  malade  soit  tenu  de  nrovoir 
la  sainte  Communion:  en  effet,  il  y  aurait  gran.l  risque  h  attendre  l'ar- 
ticle de  la  mort  pour  donner  le  viaticjue  aux  malades.  Il  n'est  dune  pan 
nécessaire  ni  louable  d'attendre  pour  donner  la  sainte  Communion,  qu'il 
n'v  ait  plus  aucune  espérance  de  survie. 

Bien  plus,  nous  pensons,  dit  VAmi  du  Clergé  (1  oct.  190λ),  (jue  h» 
nuilades  atteints  sérieusement  d'une  malmlie  dangereuse,  par  exemple, 
de  la  fièvre  typhoïde,  peuvent  recevoir  dès  le  début  In  cou  n  h  titre 

de  viatique:  car,  quand  la  maladie  est  dangereuse  de  .«a  i....  •■"  "•"t 


—  644  — 

administrer  le  Viatique  dès  le  début  du  danger  probable.  (Marc,  II,  n. 
1565.)  En  etîet,  la  Sacrée  Congrégation  de  la  Propagande  a  répondu, 
le  20  février  1801,  que  les  missionnaires  peuvent  donner  la  Communion 
en  viatique  aux  malades  qui  souffrent  d'une  maladie  mortelle,  et  qui 
cependant  vivront  encore  plusieurs  mois.  (Collect.  Cong.  de  Prop.  Fide, 
n.  721.) 

Mais,  que  doit-on  faire  dans  le  doute  si  le  danger  de  mort  existe  réel- 
lement? —  Berardi  {Tlieol.  moralis,  IV,  n.  1045)  répond  que  dans  ce 
cas,  surtout  si  le  malade  ou  sa  famille  désire  l'administration  du  Via- 
tique, le  curé  ne  doit  pas  avoir  de  scrupule,  et  qu'il  doit  se  rappeler  cet 
axiome  :  "  Melius  est  vivere  cum  Saciamentis  quani  mori  sine  illis." 
ISToldin  {de  Eucharistiâ,  n.  154)  donne  deux  raisons  pour  lesquelles  on 
peut  alors  donner  la  Communion  en  viatique  :  (a)  l'obligation  du  jeûne 
n'est  pas  certaine;  (h)  on  doit  présumer  que  l'Eglise  veut  favoriser  le 
malade,  afin  qu'il  ne  soit  pas  exposé  à  mourir  sans  viatique. 

Enfin,  Morino  (Theol.  mor.,  II,  n.  320)  enseigne  que  le  curé,  pour 
administrer  le  Viatique,  n'a  aucun  besoin  de  la  permission  du  médecin 
(nullo  modo  indiget  licentiâ  medici).  "Aussitôt,  dit-il,  qu'il  apparaît 
ou  que  le  médecin  a  déclaré  que  la  maladie  est  dangereuse,  on  peut  tou- 
jours donner  le  Viatique,  même  si  le  médecin  assure  que  très  probable- 
•ment  le  malade  en  reviendra  ou  que,  si  la  maladie  poursuit  son  cours,  il 
aura  certainement  le  temps  nécessaire  pour  accomplir  ce  devoir.  En 
•effet,  tous  les  théologiens,  avec  S.  Thomas,  affirment  que  le  Viatique 
peut  toujours  être  administré  quand  la  maladie  constitue  un  danger 
•probable  de  mort  (putative  continet  periculum  martis)  :  ce  danger 
existe  chaque  fois  que  la  maladie  est  dangereuse.  C'est  pourquoi,  dans 
ce  cas,  le  curé,  même  si  le  médecin  s'y  oppose  formellement,  peut  admi- 
nistrer le  Viatique  ;  et,  si  le  malade  le  demande,  il  y  a  obligation  grave 
pour  le  curé  de  lui  donner  la  CommunioTi:  l'obligation,  en  effet,  de  re- 
cevoir le  Viatique  ne  vient  pas  du  médecin,  mais  de  la  maladie  grave. 
Que  de  fois  le  médecin  reconnaît  que  le  patient  est  dangereusement 
malade,  et  cependant,  par  crainte  de  l'effrayer,  de  le  démoraliser,  ou  de 
perdre  un  client,  il  n'ose  pas  lui  parler  de  la  réception  des  derniers  sa- 
crements.    Le  curé  doit  alors  intervenir  et  administrer  le  Viatique." 

D'autant  plus,  comme  le  remarque  Frassinetti  (I,  n.  358),  que  si  l'on 
piévovait  que  le  malade  dût  s'effrayer  d'apprendre  qu'on  va  lui  admi- 
nistrer le  saint  Viatique,  il  est  probable  qu'on  pourrait  lui  donner  la 
Communion  à  la  manière  ordinaire,  sans  se  servir  de  la  formule  spé- 
ciale: ''  Accipe  viaticum,"  attendu  que  pour  satisfaire  au  précepte  l'in- 
tention de  le  remplir  n'est  pas  nécessaire:  il  suffit  de  poser  l'acte  com- 
mandé. 

On  peut  donc  conclure  que  le  Viatique  doit  être  donné  aux  fidèles  qui, 
étant  en  danger  probable  de  mort,  demandent  ou  consentent  à  le  recevoir, 
après  s'y  être  convenablement  préparés. 

(c)  Mais  cette  obligation  s'étend-elle  à  tous  les  fidèles?  N'y  a-t-il  pas 
des  exceptions? 

1°  Les  enfants,  qui  n'ont  pas  encore  fait  la  première  communion, 
sont-ils  tenus  de  recevoir  le  Viatique,  advenant  le  danger  probable  de 
mort? 


—  C45  — 

(a)  On  ne  doit  pas  administrer  le  Viatique  aux  enfants,  qui  n'ont 
pas  l'usage  de  raison:  en  effet,  TEglise  latine,  par  sa  coutume,  défend 
de  communier  les  enfants,  avant  qu'ils  aient  l'âge  de  discrétion,  ou 
comme  s'exprime  le  Kituel  Eomain,  "avant  qu'ils  n'aient  la  connais- 
sance et  le  goût  de  l'Eucliaristie.'' 

(h)  Au  contraire,  non  seulement  on  peut,  mais  on  doit,  suivant  le 
sentiment  commun  des  théologiens,  donner  le  saint  Viatique  aux  enfants 
qui  ont  l'nsage  de  raison,  quoiqu'ils  n'aient  pas  encore  l'âge  fixé  ordi- 
nairement pour  la  première  communion.  Tout  enfant,  en  effet,  (|ui  est 
arrivé  à  l'âge  de  raison,  est  lié  par  le  précepte  de  la  Sainte  Communion. 
C'est  donc  à  tort  que  l'on  fait  retarder  aux  enfants  l'accomplissement 
de  ce  devoir,  afin  qu'ils  aient  le  temps  de  s'y  mieux  préparer.  Aussi  le 
dernier  numéro  des  '•  Acta  Apostolicae  Sedis"  publient  un  décret  de  la 
Congrégation  des  Sacrements,  sur  l'âge  de  ceux  qui  doivent  être  admis 
cà  la  première  communion,  en  date  du  8  août  1910,  où  il  est  dit  à  l'ar- 
ticle I:  "-£7^.9  disrretionis  tum  ad  Confemonem  tum  ad  Communio- 
nem  ea  est  in  quâ  nuer  incipit  raiiocinicri,  hoc  est  circa  septimum 
annum,  sive  supra,  sive  etiam  infra.  Ex  hoc  tempore  imxpit  obligatio 
sntisfariendi  utriqite  praecepio  Confessionis  et  Communionis.''  L'article 
Il  ajoute:  "Ad  primam  Confessionem  et  Commiinionem  necessaria  non 
est  jjJena  et  perfecta  doctrinae  cJiristianue  co(/nitio.  Puer  tamrn  pusten 
debebit  inte^ivum  catachismum  pro  modo  suae  intelligentiar  gradatim  ad- 
discere."  Par  conséquent,  si  l'enfant  est  en  danger  de  mort,  il  serait  très 
périlleux  de  retarder  sa  Communion  en  viatique,  lors  même  qu'il  n'au- 
rait pas  un  jugement  développé  et  une  instruction  très  étendue.  Tl 
suffit  qu'après  l'avoir  instruit,  le  curé  le  juge  capable  de  faire  (|uelque 
discernement  de  cette  nourriture  spirituelle  d'avec  la  nourriture  eom- 
mune  et  matérielle:  '^  Vt  cibum  istuni  coclestem  et  superuum  n  com- 
miini  et  materiali  discernât,"  dit  Benoit  XIV,  (Ode  Synodo,  1.  Ail,  c. 
12),  avec  S.  Thomas  (3p.  q.  80,  a.  9,  ad  3).  —  Aussi  le  Ile  concile  de 
Québec  (décret  X)  enseigne-t-il  :  "Non  est  deneganda  Eurhnrisliit.  itno 
potius  conferendn,  pucris  (infîrmis)  qui  primae  rommuni'inis  aetntnn 
nonduni  adepti,  nd  usum  tamen  rationis  pervenerunt.  modo  adncti,  ci- 
bum coeîestem  a  communi  et  maieriali  âiscernere  queaut."  Au  sur- 
plus, le  décret  de  la  Congrégation  des  Sacrements,  que  nous  avons  cité 
plus  haut,  ajoute,  article  III:  "  Cogniliu  rrligionis  qiiae  in  j/urro  requi- 
ritur.  ut  ipsc  al  prim>im  Communionern  convenienter  se  praeparet  ea 
est,  quâ  ipse  fidei  mi/steria  necessaria  nécessitât e  medii  prn  suo  raptn 
jwrripiat.  ntque  eurhnrinlirnm  pnnrm  a  coniniuni  et  corpnrali  distin- 
gat  ut  eâ  dcvotionc  quani  i/.sù/s-  frrf  aetas  ad  SS.  Euchnrvitinm  accé- 
dât." D'où  nous  concluons  avec  Pruner  (Thcol.  mor..  I,  p.  40),  quo 
l'obligation  de  recevoir  le  Viatique  s'étend  même  aux  enfants  (|ui.  sans 
avoir  encore  rommunié,  ont  assez  d'intelligence  pour  comprendre  qu'ils 
vont  recevoir  dans  la  sainte  hostie  le  corps  et  le  sanir  du  Sauveur  pour 
le  salut  de  leur  âme. 

Enfin,  déjà  le  canlinal  (iou^set  (Tlieol.  mor.,  Tl,  n.  -y.V.])  f;i  tte 

remarque:  "Les  curés  v  feront  attention:  ils  se  rrn<lrait'nt  i  ,  .  les 
d'une  faute  grave,  s'ils  laissaient  mourir  sans  viatique  les  enfants  qui 
auraient  assez  de  pénétration  pour  pouvoir  communier."  Le  r^nt 
décret  sur  l'âge  de  la  première  communion  vient  (■<inf]niier  cet  avis,  en 


—   G4:G   — 

disant,  art.  VIII:  "  Detestahilis  omnio  est  abusus  non  ministrandi  Via- 
ticum  et  Extrcmam  Unctionem  pueris  post  usum  ratioms  eosque  sepe- 
liendi  ritu  parvulorum.  In  eos,  qui  ah  hujusmodi  more  non  recédant, 
Ordinarii  locorum  severe  animadvertant." 

2°  Tous  les  adultes,  à  quelques  exceptions  près,  sont  tenus  de  com- 
munier, lorsque  advient  le  danger  probable  de  mort,  pouvu  qu'ils 
puissent  distinguer  la  Sainte  Eucharistie  de  tout  autre  aliment  corporel, 
et  qu'il  n'y  ait  aucun  danger  de  profanation:  tel  est  l'enseignement 
commun  des  théologiens. 

Nous  disons  :  (a)  Tous  les  adultes  qui  sont  en  danger  de  mort  ;  car, 
même  les  condamnés  à  mort  doivent  recevoir  le  saint  Viatique,  comme  il 
ressort  d'un  décret  de  la  Congrégation  de  la  Propagande  (5  juillet 
1841).  Ce  décret  affirme:  "  Capite  damnatis  non  solum  S.  Commu- 
nionem  dandam  esse,  sed  etiam  dandani  esse  per  modum  viatici  :  sunt 
enim  in  articula  mortis." 

Nous  disons  :  (h)  à  quelques  exceptions  près.  En  effet,  premièrement, 
ceux  qui  n'ont  jamais  eu  l'usage  de  la  raison,  ne  doivent  pas  recevoir  le 
Viatique;  et  cela  pour  une  double  raison:  le  danger  d'irrévérence,  et 
l'usage  universel  de  l'Eglise  latine,  usage  qui  équivaut  à  une  défense. 

Deuxièmement,  bien  que  l'on  puisse  donner  l'absolution  sous  condi- 
tion à  celui  qui,  durant  l'ivresse  gravement  coupable,  se  trouverait  en 
danger  de  mort,  cependant,  on  ne  doit  pas  lui  administrer  le  Viatique, 
parce  que  "  non  est  mittendum  canihus;"  or,  suivant  S.  Jean  Chrysos- 
tôme  (boni.  5  in  Matth.),  "  est  canis  ebrio  praestantior  et  asinus  melior." 
(Haine,  III,  q.  53  ad  3.) 

Enfin,  le  Viatique  ne  doit  pas  être  porté  aux  femmes  de  mauvaise 
vie,  même  pénitentes,  tant  qu'elles  se  trouvent  dans  une  maison  de  pros- 
titution: le  respect,  que  l'on  doit  à  la  sainte  Eucharistie,  exige  que  l'on 
s'abstienne- de  transporter,  au  moins  ostensiblement,  le  Saint-Sacrement 
dans  un  tel  endroit.  (Morino,  II,  n.  320.) 

Toutefois  cette  obligation  si  générale  s'étend-elle  même  à  ceux  qui 
ont  communié  peu  de  temps  avant  d'être  en  danger  de  mort? 

Les  uns  prétendent  avec  Lugo  (disp.  16,  n.  40),  que  ces  malades  ne 
sont  pas  obligés  de  communier,  advenant  le  danger  de  mort  :  car  il  suffit 
de  communier  à  la  fin  de  la  vie  ou  un  peu  avant  la  mort.  —  D'autres,  et 
leur  opinion  est  considérée  par  S.  Alphonse  comme  plus  probable,  disent 
qu'ils  doivent  recevoir  le  Viatique,  même  s'ils  avaient  fait  la  communion 
dans  le  courant  de  la  journée;  en  effet,  le  précepte  de  communier  oblige 
quand  le  danger  de  mort  existe,  et  par  conséquent  ce  devoir  ne  peut  être 
rempli  avant  l'existence  du  péril.  —  D'autres  enseignent  que,  si  le 
danger  de  mort  arrive  naturellement  par  le  progrès  de  la  maladie,  ces 
personnes  ne  sont  pas  tenues  de  recevoir  le  Viatique,  car  ce  péril  de 
mort  existait  déjà,  bien  qu'il  ne  fût  pas  apparent,  au  moment  de  la 
communion;  mais,  si  le  danger  de  mort  arrive  brusquement,  par  exemple 
comme  le  .résultat  d'une  blessure  ou  d'une  chute  grave,  il  y  a,  disent  ces 
auteurs,  obligation  et  par  conséquent  devoir  de  donner  le  Viatique,  car 
ce  péril  n'existait  aucunement  (juand  la  communion  précédente  a  été 
faite. 

Mais  en  pratique,  que  faire?  Chacun  peut  prendre  et  suivre  le  parti 
qui  lui  plaira  davantage.     "  In  tantâ  opinionum  varietœte,  dit  Benoit 


—  647  — 

XIV  (de  Synd.  1.  T,  c.  Xl),integrum  erit  parocho  eam  sententiam  am- 
plecti,  quae  sibi  magis  arriserit."  "  Pour  nous,  ajoute  Gousset  (II,  n. 
234),  nous  n'hésiterions  pas  à  communier  une  seconde  fois  celui  qui, 
dans  ces  circonstances,  désirerait  recevoir  encore  le  pain  des  forts  pour 
pouvoir  lutter  contre  les  angoisses  de  la  mort."  C'est  aussi  l'ensei- 
gnement de  Haine  (III,  q.  51  ad  eum),  qui  cite  une  déclaration  géné- 
rale faite  par  la  Congrégation  de  la  Propagande  au  Vicaire  Apostolique 
de  Pondichérv,  le  26  juillet  1845:  "  Infirmo  ad  mortem,  qui  absolutione 
peccatorum  dignus  hahitus  fuerit,  SS.  quoque  Viaticum  concedendum 
est." 

(d)  Au  reste,  ces  malades  en  danger  probable  de  mort  sont  exemptés 
du  jeûne  eucharistique.  En  effet,  le  Eituel  Komain  dit  :  "  Potesl  via- 
ticum brevi  morituris  dari  non  jejunis;"  et  le  Concile  de  Constance 
(Sess.  13)  déclare  que  ''  hujusmodi  Sacramentum  (Exicharistine)  non 
débet. ...  a  fidelibus  recipi,  non  jejunis,  nisi  in  casa  infimiitatis."  — 
D'où  il  suit,  conclut  Génicot  (II,  n.  202),  que  les  malades  en  danger 
probable  de  mort  sont  exemptés  de  la  loi  du  jeûne  eucharistique.  Par 
conséquent,  comme  le  remarque  Zaninetti  (IV,  n.  2029),  il  faut  mettre 
tout  scrupule  de  côté,  même  si  le  malade  pouvait  facilement  recevoir  le 
Viatique  à  jeun  le  jour  suivant,  car  l'Eglise  dispense  ces  malades  du 
jeûne  afin  d'enlever  tout  doute  et  fout  trouble  de  la  conscience.  (Balle- 
rini,  IV,  n.  168.) 

Cependant,  ceux  qui  sont  en  danger  de  mort  sans  être  malades, 
comme  les  condamnés  à  mort,  semblent  être  obligés  à  la  loi  du  jeûne, 
s'ils  peuvent  communier  à  jeun  sans  grave  inconvénient.  (Génicot,  II, 
n.  202.) 

Cette  exemption  du  jeûne  ne  concerne-t-elle  que  la  communion  en 
viatique,  ou  bien  vaut-elle  encore  pour  les  communions  de  dévotion  que 
les  malades  peuvent  faire  après  la  réception  du  Viatique? 

Génicot  (II,  n.  202)  répond,  avec  un  grand  nombre  d'auteurs  récents 
(Lehmkuhl,  II,  n.  161  ;  D'Annibale,  III,  n.  411,  not.  39)  que  cette 
exemption  dure  aussi  longtemps  que  le  malade  se  trouve  en  danger  pro- 
bable de  mort:  dans  le  fait,  d'après  S.  Alphonse  (H.  A.  XV,  46),  l'Eu- 
cliaristie  doit  être  reçue  non  seulement  pour  satisfaire  au  précepte,  mais 
aussi  pour  obtenir  la  grâce  de  résister  aux  tentations  qui  sont  plus  fortes 
et  plus  dangereuses  au  moment  de  la  mort.  —  Et  Benoit  XIV  (<le  S\n., 
1.7,  c.  12)  exhorte  les  évêques  à  punir  les  curés,  qui,  sans  raison  grave, 
refusent  de  porter  la  Communion  une  deuxième  et  une  troisième  fois 
aux  malades  qui  la  demandent  par  dévotion.     (Marc,  II,  1560.) 

Peut-on  faire  communier  ces  malades  plusieurs  fois?  On  enseignait 
jadis,  avec  Layman,  que  les  malades  peuvent  communier  .sans  être  à 
jeun  d'autant  plus  souvent  qu'ils  avaient  l'habitude,  étant  en  santé,  de 
faire  la  communion  plus  fréquemment.  Quelques  auteurs  contempo- 
rains, comme  Pruner,  Timothée  de  Puyloubier,  suivent  encore  cette 
théorie,  qui  cependant  n'a  aucun  fondement  théologiriuc 

Des  auteurs  sérieux  en  grand  nombre  (I^acroix,  Mimkuhl,  D'Anni- 
bale, Génicot,  Frassin.-tti)  disent  que  l'on  peut  communier  cch  n 
tous  les  jours.     En  effet,  il  faut  se  rappeler  que  le  roncile  de  Coi 
les  exempte  tout  à  fait  du  jeûne  eu<harislique.  —  Elbe!  ajoute  qi 


—  G4b  — 

est  la  pratique  comune  de  l'Eglise;  et  le  P.  Hilaire  de  Sexten  s'écrie: 
"•  Plût  à  Dieu  que  cet  usage  fût  commun  parmi  nous."'  Xe  pourrions- 
nous  pas  nous  approprier  un  peu  ce  souliait  du  docte  capucin.  Cepen- 
dant, fait  remarquer  l'abbé  Moureau  (Dict.  de  Théologie,  III,  col.  503), 
en  pratique,  lorsqu'il  y  a  obligation  de  porter  l'Eucharistie  au  loin,  une 
pareille  fréquence  ne  saurait  être  obligatoire. 

(e)  Enfin  pour  la  Communion  en  viatique,  il  y  a  une  formule  spé- 
ciale, qui  est  obligatoire:  " Accipe,  f rater  aut  soror,  Yiaticum,  etc." 
Mais  de  quelle  formule  doit-on  se  servir,  si  on  donne  la  Communion 
après  le  Viatique?  Suivant  Clericati,  Bouvrv,  Falise  et  Coppin  (n. 
680),  on  emj^loie  la  formule  du  Viatique  toutes  les  fois  que  le  malade 
communie  en  danger  de  mort.  D'autres,  comme  Xoldin  (III,  n.  156) 
et  VAmi  du  Clergé  (31  Juillet  1902:  20  juin  1907)  qui  cite  les  Ephémé- 
rides  liturgicae  (1898,  p.  681).  enseignent  que  l'on  doit  alors  faire  usage 
de  la  formule  ordinaire,  comme  il  ressort  d'une  réponse  de  la  Congré- 
gation des  Eites.  On  avait  demandé,  si,  dans  l'administration  de  la 
communion  de  dévotion  aux  malades,  on  doit  suivre  toutes  les  prescrip- 
tions du  Eituel  Romain,  en  omettant  toutefois  les  mots  :  "  Accipe  Tia- 
ticum."  La  Congrégation  a  répondu,  le  13  février  1892,  que  l'on  doit 
suivre  les  prescriptions  du  Eituel,  exceptis  excipiendis.  Comme  cette 
réponse  n'est  pas  très  claire  au  jugement  de  beaucoup  de  liturgistes,  on 
a  continué  à  discuter.  Aussi  Le  Vavasseur,  de  Herdt,  et  Wapelhorst 
disent  tout  simplement  que  la  chose  est  controversée. 

Espérons  que  l'autorité  compétente  nous  donnera  une  manière  de 
faire,  qui  fasse  cesser  la  bigarrure  que  l'on  voit  quelquefois,  quand  deux 
prêtres  communient  successivement  le  même  malade  et  se  servent  l'un 
de  la  formule  ordinaire,  et  l'autre  de  la  formule  du  Viatique. 

* 

2^  Malades  qui  ne  sont  pas  en  danger  de  mort.  —  Ces  malades 
peuvent  encore  se  dinser  en  deux  classes:  ceux  qui  peuvent  garder  le 
jeûne  naturel  jusqu'à  l'heure  convenable  pour  la  sainte  Communion,  et 
ceux  qui  en  sont  incapables. 

(a)  Quant  aux  malades  qui  peuvent  rester  à  jeun,  mais  sont  dans 
l'impossibilité  morale  d'aller  à  l'église,  nous  pouvons  les  diviser  en  deux 
catégories. 

(b)  La  première  comprend  les  personnes  qui  vivent  dans  des  établis- 
sements (séminaires,  hospices,  collèges),  où  l'on  conserve  le  Saint  Sacre- 
ment. Ces  infirmes  peuvent  communier  chaque  jour,  et  il  est  à  désirer 
qu'ils  le  fassent,  puiscpie  sans  fatigue  le  prêtre  peut  leur  porter  la  Com- 
munion dans  leurs  appartements. 

Ceci  doit  s'entendre  même  des  religieuses  cloîtrées,  dont  le  confesseur, 
sans  aucun  scrupule  et  sans  qu'il  soit  nécessaire  d'avoir  im  privilège 
spécial,  peut  franchir  la  clôture  chaque  jour,  afin  de  donner  la  Commu- 
nion aux  infirmes  qui  désirent  la  recevoir  et  ne  peuvent  se  rendre  à  la 
Sainte  Table.     (Gury-Ferreres,  II,  n.  983.) 

Notons  qu'alors  on  doit  obsener  tout  ce  que  commande  le  Eituel  Eo- 
main  pour  le  port  de  la  Sainte  Eucharistie  aux  malades.     Que  de  fois, 


—  649  — 

cependant,  par  un  laisser-aller  déplorable,  on  ne  s'occupe  pas  de  ces 
prescriptions,  quand  il  serait  si  facile  de  s'y  conformer  ! 

On  peut  encore  communier,  mênu'  tous  les  jours,  les  infirmes  qui 
vivent  dans  des  maisons,  où  l'on  a  un  oratoire  privé,  bien  (jue  ce  j)rivil- 
lège  ne  comporte  pas  la  permission  de  conserver  la  Sainte  Eucharistie. 
Dans  ce  cas,  si  la  chambre  du  malade  est  tellement  rapprochée  de  l'ora- 
toire que  le  prêtre  puisse  s'y  rendre  sans  perdre  de  vue  l'autel,  ou  que 
le  malade  puisse  entendre  le  prêtre  quand  il  célèljre,  on  peut  lui  aibni- 
nistrer  la  communion  pendant  la  messe  (intra  missam).  S.  Cong.  des 
Eites,  7  fév.  18T4,  n.  3322).  Autrement,  comme  l'enseigne  Ferreree 
(Commentaire  sur  la  communion  fréipiente,  n.  19.S),  on  peut  consacrer 
pendant  la  messe  une  petite  Hostie  pour  l'infirme  et  la  lui  donner  après 
la  messe.     (S.  Cong.  des  Eites,  24  mars  1860,  n.  3099.) 

Bien  plus,  contrairement  à  renseignement  jusqu'alors  reçu,  le  Sou- 
verain Pontife  Pie  X,  le  8  mai  190T,  ''  a  daigné  statuer  que,  dans  les 
induits  de  l'oratoire  privé,  doit  être  comprise  la  faculté  de  distribuer  la 
sainte  Communion  à  tous  les  fidèles  qui  assistent  au  Saint  Sacrifice  de 
la  messe,  les  droits  paroissiaux  étant  sauvegardés."  T.e?  droits  parois- 
siaux, dont  il  est  ici  question,  conformément  aux  expressions  des  brefs 
pour  concession  d'oratoire  privé,  concernent  l'assistance  à  la  messe  le 
dimanche  pour  les  personnes  qui  ne  doivent  pas  bénéficier  de  l'induit, 
et  la  communion  pascale  sauf  autorisation  du  curé.  (Canoniste  Con- 
temporain, 190Î,  p.  TOO.) 

(2)  A  la  seconde  catégorie  appartiennent  les  infirmes  qui  vivent  dans 
des  maisons  particulières  n'ayant  pas  d'oratoire  privé.  Il  est  clair 
qu'on  ne  peut  obliger  le  curé  à  porter  tous  les  jours  la  Communion 
à  ces  malades,  surtout  à  ceux  qui  sont  atteints  d'une  maladie  chroniqui'. 
Mais  ne  devrait-on  pas  la  donner  à  tous  ceux  qui  la  désirent  un  jour 
par  soiiiainc.  ou  au  moins  deux  fois  par  nu)is. 


* 


(6)  Les  malades  atteints  d'infirmités  chroniques,  (pii  ne  sont  pas  en 
danger  de  mort,  mais  qui  sont  incapables  d'attendre  à  jeun  l'heure  con- 
venable pour  recevoir  la  Communion,  peuvent-ils  communier  après  avoir 
rompu  le  jeûne? 

Le  Eituel  lîoniain,  après  avoir  dit  (pi'on  peut  donner  le  Viati(iue  aux 
personnes  en  danger  de  mort,  sans  qu'elles  soient  à  jeun,  ajoute  ces  pa- 
roles: "  Coeteris  autern  iii/ïrmis  qui  oh  devolionem  in  ae>/rHiitliiir  nnn- 
municant.  lUmâa  est  Eitrhnnstin  ante  omnern  rihiim  et  /lotum,  non  aliter 
ac  coeteris  fidelibvs,  quitus  un  eJinui  prr  muduin  mrdiciuae  ante  ali- 
quid  sumere  licet."  {de  Communione,  n.  T.) 

Aussi  tous  les  théologiens,  à  rex<eptii)n  d'un  pt-tit  nombre,  s'ii.vcr- 
dent  à  dire  que  la  mahidie  n'est  pas  à  elle  seule  un.-  rai<..M  ^nfti.Mnt.- 
pour  administrer  l'Kucliaristie  à  qui  n'est  pas  à  jeun. 

Cependant,  plusieurs  auteurs  très  sérieux  en.seignnient  que  ces  mabidiT* 
pouvaient,  sans  être  à  jeun,  faire  la  Comiiiuni..n  pascale.  parr.<  qu  ell.' 
e«t  comme  de  droit  divin.  Pour  toutes  les  Communions  de  d.-\otiun.  le 
jeûne  étnit   stiietement    obligatoire.     Toutefois,    ces    thMogien.^    ajou- 


—  650  — 

talent  que,  si  la  maladie  ne  suffit  pas  pour  dispenser  du  jeûne,  elle  suffît 
pour  autoriser  la  communion  aussitôt  après  minuit. 

C'est  là,  on  doit  l'admettre  sans  difficulté,  une  solution  bien  peu  pra- 
tique, au  moins  dans  les  paroisses.  Aussi,  les  auteurs  s'empressent-ils  de 
suggérer  le  recours  à  Eome  pour  obtenir,  dans  chaque  cas,  un  induit 
dispensant  du  jeûne  eucharistique,  induit  iqui,  selon  leur  dire,  ne  s'ob- 
tenait que  pour  les  raisons  les  plus  graves, 

1.  —  Heureusement  cette  difficulté  dans  un  grand  nombre  de  cas 
n'existe  plus.  En  effet,  après  le  décret  du  20  décembre  1905,  sur  la 
Communion  fréquente  et  quotidienne,  on  demanda  au  Souverain  Pon- 
tife d'accorder  la  dispense  du  jeûne  eucharistique  à  tous  les  malades  qui 
ne  peuvent  l'observer  dans  son  intégrité,  et  le  7  décembre  1906  fut 
publié  le  décret  sur  la  Communion  des  infirmes  qui  ne  sont  pas  à  jeun. 

Ce  décret  contient  quatre  parties:  1°  la  dispense  du  jeûne  pour  cer- 
tains malades;  2°  les  conditions  requises  pour  l'usage  de  ce  privilège; 
3°  le  nombre  de  communions,  que  ces  malades  ainsi  dispensés  peuvent 
recevoir;  4°  la  nourriture  permise. 

1°  Ce  décret  renferme  un  véritable  privilège.  Effectivement,  il  est 
affirmé  que  "  le  Souverain  Pontife  accorde  à  certains  infirmes  la  faculté 
de  recevoir  la  sainte  Eucharistie,  bien  qu'ils  aient  pris  quelque  chose." 

2°  Tous  les  malades  peuvent  jouir  de  cette  faveur,  pourvu  qu'ils 
satisfassent  à  ces  trois  conditions  :  (a)  qu'ils  soient  alités  depuis  un 
mois;  (h)  qu'il  n'y  ait  pas  d'espoir  certain  de  prompte  guérison; 
(c)  qu'ils  aient  l'avis  de  leur  confesseur. 

(a)  La  première  condition  exige  que  ces  malades  soient  alités  depuis 
un  mois.  Ce  terme:  alités,  semblerait  n'indiquer  que  les  malades 
obligés  de  garder  le  lit.  Toutefois  il  faut  donner  un  sens  plus  large  à 
cette  expression.  D'après  une  réponse  de  la  Congrégation  du  Concile, 
en  date  du  25  mars  1907,  il  faut  l'étendre  aux  malades  gravement 
atteints  qui  sont  incapables  d'après  l'avis  du  médecin  de  rester  à  jeun, 
et  <^|ui  ne  peuvent  cependant  garder  le  lit  ou  qui  se  lèvent  quelques 
heures  par  jour.  On  peut  donc  dire  avec  Dom  Bastien  (N.  E.  T.,  1907, 
p.  159;  De  frequenti  communione,  n.  207),  que  les  malades  visés  par  le 
décret  sont  ceux  qui  sont  obligés  de  garder  la  chambre  en  raison  même 
de  leur  infirmité.  "  î^ous  acceptons  volontiers  l'opinion  des  théolo- 
giens, qui,  comme  Vermeersch  (Periodica,  II,  p.  181)  et  Dom  Bastien 
(L.  C,  n.  255),  étendent  ce  privilège  aux  malades  auxquels  la  saison 
permet  de  sortir  quelque  temps  dans  la  soirée  ainsi  qu'aux  vieillards. 
"  Senectns  est  morhus."  Ainsi  s'expriment  les  Etudes  franciscaines, 
dans  le  numéro  d'août  1907. 

De  plus,  le  terme  :  un  mois,  doit  être  pris  dans  le  sens  moral.  Aussi, 
comme  l'affirme  Dom  Bastien  (N".  R.  T.,  1907,  p.  159),  nous  ne  devons 
faire  aucune  difficulté  pour  concéder  la  Communion,  s'il  manque  un 
jour  ou  deux  pour  parfaire  le  laps  d'un  mois.  De  même,  il  n'est  pas 
nécessaire  que,  pendant  ce  premier  mois,  l'infirme  n'ait  pas  communié, 
soit  à  jeun  soit  en  viatique;  il  suffit  que  le  malade  garde  la  chambre 
depuis  un  mois,  comme  dit  Boudinhon  fCan.  Cont.,  190,  1907,  p.  20), 
ou  que  le  malade  ne  puisse  sortir  habituellement  de  la  maison  depuis 
un  mois,  suivant  Ferreres  (La  communion  fréquente,  n.  204),  et  qu'il 
ne  puisse  pas  rester  à  jeun  jusqu'à  l'heure  de  la  communion. 


—  651  — 

(b)  La  seconde  condition  demande  qu'il  n'y  ait  pas  espoir  de  prompte 
convalescence.  La  convalescence  est  l'état  d'une  personne  qui  est  sortie 
de  maladie,  sans  avoir  recouvré  les  forces  de  la  santé.  Par  conséquent, 
la  convalescence  suppose  la  guérison.  Pour  remplir  cette  deuxième  con- 
dition, il  faut  donc  qu'il  n'y  ait  pas  d'espoir  certain  de  prompte  guérison. 
Si  le  médecin  est  hésitant,  il  n'y  a  pas  d'espoir  certain  ;  mais  si,  au  con- 
traire, il  dit  que,  sans  complication  inattendue,  la  guérison  sera  bientôt 
complète,  alors  existe  cet  espoir  certain.  De  plus,  il  faut  qu'il  s'agisse 
d'une  guérison  prompte.  Vermeérsch  nous  fait  remarquer  que  le  décret 
parle  de  guérison,  non  pas  simplement  de  possibilité  de  jeûner.  Mais 
quand  cette  guérison  pourra-t-elle  être  dite  prompte?  Quand,  répond 
Dom  Bastien,  on  prévoit  qu'elle  aura  lieu  dans  les  huit  jours  suivants. 

(c)  La  troisième  condition  requiert  l'avis  du  confesseur.  Cette 
expression  dit  moins  que  le  consentement  ou  la  permission  du  confes- 
seur. Car  celui-ci  n'a  pas  à  donner  dispense  du  jeûne,  mais  seulement 
à  apprécier  si  le  malade,  en  tenant  compte  des  circonstances  indivi- 
duelles, se  trouve  dans  les  conditions  que  suppose  le  décret.  Le  jugement 
du  médecin  n'est  pas  requis,  mais  cela  ne  dispense  pas  le  confesseur  de 
pouvoir  et  de  devoir  dans  quelques  cas  demander  ce  jugement,  pour 
donner  son  avis  avec  prudence. 

3°  Le  décret  fixe  le  nombre  des  communions  permises.  Si  le  malade 
habite  une  maison  ayant  chapelle  ou  oratoire  privé,  que  le  Saint-Sacre- 
ment y  soit  conservé  ou  que  seule  la  messe  y  soit  autorisée,  on  lui  permet 
une  ou  deux  communions  par  semaine.  Pour  les  autres  maladies,  qui 
habitent  plus  ou  moins  loin  de  l'église,  la  communion  leur  est  permise 
une  ou  deux  fois  par  mois. 

4"  Si  la  quantité  de  nourriture  permise  n'est  pas  fixée,  l)ien  qu'on 
suppose  une  quantité  modérée,  liquide,  la  qualité  est  déterminée  :  il 
n'est  pas  permis  de  manger,  mais  la  nourriture  liquide  seule  est  auto- 
risée: per  modum  potûs.  Cette  clause  a  été  expliquée  par  le  décret  du 
Saint  Office  du  7  septembre  1897.  "  Quand  on  dit:  per  modum  potûs, 
on  entend  qu'on  peut  prendre  du  bouillon,  du  lait,  du  café,  ou  toute 
autre  nouiTiture  liquide,  même  en  y  mélangeani  (|uelquc  sub^tanc»  ^olide, 
comme  par  exemple  de  la  semoule  (gruau),  du  pain  grillé  en  miettes, 
pourvu  que  l'ensemble  ne  vienne  pas  à  perdre  la  nature  de  nourriture 
liquide."  Les  malades  dispensés  par  le  nouveau  décret  pourront  donc 
user,  avant  la  communion,  non  seulement  de  liquides  purs,  même  nu- 
tritifs, comme  du  lait,  du  bouillon,  du  jus  de  viande,  mais  aussi  de 
vermicelle,  pâtes  ou  riz  en  suspension  dans  le  licpiide.  (Dom  Kastien, 
N".  R.  T.,  1907,  p.  163.)  Le  Cardinal  Cennari  ajoute  (Consultations  de 
morale  ï  p  290)  :  "  Kien  n'empêche  les  malades  de  prendre  plusieurs 
fois  de' ces  boissons  avant  la  Communion:  il  est  évident  que  les  remèdes 
liquides,  potions,  etc.,  sont  également  permis." 

Par  con'^équont,  les  malades  non  en  danger  de  mort,  qui  gardent  la 
chambre  (iepnis  un  mois  et  qui  n'cnt  pas  l'espoir  certain  d'une  prompte 
guérison,  peuvent,  sur  l'avis  de  leur  confesseur,  recevoir  la  sainte  Com- 
munion sans  être  à  jeun  deux  fois  par  s^^main.'.  s  il^  sont  dans  une 
maison  ayant  chapelle  ou  oratoire,  et  deux  fois  p:.r  .-...^  ,]au<  1rs  autres 
cas. 


—  653  — 

On  doit  se  rappeler  que  la  Congrégation  des  Rites,  le  16  novembre 
1906,  a  déclaré  que  le  prêtre  doit  toujours  dire:  Misereatur  tui,  etc., 
quand  il  communie  un  malade  dans  ses  aj^partements. 

Ici  vient  se  placer  tout  naturellement,  il  me  semble,  une  question  que 
l'on  peut  se  poser  assez  souvent.  Peut-on,  quand  on  porte  la  Commu- 
nion à  un  malade,  communier  aussi  une  personne,  qui  par  charité  est 
tenue  de  prendre  un  soin  continuel  de  ce  malade  et  qui  ne  peut  que 
difficilement  se  faire  remplacer?  Ce  cas  n'est  pas  purement  hypothé- 
tique. Wernz  (III,  n.  743  )  répond  :  "  Sacra  Eucharisiia  ad  domos 
deferri  potest  et  débet,  ut  viaticum  rnorituris  vel  simplex  communio  in- 
firmis  vel  aliis  fidelihus  im.peditis  dispensetur."  La  personne,  dont  il 
s'agit,  n'cst-elle  pas  empêchée  de  se  rendre  à  l'église?  Bien  plus,  un  acte 
de  charité  peut-il  être  un  obstacle  à  la  réception  de  la  sainte  Eucha- 
ristie? "  Deus  chantas  est." 


* 

*       * 

II.  — ■  Cependant,  il  y  a  de  vrais  malades,  qui  ne  gardent  pas  la 
ckanvbre,  et  qui  sont  dans  l'impossibilité  de  garder  le  jeûne;  ils  sortent 
et  vont  à  l'église.     Peuvent-ils  bénéficier  du  décret  ci-dessus  expliqué? 

JjAmerican  Ecclesiastical  Revieiv  (fév.  1910)  et  Ferreres  (La  Com- 
munion fréquente,  n.  204)  soutiennent  que  probablement  ces  malades 
peuvent  user  de  ce  privilège,  et  en  user  deux  fois  la  semaine.  "  Pour 
affirmer  le  premier  point,  écrit  Ferreres,  nous  nous  fondons  sur  ce  que 
l'intention  du  Pape  est  qu'aucun  malade  ne  soit  privé  pendant  long- 
temps de  recevoir  l'Eucharistie;  pour  le  second  point,  sur  ce  que, 
pouvant  aller  à  l'église,  ces  malades  doivent  être  assimilés,  pour  le 
moins,  à  ceux  qui  vivent  dans  des  maisons  oii  il  y  a  un  oratoire."  Ce 
qui  donne  une  autorité  particulière  à  cette  opinion,  c'est  que  le  même 
auteur,  après  le  -décret  du  7  décembre  1906,  avait  interprété  les  mots: 
malades  alités,  d'une  manière  large:  interprétation  qui  fut  confirmée 
par  le  décret  du  25  mars  1907. 

Cependant,  Dom  Bastien  (IST.  R.  T.,  1907,  p.  162)  et  les  Etudes  fran- 
ciscaines (août  1907)  enseignent  que  les  malades,  qui  peuvent  sortir  ici 
ou  là,  mais  sans  supporter  le  jeûne,  ne  peuvent  jouir  de  ce  privilège. 
"  Xous  avons  tenu,  dit  Dom  Bastien,  à  nous  informer,  à  la  source  même, 
des  intentions  du  St-Siège.  La  réponse  fut  que  le  décret  ne  pouvait 
s'appliquer  à  ces  personnes,  mais  que  l'on  donnerait  une  interprétation 
eu  leur  faveur."  I*ar  conséquent,  jusqu'à  ce  que  ce  privilège  ait  reçu 
cette  extension,  il  n'y  a  pas  d'autre  moyen  d'obvier  à  l'ennui  de  cette 
situation,  que  de  s'adresser  à  la  Congrégation  des  Sacrements,  qui  ac- 
corde très  facilement  l'induit  dispensant  du  jeûne. 

En  effet,  Mgr  l'Arcbevêque  de  Québec,  exposant  à  cette  Congrégation, 
au  mois  de  février  1910,  qu'une  de  ses  diocésaines,  personne  pieuse  et 
dévote,  souffrant  d'une  maladie  grave  de  la  gorge,  ne  pouvait  rester  plu- 
sieurs heures  sans  boire,  et  que  le  traitement  de  cette  maladie  exigeait 
plus  de  dix  mois  sans  (|ue  la  guérison  fut  complète,  demandait:  1°  si 
cette  personne  pouvait  bénéficier  du  décret  du  7  déc.  1906,  suivant  l'in- 
terprétation du  25  mars  1907;  2^  dans  la  négative,  qu'un  induit  lui  fut 


—  653  — 

accordé  pour  faire  la  C'oinnuinion  sans  être  ii  jeun  tleux  fois  par  semaine. 
Le  15  mars  1910,  la  Conirré^fatifUi  a  répomlu  on  <l<»nnant  à  cotte  per- 
sonne un  induit  lui  permettant  de  communier  troiji  fois  par  semaine, 
sans  être  à  jeun. 

Cette  réponse  nous  montre  très  clairement  que  Rome  veut  favoriser 
ces  malades,  qui  cependant  ne  peuvent  pas  profiter  du  décret  sur  la 
Communion  des  inlirmes  qui  ne  sont  pas  à  jeun. 

II,  —  Devoirs  pratiques 

Jusqu'ici  nous  avons  exposé  les  règles  à  observer  dans  l'administration 
de  la  sainte  Eucharistie,  il  nous  reste  à  dire  ce  que  doit  faire  le  prêtre 
zélé. 

I.  —  En  premier  lieu,  il  doit  faire  connaître  aux  fidèles  leurs  devoirs 
et  leurs  droits.  Il  prêchera  donc  l'obligation  grave  qui  incombe  à  tout 
fidèle,  même  aux  enfants,  de  recevoir  la  sainte  Communion  quand  existe 
le  danger  probable  de  mort.  Dans  les  catéchismes,  dans  les  prônes, 
après  leur  avoir  dit  ce  qui  constitue  le  danger  probable  de  mort,  il  leur 
exposera  combien  il  est  utile  de  communier  dès  que  ce  danger  existe,  et 
il  montrera  les  avantages  très  considérables  qu'ils  jjourront  retirer  de 
la  sainte  Communion  faite  plusieurs  fois  dans  un  tel  danger. 

De  plus,  le  prêtre  doit  faire  connaître  le  décret  sur  la  Communion 
des  infirmes  qui  ne  sont  pas  à  jeun,  et,  pour  éviter  toute  exagération  de 
la  part  des  fidèles,  il  doit  exposer  avec  beaucoup  de  clarté  et  une  grande 
précision  les  différentes  conditions  que  rcMpiiert  le  décret  pour  l'usage 
du  privilège  accordé. 

II,  —  En  second  lieu,  conformément  aux  ordonnances  do  Sa  Sainteté 
Pie  X,  dans  le  décret  sur  la  Communion  fréquente  et  même  quotidienne, 
les  curés,  confesseurs  et  iirédicateurs  exhorteront  souvent  et  avec  zèle  les 
pauvres  malades  à  communier  fréciuemment.  Quand  on  reçoit  souvent 
Jésus  dans  son  cœur  par  la  Communion,  il  est  plus  facile  de  souffrir,  de 
supporter  les  ennuis  de  la  maladie.  Au  surplus,  les  souffrances  ac- 
quièrent alors  un  mérite  exceptionnel,  puisqu'elles  deviennent  en  (luelipie 
sorte  les  souffrances  d'un  Dieu. 

in.  —  Cependant  il  ne  suffit  i)as  d'instruire  et  d'exhorter,  il  faut 
encore  agir.  Aussi  le  ])rêtre  zélé  sera  toujours  heureux  d'atvé<ler  aux 
légitimes  désirs  de  ses  ouailles.  Sans  consulter  ses  goûts  et  ses  commo- 
dités, il  ira  porter  la  sainte  Communion  à  tous  ceux  (pii  la  désironmt  à 

bon  droit. 

Toutefois,  ce  zèle  doit  être  prudent  et  wlairé.  Aussi  faut-il  a<hnettr? 
qu'à  certains  jours,  par  exemple,  le  premier  vendro<li  du  mois,  le  di- 
manche, le  jour  d'une  communion  générale,  etc.,  on  ne  i)eut  fa.  '  t 
porter  la  Communion  à  domicile;  ce  serait  souvent  négliger  la  nu,  - 
fidèles,  pour  se  donner  au  soin  de  (|uel<iues  privilégiés.  Mais,  en  dehors 
de  ces  jours  où  le  prêtre  peut  pros<iue  toujours  et  doit  souvent  refuser 

de  porter  la  Communion  à  ceux  qui  ne  s(»nt  pas  en  danger  ■' v     • 

port  de  la  sainte  Ku<-liaristie  à  tous  les  mala-le-  e«f  une  -le- 

o-raves  du  saint  ministère. 

"  Sans  doute  l'exercice  de  ce  ministère  sera  plus  onereuv.     Mais  non» 


—  654  — 

devons  nous  rappeler  que,  de  par  sa  vocation,  le  prêtre  doit  continuer 
l'œuvre  d'un  Dieu  crucifié. 

Cependant  ne  sera-ce  pas  une  corvée  insupportable,  que  d'aller  distri- 
buer tant  de  communions  dans  les  maisons  particulières?  Le  soin  de 
ces  malades  ne  rendra-t-il  pas  impossible  l'accomplissement  des  autres 
parties  de  notre  tâche?  Nous  ne  devons  pas  nous  laisser  effrayer  par 
cette  difficulté.  En  effet,  dans  les  communautés  et  dans  les  villes,  les 
distances  étant  très  courtes,  la  distribution  de  la  Communion  aux  ma- 
lades se  fait  sans  grande  fatigue  et  sans  absorber  un  temps  bien  long. 
Mais  à  la  campagne?  Examinons  ce  qui  se  passe  habituellement.  Suppo- 
sons une  paroisse  de  1500  communiants,  si  dans  une  telle  paroisse,  se 
trouvent  15  personnes  réunissant  toutes  les  conditions  exigées  pour  la 
communion  à  domicile,  nous  pouvons  affirmer,  et  personne  ne  nous 
contredira,  qu'il  y  a  beaucoup  de  malades  dans  cette  paroisse  ;  bien  plus 
nous  pouvons  affirmer  que  rarement  ce  nombre  sera  dépassé.  Or,  ces 
malades  ou  bien  habitent  tous  une  même  partie  du  territoire  paroissial, 
ou  bien  ils  sont  disséminés  dans  les  différentes  parties  de  la  paroisse. 
Dans  la  première  hypothèse,  il  aura  deux  voyages  à  faire  par  mois  ;  dans 
la  seconde,  il  y  en  aura  souvent  quatre,  quelquefois  six,  rarement  huit. 
Est-ce  si  difficile?  Peut-on,  étant  donné  ce  petit  calcul,  crier  à  l'im- 
possibilité?' Surtout  si  l'on  tient  compte  que  dans  la  plupart  de  ces 
paroisses  il  y  a  curé  et  vicaire  ;  que,  en  outre,  les  paroisses  très  étendues 
sont  rares.  Avec  un  peu  d'ordre  et  beaucoup  de  bonne  volonté,  on  peut; 
donc  facilement  trouver  le  temps  d'aller  communier  les  malades  et  de 
remplir  les  autres  devoirs  de  notre  saint  ministère. 

Essayons  donc  franchement  et  nous  verrons  que  le  Souverain  Pontife, 
en  homme  habitué  au  ministère  paroissial,  a  évité  l'encombrement  de  ce 
ministère  quand  il  a  fait  la  distinction  entre  malades  qui  habitent  des 
maisons  ayant  chapelle  ou  oratoire,  et  malades  qui  habitent  loin  de 
l'église. 

En  outre,  le  prêtre,  ayant  des  malades  qui  ne  peuvent  pas  jeûner,  mais 
qui  ne  réalisent  pas  toutes  les  conditions  du  décret  expliqué  plus  haut, 
doit  par  charité  demander,  par  l'entremise  de  l'évêque,  des  induits  pour 
que  ces  malades  puissent  faire,  de  tem^ps  en  temps,  la  sainte  Communion 
sans  être  à  jeun.  Multiplions  ces  demandes  autant  qu'il  nous  sera 
possible.  Plus  nous  ferons  de  ces  demandes,  plus  nous  hâterons  l'ex- 
tension du  décret. 

Vœu  : 

Enfin,  et  c'est  par  là  que  je  termine,  je  propose  le  vœu  suivant  à  la  ra- 
tification de  la  Section  Sacerdotale  du  Congrès  Eucharistique  de  Mont- 
réal :  il  est  à  souhaiter  que  le  privilège  donné  le  7  décembre  1906  soit 
étendu  à  toutes  les  personnes  qui,  au  jugement  du  médecin,  ne  peuvent, 
d'une  façon  habituelle,  rester  à  jeun  jusqu'à  l'heure  convenable  pour  la 
sainte  Communion. 

En  attendant,  que  tous  les  prêtres  qui  sont  dans  le  saint  ministère, 
donnent  un  soin  spécial  à  leurs  malades  et  s'efforcent,  avec  le  plus  grand 
dévouement,  de  leur  ménager  une  communion  aussi  fréquente  que  pos- 
sible. 


—  655  — 


Puis  la  parole  est  donnée  an  dernier  rapporteur,  le  K.  P 
Marchai,  llédemptoriste,  qui  doit  traiter  de  : 


Ii'EDUCATION  EUCHARISTIQUE  DU   PEUPLE 


L'objet  du  présent  rapport,  c'est  l'Education  considérée,  non  dans  son 
sens  pédagogique,  c'est-à-dire  :  le  développement  des  facultés  intellec- 
tuelles et  morales  de  Thomme,  mais  dan^  son  aception  courante  qui  est 
la  connaissance  et  la  pratirpie  dos  règles  de  déférence  et  de  respect  dans 
les  relations  sociales.  Appliqué  à  TEucharistie  ce  mot  indicpUTa  la  di- 
gnité, la  convenance  extérieure  à  l'égard  de  Dieu  de  nos  autels. 


Importance  de  la  question. 

L'importance  du  respect  extérieur  le  cède  évidemment  à  celle  des  dis- 
positions intérieures  du  fidèle.  La  ru.^ticité  dans  la  réception  des  Sacro- 
nients  est  un  bien  moindre  mal  que  l'attachement  au  péché  mortel. 

Pourtant,  si  cette  formation  extérieure  ne  vient  qu'au  second  plan, 
n'allons  pas  en  déduire  que  ce  soit  une  puérilité  négligeable.  Dans  le 
composé  humain,  le  corps,  lui  aussi,  ne  vient  qu'au  second  plan,  on  ne  le 
dédaigne  pas  pour  cela,  bien  au  contraire. 

Il  n'y  a  pas  à  dédaigner  davantage  l'éducation  extérieure.  Dieu  est 
l'auteur  de  notre  corps  comme  il  est  l'auteur  de  notre  âme,  et  le  corps 
doit  s'associer  à  l'âme  dans  le  culte  (pie  nous  devons  au  Seigneur. 

De  plus,  notre  corps  n'est  pas  une  sorte  d'enveloppe  de  l'âme,  mais 
il  forme  avec  elle  une  union  substantielle  si  bien  que  notre  âme  n'agit 
et  n'opère  que  par  les  organes  corporels,  qu'elle  ne  ]ieut  giu'Te  éprouver 
de  sentiments,  soit  de  joie,  soit  de  tristesse,  soit  de  c(»lère,  sans  les  ma- 
nifester corporellement.  Si  donc  elle  éprouve  des  sentiments  d'adoration, 
d'amour,  d'espérance,  de  repentir,  elle  doit,  en  vertu  des  lois  psycholo- 
giques, les  témoigner  extérieurement. 

On  nous  objectera  peut-être:  "  Spiritiis  est  Drus,  et  ens  qui  adorant 
eum  in  spiritù  et  veritate  oportet  adorare."  (Jo.  IV.  24).  Certes  oui, 
il  faut  adorer  et  aimer  Dieu  de  tout  son  esprit,  de  toute  son  Ame  et 
témoigner  cette  adoration  en  toute  vérité  et  sincérité. 

Mais  encore:  "  Spiritus  est  qui  vivifient,  caro  non  prodest  iiuidminm  " 
(Jo.  YI.  64).  La  chair,  le  corps  privé  de  son  âme  n'est  plus  «in'un  ca- 
davre. Les  démonstrations  extérieures  chez  ceux  qui  n'ont  pas  de  piété 
ne  sont  que  jonglerie  et  hvpo  -risic  Dicn  reiK)Us<c  les  sacrifu-es  otTert.s 
par  une  conscience  impie  (Malach.  I.  7).  Voilà  ce  que  signifient  ces 
paroles  divines.  .Tançais  le  Seigneur  n'a  réprouvé  cMiinn.'  t. -II. 
extérieur:  bien  loin  de  là.  Qu'on  se  rappelle  les  prescriptions  in., 
par  Dieu  même  à  M(.ï>e  sur  le  Mont  Sinaï.  à  .Tosué  d.'vant  Jerhho  : 
"Salve  cfrlceamentam  de  prdibus  tuis.  locus  enim  in  qun  stas  terra 
sancta  est."  (Vx.^]l.  5.. -Jof^.  Y.  }a). 

Et  tout  le  I^ituel,  œuvre  de  Dieu  aussi,  con.  Pmnnt  le  culte  extoneiir 


—  656  — 

des  Hébreux  :  que  de  téinoignagi^>s  de  vénération  et  pour  l'Arche  d'Al- 
liance, et  pour  le  Tabernacle,  et  pour  le  Saint  des  Saints!  Eituel  bien 
long,  bien  rigoureux,  bien  mortifiant.  Oui,  le  code  de  civilité  envers 
Dieu  était  bien  sévère  dans  l'Ancien  Testament. 

Notre-Seigneur  Jésus-Christ  se  montre  plus  accessible.  Avec  Lui, 
le  cérémonial  se  simplifie;  nos  temples  sont  les  maisons  du  Père  de 
famille  plutôt  qu'un  palais  impérial.  Mais  la  grossièreté  y  est-elle  de 
mise?  Ce  serait  une  insulte  à  Dieu,  une  injure  à  la  race  humaine. 
"  Si  je  croyais  à  la  présence  réelle,  disait  un  hérétique,  je  passerais  ma 
vie  à  genoux."  Laissons  de  côté  la  politesse  timide  et  tremblante  de  la 
servilité,  mais  pratiquons  la  noble  urbanité  de  l'amour  filial:  Dieu  la 
mérite  bien. 

Aussi,  guidée  par  l'Esprit-Saint,  l'Eglise  Catholique  a-t-elle  réglé  les 
moindres  détails  de  sa  liturgie.  Tenue,  maintien  du  corps,  position  des 
membres,  jonctions  ou  mouvements  des  mains,  génuflexions,  prostrations, 
signes  de  croix,  direction  même  des  regards,  tout  a  été  défini  et  com- 
biné avec  une  sagesse  qui  arrachait  au  grand  Leibnitz  cet  aveu  mémo- 
rable :  "  L'Eglise  catholique,  c'est  la  grande  école  du  respect." 

Lors  même  que  l'autorité  religieuse  n'eût  rien  statué  de  semblable, 
le  simple  bon  sens  l'exigerait.  La  vie  sociale  n'a-t-elle  pas  son  code  de 
savoir-vivre?  Code,  dont  le  monde  réclame  perpétuellement  l'exécution, 
nonobstant  les  fatigues,  gênes,  privations  qu'il  impose  ;  code  qui  sait 
graduer  ses  prescriptions  d'après  les  dignités,  les  relations,  les  circons- 
tances. Ira-t-on  refuser  au  Eoi  des  Eois  des  hommages  que  l'on  accorde 
aux  moindres  personnages  d'ici-bas  ? 

A  supposer  que  Dieu  ne  tienne  aucun  compte  pour  lui-même  du  culte 
extérieur,  la  seule  raison  de  l'édification  mutuelle  le  requerrait  à  tout 
prix. 

Le  culte  extérieur,  en  effet,  est  bien  le  seul  que  les  hommes  connaissent. 
Dieu  seul  pouvant  contempler  notre  âme  et  ses  opérations  internes;  les 
démonstrations  visibles  sont  donc  le  grand  bien  social,  la  chaîne  de 
transmission  des  pratiques  religieuses.  Pour  le  grand  nombre  (spé- 
cialement les  ignorants  et  les  enfants),  c'est  la  grosse  moitié  de  la 
religion. 

Que  le  prêtre  donne  au  peuple  l'exemple  de  l'incivilité,  du  laisser-aller, 
le  peuple  se  rebute  et  se  scandalise.  Qu'il  se  montre  plutôt  modeste, 
recueilli,  réservé  dans  le  lieu  saint,  alors  il  a  le  don  d'attirer  les  âmes 
à  Dieu.  Le  fameux  "  sermon  "  muet  de  saint  François  d'Assise,  les 
signes  de  croix  du  vénéré  Père  de  Eavignan,  la  tenue  de  saint-François 
de  Sales,  la  modestie  des  regards  de  saint-Louis  de  Gonzague,  le  re- 
cueillement de  saint-Vincent  de  Paul  à  l'autel  sont  des  thèmes  connus 
de  tous. 

"  Modestia  vestra  nota  sit  omnibus  Iwminihus!  "  (Phil.  IV.  5). 

Ce  n'est  pas  tout.  Salutaii'e  aux  autres,  pareille  éducation  est  encore 
fort  utile  à  nous-mêmes.  L'âme  et  le  corps  vont  de  pair  bien  souvent. 
Qui  néglige  la  posture  dans  la  prière  néglige  presque  toujours  la  prière 
elle-même.  Assouplir  le  corps,  l'humilier,  le  courber  devant  Dieu,  c'est 
aider  puissamment  l'Ame  dans  ses  sentiments  intérieurs. 

Croyons-en  un  guide  bien  expérimenté,  Mgr  de  Ségur,  d'après  le 
conseil  suivant  que  nous  cueillons  dans  son  beau  traité  :  "  La  piété  en- 


—  657  — 

seignée  aux  enfants,  (La  prière  cli.  V);-  Sais-tu  mon  enfant,  un 
excellent  moyen  de  s'exciter  à  la  ferveur  dans  la  i)ri('re  ?  C'est  de  ])rier 
à  haute  voix  quand  tu  es  seul,  ou  bien  de  prit-r  les  bras  étendus  en 
croix,  ou  simplement  croisés  sur  la  poitrine,  (.'es  petits  moyens  sont 
excellents  et  portent  l'âme  vers  Dieu." 

Après  cet  exposé  de  principes,  le  Kappurteiir,  tout  en 
constatant  le  respect  extérieur  de  nos  croyantes  populations, 
indique  les  trois  dangers  qui  menacent,  selon  lui,  d'attiédir 
ces  heureuses  dispositions:  la  liberté  plus  ou  moins  décente 
des  toilettes  féminines,  la  manie  de  craclier  dans  le  lieu 
saint,  le  manque  de  tenue  et  le  sans-gêne  dans  les  attitudes. 
Puis  il  conclut  : 

Si  donc,  dans  l'éducation  de  notre  peuple,  il  y  a  du  bon,  même  du 
très  bon,  il  y  a  aussi  à  censurer  et  à  corriger.  Corriger?  Parole  pé- 
nible. Cependant  Tal^us  existe  et  ne  disp;iraîtra  ]ias  de  soi-même,  bien 
au  contraire.  L'intervention  de  l'autorité  pastorale  est  requise,  et  les 
prêtres  vraiment  eucharistiques  ne  pécheront  point  ici  par  négligence. 
Mais  quelle  conduite  adopter  ? 

Il  est  superflu,  au  préalable,  de  demander  au  prêtre  rensoigncnicnt  de 
l'exemple,  (^u'il  soigne  donc  son  maintien  dans  les  fonctions  sacrées; 
qu'il  accomplisse  ses  signes  de  croix,  ses  génuflexions  avec  la  dignité 
d'un  honnne  pénétré.  Le  sans-façon  sacerdotal  est  un  enseignement 
déplorable  pour  le  peuple. 

\'ienne  ensuite  l'enseignement  de  vive-voix.  Tl  faut  parler  au  peuple, 
du  moins  de  temps  en  temps,  du  respect  extérieur  qu'il  doit  à  Pieu. 

Enfin,  réagissons.  Accomplissons  ce  devoir  lentement  et  sûrement, 
avec  prudence,  douceur  et  ténacité.  Inutile  de  dire  qu'il  faudra  y  re- 
venir plusieurs  fois. 

a)  Commencer  par  former,  ou  plutôt  reformer  l'ojnninn  publique. 
Beaucoup  de  nos  gens  ne  se  doutent  pas  de  l'inconvenance  de  leur  tenue 
à  l'égli.-e.  Attirer  leur  attention  sur  ce  point  c'est  réhabiliter  la  civilité 
religieuse,  et  discréditer  le  défaut  contraire.  Ce  défaut  étant  notoire, 
une  fois  condamné  dans  ro|)inion,  il  tendra  à  diminuer,  même  chez  les 
pins  négligents. 

Dans  cette  vue:  Enseignons  cette  réforme  si  désirable  dans  nos  Tri- 
duums  Eucharistiques,  par  une  instruction  spéciale,  ou  au  moins  l'un 
des  points  du  sermon. 

S'il  V  a  dos  abus  notables,  tels  <iuc  ceux  (i-dessus  mentionnés,  pas  de 
silence  s.  v.  p.!  l)énon<,ons-les  en  chaire,  sans  respect  humain  et  souvent. 

Peut-être  des  abus  auront-ils  besoin  d'être  frappés  par  un  bon  règle- 
ment dûment  apiu-ouvé  et  pdiictiielleineiit  exisuté:-'  Pas  de  négligence 
ni  de  lâcheté:  le  Dieu  de  nos  tabenuicles  mérite  tous  nos  soins. 

h)  Mais  pour  être  efficace  la  réaction  doit  B'opérer  surtout  chez  l'en- 
fanre  et  la  jeunesse.  C'est  le  jeune  âge,  en  efTet.  (|Ui  est  le  plus  en  faute, 
et  d'antre  part,  c'est  lui  (|ui  est  encore  jdus  suscei)tib1e  d'nmendenu'nt. 

A  l'égard  des  gareons  :  que  MM.  le-;  lUrés,  (  atéM-bistes.  FF.  direfteur*. 
instituteurs,  détournent   les  élèves  de  cracher  A  terre  dnn.4  le»  t-glis<»H  ; 


—  658  — 

qu'ils  ne  tolèrent  pas  ces  postures  molles  et  décrépites,  ces  enfouisse- 
ments des  mains  dans  les  poches,  et  autres  incivilités  de  cette  valeur. 
Quoi  de  plus  rationnel  que  d'habituer  ces  jeunes  gens  à  tenir  un  livre 
quand  ils  sont  à  leur  place,  et,  quand  ils  viennent  à  la  Sainte  Table,  a 
joindre  les  mains,  ou  du  moins  replier  les  bras  sur  la  poitrine  ? 

A  l'égard  des  filles?  Que  les  supérieurs  ecclésiastiques  et  les  direc- 
trices de  pensionnat,  réclament  l'exécution  des  lois  de  la  modestie  reli- 
gieuse, notamment  que  les  élèves  n'entrent  à  la  chapelle  que  la  tête  bien 
voilée,  je  veux  dire  le  sommet  de  la  tête,  non  l'arrière,  et  d'un  voile  qui 
soit  un  voile,  donc  un  peu  moins  transparent  que  ceux  qui  sont  de  mode 
aujourd'hui.  La  vanité  de  ces  demoiselles  en  souffrira,  mais  la  piété 
eucharistique  le  demande. 

Dans  les  maisons  d'éducation  (écoles,  collèges,  académies,  pension- 
nats) il  est  très  bon  de  faire  de  la  tenue  extérieure  un  point  (avec  note) 
du  compte-rendu  mensuel,  et  dans  les  associations  de  jeunesse,  un  article 
de  règle  n  eut. 

Le  zèle  eucharistique  suggérera  aux  pasteurs  d'autres  moyens  oppor- 
tuns et  efficaces  dans  cette  œuvre  de  restauration. 

Voeu  : 

En  terminant  nous  nous  permettons  de  formuler  le  voeu  suivant,  que 
nous  soumettons  à  l'approbation  du  congrès  : 

Comprenant  toute  l'importance  de  l'Education  eucharistique  de  notre 
peuple,  et  constatant,  combien  en  certains  points,  elle  est  négligée. 

Que  les  prêtres  et  les  maîtres  qui  ont  autorité  sur  les  fidèles  travaillent 
à  obtenir  de  leurs  subordonnés  la  vénération  du  saint  Heu,  —  un  costume 
décent;  —  une  pisture  respectueuse  et  digne,  surtout  dans  la  fréquen- 
tation de  la  Sainte  Table. 

"  Glorificate  et  portate  Deum  in  corpore  vcsiro."     (I  Cor.  VI.  20). 


Après  le  R.  P.  Marchai,  le  Secrétaire  présente  à  rassemblée 
un  travail  qui  lui  a  été  envoyé  par  M.  le  Chanoine  Cabanel, 
aumônier  au  lycée  de  Montpellier,  France. 

L'EUCHARISTIE  CONSIDEREE  COMME 
REMEDE  SOCIAL 


Selon  l'enseignement  de  l'Eglise  catholique,  l'Eucharistie  est  Jésus 
présent  parmi  nous,  s'offrant  en  sacrifice  et  en  nourriture  pour  le  salut 
du  monde. 

Le  Rationalisme  répudie  ce  magnifique  "Don  de  Dieu."  Il  considère 
l'Eucharistie  comme  un  mémorial  ou  un  symbole.  Prenant  à  son  compte 
le  sophisme  l)lasphématenr  de  Proudhon,  il  dénie  toute  vertu  surna- 
turelle au  remède  sacré  que  les  fidèles  trouvent  dans  l'Eucharistie,  et 
dit  avec  lui:  "Depuis  la  communion,  le  nombre  des  vices  et  des  vicieux 
a-t-il  diminué,  sur  la  terre  ?  " 


—  Côù  — 

C'est  en  réponse  à  cette  haineuse  aitirmation,  qu'a  été  rédigé  le  pré- 
sent mémoire. 

L'auteur  se  propose: 

1.  D'établir  que  le  nombre  des  vices  et  des  vicieux  a  diminué  sur  la 
terre,  grâce  à  l'Eucharistie. 

2.  De  rechercher  pour  quel  motif,  malgré  l'Eucharistie,  le  nombre  dea 
vices  et  des  vicieux  reste  trop  considérable. 

3.  Enfin,  de  proposer  quelques  moyens  pratiques  pour  diminuer  par 
l'Eucharistie,  le  nombre  des  vices  et  des  vicieux. 

1°  Le  nombre  des  vices  et  des  vicieux  a  diminué  sur   la  terre,  grâce  a 
l'Eucliaristie. 

L'Eglise  n'a  pas  la  prétention  d'enseigner  à  l'homme,  qu'une  fois  uni 
à  Dieu,  par  la  communion,  il  ne  ressentira  plus  les  atteintes  des  pas- 
sions. Xon,  les  passions  ne  disparaîtront  pas  de  la  terre;  c'est  jusqu'au 
bout  que  nous  en  subirons  les  assauts.  Il  n'y  a  rien  là  qui  doive  nous 
étonner  ni  nous  décourager.  Le  chrétien  est  un  soldat  dont  la  vie  est 
une  longue  et  douloureuse  bataille  et  dont  le  ciel  sera  la  réc<  mpense. 

Défiant  par  avance,  toutes  les  philosophies  de  l'avenir,  l'Eglise  ensei- 
gnait aux  chrétiens  des  catacombes  ce  qu'elle  enseigne  aux  chrétiens  du 
XXe  siècle;  à  savoir  que  l'homme  naît  avec  des  instincts  pervers,  qu'il 
n'est  vertueux  que  par  un  elîort  de  sa  volonté.  A  .T.-.Tacques  lîousïJoau 
soutenant:  "L'homme  naît  bon,  c'est  la  société  qui  le  déprave,"  l'Eglise 
répond  par  l'enseignement  de  l'Apôtre  Pierre  aux  premiers  chrétiens: 
"  Soyez  vigilants,  car  vos  passions  semblables  à  un  lion  rugissant,  cher- 
chent à  vous  dévorer."  Continuant  les  enseignements  du  Christ,  "  Le 
rovaume  des  cieux  souffre  violence,  seuls,  les  violents  le  pourront  con- 
quérir." Il  faudra  donc,  juscju'au  dernier  jour  de  sa  vie,  <}ue  le  chrétien 
se  fasse  violence,  qu'il  porte  sa  croix,  la  croix  de  sa  nature  viciée.  A 
la  porter  seul,  l'homme  défaillerait.  De  la  part  du  Christ,  l'Eglise  va 
vers  l'homme,  ce  composé  de  corps  et  d'esprit,  cet  être  dont  le  front 
touche  les  cieux  et  dont  les  pieds  sont  dans  la  poussière;  elle  lui  offre 
la  communion  eucharistique,  secours  du  corps,  secours  de  l'âme.  Mais 
elle  a  grand  soin  de  lui  rappeler  que  lorsqu'il  aura  communié  au  corps 
et  au  sang  de  Jésus-Christ,  ses  passions  resteront  en  germe,  ne  pouvant 
être  maîtrisées  qu'au  prix  de  constants  efforts.  Pour  éviter  toute  éf^ui- 
voque,  l'Eglise  impose  à  l'homme  le  rigoureux  devoir  de  ne  s'approcher 
de  la  communion  (lu'avec  un  cœur  purifié  et  l'aveu  de  ses  fautes.  Pour 
recevoir  l'Eucharistie,  le  cliréticn  devra  exi)ier  les  injustices  commises, 
satisfaire  à  Dieu  et  au  prochain,  restituer  tout  bien  \m\\  ai-quis,  par- 
donner les  offenses    reçues,    briser   tous    liens    coupables,  être  ■'  à 

lutter  contre  ses  penchants  et  ses  convoitises.     Il  devra  encNirc  -    ^it 

par  serment  formulé  devant  Dieu,  à  éviter  désormais  l'iK-casion  mêiue  de 
tout  péché  grave.  Puis  l'Eglise  toujours  convaincue  de?  faiblesses  de 
l'homme,  ha  rappelle  que  "  (luiconijue  s'approche  de  la  T  •'  '  inte,  sans 
être  diirnenuMit  préparé,  mange  et  boit  sa  propre  condan  i. 

Peut-on  plus  clairement  reconnaître  que  les  passions  r*-stent  en  nous, 
toujours  vivantes  et  par  cons^pient  nous  diligent  à  rester  vigilanU  et  à 


—  660  — 

chercher  du  secours  contre  elles.     L'Eglise  n'enseigne  donc  pas  que  les 
vices  sont  abolis,  mais  simplement  diminués  par  l'Eucharistie. 

Elle  affirme  en  outre  que  la  communion  crée  dans  l'âme  l'habitude  du 
bien  et  suscite  les  plus  héroïques  vertus  !  Konie  païenne  voulut  avoir 
des  vierges  ;  on  sait  à  quelle  horrible  sanction  il  fallut  recourir  pour  les 
conserver  dans  leur  chasteté  !  L'Eglise  catholique  a  eu  ses  Vierges 
aussi  !  Tandis  que  le  plus  cruel  des  supplices  était  le  châtiment  des 
A^stales  infidèles  à  leur  mission,  nos  Vierges  chrétiennes  ont  versé  leur 
sang  jusqu'au  martyre  pour  défendre  leur  vertu.  Et  tous  les  jours, 
partout  où  s'élève  une  croix,  des  milliers  de  Vierges  trouvent  un  en- 
chantement tout  divin  à  se  conserver  telles.  Aucune  sanction,  aucune 
contrainte  ne  les  maintient  fidèles  à  leurs  vœux.  Elles  se  contentent  de 
pénétrer  la  beauté  de  l'Hostie  et  de  boire  à  la  coupe  sacrée  du  vin  qui 
fait  germer  les  Vierges  !  Parce  que  Vierges,  elles  sont  devenues.  Mères 
des  orphelins.  Sœurs  des  malades,  Missionnaires  des  peuples  sauvages^ 
vaillantes  comme  des  soldats  ;  elles  vont  sur  le  champ  de  bataille  dis- 
puter à  l'ennemi  ses  victimes  expirantes,  pour  leur  montrer  le  ciel  et 
adoucir  leur  mort!  D'où  leur  vient  ce  courage,  cette  vertu,  cette  auréole 
de  sainteté  qui  imposent  le  respect,  dans  les  milieux  les  plus  hostiles, 
parfois  infâmes,  où  les  mène  leur  apostolat?  De  la  communion  qu'elles 
reçoivent  chaque  jour! 

Que  ne.  devrions-nous  pas  dire  de  cette  phalange  de  prêtres,  de  reli- 
gieux, de  missionnaires,  qui,  soutenus  par  l'Eucharistie,  remplissent  leur 
devoir  quotidien,  avec  un  dévouement  sans  mesure  ;  sacrifient  leur  repos, 
leur  santé,  leur  vie,  pour  conquérir  les  âmes  à  Jésus-Christ?  où  donc 
s'entretient  cette  flamme  qui  les  anime,  sinon  dans  le  Sacrement  de 
l'Autel? 

Et  si  du  domaine  des  âmes  consacrées  à  Dieu,  nous  passons  dans  le 
monde  des  fidèles,  nous  serons  encore  plus  émus,  en  présence  des  mer- 
veilleux effets  opérés  par  l'Eucharistie. 

On  reproche  beaucoup  aux  classes  riches  de  la  société  de  n'avoir 
d'autre  but  que  la  jouissance  de  leur  fortune.  Ceux  qui  jugent  les  choses 
a  la  surface,  s'arrêtent  aux  abords  brillants  de  certaines  existences.  Ils 
ne  voient  pas,  ils  ne  savent  pas  que  les  personnes  rencontrées  par  eux, 
le  soir,  dans  de  luxueuses  voitures,  étaient  debout  dès  l'aurore,  pour 
assister  à  la  messe  et  recevoir  l'Eucharistie.  Leur  matinée  avait  fui 
pendant  qu'elles  visitaient  les  pauvres,  soignaient  les  malades  ou  bien  se 
réunissaient  dans  les  salles  paroissiales,  pour  y  travailler  au  vestiaire  de 
l'autel.  D'autres  quittaient  leur  demeure,  catéchistes  des  enfants  dvi 
peuple,  à  la  recherche  des  ménages  irréguliers  et  des  enfants  non  encore 
baptisés.  Le  fruit  de  leur  bienfaisante  intervention  vaut  à  ces  familles, 
la  double  grâce  du  mariage  et  du  baptême.  On  ne  saurait  séparer  des 
œuvres  de  ces  femmes  chrétiennes,  celles  des  hommes  et  spécialement  les 
œuvres  de  S.  Vincent  de  Paul  et  de  S.  François-Eégis,  toutes  deux  si 
modestement  bienfaisantes  et  moralisatrices;  les  Patronages  où  nos  étu- 
diants catholiques,  dédaigneux  des  plaisirs  que  la  jeunesse  ne  recherche 
pas  sans  remords  et  sans  honte,  réalisent  auprès  d'enfants  parfois  livrés 
à  eux-mêmes,  de  vraies  résurrections  d'âmes,  en  leur  révélant  les  beautés 
de  la  vertu,  se  faisant  ainsi  pardonner  tous  ensemble,  devant  leur  cons- 


—  661  — 

cience  et  aux  yeux  des  pauvres  qu'ils  évangélisent,  la  part  de  richesses 
qu'ils  ont  reçue  à  leur  naissance,  sans  avoir  rien  lait  jjour  la  mériter! 

Et  si  des  évangélisateurs,  nous  passons  aux  évangélisés,  comna-n; 
n'être  pas  ravis  de  cette  phalange  de  jeunes  filles  pauvres  passant  leur 
vie  à  l'atelier,  dédaignant  la  voix  tentatrice  ou  l'exemple  provocateur 
d'anciennes  compagnes  qui  leur  dit  et  leur  montre  la  facilité  (ju'elles 
auraient  aussi,  à  se  ])rocurer  une  existence  d'un  luxe  é'clabuussant. 

On  le  voit:  Elle  est  imposante  comme  une  formidable  armée  celte 
légion  d'âmes  que  la  vie  n'atteint  pas,  soit  du  côté  de  ceux  qui  donnent, 
soit  du  côté  de  ceux  <iui  reçoivent.  A  qui  donc  cette  double  élite  d'âmes 
doit-elle  la  foi  qui  l'inspire,  l'espérance  qui  la  soutient,  la  charité  <jui 
l'enflamme?  —  A  l'adorable  Eucharistie!  Protestation  vivante  contre 
le  sophisme  menteur  de  Proudlion. 

11°  Pourquoi,  malgré  la  Communion,  le  nombre  des  vices  et  des  vicieux 
est-il  encore  si  grand  sur  la  terre? 

Eeconnaissons-le  sans  détour,  car  ''  Dieu  n'a  pas  besoin  de  nos  men- 
songes." Il  est  vrai  que  le  nombre  des  vices  et  des  vicieux  reste  encore 
trop  considérable  malgré  la  Communion.     Pourquoi!" 

Remarquons  d'abord  que  les  vicieux  satisfaits  dans  leurs  ^^ce^,  se 
gardent  bien  d'aller  chercher  un  remède  aux  maux  qu'ils  atreclionnent. 
Il  faudrait  sacrifier  à  des  habitudes  chères  et  ils  préfèrent  redire  le  mot 
résigné  du  poète  :  "  Video  miliora  prohoque,  détériora  seqnur."  La  vraie 
raison  du  trop  grand  nombre  fies  vices  et  des  vicieux  malgré  la  commu- 
nion, provient  de  ce  que  l'Eucharistie  est  : 

1.  Mal  comprise, 

2.  Surtout  mal  reçue. 

1°  Elle  est  mal  comprise  par  beaucoup  de  chrétiens.  Ils  oublient 
trop  que  l'Eucharistie  est  un  remède  qu'il  faut  recevoir,  sans  se  lasser, 
jusqu'à  complète  guérison.  Peut-être,  aux  jours  de  communion  ont-ils 
entendu  leur  conscience  imiuiète  crier  contre  des  défauts  persistants. 
Et  ils  se  sont  découragés,  oubliant  qu'ils  ont  le  droit  de  dire  à  leur 
conscience  ou  aux  témoins  cho(jués  de  la  ])ersistance  de  leurs  défaut*, 
"que  serais-je  devenu  si  je  n'avais  j)as  communié!-'  —  Je  serais  devenu 
pire!"  Le  corps  n'a-t-il  pas  besoin  de  preiulre  maintes  fois  le  même 
remcHle,  devant  la  persistance  d'une  maladie  olistinée!'  L'âme  est 
comme  le  corps,  elle  ne  vit  que  par  la  grâce;  et  où  la  trouvera-t-elie  en 
dehors  de  Jésus-Christ!"  Elle  doit  aller  constamment  puiser  à  cette 
source  universelle  de  grâce,  parce  (pie.  dit  saint  Thomas  d'Acpiin: 
"Jésus-Christ  devait  non  seulement  être  Saint,  mais  faire  <les  .««aints  et 
s'appeler  le  Saint  des  Saint.s."  Le  corps,  par  suite  de  la  communion, 
s'unit  au  corps  de  Jésus-Christ,  et  le  corps  du  chrétien  uni  au  corjis  (hi 
Christ  sent  en  lui  s'affaiblir  la  concupiscence  et  grandir  le  gennc  (le  la 
glorieuse  résurrection.  —  L'âme  éprouve  à  la  communion  les  mêmes 
bienfaits  que  le  corps.  Elle  est  nourrie  par  la  grâce,  guérie  de»  maux 
du  péché,  soutenue  contre  de  nouvelles  chutes,  illuminée  par  la  lumière 
du  Christ,  grandie  par  sa  grandeur,  ravie  par  son  harmonie,  conquise 
par  sa  bonté!  Et  puisque  le  beau,  d'apn'-s  la  juste  dèlinition  de  \mcov- 
daire  "est  l'épanouissement  de  l'être,  dans  la  grandeur,  l'haniionie,  la 


—  662  — 

lumière  et  la  bonté,"  l'âme  du  chrétien  se  trouve  par  l'Eucharistie, 
embellie  de  la  beauté  même  du  Verbe  Incarné.  L'Eucharistie  est  donc 
le  remède  offert  par  Dieu  à  l'homme  pour  guérir  ses  misères  de  corps  et 
d'âme  et  ennoblir  sa  vie  terrestre. 

Pour  les  âmes  éprises  d'idéal,  l'Eucharistie  c'est  le  ciel  !  Ce  n'est  pas 
une  métaphore  :  "  Le  ciel,  dit  saint  Thomas,  n'est  que  l'effet  et  le  fruit 
de  l'Eucharistie."  Si  le  ciel  n'est  autre  chose  que  l'Eucharistie  dé- 
voilée, l'Eucharistie  est  bien  le  ciel  voilé.  Saint  Augustin  enseigne  que 
l'objet  du  bonheur  éternel  est,  pour  les  élus,  contenu  dans  ces  trois 
mots -.VideUmus,  Laudabimus,  Amabimus  :  J^mnière,  Louange,  Amour 
éternels  :  Voilà  le  ciel  !  Or,  s'il  est  ici-bas  un  mystère  qui  nous  donne 
la  plus  parfaite  des  lumières,  la  plus  parfaite  des  louanges,  le  plus  par- 
fait des  amours,  ce  mystère  nous  donne  bien  le  ciel  sur  la  terre.  Ce 
mystère  existe,  c'est  l'Eucharistie  ! 

Pour  l'Intellectuel,  la  communion  est  la  rencontre  du  fini  avec  l'in- 
fini; rencontre  harmonieuse  de  la  vie  humaine  et  de  la  vie  divine.  C'est 
Jésus-Christ  rétablissant  l'homme  dans  la  dignité  de  sa  nature,  le  re- 
levant Jusqu'à  Dieu  et  comblant  toutes  les  aspirations  de  son  cœur. 

Pour  l'Illettré,  la  communion  est  la  présence  en  soi  du  Dieu  de  la 
nature,  du  Maître  de  l'univers,  de  Celui  qui  donne  aux  champs  leur  fé- 
condité, qui  gouverne  toutes  choses  par  sa  maternelle  Providence. 

Pour  le  Croyant,  la  communion  est  la  présence  réelle  de  l'Ami  qui 
appelle,  guérit,  console,  enchante,  montre  le  ciel  comme  le  dernier  mot 
des  éternelles  compensations. 

Ainsi  doit  être  comprise  l'Eucharistie  ! 

2°  D'où  vient  que  malgré  l'efficacité  toute-puissante  de  la  Commu- 
nion, le  nombre  des  vices  et  des  vicieux  reste  si  considérable? 

En  voici  une  autre  raison:  Trop  de  chrétiens  s'approchent  de  l'Eu- 
charistie avec  une  âme  insuffisamment  préparée.  La  théologie  nous 
enseigne  bien  que  les  sacrements  de  la  loi  nouvelle  produisent  leur  effet 
par  eux-mêmes;  mais  nous  savons  aussi  que  l'effet  de  la  communion 
correspond  en  efficacité  aux  dispositions  de  ceux  qui  la  reçoivent.  Eeçue 
avec  des  dispositions  parfaites,  l'Eucharistie  devient  un  remède  parfait 
contre  les  passions;  avec  des  dispositions  mauvaises,  le  remède  au  lieu 
de  guérir  devient  funeste.  De  là,  aux  redoutables  suites  d'une  âme  s'ap- 
prochant  indignement  du  Sacrement,  il  n'y  a  qu'un  pas.  Et  l'on  sait  la 
terrible  sanction  portée  par  saint  Paul  contre  ceux  qui  reçoivent  indi- 
gnement la  Communion  ! 

Le  récent  décret  de  la  Sacré  Congrégation  du  Concile,  sur  la  récep- 
tion quotidienne  de  l'Eucharistie  fixe  ainsi  la  Doctrine  Catholique  sur 
cette  question  capitale  "  quoique  les  Sacrements  de  la  Nouvelle  Loi  pro- 
duisent leur  effet  par  eux-mêmes,  cet  effet  néanmoins  est  d'autant  plus 
grand  que  les  dispositions  de  ceux  qui  les  reçoivent  sont  plus  parfaites.'' 

Ce  n'est  pas  sans  une  profonde  douleur  que  l'Eglise  constate  la  pau- 
vreté des  dispositions  de  certaines  âmes  qui  s'approchent  de  l'Eucha- 
ristie. Les  unes  vont  à  la  Communion  par  routine,  elles  ne  peuvent 
s'en  passer.  Il  leur  faut  la  Communion  tous  les  jours  ;  et  tous  les  jours 
elles  s'en  approchent  sans  d'autres  dispositions  que  ce  vague  désir  d'ac- 
complir un  acte  de  religion  où  le  corps  et  l'âme  ont  une  part  également 


—  663  — 

grande.  Ainsi  l'hôte  divin  vient  dans  une  âme  qui  n'a  pas  préparé  sa 
venue,  soit  par  une  vigilance  méritoire  sur  les  défauts  d'hier,  soit  par 
une  résolution  énergique  de  lutter  contre  les  passions  d'aujourd'hui  et 
de  demain. 

Les  autres  vont  à  la  Communion  avec  une  c-onscience  attachée  au  mal. 
Ne  coudoyons-nous  pas  partout  des  chrétiens  qui,  liés  par  de  coupables 
chaînes,  mis  en  présence  de  leur  devoir  pascal,  brisent  ces  chaînes  huit 
jours  avant  l'accomplissement  du  devoir  et  huit  jours  après  les  repren- 
nent? "Il  faut,  disent-ils,  que  je  communie  à  Pâques."  Pendant  le 
laps  de  temps  qu'ils  se  sont  donné,  ils  s'abstiennent  de  toute  faute.  Au 
jour  déterminé,  ils  reprennent  leurs  funestes  habitudes.  Quel  effet  a 
donc  pu  produire  la  Communion  sur  de  telles  âmes? 

Combien  longue  serait  la  liste  de  misères  semblables  s'il  fallait  les 
énumérer  !  X'est-il  pas  vrai  que  la  pratique  des  âmes  nous  révèle  par- 
fois les  plus  étranges  compromissions  de  conscience  1  Communion  fré- 
quente allée  à  un  esprit  d'orgueil,  communion  fréquente  dans  un  cœur 
rivé  à  l'avarice,  à  l'envie,  à  la  jalousie,  communion  fréquente  sur  des 
lèvres  qui  déchirent  cruellement  le  prochain  tout  le  jour,  communion 
fréquente  avec  l'habitude  horrible  du  mensonge  et  de  l'hypocrisie.  Quel 
bien,  encore  une  fois,  quels  effets  d'humilité,  de  générosité,  de  pureté,  de 
charité,  de  patience,  la  Communion  produira-t-elle  dans  les  âmes  qui 
concilient  ces  conscientes  habitudes  de  péché,  ce  manque  absolu  de  pré- 
paration avec  l'oubli  total  du  devoir  rigoureux  de  travailler  à  la  correc- 
tion de  ses  défauts  ! 

Je  comprends  ce  mot  de  l'austère  et  saint  prélat  qui  a  laissé  le  sou- 
venir d'une  âme  sévère  à  elle-même  et  généreuse  sans  mesure  à  l'égard 
du  prochain  :  "  Donnez-nous,  disait  Mgr  d'ITulst,  donnez-nous  dos  chré- 
tiens avant  de  nous  donner  des  communiants."  Appel  justifié  par 
l'absence  du  sens  chrétien,  chez  un  grand  nombre  de  catholiques. 

Keconnaissons-le  :  Trop  de  chrétiens  communient  et  demeurent  vi- 
cieux. C'est  un  scandale  pour  les  justes,  un  arrêt  pour  les  hi^sitants, 
un  prétexte  pour  les  timides.  Cependant  l'Eucharistie  est  là  avec  sa 
puissance  souveraine  de  guérir!  Dans  l'acte  sacré  et  vital  de  la  Com- 
munion, à  l'instant  môme  où  le  chrétien  ae  nourrit  de  la  chair  très 
sainte  du  Sauveur  et  boit  son  sang  adorable,  le  Christ  Eucharistique  le 
saisit,  l'enveloppe,  le  pénètre,  le  conquiert  !  Il  s'empare  de  ses  pensées, 
de  ses  passions  elles-mêmes  pour  les  transformer  en  vertus!  Le  voilà  le 
prodige  de  l'Eucbaristie  !  Il  s'acroniplit  tous  les  jours  et  en  tous  lieux! 
Par  lui,  les  vicieux  sont  guéris:  par  lui,  les  vices  disparaissent  de  la 
terre. 

Si  donc  les  vicieux  ne  sont  pas  giu'-ii;-,  m  les  vices  demeurent,  c'est 
assurément  parce  qu'ils  opposent  un  obstacle  à  l'action  de  Jésus-Eucha- 
ristie. Il  faut  le  redire  sans  cesse:  l'Eucharistie  n'accomplit  en  nous  ce 
prodige  que  dans  la  mesure  où  nous  nous  livrons  à  elle.     Qui.  -e 

livre  à  Jésus-Christ  sans  mesure,  c'est-à-<1ire  avec  un  cfpur  en; ut 

contrit  de  ses  fautes,  un  désir  absolu  <le  purification,  celui-là  reçoit  Jésus- 
Christ  sans  mesure  et  il  est  entièrement  guéri.  En  lui  le  prodige  est 
réalisé!  Pmdige  inexprimable  que  l'apôtre  essayait  de  truduir.  -  os 
paroles  enthousiastes,  devenues  le  cantit|ue  des  âmes  ct.min  ^  —: 
"Ce  n'est  plus  moi  qui  vis.  c'est  Jésus-Christ  qui  vit  en  moi!"     Can- 


—  G6i  — 

tique  de  victoire  sur  les  passions,  prélude  du  cantique  éternel  que  nous 
chanterons  dans  le  siècle  futur. 

111°  De  quelques  moyens  pour  diminuer^  par  l'Eucharistie  le  nombre 
des  vices  et  des  vicieux. 

En  réalité,  un  seul  moyen  suffit  :  celui  de  se  donner  sans  mesure  à 
rEucharistie.  Toute  autre  considération  doit  se  confondre  avec  ce 
devoir  qui  les  résume  tous.  Il  est  du  moins  certaines  pratiques  dont 
l'expérience  s'impose. 

1.  Faire  la  rééducation  eucharistique  des  fidèles.  Et  cela  par  l'en- 
fance. Turgot  présentant  à  Louis  XVI  son  plan  d'éducation  politique, 
lui  disait:  "Sire,  j'ose  vous  répondre  que  dans  10  ans,  votre  nation  ne 
"  sera  plus  reconnaissable  et  que,  par  les  lumières,  les  bonnes  mœurs,  le 
"  zèle  éclairé  pour  votre  service  et  pour  celui  de  la  patrie,  elle  sera  au- 
"  dessus  des  autres  peuples.  Les  enfants  qui  ont  actuellement  10  ans 
"  se  trouveront  alors  des  hommes  préparés  pour  l'Etat,  affectionnés  à  leur 
"pays,  somnis  non  par  crainte  mais  par  raison,  à  l'autorité;  secourables 
"  envers  leurs  concitoyens,  accoutumés  à  reconnaître  et  à  respecter  la 
"  justice." 

Turgot  s'illusionnait,  les  hommes  d'Etat  de  cette  époque  se  trompaient 
en  comptant  sur  les  vertus  morales  des  hommes.  Il  fallait  mettre  à  la 
base  de  cet  enseignement  établi  sur  des  principes  purement  humains  et 
par  suite  fragiles,  des  principes  inébranlables  comme  Dieu  lui-même. 

Nous  avons  vu  quel  terrible  démenti  leur  infligea  la  Eévolution. 

Il  faut  pour  qu'une  vie  soit  féconde  en  vertus,  persuader  à  l'enfant 
qu'il  est  une  créature  destinée  a  glorifier  Dieu,  que  sa  raison  d'être,  en 
ce  monde,  n'est  que  cette  glorification  d'où  dépendra  le  bonheur  de 
l'individu,  de  la  société  ensuite.  Or,  pour  y  arriver,  il  faut  prendre 
l'enfant,  profiter  de  sa  préparation  à  la  première  communion  pour  lui 
inculquer  de  très  bonne  heure  le  sentiment  de  ce  grand  devoir.  Et  le 
moyen,  c'est  l'Eucharistie. 

2.  i)évelopper  en  l'enfant,  par  l'Eucharistie,  l'idée  de  la  réparation. 
—  Un  des  grands  sentiments  accessibles  à  l'enfance,  est,  à  n'en  pas 
douter,  le  sentiment  du  pardon  à  obtenir  après  ses  fautes.  Quand  l'en- 
fant sera  persuadé  de  la  nécessité  d'expier  en  ce  monde,  les  fautes  dues 
aux  péchés  même  pardonnes,  comment  n'irait-il  pas  à  la  source  de  la 
réparation  qui  est  d'ahord  le  Sacrifice  Réparateur,  ensuite  la  Communion 
Eucharistique.  A  mesure  que  cette  vérité  germera  en  lui,  il  voudra 
éviter  de  nouveaux  péchés,  cause  de  tant  d'obligations.  Trop  de  chré- 
tiens ayant  gravement  offensé  Dieu  et  le  prochain  croient  avoir  satisfait 
à  Dieu  et  au  prochain,  par  suite  d'ime  confession  bien  faite.  Les  tou- 
chantes cérémonies  de  Réparation  Eucharistique  seraient  un  très  profi- 
table moyen  pour  rappeler  cette  vérité  essentielle. 

(A)  La  première  année  préparatoire  à  la  première  communion,  on 
ferait  une  ou  deux  réunions  eucharistiques  par  mois.  Devant  la  Sainte 
Hostie,  le  prêtre  exposerait,  selon  la  méthode  si  féconde  en  résultats  des 
Pères  du  Saint-Sacrement,  les  raisons  des  prières,  des  chants,  de  l'idée 
réparatrice.  Le  salut  clôturerait  la  cérémonie.  L'enfant  sortirait  de 
là  grandi  par  le  sentiment  d'une  réparation  accomplie  et  raffermi  dans 
l'amour  du  prochain. 


—  665  — 

(B)  L'année  de  la  première  Communion,  cette  même  réunion  aurait 
lieu  tous  les  jeudis. 

(C)  Enfin  pour  la  persévérance,  on  établirait  une  Communion  répa- 
ratrice le  premier  dimanche  de  cha(|ue  ukùs.  L'Euchanslie,  base, 
centre,  sommet  de  toute  vie  chrétienne  deviendrait  peu  à  peu  pour 
la  jeunesse,  le  pain  miraculeux  qui  permit  à  Elie  d'atteindre  jusqu'au 
sommet  de  l'Oreb.  Xos  adolescents  ont  tous  le  droit  d'entendre  cette 
invitation  de  l'Ange  au  prophète  :  "  Lève-toi  et  mange,  car  il  te  reste 
encore  une  longue  route  à  parcourir."  Devenus  adultes,  ces  catho- 
liques accoutumés  à  s'agenouiller  au  pied  du  Tabernacle,  viendraient  de 
plus  en  plus  vers  ce  Jésus  de  Nazareth  auprès  de  (|ui  les  foules  accou- 
raient pour  entendre  sa  parole,  lui  demander  jjardon  et  cbtenir  ses 
bienfaits. 

Ainsi  s'établirait  dans  le  cœur  de  chaque  fidèle  le  règne  de  la  foi 
agissante.  L'Eucharistie  deviendrait  la  solution  de  nos  difficultés  so- 
ciales. Ferment  divin  d'union  entre  les  fidèles,  par  elle,  le.>  convoitises 
qui  conduisent  à  l'anarchie  seraient  à  jamais  liannies  du  cœur  de 
l'homme. 

III.  De  même  que  dans  la  plupart  des  paroisses  importantes,  un  rr- 
lebre  l'octave  des  morts,  pourquoi  n'aurions-nous  pas  l'octave  Eucharis- 
tique dont  la  Fête-Dieu  serait  le  couronnement? 

Durant  cette  octave  on  célél)rerait  l'excellence  et  la  beauté  d^  l'Eu- 
charistie, on  instruirait  les  fidèles  sur  les  fniits  de  ce  sacrement,  «>n 
prêcherait  l'Eucharistie  dans  le  sens  de  la  prière  de  l'Eglise  qui  de- 
mande "au  Dieu  Tout-Puissant,  par  l'entremise  de  tous  les  saints  du 
"ciel,  que  ce  Sacrenrent  ne  soit  pa>s  en  nous  un  crime  digne  de  châti- 
"ment  mais  une  puissante  intercession  de  pardon;  qu'il  efTace  nos 
"  péchés,  qu'il  soit  notre  force  dans  notre  fragilité  et  notre  défense 
"  contre  tous  les  dangers  du  monde." 

4°   Enfin  favoriser  les  Congrès  Eucharistiques. 

Le  protestantisme  savait  ce  qu'il  faisait  quand  il  s'est  altîK|ué  à  l'Eu- 
charistie, cette  source  de  la  vie  de  l'âme.  1/ Angleterre  et  l'Allenuigno 
qui  ont  vu  sur  leur  terre  schismati<|ue,  les  deux  plus  grandioses  mani- 
festations eucharistiques  de  ce  siècle,  re<ueillent  à  cette  heure  les  germes 
d'union  et  de  génération  que  provo<|uent  de  telles  manifestations.  Ces 
deux  peuples  voués,  {jar  tradition,  à  l'hérésie,  voient  tous  les  jours, 
nom])re  de  leurs  enfants  en  qui  donnaient  les  mérite?  acquis  par  les 
sicx,'les  de  foi  qui  précédèrent  la  réforme,  ren<lus  à  la  lumière  de  la 
vérité!  Comment  de  tels  spectacles  n'ébranlcraient-ils  pa^j  les  })lus  in- 
sensibles? (Quiconque  prête  l'oreille  à  la  voix  mystérieuse  de  l'Hostie 
ainsi  vénérée,  entend  ces  paroles  que  saint  Augustin  converti  entemlait 
sortir  du  Tabernacle:  "Je  suis  la  nourriture  des  grands  et  des  forts  ; 
"grandis  et  tu  me  mangeras.  Et  tu  uf  me  tratisfoniuras  pa^  en  toi 
"mais  je  te  transformerai  en  Moi." 

C'est  le  poème  des  Mystères  du  festin  de  l'Autel! 

Gloire  soit  à  n<»tn'  Saint-IVre  Tie  X,  «jui  invite  les  fidèb-s  à  la  Com- 
munion quotidienne!  Inspiré  par  son  amour  de  Dim  v\  d.-s  Ames,  il  a 
compris  que  pour  guérir  les  maux  <le  la  société  moderne,  pour  ri'nli<»er 


—  666 


son  programme  divin,  principe  et  fin  de  ses  paroles,  de  ses  actes,  "  il 
"  n'instaui-erait  vraiment  toutes  choses  dans  le  Christ  "  que  par  l'ado- 
rable Eucharistie  ! 


A  la  fin  de  cette  séance,  aprè.s  quelques  mots  de  remercie- 
ments aux  différents  rapporteurs,  Mgr  Archambault  invite 
Mgr  Touchet,  l'éloquent  évêque  d'Orléans,  à  adresser  la 
parole  : 

ALLOCUTION  DE   MGR  TOUCHET,   EVEQUE 

D'ORLEANS 

Monseigneur,  chees  Messieurs, 

Je  suis  très  ému  de  l'accueil  que  vous  avez  fait  tout  à  l'heure  à  la 
pensée  de  Mgr  Archambault,  que  je  devais  vous  adresser  quelques  paroles. 

Je  pense  bien  que  cet  accueil  ne  s'adresse  pas  à  moi  personnellement; 
il  s'adresse  peut-être  à  cette  Eglise  de  France  que  j'ai  l'honneur  de  repré- 
senter en  ce  moment  au  milieu  de  vous.  Puisqu'il  en  est  ainsi,  laissez- 
moi  vous  remercier  de  tout  mon  cœur.  (Applaudissements) . 

Lorsque  le  secrétaire  de  votre  Congrès  Sacerdotal  m'a  demandé  de 
vous  dire  quelques  mots,  j'ai  refusé  net:  il  ne  me  semblait  pas  que  je 
dusse  retenir  votre  attention  ayant  l'occasion  de  vous  parler  demain 
soir,  à  Notre-Dame,  l'occasion  de  vous  parler  encore  lors  de  la  messe  de 
Mgr  le  Légat,  dimanche  prochain,  l'occasion  enfin  de  parler,  du  moins 
à  ceux  qui  sont  de  la  ville  de  Montréal,  mardi  prochain,  dans  une  con- 
férence sur  notre  bienh;ureus3  Jeanne  d'Arc  (Applaudissements) .  Mais 
peut-être  qu'il  y  a  un  effet  de  transaction  possible  entre  mon  vouloir  et 
l'insistance  aimable  soit  de  notre  cher  président,  soit  de  M.  le  secrétaire. 
Cette  transaction  est  que,  vous  parlant,  je  ne  vous  parlerai  pas  ;  et  si  vous 
voulez  me  le  permettre,  c'est  bien  ce  que  je  vais  faire  ici.  Je  vais  vous 
citer  deux  paroles  qui  ne  sont  pas  de  moi,  et  deux  paroles  seulement. 

On  a  parlé,  Messieurs,  pendant  toute  cette  réunion  du  culte  que  vos 
fidèles,  que  nos  fidèles  doivent  à  la  sainte  Eucharistie.  On  nous  a  dit, 
et  avec  une  admirable  précision  de  doctrine  qui  vous  a  frappas  comme 
elle  m'a  frappé,  comment  nous  devions  traiter  le  sacrement  de  l'Eucha- 
ristie avec  les  âmes  qui  nous  sont  confiées.  Nous,  prêtres,  nous,  évêques, 
nous  sommes  les  premiers  qui  devons  penser  à  l'Eucharistie  et  à  nos  rap- 
ports avec  l'Eucharistie.  Le  prêtre  est  le  grand  ami  de  l'Eucharistie, 
ou  bien  il  en  est  l'ennemi.  C'est  là  notre  responsabilité.  Envers  Notre 
Seigneur  Jésus-Christ,  il  ne  peut  y  avoir  pour  nous  que  deux  sentiments  : 
ou  un  sentiment  de  passion  sainte,  ou  un  sentiment  de  haine,  et  vous 
supposez  que  nous  oublions  celui-ci.  C'est  tout  ou  rien.  Comme  il 
convient  entre  Dieu  qui  nous  a  confié  le  sacerdoce,  et  nous,  nos  rapports 
avec  l'Eucharistie  doivent  être  d'abord  un  grand  sentiment  de  respect. 

C'est  bien  vrai,  nous  avions  oublié  les  principes  quant  à  ce  qui  est 
de  la  communion  f  réquente.4    II  a  été  bon  que  le  Pape  nous  les  rappelât. 


es 


—  gg:  — 

Nous  les  avions  oubliés,  bien  plus  encore,  quant  aux  petits  enfants.  C.„ 
directions  du  Pape,  nous  devons  les  accueillir  avec  les  dispositions  qui 
conviennent  quand  il  s'agit  d'une  décision  venant  de  Eonie:  "  Obedire  et 
credere."  (Applaudissements.) 

"  Obedire  et  credere  :"  Obéir  et  avoir  confiance;  mais  si  nous  devons 
être  plus  faciles,  si  nous  devons  être  très  faciles  même  quant  à  ce  qui  est 
de  l'attitude  de  nos  fidèles  vis-à-vis  ^e  la  sainte  communion,  il  faut  que 
nous,  me  semble-t-il,  dans  nos  relations  avec  la  sainte  Eucharistie,  qui 
sont  des  relations  nécessaires  et  quotidiennes,  nous  redoublions  de  res- 
pect; il  faut  que  nous  qui  devons  communier  tous  les  jours,  nous  avons 
plus  que  jamais  le  souci  de  nous  approcher  de  la  Sainte  Table  avec  piété, 
de  nous  approcher  de  la  Sainte  Table  avec  foi,  de  nous  approcher  de  la 
Sainte  Table  qui  est  notre  table  à  nous,  avec  la  plénitude  de  tous  les 
sentiments  de  notre  Jésus.  Et  ici,  j'en  viens  à  la  première  parole  que 
je  voulais  vous  citer.  Cette  parole,  elle  fut  dite  un  jour  par  l'amiral 
Dupetit-Thquars  qui  était  préfet  maritime  de  Cherbourg,  à  un  sous- 
préfet  du  lieu.  L'amiral  Dupetit-Thouars  était  allé  à  la  procession  du 
Saint-Sacrement,  l'année  qui  précéda  ce  petit  dialogue,  en  grand  uni- 
forme. Un  amiral  français  qui  va  à  la  procession  du  Très  Saint-Sacre- 
ment en  grand  uniforme,  ça  étonne  certaines  gens  du  gouvernement 
français  et  ça  les  inquiète,  vous  vous  en  doutez  hieii.  Or,  le  gouverne- 
ment français  a,  à  Cherbourg,  un  agent.  Cet  agent  est  un  sous-préfet. 
Ce  sous-préfet  alla  voir  le  préfet  maritime  et  lui  dit,  avec  quelqu'em- 
barras:  "Monsieur  le  préfet,  il  serait  peut-être  bon  que  vous  voulussiez 
ne  pas  trop. . . ."  —  "  Quoi  donc?  "  —  "  Ne  pas  trop. ..."  —  Quoi?  '* 
—  "  Xe  pas  trop. ..."  Le  vieux  loup  de  mer  gênait  évidemment  ce  sous- 
préfet.  Comme  aurait  dit  Lacordaire:  "  Va-t-il  déclancher  ce  qu'il  a  au 
fond  du  gosier."  Il  lui  dit  :  "  Le  gouvernement  serait  bien  aise  que  vou^ 
ne  parussiez  pas  à  la  procession  cette  année-ci  avec  votre  grand  costume.'' 
L'amiral  le  regarda  bien  droit  dans  les  deux  yeux  et  lui  dit  :  "  Monsieur 
le  sous-préfet,  je  voudrais  bien  savoir  si.  depuis  que  M.  Clemenceau  est 
à  la  tête  des  affaires,  il  est  advenu  que  le  Bon  Dieu  est  descendu  d'un 
cran  (Applaudissements),  comme  je  ne  le  pense  pas,  j'irai  dimanche  pro- 
chain à  la  procession  et  j'irai  dans  mon  grand  uniforme,  et  si  j'avais 
un  uniforme  plus  grand  que  mon  grand,  vous  pouvez  compter  que  je  le 
prendrais."    (Applaudissements). 

Messieurs,  Xotre-Seigneur  Jésus-Christ  n'est  pas  descendu  d'un  cran. 
Naturellement,  par  suite  des  facilités  qu'on  vous  a  exposées  et  qu'on 
a  eu  raison  de  nous  exposer,  s'il  y  a  quekiu'un  qui  doit  le  considérer 
comme  toujours  au  même  degré  c'est  assurément  le  prêtre,  par  consé- 
quent il  doit  être  plus  profondément  dévoué  <|ue  jamais  à  la  tn-  -.lint.' 
Eucharistie.     Voilà  le  premier  mot  que  je  voulais  vous  dire. 

Le  second  je  l'emprunte  à  quehju'un  qui  fut  bien  grand  dans  noire 
pavs,  qui  fut  bien  magnifique  dans  notre  pays,  tout  petit  qu'il  fut.  Je 
suis  allé  tout  récemment  faire  un  pèlerinage  à  sou  tombeau,  j'ai  dit  la 
messe  sur  l'autel  où  il  disait  la  messe,  et  je  ne  puis  vous  dire  l'improHsinii. 
le  saisissement  que  j'ai  eu  en  face  de  ces  quatre  ou  cinq  planchos  de 
bois  vermoulu  peintes  en  vert  sur  lesquelles  le  saint  Curé  d'.Vrs  ju-ndniil 
tout  son  ministère  avait  offert  le  Saint  Sacrifice.  Que  de  prières  là  ! 
Oh!  Que  de  prières  là  et  quelles  prières!  Que  de  pai^sion  sainte  là!  et 


—  668  — 

quelle  passion  sainte  !  Comme  il  s'est  là  prosterné  !  Comme  il  a  vécu  ! 
Comme  il  est  mort  !  Comme  il  s'est  offert  1 

Vous  savez  les  paroles  qu'il  disait  :  "  Chers  amis,  nous  tous  qui  avons 
tant  à  souffrir  parfois  des  impuissances  de  notre  ministère."  Je  ne  parle 
pas  à  vous,  Canadiens,  je  sais  quels  sont  vos  succès,  mais  je  parle  aux 
prêtres  du  vieux  monde  qui  peuvent  m'entendre,  vous  savez  parfois  tout 
ce  que  nous  avons  à  déplorer  sur  nœ  impuissances. 

Quand  il  entra  dans  sa  petite  paroisse,  vous  savez  ce  qu'il  disait  à  un 
prêtre  qui  lui  affirmait  :  "  j'ai  tout  fait  pour  ma  paroisse  il  n'y  a  plus 
rien  à  faire."  Il  lui  disait  :  "  Mon  cher  confrère,  vous  avez  tout  fait  ? 
voyons,  est-ce  vrai  ?  Est-ce  que  vous  vous  êtes  donné  la  discipline  tous 
les  jours?  Est-ce  que  vous  avez  passé  des  nuits  d'adoration  devant  le 
Saint-Sacrement  ?  Est-ce  que  vous  avez  offert  votre  vie  loyalement  à 
I^otre-Seigneur  Jésus-Christ  pour  vos  ouailles  ?"  Non.  Il  ajoutait: 
"  Alors  vous  n'avez  donc  pas  tout  fait." 

C'est  devant  cet  autel  que  le  saint  prononçait  ces  paroles. 

Prenez  de  lui  ces  attitudes  qui  devaient  forcer  le  ciel  à  la  miséricorde 
pour  toute  sa  paroisse. 

Un  jour,  à  une  vieille  domestique,  ou  plutôt  à  une  vieille  personne 
pieuse  qui  lui  servait  de  domestique,  car  je  vous  réponds  qu'il  n'avait 
guère  besoin  de  domestique  quand  on  regarde  son  mobilier,  à  cette  per- 
sonne qui  lui  disait:  "Monsieur  le  curé,  où  allez-vous?  Oii  je  vais?  Je 
vais  voir  mon  grand  ami.  —  Votre  grand  ami  ?  Oui.  —  Et  quel  est 
donc  votre  grand  ami  ?  Voyez-vous  un  peu  la  jalousie  !  (Applaudis- 
sements). Et  le  saint  la  calma  et  lui  montra  sa  petite  église  et  lui  dit  : 
"  Il  est  là."  C'est  vrai,  c'est  notre  ami,  notre  ami  que  nous  devons 
visiter,  messieurs.  Eh  bien,  permettez-moi  de  descendre  de  cette  chaire 
après  avoir  supplié  que  nous  prenions  tous,  en  commun,  la  résolution  de 
ne  jamais  manquer  notre  visite  au  Saint-Sacrement..  (Applaudisse- 
ments.) Si  cela  est  convenu,  si  cela  est  exécuté,  et  cela  sera  exécuté, 
parce  que  c'est  convenu,  je  remercie  en  vérité,  Monseigneur  iVrcham- 
bault  -de  m'avoir  contraint  à  monter  ici.  Je  le  remercie  de  m'avoir  fait 
cette  grande  joie  q.ui  sera  l'une  des  plus  grandes  de  ma  vie,  d'avoir 
pu  parler  à  ce  magnifique  auditoire  sacerdotal.  Qu'est-ce  que  c'est  que 
le  reste,  comparé  à  ce  que  vous  êtes  ?  Qu'est-ce  que  c'est  que  ces  hommes 
auxquels  nous  parlons  quelquefois,  comparés  à  ce  que  vous  êtes  ?  Des 
âmes  de  prêtres,  des  cœurs  de  prêtres,  des  âmes  passionnées.  C'est  ad- 
mirable ! 

C'est  donc  convenu  que  nous  tiendrons  cette  résolution,  vous  et  moi, 
et  cette  résolution  étant  tenue,  il  a  passé  dans  cette  foule  qui  m'écoute 
un  vérita])le  coup  de  vent  qui  nous  fera  monter  vers  le  ciel  et  qui  nous 
aidera  à  nous  sanctifier,  et  si  nous  nous  sanctifions,  nous  sanctifierons 
nos  peuples. 

Messieurs,  un  mot  :  je  dois  vous  recommander  le  peuple  de  France 
en  particulier.  Le  Cardinal  Légat  disait  l'autre  jour  une  parole  qui 
m'a  tiré  les  larmes  des  yeux,  et  je  ne  suis  pas  facile  à  faire  pleurer,  je 
vous  prie  de  le  croire,  lorsqu'il  a  dit:  "Souvenez-vous  du  miracle  de 
Sainte-Geneviève  de  Paris."  C'est  bien  en  effet  le  plus  beau  qui  ait  été 
donné  à  une  sainte  d'accomplir.  Cette  petite  fille  avait  17  ans.  Sa 
mère  était  aveugle  et  inguérissable.     L'enfant,  un  jour,  étendit  ses  deux 


—  669  — 

mains  sur  la  tête  de  celle  qui  lui  avait  donné  le  jour,  leva  ses  veux  qui 
voyaient,  a  elle,  vers  Jésus-Christ,  et  lui  dit:  "  Seigneur  Jésus',  je  vous 
en  prie,  ouvrez  les  yeux  de  ma  mère/'  Et  Jésus-Christ  ouvrit  les  veux 
de  la  mère. 

Le  Légat  disait  :  "  Si  FEglise  de  ce  Canada  —  comme  fille  de  la  France 
—  pouvait  aussi  prier  assez  ardemment  pour  que  les  yeux  de  la  mère 
s'ouvrissent  comme  les  siens  !"'.... 

Messieurs,  je  vous  prie  de  prier  pour  la  mère.  (Applaudissements.) 


§  n.  —  tiéiince  du  Vendredi,  0  septembre. 


La  dotixième  séance  de  la  .section  sacerdotale  a  lieu  comme 

hier  à  2  h.  30  après-midi.    L'assistance  des  prêtres  est  aussi 

nombreuse  que  la  veille  et  la  foule  ne  cesse  de  stJiiionnrr  aux 

abords  de     la  chapelle    du  Saint-Sacrement    pour  saluer  les 

hauts  dignitaires  de  l'Eglise. 

La  séance  est  pi^^sidée  par  Sa  (irandeur  MgT  Itt'gin.  arche- 
vêque de  Québec.  11  est  assisté,  comme  .secrétaiir,  du  K.  V. 
Galtier,  S.S.S. 

Cette  séance  a  été  consacrée  à  l'étude  des  (rnrres  eiitluiris- 
tiques,  au  double  ])oint  de  vue  <le  la  san<tificati(m  ])ersonnellc 
du  prêtre  et  de  son  intluence  salutaire  sur  les  fidcl«*s.  Mgr 
Bégin  l'ouvre  en  recommandant  au  zèle  des  prêtres  Vapostohit 
auprès  des  fidèles  de  hiiif/iir  it(iHeNiie,do  plus  en  ])lus  nombi-eux 
sur  le  continent  américain. 

Dès  le  début,  le  secrétaire,  le  Révéii'n<l  Pèi"<'  (raltier,  av<'c 
la  permission  du  Président,  porte  à  la  <-oniiaissanc<'  <le 
l'auditoire  le  vomi  ])résenté  la  veille,  à  l'une  des  s<'*ances  géné- 
rales, par  le  K.  1*.  Lf'picicr,  Professeur  de  la  Propagan«l<'  à 
KouH^  comme  conclusion  de  son  travail  sur  h's  r<'latittns  lic 
Marie  et  de  l'Eucharistie.  C'est  le  vomi  «[Uc  la  dévotion  a 
N.-D.  du  T.  S.-Sfu-remrnt  <lûe  îl  Tinspiration  du  \'«'mi.  P.  l'y 
mard,  et  déjà  approuvée  i)ar  l'Eglise,  se  n'-pande  ^\^^  plus  en 
plus  ])armi  les  fidèles. 

Ce  vœu  est  chaleureusement  applaudi  et  ratifia  par  toute 
l'assemblée. 


,    —670  — 

Après  ces  préliminaires,  la  parole  est  donnée  par  Mgr  le 
Président  au  premier  Rapporteur,  le  T.  R.  Père  Colomhcm, 
O.  F.  M.,  qui  doit  traiter  le  sujet  éminemment  pratique  de  : 

LA  CELEBRATION  DE  LA  MESSE  EN  VOYAGE,  ET 

SUR  MER 


Il  convenait  bien  à  un  Congrès  Eucharistique  tenu  en  Amérique  de 
traiter  ce  sujet  de  La  Messe  en  voyage,  car,  tout  le  monde  le  sait  et 
Messieurs  les  Congressistes  ont  déjà  pu  le  constater  par  eux-mêmes,  c'est 
ici  le  pays  des  grandes  distances  et  par  suite  des  longs  voyages,  de  même 
que  c'est  la  patrie  des  grands  voyageurs.  Il  y  a  peu  de  prêtres  améri- 
cains ou  canadiens  qui  n'ait  pas  fait  la  traversée  d'Europe  au  moins 
une  fois  dans  leur  vie,  et  nombreux  sont  ceux  qui  périodiquement  re- 
tournent dans  les  vieux  pays.  Enfants, du  Nouveau-Monde  ils  ont  un 
culte  pour  l'Ancien  ! 


Se  pose  donc,  sans  autre  préambule,  la  question  de  la  Messe  en  voyage, 
sur  mer. 

Est-ce  chose  utile  que  de  célébrer  la  sainte  Messe  en  mer?  Est-ce 
possible  et  pratique?  A  quelles  conditions  est  soumise  cette  célébra- 
tion? Autant  de  questions  où  le  droit  canonique,  la  piété,  le  zèle  et 
l'expérience  doivent  se  prêter  leur  mutuel  concours  pour  nous  donner 
une  solution  convenable. 

1°  Est-ce  chose  utile?  d'abord  pour  le  prêtre  lui-même?  Et  pour- 
quoi pas?  La  Messe  garde  toujours  ses  avantages  et  son  incomparable 
prix,  sur  mer  comme  sur  terre.  Dans  l'un  et  l'autre  cas  celui  qui 
s'abstient  de  célébrer  quand  il  peut  le  faire  refuse  à  Dieu  la  gloire, 
aux  Anges  la  joie,  à  l'Eglise  l'édification,  qui  résultent  du  Saint  Sacri- 
fice ;  il  prive  également  les  hommes  de  secours  précieux,  les  défunts  dti 
repos  éternel  et  se  frustre  lui-même  de  tous  les  biens  dont  la  Messe  le 
rend  participant,  ainsi  parle  l'Imitation  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ. 

Tels  sont  en  effet  les  motifs  qui  nous  portent  à  célébrer,  quand  nous 
sommes  sur  terre,  tous  les  jours.  Les  mêmes  raisons  nous  y  invitent  en 
mer,  je  dirai  même  qu'elles  empruntent  aux  circonstances  un  caractère 
plus  pressant  et  plus  impératif. 

L'immensité  de  la  mer,  la  petitesse  de  l'homme,  la  fragilité  du  vais- 
seau qui  le  porte,  l'effroi  qu'inspire  l'océan  au  jour  de  ses  fureurs,  la  vue 
de  l'abîme  qu'il  a  sous  les  pieds  et  dont  les  profondeurs  s'entr'ouvrent 
alors  comme  pour  l'engloutir,  portent  tout  homme  qui  a  la  foi  à 
s'anéantir  devant  le  Tout-Puissant  pour  lui  offrir  l'hommage  de  son 
écrasement,  comme  à  se  réfugier  dans  les  bras  de  sa  miséricorde  pour  lui 
demander  pardon  de  ses  infidélités  et  de  ses  prévarications.  C'est  bien 
le  temps  pour  le  prêtre  d'offrir  à  notre  grand  Dieu  le  sacrifice  latreu- 
tique  qui  seul  est  digne  do  sa    Majesté    infinie  et  de    sa    Sainteté    sans 


—  GTl  — 

égale;  c'est  le  moment  d'immoler •  la  Victime  rsjjiatoire  dont  le  sang 
coule  pour  effacer  les  péchés  du  monde. 

Chaque  jour  ramenant  des  preuves  de  la  préservatiun  divine  au  milieu 
de  dangers  sans  nombre  appelle  aussi  une  reconnaissance  sans  bornes 
dont  seul  le  Sacrifice  eucharistique  peut  acquitter  la  dette  immense,  en 
même  temps  qu'impétratoire,  il  obtiendra  la  continuation  des  bienfaits 
de  Dieu. 

Ville  flottante,  le  bateau  outre  ses  fatigues,  ses  souffrances  et  ses 
périls,  présente  également  ses  tentations,  ses  dangers  par  conséquent, 
pour  l'âme.  Je  n'insiste  pas,  et  s'il  me  faut  en  nommer  un,  je  désignerai 
simplement  l'oisiveté.  Or,  quelle  plus  digne  occupation  pour  un  prêtre  que 
la  célébration,  chaque  matin,  du  saint  SacritiL-e  de  la  Messe?  Occupa- 
tion sacerdotale  par  excellence,  elle  se  continuera  pendant  le  jour  par  la 
récitation  du  saint  Office,  prolongation  du  Sacrifice  matutinal.  Quelle 
puissante  sauvegarde!  Quel  secours  pour  conserver  la  pureté  du  cœur 
et  des  sens  !  Quelle  édification  pour  tous  les  passagers  !  J-,a  sainte  Messe 
célébrée  sacre  cet  homme  aux  yeux  de  tous,  même  des  protestants  ou  des 
incroyants,  et  leur  inspire  le  respect  à  son  égard,  comme  elle  l'oblige 
lui-même  à  la  retenue  et  lui  rappelle  excellemment  son  sacerdoce,  alors 
que  rien,  pas  même  l'habit  extérieur,  son  ordinaire  sauvegarde,  n'assure 
de  protection  à  son  âme  sacerdotale. 

Mais  sur  ce  bateau  que  portent  les  vagues  puissantes,  le  prêtre  n'est 
pas  seul.  Il  y  a  là  une  population  de  800,  1,000,  1,200,  jusqu'à  2,000 
êtres  humains  (jui  partagent  son  sort,  ballottés  par  les  mênicci  vagues, 
exposés  aux  mêmes  épreuves  et  aux  mêmes  dangers.  Avez-vous  pu, 
vous,  prêtres  de  Jésus-Christ,  vous  isoler  de  ces  âmes?  N 'avez-vous  pas 
senti  plus  irjue  de  la  solidarité  humaine,  plus  que  de  la  charité  chrétienne, 
plus  qu'une  fraternité  résultant  de  la  communauté  d'existence,  mais 
comme  une  véritable  charge  d'âmes  ?  Votre  âme  sacerdotale  ne  s'est-elle 
pas  crue  investie  par  le  Pasteur  des  âmes  comme  d'uur  paternité  spiri- 
tuelle sur  cette  nombreuse  famille?  Au  contact  de  leurs  misères,  le  cri 
du  Sauveur  n'est-il  pas  monté  du  cœur  à  vos  lèvres:  '"  Misère  or  super 
lurham,"  j'ai  pitié  de  cette  foule.  Et  que  pouviez-vous  faire  de  mieux 
pour  répondre  à  votre  quasi-devoir  pastoral  que  de  célébrer  chaque  jour 
la  Sainte  Messe  dans  cette  église  flottante,  pour  votre  paroisse  de  huit 
jours? 

Vous  ne  sauriez  croire  que  de  bien  nous  faisons  par  notre  Messe  à 
tout  ce  monde-là.  Dès  le  premier  matin,  nous  avons  dressé  notre  autel  ; 
le  jour  même,  tout  le  monde  le  sait,  d'un  bout  à  l'autre  du  bateau.  Il 
y  a  là  l'équipage,  depuis  les  officiers  jus<iu'aux  garçons  de  cabine.  Ce 
ne  sont  pas  des  incroyants,  loin  de  là,  et  si  les  exigences  du  service,  sur 
mer,  et  la  négligence,  sur  terre,  les  tiennent  éloignés  de  leurs  ;  r-s 

religieuses,  ils  n'en  saisissent  qu'avec  plus  d'empres.sement  quelj  .  --e 
au  passage,  quand  dans  le  salon,  près  duquel  ils  passent  ou  ils  travail- 
lent, vous  avez  le  bonheur  de  célébrer.  Ces  Têtenient.«  îe 
action  auguste  réveillent  en  eux  bien  des  sentiments  assoupis  et  c-  -  ra 
peut-être  le  point  de  départ  d'une  sincère  conversion. 

Il  y  a  parmi  les  passagers  des  catholiques,  qui  du  moins  le  dimanche 
ou  les  jours  de  fête  tiennent  à   avoir   leur    messe,  qui  viendront  dt-8  la 


—  672  — 

veille  vous  demander  :  "  Père,  dites-vous  la  sainte  Messe  demain  matin  ? 
Nous  tenons  à  y  assister,"'  qui  s'offriront  même  à  la  servir  et,  de  fait, 
nous  ferons  le  bonheur  et  la  consolation  de  ces  chrétiens  auxquels  vien- 
dront se  joindre,  ces  jours-là,  quelques  officiers  du  bateau. 

Il  y  a  encore  des  personnes  pieuses  et  spécialement  des  religieuses,  il 
est  bien  rare  depuis  quelque  temps  qu'il  n'y  en  ait  pas,  du  moins  sur  les 
bateaux  français.  Et  pour  celles-là  quel  réconfort  et  en  même  temps 
quelle  joie  que  de  pouvoir  chaque  matin  avoir  la  sainte  Messe  et  surtout 
la  sainte  Communion.  On  en  voit  qui  viennent  sans  faute,  malgré  les 
fatigues  ou  la  maladie,  et  qui  trouvent  là  des  forces  et  des  consolations 
dont  elles  ont  grandement  besoin.  Vraiment,  de  l'avoir  constaté  une 
fois  suffit  pour  inspirer  à  un  prêtre  qui  a  la  charité  la  résolution  de  ne 
jamais  manquer  la  célébration  de  la  sainte  Messe. 

Et  il  y  a  encore  la  foule  des  émigrants.  Là  aussi  il  y  a  des  catho- 
liques aux  sentiments  religieux,  plus  peut-être  que  dans  les  classes  supé- 
rieures. Ils  savent  que  la  sainte  Messe  se  célèbre  à  bord  et  ils  en  sentent 
par  le  désir  les  bienheureux  effets.  Je  me  rappelle  encore  avec  émotion 
de  pauvres  gens  de  troisième,  hommes  et  femmes  qui  lors  de  mon  der- 
nier voyage,  se  tenaient  aux  hublots  du  salon,  quand  je  venais  chaque 
matin  préparer  mon  autel.  Ils  semblaient  m'attendre.  Ma  première 
pensée  avait  été  de  voiler  ces  ouvertures;  je  m'en  serais  bien  repenti,  si 
je  l'avais  fait,  car  j'appris  ensuite  que  c'étaient  de  pauvres  émigrants 
qui  se  tenaient  ainsi  à  l'extérieur,  par  tous  les  temps,  pour  assister  par 
la  fenêtre  à  la  messe  que  je  célébrais,  et  c'était  la  consolation  de  leur 
traversée. 

Et  enfin  toute  la  foule  de  ceux-là  mêmes  qui  ne  s'en  préoccupent  point 
ne  reçoit-elle  pas  quelque  influence  du  sacrifice  si  riche  en  grâces  abon- 
dantes qui  est  offert  au  milieu  d'eux  et  pour  eux,  par  un  prêtre  zélé? 
Je  ne  puis  le  croire.  Et  s'il  arrivait,  ce  'qui  est  rare  de  nos  jours,  mais 
non  pas  inouï  cependant,  que  ce  vaisseau  vint  à  sombrer,  je  suis  con- 
vaincu que  le  sacrifice  offert  le  matin  pour  tant  de  pauvres  malheureux 
qui  iraient  paraître  en  un  instant  au  tribunal  de  Dieu  leur  aurait  valu 
des  grâces  de  miséricorde  et  de  pardon. 

Et  combien,  sur  cette  route  d'Amérique  en  Europe,  combien  de  ma- 
rins, de  pêcheurs  et  de  voyageurs  ont  trouvé  dans  les  flots  une  mort  im- 
prévue !  Leurs  corps  ont  été  perdus  pour  toujours  et  leurs  âmes  ?  peut- 
être  sauvées,  mais  bien  oubliées  !  Ne  pensez-vous  pas  que  ces  âmes 
maintenant  en  Purgatoire  reçoivent  un  soulagement  spécial  de  cette 
Messe  que  vous  dites  au  lieu  même  de  leur  passage  à  l'éternité?  Tous 
ces  pauvres  naufragés,  obscurs  matelots,  misérables  émigrants  sans  nom 
et  sans  patrie,  me  semblent  sortir  des  abîmes  pour  se  grouper  suppliants 
autour  de  l'autel  flottant,  afin  d'avoir  leur  part  de  ce  sacrifiice  :  leur  part 
de  la  lumière,  du  repos  et  de  la  paix  qui  en  sont  le  fruit  assuré. 

2°  Il  est  donc  utile  de  célébrer,  en  mer,  c'est  incontestable. 

Mais  est-ce  possible?  est-ce  pratique? 

Je  ne  parle  pas  évidemment  des  prêtres  qui  sont  trop  éprouvés  par  le 
mal  de  mer,  je  n'omettrai  pas  cependant  de  dire  qu'il  y  a  dans  le  désir 
de  célébrer,  une  force  et  comme  une  auto-suggestion  qui  préserve,  jus- 
qu'à un  certain  point,  de  ce  pénible  mal  ou  du  moins  qui  aide  à  s'en 
relever  promptement. 


—  673  — 

Donc  peur  ceux  (jiii  sont  suffisamment  bien  j)ortauts,  est-il  possible 
et  pratique  d'entreprendre  la  célébration  de  la  sainte  Messe!" 

Autreiois  c'était  toute  une  affaire  d'obtenir  sur  le  l)ateau  la  jxjssibilité 
de  célébrer.  J'entends  encore,  cela  remonte  à  (juinze  ans,  le  Commis- 
saire de  la  défunte  "  Bourgogne  "  nous  expliquer  verbeusement  que  sur 
un  bateau  de  la  Compagnie,  il  y  a  des  gens  de  toute  religion:  Juifs,  Mu- 
sulmans, païens,  etc.,...  et  que  dès  lors,  on  ne  pouvait  tolérer  de 
manifestation  religieuse;  tout  cela  pour  nous  accorder  tout  de  même  de 
mauvaise  grâce,  la  salle  à  manger,  afin  d'y  dresc^er  notre  autel. 

11  y  avait  donc  alors  certaine  difficulté,  mais  tout  de  même  possibilité 
de  célébrer,  soit  sur  les  bateaux  anglais  protestants,  soit  sur  les  l)ateaux 
français,  à  condition  évidemment  d'emporter  sa  cbapelle  avec-  tous  les 
objets  nécessaires. 

Que  les  temps  sont  changés  !  Aujourd'hui  les  "  Empress  "  de  la  Com- 
pagnie du  Pacifique  Canadien  et  les  paquebots  de  la  Compagnie  Trans- 
atlantique ott'rent  aux  prêtres  des  autels  avec  leurs  ornements  et  le  plus 
beau  salon  pour  y  célébrer  la  sainte  Messe.  Un  garçon  ira  jus^ju'à  tout 
préparer,  une  table  recouverte  d'une  nappe  blanche,  une  carafe  d'eau, 
des  fleurs.  Le  maître  d'hôtel  s'intitulera  gentiment  sacristain  et  vous 
offrira  un  enfant  de  chœur  pour  vous  servir,  si  vous  n'avez  pas  vous- 
même  de  compagnon  pour  le  faire.  Toute  liberté  sera  laissée  à  quelque 
pieuse  personne,  d'entre  les  passagers,  d'emi)loyer  les  fleurs  ou  les 
arbustes  de  la  serre  pour  l'ornementation  de  l'autel.  On  ne  peut  être 
plus  gracieux  que  j'ai  vu  se  montrer  dans  mes  derniers  voyages  les 
officiers  des  paquebots  de  la  Cie  Transatlantique. 

On  vous  ort'rira  même  de  vous  procurer  des  hosties,  du  vin,  des  cierges, 
etc.,.  . .  mais  s'il  m'est  pennis  de  donner  un  conseil  aux  prêtres  voya- 
geurs, je  leur  recommanderai  de  se  munir  eux-mêmes  de  ces  objets 
liturgiques.  La  Cie  malgré  sa  bonne  volonté  ne  peut  vous  les  fournir 
dans  les  conditions  voulues.  Je  leur  conseillerai  de  plus  d'avoir  eux- 
mêmc>«  leur  linge  d'autel,  je  veux  dire  Famict  et  le  purificatoire,  chose 
qu'il  leur  est  facile  d'emporter,  s'ils  ne  veulent  pas  s'e.vposer  à  trouver 
des  linges  utilisés  par  leurs  devanciers  et  laisc^és  par  eux  dans  un  état 
peu  convenable. 

Je  les  encouragerai  même  à  faire,  à  la  fin  de  la  traversée  la  purifica- 
tion des  linges  de  la  Cie,  s'ils  les  ont  employés.  Il  y  a  pres(|ue  toujours 
des  religieuses  ou  quehiue  personne  pieuse  à  bord  du  bateau,  après  un 
premier  lavage  que  vous  aurez  fait  vous-même,  vous  leur  confierez  ces 
linges,  et  elles  les  mettront  dans  un  état  de  propreté  et  de  décence  édi- 
fiant et  engageant  pour  ceux  qui  viendront  après  vous. 

Je  prie  mes  vénérés  confrères  d'excuser  seiiddables  détails,  ils  vu  i-..iii- 
pronnont  l'à-propos  et  on  ne  les  devine  pas,  si  on  n'en  a  i)as  fait 
l'expérience.  J'ai  donc  répondu  à  la  (piestion  :  Est-il  possible?  est-il 
pratique  de  célébrer  la  sainte  Messe  à  bord?  Oui  eertainement  ;  c  e«t 
même  la  chose  la  plus  facile  du  monde,  à  condition  d..  n'être  pa«  malade 
et  de  se  lever  d'assez  bonne  heure. 

\i-ie  besoin  d'ajouter  que    si    l'on    prend  d'autres    lignes  (lue  cellon 
indi.iuées  par  moi  il  faudra  se  munir  d'une  chapelle  portative  ave<-  .<•. 
accessoires,   ce    «lui    est    une    chose    relativement    fmile.     î>  ailleurs,  r- 
22 


—  674  — 

chaque  prêtre  insistait  sur  la  présence  d'un  autel  à  bord,  on  verrait 
bientôt  les  diverses  compagnies  s'empresser  d'en  mettre  à  la  disposition 
de  tous,  ne  serait-ce  que  par  motif  de  concurrence. 

3°  Il  me  reste  un  point.  A  quelle  condition  est  soumise  cette  célé- 
bration de  la  part  de  l'autorité  ecclésiastique? 

Pour  célébrer  la  Messe  en  mer,  il  faut  avoir  des  facultés  spéciales.  Qui 
peut  les  donner?  Seul  le  Souverain  Pontife.  Je  crois  qu'en  général  les 
Nonces  du  Saint-Siège  et  les  Délégués  Apostoliques  ont  le  pouvoir  de 
communiquer  cette  faculté  au  nom  du  Saint-Siège.  Nos  SS.  les 
Evêques  ne  l'ont  pas  de  droit  mais  ils  peuvent  l'avoir  par  Induit,  comme 
c'est  le  cas  pour  Montréal. 

Bien  des  prêtres  confondent  cette  faculté  de  célébrer,  avec  les  pou- 
voirs de  la  confession  durant  la  traversée  :  approbation  ou  juridiction  qui 
autrefois  était  donnée  par  l'évêque  du  port  d'embarquement.  Il  arrivait 
que,  en  fait,  cet  Evêque  avait  parfois  un  Induit  lui  permettant  de  com- 
muniquer la  faculté  de  célébrer.  Mais  les  deux  pouvoirs  sont  distincts. 
Aujourd'hui,  la  juridiction  pour  la  confession  suit  une  autre  règle;  et 
pour  la  Messe,  un  Evêque  peut  avoir  la  faculté  de  la  permettre  sans  être 
l'Evêque  du  port  de  mer,  où  l'on  s'embarque. 

En  pratique  donc  le  prêtre  qui  désirera  ce  pouvoir  pour  une  traversée, 
le  demandera  à  son  Evêque,  et  si  celui-ci  n'a  pas  d'Induit,  le  prêtre 
pourra  s'adresser  soit  au  Délégué  Apostolique,  soit  directement  au  Saint- 
Siège. 

L'Induit  une  fois  obtenu  imposera  des  conditions,  il  y  sera  dit  ordi- 
nairement :  suh  conditionibus  "  ut  mare  sit  adeo  tranquillum,  ut  nullum 
adsit  pericuîum  effusio7iis  sacrarum  specierum  a  calice  (atque)  curent 
ut  alter  sacerdos,  si  adfuerit,  rite  celehranti  adsistat." 

Un  décret  de  la  Sacrée  Congrégation  de  la  Propagande  du  1er  mars 
1902  n'a  pas  peu  efïra3'é  les  prêtres  voyageurs  en  ajoutant  cette  condi- 
tion :  "  et  si  in  navi  non  haheatur  capella  propria  vel  altare  fixum,  ca- 
veant  omnino  Missionarii  ne  locus  ad  Missae  celehrationem  delectus 
quidquam  indecens  aut  indecorum  prae  se  ferat  :  quod  certe  eveniret  si 
augustissimum  altaris  mysterium  in  cellulis  celebraretur  pro  privatis 
viatorum  usibus  destinatis." 

Il  semblait  bien  que  la  Sacrée  Congrégation  condamnât  d'une  manière 
absolue  le  célébration  de  la  sainte  Messe  dans  les  cabines  ;  toutefois,  le  13 
août  de  la  même  année  1902,  la  même  Sacrée  Congrégation  s'expliquait 
comme  suit  :  "  Decretum  tantum  respicit  abusus  illos  qui  orirentur  si  in 
privatis  cellis. . . .  indeceiiter  offerretur. . .  Non  autem  absolute  çelebra- 
tio  in  cellis  prohibita  est,  quando  adjuncta  omnia  removeant  irreve- 
rentiae  pericula:'  —  (13  août  1902.) 

Eeste  encore  à  savoir  si  Eome  requiert  absolument  l'assistance  d'un 
prêtre  ou  d'un  diacre.  Un  Induit  général  accordé  aux  prélats  d'Amé- 
rique, d'Océanie  et  d'Australie  reprend  les  conditions  ci^dessus  énoncées 
en  ajoutant  "  et  si  adsit,  alter  sacerdos  superpclliceo  indutus,  Praesuli 
celehranti  adsistat.  (30  juin  1908.)  L'assistance  d'un  prêtre  n'est  donc 
plus  requise  d'une  manière  absolue. 

La  condition  la  plus  gênante,  en  pratique,  est  d'avoir  à  demander  un 
Induit  spécial.     C'est  là  une  chose  qui  surprend  les  marins,  étonne  les 


—  675  — 

passagers  et  retient  ou  peut-être  excuse  les  prêtres  eux-mêmes.  Je  me 
rappelle  qu'il  y  a  déjà  plusieurs  années,  un  Commissaire  très  bien  dis- 
posé me  disait  :  "  J 'ai  pensé  sérieusement  à  avoir  une  chapelle  portative 
à  la  disposition  des  prêtres  passagère;  mais  je  constate  <iue  la  plupart 
d'entre  eux  n'ont  pas  le  pouvoir  de  dire  la  sainte  Messe,  et  voilà  qui  me 
décourage." 

11  y  a  quelques  semaines,  une  personne  pieuse  m'écrivait  qu'elle  n'avait 
pu  avoir  la  Messe  bien  qu'il  y  eût  à  bord  bon  nombre  de  prêtres.  A  sa 
demande  ils  avaient  répondu  textuellement  :  "  Le  Saint-Père  nous  dé- 
fend de  célébrer  à  bord;  il  faudrait  pour  le  faire  avoir  une  permission 
toute  spéciale."  A  la  rigueur  c'est  vrai,  et  ai-je  besoin  de  dire  que  la 
voyageuse  dont  je  parle  fut  légèrement  incrédule.  D'ailleurs,  un  prêtre 
me  fit  à  moi-même  une  réponse  identique.  Excellent  homme,  très  digne 
prêtre,  français,  curé  d'une  grosse  paroisse  des  Etats-Unis,  je  lui  offris 
de  célébrer  à  l'autel  que  je  portais  avec  moi  et  dont  je  me  servais  chaxjue 
matin.  Il  me  répondit:  "Je  n'ai  pas  le  pouvoir  de  le  faire  et  je  pense 
que  ce  n'est  pas  dans  l'esprit  de  l'Eglise,  autrement  elle  n'exigerait  pas 
une  permission  toute  spéciale.  Si  le  Saint-Père  avait  vraiment  le 
désir  que  nous  célébrassions,  il  nous  en  donnerait  la  faculté." 

Messieurs,  je  ne  commente  pas,  je  cite  seulement,  et  ces  réflexions 
m'amènent  à  la  conclusion  suivante:  Il  y  a  là  quelque  chose  à  faire. 
Ne  conviendrait-il  pas  à  un  Congrès  Eucharistique  tenu  au  Canada  d'ob- 
tenir une  faveur  générale  ou  du  moins  de  fonnuler  très  luiiiil)k'iiu'nt  le 
vœu  que  voici  : 

Vœu  : 

"Qu'il  soit  permis  à  tout  prêtre  en  règle  avec  son  Ordinaire  de  célé- 
brer la  sainte  Messe,  à  bord  d'un  bateau  sur  mer,  dès  lors  que  toutes  les 
autres  conditions  requises  par  l'Induit  ordinaire  se  trouvent  réalisées." 

Je  crois,  Messieurs,  que  si  nous  obtenions  de  la  bonté,  de  l'indulgence 
si  connue  du  Souverain  Pontife  la  faveur  désirée,  le  Congrès  de  ilont- 
réal  laisserait  sa  trace  dans  l'histoire  des  Congrès  et  aurait  en  effet 
grandement  contribué  à  l'extension  du  culte  eucharistique. 


II 

N'ai-je  pas  été  trop  long?  et  me  sera-t-il  permis  enroro  de  parler  des 
voyages  sur   terre   et  de   la   célébration  de   la   >:iint.^    M.--;r  durant  ces 

voyages  ? 

Très  brièvement,  je  distinguerai  deux  cas.  Le  cas  du  prêtre  ayant  à 
faire  un  voyage  pressant  et  long  oh  il  s'agit  d'arriver  le  plus  rapidement 
possible  d'un  point  à  un  autre;  prenons  pour  exemple  un  voyag.-  dan« 
l'Ouest;  c'est  un  trajet  de  quatre  ou  cim]  jours.  îl  ne  peut  être  question 
de  s'arrêter  chaf|ue  jour  pour  célébrer  la  sainte  Messe. 

L'autre  cas  est  celui  du  prêtre  qui  voyageant  pour  son  plai-ir,  peut  s  ar- 
rêter où  il  veut  et  quand  ça  lui  plaît.  En  ce  cas,  on  ne  concevrait  pan 
qu'un  bon  prêtre,  pénétré  des  motifs  qui  l'engagent  à  la  célébration  de» 


—  676  — 

Saints  Mystères,  n'organisât  ses  voyages  de  manière  à  pouvoir,  chaque 
jour,  dire  la  Messe.  Mais  je  me  permettrai  d'ajouter  qu'un  point  im- 
portant pour  encourager  ce  prêtre,  c'est  la  certitude  qu'il  sera  bien  reçu 
par  ses  confrères,  qu'il  y  aura  partout  un  autel  et  un  servant  à  sa  dispo- 
sition, qu'on  ne  se  plaindra  pas  de  l'heure  tardive  ou  matinale  à  laquelle 
il  se  présentera  :  toutes  choses  qui  ne  sont  pas  impossibles  et  créent  par- 
fois des  difficultés  au  prêtre  voyageur. 

Une  autre  cause  d'embarras,  c'est  le  celebret.  Je  ne  sais  pourquoi 
un  prêtre  inconnu  qui  voyage,  même  s'il  porte  la  soutane  ou  un  habit 
religieux  quand  il  vient  demander  à  célébrer  la  sainte  Messe  est  facile- 
ment regardé  comme  un  escroc.  Et  si  son  celebret  n'est  pas  parfai- 
tement en  règle,  eh  bien  !  malgré  ses  explications,  on  lui  refusera  la 
célébration  ou  on  ne  l'accordera  que  de  fort  mauvaise  grâce. 

Xe  croyez  pas,  Messieurs,  .que  j'aille  en  conclure  à  l'abolition  du 
CELEBRET  et  faire  un  vœu  en  ce  sens.  Dieu  m'en  préserve  !  Les  saints 
Conciles,  les  Statuts  diocésains  ont  tous  promulgué  sur  cette  matière 
des  règlements  très  sages.  Toutefois,  il  faut  bien  reconnaître  que  le 
texte  de  ces  lois  tend  plus  à  préserver  les  Saints  Mystères  d'une  célébra- 
tion indigne  qu'à  favoriser  les  bons  prêtres  dans  leur  piété  et  que  ce 
dernier  point  est  laissé  au  tact  et  à  la  charité  des  supérieurs  d'Eglises 
chargés  d'appliquer  la  loi. 

Aux  prêtres  donc  qui  veulent  célébrer  de  se  mettre  en  règle  d'avance 
et  de  ne  point  négliger  ce  point  du  celebret;  aux  confrères  qui  les  re- 
çoivent d'y  mettre  toute  la  courtoisie  possible,  et  même  en  cas  d'accident 
toute  l'indulgence  et  l'épikie,  permises  par  les  législateurs,  et  dès  lors 
il  deviendra  facile  à  quiconque  d'entre  nous  qui  sera  en  voyage  de  s'ar- 
rêter entre  deux  trains  pour  offrir  le  saint  Sacrifice  de  la  Messe. 

Du  moins  n'admettra-t-on  pas  comme  un  principe  qu'en  voyage  il  n'y 
a  pas  à  s'occuper  de  la  Messe,  parce  que  trop  incommode  et  pas  pratique. 
En  temps  de  voyage,  comme  en  tout  autre  temps,  le  prêtre  pénétré  de 
la  sublimité  et  des  responsabilités  de  son  sacerdoce  se  souviendra  de  cette 
parole  de  l'Imitation: 

Quûndo  saccrdos  celehmt  Deum  lionomt,  angelos  laetificat,  Eccïe- 
siam  aedi/icat,  vivos  adjuvnt,  defunctis  requiem  praestat  et  sese  omnium 
hononim  participem  efficit.   ..Fiat!  Amen! 


—  677  — 

Puis  la  parole  est  de  nouveau  offerte  au  R.  P.  Galtier,  ^.S.S. 
dont  le  rapport  a  pour  titre  : 

L'ENSEIGNEMENT    EUCHARISTIQUE 

ou    DK 

l'Etude  et  de  la  Prédication  de  l'Eucharistie 

1° — Importance  de  cette  prédication 

Parmi  tous  les  sujets  que  le  dogme  et  la  morale  elirétieune  offrent  ù 
l'étude  et  à  la  prédication  du  prêtre,  il  n'en  est  pas,  j'ose  le  dire,  qui 
doive  tenir  une  place  aussi  importante,  aussi  étendue  que  le  Mystère 
eucharistique. 

L'Eucharistie,  en  effet,  n'est  pas  un  mystère  particulier  de  l'économie 
chrétienne;  elle  est  Dieu  lui-même,  Jésus-Christ  en  personne  dans  la 
réalité  de  tous  ses  Mystères,  et  de  toutes  ses  perfections  adorables.  Elle 
est  l'âme  et  le  cœur  du  coqDS  mystique  du  Christ,  l'Eglise,  et  on  l'appelle 
volontiers  la  raison  fondamentale  et  l'objet  central  du  culte  catholique 
et  la  clef  de  voûte  de  toutes  nos  croyances.  Et  quant  aux  âmes,  elle 
n'est  pas  un  inoyen  particulier  de  sanctification  :  elle  est  par  excellence 
le  sacrement  de  la  vie  surnaturelle,  le  grand  soutien  de  la  vie  chrétienne, 
le  principe  générateur  de  la  piété. 

C'est  donc  à  bon  droit  que,  par  son  excellence,  sa  dignité,  ses  in- 
fluences multiples,  l'Eucharistie  revendique  une  place  prépondérante 
dans  les  sollicitudes  du  prêtre,  chargé  d'instruire  le  peuple  lidèle. 

Or,  peut-on  dire  que  la  prédication  de  l'Eucharistie  soit  en  ra])port 
avec  l'importance  objective  du  grand  Sacrement  et  avec  ses  merveil- 
leuses efficacités?  La  plus  vivante  des  réalités,  la  j)lus  jmissante  des 
3auses  surnaturelles,  Jésus-Christ  lui-même  actuellement  présent,  vivant, 
le  Christ  eucharistique,  "cet  unique  fondement,  en  dehors  ducpiel  rien 
ne  se  peu^  établir,"  occui)e-t-il  en  fait  dans  l'enseignement  catholicpie, 
j'entends  celui  (pii  se  distribue  aux  fidèles,  soit  dans  les  catéchismes, 
soit  du  haut  de  la  chaire,  la  ])lace  à  la<|uelle  il  a  droit,  celle  où  ont  besoin 
de  le  trouver  les  âmes  chrétiennes,  la  première,  la  plus  en  vue,  la  plus 
importante  ?  Est-ce  le  sujet  le  plus  souvent  prêché,  le  plus  ordinai- 
rement expli<|ué,  comme  la  vérité  capitale,  la  cause  et  la  lin  de  tout,  où 
il  faut  sans  cesse  revenir  j)()ur  éclairer  toutes  les  autres  vérités,  vivilicr 
toutes  les  vertus?  Ou  bien  plutôt,  n'est-ce  pas  un  sujet  trop  réservé,  un 
mystère  trop  caché,  une  vérité  que  l'on  se  contente  d'affinner  à  la  foi, 
dans  les  formules  sacrées,  il  est  vrai,  mais  trop  succinctes,  sans  s'i'fforcer 
d'en  déployer  les  beautés  et  les  richesses  infinies? 

Interrogez  les  catéchistes.  En  dehors  de  quelques  explications  litté- 
rales, qui  ne  sont  guère  que  la  lettre  expliquée  par  la  lettre,  (|u'appren<l- 
on  aux  enfants  sur  l'adorable  mystère  pour  le(|Uel  ils  ont  été  baptisés  et 
sanctifiés,  et  vers  le(|uel  ils  temlent  <1e  toutes  les  vivaces  énergies  de  cette 
vie  divine  qui  est  déposée  dans  leurs  âmes.  Si  vous  réunisse/  cohune 
nous  l'avons  fait,  les  livres  de  retraite  pour  la  première  communion, 
publics  en  assez  grand  nombre  en  ces  derniers  temps,  vous  verriez  qui; 
la  plupart,  notez  bien,  je  ne  dis  pas  tous,  mais  la  plu|)art,  contenant  des 
instructions  pour  trois  ou  quatre  jours,  à  lr<»is  par  jour,  n'offrent  guère 


—  678  — 

qu'une  ou  deux  instructions  sur  rEucharistie  ;  et  quelquefois  c'est  de  la 
communion  sacrilège  qu'on  y  traite  !  Quelle  disette,  à  la  veille  de  la  pre- 
mière communion,  alors  qu'il  s'agit  de  faire  comprendre,  aimer  et 
goûter  aux  enfants,  le  grand  et  doux  sacrement  qu'ils  se  disposent  avec 
de  si  sincères  désirs  à  recevoir,  et  qui  doit  être,  si  l'on  veut  qu'ils  restent 
chrétiens,  l'aliment  ordinaire  de  leur  âme. 

Et  dans  les  chaires  chrétiennes,  entend-on  bien  souvent  annoncer  l'Eu- 
charistie, en  dehors  de  certains  jours  marqués  et  rares,  dans  lesquels  il 
serait  impossible  de  traiter  un  autre  sujet,  tels  que  le  quatrième  di- 
manche du  Carême,  où  l'Evangile  de  la  multiplication  des  pains  annonce 
la  communion  pascale,  pendant  l'Octave  de  la  Fête-Dieu  et  le  jour  de 
l'Adoration  perpétuelle?  Plût  à  Dieu  qu'en  ces  fêtes  du  moins,  on  fût 
toujours  fidèle  à  faire  briller  plus  éclatante  dans  les  âmes  la  vérité  de 
l'Eucharistie,  sur  laquelle  les  splendeurs  de  l'Exposition  solennelle  fixent 
déjà  tous  les  regards. 

Enfin,  ouvrez  les  sermonaires,  ces  arsenaux  de  bureau,  dont  on  pour- 
rait peut-être  déplorer  la  trop  grande  diffusion  au  point  de  vue  de 
l'étude,  mais  si  opportun  aux  prêtres  des  paroisses,  dont  le  temps  le  plus 
précieux  est  dévoré  par  les  occupations  écrasantes  du  ministère.  Qu'y 
trouvez-vous  sur  le  sujet  qui  nous  occupe,  sinon  un  ou  deux  sermons 
sur  la  présence  réelle,  sur  la  fréquente  communion  et  sur  les  fruits  du 
saint  Sacrifice? 

Il  faut  bien  l'avouer,  il  existe  une  contradiction  étrange,  un  illogisme 
frappant  entre  la  grandeur,  l'excellence  et  l'efficacité  de  l'Eucharistie 
que  tous  s'accordent  à  porter  jusqu'aux  nues,  et  l'importance  efEective 
qu'on  lui  donne  dans  l'enseignement.  Elle  occupe  de  par  l'institution 
divine  la  première  place  dans  l'ordre  des  réalités  surnaturelles  ;  elle  n'en 
a  qu'une  très  secondaire  dans  la  prédication.  En  droit  elle  est  tout: 
en  fait  elle  n'est  qu'un  moyen  de  salut  comme  un  autre. 

Nous  ne  prétendons  pas  qu'on  n'annonce  aux  peuples  que  l'Eucha- 
ristie :  la  prédication  chrétienne  doit  parcourir  la  vaste  carrière  de 
toutes  les  vérités,  de  tous  les  devoirs.  Mais  serait-ce  trop  exiger,  ne 
serait-il  pas  conforme  à  la  logique,  non  moins  qu'aux  indications  de 
l'Esprit-S&int,  qu'on  donnât  à  chaque  vérité,  dans  l'enseignement  oral 
une  place  proportionnée  à  celle  qu'elle  occupe  dans  l'économie  divine,  et 
par  conséquent  à  l'Eucharistie  la  première  place? 

Je  sais  bien  que  vous  allez  me  faire  ici  une  objection  :  "  Les  fidèles,  di- 
rez-vous,sont  peu  préparés  à  entendre  parler  de  l'Eucharistie;  ils  ne  com- 
prennent rien  à  ce  mystère;  c'est  pour  eux  un  sujet  fermé.  A  quoi  bon 
perdre  son  temps  à  leur  en  parler  souvent?  " 

Permettez-moi  de  vous  répondre  d'abord  que  si  tant  de  chrétiens  sont 
si  peu  instruits  du  Mystère  Eucharistique,  c'est  que  nous  leur  en  parlons 
bien  trop  rarement  et  que  ce  Mystère,  déjà  si  profond  et  si  caché  en  lui- 
même,  nous  l'obscurcissons  encore  davantage  pour  les  fidèles  en  faisant 
peser  sur  eux  le  sceau  de  notre  silence. 

Du  reste,  dans  l'objection  que  vous  formulez,  il  y  a  un  gros  relent  de 
Jansénisme,  permettez-moi  de  vous  le  dire.  Cette  pernicieuse  hérésie, 
en  éloignant  les  âmes  du  Sacrement  de  nos  autels,  en  reléguant  l'Eucha- 
ristie au  fond  des  tabernacles  et  en  rehaussant  les  barrières  qui  en 
séparent  les  fidèles,  réussit  si  bien  à  épaissir  les  voiles  qui  la  recouvrent 


—  679  — 

que  ce  Mystère  auguste  cessa  d'être  l'objet  familier  de  Tétude,  de  la  con- 
templation et  de  l'amour  des  chrétiens.  Dès  lors  on  renonça  peu  à  peu 
à  en  étudier  les  beautés  et  les  excellences,  à  en  scruter  les  richesses,  à  en 
goûter  les  charmes,  et  l'on  s'habitua  à  considérer  l'Eucharistie  comme  un 
mystère  inaccessible,  obscur  à  la  foi,  répugnant  à  la  raison,  inabordable 
à  la  piété  et  dont  on  doit  parler  le  moins  souvent  possible. 

Xe  soyons  pas  victimes  de  cette  triste  hérésie  en  considérant  encore 
l'Eucharistie  comme  un  Mystère  si  secret  et  si  caché  qu'on  ne  peut  guère 
le  prêcher  aux  foules.  Non,  soyons  bien  persuadés  au  contraire  que 
l'Eucharistie  est  le  Sacrement  populaire  par  excellence,  parce  que  le 
Christ  l'a  donné  à  tous."  "  Accipite  omnes,"  parce  qu'elle  contient  le 
Christ  en  personne  qui  appelle  à  Lui  le  monde,  parce  qu*elle  est  le  Sa- 
crement ordinaire  de  la  vie  des  chrétiens,  celui  que  l'on  doit  recevoir  le 
plus  souvent  et  qui  apporte  le  salut  à  tous.  Pour  le  comprendre  et 
l'aimer  ce  Mystère,  les  fidèles  sont  naturellement  préparés  par  le  fait  de 
la  grâce  du  Chiist  déposée  en  eux  par  le  Baptême;  cette  grâce  qui  leur 
donne  des  clartés  supérieures,  des  aptitudes  innées  à  comprendre  les 
mystères  de  l'ordre  surnaturel  et  surtout  celui  qui  doit  développer,  en- 
tretenir et  couronner  en  leurs  âmes  la  vie  du  Christ. 

Xon,  non,  ne  craignons  pas  de  prêcher  souvent  l'Eucharistie  aux  chré- 
tiens, parce  que,  affirme  le  Concile  de  Trente  à  l'encontre  de  l'objection 
faite  tout  à  l'heure:  "il  n'est  pas  une  seule  catégorie  de  fidèles  à  qui 
ne  convienne  et  ne  soit  très  nécessaire  la  connaissance  de  cet  admirable 
Sacrement,  de  la  réalité  qu'il  contient,  de  ses  merveilleux  effets  et  de  ses 
fruits  innombrables."     (Cath.  Trid.,  P.  ITI,  XLVIT.) 

2° — Matière  de  celte  prédication 

C'est  une  affaire  entendue,  nous  devons  prêcher  l'Eucharistie  souvent, 
beaucoup  plus  fréquemment  qu'on  ne  le  fait  communément  dans  l'ensei- 
gnement. 

Mais,  me  direz-vous,  que  c'est  donc  difficile  de  prêcher  l'Eucharistie. 
Combien  ce  sujet  est  abstrait,  épineux,  extrêmement  restreint.  '*  Quand 
j'ai  fait  deux  ou  trois  sermons  sur  ce  Mystère,  nous  disait  un  jour  un 
prêtre  pourtant  zélé  et  intelligent,  j'ai  épuisé  mon  sujet.  Que  voulez- 
vous  qu'on  dise  de  plus  quand  on  a  parlé  une  fois  de  la  présence  réelle, 
une  fois  de  la  communion,  une  fois  de  la  Messe. . . .'' 

Et  encore  ce  cher  confrère  avait-il  la  douce  vanité  de  croire  (ju'il 
avait  fait  un  cours  complet  sur  l'Eucharistie.  En  fait,  combien  peut- 
être  de  prêtres,  dont  tout  le  cycle  d'enseignement  eucharisti(|ue  se  ré- 
sume à  un  sermon  et  encore. 

Cela  dénote  une  bien  pauvre  intelligence  de  ce  qu'est  ce  granil  mys- 
tère. • 

J'ose  prétendre  au  contraire,  que  c'est  un  champ  l)ien  vaste  <iue  celui 
qui  est  offert  à  la  prédication  et  à  l'enseignement  pastoral  sous  toutes 
ses  formes,  par  tout  l'ensemble  du  Mystère  Euchari=ti<|iic.  un  iie~  nlus 
vastes  de  la  religion. 

(a)  L'Eucharistie,  c'est  d'abord  la  présence  réelle,  c'est-àilire  (|u'elle 
est  au  milieu  de  nous,  et  dès  lors,  tout  ce  que  nous  pouvons  et  d('^•ons 
enseigner  de  Dieu,  de  ses  perfections,  nous  le  pouvons  jin\lier  de  l'Eu- 
charistie qui  est  l'Eternel,  l'Immense,  le  Tout-F'uissant.   L'Euchnristi»', 


—  680  — 

c'est  Dieu  fait  liomine,  c"ei;t-à-dire  le  Christ.  Entre  le  passé  du  Christ, 
où  seuls  quelques  privilégiés  jouirent  de  sa  présence,  et  l'avenir  glorieux 
du  ciel  où  tous  les  élus  le  posséderont  dans  toute  la  plénitude,  l'Eucha- 
ristie est  Tunique  moyen  de  la  présence  personnelle  du  Sauveur  sur  la 
terre.  En  dehors  du  Christ  eucharistque,  nous  n'avons  plus  Jésus-Christ; 
celui  du  passé  est  trop  loin,  celui  de  l'avenir  trop  haut.  L'Eucharistie 
nous  le  donne  et  nous  permet  de  l'aborder  et  d'entretenir  avec  lui  ces 
relations  familières  qui  sont  la  conséquence  de  l'Incarnation.  En  l'Eu- 
charistie encore  le  Christ  continue  tous  les  Mystères  de  son  Incarnation, 
de  sa  Rédemption;  il  est  le  frère,  l'ami,  le  Sauveur,  le  Docteur,  le  Con- 
seiller, le  Médecin  de  nos  âmes,  etc. 

Prêcher  FEucliaristie,  c'est  donc  prêcher  le  Christ,  dans  toute  la  réa- 
lité de  sa  personne  divine  et  humaine  qu'elle  contient  ;  c'est  prêcher  son 
amour  infini,  son  cœur  divin  qui  fait  l'Eucharistie  vivante;  c'est  prê- 
cher tous  ses  mystères  qu'elle  résume  et  qu'elle  perpétue.  Estnce  donc 
si  peu  de  chose? 

Est-ce  donc  si  peu  de  chose,  après  avoir  démontré  et  expliqué  claire- 
ment le  fait  de  la  présence  réelle  par  les  arguments  traditionnels,  que  de 
s'attacher  à  exposer  aux  fidèles  tous  les  trésors,  toutes  les  ineffables 
réalités  que  renferme  ce  mystère,  et  de  leur  développer  les  convenances, 
les  motifs  et  les  avantages  de  l'Adoration  du  Très  Saint-Sacrement, 
devoir  sacré  que  nous  avons  à  acquitter  envers  la  présence  réelle  de  Dieu 
parmi  nous? 

(b)  L'Eucharistie,  c'est  encore  le  Sacrifice  de  la  Messe.  C'est-à-dire 
le  sacrifice  unique  de  la  nouvelle  alliance,  remplaçant  toutes  les  figures, 
tous  les  sacrifices  de  l'Ancienne  Loi.  C'est  le  Mémorial,  le  renouvel- 
lement du  Sacrifice  de  la  Croix.  C'est  l'acte  central  du  culte  catholique, 
du  culte  social,  par  lequel  la  communauté  chrétienne  et  l'humanité  en- 
tière acquitte  ses  devoirs  envers  Dieu. 

N'y  a-t-il  pas  ici  encore  matière  abondante  à  des  développements  pour 
le  prêtre  qui,  après  avoir  exposé  aux  fidèles  et  la  réalité  et  la  nature  du 
sacrifice,  voudra  leur  en  dire  les  excellences,  les  fruits  inappréciables, 
pour  conclure  au  devoir  d'assister  souvent  à  la  Messe  en  y  apportant 
plus  d'intelligence  et  de  meilleures  dispositions?  Et  à  cela  ne  peut-il 
pas  ajouter,  en  un  cours  d'instructions  familières,  l'explication  littérale 
et  mystique  des  cérémonies  et  des  prières  de  la  messe,  une  exposition  de 
liturgie  sacrée? 

(c)  Enfin,  quelle  mine  inépuisable  de  prédication  s'offre  au  prêtre  si 
nous  considérons  le  troisième  aspect  de  l'Eiu-haristie,  le  plus  connu,  le 
plus  accessible,  le  plus  riche  pour  nous:  la  Sainte  Communion. 

A  peine  ai-je  besoin  d'insister  sur  ce  sujet  pour  convaincre  vos  esprits. 

Je  ne  rappelle  que  pour  mémoire  les  figures  de  la  communion  qui 
s'échelonnent  §v  cours  de  l'Ecriture,  depuis  l'Arbre  du  Paradis  jusqu'à 
la  multiplication  des  pains  et  des  Xoces  de  Cana,  et  qui  commentées  aux 
fidèles  fournissent  k>  sujet  d'instnictions  très  intéressantes  et  très  ori- 
ginales. 

Mais  la  Communion,  sa  nature,  ses  excellences,  ses  vertus,  ses  merveil- 
l'euses  efficacités  ;  les  dispositions  faciles  qu'elle  comporte  dans  ceux  qui 
s'en  approchent,  depuis  le  simple  état  de  grâce,  jusqu'à  la  vertu  la  plus 
haute;  les  motifs  qui  doivent  y  attirer  les  âmes:  —  n'y  a-t-il  pas  là 
encore  des  trésors  à  ouvrir  aux  âmes  par  Tonsoignement  pastoral? 


—  G81  — 

Mettez  alors  la  communion  en  face  de  tous  les  états  de  la  vie  chré- 
tienne, de  tous  les  âges,  de  toutes  les  conditions:  étudiez  (juels  exemples 
elle  donne,  quels  secours  elle  apporte,  quels  remèdes  elle  fournit,  quelle 
influence  elle  doit  exercer  sur  Tenfance  et  la  jeunesse,  sur  la  virginité, 
le  mariage  et  la  vie  religieuse;  sur  la  persévérance  des  justes  et  la  con- 
version des  pécheurs  ;  et  avec  un  tel  sujet  à  développer  je  ne  crains  pas 
de  dire  que  vous  serez  facilement  éloquent  parce  que  vous  parlerez  de 
choses  que  vous  sentez  et  qui  iront  au  cœur  de  vos  auditeurs. 

Ah!  de  quelles  immenses  ressources  on  se  prive  volontairement  ]X)ur 
féconder  le  champ  de  la  prédication  évangélique  et  de  l'enseignement 
pastoral,  et  pour  faire  du  bien  aux  Ames,  en  négligeant  l'enseignement 
sur  rEucliaristie. 

N'est-ce  pas  qu'il  est  vaste,  qu'il  est  immense  le  champ  de  la  prédica- 
tion eucharistique? 


* 
*       * 


Que  sera-ce  si  à  cet  enseignement  que  j'appellerais  volontiers  dirwt, 
parce  qu'il  concerne  directement  le  Mystère  de  nos  autels,  nous  ajou- 
tons l'enseignement  indirect? 

Et  par  là  j'entends  cet  enseignement,  qui  en  toute  circonstance,  sait 
ramener  son  sujet,  quel  qu'il  soit,  à  l'Eucharistie. 

Cette  manière  de  faire  semble  à  première  vue  exagérée;  et  pourtant 
rien  n'est  plus  légitime,  plus  facile.  Puisque  l'Eucharistie  est  le  foyer 
de  la  doctrine,  de  l'histoire,  de  la  vie  de  l'Eglise;  j)uis(|u'elle  est  l'objet 
central  auquel  tout  se  ramène,  puisqu'elle  n'est  autre  chose  que  le  Christ 
lui-même;  il  est  légitime,  je  dis  plus,  il  est  naturel,  de  tout  ramener  à 
ce  Mj'stère  qui  contient  tous  les  autres. 

Parlez-vous  d'un  mystère  de  la  vie  du  Christ?  de  sa  naissance,  de  sa 
Passion,  de  son  Ascension,  etc.?  Pourquoi,  après  avoir  considéré  ce 
mvstère  en  lui-même,  n'en  feriez-vous  pas  voir  la  réalité  toujours  vi- 
vante dans  l'Eucharistie,  mémorial  de  tous  les  Mystères  du  Christ?  Vos 
auditeur:,  seraient  autrement  frappés  d'une  vérité  qui  leur  est  offerte 
comme  toujours  actuelle  sous  leurs  yeux,  que  de  l'évocation  d'un  évé- 
nement du  passé. 

Exposez-vous  à  vos  fidèles  les  grandeurs,  les  beautés,  les  caractères, 
l'action  et  la  vie  de  l'Eglise?  Quel  charme  instructif  ne  revêtira  pas 
votre  parole,  si  vous  montrez  le  Christ  en  personne  vivant  et  agissant  et 
gouvernant  son  Eglise  par  l'Eucharistie? 

Voulez-voiLs  exciter  les  âmes  à  la  prati«|ue  des  vertus  chrétiennes? 
Quelle  force  de  persuasion  n'ajouterez-vous  pas  à  vos  exhortations  si  au 
lieu  de  chercher  dans  rKvangilc  seulement  des  exemples  passés  de  ces 
vertus,  vous  proposez  à  rimitation  des  chrétiens  les  exemples  toujours 
actuels  des  vertus  que  pratique  Jésus-Christ  en  son  Sacrement,  où  il 
nous  offre,  en  même  temps  la  grâce  toujours  efficace  et  victorieuse  qui 
nous  ai<Iera  à  prati«iuer  ces  vertus?  ,  .  ,     ,      , 

Et  ainsi  de  suite  pour  tous  les  ^[yslèrcs.  toutes  les  vente»  du  dogme 
ou  de  la  morale  catholi(|ue.  vous  pouvez  sans  rappnK-hement  forcé,  pn- 
cher  l'Eucharislie.  et  rai)porler  tout  à  l'Eucharislie. 

Votre  ensciLrnement  v  gagnera  en  proron<le»ir.  puisiprij  reviendra  tou- 
jours à  «on  centre,  il  sera    plus    vivant,    puisqu'il    viviliera    toutes  les 


—682  — 

vérités,  même  les  plus  abstraites,  les  ramenant  à  l'Eucharistie  qui  est  le 
Christ  toujours  vivant  dans  la  réalité  de  tous  ses  mystères.  Votre  parole 
sera  plus  persuasive  et  elle  trouvera  aisément  le  chemin  des  cœurs,  car 
une  âme  chrétienne  a  une  soif  naturelle  de  Jésus-Christ  présent  et  vi- 
vant dans  l'Eucharistie,  elle  se  dilate  quand  on  lui  en  ^parle  et  qu'on  la 
met  en  rapport  avec  lui. 

Mais,  me  direz-vous,  nous  voudrions  bien  prêcher  l'Eucharistie;  nous 
avouons  même  que  la  matière  prédicable  est  abondante,  surabondante, 
immense.  Pourquoi  faut-il  que  nous  ne  trouvions  sous  la  main  presique 
pas  d'instruments  pour  nous  aider  à  cultiver  ce  champ,  cette  mine  de 
prédication.  Xous  n'avons  presque  aucun  ouvrage  qui  puisse  nous  aider 
à  étudier  l'Eucharistie  ;  les  livres  manquent  à  ce  sujet. 

Que  de  fois  n'avons-nous  pas  entendu  formuler  cette  objection,  ex- 
primer cette  plainte  ! 

Oui,  je  le  constate  avec  douleur,  alors  que  tant  d'autres  points  des 
vérités  chrétiennes  ont  tenté  les  investigations  d'auteurs  nombreux  et 
ont  fait  une  foule  d'ouvrages  ;  l'Eucharistie  a  été  négligée  par  la  plupart 
et  les  livres  qui  en  traitent  sont  peu  nombreux,  difficiles  à  trouver. 

Cependant  dans  ces  dernières  années,  il  semble  que  le  Mystère  eucha- 
ristique a  été  plus  étudié  et  médité,  et  la  bibliographie  de  cet  auguste 
Sacrement  s'est  enrichie  d'assez  nombreux  ouvrages  dont  quelques-uns 
ont  une  réelle  valeur. 

Le  prêtre  qui  voudra  donc  étudier  l'Eucharistie  ne  sera  pas  dépourvu 
autant  qu'il  pourrait  le  craindre,  s'il  veut  bien  consulter  la  petite  biblio- 
thèque eucharistique  que,  à  titre  de  renseignement,  nous  lui  ouvrons  à  la 
fin  de  ce  travail. 

3°- — Pratique  de  cette  prédication. 

Mettons-nous  donc  résolument  a  l'œuvre  :  prêchons  l'Eucharistie.  Et 
pour  cela,  étudions-la  plus  assiduement,  dans  le  silence  de  notre  cabinet  ; 
faisons-en  le  sujet  fréquent  de  nos  méditations  solitaires  au  pied  du  ta- 
bernacle. Faisons-nous  un  cours  suivi  d'instructions  sur  ce  Mystère 
auguste  :  sermons  solennels  dans  les  grandes  circonstances  ;  instructions 
plus  familières  en  l'occurrence  ordinaire  et  la  prédication  solennelle. 

Puis,  saisissons  toutes  les  occasions  de  parler  de  l'Eucharistie  aux 
fidèles:  Quarante-Heures,  Premier  Vendredi  du  Mois,  Adoration  men- 
suelle, Fête-Dieu,  Jeudi-Saint,  Sacré-Cœur,  Pâques,  Carême  et  Avent, 
Réunions  de  Congrégations  ou  de  Confréries,  Retraites,  etc. 

J'insiste  ici  sur  deux  circonstances  exceptionnelles  :  les  Triduums  et  les 
Retraites. 

Faisons  donner,  chaque  année  à  nos  fidèles,  le  Triduum  eucharistique 
tant  recommandé  par  Pie  X.  Que  dans  ce  but  les  prêtres,  les  curés 
s'invitent  et  s'aident  mutuellement  en  prêchant  les  uns  chez  les  autres 
et  en  devenant,  en  l'occurrence  prédicateurs  de  circonstance. 

Qu'à  toutes  les  Retraites  ou  Missions,  il  y  ait  un  jour  entier  d'instruc- 
tions consacrées  uniquement  à  l'Eucharistie  et  que  les  exercices  de  la 
Retraite  tendent,  dès  le  commencement,  à  cette  journée  eucharistique 
comme  à  leur  couronnement. 

Enfin,  soyons  fidèles  à  rehausser  la  solennité  des  Quarante-Heures  en 
faisant  de  ces  deux  jours  d'adoration  deux  jours  de  prédication  eucha- 


—  683  — 

ristique.  Il  est  surtout  un  genre  de  prédication  qui  convient  plus 
spécialement  à  cette  circonstance  et  qui  est  très  goûté  des  fidèles:  c'est 
l'Heure  solennelle  d'Adoration  prêchée  avec  chants.  Ce  sera  le  moyen 
de  faire  porter  de  plus  grands  fruits  à  ces  solennités  en  développant  la 
connaissance  et  l'amour  de  l'Eucharistie  dans  les  âmes. 

Prêchons  l'Eucharistie  ! 

C'est  l'excellence,  la  grandeur,  l'importance  souveraine  de  ce  Sacre- 
ment qui  l'exige. 

Prêchons  l'Eucharistie! 

C'est  l'Eglise  qui  nous  le  demande;  car  voici  que  naguère  encore  la 
Congrégation  du  Concile,  parlant  sur  l'ordre  du  Souverain  Pontife,  dans 
le  célèbre  décret  sur  la  Communion  fréquente  et  quotidienne,  appuie  sur 
la  recommandation  instante  faite  par  le  Concile  de  Trente  aux  Pasteurs 
d'âmes,  d'entretenir  souvent  les  fidèles  confiés  à  leurs  soins,  de  ce  grand 
Sacrement,  des  fruits  merveilleux  qu'il  produit  et  du  besoin  qu'ont  tous 
les  chrétiens  de  s'en  nourrir  souvent. 

Prêchons  l'Eucharistie! 

C'est  le  vœu  le  plus  ardent  des  âmes  chrétiennes. 

"  Partout  comme  sous  un  souffle  spécial  de  l'Esprit-Saint,  la  dévotion 
à  l'Eucharistie  grandit  dans  les  âmes,  les  œuvres  eucharistiques  se  déve- 
loppent, les  âmes  ont  soif  de  l'Eucharistie.  C'est  quand  on  leur  ])arle 
de  Jésus-Eucharistie  qu'elles  vibrent,  qu'elles  s'attendrissent,  qu'elles 
s'amendent,  se  corrigent  et  se  sanctifient.  Elles  semblent  nous  dire,  à 
nous  prêtres,  gardiens  du  pain  céleste  :  "  Da  nobis  panem  quoiidianum  !" 

Prêchons  l'Eucharistie  ! 

C'est  le  vœu  que  je  formule  en  terminant,  en  soumettant  l\  la  ratili- 
catiôn  du  Congrès  Eucharistique  la  résolution  suivante: 

Vœu  : 

"Que  tous  les  prêtres  s'efforcent  de  donner  à  l'Eucharistie  une  place 
"prépondérante  dans  leur  prédication  et  leur  enseignement  pastoral: 

"Qu'ils  profitent  de  toutes  les  occasions  pour  en  jinrler  fréquemment 
"aux  fidèles;  surtout  au  temps  des  Pâques,  de  la  solennité  des  Qunranie- 
"  Heures  et  des  Triduums  eucharistiques:  qu'en fiu  les  crercices  des  He- 
"  traites  et  Missions  soient  dirigés  à  promouvoir  dans  les  âmes  une  plus 
"grande  dévotion  envers  l'Eucharistie,  et  à  assurer  leur  persévérance 
"pour  la  fréquentation  de  la  Table  Sainte." 


Le  Secrétaire  attire,  ensuite  l'attention  des  prêtres  sur  la 
très  intéressante  étude  que  le  R.  P.  Linielo,  S.  J  .  le  jrrand 
apôtre  de  l'Eucharistie,  a  bien  voulu  ])réi)arer  jmur  le  Con- 
2:rès  de  Montréal,  sur  ht  préiliatfiott  den  triifuinns  eucliarinti- 
ques.  Ce  travail  imprimé  est  distribué,  par  les  soins  du 
Comité  des  Travaux,  aux  prêtres  présents  à  la  séance. 


—  684  — 
En  voici,  du  reste,  le  texte. 

LA  PREDICATION  DES  TRIDUUMS  EUCHARIS- 
TIQUES 

On  a  tant  usé  et  abusé  du  mot  Croisade  que  j'hésite  à  l'employer 
à  mon  tour.  Y  a-t-il  un  essai  de  mouvement  religieux,  voire  politique 
et  profane,  qui  n'ait  reçu  de  ses  promoteurs  ce  nom  trop  auguste  pour 
le  dessein  qu'ils  poursuivaient  ?  Mais,  en  vérité,  rien  ne  peut  évoquer 
à  plus  juste  titre  le  souvenir  d'une  croisade  que  les  efforts  de  Pie  X 
pour  ramener  le  peuple  chrétien  à  la  pratique  de  la  Communion  quo- 
tidienne. 

Un  mot  d'ordre  parti  de  Eome,  répété  par  la  voix  des  Pierre  l'Ermite 
et  des  Bernard,  acclamé  dans  les  immenses  assemblées  des  Evêques,  des 
princes  et  des  peuples,  tous  les  cœurs  chrétiens  enthousiasmés  de  la 
grandeur  du  but,  les  chevaliers  s'araiant  et  partant  en  guerre,  les 
femmes  et  les  enfants  priant,  la  Croix  devenue  le  signe  de  ralliement 
des  guerriers,  voilà  ce  que  rappellent  les  croisades,  et  n'est-ce  pas  un 
spectacle  analogue  que  le  monde  chrétien  nous  offre  à  l'heure  actuelle  ? 

Une  première  fois,  Pie  X  affirme  le  généreux  dessein  qu'il  a  conçu. 
C'était  à  la  clôture  du  Congrès  Eucharistique  de  Eome  en  1905.  Sa 
voix  supplie  plus  qu'elle  ne  commande.     Ecoutez  : 

"  Je  vous  prie  et  vous  conjure  tous  de  recommander  aux  fidèles  de 
"  s'approcher  du  Divin  Sacrement.  Et  je  m'adresse  spécialement  à  vous, 
"  mes  chers  fils  dans  le  sacerdoce,  afin  que  Jésus,  le  plus  grand  des  tré- 
"  sors  du  Paradis,  le  plus  grand  des  biens  qu'ait  jamais  possédés  l'hu- 
"  nianité  désolée,  ne  soit  pas  abandonné  d'une  manière  aussi  injurieuse 
"  et  aussi  ingrate." 

Six  mois  après,  paraît  le  magistral  Décret  sur  la  Comnnmion  Quoti- 
dienne, do^it  l'éclu)  doit  être  répercuté  jusqu'aux  extrémités  du  monde 
et  jusf|u'à  la  fin  des  temps.  Bientôt,  à  Tournai,  le  Légat  du  Pape,  in- 
vite "les  memb'es  de  l'Episcopat,  Clief  d'ordres.  Présidents  d'œuvres, 
prêtres,  religieux,  laïciues,  catholiciues  ici  présents.  .  .  à  prendre  acte  de 
ce  grand  acte  pontifical,  doctrinal  et  disciplinaire  tout  ensemble.  . .  à  le 
saluer  avec  respect,  à  l'acclamer  avec  enthousiasme,  et  à  en  faire,  pour 
l'avenir,  le  mot  d'ordre  inscrit  sur  notre  drapeau,  dans  nos  campagnes 
pour  la  propagande  du  bien." 

L'anm'e  suivante,  à  Metz,  on  étudie  la  mise  en  pratique,  la  stratégie 
du  Décret;  les  trouiics  s'organisent;  chaque  soldat  est  appelé  à  son  poste. 
Et  ce  grand  Congrès,  dont  Londres  et  Cologne  n'ont  pu  dépasser  l'effort 
doctrinal,  pDur  avoir  été  voué  tout  entier  à  la  propagation  de  la  Com- 
munion quotidienne  ou  fréquente,  reçoit  de  Pie  X  ces  félicitations  signi- 
ficatives :  "  De  tous  les  fruits  qu'on  pouvait  attendre  du  Congrès  de  Metz, 
ce  résultat  nous  serait  à  lui  seul  le  plus  agréable;  bien  plus,  il  réunirait 
en  lui  tous  les  autres.  Car  de  là  dépendent  et  le  véritable  amour  de 
Dieu  et  la  vraie  piété,  de  là  découle  la  parfaite  union  des  cœurs,  de  là 
viennent  la  force  et  l'appui  de  la  fragilité  humaine,  de  là  enfin,  toute 
vie  chrétienne.  Que  tous  les  esprits  se  persuadent  bien  de  ces  vérités, 
telle  est  notre  ai-dente  prière." 


—  685  — 

Au  début  de  191U,  le  vieux  jansénisme  est  battu  en  brèche:  35,000 
prêtres  sont  enrôlés  dans  la  Ligue  Sacerdotale  Eucharistique,  fondée 
pour  promouvoir  la  Communion  quotidienne,  par  la  prière,  par  la  parole 
et  par  la  plume.  Partout  les  chiffres  des  communions  se  relèvent,  des 
paroisses  se  transforment  ;  de  nombreuses  maisons  d'éducation  préparent 
des  races  imbues  de  l'Eucharistie;  dans  toutes  les  langues  de  nouveaux 
écrits  font  oublier  les  livres  qui,  sous  le  couvert  de  la  piété  ou  de  la 
science  théologique,  avaient  trop  longtemps  répandu  le  poison  janséniste: 
en  un  mot,  "  c'est  le  sens  de  rKucliaristie  (]ui  renaît  (  1  )  !  " 

Si  ce  n'est  là  une  Croisade,  à  quoi  donc  ce  beau  nom  pourra-t-il  s'ap- 
pliquer ?  A  la  face  du  monde,  les  fidèles  se  rallient  autour  du  Christ 
vivant  parmi  eux,  et  lui  prodiguent  sur  divers  points  du  globe,  des 
triomphes  sans  précédents.  En  vérité,  n'est-ce  pas  le  cas  de  redire  le 
mot  cité  par  un  apologiste  du  troisième  siècle,  et  qui  mériterait  d'être 
la  devise  des  Congrès  Eucharistiques:  /lac  foederaniur  Hoslia!  L'Hostie 
divine,  voilà  le  lien  qui  les  unit  (2)  ! 


Raisons  du  Triduiim. 

Mais  le  génie  pratique  et  ferme  de  Pie  X  n'ignore  pas  que,  comme 
dans  la  Croisade,  il  y  a  un  ennemi  à  terrasser,  un  ennemi  aussi  rusé  que 
tenace,  plein  de  rage  contre  Jésus-Christ  et  contre  les  âmes,  fort  de 
triomphes  séculaires,  que  cet  ennemi  a  des  auxiliaires  puissants  dans 
rinintelligence  de  la  vie  surnaturelle,  dans  la  mollesse  et  la  peur  de  la 
gêne,  non  moins  que  dans  le  faux  respect. 

Aussi  ne  suftit-il  pas  au  Pape  (|ue  le  mot  d'ordre  ait  été  une  fois  pro- 
clamé, qu'il  ait  retenti  avec  éclat  clans  les  assendjlées  les  plus  solennelles, 
qu'il  ait  ét'^  répété  mille  fois  par  tous  les  modernes  moyens  de  diffusion 
cle  l'idée.  Xon.  il  faut  que  tous  l'entendent,  que  personne  ne  ])uisse 
ne  pas  l'entendre;  il  veut  une  prédication  de  la  Croisade  Eucharistique 
qui  soit  continuelle  et  universelle. 

"Les  curés,  les  confesseurs  et  les  ])rédicateurs,  exhorteront  fréiiuem- 
"  ment,  et  avec  beaucoup  de  zèle,  le  peuple  chrétien  à  un  usage  si  pieux 
"  et  si  salutaire." 

Ainsi  ))arle  le  Décret.  A  chacun  de  ceux  qui  ont  rang  dans  la  hiérar- 
chie sacrée  le  devoir  est  nettement  tracé.  Mais  encore,  ])our  (|ui  connaît 
l'inconstame  humaine  et  la  mulli])licité  des  objets  qui.  de  nos  jours, 
sollicitent  l'attention  et  le  zèle  du  clergé,  il  était  opportun  de  fixer  des 
moments  où  s'accomplirait  ce  devoir. 

Aussi,  dès  la  constitution  do  la  Lii/ue  aacerdotaJe.  voyons-ncnis  un 
Triduum  sio^nalé  entre  tous  les  moyens  d'atteindre  le  but  qu'elle  pour- 
suit. 

Une  année  s'écoule,  et,  le  10  avril  1007,  la  Sacrée  Congrégation  de:» 
Tndulçrences  envnvait  à  tous  les  Evêques  de  la  chrétienté  une  lettre  sur 
la  célébration  annuelle  du  Triduum,  lettre  que  l'on  a  appelée  avec  raison 


(  1  )   Mgr  Cliesnelong,  évPqiip  de  Valence. 
(2)   Minutius  Félix,  Octav..  n.  0. 


—  ii86  — 

"  le  couronnement  de  l'œuvre  du  Saint-Siège  relative  à  la  Croisade  Eu- 
charistique."" But  à  poursuivre,  exercices  à  célébrer,  matières  des 
exhortations,  privilèges  et  indulgences  pour  accroître  l'ardeur  de  tous: 
rien  n'y  est  omis.  Le  Pape  veut  que  "  l'on  fasse  comprendre  à  tous  les 
fidèles  son  ardent  désir  de  promouvoir  la  Communion  de  plus  en  plus 
fréquente  ;  "  il  invite  les  Evêques  "■  à  poursuivre  l'œuvre  commencée  et 
à  faire  tous  leurs  efforts  —  omnem  impendant  operaîn  —  pour  que  les 
fidèles  se  nourrissent  plus  souvent  et  même  chaque  jour  de  la  Sainte 
Eucharistie." 

Le  principal  moyen  d'atteindre  ce  but  si  désirable  est  la  célébration 
annuelle  d'un  triduum  de  prières  et  de  prédications.  Qui  ne  voit  l'ex- 
ceptiomielle  importance  de  la  prescription  de  ce  Triduum  ?  C'était 
la  réponse  péremptoire  de  Eome  à  cette  préoccupation  d'une  foi  timide, 
qui  se  faisait  jour  en  divers  endroits  :  "  Prenons  garde  que  les  fidèles 
ne  se  figurent  qu'il  y  a  quelque  chose  de  changé  dans  l'Eglise;  laissons 
agir  les  seuls  confesseurs;  un  ébranlement  général  offrirait  plus  d'in- 
convénients que  d'avantages." 

Eh  bien  !  non,  Eome  ne  se  contente  pas  de  la  direction  spirituelle 
privée,  moins  encore  d'une  tolérance  tranquille  et  même  craintive  de  la 
Communion  quotidienne.  Les  fidèles  ne  savent-ils  pas  que  le  Pape  est 
établi  "  au  Thabor  de  la  visibilité  catholique  ",  pour  y  être  le  gardien 
vigilant  de  la  doctrine,  pour  redresser  et  condamner  tous  les  écarts  .'' 
Seront-ils  plus  étonnés  de  son  intervention  dans  la  question  de  la  Com- 
munion que  dans  toute  autre  question  doctrinale  ?  Ne  sera-t-il  pas 
facile  d'ailleurs  de  prouver  qu'on  ne  leur  propose  que  le  retour  à  la 
plus  antique  tradition  ;  que  ce  retour,  désiré  par  Pie  IX  et  par  Léon 
XIII,  était  préparé  depuis  longtemps  par  un  mouvement  de  l'Esprit  de 
Dieu  dans  l'Eglise  ;  que  le  siècle  de  Marie  a  préludé  au  siècle  de  l'Eu- 
charistie, que  la  dévotion  au  Sacré-Cœur  de  Jésus  s'achemine  vers  son 
plein  épanouissement;  enfin  qu'au  paganisme  renaissant  le  Pape  veut 
opposer  une  légion  de  confesseurs  et  de  martyrs,  c'est-à-dire  de  commu- 
niants. 

Oui,  après  les  décrets  de  Pie  X,  il  y  a  quelque  chose  de  changé,  non 
dans  la  doctrine  de  l'Eglise,  mais  dans  les  enseignements  de  plusieurs 
de  ceux  qui  parlaient  en  son  nom,  mais  dans  la  mentalité  de  beaucoup 
de  fidèles.  "  Loin  de  le  dissimuler,  il  vaut  mieux,  sans  hésiter,  le  re- 
connaître (le  Décret  lui-même  prévient  l'objection)  pour  se  dégager  de 
l'entrave  de  notre  éducation  première  et  comprendre  adéquatement  la 
doctrine  de  l'Eglise  (1)".  N'est-ce  pas  hâter  la  restauration  désirée  que 
de  saluer  l'îiurore  d'une  ère  nouvelle,  de  proclamer  franchement  la  néces- 
sité d'un  changement  d'idées  et  de  conduite  ?  Eeculer  devant  cette  pro- 
mulgation catégorique,  n'est-ce  pas  prolonger  le  règne  de  ces  "  préjugés, 
vaines  craintes  et  motifs  spécieux  de  s'abstenir",  que  déjà  Léon  XIII 
avait  déclaré  devoir  être  entièrement  abolis  (3)? 


(1)  P.  T5f»s^on.  s.  .T..  Annales  den  prêtrea  adorateurs,  1909. 

(2)  Mgr  l'Evêquo  do.  Metz  nous  donne  nn  exemple  de  ce  fienre  de  promulfration. 
Après  avoir  énum^-ré  diverses  conceptions  fausses  au  sujet  de  la  communion,  il 
poursuit  :  "Vous-mêmes,  N.  T.  C.  F.,  vous  n'avez  probablement  pas  eu  jusqu'il 
pr^^sent  d'autres  id^-es  à  cet  égard.  Et  pourtant,  ces  considérations  ne  sont  pas 
fondées,  elles  sont  absolument  préjudiciables  au  salut  de  nos  âmes,  puisqu'elles 
T10U8  tiennent  éloignés  du  C'brist,  qui  est  la  source  même  de  toute  vie  et  de  toute 
vertu."  Lettre  pastorale  de  1908. 


—  687  — 

La  Communion  quotidienne  doit  cesser  d'être  regardée  comme  uq 
privilège  de  caste  ou  une  récompense  de  la  vertu  :  voilà  ce  que  dit  à  tous 
la  voix  de  Pie  X. 

Une  raison  psychologique  justifie  la  volonté  du  Chef  de  l'Eglise.  On 
ne  peut,  en  effet,  imaginer  que  deux  méthodes  d'aboutir  au  but  désiré: 
l'initiation  individuelle  et  progressive,  ou  la  prédication  publique.  La 
première  apparaît  de  suite  comme  vouée  à  un  piteux  avorîement,  ou  du 
moins  à  des  résultats  amoindris.  Comme  elle  s'exerce  surtout  au  con- 
fessionnal, il  est  évidemment  impossible  que  le  confesseur  donne,  à 
chaque  pénitent  en  particulier,  une  instruction  complète  sur  le  Décret! 
S'il  le  pouvait,  il  ne  trouverait  pas  l'esprit  du  pénitent  préparé  pour 
une  adhésion  immédiate  ;  la  conviction  se  fit-elle  lumineuse,  on  se  heurte- 
rait aux  difficultés  personnelles,  au  respect  humain,  à  la  crainte  de  se 
singulariser,  —  le  pénitent  ignorant  si  les  autres  reçoivent  les  mêmes 
exhortations.  Mettons  que,  malgré  tout,  on  parvienne  à  décider  quel- 
ques âmes  plus  généreuses,  celles-là  du  moins  échapperont  à  l'atteinte 
qui  sont  précisément  les  plus  nécessiteuses. 

Eeste  donc  l'enseignement  public,  la  prédication:  Qnomodo  audient 
sine  praedicante?  Il  s'agit  tout  à  la  fois  de  donner  des  convictions  rai- 
sonnées  et  lumineuses,  capables  de  résister  aux  difficultés  courantes,  et 
de  produire  un  ébranlement  général  qui  dissipe  le  respect  humain  et 
mette  à  l'aise  les  hésitants.  Les  fervents  ne  se  rencontrant  que  dans  le 
camp  des  assidus  de  la  Table  Sainte,  il  n'est  pas  étonnant  ([ue  les  autres 
attendent  des  entraîneurs.  Ici,  comme  en  tout  ce  qui  est  pénible  à  la 
nature,  c'est  surtout  le  premier  pas  qui  coûte.  Jamais  ce  premier  pas 
ne  sera  plus  facile  qu'au  lendemain  de  ces  jours  où  l'on  est  assuré  de  ne 
pas  se  trouver  seul  à  la  Table  Sainte  et  de  ne  plus  ]irov()(|uer  d'étoniu'- 
ment.  Jamais  les  âmes  ne  seront  mieux  préparées  à  l'action  du  con- 
fesseur; celui-ci  n'a  plus  qu'à  insister,  à  encourager,  à  maintenir. 

Ces  raisons  si  plausibles  prennent  plus  de  force  encore  quand  on  songe 
qu'on  se  trouve  devant  une  vraie  montagne  de  difficultés  à  soulever. 
Pour  en  triompher,  les  moA^ens  ordinaires  du  Ministère  Sacré  ne  suf- 
fisent pas;  il  faut  une  action  pa,«torale  toute  spéciale.  Cette  action,  le 
Saint-Siège  l'a  voulue,  et  il  a  assigné  le  Triduuni  comme  le  moment 
le  plus  favorable  de  la  produire  et  le  moyen  le  plus  puissant  de  diffusion 
de  la  Communion  quotidienne.  L'expérience  a  prouvé  la  sagesse  de  cette 
direction.  Mais  il  nous  faut  expliquer  d'abord  le  fonctionnement  du 
Triduum. 


II 


Pratique   du   Tridiium   Eucliaristiqne. 

La  Lettre  de  la  Sacrée  Congrégation  des  Indulgence.^  nous  donne  des 
indications  précises  et  minutieuses. 

But.  —  Avant  tout,  il  faut  savoir  où  l'on  marche,  ce  que  l'on  veut. 
Aucun  doute  ])OS?ible:  "il  s'agit  d'o])ionir  (pie  les  fidèles  se  noiirri--ent 
plus  souvent  et  même  chaque  jour  de  la  Sainte  Eucharistie.'"     Si  l'ap- 


—  688  — 

pelation  de  Triduuiii  Eucharistique  a  déjà  obtenu  quelque  vogue,  c'est 
à  cause  de  la  brièveté  tle  la  formule;  mais  il  s'appliquerait  également 
l)ien  à  d'autres  hommages  à  rendre  au  Très  Saint-Sacrement,  spéciale- 
ment à  Tadoration.  Oii  traduirait  plus  exactement  la  pensée  de  Kome 
en  disant:  Triduum  sur  la  Communion  quotidienne.  En  tous  cas,  le 
but  du  Triduum  ''  n'est  pas  seulement  de  renouveler  la  dévotion  à  la 
Sainte  Eucharistie  en  général,  ni  de  réunir  les  fidèles  dans  une  cérémonie 
de  réparation;  mais  son  but  précis  et  formel  est  de  développer  parmi  eux 
la  pratique  de  la  commu7iion  fréquente,  quotidienne.  Le  Décret  d'ins- 
titution le  dit  expressément;  et,  à  cet  effet,  il  prescrit  qu'une  des  ins- 
tructions du  Triduum  sera  consacrée  tout  spécialement  à  y  exhorter  les 
fidèles.  Dans  les  paroisses  où  Ton  ne  peut  faire  un  Triduum,  le  Pape 
recommande  de  donner  au  moins  un  jour  aux  exercices  eucharistiques, 
et  le  décret  spécifie  que  le  Souverain  Pontife  tient  à  manifester  à  tous, 
par  cette  recommandation,  combien  est  ardent  son  désir  de  promouvoir 
la  conmiunion  fréquente.  L'intention  du  Triduum  est  si  nettement 
marquée,  elle  paraît  si  essentielle  dans  la  pensée  du  législateur,  qu'à  notre 
avis  ce  serait  rendre  douteux  le  gain  des  indulgences  que  de  transformer 
ces  cérémonies  en  simple  exercice  de  dévotion  envers  le  Très  Saint-Sacre- 
ment." 

Tel  est  l'avis  d'un  canoniste  éminent,  le  E.  P.  Besson,  S.  J.,  Directeur 
de  la  Nouvelle  Revue  Théologique. 

Epoque.  —  L'octave  de  la  Fête-Dieu  paraissait  tout  indiquée  pour 
ces  pieux  exercices.  Toutefois  le  Saint-Siège  laisse  aux  Evêques  la  fa- 
culté de  déterminer  d'autres  jours,  de  faire  coïncider  le  Triduum  avec 
les  exercices  de  l'Adoration  perpétuelle,  en  usage  dans  nombre  de  dio- 
cèses, et  cela  sans  perdre  le  droit  aux  indulgences  accordées  par  la  lettre 
du  10  avril  1907.  En  bien  des  endroits,  on  a  préféré  s'en  tenir  à  l'adap- 
tation de  l'ancien  triduum  à  cette  fin  nouvelle.  Il  est  pourtant  permis 
de  penser  qu'un  exercice  spécial  eût  sollicité  plus  vivement  l'attention 
d.es  fidèles. 

Dans  beaucoui)  de  paroisses  l'adoration  était  l'occasion  d'une  petite 
mission  ;  les  prédicateurs  3^  traitaient  volontiers  des  fins  dernières,  des 
occasions  de  péché,  des  moyen-;  de  salut.  Tl  faudra  désormais,  selon  le 
mot  heureux  de  Monseigneur  Heylen,  le  vénéré  Président  des  Congrès, 
que  ce  soit  ''une  sorte  de  mission  Eucharistique." 

'  Prédication.  —  Nous  voici  donc  amenés  à  nous  demander  quelle 
doit  être  la  matière  des  instructions  pendant  ces  jours.  Il  n'est  pas 
pennis  de  traiter  explicitement  d'autres  sujets  que  ceux  indiqués  par  le 
document  romain  : 

Hisce  vero  singulis  diehus  sermo  hahelntnr  quo  popidus  edoceatur  de 
ineffnhili  Eurharistiae  Sarrammli  prastantia,  et  potissimum  de  animi 
dispositioiiihus  al  illud  rite  suscipieudinn .  .  .  —  //(-  concione  tam'en 
oratores  ad  ferventiorem  erga  sanctissimum  Sacramentum  pietatem.  lior- 
tentur  fidèles,  sjecvitim  a/l  frequentiorew  coclrsfis  convivii  participa- 
tion em. 

Xous  (levons  donc  av<int  tout  faire  mieux  apprécier  au  peuple  l'excel- 
lence <]e  l'inofTable  Sacrement  de  l'Eiicharistie,  non  seulement  parce  que 
Jésus-C'linst  y  est  f-ubstantiellcment  et  perronnellement  présent,  non- 
.«euh')ricnt  parce  rpic  "  oiiivin  nlin  sncrniiunifn  ordiiinri  ridcnfur  ad  hoc 


—  689  — 

sacramentum  sicut  ml  finem  ".  mais  encore  par  le.>  effets  si  acbnirables 
et  si  divins  qu'il  ])r()(luit  dans  les  âmes.  (1) 

Mais  pourquoi,  dira-t-on,  le  Saint-Père  veut-il  que,  dans  cette  prédi- 
cation, on  insiste  spécialement  sur  les  dispositions  requises  pour  bien 
recevoir  le  Sacrement  ? 

La  raison  en  est  manifeste.  C'est  précisément  sur  ce  point  des  dispo- 
sitions que  les  erreurs  sont  les  plus  répandues  et  les  plus  tenaces.  Im- 
possible d'amener  la  niasse  des  fidèles  à  la  Communion  très  fréquente 
et  quotidienne,  sans  extirper  de  leur  esprit  les  préjugés  accrédités,  même 
par  "des  tliéologiens  de  valeur,  mais  infectés  du  poison  janséniste. ""  Ces 
préjugés  leur  font' croire  que  des  dispositions  difficiles  et  multiples  sont 
nécessaires  pour  bien  communier,  (|ue  la  Connnunion  fré(|uente  est  à  ce 
prix,  que,  par  conséquent,  s"ils  ne  peuvent  les  réaliser  (ral)ord,  ils  doivent 
s'interdire  du  moins  cette  fréquence. 

La  réforme  à  opérer  dans  les  idées  serait  assez  bien  traduite  par  ces 
oppositions  de  termes  : 

RAEO QVOTIDIE 

PERPACCI (JMXES 

PLURiBus  coyornoMiirs nroiirs 

MERCES ROBLR. 

Cette  réforme  doit  surtout  aboutir  à  la  conviction  (pie  les  dispositions 
requises  pour  communier  chaque  jour  sont  accessibles  à  toute  âme  de 
bonne  volonté. 

Deux  conditions,  état  de  grâce  et  intention  droite,  suffisent  à  rendre 
toute  communion  fructueuse;  —  le  péché  véniel  n'empêche  pas  de  s'unir 
chaque  jour  à  Xotrc-Seigneur;  —  les  exercices  de  préparation  et  d'action 
de  grâces  doivent  être,  non  une  barrière  dressée  devant  la  Table  Sainte, 
mais  un  secours  pour  tirer  plus  de  fruit  du  Sacrement.  Tous  ces  ensei- 
gnements du  Décret  doivent  être  clairement  et  intégralement  ])roposés 
aux  fidèles,  pour  le  plus  grand  bien  de  leurs  âmes.  Arrière  les  vues 
étroites  et  les  craintes  injustifiées  !  Accomplissons  notre  mission  avec 
prudence,  sans  doute,  mais  ayons  confiance  en  la  sagesse  de  l'Eglise. 
"Quelques-uns  diront, peut-être:  Xon.  non.  il  ne  faut  pas  prêcher  ces 
choses-là  aux  fidèles,  car,  à  quels  excès  n'en  viendront-ils  point  ?  .\ 
quels  excès  ?  Oh  !  n'ayons  pas  de  telles  craintes,  car  les  fidèles  ont  reçu 
de  Dieu  la  grâce  de  bien  com})rendre  les  vérité,s  (pii  leur  sont  enseignées 
pour  la  vie  éternelle."  (2) 


(1)  Le  jM'iipli'  ilir<^ticn  saisit  mieux  ces  v^^rit^'n  par  îles  inia^'es  |)ittorps«|UP«. 
toiles  (jiie  celle-ci  du  Bienheureux  Curé  dWrs:  "Mette/  dans  la  Imlanre  toute»* 
les  bonnes  u'uvre-i  du  monde  et  une  Connnunion  hien  faite,  ce  si-ra  peser  un  };iain 
de  poussière  et  une  monta<rne.''  —  Ou  i)ar  des  rapprochements  tels  qiw  ceux  ci 
empruutés  au  célèbre  Tauler:  "  Kquidem  censeo  Christi  corpus  rrl  srmrl  percep- 
isso  viiilln  nliliiis  esse  aniniic.  quam  vel  centum  mi^sarum  sacra  ausculta-«o.  vel 
totidem  interfuisse  concionil)us.  Tmo  aliquanti  dectores  in  ea  sententia  esse 
videiitur  ut  dicant  euni  (pii  semel.  ab-(pie  mortali  ])eccato.  hoc  accejtorit  sacra- 
mentum ])lus  dilectionis  et  j^ratia-  con.icf|ui  qinun  si  trina  vice  Duminici  sc|)ulcri 
visitandi  yratia  vasta  mari-  f<n m  nni<|Ue  spatia  fuisset  enitiisus!  "  (S.-rm.  in 
Dom.  Vllf  post  Trinit.). 

(2)  M<îr  Volpi.  dans  le  document  cité  plus  loin.  p.  2fi. 


—  690  — 

Cette  remarque  étant  faite,  abordons  le  fond  même  de  la  prédication 
eucharistique. 

La  matière  est  des  plus  aibondantes.  Citons,  à  titre  d'exemple  :  la 
présence  réelle,  de  manière  à  ramener  la  foi  pratique  ;  le  désir  de  Notre- 
Seigneur  au  sujet  de  la  Communion;  le  désir  de  l'Eglise,  avec  un  aperçu 
historique  ;  les  bienfaits  de  la  Communion  pour  les  divers  âges  de  la  vie, 
pour  les  différents  états  d'âme;  les  raisons  de  communier  spéciales  aux 
hommes,  aux  jeunes  gens,  à  l'âge  des  passions;  certaines  scènes  de 
l'Evangile,  appliquées  au  Sauveur  présent  parmi  nous,  etc . .  tous  ces 
sujets  peuvent  aboutir  à  une  même  conclusion  :  communiez  plus  souvent. 

Mais  il  y  a  quelques  vérités  essentielles  qu'il  faut  s'attacher  avant 
tout  à  inculquer  profondément.  Il  va  de  soi  que  pour  faire  revivre  les 
mœurs  eucharistiques  des  premiers  siècles,  il  faut  refaire  la  mentalité 
des  premiers  siècles  et  donner  aux  habitudes  nouvelles  des  bases  doctri- 
nales solides.  Or,  voici  les  principes  qui  résument  les  enseignements 
de  la  Tradition;  ce  sont  aussi  les  idées-mères  du  Décret  de  Pie  X. 

1.  La  Communion  est  l'aliment  de  la  vie  surnaturelle;  son  but  pre- 
mier, quelle  que  soit  sa  fréquence,  n'est  pas  le  respect  dû  à  Jésus-Christ, 
mais  la  préservation  du  péché  grave. 

2.  Toute  communion  faite  en  état  de  grâce  et  avec  une  droite  inten- 
tion est  fnictueuse  et  ne  saurait  pas  ne  pas  l'être. 

3.  Le  régime  normal  du  chrétien  en  état  de  grâce  est  la  Communion 
de  chaque  jour. 

4.  L'assistance  parfaite  à  la  Messe  implique  la  manducation  sacra- 
mentelle de  la  divine  victime. 

Ce  n'est  pas  le  lieu  de  prouver  ces  propositions,  ni  de  montrer  leurs 
racines  dans  l'histoire  ;  ce  travail  a  déjà  été  fait  souvent  et  je  ne  puis 
que  renvoyer  aux  meilleurs  commentaires  du  Décret.  (1)  Mais,  c'est  ma 
conviction  la  plus  profonde,  la  stabilité  plus  encore  que  l'étendue  des 
résultats  produits  par  le  Triduum  est  en  raison  directe  de  l'intelligence 
de  ces  vérités. 

Surtout  dans  les  années  de  transition,  alors  que  les  fidèles  d'âge  mûr 
n'en  ont  point  été  imbus  dès  l'enfance,  il  importe  d'y  revenir  sans  cesse, 
de  les  présenter  sous  diverses  formes.  Un  rapide  énoncé  passerait  in- 
aperçu; aucun  effort  n'y  est  de  trop.  La  forme  même  doit  être  claire  et 
simple,  avec  cette  allure  catéchistique,  que  déjà  Léon  XIII  avait  recom- 
mandé aux  prédicateurs,  et  sur  laquelle  Pie  X  insiste  si  fréquemment. 
Arrière  la  vaine  rhétorique  ou  les  développements  pompeux,  plus  sou- 
vent nuisibles  qu'utiles  à  la  vraie  intelligence  de  la  doctrine. 

Il  ne  faut  pas  omettre  de  répondre  à  quelques  objections,  en  les  va- 
riant d'après  le  milieu  auquel  on  s'adresse.  C'est  encore  un  excellent 
moyen  d'éclairer  les  esprits;  sa  force  persuasive  s'accroît  de  l'intérêt 
qu'y  prennent  les  auditeurs.  La  Lettre  insinue  cette  réfutation  en  pro- 
posant d'expliquer  la  parabole  du  Festin,  où  nous  trouvons  le  type  de 
divers  prétextes  sous  lesquels  se  dérobent  les  invités  du  Banquet  Eucha- 
ristique. Un  des  principaux  apôtres  de  la  Communion  quotidienne  au 
XIXe  siècle,  le  P.  Cros,  S.  .T.,  recourait  sans  cesse  à  ce  moyen.     Il  a 


(1)   Voir  surtout:   Ferreres,  Tesnière,  dom  Ba^tien,  Besson,  Cros,  Maliieu,  An- 
toni  et  Frassinetti. 


—  691  — 

raconté  la  part  qu'il  donnait  dans  sa  prédication  à  la  solution  des  diffi- 
cultés et  les  bons  résultats  qu'il  devait  à  cette  pratique.  (1) 

Les  statuts  de  la  Ligue  Sacerdotale,  avaient  proposé  un  plan  un  peu 
différent  pour  les  prédications  du  Triduum.  Ce  plan  s'inspire  davantage 
d'un  procédé  de  petite  mission;  il  rappelle  la  nécessité  de  conserver  l'état 
de  grâce  ou  la  vie  surnaturelle  et  réserve  au  dernier  jour  ce  que  la  Lettre 
prescrit  pour  tous  les  jours.  Il  nous  suffira  de  remarquer  que  la  Lettre 
est  postérieure  à  ces  Statuts  et  s'adresse  à  toute  la  Sainte  Eglise.  La 
méthode  qu'elle  préconise  suppose  connu  le  prix  de  la  grâce;  elle  a 
l'avantage  de  concentrer  l'attention  et  l'effort  sur  l'objet  capital  du 
Triduum,  la  multiplication  des  Communions. 

£!xliortation.  —  Après  les  principes,  les  conclusions.  Si  les  pre- 
miers ne  comportent  aucune  atténuation,  s'il  importe  que  tous  les  en- 
fants de  l'Eglise  les  connaissent,  même  ceux  qui  seraient  actuellement 
empêchés  de  les  pratiquer,  (2)  la  discrétion  demande  qu'on  tienne  compte 
de  la  diversité  des  occupations,  de  l'éloignement  des  églises,  et  qu'on 
n'impose  à  personne  des  fardeaux  qu'il  ne  puisse  porter.  Tons  sauront 
que  si  la  Communion  quotidienne  n'est  pas  de  précepte,  l'invitation 
à  la  faire  est  pourtant  pressante  et  personnelle  ;  ce  serait  y  être  entière- 
ment sourd  que  de  ne  pas  multiplier  ses  Communions,  en  profitant  des 
fêtes  de  l'Eglise,  des  anniversaires  ou  des  fêtes  de  famille,  des  réunions 
de  confréries  oti  de  congrégations.  Beaucoup  pourront  et  voudront  aller 
plus  loin  en  communiant  chaque  dimanche  et  chaque  fois  qu'ils  assis- 
teront à  la  Messe. 

Ce  changement  d'habitudes  sera,  pour  la  plupart  des  fidèles,  une 
pure  question  de  générosité.  C'est  donc  celle-ci  qu'il  faut  provoquer  par 
la  vive  peinture  de  l'amour  infini  de  Jésus  pour  nos  âmes,  par  les 
appels  douloureux  du  Sacré-Cœur  de  Jésus  à  la  réparation,  par  l'oxemple 
des  personnes  de  toute  condition  qui  s'imposent  de  réels  sacrifices  pour 
n'être  pas  privés  de  leur  pain  quotidien. 

Le  prédicateur  se  demandera  alors,  en  supposant  que  les  auditeurs 
possèdent  la  juste  notion  de  la  Communion  fréquente,  quels  obstacles 
pourraient  bien  les  em|jêcher  de  la  faire,  quand  des  devoirs  d'état  pres- 
sants ne  les  en  éloignent  pas  !  Ces  obstacles  se  réduisent  à  deux  princi- 
paux: d'une  part,  le  respect  humain  et  les  hal>itudes  régnantes,  d'autre 
part,  la  peur  de  la  gêne  par  un  lever  plus  matinal,  un  retard  des  repas 
ou  du  travail. 

Et  ici  apparaît  la  nécessité  de  recourir,  pendant  le  Triduum  même, 
à  d'autres  moyens  que  la  prédication  jiour  entraîner  les  âmes. 

Autres  moyens.  —  11  y  a  d'abord  la  prière.  La  Lettre  y  insiste; 
il  s'agit  do  iaiie  à  Pieu  une  douce  violence  par  la  prière  commune  si 
puissante  sur  son  cœur.  La  Congrégation  propose  une  formule,  c'est 
la  Prière  pour  In  projHifintion  ilr  In  Ciiiinniinion  rpiofiiUmnio  dmia  l'E- 
glise, déjà  précédemment  enrichie  d'indulgences.  Ayons  soin  que  tous 
les  fidèles  possèdent  ce  texte,  que  longtemps  avant  le  Triduum  ils  le 


(1)  Enfants  à  la  sainte  Tahlr.   It^ro  série,  p.  7-8. 

(2)  "Il  n'y  a  pas  liou  fie  nier  mi  principe,  pour  cette  raison  (]\io.  ânu'*  certains 
cas.^son  application  rencontre  ries  obstacles:  on  ne  refn.p  pas  «le  reconnaître  le 
flroit  A  nne  faveur  pour  ce  motif  que.  souvent,  le  l><5n<^nciaire  se  trouve  enip<»cli* 
d'en  jouir  "  AhhC-  Hello.  Le  Décret  appliqué  aux  OEuvres  ouvrières,  p.  25. 


—  692  — 

connaissent;  qu'ils  le  récitent  tous  ensemble  avec  ferveur,  en  reprenant 
les  paroles  après  le  prédicateur  ou  le  curé;  qu'ils  continuent  à  le  réciter 
en  particulier,  mieux  encore  en  famille.  Il  y  a  des  paroisses  oii  on 
récite  cette  prière  chaque  dimanche  au  salut,  des  collèges  oii  elle  se  dit 
chaque  Jour  à  la  messe.  Elle  est  merveilleuse,  cette  prière,  parce  que, 
condensant  toute  la  doctrine,  elle  a,  outre  sa  valeur  d'intercession,  une 
puissance  d'auto-et-mutuo-suggestion  qu'on  aurait  tort  de  négliger. 

Mais  la  prière  ne  suffit  pas.  Nul  moment  n'est  plus  favorable  que 
celui  du  Triduum  pour  recourir  aux  autres  moyens  de  propagande,  tels 
que  la  distribution  de  tracts  adaptés  aux  diverses  catégories  de  fidèles, 
tels  surtout  que  la  fondation  d'une  Ligue  Eucharistique. 

Les  Ligues  sont  surtout  nécessaires  pour  combattre  la  torpeur  de  po- 
pulations indifférentes  et  pour  amener  les  hommes  à  la  Sainte  Table. 
Grâce  à  elles,  de  nomlu-euses  paroisses  ont  maintenant  de  belles  commu- 
nions mensuelles  des  hommes  ;  celui  qui  est  inscrit  dans  la  Ligue  est  armé 
contre  le  respect  humain  et  contre  sa  propre  inconstance.  (1) 

C'est  le  moment  aussi  de  proclamer  et  d'inaugurer  certaines  mesures 
pratiques  propres  à  faciliter  la  Communion  des  fidèles.  Il  faut  être 
empressé  à  donner  à  toute  heure  la  Communion  à  ceux  qui  la  demandent, 
nous  souvenant  (|ue  le  prêtre  doit  se  régler  sur  l'heure  que  les  fidèles 
trouvent  plus  convenable  d'après  leurs  occupations.  Il  est  souveraine- 
}nent  triste  de  rencontrer  des  entraves  apportées  par  les  serviteurs  même 
du  festin  à  sa  plus  large  distribution:  ces  cas  se  font  heureusement  rares. 

Mais  rien  n'égale  en  importance  l'assiduité  au  confessionnal.  On  ne  ci- 
tera pas,  je  pense,  d'exemple  de  paroisse  on  la  Communion  plus  fréquente 
se  soit  établie,  et  surtout  ait  pu  se  maintenir,  sinon  celles  où  chaque  ma- 
tin, et  souvent  même  encore  à  d'autres  moments,  connus  d'avance  par  les 
fidèles  et  souvent  rappelés  à  leur  souvenir,  les  prêtres  sont  à  leur  dispo- 
sition pour  pardonner  leurs  fautes  ou  dissiper  leurs  inquiétudes.  Cela 
ne  veut  nullement  dire  qu'il  faille  les  engager  à  multiplier  leurs  con- 
fessions; mais  là  où  l'habitude  de  la  Communion  fréquente  est  encore 
nouvelle,  plusieurs  se  trouveront  avoir  1-esoin  de  la  confession  ou  croiront 
devoir  la  faire.     A  nous  de  les  éclairer  s'ils  exagèrent  leur  obligation. 

Eome  veut  qu'on  apprenne  aux  fidèles  à  se  servir  des  moyens  autres 
que  la  Pénitence  pour  se  purifier  de  leurs  fautes  vénielles  ;  ils  doivent 
savoir  que  la  confession  ne  rloit  pas  être  plus  fréquente  du  seul  chef  de 
la  plus  grande  fréquence  de  la  Communion.  ('2)  L'expérience  apprend 
que  bien  des  hommes  et  même  des  femmes,  surtout  parmi  les  boursceois 
occupés,  acceptent  la  communion,  si  elle  est  dégagée  du  prélurle  de  la 


(1)  Voir  le  rapport  de  M.  l'abbé  Holemans  au  Congrès  Eucharistique  de  Co- 
lojrne:  La  Ligue  du  f^acré  Coeur  ;  Une  industrie  pour  amener  les  hommes  :\  la 
Sainte  Table. 

(2)  Xous  avons  traité  ce  point  plus  explicitement  dans  nos:  Devoirs  des  Pré- 
dieateurs  et  des  Confesseurs.  Voir  aussi:  An-tonin,  Pourquoi  tant  de  vaines 
craintes,  et  Gros.  Enfants.  2e  série,  p.  292  et  suiv.  —  Nous  aimons  il  citer  ces 
paroles  de  'Mpr  Volpi  :  "  Prêtres,  n'enseignez  pas  aux  fidMes  c:>  que  n'enseigne 
pas  l'Eglise;  il  savoir  qu'on  est  tenu  de  se  confesser  même  lors<iu'on  n'a  sur  la 
conscience  aucun  péché  mortel;  vous  leur  imposeriez  une  loi  qui  n'exist<>  point: 
davantage,  vous  trahiriez  votre  ministère;  vous  rendriez  pesant  le  joug  que 
•lésus-Clirist  a  voulu  faire;  léger." 


—  693  — 

confession,  qu'ils  croyaient  nécessaire,  et  qui,  en  l'ait,  leur  demande  un 
dérangement  plus  considérable. 

Enfin,  il  tant  que  tous  les  confesseurs,  au  cours  du  Triduum,  soient 
d'accord  pour  traiter  avec  les  pénitents  qui  viendront  à  eux,  la  question 
de  leurs  communions,  obtenir  de  chacun  qu'il  ne  recule  pas  devant  le 
possible  et  dissiper  les  dernières  hésitations  d'ordre  théorique  ou  pra- 
tique. 

A  tous  ces  moyens  des  curés  zélés  ont  ajouté  le  propagande  à  domicile  ; 
rien  de  tel  qu'un  petit  entretien  ])our  apprendre  aux  gens  à  concilier  la 
communion  plus  fréquente  avec  les  devoirs  do  leur  état.  Ailleurs  on 
donna  des  sermons  spécialement  destinés  aux  parents,  aux  jeunes  lillo?, 
etc.  Dans  une  petite  ville,  où  chaque  soir  du  Triduum,  tout  le  peuple 
était  convoqué  pour  le  sermon  et  le  salut,  le  matin  vers  onze  heures,  on 
réunissait  à  l'église  tous  les  enfants  des  écoles  ayant  fait  leur  Première 
Communion.  Outre  que  ces  enfants  recevaient  là  des  exhortations  a])- 
propriées  à  leur  âge,  ce  moyen  contribua  grandement  à  donner  le  branle 
dans  toutes  les  familles,  et  à  ;i mener  plus  d'auditeurs  aux  grands  ser- 
mons du  soir. 

III 

Après  le  Triduum. 

Etablissons  d'abord  le  vrai  critérium  pour  juger  des  fruits  d'un  Tri- 
duum. Ce  n'est  pas  le  chiffre  des  Communions  en  temps  ordinaire  ;  c'est 
surtout  la  connaissance  plus  exacte  de  la  doctrine  catholique  sur  la  Com- 
munion quotidienne.  Là  était,  le  but,  c'est  en  ce  sens  que  les  fidèles 
ont  dû  être  exhortés. 

Les  amateurs  de  statistiques  vont  être  déçus;  bien  que  des  faits  nom- 
breux et  intéressants  aient  pu  être  recueillis,  un  particulier  ne  saurait 
procéder  à  rien  qui  ressemble  à  une  enquête,  surtout  un  peu  générale. 
Le  moment,  d'ailleurs,  est-il  venu,  et  la  matière  l'exige-t-elle  ?  11  y  a 
grande  différence  de  région  à  région,  et,  dans  un  même  diocèse,  toutes 
les  paroisses  sont  loin  de  se  trouver  dans  les  mêmes  conditions. 

Tout  ce  (|u'il  est  possible  d'affirmer,  d'après  les  témoignage-;  des  (  urés 
et  des  prédicateurs,  c'est  que  le  Triduum  bien  donné  a  ])artout  été  suivi 
d'un  accroissement  très  considérable  de  Communions,  que  l'on  n'eût 
certes  pas  obtenues  par  les  moyens  ordinaires;  que  là  au  contraire,  où  il 
n'a  pas  été  donné,  ou  ne  Ta  pas  été  dans  son  véritable  esprit,  il  n'est 
])as  rare  de  rencontrer  des  personnes,  même  assez  assidues  à  l'égli.-ie,  qui 
ignorent  le  sens,  parfois  nuMne  l'existence  du  Décret,  ou  <|ui  s'obstinent 
à  croire  qu'il  ne  les  concerne  pa<. 

Faut-il  se  réjouir  de  cette  augmentation  ?  Assurément,  puisque  le 
Pape  ne  cesse  de  dire  qu'il  la  désire,  ])uisque  le  Décret  nous  dit:  '*  11  est 
évident  que  la  réception  fréquente  ou  quotidienne  de  la  sainte  Eucha- 
ristie accroît  l'union  avec  Jésus-Cbrist,  nourrit  plus  abondamment  la  vie 
spirituelle,  enrichit  l'Ame  de  vertus  et  donne  au  communiant  d'une 
manière  plus  sûre  le  gage  de  la  vie  éternelle."  Cependant  que1(|ues-un8 
voudraient  voir  pnvluire  le  tableau  des  progrès  moraux  en  rcirard  d(S 
progrès  de  la  Communion.  A  (|Uoi  le  chanoine  Erman  réj^Midnit  sensé- 
ment dans  un   article  fort   rcmaniué  sur  le  Congrès  Eucharistique  de 


—  694  — 

Londres  :  "  La  constatation  matérielle  de  l'augmentation  des  Commu 
nions  n"a-t-elle  jjas,  par  elle-même,  et  sans  ce  complément  très  désirable, 
une  réelle  valeur?  Elle  fournit  d'abord  la  preuve  que  dans  im  milieu 
donné,  le  zèle  sacerdotal  prend  au  sérieux  les  recommandations  de 
l'Eglise  et  que  les  fidèles  y  répondent  :  il  y  a  là,  indépendamment  de 
toute  autre  constatation,  une  présomption  positive  d'un  accroissement 
de  vie  chrétienne.  En  outre,  la  multiplication  des  Communions  indique 
la  persévérance  de  l'état  de  grâce  chez  un  bon  nombre  de  chrétiens,  ce 
qui,  au  point  de  vue  surnaturel,  est  d'une  importance  capitale."  (1) 

Eéjouissons-nous  donc  de  ces  progrès.  Personne  ne  se  fait  l'illusion 
de  croire  que  le  premier  Triduum  amènera  toute  une  paroisse  à  la  Com- 
munion quotidienne  ou  même  hebdomadaire;  mais  le  progrès  sera  cer- 
tain. Il  s'accentuera  une  seconde  et  une  troisième  année,  et  rapidement 
de  nouvelles  habitudes  eucharistiques  prendront  la  place  des  anciennes. 

Les  résultats,  quels  qu'ils  soient,  sont  dûs  à  tout  cet  ensemble  des 
moyens  que  nous  avons  exposés.  Mais  puisque,  parmi  les  éléments  visi- 
bles de  succès,  la  prédication  occupe  le  premier  rang  et  qu'elle  îaH  sur- 
tout l'objet  de  notre  étude,  il  y  a  lieu  de  faire  observer  qu'à  l'heure 
actuelle  tous  les  prédicateurs  ne  sont  pas  préparés  à  s'acquitter  de  ce 
genre  de  ministère.  On  a  cité  des  cas  où,  pour  cette  raison,  à  part  la 
Communion  de  clôture,  il  n'y  eut  guère  de  progrès  à  la  suite  du  Tri- 
dumn.  Dans  tel  endroit  l'exhortation  à  la  Communion  tourna  deux 
fois  en  sermon  contre  l'abus  de  la  Communion  ;  ailleurs,  l'intention 
droite  fut  si  mal  expliquée  que  les  meilleures  consciences  étaient  plon- 
gées dans  l'hésitation;  une  paroisse  oii  déjà  fleurissait  la  Commimion 
mensuelle  s'entendit  exhorter  à  la  Communion  des  principales  fêtes. 
L'un,  supposant  bien  connu  le  Décret  de  Pie  X,  se  bornait  à  quelques 
allusions,  comprises  du  seul  prédicateur;  l'autre,  redisant  des  sermons 
composés  jadis,  exaltait  la  Sainte-Eucharistie,  sans  insister  précisérnent 
sur  les  décisions  récentes  ou  sur  les  raisons  de  fréquenter  plus  assidû- 
ment la  Table  Sainte.  Ce  n'est  pas  une  telle  prédication  qui  modifiera 
l'état  des  choses  ! 

En  présence  de  ces  faits,  on  est  amené  à  se  demander  s'il  ne  serait  pas 
plus  opportun  que,  dans  chaque  diocèse,  ou  dans  chaque  ordre  religieux, 
quelques  prédicateurs  fussent  désignés  comme  spécialement  aptes  à  cet 
apostolat  eucharistique.  Il  n'y  a  là  de  blâme  pour  personne.  Tous  ne 
réussissent  pas  également  dans  les  conférences  apologétiques  ;  tous  ne 
peuvent  traiter  avec  compétence  les  questions  économiques  et  sociales. 
Les  intérêts  en  Jeu  ici  sont  des  plus  graves. 

Il  importe  donc  de  recourir  à  des  prêtres  qui  n'aient  pas  une  doctrine 
flottante  mais  ferme,  qui  aient  abondance  d'arguments,  qui  puissent  les 
présenter  de  façon  topique,  exhorter  avec  chaleur  et  donner  aux  autres 
de  leur  plénitude.  Faute  de  recourir  à  de  tels  apôtres,  on  obtiendrait 
peut-être  quelques  communions  de  plus,  mais  on  laisserait  subsister, 
contre  le  caractère  même  de  la  communion  et  contre  sa  réception  quoti- 
dienne les  mêmes  erreurs,  les  mêmes  objections  qu'auparavant. 

Fût-on  même  toujours  assuré  d'avoir  des  hommes  de  doctrine  sûre 
et  au  cœur  ardent,  il  y  a  encore  cet  ensemble  de  moyens  dont  l'emploi 


fl)    Revue  Ecclésiastique  de  Metz,  1908. 


—  695  — 

accroît  notablement  les  résultats  d'un  Triduuin,  et  où  on  n'acquiert  de 
l'habileté  que  par  uu  maniement  pour  ainsi  dire  constant.  Je  n'exprime 
pas  de  vœu  officiel,  mais  l'idée  germera,  je  l'espère,  et  nous  aurons  les 
Missionnaires  de  l'Eucharistie,  comme  nous  avons  les  Missionnaires  des 
fins  dernières.  En  attendant,  si  les  curés  ou  d'autres  prêtres  se  rendent 
mutuellement  ce  service  de  prêcher  le  Triduum,  il  importe  qu'ils  étu- 
dient à  fond  la  doctrine  du  Décret  et  s'en  pénètrent. 

Tout  considéré,  le  principal  avantage  du  Triduum  semble  être  de 
fournir  pour  le  ministère  ordinaire,  une  base  d'opérations  des  plus  favo- 
rables. Le  Triduum  n'est  qu'un  commencement.  Au  clergé  paroissial 
de  maintenir  l'élan  donné,  de  l'accroître  môme.  Mais,  pour  cela,  il  im- 
porte qu'il  ait  un  plan  nettement  tracé.  Il  y  a,  dans  toute  paroisse, 
trois  groupes  sur  lesquels  il  peut  agir  de  suite  : 

l°Les  personnes  pieuses  et  tous  ceux  qui  assistent  à  la  messe  en 
semaine. 

2°  Les  enfants  des  catéchismes  et  des  patronages. 

3°  Les  membres  des  diverses  associations  et  confréries. 

Auprès  de  ceux-là  surtout,  il  doit  continuer,  sans  se  lasser,  son  rôle 
de  docteur  et  de  directeur;  il  reviendra,  en  diverses  occasions,  sur  les 
enseignements  déjà  donnés  ;  il  s'inîormera  de  ce  que  chacun  fait  pour  la 
Communion  et  l'exhortera  à  faire  davantage  encore;  il  s'attachera  sur- 
tout à  former,  au  sein  de  la  Confrérie  du  Saint-Sacrement,  cette  Ligue 
Eucharistique  qui  doit  en  être  l'âme  et  préparer  ainsi  la  restauration  de 
toute  la  paroisse.  (1)  Plus  heureux  encore  sera-t-il  si  son  œuvre  est 
couronnée  par  un  de  ces  puissants  moyens  de  glorification  eucharistique 
qui  sont  les  petits  congrès  régionaux. 

Enfin  chaque  année,  le  renouvellement  du  Triduum  viendra  ranimer 
les  languissants  et  accroître  le  zèle  des  fervents.  Le  Eme  Evêque  d'A- 
rezzo  (Italie),  donna  récemment  (Carême,  1910),  une  lettre  pa.storale 
sur  la  célébration  du  Triduum,  qui  faisait  suite  à  une  longue  lettre  de 
l'année  précédente  sur  la  Communion  fréquente  et  quotidienne.  (2  ) 
"  Peut-être,  y  lisons-nous,  en  m'entendant  revenir  ainsi  sur  le  même 
sujet,  quelqu'un  de  mes  diocésains  se  dira-t-il  :  quand  notre  Evêque  a 
abordé  un  sujet,  il  ne  peut  se  décider  à. l'abandonner  ;  il  y  revient  jusqu'à 
satiété.  —  Oui,  mes  chers  Fils,  c'est  bien  là  ma  manière  d'agir,  je  le 
reconnais,  et  en  voici  la  raison.  T/expénonoe  acquise  dans  le  gouvtM-- 
nement  de  mon  diocèse  m'a  persuadé  qu'il  est  nécessaire  de  répéter  sou- 
vent les  mêmes  vérités,  si  on  veut  que  tous  en  soient  pénétrés,  et  ce  qui 
importe  plus  encore,  qu'ils  les  traduisent  en  actes.  Est-ce  que  l'Eglise 
ne  revient  pas  chaque  année  sur  les  mêmes  avertissements,  comme  elle 
nous  répète  les  mêmes  prières  liturgi<iues,  comme  elle  nous  propose  à 


(1)  Demander  A  la  mai-on  Xotro-Danio  du  Travail  A  Favt-'MaTiafre  (Bclpique)  : 
La  restauration  paroinsinlr  par  1rs  Canfrérirs  rt  1rs  I.ipurs  Eurharistiiiurs.  Tract 
de  16  papes,  reiifeniiant  les  statuts  et  toutes  Ir-i  autres  indications  prati<iuf8 
pour  l'établissement  et  le  fonetionnement  de  ces  T-ijîui's. 

(2)  Ce  doeumeTit  offre  A  beaueoup  d'épards  un  prand  inti'-rêt.  11  a  Hfi  publié 
en  français  par  les  soins  de  la  Linur  sarmlotalr.  sous  le  titro:  Mjjr  \'()i.ri  :  Trt- 
(lnum  Eucharistique.  Broebure  in-S"  de  40  papes.  S'adresser  aux  Maisons  des 
Pères  du  Saint-Sacrement. 


—  696  — 

méditer  sans  cesse,  nu  cours  du  rosaire,  les  mêmes  mystères  principaux 
de  la  vie  de  Notre-Seigneur  et  de  sa  sainte  Mère  ?  J'ai  voulu  l'imiter 
en  inculquant,  plusieurs  années  de  suite,  la  nécessité  du  catéchisme;  je 
voudrais  à  bien  plus  forte  raison,  appliquer  ce  principe  à  la  Communion 
fréquente  et  quotidienne.  Car,  sans  elle,  il  serait  absolument  illusoire 
d'espérer  la  réforme  des  mœurs,  le  réveil  des  énergies  catholiques,  la 
floraison  des  veitus  chrétiennes  dans  toutes  les  classes  de  la  Société,  et 
surtout  dans  le  peuple;  sans  elle  enfin,  nous  ne  verrions  pas  se  peupler 
les  séminaires  et  les  cloîtres  ni  s'afïermir  les  ordres  religieux." 

A'oilà  les  sentiments  qu'il  faut  faire  nôtres  et  qui  augmenteront 
d'année  en  année  notre  ardeur  pour  la  célébration  la  plus  parfaite  du 
Triduum. 

* 

Dans  les  maisons  d'éducation.  —  J'ai  étudié  ailleurs  les  rai- 
sons qui  militent  en  faveur  des  Triduums  eucharistiques  dans  les  maisons 
d'éducation;  j'ai  pu  citer  de  nombreux  exemples  des  fruits  magnifiques 
qu'ils  produisent.  Aucun  autre  mo3^en  n'a  été  aussi  efficace  pour  faire 
entrer  la  pratique  de  la  Communion  quotidienne  dans  les  habitudes  d'un 
grand  nombre  d'enfants,  et  par  elle  "  changer  la  physionomie  de  la 
maison,"  suivant  les  témoignages  de  beaucoup  de  supérieurs.  (1) 

Là  non  plus,  remarquons-le,  il  ne  suffit  pas  de  quelques  instructions 
données  de  loin  en  loin  sur  la  matière;  il  faut  un  ensemble  méthodique 
et  suffisamment  complet,  présenté  en  un  court  espace  de  temps,  afin  (jue 
les  impressions  s'ajoutent  les  unes  aux  autres.  L'intérêt  se  soutient  i)ar 
la  clarté  et  la  variété  de  l'exposition,  par  la  solution  des  difficultés.  11 
faut  que  les  enfants  ne  puissent  pas  ne  pas  comprendre  les  motifs  de  la 
communion  fréquente  et  ses  conditions. 

On  est  étonné  de  constater  combien  d'enfants  ne  songent  même  pas 
à  tirer  les  conclusions  dernières  des  exhortations  qu'ils  entendent;  les 
entretiens  et  la  direction  privée  les  y  décident.  Il  est  capital  d'obten.y 
que,  au  cours  même  du  Triduum,  le  branle  soit  donné;  pour  cela,  dès 
le  premier  jour,  il  faut  s'off'rir  à  attendre  les  conftssions  de  ceux  qui 
le  désirent. 

Une  conférence  du  personnel  de  la  maison,  tout  au  moins  des  confes- 
seurs, est  souverainement  utile  pour  obtenir  l'unanimité,  l'action  et  la 
constance  dans  la  poursuite  du  but. 

Adorations.  —  Je  no  m'étendrai  pas  davantage  sur  les  Triduums 
d'Adoration,  si  féconds  en  heureux  résultats  dans  beaucoup  de  diocèses. 
Là  où  ils  ne  seraient  pas  confondus  avec  le  Triduum  pour  la  Communion, 
on  voit  aisément  que  s'il  faut  leur  maintenir  leur  caractère  de  seconde 
période  pascale,  de  rénovation  spirituelle  de  la  paroisse,  il  est  facile  d'en 
profiter  pour  accroître  la  fré(|uentation  ordinaire  do  la  Table  Sainte. 

La  célébration  de  ces  'l'riduums  varie  d'après  les  régions  et  les  diocèces. 
Dans  quelques-uns,  l'Adoration  ne  dure  qu'un  jour,  ou  un  jour  et  une 
nuit,  mais  elle  est  préparée  par  deux  ou  trois  jours  de  prédications. 
Ailleurs  elle  est  établie  pour  la  durée  de  trois  jours  sous  forme  de  Qua- 


(])    Voir   mon    Dirrctoirc   Eucharifitique   deft    Maisorifi    d'éducation.     Tournai, 
rai^tcriTian.  1910.     Tii-8°  de  100  p.  Prix:   1  franc. 


—  697  — 


rante-Heures.  On  put  dire  au  Congrès  Eucliaristi(|Uo  de  Met/  .lue 
dans  ce  diocèse,  il  se  fait  de?  prédications  cliacun  des  jours  de  TAdoi-a- 
tion,  et  ce  congrès  émit  le  vœu  "  que  l'on  se  serve  des  Adorations  perpé- 
tuelles paroissiales  pour  amener  les  fidèles  à  la  communion  fréquente, 
par  la  prédication  eucharistique  et  par  toutes  les  industries  du  zèle  dont 
cette  solennité  est  Toccasion." 


* 

* 


Il  y  a  plus  de  vingt  ans,  un  grand  serviteur  de  Dieu,  le  général  de 
Sonis,  écrivait  à  un  saint  religieux,  le  P.  Ginhac,  S.  J.  "'  Nous  vivons 
en  plein  paganisme  avec  une  étiquette  chrétienne." 

Ce  mot  cffravant  de  justesse,  ce  mot  qui  résumerait  toute  la  ]jreuiièie 
encyclique  où  Pie  X.  jetant  un  coup  d'œil  sur  le  monde,  décrit  les  carac- 
tères de  l'apostasie  et  de  l'athéisme  pratique  de  notre  époque,  ce  mot 
doit  nous  faire  comprendre  l'importance  sans  égale  de  l'apostolat  de  la 
roinmunion.  Le  mal  est  dans  les  âmes,  dans  les  esprits  fermés  aux 
lumières  surnaturelles,  dans  les  cœurs  lâches  devant  le  sacrifice.  Les 
remèdes  appliqués  du  dehors  ne  sauraient  suffire,  ^'oilà  pourquoi  au 
néo-paganisme  le  Pape  oppose  sa  devise:  "  Rétablir  toutes  choses  dans  le 
Christ  Jésus,  sa  doctrine  dans  les  esprits  par  l'étude  du  Catéchisme  et 
de  l'Evangile,  sa  vie  dans  les  âmes  par  le  Communion  fré*|uento  et  quo- 
tidienne. 

Là  oii  fleurit  la  Communion,  on  trouve  non  seulement  une  étiquette, 
mais  la  réalité  de  la  vie  chrétienne.  Aux  individus  elle  assure  le  main- 
tien de  la  grâce  divine,  la  force  contre  la  passion,  et  des  poussées  de 
vertu,  de  loin  supérieures  à  des  vagues  s  ;uvenirs  d'un  Kvan<.'ile  inc  )m- 
pris. 

Dans  la  famille,  elle  fait  régner  l'union  des  cœurs;  elle  apporte  aux 
époux  assez  de  confiance  en  la  Providence  pour  ne  pas  reculer  devant 
les  charges  de  nombreux  enfants,  assez  d'anuair  de  Dieu  pour  vouloir 
multiplier  les  élus. 

Par  elle,  la  vie  sociale  se  dégage  de  l'égoïsme  et  de  l'âpre  attache  aux 
biens  qui  passent,  pour  s'imprégner  de  plus  de  justice  et  de  charité. 

En  un  mot,  c'est  la  Communion  r|iii  est  la  source  de  tout  bien,  qui 
fait  les  vaillants  et  les  apôtres;  là  où  la  i)ersécution  fait  rage,  elle  fera 
les  martvrs.  "  Il  ne  nous  resh  plus  que  Ir  Ciboire."  écrivait  récemment 
un  prêtre  français.  Parole  sublime  de  foi,  car  nous  savons  ce  qu'il  y  a 
dans  un  ciboire  !  Ah  !  ne  roul)lions  jamais  !  les  premiers  chrétiens 
avaient-ils  autre  chose  ?     Et  ils  ont  coufpiis  le  monde! 

C'est  quand  le  Ciboire  est  demeuré  fermé  que  l'ennemi  a  pris  sa  re- 
vanche et  que  le  mal  a  débordé.  A  nons  dune,  de  l'ouvrir  <ba(|ue  jnur, 
de  le  déverser  largement  dans  les  âmes  affamées;  à  nous  de  prêcher,  dans 
le  Triduum  annuel,  la  croisade  du  Ciboire  proclamée  par  Pie  .\  comme 
l'unique  gage  du  salut  :  ''  Dieu  le  veut!" 


—  698  — 
Voeu  : 

Considérant  que  les  Triduums  Eucharistiques,  recommandés  par  8a 
Sainteté  Pie  X.  ont  le  triple  avantage: 

de  faciliter  l'instruction  des  fidèles, 

de  provoquer  un  salutaire  ébranlement. 

de  fournir  une  solide  hase  d'opération  pour  l'avenir. 
Le  Congrès  eucharistique  de  Montréal  émet  le  voeu: 

1.  Que  ces  Triduunis  soient  donnés  dans  toutes  les  paroisses  et  mai- 
sons d'éducation  : 

2.  Que,  conformément  au  texte  et  à  l'esprit  de  la  Lettre  d' indiction, 
on  ne  s'y  propose  pas  seulement  de  multiplier  les  communions  des  fi- 
dèles, mais  de  les  instruire  solidement  sur  les  principes  mêmes  de  la 
Communion  quotidienne,  a.fin  de  les  amener  à  la  pratique  de  celle-ci  dans 
toute  la  mesure  du  nossihle. 

Le  quatrième  rapport,  figurant  au  programme,  est  présenté 
par  le  R.  P.  Lault,  S.  S.  S.,  sur  deux  œuvres  éminemment  sa- 
cerdotales, qui  jouissent  au  Canada  et  dans  le  monde  entier, 
de  la  plus  grande  faveur. 


L'ASSOCIATION  DES  PRETRES  ADORATEURS" 

ET 

"LA  LIGUE   SACERDOTALE   EUCHARISTIQUE  ' 


Dans  sa  célèbre  "  exhortation  au  clergé  catholique  "  du  4  août  1908, 
N".  S.  Père  le  Pape  Pie  X,  fait  aux  prêtres,  entre  autres  recommanda- 
tions, celle  de  "  former  entre  eux,  comme  il  convient  entre  des  frères, 
des  associations  en  vue  du  développement  des  diverses  branches  de  la 
science  sacrée,  et  surtout  pour  conserver  avec  plus  de  soin  l'esprit  de  leur 
sainte  vocation,  pour  promouvoir  les  intérêts  des  âmes,  en  metta,nt  en 
commun  leurs  pensées  et  leurs  forces.  Ces  associations,  ajoute-t-il,  sont 
d'autant  plus  utiles  qu'on  y  entre  plus  tôt,  dès  le  début  du  sacerdoce." 

Et  lorsqu'il  s'agit  de  préciser  les  moyens  d'atteindre  cette  double  fin 
du  sacerdoce:  "la  sanctification  personnelle  du  prêtre  et  le  salut  des 
âmes  "  'qui  lui  sont  confiées,  le  Souverain  Pontife  insiste  sur  les  deux 
plus  importants  correspondants  à  cotte  double  fin,  à  savoir:  "  Za  prière, 
la  méditation  surtout  et  l'apostolat  de  la  communion  fréquente  et  quo- 
tidienne. 

En  parfaite  conformité  de  vue  avec  les  désirs  exprimés  à  diverses  re- 
prises par  le  Souverain  Pontife,  deux  Associations  sacerdotales,  érigées 
canoniquement,  s'offrent  à  l'attention  du  prêtre,  portant  avec  elles  les 
meilleurs  titres  de  recommandation.  En  raison  du  but  que  poursuit 
chacune  d'elles,  et  de  par  la  volonté  de  Pie  X,  elles  ont  été  greffées  l'une 


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sur  l'autre,  comme  se  complétant  mutuellemont.  La  première,  i\m  a 
nom:  "Association  des  Prêtres  Adorateurs,"  travaille  plus  directement 
à  la  sanctification  personnelle  du  prêtre  par  le  moyen  de  la  méditation 
ou  de  l'adoration  faite  en  présence  du  Souverain  Prêtre,  Jésus-Christ 
au  Très  Saint-Sacrement  de  l'autel.  La  seconde  appelée  :  "  Lique  sa- 
cerdotale eucharistique  ou  de  la  Communion,"  a  pour  but  spécial  la 
sanctification  des  âmes  par  l'apostolat  de  la  communion  fréquente  et 
quotidienne.  Le  présent  rapport  est  destiné  à  donner  un  bref  compte- 
rendu  du  fonctionnement  et  de  l'état  actuel  de  ces  deux  Associations 
sacerdotales. 

Au  nom  de  notre  Communauté,  au  nom  de  tous  les  Prêtres-Adora- 
teurs ici  présents,  qu'il  me  soit  permis  auparavant  de  remercier  Mgr 
l'Archevêque  de  Montréal  de  la  délicate  attention  qui  lui  a  fait  choisir, 
comme  lieu  des  réunions  sacerdotales,  l'église  des  Pères  du  Très  Saint- 
Sacrement,  qui  est  comme  le  berceau  et  le  centre  de  l'Association  des 
Prêtres-Adorateurs,  au  Canada. 

I,  —  Association  des  Prêtres- Adorateurs 

L'association  des  Prêtres- Adorateurs,  on  le  sait,  a  conquis  une  place 
d'honneur  parmi  les  œuvres  sacerdotales. 

L'idée  première  en  revient  au  A'énérable  Pierre-Julien  Eymard,  fon- 
dateur de  la  Congrégation  du  Très  Saint-Sacrement.  Suscité  de  Dieii 
pour  donner  des  adorateurs  au  Dieu  de  l'Hostie,  il  voulut,  et  avec  raison, 
que  les  prêtres  fussent  au  premier  rang.  Lui-même  précisa  Tesprit  qui 
devait  animer  les  membres  de  l'association. 

Le  but  de  cette  association  est  de  sanctifier  le  prêtre  par  le  Sainte 
Eucharistie,  de  lui  faire  atteindre  plus  sûrement  et  plus  parfaitement 
la  fin  de  son  sacerdoce,  par  un  contact  plus  prolongé  et  plus  fréquent 
avec  le  Sacrement  de  vie  et  de  sainteté. 

Voici,  du  reste,  le  programme  que  le  vénérable  fondateur  donnait  aux 
prêtres  qu'il  voulait  grouper  autour  du  Tabernacle  : 

"  Ils  se  souviendront  que  leur  premier  devoir  est  celui  de  l'Adoration 
personnelle;  ''nos  autem  orationi  instantes  erimus,"  et  qu'ils  doivent 
assurer  là  dans  la  prière,  le  succès  de  leur  ministère. 

"  Et  ils  descendront  de  l'Eucharistie  vers  les  peuples,  pleins  de  feu 
pour  répandre  par  tous  les  moyens  possibles,  l'usage  de  la  visite  au  Saint- 
Sacrement  et  de  la  Communion  fré<iuente." 

Celui  qui  s'exprimait  ainsi  a  été  surnommé  à  juste  titre:  "le  prêtre 
et  l'apôtre  de  l'Eucharistie  au  XIXe  siècle."  Il  était  persuadé  que  le 
grand  foyer  de  sanctification  comme  la  grande  puissance  d'apostolat 
pour  le  prêtre,  résident  au  Sacrement  auguste  qu'il  consacre  et  distribue 
aux  âmes.  Il  aurait  voulu  faire  passer  cette  conviction  dans  rame  de 
tous  ses  Frères  dans  le  sacerdoce.  Tous  nous  croyons,  sans  doute,  aux 
richesses  de  sanctification  et  de  vie  divine  dépo.^és  pour  nous  dans  le  Sa- 
crement de  nos  autels:  mais,  avouons-le,  c'i'st  là  une  mine  cachée  que 
nous  ne  savons  pas  exploiter,  un  trésor  prt'cieux  que  nous  ne  savons  pas 
assez  faire  valoir. 


—  roo  — 

L'adoration,  la  méditation  prolongée  et  plus  fréquente  au  pied  du 
Tabernacle,  un  contact  plus  intime  avec  l'Hôte  divin  qui  y  réside,  vien- 
dront remédier  à  notre  inhabilité,  à  notre  inexpérience.  Seule  l'adora- 
tion eucharistique  saura  nous  découvrir  les  secrets,  les  ressources 
infinies  du  Sacrement  de  nos  autels,  en  même  temps  qu'elle  nous  mettra 
au  cœur  Tardent  désir  d'en  faire  bénéficier  les  âmes  qui  nous  sont 
confiées. 

Voilà  pourquoi  l'association  impose  à  tous  ses  membres,  comme  obli- 
gation fondamentale  et  essentielle,  la  pratique  de  l'heure  hebdomadaire 
d'adoration  en  présence  du  Très  Saint-Sacrement.  Cette  heure  de  garde 
doit  être  ininterrompue,  mais  chaque  associé  peut  la  faire  au  jour  et  au 
moment  qui  lui  sont  le  plus  convenables. 

A  première  vue,  et  pour  certains  esprits,  plutôt  superficiels,  une  telle 
pratique  peut  paraître  fort  peu  de  chose,  ou  du  moins  ne  mérite  pas  de 
faire  l'objet  d'une  association  spéciale.  D'autres,  au  contraire,  y  voient 
une  pratique  inconciliable  avec  les  obligations  d'un  ministère  absorbant. 

Je  laisse  à  Son  Eminence  le  Cardinal  Perraud  le  soin  de  répondre  à 
cette  double  difficidté.  Il  l'a  fait  avec  ce  coup  d'œil  sûr  et  ce  grand 
esprit  de  foi  qu'on  lui  connaît.  Qu'on  en  juge  par  cet  extrait  d'une  de 
ses  lettres  :  "  La  pratique  de  l'heure  d'adoration  est  un  des  meilleurs 
préservatifs  contre  la  négligence  à  s'acquitter  du  devoir  de  l'oraison 
mentale,  cet  exercice  fondamental  sans  lequel  il  ne  saurait  y  avoir  ni 
vraie  piété,  ni  solide  vertu.  A  elle  toute  seule,  l'Heure  d'adoration  est 
un  "  compendium  "  de  discipline  et  de  régularité  ecclésiastiques.  C'est 
tout  autre  chose  d'aller  passer  devant  le  Saint-Sacrement  quatre  quarts 
d'heure  séparés  les  uns  des  autres  par  des  études,  des  affaires,  des  pré- 
occupations si  légitimes  soient-elles,  ou  bien  de  les  réunir  dans  une 
solution  de  continuité  pour  en  faire  une  heure  ininterrompue,  durant 
laquelle  les  pensées,  les  affections,  les  désirs,  les  résolutions  peuvent,  sous 
l'action  de  la  présence  immédiate  de  Jésus-Christ,  se  concentrer  sur  un 
seul  point  et  pénétrer  l'âme  jusqu'en  ses  dernières  profondeurs.  Après 
son  heure  d'adoration,  le  prêtre  trahira,  comme  malgré  lui,  le  secret 
d'une  plus  grande  intimité  avec  Jésus-Christ  par  une  action  plus  décisive 

et  })lus  durable  sur  les  âmes Ne    pourrait-on    pas    assimiler  cette 

heure  à  une  petite  retraite  hebdomadaire  renouvelant  et  conservant  les 
fruits  de  la  retraite  du  mois  ?  " 

Quant  aux  prêtres  affairés  et  surchargés  de  ministère,  après  leur  avoir 
démonti'é  la  nécessité  plus  grande  où  ils  sont  de  se  recueillir  et  de  faire 
oraison,  le  même  Cardinal  leur  suggère  un  moyen  pratique  :  "  Ayez,  leur 
dit-il,  un  jour  de  la  semaine  oii  vous  vous  lèverez  une  heure  plus  tôt. 
Cette  heure  vous  irez  la  passer  devant  le  Saint-Sacrement  et  vous  pour- 
rez très  bien  l'employer  à  faire  oraison.  Je  vous  le  garantis,  votre 
travail  du  l'cste  de  la  journée,  je  pourrais  même  dire  du  reste  de  la  se- 
maine, se  ressentira  de  cette  heure  bienheureuse;  à  cause  d'elle  vous 
ferez  plus  de  choses  et  vous  les  ferez  mieux." 

C'est  ce  qu'exprimait  excellemment  un  autre  associé,  après  en  avoir 
fait  lui-même  l'expérience:  "Les  œuvres  de  jeunesse  ou  autres  peuvent 
bien  durer  quelque  temps,  nous  écrivait-il,  mais  elles  languissent  bientôt, 
si  le  prêtre  n'est  pas  l'homme  de  l'Iùicharistie.     Il  faut  être  saint  pour 


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sanctifier  les  autres,  "  former  le  Christ  en  soi  pour  le  former  dans  les 
autres." 

Ces  réflexions,  appuyées  sur  rEvan<rile  et  marquées  au  coin  de  l'expé- 
rience, sont  confirmées  chaque  jour  par  les  aveux  de  nombreux  associés, 
pris  dans  les  situations  et  les  charges  les  plus  diverses,  l^lles  témoignent 
hautement  de  la  prévoyante  et  surnaturelle  sagesse  du  Fondateur. 

Mais  une  œuvre  sacerdotale  doit  être,  plus  que  toute  autre,  une  œuvre 
sérieuse  et  durable.  Aussi,  pour  prémunir  l'assoi-ié  contre  sa  propre 
négligence,  en  même  temps  que  pour  assurer  la  perpétuité  et  la  vitalité 
de  l'Œuvre,  chaque  confrère  doit  envoyer  chaque  mois  (ou  au  moins  tous 
les  trois  mois)  au  centre  de  l'Œuvre,  son  bulletin  d'Adoration.  "  Le 
Libellus  ad  ovation  is,  nous  disait  un  jour  un  vénérable  évôtiuo.  c'est  la  vie 
de  l'Œuvre,"  c'est  le  mouvement,  le  signe  de  vie;  régulièrement  il  rap- 
pelle aux  confrères  leurs  obligations  et  les  force,  pour  ainsi  parler,  à  y 
être  toujoui"s  fidèles.  Petit  en  apparence,  ce  moyen  donne  à  l'Associa- 
tion une  vigueur  extraordinaire,  et  lui  assure  une  supériorité  incontes- 
table sur  ces  associations  dont  les  membres,  il  est  vrai,  se  com|)tent  ])ar 
milliers,  mais  dont  la  plupart  ne  savent  plus  eux-mêmes  s'ils  en  ont 
jamais  fait  partie.  Quant  à  ces  billets  d'adoration,  déposés  aux  pieds 
du  Très  Saint-Sacrement  exposé  jour  et  nuit,  ils  constituent  un  liom- 
mage  permanent  d'adoration  de  la  part  des  associés. 

Ajoutons  que  la  vitalité  de  l'Œuvre  est  encore  assurée  par  les  Annales 
des  Prêtres-Adorateurs,  revue  mensuelle  qui  se  publie  en  dix  langues 
différentes,  trois  éditions  françaises  et  deux  éditions  espagnoles. 

Mais  ce  qui  suffirait  seul  à  démontrer  l'opportunité  et  la  vitalité  de 
l'Association,  c'est  assurément  son  continuel  et  son  prodigieux  accrois- 
sement. 

A  l'heure  actuelle,  elle  atteint  le  chiffre  de  i)T,000  membres  répandus 
dans  toutes  les  parties  du  monde  et  appartenant  à  tous  les  degrés  de  la 
hiérarchie  ecclésiastique;  parmi  eux  une  douzaine  de  canlinaux  et  en- 
viron 250  archevêques  et  évêques. 

En  comparant  les  statistiques  qui  relatent  les  nouvelles  inscriptions, 
on  a  la  joie  de  constater,  depuis  plusieurs  années,  un  progrès  d'au  nuiins 
un  millier  chaque  année  sur  l'année  ])ré(Mlente.  ("est  ainsi  ([u'cn  1Î)0!), 
il  y  avait  eu  G,000  inscriptions:  en  1910,  elles  atteignaient  le  ebiffre  de 
7,000.  Suivant  une  expression  chère  au  Vénérable  Père  Eymard,  c'est 
le  réseau  de  feu  eucharistique  qui  s'étend  de  plus  eu  plus  [x.ur  enlacer 
la  terre  tout  entière. 

Ce  développement  progressif  de  r(Kuvre  a  toujours  reçu  les  plus 
hautes  ap|)r()l»ati<)ns.  Le  Saint-Siège  a  accordé  aux  associés  de  nom- 
breux et  précieux  privilèges,  dont  quel(|ues-uns  sont  de  nature  à  faciliter 
l'exercice  de  leur  ministère.  Plus  de  ;r^0  arcbevê;|ues  et  évêques  ont 
approuvé  l'Œuvre,  soit  par  un  docunuml  ofliciel,  soit  en  .  b..i~i^-niii  ou 
en  approuvant  un  directeur  diocésain. 

Si  l'étendue  de  ce  travail  le  permettait,  il  serait  intéressant  d'étuilior 
l'influence  (|ue  l'Association  a  exercée  sur  le  nKuivement  eucharistique  de 
notre  époijue.  La  correspondance  nous  fournirait  sur  ee  point  ample 
matière  à  élification  et  nous  ferait  toucher  du  doigt  les  ré-;ultat~  ..liteniis, 


—  702  — 

tant  pour  la  sanctification  personnelle  du  prêtre  que  pour  le  succès  de 
son  ministère  auprès  des  âmes. 

Q'UÏl  me  soit  du  moins  permis  de  dire  un  mot,  comme  il  convient,  de 
la  vitalité  et  des  résultats  de  l'Œuvre  au  Canada. 

Serait-il  téméraire  d'avancer  qu'à  elle,  du  moins  en  grande  partie,  re- 
vient l'honneur  d'avoir  préparé  le  terrain  à  la  magnifique  effiorescence 
de  piété  eucharistique,  que  vient  couronner  si  magnifiquement  notre 
XXle  Congrès  Eucharistique  International  de  Montréal? 

Implantée  au  Canada  vers  Tannée  1890,  l'Association  fit  de  rapides 
progrès,  grâce  au  zèle  éclairé  et  inlassable  du  Eévérend  Père  Beaudry, 
ancien  supérieur  du  Collège  de  Joliette,  qui  en  fut  le  premier  directeur 
et  le  grand  zélateur.  Depuis  lors,  l'Œuvre  a  enrôlé  au  Canada  environ 
3,500  membres.  A  l'heure  actuelle  elle  compte  2,450  membres  vivants. 
Nous  aimons  à  constater  que,  grâce  au  zèle  éclairé  des  Directeurs  de  nos 
Séminaires,  le  jeune  clergé  s'enrôle  dans  l'Association  des  Prêtres-Ado- 
rateurs dès  le  Sous-Diaconat. 

Quelle  somme  de  prières  et  de  sacrifices  représentent  les  12,250  heures 
d'adoration,  olïertes  chaque  mois  à  Jésus-Christ,  par  les  Prêtres-Adora- 
teurs du  Canada  !  Mais  aussi,  quelle  somme  de  bénédictions  descend  en 
retour  du  Cœur  Eucharistique  de  Jésus  sur  la  tribu  sacerdotale  et  sur  le 
pays  tout  entier  ! 

Si,  comme  en  toute  œuvre  humaine,  nous  devons  constater  que  plu- 
sieurs laissent  de  côté  leurs  engagements,  que  de  généreux  retours  nous 
avons  à  enregistrer  après  de  fraternels  avertissements,  que  de  confrères 
plus  zélés  font,  par  compensation,  jusqu'à  dix,  quinze  et  même  vingt 
heures  d'adoration  chaque  mois  !  La  correspondance  de  l'Œuvre  nous 
révèle  d'admirables  exemples  de  piété  eucharistique  et  nous  édifie  par 
des  paroles  pleines  de  foi  et  d'amour  envers  Jésus-Hostie.  C'est  un 
évêque  qui  nous  écrivait  naguère  :  "  Je  considère  mes  heures  d'adoration 
comme  les  plus  fécondes  de  ma  vie  sacerdotale."  —  "  Il  y  a  longtemps 
que  je  suis  persuadé  que  la  prière  aux  pieds  de  Jésus-Hostie  est  un  sûr 
garant  de  succès  dans  les  missions,"  nous  écrit  un  missionnaire  du 
Nord-Ouest.  "  Depuis  mon  inscription,  nous  écrit  un  autre,  je  puis  me 
rendre  le  témoignage  de  n'avoir  jamais  manqué  mon  heure  de  garde.  J'y 
attache  une  grande  importance,  je  me  relève  plus  fort,  plus  courageux 
pour  remplir  les  devoirs  de  ma  charge.  C'est  l'heure  la  meilleure  de 
toute  ma  semaine." 

De  la  seule  correspondance  des  confrères,  on  pourrait  sans  crainte 
conclure  que  l'Heure  d'adoration  pratiquée  fidèlement  apporte  toujours 
aux  prêtres  un  renouveau  de  vie  surnaturelle,  en  même  temps  qu'un 
zèle  brûlant  pour  sanctifier  les  âmes  par  l'Eucharistie. 

C'est  ainsi  que  grâce  à  leur  initiative,  s'est  propagée  rapidement,  de- 
puis quelques  années  surtout,  la  pratique  de  l'Heure  mensuelle,  et  même 
de  l'Heure  hebdomadaire  avec  les  paroissiens.  Je  pourrais  citer  ici  tel 
confrère,  curé  d'une  j)aroisse  rurale,  qui  a  enregistré  en  une  année 
lG,o49  heures  d'adoration  ;  tel  autre,  d'une  paroisse  de  ville,  qui  a  enre- 
gistré dans  les  cinq  premiers  mois  de  l'année  du  Congrès  21,308  heures 
d'adoration  offertes  à  Jésus-Hostie  par  ses  paroissiens.  Pour  rendre  cette 
œuvre  plus  prospère  et  plus  durable,  bon  nombre  de  confrères  ont  fait 


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ériger  canoniquement  en  leur  paroisse  la  Confrérie  du  Très  Saint-Sacre- 
ment et  Font  affiliée  à  l'Archiconfrérie  Eomaine,  dont  le  centre  général 
est  établi  en  Téglise  des  Pères  du  Très  Saint-Sacrement,  à  Eome. 
Actuellement,  cette  Œuvre  a  été  établie  en  130  paroisses,  où  elle  est  des 
plus  prospères. 

C'est  encore  à  l'initiative  des  Prêtres- Adorateurs,  que  les  Eetraites 
pastorales  se  clôturent  presque  partout  par  une  nuit  entière  ou  au  moins 
par  une  heure  solennelle  et  publique  d'adoration,  à  laquelle  prennent 
part  tous  les  retraitants.  Dans  bon  nombre  de  diocèses,  notamment  en 
France,  aux  Etat- Unis,  à  London  (au  Canada),  les  associés  ont,  durant 
la  Retraite  pastorale  une  conférence  spéciale  sur  l'Œuvre,  donnée  par  le 
prédicateur  ou  par  le  directeur  diocésain. 

Je  n'ai  pas  eu  la  prétention  de  tout  dire  en  relevant  ces  notes,  mais  ce 
que  j'en  ai  dit,  suffit,  je  crois,  cà  vous  montrer  l'Association  des  Prêtres- 
Adorateurs,  pleine  de  vitalité,  féconde  en  résultats  de  sanctification  pour 
ses  nombreux  associés,  et,  à  ce  titre,  digne  de  tenir  une  place  d'honneur 
dans  l'estime  des  prêtres  vraiment  soucieux  de  leur  propre  sanctification. 


II,  —  La  Ligue  Sacerdotale  Eucharistique 


Je  vous  ai  promis  de  dire  un  mot  de  la  Ligue  Sacerdotale  de  la  Com- 
munion. Elle  a  sa  place  tout  indiquée  à  côté  de  l'Association  des 
Prêtres- Adorateurs. 

Déjà  le  Vénérable  Père  Eymard,  précisant  l'esprit  dont  les  Prêtres- 
Adorateurs  doivent  être  animés,  leur  indi(juait  l'apostolat  de  la  commu- 
nion fréquente  comme  but  à  poursuivre.  "  Ils  s'engageront,  leur  disait- 
il,  à  répandre  par  tous  les  moyens  possibles  l'usage  de  la  visite  au  Très 
Saint-Sacrement  et  de  la  Communion  fréquente." 

Ce  vœu  du  Vénérable  Père  Eymard,  ^•ient  de  trouver  sa  réalisation  défi- 
nitive, et  comme  sa  consécration  officielle,  dans  le  choix  que  Sa  Sainteté 
Pie  X  a  fait  de  l'Association  des  Prêtres-Adorateurs  et  de  son  organe 
"les  Annales"  de  l'Œuvre  comme  moyen  de  propager  la  doclriiic  cl  la 
pratique  du  Décret  de  1905. 

Est-il  besoin  de  faire  observer  que  ce  choix  du  Souverain  Pontife  cons- 
titue la  plus  haute  marque  d'estime  et  de  confiance,  on  même  temps  (|ue 
le  plus  bel  éloge  de  l'Association.  C'est  assez  dire  que  tout  bon  adora- 
teur de  l'Eucharistie  doit  en  être  par  le  fait  même  l'apôtre  zélé  et 
infatigable.  Dans  l'habitude  de  l'adoration,  dans  un  contact  plus  intime 
et  plus  nssidu  avec  le  Cœur  adorable  de  Jésus,  il  compreiul  mieux  l'ar- 
dent désir  qu'a  le  Divin  Maître  de  s'unir  et  de  se  donner  aux  âmes.  Le 
seconder  de  tout  son  pouvoir  devient  pour  lui  comme  un  besoin  du  cœur. 

Au  Congrès  de  Metz,  on  a  exposé  les  raisons  qui  démont n-nt  roj)por- 
tunité  de  la  Ligue.     Je  ne  fais  que  les  indi<iuor  en  passant. 

Le  Souverain  Pontife  n'entendait  pas  que  le  Décret  "  Sacra  Trideniina 
Synodiis"  restât  lettre  morte.  11  n'ignorait  pas  contre  (jucls  préjugés 
allait  se  heurter  la  (liscij)lin('  (|u"il  rappelait,  et  (|ue  des  ctTorts  isolés 
auraient  difficilement  raison  d'iiabitude.-^  sw-ulairi'S.  Il  cun(,-ut  donc  le 
dessein  de  grouper  tous  les  prêtres  zélés  dans  une  Ligue,  dont  tous  le^ 


—  704  — 

membres  feraient  du  décret  "Sacra    Tridentina    Sijiiodiis"    leur    mot 
d'ordre  et  leur  règle  de  conduite  dans  leur  ministère  auprès  des  âmes. 

Tous  les  prêtres,  fidèles  à  la  voix  de  leur  chef,  comprendront  la  haute 
convenance  qui  doit  les  engager  à  s'enrôler  sous  la  bannière  de  la  Ligue 
et  à  en  remplir  avec  zèle  les  obligations.  N'y  a-t-il  pas  là  pour  eux  la 
plus  belle  occasion  de  témoigner  de  leur  parfaite  adliésion  à  l'ensei- 
gnement intégral  de  l'Eglise  et  du  Vicaire  de  Jésus-Clirist  sur  la  Com- 
munion fréquente  et  quotidienne? 

Les  privilèges  si  extraordinaires  accordés  aux  membres  de  la  Ligue 
sont  pour  le  prêtre  une  autre  raison  de  s'y  enrôler.  Les  principaux  sont: 
l'autel  privilégié  personnel  trois  fois  la  semaine,  Tindulgence  plénière 
hebdomadaire  que  l'associé  peut  communiquer  à  ceux  de  ses  pénitents 
qui  ont  l'habitude  de  la  communion  quotidienne  ou  quasi-quotidienne; 
une  indulgence  de  300  jours  pour  toute  œuvre  faite  en  vue  de  favoriser 
la  communion  fréquente. 

Le  Saint-Père  a  daigné  lui-même  se  faire  inscrire  parmi  les  membres 
de  la  Ligue,  en  même  temps  qu'il  transmettait  à  tous  ceux-ci  la  béné- 
diction apostolique.  Et  comme  un  précieux  encouragement  pour  ceux 
qui  font  des  Statuts  de  la  Ligue  la  règle  de  leur  ministère  auprès  des 
âmes,  s'adressant  au  Directeur  Général,  le  Saint-Père  lui  dit  :  "  Oui,  oui, 
dites  que  le  Pape  a  donné  son  nom  de  grand  cœur!  " 

Quant  à  l'esprit  dont  les  membres  de  la  Ligue  doivent  être  animés  et 
aux  movens  qu'ils  doivent  emplover,  ils  sont  précisés  dans  les  Statuts 
de  l'Œuvre. 

L'associé  doit  d'abord  mettre  en  tête  de  ses  devoirs,  l'étude  assidue  et 
approfondie  des  récents  documents  du  Saint-Siège  sur  la  communion 
fréquente  et  quotidienne.  Xous  devrons  en  convenir  avec  le  P.  Lin- 
telo,  ''  les  prêtres  qui  ont  suivi  les  cours  de  théologie  à  l'époque  où  les 
controverses  sur  la  communion  n'avaient  pas  été  tranchées,  ont  presque 
tous  été  imbus  d'idées  fausses."  Il  s'agit  donc  pour  nous  de  répudier 
non  seulement  dans  la  théorie  mais  encore  dans  la  pratique,  les  idées  et 
les  préjugés  anciens.  Voilà  déjà  près  de  cinq  ans  qu'a  paru  le  décret  sur 
la  communion,  corroboré  par  plusieurs  documents  subséquents  qui  le 
précisent  et  le  complètent,  et  néanmoins  ici  et  là  l'on  rencontre  encore 
des  usages  qui  y  sont  formellement  réprouvés,  des  hésitations  qui  n'ont 
plus  aucune  raison  d'être  après  les  déclarations  formelles  et  obligatoires 
du  Vicaire  de  Jésus-Christ. 

Se  souvenant  f|u'il  doit  refaire  l'éducation  du  peuple  au  sujet  de  la 
communion,  le  membre  de  la  Ligue  ne  se  laissera  pas  arrêter  par  les  dif- 
ficultés. I^es  obstacles  à  vaincre  n'ont  rien  (]ui  doivent  étonner  ou  re- 
froidir le  zèle  d'un  véritahle  apôtre.  Il  dirigera  sur  ce  point  tous  ses 
efforts,  il  sera  l'homme  d'une  idée.  Il  y  reviendra  sans  cesse,  à  temps 
et  à  contre-temps,  avec  méthode  et  persévérance,  sans  timidité  ni  réti- 
cences, en  chaire  et  au  confessionnal,  en  conversation,  par  la  parole  et 
par  la  plume.  Comme  un  bon  soldat  il  exécutera  ponctnellemont  et  à 
la  lettre  l'ordre  de  son  chef.  Tout  en  tenant  compte  des  circonstances 
de  milieu  et  de  personne,  il  proposera  sans  ambage  l'idéal  à  poursuivre. 
La  prière  jointe  à  une  action  ferme  et  résolue,  finira  par  triompher  de 
tous  les  obstacles. 


—  ;o5  — 

Ce  serait  ici  le  lieu  de  si<?naler  les  diverses  méthodes  ou  industries 
employées  par  les  confrères,  eonnne  moyen  d'apostolat.  Les  limites  de 
ce  rapport  ne  -ne  permettent  qu'une  sèche  énumération;  la  voici,  du 
moins,  telle  que  je  l'ai  extraite  de  la  correspondance  de  rdùivre: 

1.  Pendant  un  certain  temps,  soit  pendant  les  instructions  faites  à  la 
Messe  le  dimanche,  soit  dans  ses  entretiens  aux  diverses  Conjrrégations 
ou  Associations  paroissiales,  traiter  d'une  manière  nette  et  exj)licite  de 
la  communion  fré|uente  et  quotidienne,  suivant  la  doctrine  du  décret. 
Avoir  soin  de  corroborer  son  enseitrnement  en  (listrii)uant  des  brochures, 
tracts  ou  fenillets  eucharistiques. 

2.  Etablir  certaines  œuvres  eucharistiques:  Archiconfréries  du  Très 
Saint-Sac-emenl,  Li(,n,e  de  la  Sainte  Messe,  Apostolat  de  la  l'rière. 

3.  Action  individuelle  au  confessionnal,  spécialement  sur  les  per- 
sonnes (|Ui  assistent  déjà  à  la  messe  sur  semaine,  sur  celles  (|ui  sont  à  la 
tête  des  œuvres;  provoquer  des  neuvaines  de  communions  aux  jours  anni- 
versaires, aux  fêtes  de  famille,  etc.  Recruter  dans  les  diverses  associa- 
tions une  élite  qui  par  son  exemjjlc  (loiniera  le  branle  à  la  masse. 

4.  Profiter  des  retraites  annuelles  d'hommes,  de  dames  et  jeunes  filles, 
pour  propeser  la  communion  fréquente  comme  moyen  de  persévérance. 

5.  Multiplier  les  fêtes  et  les  cérémonies  eucharistiques:  adoration  so- 
lennelle, triduum  eucharisti(|Ue,  etc.,  à  l'effet  de  prov(M|Ui'r  des  commu- 
nions plus  nombreuses.  I/expérience  en  démontre  l'efficacité  même 
dans  les  milieux  les  plus  réfractaires. 

().  Apostolat  spécial  auprès  des  enfants  de  la  première  communion. 
Les  habituer  à  se  confesser  tous  les  (|uinze  jours  ou  au  moins  tous  les 
mois,  c'est  les  former  d'avance  à  la  praticpie  de  la  communion  fré(|uente. 

7.  Enfin,  et  c'est  là  le  point  important,  faire  tout  son  j)ossible  ])Our 
être  à  la  disposition  des  pénitents  au  moment  (|ui  leur  est  le  plus  favo- 
rable. .\vant  lont^temps  le  confesseur  se  verra  amplement  dédommacré 
des  saciilices  nécessaires  surtout  nu  début.  Car  une  communion  ])lus 
fréquente  rendra  les  confessions  beaucoup  plus  faciles,  plus  courtes  et 
même  plus  facilement  retardées,  s'il  en  est  besoin. 

Tels  sont  quel(|ues-uns  des  moyens  employés  par  les  confrères,  et  c|ui 
sont  de  m'ture  à  faire  naître  et  à  i'.ccentuer  le  mouvenu'nt  des  Ames  vers 
la  S'iinte  'l'able.  Les  Annales  de  la  Lij.Mie  mettent  les  associés  au  courant 
de  ces  diverses  industries,  des  résultats  obtenus,  en  même  temps  (|u'elles 
leur  fournissent  des  matériaux  ou  sujets  d'in.>;truction  (•ucharisti((U('. 
Les  nombreux  élo<res  et  encoura<:ements  des  confrères  démontrent  (piels 
secours  précieux  tout  prêtre  i)eut  y  trouver  ])our  l'exeivice  de  son  mi- 
nistère. 

Si  nous  examinons  maintenant  l'état  actuel  de  la  Liuue,  nous  sommes 
heureux  de  constater  (|ue  depuis  son  érection  en  juillet  1!HM).  elle  s'est 
dévelopi)ée  très  ra|)idemeut.  Elle  eoiu])te  acinellement  l<i.ii(i(»  membres 
environ,  tant  du  clero^é  réirulier  que  séculier.  L'.Vssociation  des  l'rêtres- 
Adorateurs,  comme  il  convenait,  du  reste,  lui  a  fourni  le  plus  lar^e 
continssent.  Dans  jilusieur«:  diocèses  même,  tous  ses  membres  se  sont 
fait  inscrire  en  bloc;  nous  sommes  heureux  de  si^rnah'r  que  tel  a  été  le 
cas  dans  trois  diocèses  du  Canada.  Xe  serait-il  pas  h  souhaiter  (|u'il  en 
soit  de  même  partout?  Le  centre  de  Montréal  a  enrejristré  jusqu'ici 
23 


—  706  — 

plus  de  ITOO  adhésions.  C'est  déjà,  il  est  vrai,  un  magnifique  résultat, 
mais  ne  sommes-nous  pas  en  droit  de  nous  demander  pourquoi  tous  les 
Prêtres-Adorateurs  du  Canada  n'ont  pas  répondu  aux  appels  réitérés  que 
nous  leur  avons  adressés  par  la  voix  des  Annales  ?  Serait-ce  insouciance 
chez  quelques-uns  ?  chez  d'autres,  nous  avons  été  à  même  de  le  constater, 
il  y  a  confusion.  Ils  croient  être  membres  de  la  Ligue  par  le  fait  même 
qu'il  sont  Prêtres-Adorateurs.  Nous  devons  donc  faire  remarquer  ici 
que  la  Ligue  Sacerdotale  de  la  Communion,  en  raison  de  son  but  spécial, 
de  ses  privilèges  particuliers,  demande  une  inscription  spéciale.  De 
plus,  combien  de  prêtres  qui  ne  peuvent  pas  ou  ne  veulent  pas  s'enrôler 
dans  l'Œuvre  des  Prêtres-Adorateurs,  pourraient  cependant  appartenir 
à  la  Ligue  de  la  Communion  !  Il  n'est  aucune  situation  qui  ne  puisse 
se  concilier  avec  les  obligations  de  la  Ligue,  et  les  raisons  les  plus  pres- 
santes doivent  engager  tout  bon  prêtre  à  s'y  enrôler.  Celle-ci,  nous 
l'avons  vu,  n'impose  à  ses  membres  aucune  obligation  particulière  à  la- 
quelle le  prêtre  ne  soit  déjà  tenu  par  ailleurs.  Elle  a,  en  effet,  pour 
but  d'imprimer  une  direction  nouvelle  à  son  zèle,  en  faisant  de  lui  un 
apôtre,  un  propagateur  infatigable  de  la  communion  fréquente.  Tout 
prêtre,  disposé  à  concourir  à  cet  anostolat,  soit  par  la  parole  ou  par  la 
plume,  soit  par  la  prière  n'a  qu'à  donner  son  nom  pour  participer  à  ses 
privilèges. 

Vœnx  : 

_  (1)  Qu'à  l'occasion  du  Congrès  Eucharistique,  les  membres  de  l'Asso- 
ciation des  Prêtres-Adorateurs  se  renouvellent  dans  l'esprit  de  l'adora- 
tion eucharistique,  et  que  ceux  qui  ne  font  point  encore  partie  de  cette 
Association  lui  donnent  leur  nom. 

(2)  Que  les  prêtres  qui  ne  peuvent  pas  appartenir  à  l'Association  des 
Prêtres-Adorateurs,  se  fussent  du  moins  inscrire  dans  la  Ligue  de  la 
Communion  et  deviennent  des  apôtres  zélés  de  la  communion  fréquente. 

(3)  Est  proposé  que  la  Section  Sacerdotale  du  Congrès  de  Montréal 
ratifie  le  vœu,  déjà  formulé  hier  en  séance  générale,  que  l'Eglise  mette 
bientôt  sur  les  autels  le  Vénérable  Père  Eyniard,  le  fondateur  de  l'Asso- 
ciation des  Prêtres-Adorateurs  et  l'apôtre  des  œuvres  euchasitiques  au 
XIXe  siècle. 

* 
*       * 

Après  que  le  R.  P.  Lault  a  terminé  son  rapport,  M.  l'abbé 
Bouquerel,  secrétaire  général  du  comité  permanent,  dit  quel- 
ques mots  sur  une  autre  œuvre  sacerdotale:  UUinon  Aposto- 
lique 

Il  en  expose  l'objet,  le  fonctionnement,  et  il  fait  ressortir 
quelle  étroite  affinité  elle  a  avec  les  œuvres  eucharistiques. 

Puis  la  parole  est  donnée  à  M.  le  Chanoine  Gampeav,  d'Ot- 
tawa, qui  doit  exposer  les  avantages  et  l'opportunité  d'une 
pratique  (pii  se  répand  de  plus  en  plus  dans  les  paroisses  du 


—  ?0T  — 

Canada,  jçrâce  au  -zèle  des  prêtres-adorateurs;  nous  voulons 
dire,  Vheurc  (Vadoration  hebdomadaire  faite  par  le  prêtre  avec 
les  fidèles. 


L'HEURE   D'ADORATION   HEBDOMADAIRE 
faite  par  les  prêtres  avec  les  fidèles 

Entre  autres  glorieux  services  rendus  à  la  cause  de  Dieu  et  de  sa 
sainte  Eglise  par  la  Congrégation  du  Très  Saint-Sacrement,  il  importe 
de  signaler  le  biçn  immense  fait  au  clergé,  et,  par  contre-coup,  aux  fi- 
dèles, par  l'Association  des  Prêtres-Adorateurs  et  Tlieure  iradoration 
hebdomadaire  qui  en  est  la  pratique  principale.  Aussi,  personne  ne 
s'étonnera  ((ue  le  premier  Congrès  eucharistique  tenu  sur  cette  nouvelle 
Terre  de  Marie,  où  l'on  compte  de  si  nombreux  Prêtres-Adorateurs,  ait 
mis  à  l'ordre  du  jour,  de  ses  séances  sacerdotales  ce  sujet  si  important  : 
les  avantages  de  l'heure  d'adoration  faite  avec  les  fidèles. 

Intéresser  les  fidèles  à  son  heure  hebdomadaire  d'adoration,  est  une 
pensée  qui  devait  tout  naturellement  venir  au  Prêtre-Adorateur, 

Le  sacerdoce  et  les  âmes,  au  profit  desquelles  il  a  été  institué,  sont,  en 
effet,  deux  termes  si  intimement  liés,  que  le  prêtre,  d'une  part,  trouve 
sa  propre  sanctification  dans  les  actes  mêmes  par  lesquels  il  sanctifie 
les  fidèles  ;  et  que,  d'autre  part,  plus  le  prêtre  s'unit  par  la  i)i-ière  et 
l'adoration  à  l'Hostie  dont  il  est  le  dispensateur  et  le  gardien,  plus  il 
exerce  sur  les  âmes  une  action  sanctificatrice.  Il  suit  donc  la  pente 
naturelle  du  sacerdoce,  le  prêtre  qui,  ayant  découvert,  dans  l'habitude 
régulière  de  l'adoration,  une  source  de  ferveur  et  un  acoroissenient  de 
vie  spirituelle,  s'empresse  d'en  faire  part  au  peuple  chrétien  et  l'invite 
à  y  venir  puiser  lui-même. 

Aussi  les  résultats  réciproques  ne  se  font  pas  attendre.  Parlons  d'a- 
bord rapidement  des  avantages  que  le  prêtre  en  retire  pour  lui-même, 
puis  dans  une  seconde  partie,  nous  exposerons  les  différentes  méthodes 
employées  pour  unir  les  fidèles  au  prêtre  pendant  cette  adoration  ;  enfin 
la  troisième  partie  nous  dira  les  avantages  qui  en  résultent  pour  les 
fidèles. 

1ère  PARTIE 

Avantages  pour  le  prêtre. 

1°  La  fidélité.  Convoquer  le  peuple  chrétien  à  un  exercice,  c'est 
prendre  l'engagement  de  s'y  trouver  soi-même.  Si  cette  convocation  se 
répète  chaque  semaine,  elle  se  transforme  en  habitude  ;  elle  devient  une 
force  morale  qui  triomphe,  l)on  gré  mal  gré,  des  résistances  de  la  nature 

"  Exinde  nios  increhuit et  consuetudo  servata  est"  (Judic.  XI,  39). 

Alors  que  précédemment  un  prétexte  futile,  un  peu  de  fatigue,  une 
visite  inopinée  faisait  retarder  et  mettait  en  péril  l'heure  d'adoration. 
on  a  maintenant  une  réponse  toute  prête  pour  écarter  les  obstacles  non 
indispensables,  ou  faire  attendre  les  visiteurs  importuns:  Excusez-moi. 
j'ai  un  office  public  à  présider. 


—  7(38  — 

Si  le  visiteur  est  un  confrère,  il  se  trouve  par  le  fait  même,  sans  plus 
d'invitation,  engagé  à  prendre  part  à  rexercice.  C'est  un  stimulant 
pour  lui  aussi.  C'est  peut-être  une  révélation....  '"  Quod  cum  vidis- 
sem,  posai  in  corde  meo,  et  exeniplo  didici  disciplina  m.''  (Prov.  XXIV, 
32). 

2°  Meilleures  dispositions  pour  prier.  Ante  orationem  praepara  ani- 
mam  tuam,  a  dit  rÊsprit-Saint.  (Eccli.  XVIII,  23.)  Cette  préparation, 
surcroît  de  travail  et  de  temps  qui  s'ajoute  à  l'oraison,  est  toujours  pé- 
nible à  la  nature,  et  les  raisons  pour  s'en  dispenser  ne  manquent  pas 
quaiul  on  fait  seul  son  oraison.  Mais  quand  on  sait  que  l'on  devra 
parler  en  public,  on  y  songe  au  moins  quelques  instants,  ne  fut-ce  que 
pour  chercher  un  sujet  de  lecture  pieuse. 

Or,  le  fruit  de  l'oraison  est  en  général  proportionné  à  la  préparation 
qui  l'a  précédée.  Il  y  a  donc  tout  lieu  d'espérer  que  cette  préparation, 
quoique  faite  en  vue  de  la  parole  publique,  apportera  son  contingent 
de  grâces  à  l'adoration. 

3°  Ferveur  plus  grande.  C'est  la  conséquence  de  la  promesse  for- 
melle faite  par  Xotre-Seigneur,  de  se  trouver  au  milieu  de  ceux  qui  sont 
réunis  en  son  nom.  Seul,  le  prêtre  serait  tout  aussi  proche  de  la  Sainte 
Eucharistie  et  Jésus  lui  serait  substantiellement  tout  aussi  présent.  Mais 
nous  savons  tous  que  la  promesse  de  Jésus-Christ  désigne  une  assistance 
plus  efficace  et  une  impétration  plus  abondante. 

En  outre,  l'efîort  intellectuel  du  prêtre,  pour  communiquer  au  peuple 
sa  propre  pensée  ou  celle  de  l'auteur  qu'il  lit,  stimule  toutes  les  facultés 
de  son  âme  et  lui  fait  oublier  la  fatigue  corporelle:  tandis  que  son  zèle 
sacerdotal  pour  les  âmes  lui  fait  chercher  et  trouver  les  expressions  ou 
l'intonation  qui  insinuera  dans  les  cœurs  l'amour  de  Jésus-Christ,  le 
repentir  des  fautes,  les  précieuses  résolutions.  Son  oraison  se  trouve 
ainsi  continuellement  accompagnée  et  stimulée  par  des  actes  extérieurs 
de  charité  pratique  :  il  donne  sans  cesse  à  son  peuple  ;  il  devra  donc,  sui- 
vant une  autre  promesse  non  moins  formelle  de  Jésus,  recevoir  à  son 
tour.     "Date  et  dahitur  rohis." 

4°  Plus  de  gloire  rendue  à  Dieu.  Nous  savons  tous,  en  effet,  qu'en 
unissant  le  culte  extérieur  au  culte  inférieur,  nous  rendons  à  Dieu  un 
hommage  plus  complet.  Dieu,  qui  a  promis  de  récompenser  un  verre 
d'ea;i  donné  en  son  nom,  ne  sera  certes  pas  indifférent  à  cet  accroisse- 
ment de  zèle. 

Ile  PARTIE 

Méthodes  pratiques. 

"Un  jour  que  Jésus  était  en  prière  en  un  certain  lieu,  lorsqu'il  eût 
achevé,  un  de  ses  disciples  lui  dit  :  Seigneur,  apprenez-nous  à  prier, 
comme  Jean  l'a  appris  h  ses  discif)les."  (Luc  XI.  1). 

Lorsque  le  peuple  chrétien  voit  le  prêtre  passer  une  heure  à  genoux, 
dans  une  fervente  prière,  devant  le  tnbernacle,  et  se  relever  plus  fort, 
plus  dévoué,  T)3rlant  avec  plus  d'abondance  et  de  conviction  de  l'amour 
de  .Jésus  pou:-  le-j  houunes,  il  éprouve  le  désir  de  lui  dire  comme  les  dis- 
ciples au  Sauveur:  Maître,  apprenez-nous  à  prier,  n  nous  aussi. 


—  ro9  — 

Il  existe,  en  effet,  très  souvent,  chez  de  simples  chrétiens,  même  peu 
instruits,  chez  ceux  du  moins  qui  n'ont  pas  beaucoup  abusé  de  la  grâce, 
un  attrait  instinctif  pour  la  prière.  Xe  sachant  pas  que  ce  désir  est 
déjà  une  prière,  et  qu'ils  n'auraient  qu'à  laisser  parler  leur  cœur  pour 
faire  une  excellente  adoration,  une  oraison  très  sanctifiante,  ils  se  plai- 
gnent de  ne  savoir  pas  prier,  et,  s'en  jugeant  incapables  eux-mêmes,  ils 
enWent  le  sort  de  ceux  (]ui  savent,  disent-ils,  '"quoi  dire  au  bon  Dieu,' 
et  particulièrement  du  prêtre  (|ui,  à  leurs  yeux,  est  et  doit  être  l'homme 
de  la  prière.  Si  nous  pouvions,  pensent-ils,  lire  dans  l'âme  de  notre 
prêtre  alors  qu'il  est  absorbé  dans  l'adoration  du  Très  Saint-Sacrement 
et  nous  associer  à  sa  prière,  comme  nous  aimerions  Dieu.  (|uelle  consnla- 
tion  nous  y  trouverions  et  quelle  ardeur  pour  le  servir. 

Or,  le  prêtre  faisant  l'adoration  à  haute  voix  avec  les  fidèles,  dit  tout 
haut  et  au  nom  de  tous,  ce  qu'il  aurait  dit  tout  bas  en  adorant  seul. 
Comme  Jésus,  après  avoir  donné  l'exemple  de  la  prière,  il  enseigne  com- 
ment prier.  "  Coepit  Jésus  farere  et  docere."  (Act.  I,  I)  H  a])j)rend 
à  ceux  que  Dieu  lui  confie  la  manière  de  mettre  en  œuvre  la  merveil- 
leuse aptitude  que  le  Saint-Esprit  a  déposé  dans  toute  âme,  très  abon- 
damment dans  quelques  unes,  pour  adorer,  remercier,  implorer  le  Dieu 
infiniment  bon. 

Donc,  d'unç  part,  les  fidèles  éprouvent  un  besoin  immense  de  prière , 
ils  possèdent  l'outil  merveilleux  de  la  prière,  c'est-à-dire  un  cœur  dans 
lequel  le  Saint-Esprit  ne  demande  (pi  à  pousser  les  gémissements  iné- 
narrables qui  constituent  l'oraison  :  mais  ils  ignorent  le  maniement  de 
cet  outil.  D'autre  i)art.  le  prêtre  est  l'homme  tout  désigné  et  choisi  par 
Dieu  pour  leur  apprendre,  non  seulement  la  théorie,  mais  surtout  l'exer- 
cice de  l'arme  admiral)le  qui  vise  et  frappe  le  canir  même  de  Dieu.  Et 
voilà  (|ue  l'habitude  de  l'adoration  en  public  se  répandant  de  plus  en 
plus,  vient  tout  providentiellement  lui  offrir  l'occasion  d'ouvrir  iiitp  rroh 
de  prière,  et  d'exercer  les  soldats  du  Clirist  sur  un  clunti/j  de  nianoeiirrp>t 
des  plus  propices. 

J'ai  dit  le  mot  et  je  le  répète  afin  de  bien  faire  comj)rendre  ma  pensée 
sur  Tutilité  et  le  mode  pratique  de  l'adoration  publique:  elle  est  pour  les 
fidèles  une  école  de  prière,  ou  encore  )//(  clianiji  de  manoeuires  sur  le(|uel 
ils  s'exercent  à  l'amour  divin,  et  apprennent  à  diriger  et  à  mouvoir  leurs 
facultés  avec  ordre  et  profit  vers  Dieu.  Ecole  et  champ  de  manoeuvres, 
voilà  notre  idée  directrice  dans  ce  travail,  et  à  la  lumière  que  répand 
cette  conception  de  l'adoration  publique,  cherchons  les  moyens  pratiipies 
d'atteindre  le  but  proposé. 

Disons  de  suite  qu'il  n'y  a  à  ce  sujet  aucune  règle  prescrite,  sinon 
d'observer  les  rubn(|ues  conceraant  l'exposition  du  Très  Saint-Sacre- 
ment. Que  cha(|ue  prêtre  donc  choisisse  l'heure  et  déteniiine  rem|>loi 
du  temps  selon  ses  goûts,  ses  moyens  et  la  connaissance  (pril  a  des  be- 
soins de  son  peuple.  Xotre  but  est  seulement  d'offrir  des  suggestions 
(|ue  plusieurs  trouveront  peut-être  utiles.  Nous  citerons  donc  (pielques- 
unes  des  méthodes  en  usage  et  nous  les  comparerons  à  la  notion  d'école 
pratiipie  que  nous  nous  sommes  formée  de  l'adoration  publique. 

L'heure  varie  évidemment  selon  les  habitudes  d»s  localités.  Si  I  ado- 
ration se  fait  sur  semaine,  ou  choisit,  soit  l'heure  de  la  sortie  des  écoles, 
et  l'on  a  la  génie  ('(olière:  1  elle  •icca-ion  pour  préparer  de  futurs  adora- 


—  TIO  — 

teurs  "  eu  esprit  et  en  vérité  "  ;  soit  l'heure  où  le  repas  du  soir  est  fini, 
afin  d'avoir  toute  la  population  à  qui  Jésus  a  dit  :  "  Venez  à  moi  vous 
tous  qui  travaillez  et  portez  le  poids  du  jour,  et  je  vous  soulagerai."' 
Dans  les  campagues  on  trouve  souvent  plus  avantageux  de  faire  l'heure 
d'adoration  le  dimanche. 

Une  précaution  très  importante  est  de  l'annoncer:  d'avoir,  autant  que 
possible,  un  jour  et  une  heure  fixes,  de  commencer  à  la  minute  précise 
et  de  ne  pas  dépasser  les  soixante  minutes.  Les  irrégularités  décou- 
ragent toujours  les  plus  vaillants.  " Pro  liàc  orabit...  omnis  sanctus, 
in  tempore  opportuno."  (Ps.  XXXI,  6). 

Si  r"heure  varie  d'une  paroisse  à  une  autre,  la  méthode  est  encore  plus 
variable. 

Quelques  prêtres  se  contentent  d'ouvrir  le  tabernacle  à  l'heure  annon- 
cée et  de  prier  en  silence,  les  assistants  employant  le  temps  comme  ils 
peuvent  ;  ils  terminent  par  la  bénédiction  avec  le  Ciboire,  après  le  chant 
ou  la  récitation  du  Tantum.  C'est  simple  et  ça  peut  suffire  dans  un 
milieu  très  pieux  où  se  trouvent  des  âmes  déjà  engagées  dans  la  voie  de 
l'adoration.  Mais  c'est  insuffisant  pour  attirer  la  masse  des  fidèles  et 
c'est  à  cela  qu'il  faut  viser,  croyons-nous.     "  Misereor  super  turbam." 

Un  progrès  consiste  à  réciter  quelques  prières  vocales,  le  chapelet  ou 
autres;  ou  à  faire  quelques  lectures  pieuses  se  rapportant,  du  plus  près 
possible,  au  Très  Saint-Sacrement.  Si  ces  lectures  sont  bien  choisies  et 
renferment  pour  une  bonne  part,  ce  que  les  théologiens  appellent  les 
affections,  c'est  déjà  une  école  de  prière  pratique. 

Le  plus  grand  nombre  des  prêtres  faisant  l'adoration  publique,  et  ils 
forment  environ  le  tiers  des  Prêtres-Adorateurs,  divisent  l'heure  en 
quatre  quarts-d'heure  sur  chacun  desquels  ils  prélèvent  sept  à  huit  mi- 
nutes pour  une  lecture  ou  quelques  mots  de  prédication,  le  reste  du 
quart-d'heure  étant  employé  au  chant  ou  à  la  prière  vocale.  On  voit  de 
suite  combien  cette  variété  évite  la  fatigue,  soutient  l'attention  et  en- 
courage à  la  persévérance.  Combien  surtout  elle  est  instructive,  lorsque 
la  prédication  est  bien  "  au  point." 

Ce  qui  importe,  en  effet,  avant  tout,  est  de  rendre  ces  adorations 
vivantes.  Or,  rien  n'est  vivant  comme  la  parole,  la  parole  prêchée.  C'est 
comme  quelque  chose  de  la  vie  du  prêtre  qui  circule  dans  l'âme  des  fi- 
dèles; mieux  que  cela,  c'est  la  vie  du  Christ  qui,  sous  le  véhicule  de  la 
parole  sacerdotale,  va  vivifier  les  esprits  et  les  cœurs.  "  Qui  vos  audit, 
me  audit."  (Luc.  X,  16). 

La  lecture,  quel  que  soit  l'auteur  choisi,  procure  rarement  le  même 
intérêt,  la  même  vie,  le  même  relief  que  la  parole  prêchée.  Il  semblerait 
que  c'est  ce  prêtre  qui  est  là  devant  le  peuple,  et  non  pas  un  autre,  qui 
est  capable  d'établir  le  courant  électrique  qui  mettra  les  âmes  en  commu- 
nication avec  lui,  et  par  lui  avec  Jésus-Christ.  "  Fides  ex  auditu."  (Rom. 
X,  17). 

Le  moyen  de  rendre  la  lecture  vivante  serait  de  l'avoir  lue  d'avance 
et  de  la  prononcer  comme  si  on  la  prêchait  ;  de  sorte  que  le  fidèle  qui 
ne  verrait  pas  le  livre,  pourrait  supposer  que  le  prêtre  parle  de  lui-même. 

Si,  à  cette  lecture  qu'il  a  choisie  et  parcourue  d'avance  et  qu'il  s'est 
assimilée  au  point  de  l'animer  de  sa  propre  vie,  le  prêtre  ajoute  quelques 
acclamations  jaillissant  spontanément  de  son  cœur  et  des  idées  déve- 


—  rii  — 

loppées,  il  obtiendra,  avec  le  minimum  d'efforts,  l'effet  d'une  éloquente 
prédication. 

Les  acclamations  que  le  peuple  répète,  voilà  le  véritable  exercice  pra- 
tique ];our  les  fidèles.  C'est  alors  que  l'adoration  devient  un  vrai  champ 
de  manœuvres  où,  ?ous  le  commandement  du  chef,  les  soldats  du  Christ 
exécutent  les  divers  mouvements  d'adoration,  de  louange,  de  contrition, 
d'amour,  de  c  onfîance,  etc . . . . 

Ce  n'est  plus  ici  la  récitation  monotone  d'une  formule  connue  depuis 
longtemps,  c'est  une  idée  nouvelle  que  tout  à  l'heure  ils  ne  connaissaient 
pas  et  qui  maintenant  frappe  lumineusement  leur  esprit,  met  du  feu 
dans  leur  cœur  et  soulève  leur  enthousiasme.  Il  en  retiendra  le  sou- 
venir, ce  chrétien  qui,  demain,  sera  courbé  sous  son  rude  labeur,  ou  que 
les  épreuves  de  la  vie  vont  ressaisir.  Il  se  souviendra  du  soulagement, 
de  la  jcie  qu'il  éprouvait  en  criant  la  veille,  avec  une  foule  d'âmes 
pieuses:  "Vous  savez,  Seigneur,  que  je  vous  aime."  —  "Seigneur,  si 
vous  voulez,  vous  pouvez  me  guérir."  —  ''  Seigneur,  sauvez-nous,  nous 
périssons."  Quand  il  reviendra  seul  à  l'Eglise  visiter  Celui  que  dès 
lOrs  il  connaît,  et  à  l'amour  de  qui  il  croit,  (Joan.  IV,  16),  il  Baura  lui 
dire  avec  foi  :  "  Mon  Seigneur  et  mon  Dieu."  —  '*  Je  crois,  mon  Créa- 
teur et  mon  Sauveur,  que  vous  êtes  réellement  présent  dans  la  sainte 
Hostie.  Il  regardera  le  tabernacle  avec  des  yeux  émus,  car  il  saura 
mainlenant  tirer  de  son  cœur  un  parole  d'amour. 

L'esprit  d'oraison  qui  sommeillait  en  lui  s'est  éveillé  aux  vibrations  de 
la  parole  sacerdotale.  Ce  chrétien  a  conscience  de  quelque  chose  de 
nouveau  en  lui;  son  horizon  s'est  élargi.  Il  a  pris  comme  un  rapide 
contact  avec  des  réalités  qu'il  soupçonnait  à  peine  derrière  le  monde  ma- 
tériel ;  et  ce  contact,  si  passager  <]u'il  fût,  a  laissé  en  lui  comme  une  nou- 
velle vie,  ou  plutôt,  comme  quelque  chose  qui  vit  en  lui,  qui  vit  et  qui 
aime,  qui  aime  et  qui  chante.  De  temps  à  autre,  il  écoute  ce  chant,  au 
travail  ou  à  l'église,  seul  ou  au  milieu  de  sa  famille.  Dès  lors,  il  n'en- 
tiera  plus  dans  son  Eglise  comme  un  tenancier  qui  a  payé  de  ses  deniers 
j'Cur  la  construction  de  l'édifice  et  qui  dit:  Je  suis  chez  moi,  ici;  mais 
comme  l'enfant  qui  entre  chez  son  père  ;  comme  l'ami  qui  va  visiter  le 
vieil  ami  d'enfance,  bon,  généreux,  à  qui  l'on  peut  tout  dire  et  qui  a 
remède  à  tout. 

]\rais,  j'anticipe  sur  mon  dernier  sous-titre:  les  avantages  pour  les 
fidèles.  Avant  de  les  énumérer.  j'aurais  un  mot  encore  à  dire  de  ces 
acclamations  si  utiles  pour  éveiller  l'attention,  la  foi,  la  confiance  et 
l'amour  dans  les  âmes-chrétiennes;  puis  du  choix  des  sujets  d'adoration. 

Les  acclamations  sont  en  pleine  harmonie  avec  l'esprit  de  l'Kglise. 
Je  dirai  même  que  c'est  la  forme  générale  de  la  prière  antique.  Les  fi- 
dèles prenaient  autrefois  une  part  très  active  à  certaines  partie?  du  saint 
sacrifice.  La  foi  des  premiers  âges  ayant  fait  place  à  une  indifTérencc 
presque  générale,  on  dut  se  borner  an  rôle  des  servants  et  des  chantres 
pour  représenter  la  masse  du  peuple  chrétien.  Le  Kyrie  eleison,  le  Glnrin 
in  excelsis,  les  Litanies  di'>  saints,  et  d'antres  prières  liturgique?  nous 
sont  restées  comme  tvpes  de  ces  acclamations  dites  alternativement  par 
le  prêtre  et  par  les  assistants. 

Essavez,  par  exemple  à  une  adoration,  de  faire  répéter  à  haute  voix 
par  le  peuple  plusieurs  exclamations  du  Cloria:  Tu  soins  Deiis,  Tu  sohut 


—  712  — 

Doifiiiiiia idoramiis    te;    benedicinins    te....    Gnilias  aginius  tibi 

propter  iiuKjiunii  gtoriam;  et  vous  aurez  une  idé?  de  ce  que  devait  être 
une  assistance  à  la  sainte  messe  dans  les  temps  héroïques  de  TEglise. 

L'usage  de  ces  acclamations  s'est  conservé  dans  les  circonstances  so- 
lennelles comme  la  clôture  d'un  concile  ou  d'un  synode.  De  nos  jours 
Léon  Xlll  en  a  prescrit  pour  être  dites,  les  unes  après  la  sainte  messe, 
Salve  Kegina;  les  autres  ajjrès  le  salut  du  Très  Saint-Sacrement.  Les 
missionnaires  emploient  souvent,  pendant  les  retraites  de  paroisse,  ces 
cris  du  cœur  que  répète  la  foule  émue. 

Les  sources  où  nous  devons  puiser  ces  acclamations  sont  tout  indi- 
quées :  d'abord  la  sainte  Ecriture  qui  peut  nous  en  fournir  par  centaines, 
particulièrement  le  nouveau  testament  et  les  psaumes.  Puis  la  liturgie, 
])aroles  de  la  messe  ou  de  Tofiice,  le  Te  Deum,  les  litanies  du  Saint  xCom 
de  Jésus,  les  litanies  du  Sacré-Cœur,  etc. 

Elles  doivent  être  courtes  et  claires  et  prononcées  lentement,  d'un  ton 
de  voix  particulier,  qui  est  le  signal  pour  les  fidèles  de  répéter  ce  que  le 
prêtre  vient  de  dire. 

Concernant  le  choix  des  lectures  ou  des  sujets  prêches,  qu'il  nous  soit 
permis  d'ajouter  qu'il  est  utile  de  les  prendre,  autant  que  faire  se  peut 
dans  le  temps  liturgique,  ou  du  moins  de  les  rattacher,  par  quelques 
allusions  à  la  fête  du  jour,  ou  au  temps  liturgique,  Avent,  Carême,  Temps 
pascal,  octave  de  la  Pentecôte,  etc.  La  raison  en  est  qu'il  y  a  certaine- 
ment des  grâces  spéciales  à  méditer  les  différents  mystères  de  Jésus- 
Christ,  aux  jours  où  ils  nous  sont  proposés  par  l'Eglise.  Ces'  grâces  se 
manifesteront  souvent  ])ar  une  plus  grande  facilité  de  parole  pour  le 
prêtre,  par  d'heureuses  inspirations  qu'un  autre  sujet  ne  lui  aurait  pas 
fournies;  mais  à  coup  sûr  l'instruction  sera  plus  vivante  et  les  fruits 
plus  abondants.  "  L'esprit  souffle  où  il  veut  "  mais  incontestablement 
il  lui  plaît  de  se  faire  sentir  plus  vivement  dans  les  paroles  qu'il  a  ins- 
pirées et  qu'il  suggère  à  l'Eglise  de  chanter  à  tel  jour.  En  se  mettant 
dans  le  courant  liturgique,  on  est  certainement  sur  le  passage  du  souffle 
divin. 

Enfin,  une  dernière  remarque,  mais  non  la  moindre.  Qui  a  mieux 
connu  le  Cceur  de  Jésus;  qui  a  pénétré  plus  avant  dans  les  mystères  de 
.sa  vie  mortelle;  qui  a  savouré  jdus  suavement  la  divine  Eucharistie,  si- 
non Marie,  la  Mère  de  Jésus  ?  C'est  par  ses  mains  d'ailleurs  que  passent 
toutes  les  grâces  de  Dieu  pour  nous.  {Pie  X  confirme  sur  ce  point  la 
doctrine  des  Pères).  Or,  je  fais  appel  ici  à  tous  mes  vénérés  confrères 
qui  ont  une  tendre  dévotion  envers  la  Vierge-Prêtre,  ISTotre-Dame  du 
Très  Saint-Sacrement,  et  tous  affirmeront  qu'en  faisant  fréquemment 
intervenir,  dans  nos  dialogues  avec  Jésus-Christ,  celle  qui  eut  une  part 
si  active  à  tous  ses  mystères,  on  y  goûte  une  saveur  nouvelle  et  incom- 
])ara])le,  et  son  intervention  jette  une  lumière  merveilleuse  sur  ses  mêmes 
mystères.  Quoi  d'étonnant,  puis(|ue  c'est  par  Elle  que  Jésus-Christ  nous 
est  venu,  et  que  c'est  encore  et  toujours  par  Elle  ((u'il  grandit  en  nous 
par  la  connaissance  et  par  l'amour. 

Xe  craignons  donc  pas,  soit  dans  les  considérations,  soit  dans  les  affec- 
tions, soit  dans  les  acclamations,  de  faire  intervenir  Marie,  de  la  faire 
parler,  de  lui  demander  quelle  pen.sée  elle  avait  à  tel  moment,  etc.  Sou- 
venons-nous qu'elle  a  vécu  la  vie  de  Jé.^us  et  qu'elle  a  toute-puissance 
pour  la  reproduire  exactement  en  nous. 


O  rr. 
O  ce 
03  —  • 


—  713  — 

liK'  PAiri'IK 
Avantages  pour  les  fidèles. 

La  première  conséquenco  ])ratii|iU'.  pour  les  fidèles,  di'  riuure  d'ado- 
ration ])ul)li(|ue  laite  comme  nous  venons  de  le  dire,  est  de  l'omier,  dans 
la  paroisse,  une  élite  de  personnes  qui  sauront  prier.  Nous  venons  de 
le  prouver,  et  de  là  découlent  d'autres  conséquences  des  plus  heureuses. 

1°  Des  personnes,  qni  savent  prier,  sont  incontestablement  des  per- 
sonnes qui  prennent  goût  à  assister  à  la  sainte  messe.  Il  suffira  de 
leur  imprimer  un  petit  élan  dans  cette  direction,  et  par  (|uel(|ues  expli- 
cations données  pendant  Theure  d'adoration,  de  leur  apprendre  à  suivre 
la  sainte  messe,  pour  avoir  bientôt  une  plus  nombreuse  assistanie  à  la 
messe  en  semaine,  et  un  auditoire  plus  recueilli  à  la  nu'sse  de  paroisse 
le  dimanche. 

(^u'il  nous  soit  permis  d'insister  sur  cette  suggestion  :  leur  apprendre 
à  suivre  la  sainte  messe,  et  de  dire  ici  notre  pensée.  Quel(|ue  resj)ec- 
tal)les  que  soient  bien  des  livres  de  dévotion,  de  prière  ou  de  méditation, 
aucun  d'eux  ne  vaut,  lorsqu'il  s'agit  de  la  sainte  messe,  le  Pœroissien 
Ronuiin,  le  missel  des  fidèle.*,  qui  leur  permet  de  suivre  le  ])rêtre  pas  à 
pas.  Mais  je  ne  veux  pas  m'écarter  du  programme  qui  m'est  tracé,  car, 
sans  doute,  d'autres  rapporteurs  sont  chargés  de  nous  dire  combien  il 
est  important  de  réaccoutumer  les  fidèles  à  s'associer,  non  seulement  de 
cœur,  mais  aussi  de  î3aroles,  à  la  sainte  liturgie. 

2°  Ayant  formé  des  personiu's  qui  prient  et  qui  savent  assister  à  la 
sainte  messe,  on  augmentera  du  coup  le  nombre  des  communions  dans 
la  paroisse.  On  aura,  en  eflPet,  singulièrement  diminué  l'un  des  plus 
gros  obstacles  à  la  communion  fréquente:  l'ignorance  ou  l'indiUerence 
à  l'égard  des  cérémonies  de  la  messe.  Mais  je  touche  encore  là  à  un 
point  hors  de  mon  cadre:  les  relations  entre  la  fréquence  des  commu- 
nions et  l'intelligence  des  cérémonies  de  la  messe. 

3°  C'est  surtout  au  pied  du  tabernacle,  dans  le^  tête-à-tête  avec  Jésus- 
Hostie  que  se  fait  entendre  l'appel  divin  à  une  vie  plus  parfaite  et  que 
se  mûrissent  les  vocations.  D'où  il  résulte  que  l'adoration  faite  avec 
les  fidèles  sera,  dans  une  paroisse,  une  source  de  vocations  sacerdotales 
ou  religieuses.  Plus  (|uc  jamais,  à  notre  épo<|Ue,  les  vocatinns,  suit  pour 
la  contemplation  silencieuse,  soit  pour  l'activité  des  œuvres  de  charité, 
prennent  un  caractère  eucharistique. 

C'est  indubitablement  par  l'Hucharistie  <|Ue  le  monde  pourra  être 
réo-énéré  et  <|Ue  '"foute  chose  sera  restaurée  dans  le  Christ."  Là  donc 
oifse  pratique  d'une  façon  plus  intense  le  culie  eu(haristi(|ue,  relcn- 
fira  plus  fréquemment  la  voix  du  Maître  a|q»clant  des  ouvriers  à  su 
vigne,  les  uns  pour  continuer  le  sacenhuc,  d'autres  pour  adorer  dans  le 
siience  du  cloître,  d'autres  pour  ensei-.'ner  la  jeunesse,  d'autres  enfin, 
pour  telle  ou  telle  œuvre  de  charité:  mais  tous  pour  amener  les  âmes 
à  un  contact  plus  fréquent  avc<-  .lé^us-Uosti»-.  (jurUr  gloire  pour  um- 
paroisse  (|ui  donne  au  sanc  tuaire  ou  au  »  l<»ître  bon  iiornbre  l'e  ses  enfant^  ! 

r  Enfin,  bornons-nous  à  signaler  un  dernier  avantage  (pii  résume 
tous  les  autres.     Avant  des  personnes  qui  savent  prier  et  qui  eoinmu- 


—  714  — 

nient  souvent,  on  aura,  pour  toutes  les  œuvres  paroissiales,  une  élite 
d'âmes  dévouées,  même  en  présence  d'épreuves  et  d'insuccès,  et  capables, 
par  leur  persévérance,  d'en  assurer  le  succès.  L'activité,  l'intelligence, 
l'habitude  des  affaires  sont  des  qualités  bien  utiles  dans  toutes  les  entre- 
prises; mais,  si  elles  ne  sont  pas  fécondées  par  la  prière  et  l'usage  fré- 
quent de  l'Eucharistie,  elles  produisent  souvent  plus  de  bruit  que  de 

besogne.     Beatus  vir  qui in  lege   (Domini)   mediiatibur  die  ac 

nocte umnia  qimecitmque  faciet  prosperabuntur.  (Ps.  I). 

Voeu  : 

Que  le  Congrès  eucharistique  de  Montréal  encourage  les  prêtres  qui  le 
peuvent  à  donner  leur  nom  à  l'Association  des  Prêtres-Adorateurs  et  à 
prendre  ensuite  la  salutaire  habitude  de  faire  participer  les  âmes  de 
bonne  volonté  qui  leur  sont  confiées  à  leur  heure  d'adoration  hebdoma- 
daire. 


Le  dernier  travail  inscrit  au  programme  est  celui  que  le 
comité  des  travaux  a  confié  à  M.  le  Chanoine  Lmnérand,  du 
diocèse  de  Cambrai  (France).  Il  a  pour  objet  le  fonctionne- 
ment paroissial  de  la  confrérie  du  T.  Saint-Sacrement. 

L'ARCHICONFRERIE  DU  SAINT-SACREMENT 


C'est  avec  reconnaissance  que  j'ai  accepté  de  venir  vous  entretenir, 
aujourd'hui,  de  l'Archiconfrérie  du  Très  Saint-Sacrement,  et  demain 
des  Congrès  Eucharistiques  régionaux.  Vous  avez  fait,  en  me  deman- 
dant ces  deux  travaux,  un  grand  honneur  au  diocèse  de  Cambrai  dont 
je  suis  l'humble  représentant. 

Les  œuvres  eucharistiques  sont  vivantes  chez  nous;  vous  en  verrez 
bientôt  les  raisons.  Nous  avons,  il  est  vrai,  encore  beaucoup  à  faire, 
mais  nous  espérons,  —  les  mêmes  causes  produisant  les  mêmes  effets,  — 
arriver  à  un  résultat  meilleur.  Il  faut  que  Jésus  règne  par  son  divin 
Cœur,  c'est-à-dire  par  son  amour,  et  comme  c'est  dans  l'Eucharistie 
qu'il  nous  témoigne  plus  ostensiblement  cet  amour  infini,  c'est  l'Eucha- 
ristie que  nous  voulons  faire  connaître,  aimer  et  désirer  par  tous  ou  du 
rpoins  par  les  vrais  chrétiens.  Eien  ne  nous  arrêtera  pour  produire  et 
accentuer  ce  mouvement  fructueux  pour  la  gloire  de  Dieu  et  le  salut  des 
âmes. 

Que  le  diocèse  de  Cambrai  continue  à  tenir  la  tête  de  ce  mouvement, 
je  pense  pouvoir  dire  qu'il  en  prend  les  moyens.  Nous  n'en  faisons  pas 
toutefois  une  question  d'amour-propre  ;  aussi  nos  secrets,  nous  les  divul- 
guons bien  volontiers,  et  mon  grand  désir  comme  ma  plus  ardenjte 
prière  est  de  voir  nos  moyens  appliqués  ailleurs  et  partout,  dans  toute  la 
France,  et  aussi  dans  cette  autre  France  que  nous  aimons  encore  et  qui 
nous  le  rend  si  bien,  le  grand  et  si  chrétien  Canada. 


—  :i5  — 

Xotre  premier  moyen  est  une  association  eudiaristique,  la  Confrérie 
du  Très  Saint-Sacrement  :  l'objet  de  ce  rapport. 

Les  deux  autres,  j'aurai  Thonneur  de  vous  en  entretenir  demain,  sont 
les  petits  congrès  eucharistiques  et  la  direction  des  œuvres  euc:liaris- 
tiques  confiée  à  un  prêtre  pour  le  diocèse  tout  entier. 

1°.  But  et  avantages  de  la  Confrérie,  au  point  de  vue 

paroissial 

Une  école  trop  célèbre  a  voulu  nier  que  la  société,  que  les  collectivités 
soient  tenues  à  rendre  à  Dieu  le  culte  qui  revient  à  sa  Majesté  infinie. 
Je  n'ai  pas  à  réfuter  cette  profonde  erreur.  L'homme  est  tenu  à  titre 
privé  d'iionorer  l'Etre  suprême,  son  Créateur,  et  la  société  est  tenue  par 
un  devoir  semblable  en  tous  points,  aux  mêmes  hommages  envers  es 
même  Dieu  qui  est  toujours  aussi  son  Auteur. 

Or,  au  point  de  vue  religieux,  la  collectivité  officiellement  reconnue 
par  l'Eglise,  c'est  la  paroisse;  il  faut  donc  que  la  paroisse  rende  à  Dieu 
ses  hommages  collectifs  et  extérieurs,  comme  chacun  des  paroissiens 
doit,  à  titre  privé  honorer,  aimer  et  servir  Dieu. 

De  là,  des  groupements,  des  associations  de  piété,  des  confréries  qui  se 
diversifient  d'après  leur  but  et  leurs  pratiques,  comme  d'après  l'objet 
direct  de  leur  culte.  La  paroisse  rendra  un  culte  officiel  à  Marie  par 
l'association  du  Eosaire,  ou  manifestera  sa  reconnaissance  publique  à  un 
Saint  à  qui  elle  est  redevable  d'une  protection  ou  d'une  grâce  insigne. 
On  conçoit  que  l'association  qui  aura  pour  objet  de  son  culte  Dieu  lui- 
même  aura  la  priorité  sur  les  autres  ;  et  si  c'est  Dieu  dans  l'Eucharistie 
qu'elle  veut  honorer,  elle  devient  alors  l'association  paroissiale  par  ex- 
cellence, puisque  la  paroisse,  c'est  le  groupement  d'une  population  autour 
d'un  Tabernacle.  Dieu  résidant  au  milieu  de  nous  pour  venir  y  cher- 
cher les  témoignages  de  notre  association  et  de  notre  amour,  pour 
appliquer  de  tout  près  à  nos  âmes  les  fruits  de  son  sacrifice  réparateur 
et  sauveur,  nous  faire  vivre  enfin  de  sa  propre  vie,  doit  nécessairement 
être  honoré  d'un  culte  qui  dépasse  tous  les  autres.  Il  doit  être  honoré 
officiellement  par  les  paroisses  dont  il  se  fait  autant  de  petites  familles, 
et  la  confrérie  du  Très  Saint-Sacrement  répond  éminemment  à  ce  devoir 
primordial. 

Je  n'ai  pas  l'intention  Qn  parlant  de  la  Confrérie  du  Très  Saint- 
Sacrement,  d'exclure  les  autres  associations  euc]iaristi(|ues  qui  peuvent 
remplir  un  but  analogue:  il  y  a  dans  le  jardin  de  "l'Epoux"  une  com- 
plète variété  de  fleurs,  et  nulle  ne  peut  imposer  ses  ])références  à  (|ui 
désire  faire  au  Maître  bien-aimé  un  hommage  qui  lui  plaise.  Puistju'il 
faut  cependant  s'arrêter  à  une  d'entre  elles,  je  me  permets  de  vous  si- 
gnaler, en  la  faisant  connaître  davantage,  une  affiliation  à  la  Congré- 
gation du  Trc>s  Saint-Sacrement  dont  le  saint  fondateur  est  en  si  grande 
vénération  parmi  nous,  et  qui  bientôt,  nous  l'espérons,  recevra  sur  les 
autels  les  hommages  du  culte  public. 

Cette  affiliation  a  été  érigée  en  Archiconfrérie  par  S.  S.  Léon  XIII, 
en  un  bref  daté  du  8  déceml)re  1897.  Elle  permet  à  tous  ccu.\  que  le 
Bon  Dieu  n'a  pas  favorisés  de  cette  sublime  vocation  de  l'adoration  con- 


—  TKi  — 

tînue,  de  s'unir  à  ces  heureux  élus  et  d'avoir  une  part  au  moins  de  la 
''  meilleure  ])art  "  qui  lui  est  réservée.  Par  là  seront  fournies  au  bon 
Maître  des  adorations  fréquentes  et  ferventes  et  de  La  part  des  fidèles 
qui  paieront  par  leur  assiduité  leur  tribut  d'amour  à  Jésus,  et  de  la  part 
de  la  paroisse  qui  lui  rendra  le  devoir  du  culte  officiel  qu'elle  lui  doit. 
Ce  caractère  officiel  sur  lequel  j'insiste,  exige  une  organisation,  c'est 
sous  cet  aspect  que  je  vais  envisager  la  Confrérie. 

Une  organisation  dans  le  culte  rendu  au  Très  Saint-Sacrement,  au 
sein  d'une  paroisse,  même  à  ne  le  considérer  qu'au  point  de  vue  privé, 
n'a-t-elle  pas  plus  de  valeur  que  les  hommages  dus  à  l'initiative  des  indi- 
vidus ?  Que  des  personnes  adorent  le  Très  Saint-Sacrement,  c'est  bien  ; 
mais  il  faut  qu'elles  s'obligent  à  l'adorer,  puisque  Jésus  s'est  obligé.  Lui, 
à  nous  rester  toujours;  il  faut  qu'elles  fassent  profession  de  l'aimer,  de 
l'adorer  en  public,  et  qu'elles  assurent  à  Jésus,  leur  compagnon  d'exil, 
les  honneurs  qui  doivent  lui  revenir.  Il  y  a  là  une  nuance  que  vous 
saisirez  et  sur  laquelle  je  n'ai  pas  à  insister. 

D'ailleurs,  pour  sa  stabilité  et  sa  persévérance,  quel  immense  avantage 
le  culte  d'adoration  trouvera  dans  l'organisation  !  Qui  ne  sait  combien 
sont  faibles  et  peu  persistantes  les  volontés  isolées  ?  Les  résolutions 
même  énergiquement  prises,  combien  ont-elles  de  durée,  le  plus  souvent, 
quand  elles  ne  sont  pas  encadrées  par  un  règlement  et  stimulées  par 
l'entraînement?  Une  organisation  maintient  les  volontés  dans  leur  con- 
sistance: l'exemple  de  l'un  relève  le  courage  de  l'autre;  un  charitable 
rappel  du  zélateur  réveille  de  tout  assoupissement  et  surtout  les  réunions 
périodiques  renouvellent  l'ardeur  des  associés. 

Dans  un  autre  ordre  de  considération,  la  paroisse,  cet  être  moral  qui 
est  notre  famille,  a  une  vie  qui  lui  est  propre.  Et  comment  s'affirmera 
et  surtout  s'afl'ermira  cette  vie  paroissiale,  sinon  dans  les  associations 
qui,  unissant  les  bonnes  volontés,  leur  donneront  de  la  consistance  et  leur 
feront  produire  un  résultat  d'ensemble.  Elle  est  vivante  et  agissante, 
la  paroisse  (pii  est  officiellement  représentée  auprès  du  trône  de 
l'Agneau,  par  ses  délégués,  les  paroissiens  que  leur  position  ou  leurs 
vertus  rendent  plus  respectables;  elle  vit,  la  paroisse  qui  ne  laisse  se  dé- 
placer son  chef  adoré  pour  répandre  ses  bénédictions  paternelles,  qui 
escorte  de  ses  gardes  d'bonneur  portant  à  la  main  cette  arme  pacifique, 
le  fland)eau  dont  la  flamme  témoigne  de  la  foi  et  de  l'amour  qui  remplis- 
sent tous  les  C(rui-s.  X'est-ce  pas  un  sujet  de  légitime  fierté  ])our  une 
famille  chrétienne,  de  voir  un  père  vénéré  ou  un  fils  vertueux  placé  si 
près  de  Jésus  et  lui  faisant  cortège?  C'est  aussi  l'édification  de  la  pa- 
roisse tout  entière  (pii  sent  vibrer  en  elle  les  sentiments  de  piété  et 
d'amour  exprimés  ])ubli(iueinent  par  ses  pieux  mandataires. 

Du  reste,  pour  que  la  paroisse  vive,  qu'elle  produise  pour  le  bien  de 
ses  membres  des  fruits  de  préservation,  de  développement  et  de  progrès, 
il  faut  aujourd'hui  chez  nous  de  fortes  organisations  secondant  les  efforts 
des  pasteurs,  (e  sont  cboses  beureusement  moins  pratiques  pour  vous, 
cbers  Frères  du  Canada;  mais  je  pense  que  ces  détails  concernant  nos 
nécessités  et  nos  luttes  ne  vous  paraîtront  pas  oiseux.  D'ailleurs,  bien 
que  vous  possédiez  pleine  et  entière  liberté  de  servir  et  d'aimer  Dieu, 
vous  Mvcz  le  désir  de  j)rogresser  toujours,  et  les  mêmes  moyens  peuvent 
conduire  à  la  victoire  et  au  progrès.     T"n  évêfjue  disait  récemment  chez 


—  717  — 

nous:  "Il  n'y  aura  plus  désonnais  de  vie  paroissiale  et  chrétienne  vrai- 
ment sérieuse  et  ajrissante,  que  là  où  le  clergé  se  verra  entouré  d'un 
groupe,  si  uiiniiue  qu'il  soit,  de  laïiriues  iirofondéuient  pieux  et  décidés  à 
le  seconder  dans  son  laljorieux  ministère." 

Ces  groupes  se  sont  formés,  se  forment  partout.  Dans  notre  France 
persécutée,  le  nécessité  de  la  défense  a  fait  une  loi  aux  catholi<|ues  de 
s'associer;  ils  ont  formé  des  comités  paroissiaux  plus  ou  moins  hiérar- 
chisés, mais  qui  sont,  au  degré  inférieur  et  princijjal,  l'aide  du  Pasteur 
sur  le  terrain  restreint  de  la  paroisse.  Toutefois  comme  il  s'agit  dé 
bien  surnaturel  à  produire,  il  ne  suffit  pas  que  les  comités  soient  animés 
du  désir  de  travailler,  de  se  dévouer,  (le  s'agiter.  Il  faut  (|ue  ce  mou- 
vement soit  animé  de  l'esprit  de  Dieu;  (ju'il  sdit  produit  par  le  soufHe 
divin.  Où  puisera-t-on  cette  inspiration,  sinon  auprès  de  Celui  (pii  est 
personnellement  "la  Voie,  la  Vérité  et  la  A'ie?''  Personne  ne  com- 
prendra mieux  les  intérêts  surnaturels,  c'est-à-dire  les  intérêts  vitaux 
d'une  paroisse,  que  ceux  qui  s'approcheront  davantage  du  Très  Saint- 
Sacrement. 

La  Confrérie  du  Très  Saint-Sai  icmcnt  sera  comnu^  la  hase  des  comités 
paroissiaux.  La  chose  est  tellement  vraie  (pie  la  coniu'xion  s'est  établie 
d'elle-même  entre  ces  deux  associations.  Quand,  à  la  fondation  des 
comités  paroissiaux,  la  Confrérie  existait  déjà,  où  a-t-on  cherché  et 
trouvé  les  premiers  membres  du  comité,  sinon  chez,  les  confrères  du  Très 
Saint-Sacrement  ?  Et  quand  la  paroisse  était  encore  dépourvue  de  hx 
Confrérie,  lors  de  la  constitution  du  comité,  le  premier  acte  de  celui-ci, 
le  plus  souvent  pour  ne  pas  dire  toujours,  fut  la  fondation,  de  la  Con- 
frérie. Le  comité  affirnuiit  ainsi  son  orientation  et  assurait  son  exis- 
tence, car  c'est  bien  chez  les  dévots  de  rKucharistie  ipi'on  trouvera  tou- 
jours le  dévouement.  Jésus  doit  toujours  être  à  la  base  de  toute 
ascension,  que  ce  soit  un  relèvement  ou  une  amélioration.  La  Confrérie 
nous  aidera  à  rendre  à  Dieu  les  honneurs  (pii  lui  sont  dus  ofliciellemeut 
par  la  paroisse  et  à  assurer  à  la  paroisse  la  prospérité  de  ses  intérêts 
surnaturels. 

2  .  Pratique  et  fonctionnement 

Les  statuts  de  l'Archiconfrérie  ne  sont  ])as  comj)M'qués.  Ils  ne  com- 
portent qu'un  seul  article  obligatoire:  les  associés  s'engagent  (après  s'être 
fait  inscrire  sur  le  registre)  à  faire  clnupie  mois  une  heure  d'adoration 
continue  devant  le  Très  Saint-Sacrement  soit  exposé,  soit  renfermé 
dans  le  tabernacle.  —  On  pourrait  croire,  disons-le  aussitôt,  <|ue  cette 
prescription,  malgré  son  unicité,  est  peu  prati(pie  pour  le  grand  nombre, 
])arce  (pfelle  est  pénible  ou  du  moins  difdiile.  Kvidemnu'tit  sont  (H-artés 
et  s'é<arter(>nt  eux-nu'iiu's  tous  ceux  qui  n'ont  pîis  uiu'  certiiiin'  piété 
envers  la  sainte  Eucharistie,  c'est-à-dire  les  demi-chrétiens.  '*  les  gros 
grains  "  dirions-nous  en  Kraïu-e.  Mais  prenons  les  autres;  grâce  à  Dieu 
chez  vous  ils  sont  nombreux,  et-d'ailleurs  p<uir  honorer  plu.'*  spj'fiah-ment 
la  Sainte  Eucharistie  soit  en  son  nom  propre,  soit  au  nom  de  sa  paroisce. 
ne  faut-il  pas  être  compté  parmi  les  bons  ou  plus  humblement,  déslroi 
le  devenir  y 

Mais  revenons  à  la  difllculté.     Sans  doute,  dan-  iiiir  .  ..nilniiii.'  liicv- 


—  718  — 

orablement  exigée,  il  y  a  pour  notre  pauvre  nature  si  peu  consistante  un 
effort  à  réaliser  :  rester  toute  une  heure  immobile,  la  consacrer  à  la  prière 
ou  à  la  jnéditation,  alors  que  peut-être  on  est  peu  familiarisé  avec  un 
exercice  qu'on  considère  comme  un  acte  de  haut  mysticisme;  il  y  a  de 
quoi  effrayer  un  fidèle  non  averti.  Mais  j'ai  deux  réponses  à  donner  à 
cette  question  troublante. 

La  première,  c'est  que  pour  parler  à  ISTotre-Seigneur  il  ne  faut  pas 
être  orateur;  Jésus  n'est  pas  difficile  en  ce  qui  concerne  le  beau  langage. 
Voyez  de  qui  il  est  entouré  sur  la  terre  et,  par  conséquent,  quelle  con- 
versation il  a  recherchée.  Aboyez  de  quelle  littérature  étaient  les  requêtes 
qu'on  lui  adressait;  il  ne  les  a  pas  moins  exaucées;  donc  elles  lui  plai- 
saient. Non,  non,  c'est  un  langage  bien  simple  que  Jésus  disire  et 
attend  de  nous.  —  Mais  il  faut  être  fécond  pour  parler  pendant  une 
heure  !  —  Pour  parler  aux  hommes,  oui  ;  les  homjnes  veulent  du  nou- 
veau, du  piquant;  les  hommes  ne  s'intéressent  g-énéralement  qu'à  ce  qui 
les  touche  personnellement.  Ils  seront  vite  à  bout  de  patience  si  leur  in- 
terlocuteur ne  leur  parle  que  de  lui-même  et  de  ses  misères;  bien  rares 
sont  ceux  qui  peuvent  intéresser  les  hommes  durant  une  heure.  Qui  ne 
saisit  la  différence  totale  de  nos  rapports  avec  Jésus?  Tout  ce  qui  nous 
touche,  le  touche  davantage  encore,  car  II  nous  aime  plus  que  nous  ne 
nous  aimons  nous-mêmes,  et  toutes  nos  paroles,  tous  nos  sentiments, 
même  nos  silences  quand  ils  continiient  à  nous  entretenir  dans  les  pensées 
énoncées,  vont  à  son  divin  Cœur.  Et  si  la  fatigue,  à  la  fin,  peut  nous  ga- 
gner à  ses  pieds,  Lui,  ne  la  ressentira  jamais  en  face  d'une  âme  qui  lui 
témoigne  son  amour,  lui  confie  ses  peines  et  lui  adresse  ses  demandes. 
Qu'il  faille  cependant  de  la  bonne  volonté  pour  adorer  durant  une  heure, 
nous  en  demeurons  d'accord,  mais  que  cette  bonne  volonté  sera  aidée  et 
bénie  de  Jésus  !  Du  reste,  ne  peut-on  pas  s'aider  soi-même  de  quelque 
livre  ou  fascicule  d'adoration?  Les  Pères  du  Très  Saint-Sacrement  en 
publient  régulièrement  chaque  mois  avec  une  variété  capable  de  satisfaire 
les  plus  difficiles.  Et  après  tout,  ne  craignons  pas  les  redites;  Jésus  ne 
s'en  lasse  ]ias,  si  elles  sont  l'expression  toujours  vraie  des  sentiments  de 
notre  cœur. 

Ma  seconde  réponse  me  fait  rentrer  plus  directement  dans  mon  sujet. 
Elle  est  tout  entière  dans  l'organisation  de  l'œuvre  et  de  l'heure  d'ado- 
ration. Organiser  ces  hommages  d'adoration  rendus  au  Très  Saint- 
Sacrement,  c'est  rendre  cette  belle  pratique  accessible  et  facile  à  tous. 
Disons  d'ailleurs  aussitôt  que  l'organisation  n'obligerait  personne,  qu'elle 
serait  uniquement  une  facilité  offerte  à  chacun.  Qui  voudrait  faire  son 
adoration  individuellement  en  aurait  toujours  le  droit;  mais  l'expérience 
le  dira  bientôt,  les  isolés  seront  le  petit  nombre. 

Que  les  personnes  inscrites  viennent  à  l'église  faire  leur  heure  d'ado- 
ration. Qu'on  choisisse  pour  cela  l'heure  qui  conviendra  au  plus  grand 
nombre;  que,  si  les  désirs  sont  divers  et  que  nombreux  soient  les  par- 
tisans d'heures  différentes,  deux  groupes,  trois  groupes  même  soient 
formés  pour  adorer  simultanément  ou  le  môme  jour,  ou  des  jours  diffé- 
rents: voilà  les  premiers  éléments  de  l'organisation. 

Les  adorateurs  se  répartiront  ainsi  par  eux-mêmes  en  plusieurs  sec- 
tions d'adoration.  Qu'on  cherche  alors,    autant  que  faire  se  pourra,  à 


—  :i9  — 

espacer  assez  régulièrement  les  jours  demandés.  Et  que  se  passera-t-il? 
C'est  que  certains  membres  de  l'œuvre,  jouissant  d'un  peu  plus  de  loisir 
et  voulant  faire  preuve  de  plus  d'amour  envers  Jésus,  s'inscriront  aux 
deux  jours  indiqués,  et  sans  doute  que,  si  l'on  jugeait  bon  de  diminuer 
encore  les  intervalles  et  de  prendre  régulièrement  un  jour  par  semaine, 
quelques  associés  se  feraient  un  pieux  devoir  de  venir  non  plus  seulement 
tous  les  quinze  jours,  mais  chaque  semaine  passer  une  heure  auprès  du 
divin  Tabernacle.  La  progression  se  ferait  ainsi  plus  ou  moins  sensi- 
blement, et  les  réunions  dont  nous  allons  parler  ne  resteront  pas  étran- 
gères à  ce  magnifique  résultat.  Un  tableau  qu'on  peut  afficher  dans 
l'église,  —  non  loin  du  tabernacle  visité  —  rappellerait  aux  fidèles  leur 
doux  engagement  et  leur  filiale  obligation.  Et  combien  consolant  serait 
pour  le  regard  humain,  surtout  pour  le  regard  divin,  ce  groupe  compact 
et  souvent  renouvelé  qui  présenterait  ses  hommages  au  divin  Prisonnier 
d'amour. 

Pourquoi,  dans  les  paroisses  plus  populaires  et  plus  riches  en  piété, 
n'arriverait-on  pas  à  répartir  les  adorateurs  en  autant  de  petits  groupes 
que  comprennent  d'heures  les  jours  d'une  semaine?  Ce  serait  alors 
l'adoration  diurne  continue,  telle  qu'elle  se  pratique  dans  certaines  pa- 
roisses de  plusieurs  diocèses  français.  Le  diocèse  de  Cambrai  en  compti 
dix.  , 

Cette  adoration  continue  favoriserait  aussi  grandement  la  pratique  de 

•  la  visite  quotidienne.     Les  associés,  d'autres  aussi  peut-être,  pourraient 

venir  quand  le  temps  le  leur  permettrait,  dans  une  visite  plus  courte, 

grossir  le  nombre   des  adorateurs  inscrits  et   accroître  les  hommages 

journaliers  au  Très  Saint-Sacrement. 

Peut-on  aussi  organiser  l'heure  d'adoration  ?  A  ceux  surtout  que 
n'aurait  pas  suffisamment  convaincus  ma  i)remière  réponse,  j'ajouterai: 
si  vous  êtes  en  groupe  pour  adorer,  pourquoi  ne  pas  joindre  des  prières 
récitées  à  haute  voix  à  la  méditation  faite  en  silence?  Et  les  formules 
abondent,  parmi  lesquelles  on  peut  choisir,  ou  bien  une  fois  pour  toutes, 
ou  mieux  en  les  variant  suivant  les  circonstances  ou  les  épo(|ues  de  l'an- 
née liturgique  (1).  On  pourrait  aussi  faire  à  chaque  quart  d'heure  la 
lecture  d'un  point  des  sujets  d'adoration  publiés  et  réunis  en  volumes 
par  les  fils  du  Père  Eym'ard,  ou  les  points  d'un  livre  de  mc'-ditalion. 
Quand  on  aura  ajouté  h  ces  exercices  collectifs  les  demandes  personnelles 
qu'on  aura  à  faire  à  Jésus,  les  intimes  confidences  de  son  cœur  à  cet 
Ami  divin  qui  les  écoute  avec  tant  d'intérêt,  y  aura-t-il  encore  difficulté 
à  remplir  son  heure?  Si  l'assistance  était  assez  importante,  ne  pourrait- 
on  pas  y  exécuter  un  peu  de  chant?  (2) 

(1)  Actes  d'adoration,  récitation  de  quelques  psaumes  comme  h-  Misrrrrr.  ,lu 
Ifnnnificat  d'une  partie  de  l'Office  du  T.  Saint-Sacrement,  des  litanies  du  Sacré- 
?œr  en  uin  du 'chapelet  aux  mois  de  mai  et  d'octobre,  des  litanies  de  Sa.nt^ 
Joseph  en  mars,  d'inu-  amende  honorai.!.-  toujours,  de  l'oraison  de  Saint  Pascal 
et  d'un  acte  de  consécration  qui  termin.-rait. 

(2)  Voir  ce  qui  a  été  dit.  au  rapport  pr^'C^dent  par  M.  h-  Chan.  Campva». 
sur  l'adorati.m  faite  en  public  par  le  prêtre  et  les  fldM.-s. 


i^y 


L'idéal  serait  qu'aux  heures  où  les  adorateurs  sont  plus  nombreux,  un 
prêtre  puisse  présider  l'adoration.  Il  suggérerait  les  intentions  de 
prières,  ferait  à  haute  voix  la  méditation  au  lieu  de  la  lire  et,  considé- 
rant concrètement  l'assistance  dont  il  connaît  le  niveau  et  les  aspira- 
tions, mettrait  exactement  au  point  le  sujet  proposé.  De  plus,  sa  pré- 
sence procurerait  à  ce  plus  grand  nombre  d'adorateurs,  la  faveur  de 
l'ouverture  du  tabernacle  et  de  la  bénédiction  du  Très  Saint-Sacrement. 
A  moins,  ce  qui  serait  plus  parfait  encore,  que  l'ostensoir  pût  briller  sur 
son  trône  pour  des  hommages  plus  solennels. 

Les  enfants,  si  on  le  jugeait  bon,  ])ouri'aient  être  ajjrès  leur  première 
communion  enrôlés  dans  la  Confrérie  et  avoir  à  part  leurs  exercices 
d'adoration.  Par  cette  sélection  on  aurait  l'immense  avantage  en  met- 
tant les  méditations  à  leur  portée  et  en  leur  faisant  réciter  ensemble  les 
prières  vocales,  d'entretenir  et  de  dévelo]>per  en  eux  l'amour  du  Très 
Saint-Sacrement  et  de  les  maintenir  dans  l'Jiabitude  de  k  communion 
fréquente  ou  de  la  leur  faire  prendre.  (1) 

Quelle  richesse,  ne  le  trouvez-vous  pas  avec  moi  Messieurs?  dans  cette 
unique  ])re&eription  de  l'œuvi'e  :  une  heure  d'adoration.  Comme  son 
observation  fiidèle  et  généreuse  peut  transformer  la  vie  du  chrétien  en 
favorisant  une  union  plus  intime  avec  Jésus  !  C'est  le  moment  d'ajouter 
que  les  associés  inscrits  participent  aux  mérites  et  bonnes  œuvres  de  la 
Congrégation  du  Très  Saint-Sacrement,  de  la  nombreuse  association  des 
Prêtres-Adorateurs,  et  des  autres  associations  de  la  Congrégation;  ga- 
gnent une  indulgence  plénière  le  jour  de  leiir  entrée  dans  la  Confrérie 
et  tous  les  jours  où  ils  font  une  heure  d'adoration,  si  toutefois  ils  ont 
communié.  De  plus,  faveur  ina/])précial)le,  à  chacune  de  leurs  vistes  au 
Saint-Sacrement,  si  courte  qu'elle  soit,  et  pourvu  qu'ils  récitent  six 
Pater,  six  Ave  et  six  Gloria  Patri,  ils  gagnent  les  indulgences  des  "  Sta- 
tions "  de  Rome,  de  Jérusalem,  de  saint  JaiCiiues  de  Compostelle  et  de 
la  Portioncule.  Ces  richesses  nous  disent-elles  assez  de  quelle  faveur 
jouit  la  Confrérie  auprès  des  Souverains  Pontifes  et  combien  est  encou- 
ragée la  visite  quotidienne. 

Me  permettez-vous  d'aller  plus  loin  et  de  demander  davantage,  ainsi 
que  nous  y  invitent  les  règles  de  l'Archiconfrérie,  disant  que  les  curés 
peuvent  fixer  à  leur  gré,  selon  les  nécessités  de  leur  paroisse  tous  les 
détails  de  l'organisation  et  donner  à  la  Confrérie  des  pratiques  plus  ou 
moins  nombreuses?  (2)  Ce  n'est  pas  que  nous  nous  donnions  comme 
modèle.-^.  Hélas!  vous  savez  bien  que  nous  ne  pouvons  en  aucune  façon 
y  prétendre.  Voici  cependant  ce  que  dans  notre  Confrérie  du  Très 
Saint-Sacrement  les  hommes  observent  comme  pratiques  spéciales.  A'ous 
verrez  dans  quelle  mesure  elles  cadrent  avec  vos  us  et  coutumes. 

Les  confrères  doivent:   1°   accompagner  le  Très  Saint-Sacrement,  le 


(1)  Cette  pratique  existe  i\{']i\  en  bon  nombre  de  maisons  d'éducation,  au  moins 
une  fois  par  mois. 

(2)  Il  suffit  qu'on  soumette  les  statuts  appropriés  il  la  paroisse  il  l'approba- 
tion de  l'évêque  en  lui  demandant  l'éreetion  eaM()iii(|ue  s'il  a  le  pouvoir  de  l'ac- 
eorder,  et  l'affiliation  il  l'Archiconfrérie,  it  mie  des  maisons  des  Pères  du  Saint- 
Sacrement. 


—  :2i  — 

liaiiibeau  à  la  main,  dans  k's  processions  nieusut'lk's  à  l'intérieur  «le 
ré<jlise  et  annuelles  au  dehors  (là  où  elles  sont  encore  tolérées  par  le  ré- 
gime de  iil)erté  (|ue  nous  subissons!)  ;  2°  assister  dans  le  chœur  avec  leu.- 
tiambeau,  à  tour  de  rôle  et  en  nombre  détenniné  aux  messes  où  le  Trèa 
Saint-Sacrement  est  exposé;  3°  répartir  entre  les  meinl)res  de  la  Confré- 
rie les  heures  d'adoration  solennelle  de  la  paroisse  (Quarante-Heures, 
Jeudi-Saint  et  jour  d'adoration  diocésaine).  Nous  voulons  l'aire  plus  en- 
core et  nous  y  tendons  jjar  inlluence  privée  plutôt  <|Ue  ]>ar  décision  col- 
lective. Est-ce  prudence?  est-ce  timidité?  je  ne  sais,  mais  nous  ne  tar- 
derons pas.  Je  l'espère,  à  franchir  un  pas  dont  un  exemple  très  édifiant 
et  déterminant  nous  fut  montré  ])ar  une  jeune  Confrérie  d'Amiens, 
Engée  sous  le  nouveau  régime,  —  je  veux  dire  depuis  le  décret,  —  elle 
a  inscrit  parmi  ses  pratiques  la  communion  générale  mensuelle.  Cette 
communion  de  40  hommes  et  jeunes  gens  se  fait  à  l'une  des  messes  du 
ilimanche;  éloquente  leçon  de  piété  pour  la  paroisse. 

C'est  tlan.<  ces  manifestations  ])ul)liques  surtout,  (pie  la  vie  paroissiale 
s'exercera  au  graml  jour  et  «|Uf  l'édification  s'accentuera  aux  yeux  de 
tous  les  paroissiens. 

Pour  les  danu's,  à  l'adoration  qui  fait  le  fond  de  l'ci-uvre.  ne  pourrait- 
on  pas  joindre  l'assistance  à  la  messe  en  semaine,  (1)  la  communion  fré- 
quente dans  les  ])roportions  et  suivant  les  circonstances  (pie  permettent 
les  différents  milieux.  On  établira  chez  elles  ])ar  exemple,  un  roulement 
])Our  l'assistance  à  la  messe  et  pour  la  communion  au  nom  de  la  Con- 
frérie et  en  réparation  des  fautes  commises  dans  la  |)aroisse.  Ici  encore 
les  degrés  peuvent  varier:  heixlomadaire,  bi-mensuel,  mensuel. 

A  première  vue  il  send)lerait  <pie  ce  sont  là  des  (euvres  diverses.  11 
n'en  est  rien,  et  il  faut  ])référer  en  fait  une  (euvre  avec  des  pratiques 
multiples,  à  plusieurs  œuvres  ayant  chacune  leur  ))rati(pie  spéciale;  en 
voici  la  raison:  toute  (euvre,  nous  le  dirons  tout  à  l'heure  avec  insistance, 
doit  avoir  ses  réunions.  Si  le.s  œuvres  sont  multii»Ies,  les  réunions  se 
multiplient.  Or,  il  en  est  sur  ce  point  au  Canada  comme  en  France,  ce 
sont  toujours  les  mêmes  qui  ténu)ignent  leur  géiu''rosité  et  paient  de  leur 
dévouement:  ce  serait  pour  elles  réunions  sur  réunions,  avec  matière  peu 
al)ondante,  et  par  consé(|uent,  intérêt  trt's  mesuré.  Dans  le  cas  contraire, 
une  seule  réunion  produit  tout  autant  de  résultats,  sans  les  difficultés 
mentionnées,  et  avec  cet  avantage  qu'un  associé  pa.^sera  plus  facilement 
d'une  pratique  à  l'autre  dans  une  même  (i-uvre,  (pu»  d'une  œuvre  à  nne 
autre.  Tous  l(»s  nuMubres  de  la  Confrérie  ne  peuvent  pas  se  livrer  à 
toutes  ces  prati(|ues,  mais  tous  s'y  intéresseraient  dans  la  réuinon  col- 
lective ou  en  parleraient,  et  ce  serait  le  meilleur  moyen  de  gagner  des 
adeptes. 

J'ai  parlé  des  réunions:  elles  sont  ab.s(dument  nécessaires,  et  si  l'on 
veut  trouver  la  cause  de  défaillances  queUpiefois  profondes,  toujours  re- 
t^rettables,  en  certaines  œuvres,  c'est  dans  l'ahsence  de  réunions  (pi'il 
faut  la  chercher.     T^a  réunion  affirme  la  vie  d'um*  association:  mieuT 


M)  Dans  certaines  j)ar<>i-^Hi's  la  mo<H«-  <1ii  jpiuli  o-^t  dite  pu  riioiiiioiir  ilii  T.  S. 
Racrcmont  et  frf'm'-raltiiu'iit  avec  cxpositiim.  T/O*  ^<.Ilf^^^«•s  et  Pon«œur«  y  «ont 
spécialement   invités. 


—  722  — 

encore,  la  réunion  entretient  la  vie  de  l'assoeiation.  La  communication 
est  nécessaire  entre  la  tête  et  les  membres  :  c'est  dans  les  réunions  qu'elle 
se  fait. 

Monseigneur  notre  Archevêque  veut  deux  sortes  de  réunion  dans  la 
Confrérie  :  des  réunions  mensuelles,  courtes  et  consacrées  à  la  piété,  et 
des  réunions  semi-annuelles,  plus  solennelles  où  on  s'occupe  du  fonction- 
nement de  l'œuvre.  Dans  les  premières,  c'est  à  l'âme  surtout  que  le 
prêtre  s'adressera  et,  dans  un  bref  entretien,  traitera  un  point  de  la  doc- 
trine eucharistique  ou  une  vertu  qui  convient  au  culte  eucharistique  pour 
en  déduire  aussitôt  quelques  conclusions  pratiques,  afin  que  Jésus-Hostie 
rayonnant  sur  les  âmes  par  ce  mode  nouveau  arrive  à  les  pénétrer  et  à 
les  transformer.  Ainsi  l'Eucharistie  deviendra  pour  ceux  qui  la  fré- 
quentent le  plus,  la  lumière  et  le  foyer  de  la  vie.  Ce  travail  en  pro- 
fondeur, comme  dit  Sa  Grandeur,  doit  s'opérer  d'une  façon  constante  et 
doit  être  la  préoccupation  principale  du  prêtre  et  la  conséquence  pre- 
mière de  l'inscription  dans  la  Confrérie  :  se  sanctifier  au  contact  de 
l'Hostie.  On  conçoit  toute  l'efficacité  de  ce  travail  du  curé  sur  l'élite 
de  sa  paroisse,  si  surtout  il  arrive  à  les  convaincre  du  grand  profit  qu'ils 
retireront  de  la  communion  fréquente.  Et  d'ailleurs  auprès  de  qui  insis- 
terait-il avec  plus  de  succès  pour  arriver  à  réaliser  le  désir  de  Pie  X  ? 

Les  autres  réunions  sont  beaucoup  moins  fréquentes  et  rassemblent 
séparément  les  confrères  et  les  consœurs.  Sans  exclure  le  point  de  vue 
de  la  piété  qui  est  toujours  de  mise  et  demeure  le  principal,  elles  pro- 
voquent surtout  les  questions  relatives  à  la  marche  de  k  Confrérie. 
C'est  là  qu'on  établit  la  répartition  des  heures  d'adoration,  qu'on  cons- 
titue le  tableau  et  qu'on  désigne  les  zélateurs  et  les  zélatrices  des  diflé- 
rents  groupes.  (1)  On  y  examine  comment  sont  observées  les  pratiques 
de  la  Confrérie,  si  on  y  est  fidèle  et  assidu;  les  encouragements  et  les 
observations  trouvent  ici  tout  naturellement  leur  place;  non  seulement 
les  observations  du  prêtre  ou  du  président,  mais  aussi  celles  que  dési- 
reraient faire  les  confrères,  et  il  est  grandement  à  souhaiter  que  la  sim- 
plicité présidant  à  ces  réunions,  personne  ne  craigne  d'émettre  une  idée 
ou  de  faire  une  objection.  Moins  l'auditoire  sera  passif,  plus  la  réunion 
présentera  d'intérêt  et  sera  profitable.  C'est  le  moment  de  proposer 
une  pratique  nouvelle  qu'on  jugerait  bon  d'ajouter  aux  anciennes,  si,  par 
exemple,  dans  un  congrès  récemment  tenu,  on  a  entendu  avec  édification 
ou  avec  une  sainte  jalousie  que  telle  confrérie  voisine  manifestait  plus 
de  générosité.  C'est  aussi  dans  ces  réunions  que  se  décident  les  dépenses 
et  que  se  règlent  les  comptes.  On  comprend  que  dans  de  telles  réunions 
les  associés  s'intéressent  de  plus  en  plus  à  leur  œuvre,  qu'ils  apprennent 
à  l'aimer  et  à  se  dévouer  pour  elle. 

L'horizon  peut  encore  s'étendre  au-delà  des  limites  de  la  Confrérie  : 
les  nouvelles  eucharistiques  d'ordre  plus  général  n'y  seront  jamais  dé- 
placées. N'oublions  pas  que  nous  sommes  catholiques,  et  que  dans  l'u- 
nivers tout  doit  nous  intéresser  quand  il  s'agit  de  l'Eucharistie,  de  Jésus 
avec  nous. 


(1)  Il  y  a  grande  utilité,  sinon  nécessité,  l'expérience  le  déclare  chez  nous, 
de  pourvoir  chaque  groupe  d'adorateurs  d'un  zélateur  ou  d'une  zélatrice.  Son 
action  s'exercera  avec  grand  fruit  pour  le  maintien  des  cadres. 


—  723  — 

Je  dirai  dans  un  autre  rapport  l'avantage  pour  un  diocèse  d'avoir  un 
prêtre  chargé  de  la  direction  des  œuvres  eucharistiques.  Les  curés 
apprécient,  je  crois,  ce  nouveau  rouage  et  en  usent  spécialement  en  cette 
circonstance.  Inviter  de  temps  en  temps  le  Directeur  diocésain  à  venir 
présider  la  réunion  de  la  Confrérie,  c'est  donner  à  la  séance  un  cachet 
plus  extraordinaire  qui  n'est  pas  sans  influence  sur  le  nombre  des  pré- 
sences à  la  réunion,  et  qui  procure,  avec  l'avantage  de  l'inaccoutumé,  le 
bénéfice  d'une  documentation  comme  seul  un  spécialiste  peut  la  posséder. 

J'ai  parlé  aussi  de  dépenses;  il  y  a  donc  un  budget,  des  ressouives,  des 
recettes  ?  Oui,  tant  que  nous  serons  dans  l'Eglise  militante,  nous  ne 
pourrons  nous  passer  du  "  nerf  de  la  guerre,"  et  s'il  est  souhaitable 
que  toute  organisation  puisse  se  suffire  à  elle-même,  il  lui  faut  un  petil; 
budget.  Il  est  bien  vrai  que  l'inscription  dans  la  Confrérie  est  essen- 
tiellement gratuite,  qu'on  peut  lui  appartenir,  profiter  de  ses  avantages 
et  gagner  les  indulgences  sans  bourse  délier.  Il  faut  le  dire  nettement 
afin  de  ne  gêner  personne,  surtout  les  familles  nombreuses;  mais  d'autre 
part,  il  est  dans  la  Confrérie  certains  avantages  —  non  essentiels,  pré- 
cieux toutefois  —  qui  nécessitent  quelques  dépenses.  L'habitude  existe 
partout  de  faire  célébrer,  aux  frais  de  la  Confrérie,  pour  chaque  con- 
frère défunt  une  Messe  le  premier  jeudi  qui  suit  sa  mort,  et  pour  tous 
les  confrères  défunts  une  Messe  annuelle,  le  jeudi  de  l'octave  du  Très . 
Saint-Sacrement.  Certaines  confréries  abonnent  aussi  leurs  membres 
à  un  petit  bulletin  des  œuvres  eucharistiques.  Or,  il  semble  normal, 
que  pour  bénéficier  de  ces  avantages,  on  ait  contribué  soi-même,  par  une 
modique  cotisation  à  couvrir  ces  dépenses. 

Ne  me  demandez  pas  d'en  fixer  le  taux.  Bien  n'est  plus  variable;  la 
taxe  dépend  du  milieu  où  on  se  trouve  et  doit  convenir  à  la  très  grande 
majorité,  à  moins  qu'on  ne  juge  plus  opportun  de  n'en  indiquer  aucune, 
comptant  sur  la  bonne  volonté  de  chacun  qui  donnera  selon  ses  res- 
sources. 

La  Confrérie  ne  thésaurisera  pas  et,  suivant  ses  ressources,  pourra, 
outre  les  dépenses  courantes  que  nous  avons  dites,  entretenir  s'il  y  a  lieu, 
la  lampe  du  sanctuaire  ou  ajouter  une  seconde  ou  peut-être  une  troi- 
sième lampe  à  côté  de  la  lampe  réglementaire,  "  Quantum  potes,  tantum 
aude."  Le  Congrès  de  Eome  insista  beaucoup  sur  ce  point.  Elle  pourra 
subvenir  à  l'acquisition  et  aux  réparations  des  flambeaux,  d'une  bannière, 
à  l'acquisition  des  tracts  eucharistiques  à  distribuer  dans  la  paroi>;se, 
ou  encore,  comme  cela  se  fait  à  Lille,  elle  paiera  les  frais  d'un  pèlerin 
délégué  de  la  Confrérie  à  une  cérémonie  eucharisti<|Ue  diocésaine,  au 
sanctuaire  de  Montmartre,  à  un  congrès  iniernaiionnl.  Vous  avez. 
Messieurs,  au  milieu  de  vous,  à  ce  titre,  deux  envoyés  des  Confréries  de 
Lille.  I^n  audacieux  avait  même  propo.-^é  aux  Confréries  de  fonder  une 
bourse  ou  une  demi-bourse  dans  un  séminaire,  afin  que  la  Confrérie  pût 
fournir  un  prêtre  au  Saint-Sacrement.  Mais  il  est  l)it'n  ))eu  de  t  on f ré- 
ries qui  puissent  satisfaire  à  toutes  ces  belles  propositions;  plus  nom- 
breuses sont  celles  dont  le  Imdget  suffit  à  peine  aux  dépenses  utiles.  Avec 
David  elles  pourraient  laisser  écliapper  cet  accent  plaintif:  "Et  non  est 
suhstantia."  Mais  ce  n'est  là  qu'un  point  secondaire.  I^  recrutement 
des  membres  est  chose  plus  importante:  heureuse  la  Confrérie  qui  groujje 
près  de  Jésus  pour  sa  gloire  et  pour  la  vit-  d»-  la  paroisse,  de  nombreux 
et  de  pieux  adhérents. 


:24 


3°.  —  liC  Recrutement 

roniimnit  se  l'era  le  rec-rnteiiient  ? 

11  st'inble  que  les  circonstances  les  plus  favorables  et  les  plus  faciles 
pour  obtenir  des  adhésions  soient  les  missions,  les  retraites  ou  le  tri- 
diuiui  eucharistique  annuel  donné  à  roccasion  des  Quarante-Heures  ou 
de  Tadoration.  Que  dans  une  des  instructions,  le  prédicateur  ou  le  di- 
recteur des  œuvres  eucharistiques  parle  de  la  Confrérie,  et  ensuite,  ou 
bien  on  relèvera,  séance  tenante,  les  noms  présentés,  ou  bien  le  Curé 
passera  sans  tarder  à  domicile  pour  recueillir  les  noms  espérés;  on 
pourra  quelque  temps  après  faire  Tinauguration  solennelle  de  la  Con- 
frérie qui  comporterait  les  trois  points  suivants  :  communion  générale 
des  confrères  et  des  consœurs,  inscription  officielle  sur  les  registres  de 
la  Confrérie  (1)  et  réunion  des  deux  sections  où  on  donnerait  le  détail 
des  statuts  et  des  praticpies  de  l'Association.  Quelle  plus  propice  occa- 
sion de  -proposer  aux  confrères  cette  communion  générale  tant  désirable 
qu'il  nous  faut  obtenir. 

Un  dernier  mot  sur  l'organisation  :  il  est  bon  d'avoir  à  la  tête  de  la 
Confrérie  un  bureau  composé  d'un  président,  d'un  vice-président,  d'un 
trésorier  et  d'un  secrétaire.  Le  secrétaire  fera  un  petit  compte  rendu 
de^  réunions  et  lancera  les  convocations.  Mêmes  dispositions  du  côté 
des  Dames.  Ce  bureau  aura  ses  réunions  particulières  sous  la  présidence 
de  M.  le  Curé,  qui  est  nécessairement  le  directeur  de  la  Confrérie  et 
prononcera  sur  le  recrutement  partiel  qui  doit  se  continuer  toujours 
après  la  fondation.  Les  mend)res  du  bureau  seront  les  zélateurs,  les  zé- 
latrices attitrées  de  la  Confrérie;  aussi  leur  zèle  sera-t-il  entretenu  avec 
plus  de  soin  encore  que  celui  des  simples  membres. 

La  conclusion  de  cet  exi)osé,  vous  le  supposez  bien,  est  celle  que  nous 
renouvelons  et  appliquons  chez  nous  dans  tous  nos  petits  congrès,  je  la 
formule  scnis  forme  de  vo'U. 


Vœu  : 

Que  (](iiis  toutes  les  paroisses  où  elle  n'existe  pas  encore,  la  (^onfrérie 
du  Très  Saint-Sacreuient  soit  établie  comme  fruit  du  Congrès  de  Mont- 
réal, à  la  suite  d'une  retraite,  ou  d'un  triduum,  ou  des  Qmiran  te -Heures. 


(])  L'insorii)tion  (nom  ot  prénom)  pont  sp  fairo  flans  la  maison  dp  la  congré- 
pation  (lii  T.  S. -Sacrement ;  mais  cJiaque  paroisse  afiiliée,  devenant  un  centre 
d'adoration,  aura  son  registre  spécial,  et  il  est  préférable  que  les  fidèles  s'y 
fn-sp7it  inscrire  pour  faciliter  l'organisation  des  groupes  d'adorateurs. 


—  725  — 

Quand  ^I<>t  le  Pi-ésident  a  félicité  les  rai)i)orteurs,  M<»i'  Ar- 
chambault  se  lève  et  invite  l'assemblée  à  saluer  de  ses  aecla- 
mations  le  orand  apôtre  qui  a  été  l'âme  des  Conp'ès  eucha- 
ristiques, Mgr  Heylen,  évêque  de  Namur. 

ALLOCUTION  DE  MGR   HEYLEN,   évêque   de  Namur 


Messeigxkihs,  Messieurs, 

Je  ne  m'attendais  pas  à  l'iiuniiliation  que  M^r  révtM|iu'  (U-  .Toilette 
vient  de  nie  faire  subir.  Je  l'attrihue  k  son  «rrand  amour  \k)\\v  Xotre- 
Heigneur.  Il  aime  Xotre-Seigneur,  et  puisqu'il  ])ens('  (|Ui'  j'ai  dû  con- 
tribuer quelque  peu  à  faire  glorifier  le  Dieu  <ie  l'Kuc-haristie,  il  a  reporté 
sur  l'évêque  de  Xamur  quelque  chose  de  cet  amour  <|u"il  ])orte  au  Dieu 
du  Saint-Sacroment.     (Applaudissements.) 

Puis,  connue  vous  tous,  j'aime  le  Dieu  de  l'Eucharistie.  Comment 
jKjurrions-nous  ne  pas  l'aimer?  X'est-ce  j)as  à  nous  (ju'il  s'est  confié; 
n'est-ce  pas  nous  qu'il  a  choisis  pour  être  les  gardiens  de  son  corps  et  de 
son  sang  et  pour  le  donner  à  ses  fidèles,  pour  lesquels  il  a  daigné  verser 
jusqu'à  la  dernière  goutte  de  ce  sang  ])récieu.\.  Oui.  nous  l'aimons, 
n'est-il  pas  vrai,  et  si  nous  nous  réuniss<ms  dans  ces  Congrès  Kucharis- 
tiques,  c'est  afin  de  l'aimer  toujoui-s  davantage.  Kt  ce  doit  être  là  sur- 
tout notre  résolution.  X'ous  prenons  bien  des  décisions  dans  nos  con- 
grès, on  pro))ose  bien  des  v(eux.  C'est  la  huitième  fois  i|Uf  j'ai  l'honneur 
de  présider  ces  congrès.  J'ai  entendu  tous  ces  va'U.x;  j'ai  annoté  toutes 
ces  résolutions  (|ui  ont  été  prises.  Ces  vœux  ont-ils  été  toujours  ])ra- 
tiques  ?  Ces  lésolutions  ont-elles  été  t(»ujours  tenues  ?  Je  n'oserais  pas 
le  dire.  Et  nous  ne  jjouvous  |ms  attendre  non  j)ius.  nous  ne  ])ouvons 
pas  espérer  (pie  tout  cela  soit  fait  en  réalité,  mais  voici  une  décision  que 
nous  devons  prendre,  une  résolution  avec  latpielle  nous  devon.'î  retourner 
dans  nos  paroisses:  ''  Je  i)uis.  je  dois,  je  vi-ux  faire  (|n<'lque  chose  de  plus 
pour  la  sainte  Eucharistie."  Et  je  t^uis  sûr,  comme  on  l'a  objecté  bien 
des  fois,  (|nand  même  plusieurs  vœux  ne  sont  pas  toujours  pratiqm^. 
quand  même  nii  les  répète  bien  des  fois  sans  que  nous  voyions  toujours 
les  fruits  île  ces  réunions,  certes  nous  n'aurons  pas  perdu  notre  temps,  et 
le  Con-rrès  jmurra  produire  des  fruits  admirables  si  cha<un  d'entre  nous, 
rentré  chez  lui,  garde  toujours  cette  résolution  que  je  viens  <rin<liquer. 
C'est  la  mienne,  ce  sera  aussi  la  vê)tre.  Oui.  nous  devons  faire  ]»his,  n<»us 
le  devons.  X'otre  Dieu  le  demande,  il  a  le  droit  de  le  demantler  :  n<»us  le 
pouvons  et  chacun  <lans  notre  sphère.  nr)us  pcmvons  faire  davantaire. 
D'abord,  nous-mêmes,  nous  pouvons  mieux  apprendre  à  connaître  l'Eu- 
charistie: nous  pouvons  l'aimer  avec  plus  de  ferveur,  nous  pouvons  la 
trloiifier  plus  efficacenu'nt.  nous  pouvons  donner  l'exemple  à  notre 
peui)le,  car  n'oublion-^  i)as.  si  nous  voulons  que  le  peuple  admire  et  Ik*- 
nisse  rEucharislie.  nous  devons  donner  rexem|tle.  car.  tel  prêtre,  tel 
peuple:  c'est  un  vieil  adage  qui  reste  toujours  vrai.  (  .Vpplaudissement».  , 


—  726  — 

J'ai  vu  bien  des  fois  des  prêtres  arrivant  dans  des  paroisses  consi- 
dérées être  parmi  les  plus  mauvaises  du  diocèse.  Ils  sont  arrivés  là  avec 
l'amour  de  Notre-Seigneur,  ils  ont  commencé  à  prier  eux-mêmes,  ils  ont 
commencé  à  faire  leur  visite  au  Saint-Sacrement,  ils  ont  commencé  à 
dire  la  sainte  messe  poitr  leur  peuple  avec  dévotion,  avec  ferveur,  avec 
majesté.  Ils  ont  eux-mêmes  prêché  par  leur  exemple,  et  le  peuple  est 
venu  peu  à  peu,  et  ces  paroisses  qui  étaient  loin  d'être  ferventes,  sont 
devenues  des  meilleures,  à  cause  des  exemples  donnés  par  le  prêtre.  Et 
tous,  nous  pouvons  agir  de  suite  et  dire  :  "  Je  peux  faire  davantage." 
Mais  toujours,  disons  bien  davantage  :  Je  veux  !  Je  veux  d'une  volonté 
virile.  "  Je  veux  "  d'une  volonté  sacerdotale.  "  Je  veux  et  je  commence 
immédiatement;  je  ne  veux  pas  attendre  quelques  jours,  quelques  se- 
maines. ISTon,  immédiatement  je  commence."  Ainsi,  notre  Dieu  sera 
glorifié. 

Messieurs,  que  ce  soit  là  le  fruit  de  notre  Congrès  et  ainsi,  oh  !  j'en 
suis  sûr,  de  toutes  les  parties  du  monde,  de  toutes  nos  paroisses  montera 
vers  notre  Dieu  un  culte  plus  fervent,  et  ainsi  non  seulement  nous,  mais 
les  âmes  qui  nous  sont  confiées  aimeront  davantage  notre  Dieu.  —  (Ap- 
plaudissements.) 


Après  ce  discours  de  Mgr  de  Namur,  l'abbé  Thellier  de 
Poncheville,  est  également  prié  d'adresser  quelques  paroles 
d'édification  à  l'assemblée.  Il  le  fait  à  l'instant  avec  une 
délicatesse  de  langage  et  une  chaleur  communicative  qui 
charment  l'auditoire. 


LE  PRETRE  ET  LA  REPARATION 
EUCHARISTIQUE 


Messeigxeurs, 

Messieurs  et  vénérés  Confrères, 

Ma  surprise  est  aussi  grande  que  la  vôtre  de  me  voir  en  cette  chaire. 
J'étais  venu  ici  pour  écouter  et  non  pour  parler.  Ma  place  en  cette  bril- 
lante assemblée  sacerdotale  est  celle  de  l'élève  et  non  du  maître  :  les 
les  prêtres  de  mon  âge  ont  tant  à  apprendre  de  la  science  et  de  la  vertu 
de  leurs  aînés  !  Le  désir  les  saisit  parfois,  au  milieu  d'eux,  de  renou- 
veler le  geste  de  leur  ordination  qui  courbait  nos  fronts  sous  vos  mains 
bénissantes  et  de  nous  agenouiller  de  nouveau  devant  les  anciens  du 
sanctuaire  afin  de  faire  passer  en  nos  âmes  ces  traditions  de  foi,  de  de- 
voir, d'attachement  à  l'Eglise  et  de  dévouaient  à  leur  peuple  qui  cons- 
tituent depuis  dix-neuf  siècles  le  patrimoine  d'honneur  des  consacrés  de 
Jésus-Christ. 


—  72T  — 

Mais  au  premier  rang  de  ces  traditions  se  trouve  la  tidélité  aux  ordres 
reçus.  On  me  demande  de  parler.  J  "obéis.  Vous  aurez  pour  ces  propos 
improvisés  l'indulgence  qu'on  accorde  aux  balbutiements  des  plus  petits 
de  la  famille,  et  Xotre-Seigneur  les  recevra  avec  bonté,  lui  qui  se  plaît 
à  entendre  la  louange  impuissante  que  lui  adressent  les  lèvres  des  enfants. 

Le  simple  mot  que  je  voudrais  dire  est  une  prière  aux  prêtres,  les  amis 
de  prédilection  de  Jésus.  Prière  respectueuse  et  pressante  invitation  à 
ne  pas  oublier  dans  la  joie  de  ces  fêtes  les  douleurs  silencieuses  du  Cœur 
eucharistique  de  notre  Sauveur,  toujours  crucifié  même  aux  jours  où  il 
est  glorilié. 

Son  Hostie  va  connaître  des  heures  de  grandiose  triomphe.  Quand 
elle  fut  apportée  pour  la  première  fois  en  ces  lieux  ils  n'étaient  autour 
d'elle  quune  poignée  d'adorateurs  perdus  sur  cet  immense  territoire 
qu'ils  ambitionnaient  de  lui  conquérir.  Dimanche,  ils  seront  un  million 
prosternés  devant  un  ostensoir  d'or  —  venu  de  France  lui  aussi,  comme 
les  missionnaires  qui  donnèrent  l'Hostie  à  ce  sol  païen,  le  Congrès 
Eucharistique  International  lui  a  dressé  ses  reposoirs  magnifiques  dans 
les  capitales  de  l'ancien  continent;  sur  toute  la  face  du  globe,  à  travers 
les  océans  infinis,  il  veut  lui  frayer  une  voie  royale.  Montréal  commen- 
cera ce  glorieux  tour  du  monde  du  Saint-Sacrement  qui,  pour  la  pre- 
mière fois,  au  Nord  de  l'Amérique,  recevra  l'hommage  de  ces  incom- 
parables manifestations  publiques,  avec  un  éclat  que  n'ont  pas  encore 
connu  les  grandes  villes  catholiques  de  la  vieille  Europe. 

Mais  que  cette  apothéose  d'un  jour  ne  nous  fasse  pas  illusion  î 

Que  la  splendeur  de  ces  fêtes  ne  nous  laisse  pas  oublier  les  ombres  qui 
pèsent  encore  sur  cette  terre  et  les  tristesses  qui  demeurent  toujours  au 
cœur  de  Jésus  ! 

L'humanité  entière  devrait  être  agenouillée  au  pied  de  ses  autels. 
Toutes  les  âmes  devraient  s'unir  à  nous  pour  le  glorifier  et  le  remercier. 
Le  feu  qu'il  était  venu  apporter  ici-bas,  que  veut-il  si  ce  n'est  qu'il  les 
embrase  universellement  de  sa  flamme  de  foi  et  d'amour?  Et  combien 
peu  répondent  à  ses  brûlants  désirs!  Combien  restent  éloignés  de  lui, 
détournés  de  lui,  insensibles  ou  hostiles  à  sa  divine  charité! 

Dans  cette  ville  même,  chrétienne  parmi  les  plus  chrétiennes,  il  est 
de  ses  frères  qui  l'ignorent,  le  blasphèment  et  jusqu'au  milieu  de  son 
Congrès,  pour  en  empoisonner  les  joies,  voudraient  l'outrasior  dans  son 
adorable  Sacrement.  Dans  ces  vastes  pays  d'Amérique,  malgré  de  si 
beaux  efforts  d'apostolat,  il  est  encore  des  millions  de  chrétiens  qui  ne 
croient  pas  à  sa  présence  réelle,  des  millions  de  païens  qui  ne  connaissent 
même  pas  son  nom,  des  peuplades  qu'effleure  à  peine  un  rayon  de  son 
Evangile!  Au  delà  des  mers,  il  est  des  nations  belles  et  grandes  elles 
aussi  "où  ses  tabernacles,  hélas!  ont  été  vidés  par  l'hérésie,  désertés  par 
l'indifférence,  profanés  par  l'impiété. 

"Sic  Deus  dilexit  vnindum!  "  Le  cri  de  stupeur  de  l'ApAtre  en  face 
de  l'immensifé  insondable  de  l'amour  divin,  redisons-le  avif  ilouU-ur 
devant  cet  autre  incoinpréhciKible  mystère,  l'ingratitude  des  hommes 
refusant  de  recevoir  le  don  de  Dieu  !  C'est  ainsi  que  Dieu  nous  a  aimés! 

Et  c'est  ainsi  que  la  terre  répond  à  son  amour!  quel  spcttaclr  d'infinie 
tristesse  s'étend  sous  notre  regard  du  fond  de  ses  tabernarics  !   \\\  delà 


—  :2ii  — 

du  ceivlc  trop  éti'oit  des  âmes  finlèles,  partout  'des  i^'iiorances,  des  incon- 
veuauces,  des  dédains,  des  péchés,  parfois  des  haines  sataniques,  par- 
fois d'horribles  profanations  sacrilèges Il  les  voit,  il  en  ressent 

l'injure.  Quelque  chose  de  cette  mystérieuse  souffrance  transiparait 
jusque  dans  la  pâleur  de  l'Hostie.  Le  ciboire  est  couronné  d'épines.  En 
sa  vie  eucharistique  se  prolonge  son  état  de  victime.  Sa  passion  se  re- 
noitvelle  sur  l'invisible  calvaire  de  l'autel.  Il  est  toujours  l'Agneau  qui 
poi'te  sur  lui  le  poids  des  péchés  du  momde  ! 

Prêtres,  nous  ne  pouvons  le  laisser  expier  seul.  Il  souffre  de  nous 
au.ssi,  plus  que  des  autres.  Ses  plus  vives  douleurs  lui  viennent,  il  nous 
l'a  dit,  des  préférés  de  sa  tendresse,  cou])al)les  de  tant  de  négligences 
opposées  à  tant  de  prévenances,  et  plus  particulièrement  de  nos  frères 
malheureux  (\m  ont  renié  leur  sacerdoce,  parjuré  leurs  serments,  trahi 
son  amour,  profané  la  sainteté  de  l'Eucharistie  qu'il  leur  avait  confiée. 
Pour  ré|)arer  toutes  ces  ofFences  qui  viennent  de  nous  ou  des  nôtres,  pour 
payer  la  rançon  des  soufi^rances  volontaires  qui  achèteront,  unies  aux 
siennes,  le  salut  de  notre  peuple,  nous  nous  offrirons  pendant  cette  se- 
maine en  victimes  avec  lui. 

Sur  la  patène  du  sacrifice,  cha([ue  inatin,  nous  a})porterons  nos  re- 
pentirs et  nos  oft'randes.  Dans  le  sang  du  calice,  complétant  ce  qui 
manque  à  sa  passion  et  à  sa  messe,  nous  verserons  un  peu  du  sang  de 
nos  cœurs  et  de  nos  vies,  immolés  à  son  service.  A  la  porte  du  ta1)er- 
nacle  nous  viendrons  redire  souvent  notre  désir  de  collaboration  plus 
généreuse  à  son  (tnnre  rédemptrice.  Dans  le  joyeux  tumulte  des  fêtes 
extérieures,  nos  âmes  de  prêtres  se  rapprocheront  ainsi  de  lui  dans  un 
culte  intime  d'affection  courageuse  et  réparatrice.  Le  Congrès  serait 
un  inapj)réciable  l)ienfait  pour  notre  génération  sacerdotale  s'il  lui 
obtenait  cette  grâce  de  s'identifier  davantage,  par  le  don  de  l'immolation 
de  soi,  à  l'Hostie  du  Prêtre  éternel  qui  perpétuellement  sauve  le  monde! 

Promettons-lui  ce  soir,  avant  de  le  quitter,  de  nous  unir  à  sa  croix  plus 
profondément  pendant  ces  quelques  jours,  et  pour  toujours,  par  cette 
communauté  plus  parfaite  de  notre  sacrifice  et  du  sien,  devenant  les 
membres  crucifiés  du  (Mief  coui'onné  d'épines,  d'autres  hosties  incor- 
porées à  l'unique  Hostie.  Demandons-lui,  tous  ensem1)le,  de  nos  su])])li- 
cations  irrésistibles,  d'accomplir  en  nous,  malgré  notre  faiblesse,  cette 
transfiguration  douloureuse  de  nos  âmes  qui  veulent  être  vouées  comme 
la  sienne  à  toutes  les  saintes  réparations  ! 

0  Jésus,  l'd'uvrc  (pie  vous  êtes  venu  accomplir  dans  les  déchirements 
de  votre  passion,  l'œuvre  (|ue  nos  pères  ont  poursuivie  pendant  des 
siècles  dans  l'effort  et  dans  les  lannes,  ne  permettez  pas  qu'elle  s'arrête 
aiijoiird'luii  pai'  notre  iiuuupu'  de  foi  cl  de  vigncui',  (|u'elle  soit  compro- 
mise par  notre  lâclieté!  A^otre  apostolat  demamlc  toujours  du  sang. 
Des  millions  d'âmes  a])pellent  encoi'e  la  Croix  qui  seule  peut  les  arraclicr 
à  leur  mal.  Xe  les  laissez  pas  mourir  dans  la  misère  de  leur  ])éclié. 
X'abandonnez  pas  les  peuples  à  leur  im])uissance.  Ne  laissez  ])a,s  se 
perdre  les  nations  (pii  les  premières  ont  pi'oclamé  A'olre  divinité  à  la  fa<-e 
du  monde  et  ré[)andre  voti'e  Hostie  sui-  tous  les  continents!  \'()yez  cette 
légion  de  prêtres:  ils  s'offrent  à  vous  ])()ur  être  les  sauveurs  de  leurs 
frères.      Ils  vous  l'eiioiivelleiil   en  ce  inoiiient    le  don  qu'ils  \'ou>i  ont  fait 


—  729  — 

d'eux-mêmes  afin  d'être  vos  évanirélistes  et  vos  sacrifiés  parmi  cette  liii- 
manité  pécheresse  qu'ils  veulent  ramener  à  vous!  Ce  congrès  passe  sur 
leurs  vies  comme  un  nouveau  baptême  sacerdotal  (pii  les  résrénère  dans 
la  plénitude  des  grâces  reçues  et  des  résolutions  ])rises  au  jour  béni  de 
leur  ordination. 

S'il  faut  pour  gagner  le  momie  à  votre  amour  des  prêtres  qui  soient 
des  victimes,  envoyez-nous  à  votre  calvaire!  S'il  vous  faut  des  liéros  et 
des  martyrs,  armez  nos  bras  de  vigueur  et  prenez  le  siing  <le  nos  veines  ! 
S'il  vous  faut  des  saints,  mettez  en  nous  (pielque  chose  de  votre  sainteté! 
Transformés  par  vous,  prêtres  comme  vous,  oui.  nous  sommes  en  droit 
de  l'espérer,  nous  avons  le  devoir  de  vous  le  ])roim'ttrc:  ce  siècle  uv  des- 
cendra ])as  dans  sa  tombe  sans  avoir  vu  briller  sur  son  front  l'universel 
ravonnement  de  votre  divine  Hostie  ! 


Après  avoir  si  éloqiK'innirnt  cnti^ndii  parler  ilc  la  Sainte 
Eucharistie,  d'e  ses  excellences,  de  la  nécessité  et  des  moyens 
de  la  mieux  faire  connaître  et  glorifier,  il  convenait  que  les 
prêtres  fussent  les  ]»reiniers.à  lui  otTi'ir  en  connuun  leui-s 
lioninia<>es  et  leurs  adorations,  ("est  ce  <iui  se.tit  inniié<liate- 
nient  après  la  séance.  Le  T. Saint-Sacrement  fu)  ram«*né  sur 
son  trône  d'exi)osition,  ])uis  commença  l'heure  solenn<dle 
d'adoration,  prêchée  par  M^r  liumeau,  évê(pie  d'An<iers. 

ADORATION   SOLENNELLE 


Messeignetrs, 

* 

(IIERS   MeSSIKIRS, 

Je  m'excuse  d'occuper  cette  chaire  quand  je  vois,  assises  à  ses  pieds, 
l'éloipience  et  la  vertu. 

En  m'y  invitant  pour  cette  heure  d'adoration,  les  h'évérends  Pères  du 
Très  Saint-Sai  rement  se  sont  souvenus  fine  ia  France  avait  été  le  lier- 
ceau  de  leur  institut.  Je  les  prie  d'agréer  ma  reconnaissance  et  mon 
meilleur  remerciement  sera  d'ex|n-imer,  aux  pieds  <le  Notre-Seigneur.  h- 
vœur  qu'ils  fassent,  sur  ia  terre  canadienne,  tout  b-  l>ien  (ju'ils  <«nt  fait 
parmi  nous. 


Le  prêtre  ri  rEinlniristie !  Ce  sont.  Messieurs,  deux  termes  <pii  s'aj.- 
pellent;  ils  exi)riment  deux  merveilles  inséparables. 

Avant  tout,  le  prêtre  est  fait  i)our  l'Eucharistie,  et  l'Eiu-hanstie  poni 

le  prêtre.  ,  ,  ,.         ,  ^  i 

11  est  le  créa f pur  de  rKucbanstie,  d  en  est  h-  <i"r,hr,>.  il  m  est  le 


—  73Û  — 

dispensateur.  D'un  autre  côté,  c'est  la  sainte  Eucharistie  qui  fait  sa 
suprême  grandeur;  c'est  par  elle  que  la  dignité  sacerdotale  éclipse  toute 
dignité  humaine.  Saint-Ambroise  l'appelle  une  profession  divine  :  dei- 
fica  professiu.  Elle  élève  le  prêtre  au-dessus  des  anges,  ajoute  saint- 
Grégoire  de  Xazianze:  Sacerdotium  ipsi  quoque  angeli  venerantur.  Et 
saint-Bernardin  de  Sienne,  s'adressant  à  la  Très  Sainte-Vierge  elle- 
même,  ose  lui  tenir  ce  langage  :  '■  Vierge  bénie,  pardonnez  à  ma  har- 
diesse, quand  il  s'agit  de  sainteté  et  de  privilèges,  vous  êtes  au-dessus  de 
toute  créature,  mais  quand  il  s'agit  de  pouvoirs,  le  sacerdoce  est  au- 
dessus  de  Vous:  Virgo  benedicta,  excusa  me,  quia  non  loquor  contra  te: 
Sacerdotium  ipse  proetulit  supra  te." 

Mais  la  dignité  doit  avoir  pour  corollaire  la  sainteté;  l'une  ne  va  pas 
sans  l'autre  et  la  suréminence  de  l'une  exige  la  suréminence  de  l'autre: 
in  alto  gradu  positi  oportet  quoque  ut  in  virtutum  culmine  sint  erecti. 
Oui,  ce  qui  convient  au  prêtre,  ce  sont  les  sommets;  et  l'on  devrait,  au 
dire  de  saint-Bernard,  regarder  comme  une  vraie  monstruosité  une 
bassesse  de  vie  qui  serait  en  opposition  avec  cette  surhumaine  grandeur  : 
monstruosa  res  est  dignitas  summa,  vita  ima. 

Et  cette  sainteté  à  part,  remarquez-le  bien,  est  une  conséquence  de 
notre  vocation.  'C'est  pour  nous  un  devoir  d'état  :  clericus  duo  professus 
est,  dit  saint  Augustin,  sanctitatem  et  clericatum.  Le  grand  docteur 
place  la  sainteté  même  avant  le  sacerdoce,  tant  il  est  vrai  que  l'une  ne 
doit  en  rien  céder  le  pas  à  l'autre. 

Cette  sainteté  à  part,  Messieurs,  tout  nous  la  prêche.  C'est  Jésus 
d'abord. 

Quand  il  nous  a  appelés  de  préférence  à  tant  d'autres,  c'était,  dir. 
saint  Paul,  pour  faire  de  nous  des  saints  et  des  immaculés,  c'est-à-dire 
des  hommes  plus  saints  que  les  autres:  eîegit  nos  ut  essemus  sancti  et 
immaculati. 

Oh  !  Messieurs,  quel  vaste  sujet  d'examen  pour  nous  tous  !  Nous 
sommes  la  lumière  du  monde,  selon  la  parole  du  Maître,  et  le  sel  de  la 
terre.  Nous  sommes  la  lumière  du  monde  et  la  foi  décline.  Nous 
sommes  le  sel  de  la  terre  et  la  corruption  grandit  !  La  lumière  se  se- 
rait-elle éteinte;  le  sel  se  serait-il  affadi?....  Des  légions  innom- 
brables de  prêtres  évangélisent  le  globe  et  nous  sommes  condamnés  à 
gémir  parce  que  le  catholicisme  s'affaiblit  !  Il  y  a  là  un  m3'stère  :  ecce 
mundus  sacerdotibus  plenus  est  et  rarus  invenitur  mediator  !  s'écrie 
saint  Bernard. 

La  sainteté,  après  Jésu.s,  c'est  l'Eglise  qui  nous  la  prêche.  Souvenons- 
nous  de  ces  maternelles  et  pressantes  exhortations  à  chaque  ascension 
que  nous  avons  faite  dans  les  différents  ordres  de  la  cléricature.  C'est 
là  sa  préoccupation  dominante.  On  serait  tenté  de  croire  qu'elle  n'en 
a  point  d'autre,  depuis  l'initiation  à  la  tonsure  oi^i  elle  dit  aux  nouveaux 
clercs:  hnhitu  honeslo  honisque  moribus  atqve  operihus  Deo  placere 
sti/deatis;  jusqu'aux  ordres  mineurs,  où  elle  dit:  Corda  fidelium  dictis 
et  exemplis  vestris  clnudntis  diaholo  et  aperiœtis  Deo  —  Caelestis  vitae 
formnm  praebeatis  —  Discite  viilis  impo.rare  —  Ut  flii  lucis  ambulate; 
jusqu'au  sous-diaconat,  où,  d'une  façon  plus  émouvante,  plus  solennelle, 
elle  invite  à  faire  le  pas  décisif  en  disant:  Deo  cui  servire  regnare  est 
perpetuo  famulari  et  cœstitatem,  ilîo  adjuvante,  servare  oportebit;  jus- 


—  731  — 

qu'au  diaconat  où  elle  accumule  les  épithètes  pour  mieux  marquer  Tan- 
géliquc  candeur  de  ceux  qui  coopèrent  déjà  au  ministère  de  l'autel  : 
estote  nitidi,  mundi,  puri,  casti;  jusqu'au  prêtre  enfin  dont  tout  le  pro- 
gramme se  trouve  résumé  en  ces  deux  paroles  si  expressives  :  "  eluceat  in 
eis  totius  forma  jnstitiae  —  sit  odor  vitae  vestrae  deîectamenturn  Eccîe- 
siae  Christi.  • 

La  sainteté,  après  Jésus,  après  l'Eglise,  c'est  notre  caractère  sacerdotal. 
ce  sont  nos  fonctions  augustes  qui  nous  la  prêchent. 

Le  prêtre  est  un  séparé  :  vos  de  mundo  non  estis.  Donc  plus  rien  de 
coupable,  que  dis-je,  plus  rien  de  profane  dans  nos  vies. 

le  prêtre  est  un  consacré.  Qui  dit  consacré,  dit  un  être  ou  un  objet 
exclusivement  affecté  à  des  usages  saints.  Or,  ^Messieurs,  plus  que  la 
pierre  de  nos  autels,  plus  que  le  ciboire  de  nos  tabernacles,  plus  que  le 
calice  du  divin  sacrifice,  nous  sommes  des  porte-Dieu.  Que  faut-il  con- 
clure, sinon  que  tout  en  nous  doit  porter  le  sceau  de  cette  consécration, 
non  seulement  nos  personnes,  mais  nos  pensées,  nos  vouloirs,  nos  affet- 
tions,  nos  paroles,  nos  actes. 

Le  prêtre  est  plus  qu'un  consacré.  Il  est  un  consécraieur.  C'est  pour 
cela  que  la  Sainte  Eglise  usuri)ant  nos  divines  Ecritures,  lui  a  dit:  Mun- 
damini  qui  fertis  vasa  Domini. 

Un  simple  rapprochement  :  Une  des  preuves  les  plus  solides  du  dogme 
de  la  Conception  Immaculée  de  la  Vierge  Marie,  c'est  qu'elle  devait 
être,  im  jour,  la  mère  de  Dieu  et  porter,  dans  son  sein  virginal,  le  Verbe 
incarné.  Et  nous.  Messieurs,  nous  in  quorum  nmnibus  inrarnniur  Dei 
fiîius! . . .  . 

Une  réflexion  non  moins  grave,  c'est  que  pour  le  prêtre,  il  n'y  a  guère 
de  milieu  ou  il  sera  le  grand  ami  de  Jésus-Christ  ou  il  sera  bien  près 
de  devenir  son  ennemi.  Oui,  Messieurs,  dès  qu'un  prêtre  cesse  de  célé- 
brer la  messe  qui  transporte,  dès  qu'il  célèbre  la  messe  qui  laisse  froid, 
il  est  bien  près  bêlas  î  de  célébrer  la  messe  qui  fait  peur. 

Le  prêtre  est  médiateur.  Ab  !  Taugusti-  fonction  <|uc  celle-là!  Avec 
quelle  émotion  nous  avons  lu  et  relu  cette  scène  grandiose  de  nos  Saints 
Livres  !  Moïse  lutte  avec  la  majesté  de  Jébovah  ;  il  enchaîne  le  bras 
de  sa  justice  prêt  à  frapper  la  nation  pécheresse:  il  arrache  au  courroux 
de  Dieu  cette  parole  plus  que  surprenante:  diniittc  me,  ut  irascatur 
fur  or  meus. 

Et  ce  qu'il  y  a  d'inconcevable,  dans  ce  duel  gigantesque  entre  la  force 
de  Dieu  et  la  faiblesse  de  l'iiomme,  c'est  que  la  faiblesse  triomphe  de  la 
force.  0  miraculeuse  puissance  du  médiateur!  Mais,  ne  l'oublions  pas. 
Messieurs,  pour  être  un  vrai  médiateur,  deux  conditions  sont  essentielle^  : 
il  faut  être  le  digne  représentant  du  peuple  qui  envoie;  il  faut  être 
l'ami  du  Dieu  vers  lequel  on  est  envoyé:  si  non  places,  non  plaças;  si  non 
plaças,  cur  sacerdos  ? 

Le  prêtre  est  docteur;  or.  c'est  une  logique  élémentaire  qu'il  confinne 
l'atitorité  de  sa  parole  par  l'efficacité  de  ses  exemples.  Malbour  à  lui. 
si  son  peuple,  e-i  l'écontint.  peut  lui  jotor  à  la  face  ce  mnt  du  Saint 
Evangile:  " Medice,  cura  teipsum.'' 

S'il  ne  veut  pas  que  le  Verbe  qu'il  porte  dans  la  cbair  demeure  votié 
à  la  stérilité,  il  faut,  de  toute  rigueur,  qu'il  soit  le  modèle  de  la  perfec- 
tion qu'il  cnseiLme:  et  n/enda  diront  et  dicta  opère  conipleant. 


—  732  — 

Enfin,  Messieurs,  le  ])rêtre  est  saureur:  viundi  sa! vatores ;  c'est  ainsi 
que  nous  anpelle  saint  Jérôme,  appliciuant  à  tous  les  ministres  de  Jésus- 
Christ  le  titre  (lui  désigne  Jésus-Christ  lui-même.  Mais  comment  au- 
rons-nous, pour  le  salut  du  monde,  les  ardeurs  du  zèle,  si  nous  n'avons 
pas,  comme  les  saints,  la  flamme  de  l'amoui':  (/ni  non  ardet  non  incendit? 
(saint  Grégoire). 

Où  en  suis-je,  ô  mon  Dieu  !  Depuis  tant  d'années  que  j'ai  reçu  l'onc- 
tion sacerdotale,  quels  sont  les  j^rogrès  (pie  j'ai  accomplis?  X'ai-je  pas 
reculé,  au  lieu  d'avancer  ?  Suis-je  au  moins  demeuré  stationnaire,  si 
tant,  est  qu'on  puisse  rester  stationnaire  à  votre  service  ?  Combien 
d'âmes  n'ai-je  pas  connues,  conseillées  et  dirigées,  dont  la  perfection 
éclipsait  et  confondait  ma  fragile  vertu  ?  0  sujet  de  confusion  et  de 
remords  ! .  .  .  . 

Dixi,  nimc  caepl!  Oui,  Seigneur,  j'en  fais  à  vos  pieds  la  demande 
et  la  promesse  !  Que  le  premier  fruit  de  cette  heure  sainte,  passée  à 
vos  pieds,  et  de  ce  Congrès,  auquel  vous  avez  daigné  vous-même  m'ap- 
peler,  soit  de  raviver  en  moi  la  grâce  de  mon  ordination  sacerdotale  et 
d'affermir,  jusqu'à  la  rendre  efficace,  ma  volonté  de  devenir  un  saint! 

Il 

J'ai  dit:  le  prêtre  et  l'Eucharistie,  la  dignité  du  prêtre  découlant  de 
l'Eucharistie  et  la  sainteté  du  prêtre  découlant  de  sa  dignité. 

Il  me  reste  à  vous  montrer  les  rapports  ineffables  qu'il  y  a  entre  l'Eu- 
charistie et  la  sainteté  du  prêtre;  non  seulement  à  cause  des  grâces  que 
Jésus  nous  y  accorde  avec  tant  de  profusion,  mais  aussi  à  cause  des  vertus 
(pi'il  nous  y  enseigne.  Dans  les  multiples  états  ou  plutôt  sous  les  divers 
aspects  de  sa  vie  eucharistique,  le  Christ  nous  apparaît  en  effet,  comme 
l'exemplaire  achevé  de  notre  perfection  sacerdotale. 

Je  suis,  à  l'autel,  le  créateur  de  l'Eucharistie.  L'acte  que  j'y  accom- 
plis est  un  sacrifice.  Jésus  se  faisant  obéissant  à  ma  parole,  y  prend  la 
forme  de  victime.  iST'y  est-il  pas  le  modèle  que  je  dois  imiter  ?  Ne 
faut-il  pas  comme  lui,  que  je  sois  prêtre  et  victime  à  la  fois?  Que  se- 
rais-je,  sinon  un  simulacre  de  prêtre,  le  jour  où  je  ne  pourrais  pas 
m'a])p]i(|uer  à  moi-même  la  parole  que  saint  Ephrem  a  prononcée  du 
Souverain  Prêtre:  Sacerdos  victimw  suae  et  viclinia  sacerdotii  xui  ? 

Je  suis  le  gardien  de  Jésus-Hostie  que  j'enferme  dans  son  tabernacle 
comme  dans  une  prison  d'amour.  Là,  j'aime  à  le  visiter  comme  le  divin 
ami  qui  a  fait  de  moi  un  autre  lui-même:  Jam  non  diram  vos  servos  sed 
amicos. 

Puis-je  rester  (|iiel'(pu's  instants  seulement  à  ses  ])ieds,  sans  apprendre 
de  sa  vie  silencieuse  l'esprit  intérieur,  et  de  sa  vie  cachée,  l'esprit  d'humi- 
lité; ce  double  espi-it  qui  constitue  le  fondement  essentiel  de  la  perfec- 
tion sacerdotale  ? 

Je  suis  à  la  Table  Sainte  le  dispensateui'  du  pain  \i\ant  descendu  du 
ciel.  Là,  je  le  vois  se  donnei'  ])ar  mon  ministère  sans  [)référence  et  sans 
<hoix,  sans  limite  et  sans  fin.  T^à,  je  le  vois  enchaîner  sa  puissance  et 
])ro(]iguer  son  amour,  à  ce  point  qu'il  se  livre  à  ses  ennemis  comme  à 
ses  amis,  aux  sacrilèges  profanateurs  comme  aux  fervents.  Quelle  su- 
blime leçon  de  zèle  et  de  cliarité  pour  le  pasteur  des  âmes!     En  ])résence 


—  733  — 

d'un  tel  exemple,  eomnient  ne  pas  aimer  ses  frères,  tous  ses  frères  ? 
Comment  reculer  devant  Touldi  des  injures  et  le  pardon  des  offenses; 
comment  ne  pas  être  dévoré  par  la  flamme  du  zèle:  im pendant  et  super- 
impendar  ipse  pro  aniniabits  vestrù  t  Comment  ne  pas  réaliser  jus- 
qu'au bout  cette  parole  de  TApôtre,  telle  que  l'explique  et  la  commente 
saint  Bernard  :  I inpendcre  curani,  impendere  snbstantiani,  imprndfre 
et  seipsum  ? 

.l'ai  ])nuv  mission  enfin  de  faire  rayonni'r  -Jésus  dans  l'ustensoir.  Je 
l'élève  sur  les  hauteurs  de  l'autel  ;  je  l'expose  aux  adorations  et  aux  hom- 
ma^îes  du  peuple  fidèle.  Comment  le  contem))ler  dans  cette  suave  ma- 
nifestation, sans  me  souvenir  (pi'à  mon  tour  je  dois  être  comme  un 
ostensoir  vivant,  destiné  à  faire  paraître,  dans  ma  forme  extérieure, 
dans  la  gravité  de  ma  tenue,  dans  la  dignité  et  la  modestie  de  ma  per- 
sonne, dans  la  réserve  de  mes  paroles,  dans  toute  l'édification  de  ma  vie, 
quelque  chose  de  Celui  qui  m'a  choisi  pour  le  représenter  à  la  face  des 
peuples  ? 

Je  ne  fais,  Messieurs,  que  vous  indiquer  ces  pensées.  Il  serait  super- 
flu de  les  developj)er  devant  vous. 

Je  voudrais  terminer  cette  heure  d'adoration  par  une  ])rière.  N'est-ce 
pas  encore  plus  nécessaire  de  prier  (pie  de  promettre  ?  La  promesse 
est  téméraire  parce  qu'elle  procède  de  notre  faiblesse;  la  prière  est  puis- 
sante parce  qu'elle  nous  vaut  le  secours  de  Dieu. 

HT 

Cette  prière,  je  l'emprunte  à  saint  Ignace.  \'ous  la  connaissez  tous; 
elle  vous  a  souvent  servi  de  préparation  ou  d'action  de  grâces  au  divin 
sacrifice. 

Ame  de  Jisus.  mnctijicz-nuii'.  Kn  invo(|uant  cette  âme  privilégiée 
qui  fut  liypostatiquement  unie  à  la  divinité,  denuindons-lui  de  nous 
rendre  participants  des  trésors  de  science  et  de  sagesse  dont  elle  fut 
remplie.  Puis,  prenant  une  à  une  les  fac-ultés  de  cette  âme.  supplions 
l'intelligence  de  Jésus  de  sanctifier  nos  intelligences,  afin  (prelles  ne 
connaissent  que  les  pensées  nobles  et  pures;  la  volonté  de  Jésus,  de 
sanctifier  notre  volonté,  afin  qu'elle  demeure  fixée  dans  le  bien;  le  cœur 
de  Jésus,  de  sanctifier  notre  cœur,  afin  que  nous  puissions  dire  en  toute 
vérité  ce  qu'aiuuiit  à  répéter  saint  Franc^-ois  de  Sales:  "Seigneur  mon 
Dieu,  si  je  savais  qu'il  y  eut  en  mon  cœur  une  seule  fibre  qui  ne  fut  pas 
entièrement  détrempée  dans  votre  amour  divin,  je  l'arracberais  à  l'ins- 
tant." 

"  Corps  de  Jésus,  sauvez-moi."  C'est  notre  corps  qui  sert  de  cfimplice 
au  péché;  voilà  pourquoi  le  corps  de  Jésus  a  été  rinstrumeiu  de. notre 
rédemption  au  calvaire.  C'est  encore  pour  notre  salut  <|u'il  est  devi-nu 
notre  aliment  sur  l'autel.  .VpnV  lui  avoir  demandé,  à  ce  corps  adorable, 
de  "garder  notre  âme  pour  la  vie  éternelle,"  nous  pouvons  considérer 
les  puissances  de  ce  corps  et  demander  aux  yeux  de  Jésus  de  garder  nos 
yeux,  afin  (pi'ils  ne  voient  que  ce  (pi'ils  doivent  voir:  aux  oreilles  de 
Jésus,  de  garder  nos  oreilles,  afin  (|u"elles  n'entendent  que  ce  (piVlloî» 
doivent  entendre:  aux  lèvres  de  Jt'sus.  de  garder  nf»s  lèvres,  afin  (|uVlles 
ne  jirononcent  jaînais  une  pantle  (pii  ne  soit  conforme  à  l'esprit  sacer- 


—  734  — 

dotal;  aux  mains  et  aux  pieds  de  Jésus,  de  garder  nos  mains  et  nos 
pieds,  afin  que  nos  actions  et  nos  démarches  soient  selon  les  exigences 
du  saint  Evangile. 

"  Sang  de  Jésus,  enivrez-moi!  "  Le  sang  de  Jésus  commença  à  couler 
presqu'au  lendemain  de  sa  naissance,  au  jour  de  sa  circoncision;  il  coula 
plus  abondant  au  jardin  des  Oliviers,  à  l'heure  de  son  agonie;  il  fut 
répandu  par  torrents  au  calvaire.  Quand  Jésus  eut  expiré,  nn  soldat 
vint;  instrument  inconscient  de  la  Providence,  il  ouvrit  de  sa  lance  le 
cœur  du  divin  Maître,  quelques  gouttes  de  sang  jaillirent  de  cette  bles- 
sure, c'étaient  les  dernières;  il  fallait  qu'on  pût  dire  que  Jésus  avait 
donné,  pour  le  salut  du  monde,  jusqu'à  la  dernière  goutte  de  son  sang. 
Ce  sang,  Messieurs,  est  devenu  sur  l'autel  notre  breuvage  quotidien  et 
pour  nous,  plus  que  tout  autre,  ce  breuvage  doit  s'appeler:  Vinum  ger- 
iiiinans  virgines.  Oui,  qu'il  nous  donne  une  céleste  ivresse,  la  seule  qui 
demeure  permise  à  un  cœur  de  prêtre  ! 

''Eau  du  côté  de  Jésus,  lavez-moi!  "  Du  cœur  entr'ouvert  du  divin 
crucifié,  avec  les  gouttes  de  sang,  tombèrent  quelques  gouttes  d'eau. 
Serait-il  téméraire  de  penser  que  ce  furent  les  dernières  larmes  qui 
n'avaient  pas  pu  monter  jusqu'aux  paupières  de  l'adorable  Victime  ? 
Et  ces  gouttes  d'eau  sont  le  symbole  de  la  pénitence,  comme  les  gouttes 
de  sang,  de  l'Eucharistie.  Or,  Messieurs,  toutes  les  fois  que,  prosternés 
au  tribunal  sacré,  nous  y  recevons  la  sentence  du  pardon,  c'est  cette 
eau  mystérieuse  qui  jaillit  du  côté  de  Jésus,  pour  purifier  nos  âmes 
dans  ce  sacrement  si  bien  nommé  "le  baptême  des  larmes."  Même 
'après  nous  être  régénérés  dans  ce  bain  salutaire,  ne  gravissons  jamais 
les  degrés  du  saint  autel  sans  demander  à  Jésus  de  faire  descendre  de 
son  cœur  jusqu'à  notre  cœur,  quelques  gouttes  de  cette  eau  destinée  à 
nous  rendre  plus  purs  et  plus  saints. 

"Passion  de  Jésus,  fortifiez-moi! "  La  passion  de  Jésus,  elle  se  re- 
nouvelle tous  les  jours  à  l'autel  par  notre  ministère.  Or,  cette  passion 
divine  doit  être  la  force  du  prêtre.  Nous  marchons  dans  la  vie  en  cô- 
toyant deux  abîmes  creusés  par  le  péché  originel:  l'abîme  du  péché  et 
l'abîme  des  douleurs.  Puis  donc  que  Jésus,  sur  la  Croix,  est  tout  en- 
semble et  notre  rédempteur  et  notre  modèle,  comme  rédempteur  il  nous 
arme  contre  le  péché  dont  il  nous  révèle  la  malice  infinie;  comme  mo- 
dèle il  nous  arme  contre  la  douleur,  dont  il  nous  révèle  le  prix,  et  c'est 
ainsi  que  la  contemplation  de  la  croix  engendre  des  héros  capables  de 
dire  "  qu'on  ne  souffre  pas,  quand  on  souffre  après  un  Dieu." 

"  0  Ion  Jésus,  exaucez-moi!  "  Voici,  Messieurs,  une  invocation  qui  se 
trouve  au  milieu  de  notre  prière  comme  un  trait-d'union  entre  la  pre- 
mière et  la  seconde  partie,  comme  la  conclusion  de  la  première  et  l'in- 
troduction à  la  seconde.  Nous  appelons  Jésus  par  son  nom,  par  son 
vrai  nom  ;  nous  faisons  appel  à  sa  bonté  c'est-à-dire  à  son  cœur.  Qu'al- 
lons-nous donc  lui  demander  ?  Trois  grâces  pour  le  temps  et  trois 
grâces  pour  l'éternité. 

"  Cachez-moi  dans  vos  plaies  sacrées  !  "  C'est  la  première  grâce  dont 
nous  avons  besoin  pour  le  temps,  car  nous  sommes  des  séparés.  Entre 
nous  et  le  monde  il  doit  y  avoir  un  abîme  infranchissable,  et  nous  de- 
mandons à  Jésus  de  nous  cacher  dans  la  plaie  de  ses  pieds,  pour  nous 
prémunir  contre  l'orgueil  du  monde;  dans  la  plaie  de  ses  mains,  pour 


~:3ô  — 

nous  prémunir  contre  la  perversité  du  monde;  dans  la  plaie  de  son  cœur, 
pour  nous  prémunir  contre  les  séductions  du  monde. 

"JSe  permettez  pas  que  je  sois  séparé  de  vous!"  C'est  la  seconde 
grâce  pour  le  temps.  Après  avoir  demandé  à  Jésus  d'être  pour  nous  un 
asile  de  paix  nous  lui  demandons  d'être  notre  centre  de  vie,  car  nous 
sommes  des  consacrés  et  des  consécrateurs.  Xous  avons  en  effet  à  nous 
défendre  contre  un  ennemi  plus  redoutable  que  le  monde,  c'est  nous- 
mêmes,  c'est  le  foyer  de  corru[)tion  cjue  nous  portons  en  nous.  Or,  pour 
nous  élever  au-dessus  de  nous-mêmes,  pour  dompter  notre  nature  per- 
vertie, nous  n'avons  qu'un  moyen:  unir,  identifier  notre  vie  avec  celle 
de  Jésus.  "  A  qui  donc  iriotis-nous,  Seigneur,  s'écriait  l'Apôtre  saint 
Pierre,  Vous  seul  avez  les  paroles  de  la  \\c  éternelle  ?" 

"Défendez-moi  de  l'esprit  m<ilin!  "  C'est  la  troisième  grâce  pour  le 
temps;  nous  demandons  à  Jésus  d'être  pour  nous  un  rempart  de  sûreté. 
Nous  sommes  des  médiateurs  et  des  sauveurs  et  contre  notre  médiation, 
contre  notre  apostolat,  ne  voyons-nous  pas  se  dresser  l'antique  ennemi  :' 
Xe  savons-nous  pas  aussi  que  notre  sacerdoce  ne  suffit  point  pour  nous 
mettre  à  l'abri  de  ses  suggestions  ?  Au  contraire,  c'est  un  motif  pour 
qu'il  redouble  de  ruse  et  de  malice,  et  nous  disons  à  Jésus  :  "  Seigneur, 
soyez  vous-même  ma  forteresse'  inexpugnable  !  En  définitive,  ô  mon 
Dieu,  je  le  dis  avec  une  sainte  hardiesse,  n'est-ce  pas  vous  défendre  vous- 
même  que  de  défendre  votre  prêtre  ?  X'est-il  pas  votre  ouvrage,  votre 
enquête,  votre  propriété  ? 

"A  l'heure  de  ma  mort  appelez-moi."  C'est  la  première  grâce  de 
l'appel.  L'appel  de  la  mort  est  si  redoutable!  11  l'est  pour  tous;  il  l'est 
davantage  pour  le  prêtre  qui  doit  porter  devant  Dieu  de  si  graves  res- 
ponsabilités !  Ce  terrible  appel  de  la  mort,  venez  l'adoucir,  ô  Jésus,  en 
m'appelant  vous-même  ! 

Xe  pouvons-nous  pas  discerner  dans  cette  invocation  une  allusion  à 
un  passage  du  saint  Evangile  ?  Le  texte  sacré  nous  apprend  (jue  le  Juge 
souverain  prononcera  la  sentence  sur  les  réprouvés,  en  leur  disant:  "  Non 
novi  vos,  je  ne  vous  connais  point."  X'êtrc  point  connu  ]>ar  Celui  (jui 
a  la  science  infinie,  quelle  cllrovable  menace  !  0  Jésus,  épargnez  à  mon 
âme  ce  malheur,  le  plus  irréparable  de  tous;  à  l'heure  de  ma  mort,  ap- 
pelez-moi ;  appelez-moi  par  mon  nom,  par  mon  vrai  nom  ;  montrez  que 
je  suis  du  nombre  de  ceux  que  vous  reconnaissez  et  non  point  de  ceux  que 
vous  reniez  ! 

"Et  ordonnez  vous-même  que  j'aUie  à  vous!"  C'est  la  seconde  grâce 
pour  l'éternité,  la  grâce  d'un  appui.  Encore  ici,  nous  trouvons  une  al- 
lusion très  évidente  à  une  page  évangélique.  Un  jour,  Notre-Seigncur 
daigna  apparaître,  sur  le  lac  de  Tibériade,  aux  apôtres  qui  étaient  oc- 
cupés à  la  pêche:  Ceux-ci  croyaient  voir  un  fantôme;  Jean,  l'apôtre 
vierge,  fut  le  premier  à  le  reconnaître:  la  virginité  à  un  d'il  plus  ])éné- 
trant  quand  il  s'agit  de  voir  Dieu.  Alors  Pierre,  n'é-c-outani  que  l'ardeur 
de  sa  foi  et  l'enthousiasme  de  son  amour,  s'écria:  "Si  c'est  vous,  ô 
Maître,  ordonnez  donc  que  j'aille  à  vous."  Et  le  Maître  exauça  la  de- 
Hiande'de  l'apôtre,  et  il  rendit  les  flots  fermes  6ou.<5  ses  pieds.  Mais,  la 
foi  (le  Pierre  venant  à  cbanccltT  parce  (pio  le  vent  était  vident,  les  eaux 
cessèrent  de  le  porter,  et  comme  il  se  voyait  sur  le  point  d'être  englouti 
il  s'écria  •  "  Seigneur,  sauvez-moi  î  "     .Tésus  alors  étendit  miséricordieu- 


iOO  — 

sèment  sa  main,  le  releva,  lui  permit  de  nouveau  de  marcher  sur  les 
vagues  et  lui  dit  :  "  Homme  de  peu  de  foi,  pourquoi  as-tu  douté  ?  " 

A  riieure  de  notre  passage  du  temps  à  Téternité,  Messieurs,  il  y  aura 
plus  qu'un  lac  à  franchir,  ce  seront  les  torrents  de  flammes  du  purga- 
toire et  nous  disons  à  Jésus:  "  A  ce  moment  redoutahle,  ordonnez  donc 
que  j'aille  à  vous,  c'est-à-dire  soyez  vous-même  mon  appui  afin  qu'il  me 
soit  donné  de  franchir,  sans  y  être  plongé,  cet  océan  de  flammes." 

"Afin  que  je  vous  loue  avec  tous  vos  élus  dans  les  siècles  des  siècles!" 
C'est  la  troisième  grâce  pour  l'éternité,  la  grâce  d'un  cantique,  cantique 
de  louanges,  cantique  d'adoration,  de  reconnaissance  et  d'amour,  cantique 
chanté  dans  la  société  des  anges  et  des  saints,  cantique  qui  durera  aux 
siècles  éternels  ! 

Quand  donc  me  serait-il  donné  de  le  chanter,  ce  cantique  ?  Ici-bas, 
nous  vous  voyons.  Seigneur,  mais  à  travers  un  voile;  ici-bas,  nous  vous 
aimons,  mais  avec  des  cœurs  si  faibles  et  si  inconstants  !  Quand  donc 
nous  serait-il  donné  de  quitter  cette  terre  oii  l'on  peut  encore  vous  ou- 
blier et  vous  offenser,  pour  aller  là-haut,  où  l'on  ne  peut  que  vous  pos- 
séder et  vous  louer  sans  fin  ?  Ah  !  je  comprends  la  parole  enflammée 
de  l'apôtre  saint  Paul  :  "' Desiderium  habens  dissolvi  et  esse  cum  CJiristo!" 

0  Jésus  !  En  attendant  cette  heure,  impatiemment  désirée,  où  je 
pourrai  vous  voir  face  à  face,  et  jouir  de  vous  éternellement,  soyez  vous- 
même  la  consolation  de  mon  exil  en  me  faisant  savourer  les  délices  de 
votre  Eucharistie  !  Qu'elle  soit  l'unique  aspiration  de  mon  âme,  le  seul 
bonheur  de  ma  vie,  l'avant-goût  et  le  gage  de  ma  bienheureuse  éternité  ! 
Puissé-je  expérimenter  en  moi-même  tout  ce  qu'il  y  a  de  vrai  et  de  suave 
dans  cette  parole,  écrite  par  un  prêtre  qui  allait  mourir  à  la  fleur  de 
l'âge,  alors  qu'il  donnait  de  si  belles  espérances  à  l'Eglise  de  France  : 
"Où  n'v  a-t-il  pas  un  autel  et  une  hostie  à  consacrer,  et  que  faut-il  de 
plus  iH)ur  être  un  prêtre  heureux  !  ''     Amen. 

* 

L'heure  d'adoration  se  termina  par  le  salut  du  T.  Siint- 
Sacrenient  chanté  par  les  prêtres.  De  toutes  les  heures  du 
Congrès  Eucharistique,  CBlle-ci  fut  assurément  la  plus  conso- 
lante pour  le  Cœur  du  divin  Maître,  et  pour  ceux  qui  la 
vécurent  l'une  des  plus  délicieuses  et  des  plus  fécondes. 

La  seconde  séance  sacerdotale  était  close.  Elle  avait  été 
aussi  biillante  que  celle  de  la  veille.  Dix-huit  cents  prêtres 
l'avaieiii  suivie  avec  intérêt. 


—  (  ô  i  — 


§  III.  —  Séance  du  samedi,  10  septembre 


La  troisième  et  dernière  séance  sacerdotale  se  tint  le  sa- 
medi matin,  à  cause  des  grandes  assemblées  d'hommes  et 
de  jeunes  gens  qui  devaient  avoir  lieu  dans  raprès-midi  et 
aux(|uelles  tant  de  piètres  tenaient  à  assister. 

Cette  dernière  séance  saceixlotale  avait  été  mis?  sous  la 
présidence  deMoiiseigneur  Maes,  évêque  de  Covington,  le  dé- 
voué président  de  l'Association  des  Prêtivs- Adorateurs  aux 
Etats-Unis.  Il  était  assisté,  comme  secix'taire,  par  le  vénér.3 
M.  Lecoq,  supérieur  de  St-Sulpice.  L'assistance,  vu  la  messe 
en  plein  air,  qui  venait  d'avoir  lieu  au  Parc  Mauce  par  suite 
d'un  changement  dans  le  programme,  et  vu  aussi  les  deux 
séances  générales  du  Monument  National  et  de  l'Université 
Laval  qui  avaient  lieu  en  même  temps,  fut  sans  iloute  moins 
nombreuse  que  les  précédentes:  environ  700  prêtres  la  sui- 
virent. Mais  les  travaux  présentés  ne  furent  pas  moins  in- 
téressants. 

Après  quelques  paroles  de  Mt^r  le  Pré."^i(lent.  le  R.  P. 
GaJtier,  S.  S.  S.,  secrétaire  du  Comité  des  travaux,  signale 
plusieurs  vœux  soumis  à  l'apijrobation  du  Congiès.  Il  en 
est  un  d'une  particulière  importance,  reçu  de  plusieurs  côtés 
à  la  fois.  On  demande  que  des  démarch<'s  soient  faites  en 
Cour  de  Rome  pour  obtenir  que  VOctave  de  la  fêle  du  Très 
Saint-Sacrement  soit  déclarée  Octave  privilégiée  "  ad  iîustar  Ef^- 
pJiania£  et  Pcntccostes  ",  et  que  soit  étendu  à  tous  les  prêtres 
le  privilège,  dont  jouissent  déjà  certains  instituts  religieux, 
de  réciter  durant  toute  cette  Octave,  l'office  si  beau  et  si 
sacerdotal  du  Très  Saint-Sacrement,  le  chef-d'œuvr<^  de 
l'angélique  Docteur. 

Un  tonnerre  d'applaudissements  ratifie  cette  proposition 
et  prouve  qu'elle  a  été  au  cœur  de  tous  les  prêtres  pi-éscnts. 

Puis  le  Père  Galtier  donne  communication  d'un  autr<»  vœu 
important:  celui  de  voir  solniniser  la  fête  du  Sacré-Cœur  de 
Jésus,  le  jour  même  où  ell<»  tombe,  c'est-à-dire  le  vendredi 
après  l'Octave  de  la  Fête-Dieu,  jour  nuqu<'l  des  grAces  spé- 
ciales sont  attachées  en  vertu  des  promisses  mêmes  de  Notre- 
Seigneur. 


24 


—  738  — 

La  parole  est  alors  donnée  au  premier  rapporteur,  M.  l'abbé 
Lecoq,  Supérieur  de  St^Sulpice  et  Vice-Président  du  Comité 
des  travaux,  qui  doit  traiter  du  :  "  Recrutement  des  vocations 
ecclésiastiques.^' 

Nous  n'avons  pu  nous  procurer  de  ce  travail  qu'un  résumé 
très  court. 

Notre-Seigneur  a  établi  le  recrutement  sacerdotal  en  établissant  un 
sacerdoce  qui  doit  durer  toujours.  C'est  l'œuvre  de  l'épiscopat,  mais 
par  le  clergé  inférieur.  L'œuvre  consiste  :  1°  à  préparer  le  terrain 
des  vocations  dans  la  famille,  la  paroisse,  l'école,  les  groupes  d'enfants 
de  chœur  ;  2°  à  discerner  les  vocations  dans  les  visites  de  paroisse  et 
d'écoles,  mais  surtout  au  confessionnal  ;  et  dans  une  première  culture  de 
triage  à  l'Ecole  presbytérale ;  3°  à  cultiver  les  vocations  selon  l'esprit  de 
l'Eglise  dans  des  maisons  spéciales  ou  séminaires,  le  grand  moyen  de 
culture  étant  —  du  premier  éveil  à  la  prêtrise  —  le  culte  vivant  et  vital 
de  l'Eucharistie. 

Vœu  : 

Que  chaque  prêtre  fasse  toute  sa  vie  de  ce  recrutement  une  de  ses 
œuvres,  sinon  son  œuvre  capitale; 

Qu'il  y  associe  tous  ses  auxiliaires-nés,  mères  de  famille,  instituteurs, 
personnes  riches,  etc. 


Monsieur  l'abbé  Perrier,  visiteur  des  Ecoles  catholiques, 
de  la  ville  de  Montréal,  présente  ensuite  une  étude  sur  : 


LES  ŒUVRES  POST-SCOLAIRES 


Messieurs  et  bien  chers  Confrères, 

On  raconte  qu'à  la  bataille  de  Eézonville,  les  Français  et  les  Alle- 
mands avaient  les  yeux  tournés  avec  anxiété  vers  un  point  élevé  que 
dominait  un  clocher  :  c'était  le  village  de  Tronville.  L'armée  qui  s'em- 
parerait de  cette  hauteur  serait  sûre  de  la  victoire,  car  elle  pourrait  y 
déjouer  l'effort  de  l'ennemi. 

L'observateur  attentif  constate  dans  nos  sociétés  contemporaines  une 
même  préoccupation.  Tous  les  yeux  sont  fixés  sur  une  position  qui 
attire  tous  les  regards.  Le  camp  du  bien  et  le  camp  du  mal  concentrent 
leurs  efforts  su»-  un  même  point:  c'est  l'enfance,  c'est  la  jeunesse  qui 
gardent  le  secret  de  nos  destinées.  L'ennemi  veut  s'en  emparer.  Nous 
devons  nous  préparer  à  la  lutte. 


—  739  — 


Nos  écoles 


Sans  doute  que  dans  plusieurs  provinces  du  Dominion,  nos  écoles  sont 
catholiques,  nos  collèges  sont  dirigés  par  des  maîtres  catholiques,  nos 
universités  s'inspirent  également  de  la  haute  et  sage  direction  de  l'Eglise. 
Dans  la  province  de  Québec,  en  particulier,  on  se  réjouit  à  bon  droit  de 
voir  que  les  droits  des  parents  sont  respectés  en  matière  éducationuelle, 
et  que  leurs  fils,  qui  sont  des  baptisés,  reçoivent  une  éducation  conforme 
à  leur  foi  et  à  leur  éternelle  dfstinée.  Pourtant  force  nous  est  bien 
d'avouer  que  nous  avons  besoin  d'organiser  des  œuvres  postscolaires  pour 
suppléer  à  la  scolarité  trop  courte  quand  il  s'agit  de  l'école  primaire,  et 
pour  préserver  et  pour  développer  l'œuvre  commencée  quand  il  s'agit 
d'enseignement  secondaire  et  supérieur. 

Je  n'ignore  pas  que  l'Association  Catholique  de  la  Jeunesse  Cana- 
dienne-française organise  des  cercles  d'étude.  Déjà  elle  en  compte  qua- 
rante; mais  plus  d'une  vingtaine  sont  dans  les  collèges  où  ils  rendent 
sans  doute  de  grands  services  en  formant  le  jeune  homme  pour  son  rôle 
social;  pourtant  il  faudrait  les  multiplier  pour  s'emparer  de  la  jeunesse 
qui  a  quitté  les  établissements  scolaires. 

Œuvres  existantes 

Je  veux  également  rendre  hommage  aux  conférences  de  Saint-Vincent 
de  Paul,  aux  ligues  du  Sacré-Cœur,  aux  quelques  cercles  paroissiaux  qui 
existent,  aux  patronages  des  Frères  de  Saint-Vincent  de  Paul,  à  Québec 
et  à  Lévis;  des  Frères  de  Saint-Gabriel  à  Montréal.  Le  5  juin  dernier, 
vingt-cinquième  anniversaire  du  patronage  de  Québec,  n'avions-nou?  pas 
sous  les  yeux  le  touchant  spectacle  de  voir  deux  cent  cinquante  "  an- 
ciens "  répondre  à  l'invitation  des  Frères  de  Saint-Vincent  de  Paul,  et 
accuser  ainsi  la  vitalité  de  l'œuvre?  Je  ne  voudrais  pas  non  plus  omettre 
les  amicales  réunions  de  certaines  maisons  d'éducation  primaire  et  se- 
condaire. Ces  fêtes  du  retour  des  anciens  à  la  vieille  Aima  Mater 
retrempent  les  âmes  aux  souvenirs  d'antan.  On  se  reprend  à  vivre 
l'idéal  toujours  très  élevé  que  l'on  faisait  miroiter  à  nos  yeux.  'Mai?  on 
dehors  de  ces  précieuses  initiatives  que  je  ne  saurais  trop  louer,  je  sens 
le  besoin  de  faire  un  plaidoyer  imi  faveur  des  œuvres  post-scolaires  qu'il 
faudrait  multiplier,  si  l'on  ne  veut  pas  que  nos  jeunes  soient  livrés  sans 
défense  à  l'ennemi  au  sortir  de  l'école. 

I.  —  Nécessité  des  œuvres  post-scolaires 

Il  est  dans  toute  vie  humaine  une  heure  particulièrement  décisive  ; 
est  celle  du  passage 
passage  de  la  jeunesse 


c'est  celle  du  passage  de  ronfanco  à  l'adolescence,  ou  celle  encore  du 
passaire  de  la  jeunesse  à  la  maturité,  celle  où  l'enfant  va  devenir  homme 
et  marcher  publiquement  au  chemin  voulu  par  lui:  heure  de  crise  sou- 
vent, heure  d'hésitation,  d'angoisses  et  de  combats  d'où  toute  la  carrière 

dépend.  .        ^  .,  ,         .     , 

A  ce  moment-là.  malgré  la  préparation  des  premières  annecp.  «i  »•- 


—  710  — 

rieuse  qu'elle  ait  été,  il  y  a  comme  une  ivresse  de  première  liberté  qui 
éblouit  et  aveugle  les  meilleurs,  comme  un  esprit  de  vertige  qui  emporte 
l'âme  aux  extrêmes.  Une  lutte  terrible,  quelquefois  très  longue,  s'engage 
alors  à  l'entrée  de  la  vie  entre  l'iniinnité  humaine  et  la  volonté  du  bien. 
On  dirait  que  l'ennemi  des  âmes  jeunes  les  attend  à  ce  passage  pour 
leur  livrer  ses  plus  rudes  assauts  et  prendre  plaisir  à  démonter  ironi- 
quemont  pièce  par  pièce  ou  jeter  d'un  seul  coup  par  terre,  dans  des 
ruines  pleines  de  larmes  et  de  honte,  l'édifice  de  l'éducation  chrétienne, 
comme  s'il  lui  importait  peu  que  l'enfance  et  la  jeunesse  fussent  à  Dieu, 
pourvu  que  la  virilité  lui  reste. 

Un  rempart  pour  les  classes  populaires 

Les  œuvres  post-scolaires  sont  le  rempart,'  l'armure  ou  le  refuge  de 
cette  heure  angoissante,  qui  sonne  pour  tous,  mais  plus  terrible  pour  les 
fils  du  peuple  que  pour  tous  les  autres,  parce  que  la  plupart  du  temps, 
il  y  a  au  foyer  de  l'ouvrier  plus  de  tentation,  et  moins  de  défense,  moins 
d'exemples  forts  et  plus  de  péril,  plus  d'inexpérience  et  moins  de  res- 
sources. Voyez  en  effet  ce  qui  se  passe.  A  quatorze  ans,  le  travail, 
l'industrie,  le  commerce  vont  jeter  les  jeunes  gens  dans  un  milieu  hostile 
à  leur  foi,  à  leur  vertu.  Vont-ils  persévérer  dans  leurs  bonnes  résolu- 
tions? Ils  sont  exposés  à  oublier  leurs  croyances,  ils  voient  la  corrup- 
tion autour  d'eux.  IS'e  faut-il  pas  les  éclairer,  les  affermir,  les  évangé- 
liser?  A  qui  ce  ministère  incombe-t-il  surtout?  Vous,  membres  de  la 
tribu  sacerdotale,  serez-vous  indifférents  au  sort  de  ceux  à  qui  vous 
avez  donné  la  vie  chrétienne  par  le  saint  baptême  ?  Allez-vous  les  aban- 
donner après  les  avoir  nourris  du  lait  de  la  doctrine  jusqu'au  jour  de 
leur  première  communion?  Ouvrez  des  patronages.  Eemplissez-les 
d'attraits  variés.     Créez  des  œuvres  de  jeunesse. 

Heureux  les  enfants  qui  peuvent  être  ainsi  accueillis  dans  cette  nou- 
velle famille.     Ils  resteront  fervents  chrétiens. 

Les  parents  se  féliciteront  de  trouver  des  coopérateurs  et  des  sup- 
pléants dans  un  clergé  qu'ils  apprennent  ainsi  à  connaître,  à  apprécier. 
Ils  se  rendront  aux  fêtes,  aux  séances  de  l'œuvre.  Un  patronage  peut 
être  pour  le  prêtre  un  foyer  d'influence  heureuse  et  d'apostolat  dans  la 
famille  et  la  paroisse. 

îsTos  jeunes  gens  grandiront  libres,  honnêtes  et  purs  à  l'ombre  de  nos 
clochers;  nous  ne  les  laisserons  pas  croupir  à  l'entour  des  temples  ma- 
çonniques ! 

Aujourd'hui  même  dans  notre  pays,  il  s'agit  de  savoir  si  le  prolétariat 
ouvrier  ira  communier  dans  la  haine  de  Dieu,  aux  pâques  rouges  ou,  si, 
dans  nos  églises,  il  continuera  de  prendre  au  banquet  divin  la  place  des 
convives  du  cénacle,  avec  les  artisans  de  Galilée. 

"  L'avenir  est  à  ceux  qui  croient,  à  ceux  qui  affirment  et  à  ceux  qui 
agissent." 

Nos  clochers  sont  nombreux  sui  notre  sol  canadien.  Eh  bien,  il  fau- 
drait, comme  le  disait  Bazire,  en  parlant  de  la  France,  qu'au  pied  de 
chacun  se  fondât  un  groupe  de  jeunesse  catholique,  ne  fût-ce  que  pour 
défendre  au  moment  venu,  et  ce  moment  est  peut-être  proche,  l'église 
que  domine  le  clocher. 


—  741  — 

Mais  si  nous  laissons  les  jeunes  sans  secours,  comment  voulez-vous 
que  nous  n'ayons  pas  un  grand  nombre  d'adolescents  semblables  à  ceux 
dont  Lacordaire  disait  qu'à  la  fleur  de  Tâge  ils  portent  déjà  la  flétrissure 
du  temps  ?  Comment  voulez-vous  que  nous  ayons  une  race  de  militants 
qui  soient  armés  de  toutes  pièces  pour  les  combats  de  la  vie? 

Jeunes  gens  des  classes  aisées 

Les  œuvres  de  jeunesse  sont  nécessaires  aux  enfants  des  classes  popu- 
laires. C'est  entendu.  Depuis  leur  première  communion  jusqu'à 
l'époque  de  leur  mariage,  ils  vivent  la  période  décisive  de  leur  existence 
et  préparent  leur  vie.  Ouvriers  laborieux  ou  volontaires,  sans  travail, 
citoyens  honnêtes  ou  fauteurs  de  désordre,  hommes  religieux  ou  athées, 
que  seront-ils  plus  tard?  Leur  adolescence  en  décidera,"  Mais  que  l'on 
ne  croie  pas  que  les  œuvres  postscolaires  ne  soient  pas  nécessaires  aux 
enfants  des  classes  aisées,  aux  élèves  de  nos  collèges  classiques  ou  de  nos 
écoles  supérieures,  aux  étudiants  jetés  sur  le  pavé  de  nos  grandes  villes. 

Les  jeunes  gens  qui  ont  fini  leurs  études  et  qui  font  leurs  premiers 
pas  dans  une  carrière  libérale,  tous  les  jeunes  gens  doivent  entrer  dans 
quelque  association  pour  trouver  un  abri  et  une  véritable  formation 
sociale.  Ils  sont  nombreux  les  dangers  iuliérents  à  leur  âge.  La  foi 
est  battue  en  brèche  même  dans  nos  milieux  catholiques.  Elle  est  pro- 
fondément vraie  cette  parole  d'un  de  nos  amis  de  France  qui  avait  vécu 
ici  dans  les  meilleurs  groupes  de  notre  société  canadionno-fran<;'aise  et 
qui  disait  dans  toute  la  sincérité  de  son  âme:  "  Votre  peuple  a  des  pra- 
tiques religieuses;  il  parle  comme  s'il  n'avait  pas  la  foi."  C'est  que 
nous  souffrons  de  l'absence  de  convictions  religieuses.  Nos  jeunes  gens 
cultivés  ont  besoin  d'une  instruction  religieuse  solide  et  d'une  éducation 
morale  appropriée.  On  a  fait  remar.iuer  que  la  science  profane  et  la 
science  religieuse  peuvent  se  comparer  à  deux  plateanx  d'une  balance. 
L'un  des  plateaux  est  en  bas;  à  le  charger,  le  jeune  homme  stu<lieux 
passe  des  années  entières  et  fournit  une  tâche  de  huit,  dix  et  douze 
heures  par  jour.  C'est  le  plateau  de  la  science  profane.  L'autre  pla- 
teau, au  contraire,  est  en  haut,  à  peu  près  vide;  c'est  celui  de  la  science 
sacrée.  En  efîet,  à  l'école  primaire,  cet  enseignement  est  nécessairement 
incomplet.  Dans  l'enseignement  secondaire,  on  s'lial)ituf  à  considérer 
l'instruction  religieuse  comme  des  hors  d'œuvres.  Qu'adviendra-t-il 
alors  de  nos  jeunes  gens  quand  l'heure  critique  sonnera  et  elle  sonnera 
nécessairement? 

"  Que  l'esprit  d'un  jeune  hoiiimi',  écrit  M.  l'abbé  Fonsagrive^,  soit 
atteint  par  des  doutes  au  point  de  la  foi  (et  les  doutes  sont  fréquents  à 
cet  îise)  ou  bien  que  son  cœur  ou  ses  sens  soient  troublés,  il  faut  qu'il 
puisse  trouver  des  appuis,  dos  guides  sûrs,  auprès  d'une  âme  de  prêtre 
et  d'ami  qui  soit  entièrement  à  lui,  auprès  d'homnu'S  plus  âgés  qui-  lui 
qui  répondront  à  ses  doutes  et  lui  donneront,  avec  d'atTectueux  conseils 
la  salutaire  leçon  de  l'exemple.  Dans  une  telle  société  le  jeune  homme 
connaîtra  mieux  le  cliristianisme.  se  pénétrera  davantage  de  .«on  esprit 
et  réglera  sa  conduite  d'après  les  prét-eptcs  de  rKvan;;ile.  \\\  <'ontact 
du  zèîe  ardent  de  plusieurs  de  ses  nouveaux  amis  il  deviendra  a})ôtre.** 


—  74^  — 


Œuvre  de  formation 

Au  surplus,  les  œuvres  de  jeunesse  ne  sont  pas  seulement  des  œuvres 
de  préservation  pour  la  foi  et  la  vertu  ;  elles  doivent  également  être  des 
œuvres  de  formation.  Jamais  il  ne  faut  négliger  l'éducation  de  la 
liberté  juvénile  ;  et  quand  on  se  trouve  en  face  des  chefs  de  demain,  il 
faut  songer  à  former  des  hommes  de  valeur,  des  hommes  d'action,  des 
hommes  d'influence.  Ils  auront  un  rôle  social  à  exercer.  Qui  redira, 
par  exemple,  le  bien  accompli  par  un  médecin  qui  a  conscience  de  ses 
devoirs  professionnels  ?  En  soignant  les  misères  physiques,  il  n'oubliera 
pas  les  infirmités  morales  et  volontiers,  il  atteindra  au  delà  du  corps  en- 
dolori la  pauvre  âme  souffrante  et  affamée  de  vérité  et  de  justice. 

Mais  pour  cette  action  sociale  il  faut  un  apprentissage.  Il  est  néces- 
saire de  connaître  les  maux  les  plus  urgents  pour  savoir  où  porter  ses 
efforts,  de  connaître  les  remèdes  efficaces  pour  éviter  les  tâtonnements,  si 
fertiles  en  pertes  de  temps  et  en  découragements. 

Il  importe  donc  d'initier  les  jeunes  gens  aux  œuvres  et  de  leur  faire 
étudier  les  questions  qui  s'y  rapportent.  Cette  étude  s'impose  surtout 
à  ceux  qui  doivent  être  capitaines  et  non  pas  simples  soldats. 

M.  Ollé-Laprune  avait  bien  raison  de  dire  :  "  On  s'improvise  docteur 
et  l'on  croit  pouvoir  tout  décider,  sans  n'avoir  jamais  rien  étudié.  L'on 
a  quelques  idées  générales  et  quelques  sentiments  très  généreux,  et  l'on 
se  croit  en  état  de  proposer  des  remèdes  positifs  aux  maux  sociaux.  C'est 
une  grande  imprudence,  une  grande  témérité;  et  voilà  pourquoi  je  crois 
que  c'est  un  devoir  pour  la  jeunesse  sérieuse  d'aciquérir  dans  les  questions 
sociales  une  certaine  compétence  pour  en  traiter." 

Théorie  et  pratique 

Il  faut  donc  des  œuvres  de  jeunesse  pour  répondre  à  ces  besoins.  Je 
pense  en  ce  moment  au  cercle  du  Luxembourg,  à  la  Conférence  Olivaint, 
à  la  Conférence  Laennec,  etc.,  où  se  groupent  les  jeunes  gens  qui  vont  à 
Paris  suivre  les  cours  des  écoles  supérieures.  Ils  étudient  et  s'initient 
aux  œuvres  sociales  de  tout  genre.  L'étude  en  effet  ne  suffirait  pas.  Il 
faut  tenir  les  jeunes  gens  sur  le  terrain  solide  de  la  réalité  et  joindre  la 
théorie  à  la  pratique.  Elle  est  vraiment  d'or  cette  règle  que  donnait 
jadis  Goyau  :  "  Agir  avec  toute  son  intelligence,  étudier  avec  tout  son 
cœur,  voilà  l'idéal.  En  matière  d'études  sociales  comme  d'action  sociale, 
l'intelligence  et  le  cœur  ne  doivent  jamais  être  dissociés."  Modératrice 
et  stimulant  de  l'étude,  l'action  sera  de  plus  en  plus,  en  elle-même  un 
excellent  exercice. 

C'est  avec  les  jeunes  de  l'Université,  c'est  en  soufflant  dans  leurs  âmes 
la  flamme  de  l'apostolat  que  l'on  pourra  répondre  au  désir  de  Pie  X  qui 
veut  tout  restaurer  dans  le  Christ. 

Voulons-nous  relever  dans  les  couches  populaires  la  connaissance, 
l'amour  et  partant  l'imitation  de  Notre-Seigneur  ?  Cultivons  chez  nos 
jeunes  les  conférences  et  en  particulier  les  conférences  apologétiques. 
C'est  ce  que  l'on  a  fait  dans  l'active  Belgique.  On  a  créé  de  multiples 
cercles  de  conférenciers  populaires  à  Mons,  Louvain,  Bruxelles,  Gand, 


—  743  — 

Liège,  Bruges  et  autres  centres  importants.  On  a  institué  "  l'extension 
de  l'enseignement  universitaire.''  Que  les  maîtres  se  lèvent  aussi  et  se 
révèlent  en  nous  donnant  des  disciples  dignes  d'eux,  et  qui  apprennent 
sous  leur  direction  à  se  familiariser  avec  ces  grands  thèmes,  et  à  se  faire 
en  autodidactes  intelligents  et  intrépides,  un  riche  répertoire  de  confé- 
rences de  ce  genre. 

Chez  nos  adversaires 

Cette  importance  des  œuvres  postscolaires,  les  adversaires  de  l'idée 
chrétienne  l'ont  bien  comprise.  Ils  ont  organisé  tout  un  ensemble  d'ins- 
titutions dont  M.  Edouard  Petit  rend  compte  chaque  année  en  entonnant 
rh}-mne  de  la  victoire.  On  reconnaît  là-bas  tout  le  parti  que  l'on  peut 
tirer  d'une  pareille  organisation.  L'on  sent  bien  surtout  que  l'Eglise, 
qui  est  une  force  conservatrice  et  conquérante  tout  à  la  fois,  se  sert  de 
ce  moyen  d'apostolat  pour  l'affermissement  de  sa  puissance  et  la  prise 
de  possession  des  âmes.  Aussi  bien  nous  ne  sommes  pas  surpris  de  voir 
tomber  des  lèvres  de  Lombroso  cette  confession  sur  la  valeur  des  œuvres 
de  jeunesse  créées  par  les  catholiques. 

"  Quoique,  par  principe,  je  sois  bien  loin  de  m'incliner  devant  la  sou- 
tane du  prêtre,  il  est  toujours  indéniable  que,  pour  élever  une  jeunesse 
honnête  et  tempérante,  rien  n'est  plus  efficace  que  de  la  réunir,  les  jours 
de  fête,  pour  l'occuper  à  d'honnêtes  passe-temps  et  lui  donner  des  ensei- 
gnements moraux,  précisément  comme  cela  se  pratique  dans  les  œuvres 
catholiques  de  jeunesse." 

Ce  témoignage  doit  nous  encourager  dans  l'organisation  de  nos 
œuvres. 

Au  surplus,  nous  avons  des  ordres  formels  de  la  part  du  Chef  des 
chrétiens.  Léon  XIII  écrivait  un  jour  au  supérieur  général  des  Frères 
des  Ecoles  chrétiennes: 

"  L'œuvre  des  patronages  est  capitale.  En  instruisant  les  enfants  des 
écoles,  les  Frères  n'ont  fait  que  la  première  partie  de  leur  besogne.  I^ 
seconde  est  aussi  importante,  plus  importante  encore.  Car  sans  les 
œuvres  de  persévérance,  le  long  et  pénible  travail  de  l'école  serait  pres- 
que toujours  compromis,  parfois  anéanti.  Les  enfants  tomberaient  en 
sortant  des  mains  des  Frères  dans  celles  des  sociétés  secrètes  ou  pul)li- 
ques  qui  ont  pour  objef  la  destruction  de  la  foi  et  pour  résultat  la  ruine 
des  mœurs,  et  ils  seraient  perdus  en  immense  majorité  pour  ri^i:li.^o  et 
la  société  chrétienne.  IL  FAUT,  A  MOINS  D'IMPOSSIBILITE 
ABSOLUE,  QUE  DANS  TOUTE  MAISON  D'ECOLE  EXISTE 
COMME  COEOLLAIKE  INDISPENSABLE  UN  PATliONA(;E  DE 
JEUNES  GENS." 

C'est  une  réiïonse 

Cet  ordre  me  dispense  de  répondre  aux  amis  du  repos  qui  croient  les 
œuvres  postscolaires  inutiles  en  ce  pays,  smis  prétexte  que  nos  élèves  ne 
sortent  pas  des  écoles  neutres.  Léon  XllI  parle  bien  des  «'-«'oles  conpré- 
ganistes.     Comment  ne  pas  comprendre  que  toute  école  même  eongréga- 


—  744  — 

niste,  est  insuffisante,  parce  que  les  élèves  restent  trop  peu  de  temps 
sous  la  direction  de  leurs  professeurs,  cinq  ou  six  ans  à  peine  et  surtout, 
ils  quittent  trop  jeunes,  au  lendemain  de  leur  première  communion, 
pour  entrer  soit  dans  un  bureau,  soit  dans  un  apprentissage  dans  quel- 
que atelier.  Or,  à  cet  âge  l'enfant  ne  peut  pas  avoir  achevé  son  éduca- 
tion religieuse  et  morale.  Surviennent  les  mauvais  conseils,  les  mau- 
vais exemples  et,  pour  leur  venir  en  aide  le  respect  humain  qui 
commence  par  la  honte  du  bien  et  finit  par  l'audace  du  mal  ;  et  ils  feront 
des  chutes  lamentables  dont  ils  se  relèveront  difficilement.  Il  faut  une 
voix  de  vérité  qui  leur  montre  la  route.  Il  leur  faut  une  main  chari- 
table qui  panse  leurs,  blessures.  A  l'œuvre  donc  pour  organiser  ces 
secours  que  tous  nos  jeunes  doivent  trouver  au  sortir  de  l'école.  Caté- 
chismes, instructions  religieuses,  conseils  et  encouragements  donnés  en 
commun  ne  suffiraient  pas,  croyons-nous,  à  fortifier  les  âmes  de  ces 
adolescents,  à  les  maintenir  dans  la  voie  étroite  du  devoir,  à  les  empê- 
cher de  butter  aux  cailloux  de  la  route.  Ce  qu'il  faut,  c'est  la  force  que 
l'on  trouve  dans  l'association,  dans  les  patronages,  dans  toutes  ces  œuvres 
que  le  vrai  zèle  sacerdotal  est  toujours  prêt  à  créer. 

II.  —  lies  œuvres  postscolaires  sont  possibles 

Dans  notre  pays,  où  l'on  ne  sent  pas  encore  vivement  la  nécessité  des 
œuvres  postscolaires,  on  se  laisse  assez  facilement  décourager  dans  cette 
entreprise  par  les  difficultés  que  l'on  rencontre  dans  toutes  les  œuvres 
de  jeunesse;  et  l'on  jette  alors  aux  quatre  coins  du  ciel  ce  cri  désespéré: 
"  A  quoi  bon  ?  —  Je  ne  réussirai  pas."  Tel  ne  fut  pas  le  sentiment  de 
l'abbé  Allemand  qui  fut  au  siècle  dernier  le  véritable  fondateur  des  ins- 
tiutions  qui  nous  occupent.  Il  débutait  seul  sans  argent,  sans  local, 
sans  aides,  sans  collaborateurs,  avec  deux  enfants;  et,  à  sa  mort,  il  avait 
trois  cent  cinquante  enfants  ou  jeunes  gens  dans  son  patronage.  Ne 
sommes-nous  pas  dans  des  conditions  plus  favorables  que  lui  ? 

Ne  voyons-nous  pas  autour  de  nous  certains  cercles  paroissiaux  qui 
s'organisent?  Il  suffit  du  concours  du  clergé  et  des  laïques,  Le  clergé 
a  la  charge  de  l'apostolat.  Mais  il  est  une  chose  que  nous  avons  trop 
oubliée  dans  le  passé;  c'est  que  nous  vivons  à  une  époque  oii  le  milice 
de  Dieu  a  le  droit  de  n'être  pas  seule  à  repousser  les  assauts  faits  à 
l'Eglise  et  à  ses  dogmes.  Les  laïques  unis  à  leurs  prêtres  ont  de  nos 
jours  une  vraie  mission  d'apostolat.  Qui  de  nous  ne  se  rappelle  avoir 
lu  ces  paroles  tombées  un  jour  du  haut  de  la  chaire  de  Notre-Dame  de 
Paris  des  lèvres  d'un  apôtre  qui  "  bénissait  au  nom  du  Dieu  des  sciences 
et  du  Père  des  miséricordes,  les  hommes  dévoués  à  l'Eglise,  d'avoir  com- 
pris le  secours  demandé  par  le  sacerdoce  à  leur  courage,  à  leur  franchise, 
à  leurs  convictions  éclairées,"  et  célébrait  les  "  fruits  glorieux  "  de  leurs 
efforts  ? 

Appel  aux  laïques 

L'heure  est  venue  pour  nous  de  compter  sur  la  générosité  des  laïques 
pour  nous  venir  en  aide  dans  nos  œuvres. 

L'Association  Catholique  de  le  Jeunesse  Canadienne-Française  désire 


—  745  — 


ardemment  former  des  cercles  d'étude  dans  les  différentes  paroisses. 
Favorisons  leur  entreprise.  L'utilité  de  ces  cercles  d'étude  n'egt  pas 
contestable.  Ces  jeunes  gens  deviendront  les  meilleurs  auxiliaires  de 
nos  œuvres.  Bien  vite  ils  constitueront  une  élite  qui  entraînera  à  sa 
suite  tous  les  jeunes  de  la  paroisse.  Pas  n'est  besoin  de  faire  immédia- 
tement une  grande  œuvre  dont  tous  ks  journaux  seront  remplis.  Pas 
n'est  besoin  de  procéder  toujours  d'une  manière  uniforme.  Autre  est 
l'œuvre  de  jeunesse  d'une  petite  paroisse,  autre  est  le  patronage  de  tel 
grand  centre.  Ici,  on  pourra  d'abord  organiser  la  société  de  Saint- 
Vin£-ent  de  Paul  en  vue  d'une  œuvre  sociale.  Ailleurs  la  gvmna^tique 
et  les  sports  auront  d'excellents  résultats.  "  La  régénération,  disait  un 
jour  M.  l'abbé  Anizan,  viendra  de  mille  petites  œuvres  fondées,  soute- 
nues et  fécondées  par  le  dévouement,  la  générosité  et  surtout  l'humilité 
d'hommes  qui  ne  seront  glorieux  que  dans  l'éternité.  Semons  donc  par 
toute  la  France  (disons,  nous,  par  tout  le  Canada).  Semons  à  la  cam- 
pagne comme  à  la  ville,  nos  œuvres  sans  nous  préoccuper  de  l'éclat 
qu'elles  jettent  dans  le  monde.  Travaillons  à  leur  solide  fondation,  à 
leur  surnaturelle  organisation;  fécondons-les  de  nos  sueurs  et  de  nos 
peines,  abandonnant  à  Dieu  leur  avenir  et  leurs  fruits.  Ce  sont  là  les 
pierres  d'attente  que  Dieu  exige  pour  le  grand  et  bel  édifice  de  l'avenir 
...  Agissons  sur  un,  deux,  dix,  vingt  enfants....  Surtout  groupons 
ceux  que  nous  pouvons,  enfants  ou  hommes  faits,  cultivons-les  comme 
des  plantes  choisies,  enseignons-leur  l'apostolat." 


Œuvre  de  vie 


La  vie  et  le  mouvement  sont  requis  dans  les  œuvres  de  jeunesse.  Les 
jeunes  ont  besoin  d'agir,  et  si  nous  ne  voulons  pas  les  laisser  aller  aux 
Y.  M.  C.  A.,  et  à  d'autres  cercles  organisés  ou  inspirés  par  la  franc- 
maçonnerie,  nous  ne  devons  pas  faire  de  nos  cercles  ou  de  nos  patronages 
une  œuvre  cadenassée  où  l'on  s'endort,  mais  une  œuvre  ouverte  où  la  vie 
déborde. 

Voici  comment  l'abbé  Grandjean  posait  la  question  au  congrès  de 
Saint-Etienne  en  1907: 

"Pour  rendre  une  œuvre  féconde  et  prospère,  il  faut  qu'un  directeur 
expérimenté  sache  doser  quatre  éléments  constitutifs  dont  aucune  ne 
doit  exclure  l'autre,  à  savoir  la  piété,  l'enseignement,  l'action  et  l'en- 
train; et  devrais-je  passer  pour  un  moderne  à  l'excès,  je  mets  l'entrain 
au  premier  rang  comme  importance  car  il  est  bien  évident  que  pour  bien 
diriger  les  jeunes  gens  dans  la  piété,  leur  donner  un  enseignement  reli- 
gieux et  social,  les  lancer  dans  l'action  catholi<]ue,  il  faut  d'abord  les 
avoir  et  on  ne  les  a  jamais  dans  une  œuvre  somnolente.  Il  faut  du  lanl 
dans  la  souricière." 

Doser  ces  quatre  éléments  dans  une  œuvre  post-'^colnire  doit  être  l'am- 
bition d'un  fondateur.  Un  bon  g>Tiinaste  peut  très  bien  être  fidèle  ù  sa 
communion  du  mois  et  je  crois  autant  à  sa  vertu  et  à  sa  chasteté  qu'à  la 
vertu  et  à  la  chasteté  "d'un  saint  tranquille.'' 


—  74(i  — 


Une  base 


Toutefois,  rappelons-nous  que  les  œuvres  postscolaires  doivent  mettre 
à  leur  base  la  piété.  Et  parmi  les  exercices  de  piété^  elles  doivent  mettre 
au  premier  rang  la  dévotion  au  Saint-Sacrement  de  l'autel  sous  toutes 
ses  formes.  On  doit  surtout  incrire  en  lettres  d'or,  à  la  première  ligne 
des  règlements,  le  précepte  de  la  messe  du  dimanche,  comme  condition 
de  la  vitalité  surnaturelle,  et  recommander  instamment  la  communion 
au  moins  mensuelle.  Que  tout  dans  nos  œuvres  tende  à  décider  nos 
membres  à  se  nourrir  fréquemment  de  l'aliment  divin  de  la  sainte 
Eucharistie.  Ce  qui  fait  la  honte  de  notre  siècle,  c'est  le  manique  de  ca- 
ractère de  nos  pusillanimes,  c'est  l'absence  de  volonté  ferme.  L'En- 
charistie  apportera  remède  à  ces  faiblesses  et  donnera  la  force  héroïque 
des  martyrs  et  des  apôtres  de  la  primitive  Eglise.  Si  les  enfants  de  nos 
patronages  et  membres  de  nos  cercles  faisaient  souvent  la  sainte  com- 
munion, nous  pourrions  espérer,  avec  l'apôtre  saint  Paul,  que  la  chair 
de  Jésus-Christ  se  mêlant  à  leur  chair,  le  sang  de  Jésus-Christ  se  mê- 
lant à  leur  sang,  ils  finiraient  par  avoir  quelque  chose  des  idées  et  du 
Cœur  même  de  Jésus-Christ. 

Ce  qu'il  faut  encore  et  surtout  à  nos  jeunes,  c'est  le  pain  qui  fait  les 
forts,  c'est  le  vin  qui  fait  germer  les  vierges. 

Que  l'on  s'approche  donc  du  banquet  eucharistique  au  moins  le  pre- 
mier dimanche  de  chaque  mois.  Ainsi  on  formera  des  catholiques 
pratiquants;  mais  on  aura  soin  de  dire  à  ces  chrétiens  qu'ils  doivent 
être  des  chrétiens  dans  tous  leurs  actes  de  citoyens.  N'a-t-on  pas  vu, 
ici  même,  dans  notre  bonne  ville  de  Montréal,  des  gens  qui  font  leurs 
pâques  et  qui  votent  pour  un  député  franc-maçon. 

Ce  n'est  pas  ainsi  que  nous  voulons  préparer  la  jeunesse  pour  les  luttes 
de  demain.  Nous  voulons  lui  apprendre  à  se  dompter  elle-même  et  à 
se  sacrifier  pour  la  Patrie  et  pour  l'Eglise.  Nous  voulons  que  chacun 
de  nos  jeunes  redise  ces  paroles  du  poète  : 


Nous  sentirons  jaillir  de  notre  humble  poitrine 

Le  floi  qui  doit  couler  sans  s'épuiser  jamais. 

Le  flot  du  dévouement,  le  flot  du  sacrifice, 

La  chrétienne  fierté  d'aller,  drapeaux  au  vent. 

Contre  l'erreur,  le  mal,  la  peur  ou  l'injustice. 

Croix  au  cœur,  plume  en  main,  et  toujours  :  En  avant  ! 


Travaillons  avec  courage,  suivons  les  bonnes  méthodes  dans  le  travail, 
persévérons  dans  l'effort  et  la  méthode  ;  et  avec  le  secours  de  Dieu  nous 
surmonterons  tous  les  obstacles  et  toutes  les  difficultés.  L'espérance, 
fille  du  ciel,  nous  fait  déjà  entrevoir  la  réalisation  des  résolutions  viriles 
et  énergiques  qui  sortiront  de  ce  Congrès.  C'est  sous  ses  auspices  que 
nous  formulons  les  vœux  suivants  : 


—  747  — 


Vœux 


I-  —  ^e  Congrès  désire  voir  les  œuvres  postscolaires  s'établir  en  ce 
pays  et  souhaite  que  l'on  mette  à  exécution  cet  ordre  de  Léon  XllI  au 
supérieur  général  des  Frères  des  Ecoles  Chrétiennes  :  "Il  faut  à  moins 
d'impossibilité  absolue,  que  dans  toute  maison  d'école  existe,  comme  co- 
rollaire indispensable,  un  patronage  de  jeunes  gens." 

1.  Que  les  cercles  et  les  patronages  forment  et  fournissent  les  apôtres 
de  la  croisade  de  la  sanctification  du  dimanche,  de  l'assistance  à  la  messe 
et  de  la  communion  fréquente. 

2.  Que  les  prêtres  soient  invités  à  fonder  des  patronages  paroissiaux 
et  qu'ils  se  réunissent  tous  les  mois  pour  mettre  en  commun  leurs  vues, 
leurs  besoins,  leur  expérience.  Ces  conférences  pourraient  se  tenir  le 
jour  de  la  retraite  du  mois. 

3.  Que  Von  forme  au  séminaire  des  prêtres,  futurs  directeurs  de  pa- 
tronages et  d'œuvres  de  jeunesse.  C'est  là  qu'ils  doivent  recevoir  la 
doctrine,  s'imprégner  à  haute  dose  d'esprit  chrétien  et  d'esprit  aposto- 
lique. 


Puis,  c'est  M.  le  chanoine  LameraïuJ,  de  Cambrai,  dont 
nous  avons  entendu,  hier,  un  rapport  sur  les  Conlréries  du 
T.  Saint-Sacrement,  qui  revient  à  la  tribune  avec  un  impor- 
tant rapport  sur  : 


LES  CONGRES  EUCHARISTIQUES   REGIONAUX 


Pie  X,  étant  patriarche  de  Venise,  orfjanisa  et  présida  en  IMU;.  un 
Congrès  Eucharistique  pour  son  diocèse.  Il  avait  jugé  bon,  pour  donner 
de  l'importance  à  ce  Congrès,  de  l'annoncer  et  de  le  préparer  par  une 
lettre  pastorale  où  il  disait  :  "  Nous  qui  savons  combien  facilement 
l'homme  se  refroidit  et  languit  spirituellement,  s'il  ne  reçoit  de 
temps  en  temps  la  secousse  d'un  stimulant  extraordinaire,. . . .  nous  qui 
touchons,  pour  ainsi  dire  de  la  main  la  valeur  <!(•  rexcmple  pour  en- 
traîner au  bien,  nous  estimons  (|ue  les  Congrès  Eu<haristiqucs  sont  non 
seulement  utiles,  mais  positivement  nécessaires." 

C'était  joindre  la  pratique  à  la  théorie.  Pie  X  est  coutumier  du  fait, 
et  c'est  bien  l'un  des  grands  titres  qu'il  a  ac(juis  à  notre  ardente  recon- 
naissance. Xous  pouvons  croire  d'ailleurs  que  le  Congrès  <le  Venise  a 
répondu  à  ses  espérances,  pui9<pie  monté  sur  le  siège  de  S.  Pierre,  il 
voulut  dans  une  juridiction  agrandie,  provoquer  la  tenue  d'un  Congrès 
International  à  Rome. 

Pie  X  est  allé  du  petit  au  grand  ;  je  me  permets  de  vous  proposer, 
Monseigneur  rArchevwpie,  d'aller  du  gran»l  au  petit:  marche  dans  le 
sens  inverse.     "  Mais,  dit-on  vulgairement,  on  fait  comme  on    peut." 


—  748  — 

Pie  X  ne  pouvait  faire  autrement,  et  vous,  Monseigneur,  comment 
pourriez-vous  monter  encore,  après  avoir  commencé  par  un  Congrès  In- 
ternational ?  et  quel  Congrès  International  ! 

Vous  me  trouverez  bien  osé,  si  j'ajoute  'que  vous  serez  ainsi  dans  la 
vraie  voie.  Après  un  grand  Congrès,  faites  de  petits  Congrès  ;  après  un 
Congrès  international,  un  Congrès  régional  ou  diocésain,  ou  plutôt  des 
Congrès  régionaux  ou  diocésains.  Chercher  à  convaincre  mon  sympa- 
thique auditoire  sur  ce  sujet  d'une  importance  capitale  au  point  de  vue 
pratique,  c'est  l'objet  de  ce  rapport;  j'espère  justifier  mon  dire  et  gagner 
mon  procès. 

j^ous  voulons  du  pratique;  nous  poursuivons  un  but;  il  nous  faut  des 
résultats.  Pour  cela,  nous  faisons  des  réunions  plus  restreintes  ou 
plutôt  homogènes,  je  veux  dire  composées  de  Congressistes  d'une  même 
région,  d'un  même  diocèse,  afin  qu'ayant  la  même  mentalité  et  aussi  les 
mêmes  œuvres,  ils  se  trouvent  plus  facilement  en  communauté  d'idées. 

Dans  un  même  diocèse,  c'est  le  même  esprit,  mêmes  tendances,  mêmes 
moyens.  On  y  trouve  aussi,  au  point  de  vue  des  œuvres,  mêmes  faci- 
lités et  mêmes  obstacles,  on  peut  y  user  des  mêmes  moyens.  Il  y  a  donc 
une  base  commune  sur  laquelle  s'établira»  plus  facilement  une  discussion  ; 
on  pourra  très  aisément  et  certains  d'être  compris,  causer,  dire,  le  pour 
et  le  contre,  s'entendre  enfin  pour  dégager  de  la  conversation  un  mot 
d'ordre  qui,  résumant  les  idées  émises,  devient  la  résolution  acceptée  par 
tous  et  ensuite  réalisée  partout. 

Je  ne  blâme  pas,  vous  le  pensez  bien,  les  grands  Congrès.  Loin  de  là  ; 
ils  sont  nécessaires,  ils  sont  la  base  des  autres.  Il  est  utile  d'en  tenir 
chaque  année  dans  les  différentes  contrées  du  monde  catholique,  et  c'est 
avec  orgueil,  croyez-le,  chers  Frères  du  Canada,  que  nous  nous  trouvons 
cette  année,  pour  ce  noble  objet,  dans  vos  contrées.  Mais  le  but  des 
grands  Congrès  est  surtout  d'éveiller  les  idées,  de  provoquer  un  mou- 
vement, déterminer  "  une  secousse  "  selon  la  belle  expression  de  Pie  X, 
dans  un  pays  qui  n'était  pas  encore  fait  à  cet  ordre  de  choses.  Puis 
quand  l'attention  est  attirée  et  que  le  branle  est  donné,  reprendre  en 
sous-œuvre  les  traits  de  lumière  lancés  brillamment  dans  les  solennelles 
séances  d'études, ^devient  une  nécessité,  si  l'on  veut  en  recueillir  quelque 
fruit. 

Les  deux  ont  donc  leur  grande  raison  d'être,  et  Pie  X,  en  1905,  les  a, 
pour  aiusi  dire,  confondus  dans  son  appréciation  bienveillante,  quand  il 
accorda  les  mêmes  privilèges  et  indulgences  aux  petits  et  aux  grands 
Congrès,  quand  il  daigna  approuver  et  bénir  spécialement  nos  petits 
Congrès  du  Nord  de  la  France,  dont  j'eus  l'insigne  honneur  de  l'entre- 
tenir dans  une  audience  personnelle,  non  seulement  par  des  paroles 
encourageantes  et  élogieuses,  mais  par  sa  signature  que  je  regarde  et 
garde  comme  une  relique.  Dois-je  ajouter  que  le  Cardinal  Vives  me 
déclara  explicitement  à  moi-même  que,  les  petits  Congrès  tels  que  nous 
les  faisons  sont  plus  utiles  que  les  grands;  il  a  voulu  dire,  sans  doute, 
plus  immédiatement  utiles  et  pratiques. 

Pour  vous  donner  une  idée  nette  de  ces  Congrès  régionaux,  je  n'aurai 
qu'à  répondre  aux  questions  qui  m'ont  été  posées  par  votre  distingué 
eecrétaire,  ajoutant  toutefois  que  si  dans  mon  exposé  je  parle  de  congrès 


—  749  — 

d'un  jour  et  pour  un  doyenné,  je  n"ai  en  cela  que  le  désir  d'être  rap- 
porteur fidèle  en  vous  disant  ce  qui  se  fait  chez  nous.  Ce  sont  détails 
sur  lesquels  je  ne  veux  pas  appuyer.  En  Amérique,  nous  le  savons  et 
nous  le  voyons  avec  admiration,  tout  se  fait  en  grand  :  Vos  congrès 
seront  donc  appelés  à  grouper  le  clergé-  et  les  fidèles  d'une  région  plus 
étendue,  voire  même  d'un  diocèse,  et  comme  conséquence  nécessaire,  la 
durée  en  sera  plus  considérable.  Un  travail  de  simple  adaptation  suf- 
fira à  mettre  les  choses  au  point. 


I,  —  Ce  qu'on  y  fait 

Xos  petits  Congrès,  comme  tous  les  autres,  comprennent  deux  sortes 
d'exercices:  les  cérémonies  du  Culte  et  les  Eéunions. 

Les  cérémonies  religieuses,  rendues  aussi  belles  que  possible,  honorent 
directement  la  Sainte  Eucharistie,  donnent  l'occasion  de  faire  de  grands 
et  officiels  actes  de  foi  en  la  diviue  Présence,  provoquent  des  adorations 
plus  ou  moins  prolongées  selon  les  circonstances,  et  portent  bon  nombre 
de  chrétiens  à  s'approcher  de  la  Sainte  Table.  Les  prédications  faites 
en  cette  occurrence,  éminemment  favorable,  roulent  nécessairement  sur 
les  sujets  de  dévotion  eucliarisiique  et  facilitent  l'application  immédiate 
de  ce  qui  a  été  dit  en  séance. 

En  voici  d'ailleurs  le  détail  : 

Comme  préparation  du  Congrès,  les  curés  peuvent,  —  et  c'est  ce  qui 
se  produit  le  plus  souvent  —  ménager  à  leur  paroisse  une  semaine  ou 
un  triduimi  de  prédications.  On  conçoit  les  résultats  précieux  qu'elles 
produisent:  les  intelligences  et  les  cœurs  sont  ainsi  amenés  à  Jésus  et 
disposés  à  s'occuper  avec  plus  d'empressement  et  d'ardeur  de  ses  divins 
intérêts.  Ce  pourrait  être  d'ailleurs  l'occasion  la  plus  favorable  pour  la 
paroisse  organisatrice  du  Congrès,  de  placer  le  triduum  eucharistique 
annuel  demandé  par  Pie  X.  Et  si,  par  une  entente  préalable,  les  prin- 
cipales, au  moins,  des  paroisses  qui  doivent  participer  au  Congrès,  pou- 
vaient avoir  leur  triduum  en  celte  occurrence,  quelle  imj)urtance  serait 
par  là  donnée  au  congrès  de  la  région,  et,  pour  les  congressistes  eux- 
mêmes,  quelle  efficace  préparation  à  en  recueillir  les  fruits. 

La  veille  au  soir,  nous  Taisons  toujours  l'e-xercice  de  "  l'Heure  Sainte.'' 
On  connaît  cette  manière  de  passer  une  heure  devant  le  Très  Saint- 
Sacrement  exposé,  dans  une  méditation  divisée  en  quatre  parties,  suivant 
la  méthode  des  Fins  du  Sacrilice,  alternant  avec  des  monicnt^^  de  silence 
et  des  chants  exécutés  par  toute  l'assistance.  Quehjuefois  —  assez 
rarement  chez  nous  du  moins  —  une  adoration  nocturne  groupe  ensuite 
les  hommes  au  pied  de  Jésus,  tandis  que  tous  les  paroissiens,  sans  aucune 
exclusion,  ont  pu  prendre  part  à  l'heure  sainte. 

Le  jour  même  du  Congrès,  Messe  de  communion  célébrée  par  Mon- 
seigneur, (juand  il  peut  venir  présider  en  pereonne,  ou  par  le  Vicaire 
général  qui  le  représente,  pendant  la(|uelle  on  exécute  des  chants  et  on 
fait  à  haute  voix  la  préparation  à  la  sainte  Communion,  exercice  assez 
goûté,  je  crois,  et  toujouis  utile  pour  éloigner  de  la  routine  ceux  qui 
n'ont'qu'une  seule  méthode  de  préparation,  toujours  la  même.  A  l'heure 


—  750  — 

ordinaire,  la  Grand'Messe  (ou  Messe  Pontificale)  avec  prédication  par 
le  président  du  Congrès  et  chant  de  toute  l'assistance  à  l'unisson.  Mgr 
l'Archevêque  tient  beaucoup  à  ce  que  l'on  profite  de  cette  occasion  pour 
porter  le  peuple,  s'il  ne  le  fait  déjà,  à  participer  au  chant  de  l'Eglise. 
Réalisation  encore  d'un  des  désirs  de  Pie  X. 

Aux  autres  messes  le  Directeur  des  Œuvres  eucharistiques  prêche 
ordinairement  sur  le  Congrès  et  la  piété  eucharistique.  On  trouve  gé- 
néralement à  ces  messes  les  personnes  qui  n'assistent  pas  aux  réunions 
du  Congrès;  il  faut  leur  faire  subir  leur  petit  Congrès  par  une  prédi- 
cation qui  en  tienne  lieu. 

Le  soir,  après  la  séance,  et  à  titre  de  clôture.  Vêpres  solennelles:  ce 
doit  être  une  cérémonie  qui  porte  coup.  Dans  la  prédication  on  rap- 
pelle les  vœux  et  les  résolutions  émis  dans  les  différentes  séances  et  on 
stimule  les  assistants  à  s'y  montrer  fidèles.  Une  procession  se  déroule 
ensuite,  soit  à  l'intérieur  de  l'église,  là  où  nous  jouissons  de  la  liberté 
telle  que  l'entendent  nos  ennemis,  soit  au  dehors,  si  nous  avons  la  liberté 
telle  que  nous  l'entendons  nous-mêmes;  dans  ce  dernier  cas  l'allocution 
se  fait  à  un  reposoir  où  toute  la  foule  massée  peut  entendre  la  parole 
finale  et  emporter  le  mot  d'ordre  pour  plus  de  piété  et  plus  de  fidélité 
envers  Jésus-Hostie.  Des  acclamations  à  l'Eucharistie  terminent  la 
cérémonie,  donnant  au  peuple  l'occasion  appréciée  d'affirmer  sa  foi  et 
son  amour,  et  Jésus  y  répond  par  sa  divine  bénédiction  avant  de  congé- 
dier ses  enfants. 

Les  réunions  sont  le  vrai  Congrès,  et,  de  la  manière  de  les  tenir,  dé- 
pend tout  le  fruit  du  Congrès.  Par  une  innovation  assez  récente,  nous 
avons  tenu  à  donner  d'abord  une  réunion  aux  enfants.  Suivant  leur 
nombre  on  rassemble  ou  on  sépare  les  garçons  et  les  filles,  et  le  meilleur 
moment  pour  cette  séance  est  celui  qui  suit  la  Grand'Messe.  On  inter- 
roge ces  enfants  sur  les  points  les  plus  importants  du  dogme  et  de  la 
morale  eucharistique  ;  quelquefois  même  on  leur  fait  lire  un  petit  devoir 
qu'ils  ont  eu  à  rédiger,  et  sur  ce  qui  a  été  lu,  on  provoque  développements 
et  commentaires  où  les  enfants  s'évertuent  à  donner  un  témoignage  de 
leur  science:  c'est  souvent  très  intéressant  et  toujours  très  profitable; 
excellente  occasion  de  leur  faire  dire  par  eux-mêmes  comment  ils  doivent 
agir  pour  répondre  aux  désirs  du  divin  Maître,  et  moyen  efficace  de 
prescrire  contre  l'oubli. 

Dans  l'après-midi,  se  tiennent  les  autres  Eéunions  :  celle  des  Dames  et 
jeunes  filles  d'une  part;  celle  des  Hommes  et  jeunes  gens,  de  l'autre. 

Si  nous  manquons  de  locaux,  nous  utilisons  l'église,  passant  sur  l'in- 
convénient que  présente  ce  système,  car  il  y  a  un  inconvénient,  c'est  que 
l'église  prête  moins  qu'une  salle  ordinaire  à  une  réunion  où  s'établissent 
nécessairement  conversations  et  discussions. 

Le  respect  dont  on  est  pénétré  par  le  lieu  saint  dispose  plutôt  l'as- 
sistance à  écouter  le  prêtre  (qui  semble  y  être  toujours  plus  ou  moins 
prédicateur^  qu'à  hasarder  une  réflexion  ou  une  objection.  (Eviter 
cependant  de  faire  monter  en  chaire  les  rapporteurs  et  surtout  les  rap- 
porteuses ;  on  dit  que  ce  n'est  pas  chose  inouïe.)  Mais  cet  inconvénient 
ne  Ro  présentera  guère  chez  vous,  si  vous  pouvez  faire  des  congrès  de 


—  751  — 

deux  ou  trois  jours.  Vous  aurez  alors  la  facilité  d'organiser  vos 
horaires  d'une  façon  beaucoup  plus  large,  ce  qui  vous  permettra  d'ail- 
leurs de  faire  parallèlement  aux  réunions,  des  cérémonies  d'adoration  à 
l'église.     Jésus  sera  ainsi  honoré  des  deux  façons  à  la  fois. 

Vous  pouvez  même  faire  le  plus  souvent  ce  que  nous  ne  faisons  que 
rarement  chez  nous,  une  répartition  plus  sériée  encore:  une  réunion  pour 
les  hommes,  une  pour  les  jeunes  gens,  une  troisième  pour  les  dames  et 
les  jeunes  filles,  et  une  ou  deux  pour  le  clergé.  En  effet,  comme  votre 
rayon,  pour  chaque  Congrès,  sera  beaucoup  plus  étendu  que  le  nôtre,  les 
prêtres  seront  en  nombre  suffisant  pour  être  convoqués  en  réunion  spé- 
ciale: qui  n'en  voit  la  grande  utilité?  C'est  ce  qui  eut  lieu  en  juin 
dernier  au  Congrès  diocésain  de  Metz  :  le  Congrès  devant  être  de  deux 
jours,  les  prêtres  avaient  été  convoqués  seuls  le  premier  jour  et  répartis 
d'après  leur  libre  choix,  en  diverses  sections  pour  l'étude  des  questions 
qui  les  intéressaient  davantage.  C^tte  méthode  de  diviser  les  sections 
est  agréable  et  utile  à  tous,  aux  jeunes  surtout  qui  se  trouvent  moins 
ralentis  dans  leur  élan  et  font  preuve  d'une  plus  grande  générosité.  En 
un  récent  Congrès  organisé  dans  ces  conditions,  le  président  de  la  sec- 
tion des  jeunes  gens  disait  à  ses  auditeurs  en  levant  la  séance,  "  je  ne 
sais  pas  ce  qu'ont  été  les  autres  réunions,  mais  je  ne  crois  pas  trop 
m'avancer,  en  affirmant  que  la  nôtre  aura  primé  en  intérêt."  Pour  moi 
qui  présidais  celle  des  hommes,  j'aurais  pu  tenir  le  même  langage  et 
avec  grande  sincérité,  toute  notre  séance  avait  été  remplie  et  pratique; 
les  autres  présidents  n'ont  pas  été  éloignés  de  parler  de  même,  d'après 
les  échos  qui  m'en  sont  revenus,  de  sorte  que  trois  au  moins  étaient 
dans  l'illusion:  peu  importe,  pourvu  que  les  fruits  soient  obtenus. 

A  supposer  d'ailleurs  que  tout  local  soit  insuffisant,  ce  qui  arrive  par- 
fois, reste  la  ressource  de  la  réunion  en  plein  air.  Kécemment  en 
Finistère,  l'affluence  des  congressistes  fut  telle  que  nul  abri  ne  put  les 
contenir  :  on  fit  passer  le  monde  dans  la  cour  du  patronage,  on  y  apporta 
la  table  du  président,  et  le  président  pour  être  vu  et  entendu  de  tous, 
ne  trouva  rien  de  mieux  que  de  monter  dessus. 

Dans  nos  réunions,  lecture  de  rapports  courts,  simples,  excluant  tout 
développement  dogmatique  et  toute  littérature,  pour  no  donner  f|Uo  des 
statistiques,  des  faits,  le  fonctionnement  des  œu\Tes,  et  laisser  à  la  dis- 
cussion le  temps  de  se  produire  et  faire  germer  des  idées:  c'est  de  là  que 
doivent  venir  les  fruits  du  Congrès.  Combien  de  rapports?  Trois  suf- 
fisent amplement,  "  omne  trinum  perfecium''  (juelquofois  doux, 
rarement  quatre.  T^  sujet  principal,  du  côté  dos  homnios  oi^t  toujours 
la  Confrérie  du  Très  Saint-Sacrement.  Nous  donnons  une  importance 
maîtresse  à  la  Confrérie  du  Très  Saint-Sacrement  et  nous  chorchons  à 
rétal)lir  partout:  c'est  l'association  surnaturelle  par  oxcollenco.  Elle 
nous  suffit,  parce  que  nous  aimons  mieux  une  œuvre  à  laquoUe  se  rat- 
taclient  plusieurs  pratiques  que  plusieurs  œuvres  différentes.  (Ce  sujet 
étant  traité  "  ex  professa  "  dans  ce  Congrès,  je  ne  m'y  arrêterai  pas 
davantage.)  C'est  le  moment  de  proposer  les  industries  (lui  doivent 
faciliter^=«m  établissement,  d'examiner  sa  marche  dans  les  diverses  pa- 
roisses     Est-elle  en  progrès?  en  décadence?  pourquoi?  est-on  fidèle  aux 


—  752  — 

réunions?  Produit-elle  sur  ses  membres,  spécialement  en  ce  qui  con- 
cerne la  communion  fréquente,  le  fruit  qu'on  est  en  droit  d'en  attendre  ? 
les  réponses  à  toutes  ces  questions  remplissent  le  temps  qui  suit  la  lec- 
ture du  rapport,  fournissant  le  principal  intérêt  de  la  réunion,  comme 
elles  en  provoquent  le  résultat.  (1)  La  réunion  des  hommes  doit  toujours 
être  la  principale  dans  Torganisation  comme  dans  nos  préoccupations. 
La  raison  en  est  connue  :  ceux  que  le  bon  Dieu  a  fait  la  tête  des  familles 
et  les  chefs  de  la  société,  doivent  l'honorer  et  l'aimer  plus  que  les  autres. 
Pour  les  jeunes  gens,  qu'il  nous  faut  entourer  aussi  de  toute  notre  solli- 
citude, c'est  à  leurs  œuvres  que  nous  nous  intéressons,  les  orientant  vers 
le  culte  eucharistique  et  leur  indiquant  le  moyen  d'y  participer  aussi 
pleinement  que  possible.  Autant  que  faire  se  peut,  c'est  le  directeur 
diocésain  des  œuvres  de  jeunesse  qui  est  appelé  à  présider  cette  réunion  ; 
il  est  alors  sur  son  terrain  et  peut  mieux  que  personne  diriger  le  ba- 
taillon. 

Du  côté  des  dames,  si  elles  ont  dans  leur  paroisse  une  section  spéciale 
de  la  confrérie,  nous  demandons  quelle  est  leur  pratique  officielle;  nous 
montrons  d'ailleurs  qu'il  faut  qu'elles  en  aient  une,  comme  les  hommes 
ont  la  leur.  Une  riche  veine  à  exploiter  pour  les  dames,  dans  les  villes 
surtout  où  elles  jouissent  généralement  d'un  peu  de  loisir,  ce  sont  les 
œuvres  de  réparation  par  l'Adoration,  la  Messe  ou  la  Communion  (com- 
bien il  y  a  à  faire  sur  ce  point  !)  et  leur  participation  dévouée  aux  diffé- 
rentes œuvres  établies  dans  la  paroisse. 

Aux  jeunes  filles  plus  spécialement  encore  on  demande  l'apostolat,  le 
dévouement  aux  œuvres;  on  recommande  l'œuvre  des  catéchistes  volon- 
taires et  celle  des  Tabernacles. 

Quant  aux  réunions  de  prêtres,  les  sujets  pratiques  de  ministère  pas- 
toral, d'apostolat  et  de  sanctification  personnelle,  ne  manquent  pas. 

La  matière  ne  manque  pas  ni  à  nos  congrès  comme  sujet  d'examen  et 
d'étude,  ni  aux  congressistes  comme  objet  de  leur  dévouement  :  "  messis 
multa."  Nous  cherchons  à  multiplier  les  ouvriers  et  les  ouvrières  afin 
que  la  plainte  du  Seigneur  devienne  moins  urgente,  "  Operarii  pauci;" 
et  je  reste  persuadé.  Messieurs,  que  les  congrès  sont  pour  atteindre  ce 
but,  l'instrument  le  plus  efficace. 


II.  —  Résultats 

Les  résultats  des  Congrès  sont  moins  chez  nous  des  créations  d'œuvres 
que  des  résurrections.  Oui,  je  crois  pouvoir  le  dire,  c'est  la  vie  rendus 
dans  une  large  mesure  à  ces  anciennes  Confréries,  qui  dormiraient  du 
sommeil  de  l'insouciance  non  seulement  image  de  la  mort,  mais  fatal 
acheminement  vers  la  mort. 

La  "  secousse  "  a  produit  son  effet.  Elles  revivent,  parce  que  le  re- 
crutement se  fait  et  parce  que  les  réunions  se  tiennent,  grâce  au 
stimulant  du  Congrès.     Nous    avons   cependant   aussi    des    créations    à 


(1)    On    doit   discuter   d'une   manière   spéciale   les   industries    a   prendre   pour 
amener  les  hommes  il  une  fréqucntaticn  plus  assidue  de  l'Eucharistie. 


,   —753  — 

enregistrer:  dans  ces  dernières  semaines  j"ai  inauguré  quatre  nouvelles 
confréries  dans  le  diocèse,  et  bien  qu'il  y  ait  encore  de  trop  nombreuses 
lacunes,  le  temps  viendra  où  toutes  les  paroisses  auront  la  leur. 

Les  œuvres  des  dames  ont  été  aussi  ralîermies  ou  nouvellement  cons- 
tituées; un  exeanple  seulement:  en  septembre  dernier  au  Congrès 
d'Halluiu,  on  avait  proposé  préalablement  à  M.  le  Curé,  rétablissement 
de  l'Adoration  diurne  continue  dans  sa  paroisse:  assentiment  complet. 
Tous  les  elt'orts  convergèrent  donc  vers  ce  point  dans  les  réunions  de 
Dames  et  de  Demoiselles;  on  en  parla  aussi  du  côté  des  hommes.  M. 
le  Curé  voulait  commencer  dans  des  proportions  modestes  —  mieu.x  vaut 
en  effet  augmenter  dans  la  suite  que  diminuer.  On  s'en  tiendrait  à 
deux  heures  d'adoration  le  matin  et  quatre  ou  cinq  heures  dans  l'après- 
midi,  et  on  avait  calculé  qu'il  fallait  pour  former  les  catlres  1G8  adhé- 
sions; on  en  recueillit  au  lendemain  du  Congrès  plus  de  300. 

Si  nous  avons  dans  le  diocèse  10  paroisses  où  se  pratique  l'Adoration 
diurne  continue,  c'est  un  résuluit  des  petits  Congrès,  et  nous  arriverons, 
je  l'espère,  à  dépasser  la  dizaine.  11  y  a  dans  notre  diocèse  quelques 
paroisses  encore  qui  pourraient  tenir  sans  interruption  pieuse  compagnie 
au  Très  Saint-Sacrement  tous  les  jours  de  la  semaine.  D'autres  n  ont 
pas  pour  cela  assez  de  ressources;  nous  leur  demandons  et  obtenons  un 
jour  d'adoration  par  semaine.  D'autres  en  plus  grand  nombre,  nous 
donnent  un  jour  par  mois,  le  premier  vendredi.  D'autres  enlin  quel- 
ques heures,  de  ce  premier  vendredi  du  mois,  soit  le  matin,  soit  l'après- 
midi.  Mais  si  cette  prati<iue  a  puisé  dans  un  Congrès  son  origine  et  son 
fonctionnement,  un  autre  Congrès  peut  l'élever  à  un  degré  supérieur;  ce 
sera  peut-être  le  fruit  d'une  noble  émulation  entre  paroisses  voisines. 
"  Quod  isti  et  istœe,  car  non  ego  ?  "  D'une  adoration  de  quelques 
heures,  on  passera  ainsi  à  l'adoration  de  la  journée  tout  entière,  ou  d'un 
jour  d'adoration  par  mois,  on  passera  à  un  jour  par  semaine.  C'est 
l'évolution  dans  le  bon  sens,  n'est-ce  pas? 

Mais  le  résultat  le  plus  saillant  et  qui  n'est  pas  pour  déplaire  à  notre 
éminent  légat,  rédacteur  du  fameux  dc*cret  de  IDOô  et  persévérant  pro- 
moteur de  ce  mouvement  eucharistique,  c'est  l'augmenlution  notable  des 
communions  qu'on  signale  partout  et  qui  ira  toujours  s'accentuant.  Car 
nous  continuerons  à  travailler,  et  comme  la  boule  de  neige,  les  habitudes 
eucharistiques  se  développeront  dans  des  proportions  sans  cesse  crois- 
santes. Tout  d'ailleurs  porte  au  jjrogrès  :  le  bon  exemple  des  fervents 
qui  est  un  entraînement  inéluctable,  et  l'impulsion  périodi(juement 
donnée  par  les  Congrès  successifs. 

Au  surplus,  s'il  est  permis  de  parler  en  toute  frundiise,  les  résultats 
d'un  Congrès  seront  pour  une  paroisse  ce  (jue  voudra  le  curé.  Les  curés 
seront  toujours  le  rouage  essentiel  et  nécessaire:  ils  pourront  beaucoup 
pour  les  Congrès,  mais  les  Congrès  ne  pourront  rien  sans  eux. 

Au  retour  d'un  Congrès,  un  pasteur  se  <leman<]era:  '*  Dans  tout  ce  qm 
a  été  dit,  (|uelle  est  la  chose  la  plus  pratique  pour  ma  paroisse,  et  com- 
ment la  réaliser  chez  moi?"  D'ailleurs,  si  un  certain  nombre  de  ses 
paroissiens  étaient  comme  lui  présent»  au  Congrès  et  ont  comme  lui  en- 
tendu prôner  <ctte  organisation,  ont  applaudi  p«'Ut-i'tre  au.\  résultati* 
qu'elle  a  fournis  dans  telle  paroi&se  mentionnée,  le  curé  trouvera  chez 


—  754  — 

eux  uu  appoint  fort  appréciable.  Ces  auditeurs  convaincus  formeront 
le  premier  noyau  de  son  association,  et  les  autres  s'y  adjoindront  d'au- 
tant plus  facilement.  Il  évitera  de  plus  les  tâtonnements  du  début  et 
échappera  aux  difficultés  que  lui  aura  signalées  l'expérience  de  son  con- 
frère. Qui  ne  voit  l'avantage  immédiat  que  peut  se  procurer  par  un 
Congrès  un  prêtre  ayant  charge  d'âmes? 


III.  —  Manière  de  les  préparer 

Les  Congrès  ne  se  font  pas  tout  seuls.  Pour  qu'ils  s'organisent  il 
faut  un  agent,  un  prêtre  qui  ait  à  ce  sujet  un  mandat,  non  pas  sans 
doute  un  mandat  impératif,  mais  un  mandat  "  impulsif."  C'est  avec 
une  sorte  de  timidité  sans  doute,  avec  humilité  du  moins  que  j'aborde 
ce  point,  car  ce  n'est  plus  à  vous.  Messieurs,  mais  à  Nos  Seigneurs  les 
Evêques  que  je  m'adresse  ici  en  leur  demandant  d'examiner  cette  ques- 
tion: un  prêtre  ne  remplirait-il  pas  un  rôle  important  et  très  fructueux 
dans  un  diocèse,  en  y  dirigeant  les  œuvres  eucharistiques  ?  Pour  moi,  qui 
pour  la  onzième  année  remplis  cette  belle  mission  dans  le  diocèse  de 
Cambrai,  je  n'hésite  pas  à  me  prononcer  pour  l'affirmative.  Et  je  pense 
n'avoir  rien  fait,  quand  pénétrant  dans  un  diocèse  voisin,  où  l'on  daigne, 
m'appeler  quelquefois,  j'ai  pu  obtenir  la  tenue  de  quelque  Congrès,  si 
après  mon  départ,  personne  n'est  chargé  d'entretenir  la  germination  de 
la  semence  jetée.  Le  Congrès  a  pu  être  brillant,  édifiant,  mais  quel  en 
sera  le  fruit?  Qui  d'ailleurs  provoquera  les  Congrès?  Car  les  curés, 
sans  une  impulsion  reçue,  n'en  prendront  pas  aisément  l'initiative.  De 
plus,  l'habitude  leur  manquant,  n'hésiteraient-ils  pas  trop  devant  l'in- 
connu de  l'organisation?  Au  contraire,  cette  mission  étant  confiée  à  un 
prêtre  spécialiste  —  le  mot  est  à  la  mode  —  toute  vraie  difficulté  dis- 
paraît. Du  reste,  là  ne  se  bornera  pas  sou  œuvre,  fournir  les  rensei- 
gnements désirables  et  faire  l'adaptation  au  milieu  désigné,  des 
pratiques  d'un  règlement  général.  Que  de  fois  ne  se  condamne-t-on  pas 
à  l'inaction  parce  qu'on  ne  sait  par  oii  commencer?  Les  curés  pourront 
aussi  demander  ce  prêtre  pour  présider  les  réunions  des  œuvres,  certains 
qu'il  sera  documenté,  qu'il  trouvera  le  nœud  d'une  difficulté  et  plus 
facilement  donnera  le  moyen  d'un  accroissement  ou  d'un  progrès  désiré. 
Ne  serait-il  pas  toujours  prêt  enfin  pour  donner  le  triduum  eucharis- 
tique annuel?  en  un  mot,  il  serait  l'homme  toujours  à  la  disposition  des 
curés  pour  les  aider,  dans  la  mesure  de  leurs  désirs,  à  établir,  consolider 
et  développer  les  organisations  eucharistiques  de  leur  paroisse  ;  la  charge 
d'ailleurs  ne  serait  pas  entièrement  nouvelle  et  ne  serait  pas  non  plus 
exclusive.  Presque  partout  l'œuvre  des  Prêtres-Adorateurs  a  un  direc- 
teur diocésain.  Que  ses  pouvoirs  soient  un  peu  étendus  —  si  toutefois 
il  n'est  pas  curé  car  il  y  aurait  incompatibilité  entre  le  misnistère  parois- 
sial et  cette  charge  d'ordre  général.  —  Qu'il  lui  soit  permis  d'atteindre 
par  les  pasteurs  les  populations  elles-mêmes,  et  on  constatera  bientôt  les 
résultats  très  consolants  dans  la  marche  des  œuvres  et  même  dans  la 
piété  privée.  Ne  serait-ce  pas  d'autre  part  le  moyen  de  pousser  la  trouée 
dans  cette  citadelle  du  Jansénisme  si  difficile  à  entamer  et  de  hâter  la 


—  755  — 

réalisation  du  vœu  de  Pie  X  par  rapport  à  la  communion  fréquente  et 
quotidienne?  Ce  directeur  aurait  donc  la  charge  de  provoquer  les  con- 
grès sucessivement  dans  les  centres  les  plus  importants  du  diocèse,  soit 
qu'on  en  ait  un  chaque  année,  qu'on  se  contente  d'en  avoir  un  chaque 
deux  ou  trois  ans. 

Avis  étant  pris  à  l'évêché,  la  démarche  intéressée  se  produit.  '"  A 
votre  tour,  M.  le  Curé,  d'organiser  le  Congrès  cette  année,"  et  on  s'entend 
sur  la  date,  on  élabore  l'horaire  et  le  programme,  on  énumère  les  rap- 
ports. Le  premier  rapport  est  toujours  le  compte  rendu  du  Congrès 
précédent  :  on  établit  ainsi  une  suite  dans  les  idées.  Les  autres  rapports, 
peu  nombreux  pour  chaque  séance,  avons-nous  dit,  doivent  avoir  pour 
objet  les  œuvres  établies  ou  que  l'on  juge  utile  d'établir  dans  la  région. 
Xe  pas  craindre  de  revenir  toujours  sur  les  mêmes  sujets  et,  bien  que  la 
matière  puisse  être  plus  étendue  dans  un  congrès  de  plusieurs  jours,  il 
sera  toujours  vrai  qu'un  choix  judicieux  des  questions  à  traiter  est 
chose  hnportante;  il  économise  le  temps  et  empêche  la  conversation  de 
s'égarer  sur  des  questions  purement  théoriques  ou  non  applicaljles  dans 
le  pays.  On  propose  ensuite  les  prédicateurs.  Il  va  sans  dire  que  le 
directeur  a  aussi  son  tour.  Quelquefois  le  directeur  est  invité  à  visiter 
les  salles  du  futur  Congrès,  à  donner  son  avis  sur  le  parcours  de  la  pro- 
cession, l'emplacement  du  reposoir;  puis  toutes  difficultés  surmontées, 
l'organisateur  se  met  à  l'œuvre  et,  grâce  à  Dieu,  nous  n'avons  pas  à  dé- 
plorer de  déconvenues. 

Pour  préparer  les  populations  au  grand  acte  qui  va  se  produire  et  les 
aider  à  en  retirer  plus  de  fruits,  un  directoire  a  été  rédigé  par  Mgr 
Delamaire;  MM.  les  Curés  de  notre  diocèse  doivent  le  lire  et  le  com- 
menter en  chaire  un  ou  deux  dimanches  avant  le  Congrès.  Plus  efficace 
encore  serait  le  triduum  proposé  tout  à  l'heure  pour  amener  à  la  Sainte 
Table  les  congressistes  de  paroisses  voisines  qui  pouvt'ut  «•oiiuiu'  les 
autres  bénéficier  des  indulsiences. 


IV.  —  Obstacles  ou  difficultés 


Je  n'en  connais  que  deux  :  le  premier  obstacle  est  déjà  du  domaine  de 
l'histoire  ancienne.  Dans  le  début  de  nos  œuvres  eucliaristiques,  il  y  a 
de  cela  10  ans,  je  rencontrais  assez  fréquemment  de  l'iu-sitation  chez  les 
prêtres  à  qui  je  proposais  d'organiser  un  Congrî>s.  Avouons  qu'il  faut 
toujours  un  peu  d'amlace  pour  prendre  la  tête  d'un  mouvement.  "  Si 
j'accepte,  irai-je  à  un  succès  ou  à  un  échec  ?"  et  on  craignait  de  courir 
cette  chance.  Heureusement,  quelque  bon  ange  d'ailleurs  les  poussant, 
il  se  rencontra  des  audacieux  et  la  fortune,  ou  plutôt  la  grâce,  les  aida. 
Ce  fut  le  succès,  je  puis  le  dire,  sur  toute  la  ligne,  car  si  je  connus  des 
hésitants  avant  le  Congrès,  je  ne  connus  aucun  regrettant,  le  ('(Uigrès 
terminé.  Aujourd'hui  et  depuis  longtemps,  il  est  de  bon  ton  d'ac<opter 
les  Congrès  sans  aucune  objection  et  même  avec  empressement  ;  nous 
jouissons  de  la  vitoseo  acquise.  Parfois  même  «»ii  va  trop  vite,  et  il 
arrive  que  mon  rôle  soit  de  faire  prendre  jiatirnce  aux  plus  pressés. 


—  756  — 

L'autre  .difficulté  n'est  pas  de  votre  fait  —  et  je  vous  en  félicite  ■ — . 
Elle  est  d'ordre  pécuniaire.  Vous  savez  où  nous  en  sommes  sur  ce  point. 
Elle  a  cependant  été  résolue  et  se  résout  encore  tous  les  jours.  Personne 
jusqu'ici  n'a  reculé  pour  les  frais. 

Le  grand  élément  de  succès,  au  contraire,  se  trouve,  chers  Confrères, 
dans  le  sacerdoce,  en  vous-mêmes;  dans  le  ton  de  l'invitation  que  vous 
adressez  à  vos  paroissiens.  Vous  y  mettrez  l'ardeur  qui  remplit  vos 
cœurs  et  vos  brebis  vous  suivront. 

Vous  venez  de  voir  ce  que  nous  avons  fait  depuis  dix  ans,  et  je  pense 
pouvoir  dire  que  le  meilleur  témoignage  de  l'utilité  éminemment  pra- 
tique de  cette  organisation  est  non  seulement  sa  'durée,  mais  sa  pros- 
périté croissante  durant  un  laps  de  temps  qui  aurait  largement  suffi  à 
la  voir  sombrer  et  la  faire  même  oublier,  si  elle  n'avait  donné  de  solides 
résultats.  Bien  loin  de  la  décadence,  nous  enregistrons,  au  contraire,  à 
chaque  instant,  de  nouveaux  progrès.  Cette  année  même  huit  diocèses 
de  France  sont  entrés  dans  ce  mouvement,  de  sorte  que  trente-deux  dio- 
cèses français  ont  eu  ou  auront  eu  à  la  fin  de  cette  année  leurs  Congrès 
Eucharistiques. 

Il  semble  bien  que  ces  Congrès  sont  dans  la  grâce  providentielle  du 
temps  présent  ! 

Vœux  : 

J'ose  les  présenter  comme  un  des  résultats  les  plus  pratiques  et  les  plus 
féconds  du  XXIe  Congrès  Eucharistique  International. 

1°  Que  des  Congrès  Eucharistiques  diocésains  ou  régionaux  soient 
organisés  de  temps  à  autre,  selon  la  volonté  des  Evêques. 

2°  Que  ces  Congrès  aient  toujours  un  caractère  pratique  tendant  au 
développement  de  la  vie  chrétienne  et  des  œuvres  paroissiales  par  la  dé- 
votion envers  la  Sainte  Eucharistie. 

3°  Que  dans  chaque  diocèse  un  prêtre  reçoive  le  titre  et  le  mandat  de 
directeur  des  œuvres  eucharistiques  et  s'occupe  particulièrement  de  dé- 
velopper surtout  les  Confréries  du  Très  Saint-Sacrement. 

4°  Enfin  que,  sous  peu,  se  tienne  au  Canada,  le  premier  Congrès  dio- 
césain, comme  suite  pratique  du  Congrès  de  Montréal. 


Ce  rapport  très  pratique  et  très  instructif  est  suivi  avec  un 
intérêt  intense  par  toute  l'assistance  et  en  particulier  par 
les  évêques  présents  à  la  réunion.  Pour  beaucoup,  il  sera 
une  semence  qui  lèvera  selon  les  vœux  de  l'auteur.  Quelques 
questions  sont  posées  à  M.  l'abbé  Lamérand  qui  les  élucide 
en  quelques  mots,  et  M^r  le  Président  félicite  vivement  le 
rapporteur. 


—  757  — 

Puis  le  Secrétaire  du  Comité  des  Travaux,  h*  R.  1*.  (îaltier, 
se  lève  ot  présente  la  motion  suivante  : 

"  M.  le  chanoine  Lamérand,  que  vous  venez  d'entendre,  a  été  invité 
par  le  Comité  du  Congrès,  comme  spécialiste  dans  la  question,  pour  venir 
jeter,  au  Canada,  les  germes,  je  devrais  dire  les  premières  assises  de 
l'institution  des  congrès  eucharistiques  régionaux.  Une  institution  per- 
manente est  le  seul  moyen  pratique  de  maintenir  et  de  développer  les 
fruits  du  Congrès  international,  qui  risquent  fort  sans  cela,  de  s  en  aller 
en  fumée,  au  bout  d"un  certain  temps. 

Je  ne  crains  pas  d'avouer  que,  dans  la  pensée  du  Comité,  le  Rapport 
que  vous  venez  d'entendre,  doit  être  considéré  comme  un  des  plus  fonda- 
mentaux, des  plus  importants  du  Congrès. 

Aussi  faut-il  qu'il  fasse  impression  durable,  qu'il  se  résolve  en  fruits, 
qu'il  atteigne  son  but,  c'est-à-dire  qu'il  provoque  l'institution  à  brève 
échéance  de  l'œuvre  des  Congrès  régionaux  ou  locaux. 

Or,  je  me  permettrai  d'ajouter  un  mot,  pour  adapter  tout  à  fait  ce 
que  le  rapporteur  vous  a  dit  des  Congrès  locaux,  en  France,  aux  condi- 
tions et  à  la  mentalité  de  notre  pays.  Il  me  semble  que  pour  le  Canada, 
il  faut  entendre  par  Congrès  locaux,  des  Congrt's  diocésains  —  Il  ne  me 
semble  guère,  que,  pour  le  moment,  des  Congrès  purement  locaux,  bornés 
à  une  ville  ou  à  quelques  paroisses  seulement,  aient  une  grande  chance 
de  réussir,  sauf  peut-être  pour  certaines  villes  plus  importantes. 

Ce  qui  me  paraît  pratique  et  facilement  réalisable,  c'est  le  Congrès 
eucharistique  diocésain,  se  tenant  tantôt  dans  un  diocèse,  tantôt  dans  un 
autre  —  et  d'une  durée  de  2  à  3  jours  —  Il  pourrait  y  en  avoir  un  tous 
les  ans. 

Messeigneurs  les  Evoques,  de  concert  avec  les  Directeurs  diocésains 
des  œuvres  eucharistiques  qu'ils  nommeraient,  auraient  l'initiative  de 

ces  Congrès. 

Quand  un  Congrès  serait  décidé;  l'évêque  nommerait  pour  l'organiser 
un  Comité  diocésain,  composé  de  quelques  membres. 

Il  me  semble  bon  de  faire  remarquer  que  toutes  nos  villes  épiscopales 
se  prêteraient  aisément  à  ces  démonstrations,  et  que,  ainsi  réduites  à  un 
diocèse,  ces  Congrès  exigeraient  peu  de  frais,  et  auraient  toujours  un 
grand  succès.  Ce  serait  le  moyen  le  plus  efficace  de  propager  la  dévo- 
tion eucharistique  jusqu'aux  confins  les  plus  éloignés  de  notre  pays. 


—  758  — 

Le  quatrième  rapport  du  programme  comportait  une  étude 
présentée  par  M.  le  Chanoine  Siilvabi,  du  diocèse  de  Rimouski 
sur  : 


L'ACTION  DU   CLERGE  DANS   LA  LUTTE   CONTRE 

L'INTEMPERANCE   PAR   LES    SACREMENTS 

DE  PENITENCE  ET  D'EUCHARISTIE 


Le  rapport  que  j'ai  l'honneur  de  vous  soumettre  a  pour  objet  l'action 
du  clergé  dans  la  lutte  contre  l'intempérance  et  le  relèvement  des 
buveurs  par  les  sacrements  de  Pénitence  et  d'Eucharistie. 


I.  —  Action  du  Clergé 

L'action  du  clergé  dans  la  lutte  contre  l'intempérance  s'est  exercée 
avec  un  tel  éclat  et  une  telle  efficacité,  dans  notre  pays,  qu'il  serait  su- 
perflu de  rappeler  aux  prêtres,  présents  à  ce  Congrès  Eucharistique, 
l'obligation  pour  chacun  de  ceux  qui  ont  charge  d'âmes  de  prendre  une 
partie  active  à  la  Croisade  de  Tempérance,  inaugurée  par  NIsT.  SS.  les 
Evêques  il  y  a  cinq  ans. 

Les  magnifiques  résultats  obtenus  jusqu'à  ce  jour  prouvent  que  le 
clergé  a  su  remplir  son  devoir  avec  un  zèle  et  une  vigueur  dignes  de  tout 
éloge.  Des  centaines  de  paroisses  renouvelées  dans  la  pratique  de  la 
tempérance,  des  conversions  nombreuses,  plus  de  600  000  personnes  en- 
rôlées sous  l'étendard  de  la  Croix,  telle  est  en  partie  l'œuvre  immense 
accomplie  pendant  ces  dernières  années  par  le  clergé  séculier  si  admi- 
rablement secondé  dans  cet  apostolat  —  il  faut  le  dire  bien  haut  —  par 
les  missionnaires  des  différents  ordres  religieux  de  la  province. 

Toutes  ces  retraites  de  tempérance  ont  été  de  plus  l'occasion  de  dé- 
monstrations aussi  touchantes  qu'édifiantes  en  l'honneur  de  Jésus- 
Hostie,  outragé  dans  son  Sacrement  d'amour  par  les  ivrognes  et  les 
blasphémateurs. 

Gardons-nous  bien  de  croire  cependant  qu'il  ne  reste  plus  rien  à  faire, 
que  nous  pouvons  nous  croiser  les  bras  et  jouir  d'un  repos  bien  mérité. 
A  tout  prix  il  faut  éviter  de  laisser  tomber  le  mouvement  général  qui 
vient  d'être  imprimé  à  la  cause  de  la  tempérance.  '  Il  y  a  encore  de  la 
boisson  ;  il  y  a  encore  des  ivrognes  ;  il  y  a  encore  des  débits  de  boisson  à 
fermer;  il  y  a  encore  des  ivrognes  à  convertir.  A  la  croisade  du  mal, 
opposons  la  croisade  sacerdotale. 

Le  prêtre  doit  continuer  la  lutte  par  tous  les  moyens  à  sa  disposition: 
en  particulier  par  les  moyens  que  lui  fournit  la  Loi  des  Licences  et  par 
la  force  de  son  exemple.  Quant  à  l'emploi  des  moyens  légaux,  je  ne 
saurais  mieux  faire  que  de  recommander  aux  prêtres  de  lire  l'intéres- 
sante conférence  que  M.  le  juge  L.-W.  Sicotte  a  donnée,  le  25  octobre 
1909,  au  premier  Congrès  de  Tempérance  de  Montréal,  tenu  à  Ville  St- 


—  759  — 

Pierre,  sur  les  "  Moyens  de  répression  fournis  par  la  Loi  des  Licences 
contre  les  aubergistes  qui  l'enfreignent. "  Le  savant  magistrat  indique, 
dans  cette  conférence,  les  procédés  à  suivre  pour  faire  adopter  un  règle- 
ment de  prohibition  ou  pour  faire  condamner  les  vendeurs  de  boisson 
sans  licence  ou  les  débitants  qui  outrepassent  leurs  privilèges.  (Voir 
Procès- Verbal  et  Travaux  publiés  par  le  Secrétaire  du  Congrès.) 

Mais  comme  une  loi  civile,  quoique  rigoureuse  et  quoique  appliquée 
avec  sévérité,  ne  suffit  pas  pour  changer  la  mentalité  et  la  moralité  d'un 
peuple,  le  prêtre  doit  en  conséquence  s'efforcer  de  gagner  l'opinion  pu- 
blique par  l'influence  de  son  exemple.  C'est  dans  ce  but  que  je  propose 
l'organisation  d'une  société  d'abstinence  totale. 


II.  —  Organisation  du  Clergé 


Le  démon  de  l'ivrognerie  étant  un  de  ces  démons  qui  ne  se  chassent 
que  par  le  jeûne  et  la  prière,  les  prêtres  doivent  non  seulement  redoubler 
leurs  efforts  et  faire  bonne  garde  autour  de  leur  troupeau,  mais  encore 
entrer  plus  généreusement  dans  la  voie  du  renoncement  en  formant  entre 
eux  une  Société  d'Abstinence  Totale. 

S'abstenir  de  toute  boisson  enivrante,  voilà  pour  le  prêtre  le  moyen  de 
fortifier  son  action  et  d'augmenter  son  influence  dans  la  lutte  contre 
l'intempérance. 

Ces  associations  d'abstinence  totale  ont  été  l'objet  d'une  recomman- 
dation particulière  de  la  part  de  Léon  XIII  :  "  Nous  regardons,  dit-il, 
"comme  digne  d'une  recommandation  particulière  la  noble  résolution 
"  de  ces  Associations  qui  se  font  un  devoir  de  s'abstenir  de  toute  boisson 
"  enivrante.  Il  est  indubitable  que  ce  ferme  propos  est  un  moyen  très 
"  opportun  et  très  efficace  pour  combattre  le  vice  pernicieux  de  l'intem- 
"  pérance,  et  il  sera  pour  tous  un  stimulant  à  combattre  la  sensualité 
"  d'autant  plus  puissant  qu'il  partira  de  plus  haut."  (Lettre  à  Mgr  Ire- 
land,  27  mars  1887.) 

N.  S.  Père  le  Pape  Pie  X  a  daigné,  lui  aussi,  approuver  et  bénir  ces 
sociétés  de  prêtres  abstinents,  "  parce  qu'elles  sont  réellement  ses  asso- 
"ciées  et  ses  aides  dans  le  travail  à  faire  pour  amener  les  hommes  à  la 
"  pratiques  d'une  des  principales  vertus  chrétiennes,  la  tempérance." 

Après  de  «^i  précieux  encouragement?,  pourrions-nous  hésiter  à  former 
une  SOCIETE  D'ABSTINEXCE  TOTALE  DU  CLER(;E  CANA- 
DIEN-FRANÇAIS? Il  y  a  près  de  deux  mille  prêtres  séculiers  dans  la 
province  de  Québec.  Supposez  mille  prêtres  animés  du  même  esprit  de 
renoncement,  voués  à  l'abstinence  totale,  quelle  puissance  pour  le  bien, 
quel  exemple  pour  les  fidèles,  quel  bonncur  pour  l'Eglise  dans  laquelle 
rien  de  grand  ne  se  fait  sans  le  sacrifice.  lia  cause  en  vaut  la  peine:  il 
s'agit  du  salut  des  âmes,  du  sauvetage  des  buveurs.  Tout  prêtre  (jui  vit 
de  la  vie  eucharistique  fera  sans  peine,  pour  une  fin  si  noble,  le  sacritit  e 
de  ses  goûts  et  de  ses  habitudes. 


—  760 


III.  —  Organisation  de  la  paroisse 

L'action  du  prêtre  abstinent  dans  la  lutte  contre  l'intempérance  sera 
d'autant  plus  effica.ce  que  sa  paroisse  sera  mieux  organisée.  Cette 
organisation  est  nécessaire,  non  seulement  à  cause  de  la  difficulté  de 
vaincre  un  vice  passé  à  l'état  de  fléau  public,  mais  aussi,  parce  que  l'abus 
des  boissons  enivrantes  "  est  le  principal  obstacle  à  l'action  de  l'Esprit 
"  Saint  de  Dieu  sur  les  âmes,"  suivant  le  cardinal  Manning.  "  Je  ne 
connais  pas  à  ce  divin  Esprit,"  ajoute  ce  grand  apôtre  de  la  Tempérance, 
"  d'adversaire  plus  direct,  plus  subtil,  plus  dissimulé,  plus  universel  que 
"  la  boisson."  C'est  aussi,  suivant  Pie  X,  "  le  plus  grand  ennemi  des 
"  enseignements  et  des  commandements  du  Christ."  L'expérience  de 
tous  les  jours  prouve,  en  effet,  que  la  pratique  des  commandements  de 
Dieu  et  des  devoirs  de  la  piété  chrétienne  et  la  fréquentation  des  sacre- 
ments sont  incompatibles  avec  l'habitude  de  boire. 

Et  puis,  il  importe  souverainement  d'assurer  la  persévérance  des 
fidèles  dans  leurs  bonnes  résolutions  de  la  retraite  de  tempérance.  Pen- 
dant la  retraite,  la  grâce,  la  parole  du  missionnaire,  l'exemple,  entraî- 
nent et  poussent  aux  résolutions  généreuses.  Alors  aucun  sacrifice  ne 
coûte,  on  est  tout  feu  et  flamme  et  l'on  se  croit  affermi  pour  toujours. 

Mais  au  bout  de  quelques  semaines,  de  quelques  mois  tout  au  plus,  la 
nouveauté  s'atténue,  l'enthousiasme  se  refroidit;  de  plus  on  est  entouré 
de  mille  et  une  occasions,  harcelé  de  railleries;  si  l'on  est  homme  de  ca- 
ractère, si  l'on  respecte  la  parole  donnée,  si  l'on  méprise  les  impressions 
et  les  tentations  du  moment,  on  sera  vainqueur;  mais  si  l'on  n'est  pas 
homme  de  caractère,  la  volonté  est  faible,  on  oublie  les  raisons  de  vouloir 
—  et  on  retombe.  De  là,  la  nécessité  d'une  organisation  paroissiale  en 
vue  de  protéger  les  faibles  et  d'entretenir  le  zèle  des  fervents. 

Voici  en  peu  de  mots  comment  la  plupart  des  paroisses  peuvent  être 
organisées  pour  obtenir  cette  double  fin. 

Diviser  la  paroisse  en  quatre  sections  de  tempérance  :  hommes  et 
jeunes  gens,  femmes  mariées,  jeunes  filles,  enfants.  Pour  la  section  des 
hommes,  un  conseil  de  sept  membres  qui  se  .réunit  tous  les  mois  sous  la 
présidence  du  curé  pour  aviser  aux  moyens  de  promouvoir  la  cause  de  la 
tempérance.  Assemblée  générale  quatre  fois  par  année,  communion, 
sermon  ou  conférence  antialcoolique  par  un  prédicateur  ou  un  confé- 
rencier qui  a  fait  une  étude  spéciale  de  l'alcoolisme.  Eéunion  de  femmes 
tous  les  deux  mois,  communion,  instruction.  Charger  les  mères  de 
famille  du  soin  de  faire  circuler  dans  la  paroisse  les  livres  de  la  biblio- 
thèque de  tempérance.  Egalement  réunion  des  jeunes  filles  tous  les 
deux  mois,  communion  et  instruction.  Eéunion  des  enfants  au-dessous 
de  seize  ans,  le  premier  vendredi  de  chaque  mois.  Chaque  section  a  sa 
bannière;  tous  les  associés  portent  l'insigne.  Faire  chanter  le  can- 
tique de  tempérance  à  l'unisson  à  la  fin  de  la  messe  du  dimanche.  — 
Faire  circuler  la  revue  "  La  Tempérance,"  dans  les  familles  par  l'inter- 
mérliaire  fies  institutrices.  —  Enseignement  antialcoolique  dans  les 
écoles.  —  Enrôler  surtout  les  enfants  dans  la  société  d'abstinence. 

Au  moyen  de  cette  organisation  facile,  un  curé  peut  obtenir  les  ré- 
sultats les  plus  consolants,  comme  l'attestent  ceux  qui  en  ont  fait  l'ex- 


—  761  — 

périence.     L'Eucharistie  devient  alors  la  véritable  source  de  la  vie  sur- 
naturelle d'une  paroisse. 


IV.  —  Du  relèvement  des  buveurs 

A  ce  ministère  de  conservation  par  l'organisation  paroissiale  et  par  la 
sainte  communion  aussi  fréquente  que  possible  —  pour  les  gens  de  la 
campagne  —  il  faut  ajouter  celui  du  relèvement  des  buveurs  par  la  fré- 
quentation des  sacrements  de  Pénitence  et  d'Eucharistie.  C'est  un 
travail  de  conversion,  de  transformation.  Heureux  le  pasteur  qui  n'a 
pas  dans  son  troupeau  de  ces  malheureuses  victimes  de  l'ivrognerie  ! 
Mais  celui  qui  en  a,  peut-il  les  abandonner  à  leur  triste  sort?  Non,  il 
doit  s'élancer,  lui  aussi,  au  sauvetage  des  buveurs. 

Il  faut  faire  mentir  le  proverbe  :  "  Qui  a  bu,  boira."  Par  bonheur, 
dans  ce  grand  hôpital  de  Dieu,  dans  le  monde  où  tout  est  malade,  il  n'y 
a  point  de  mal  qui  n'ait  son  remède. 

Loin  de  repousser  ces  épaves  de  la  vie,  de  mépriser  ces  ivrognes  ré- 
pugnants, que  la  charité  du  Sauveur  compatissant  nous  les  fasse  aimer. 
Ces  misérables  esclaves  de  l'ivrognerie  sont  d'autant  plus  dignes  de  com- 
passion qu'ils  sont  descendus  plus  bas,  qu'ils  paraissent  réfractaires  à 
toute  réaction  morale,  insensibles  à  tout  sentiment  d'honneur  et  de  lierté 
chrétienne.     Mais  comment  les  attirer,  comment  les  convertir? 

Si  par  la  compassion,  par  la  parole  de  Dieu,  par  la  lecture  de  la  Bible, 
par  l'invocation  du  nom  de  Jésus,  nos  frères  séparés  peuvent  convertir 
des  ivrognes  coupables  de  tous  les  crimes,  nous,  prêtres  catholiques, 
serions-nous  seuls  sans  influence  sur  ces  êtres  dégradés?  Le  Père  Mathew 
a  converti  des  milliers  et  des  milliers  d'ivrognes:  le  secret  de  sa  force, 
c'est  qu'il  les  aimait.  Pien  de  plus  efficace  pour  toucher  les  cœurs  que 
la  sincère  démonstration  d'une  cliarité  compatissante. 

Pour  préparer  sa  conversion,  pour  le  faire  passer  de  la  buvette  au 
confessionnal,  du  confessionnal  à  la  Sainte  Table,  il  suffit  quelquefois 
de  donner  à  manger  à  l'un  de  ces  ivrognes,  de  changer  ses  guenilles 
contre  un  vêtement  propre,  de  lui  témoigner  de  la  pitié,  de  lui  faire 
espérer  hi  victoire  sur  cette  passion  qu'il  est  le  premier  à  maudire,  de 
se  jeter  à  son  cou  et  de  pleurer  avec  lui.  Il  suffit  do  lui  faciliter  par 
tous  les  moyens  possibles  l'aveu  et  l'absolution  de  ses  fautes. 

"  Plus  une  âme,  a  dit  saint  Alphonse  de  Liguori,  est  plongée  dans  le 
"vice,  asservie  par  le  démon,  plus  il  faut  l'attirer,  lui  prêter  assistance, 
"pour  la  délivrer  et  la  jeter  dan?  les  bras  du  Sauveur.  Ix?  pécheur,  à 
"moins  de  se  voir  aimé,  ne  se  décide  pas  à  abandonut-r  le  ptvhé."  Tant 
il  est  vrai  que  "  l'amour  a  plus  d'empire  sur  les  âmes,  je  ne  dis  pas  que 
"  la  rif'ueur,  mais  que  la  force  même  des  raisons,"  selon  saint  François 

de  Sales. 

Si  nous  ne  pouvons  égaler  les  saints  par  la  perfection  de  notre  vie  sa- 
cerdotale, tâchons  au  moins  de  les  égaler  par  la  compassion  envers  les 
pécheurs,'  envers  les  pauvres  ivrognes  en  particulier.  Nous  avons  ce- 
pendant,' aujourd'hui,  un  avantage  sur  les  saints.  Très  faciles  à 
absoudre  les  p<'H]i<ur?  repentants,  les  saints  l'étaient  beaucoup  moins  à 


—  762  — 

les  admettre  à  la  sainte  commimioii.  Le  décret  "  Sacra  Tridentina 
Synodus  ''  nous  fait  une  obligation  d'accorder  la  communion  fréquente, 
et  même  quotidienne,  à  ces  malheureux  esclaves  de  la  boisson  qui  veulent 
se  corriger. 

Sachons  profiter  de  cet  immense  avantage.  Comme  les  autres  péni- 
tents, le  buveur  a  droit  de  se  nourrir  du  pain  des  forts  ;  c'est  pour  lui  le 
grand  moyen  de  vaincre  sa  passion  et  d'assurer  sa  persévérance.  La 
sainte  communion  est  en  effet  un  remède  des  péchés.  Si  la  grâce  peut 
vaincre  l'inclination,  elle  surmontera  aussi  l'habitude,  car  l'habitude 
qu'est-<?e  autre  chose  qu'une  inclination  fortifiée? 

Que  faut-il  au  buveur  qui  veut  se  corriger?  —  De  la  force  pour  sou- 
tenir sa  volonté  affaiblie  ;  l'Eucharistie  en  est  la  source.  Que  faut-il  à 
cet  alcoolique,  empoisonné  physiquement  et  moralement?  —  Un  contre- 
poison; or,  suivant  le  Concile  de  Trente,  l'Eucharistie  est  "  l'antidote  qui 
'■'  nous  délivre  des  fautes  quotidiennes  et  nous  préserve  des  péchés 
"  mortels."  Pour  résister  aux  assauts  violents  de  la  passion  de  boire,  à 
l'obsession  qui  le  poursuit  sans  cesse,  aux  occasions  si  fréquentes,  que 
faut-il  enfin  au  buveur?  —  Un  secours  de  tous  les  instants.  L'Eucha- 
ristie lui  donnera  ces  secours  actuels  particuliers  que  nous  recevons 
souvent  même  dans  le  moment  où  nous  n'y  pensons  pas,  qui  nous  éclai- 
rent et  nous  gardent  aux  heures  du  danger. 

Renouvelé  dans  son  âme,  l'ivrogne  le  sera  aussi  dans  son  corps.  Ce 
pauvre  corps,  exténué  par  les  excès,  sera  vivifié  jusque  dans  ses  plus 
intimes  profondeurs  par  l'attouchement  de  la  chair  sacrée  du  Christ. 
Le  contact  de  ce  sang  purificateur  ôtera  à  l'ivrogne  tout  désir  de  boire. 

Le  fait  suivant,  entre  bien  d'autres,  vient  à  l'appui  de  cette  doctrine. 

"  J'ai  ici  dans  ma  paroisse,  écrit  un  curé,  un  homme  déjà  âgé  qui 
"  était  adonné  à  la  boisson  d'une  manière  affreuse.  A  maintes  reprises 
"  dans  des  entrevues  particulières  avec  son  pasteur,  il  s'était  engagé  à 
"  être  tempérant,  mais  il  retombait  toujours.  Survint  une  grande  re- 
"  traite,  nouveau  repentir  et  nouvelles  promesses.  Mais  cette  fois  le 
"  Père  prédicateur  lui  conseilla,  comme  moyen  d'appuyer  et  de  soutenir 
"  ses  bonnes  résolutions,  la  communion  quotidienne.  Le  pauvre  mal- 
"  heureux  voulait  sincèrement  se  corriger,  il  fut  fidèle  à  l'emploi  du 
"  moyen  et,  à  l'étonneraent  ou  plutôt  à  l'admiration  de  tous  ceux  qui 
"  l'avaient  connu,  il  ne  tomba  plus.  Dieu  sait  cependant  les  occasions 
"  qu'il  rencontra  et  les  pièges  qui  lui  furent  dressés,  mais  inutilement  ; 
"  il  n'a  pas  repris  une  seule  goutte  de  boisson  forte  depuis  plus  d'un  an." 

La  fréquentation  des  sacrements  de  Pénitence  et  d'Eucharistie  est 
donc  le  remède  suprême  qui  assure  la  guérison  du  malheureux  ivrogne, 
et  la  rend  absolument  infaillible. 

Il  faut  s'attendre  cependant  à  des  échecs,  à  des  rechutes,  car  le  bien 
coûte  plus  que  le  mal,  et  il  est  plus  difficile  de  se  corriger  que  de  se 
perdre.  Mais  la  victoire  est  assurée,  pourvu  que  le  prêtre  sache  com- 
muniquer au  buveur  son  enthousiasme,  sa  confiance  dans  cette  cure 
eucharistique. 

Quant  aux  ivrognes  qui  ne  veulent  pas  se  corriger,  par  quel  moyen  les 
amener  à  la  fréquentation  des  sacrements?    Toujours  par  l'Eucharistie. 

Le  saint  sacrifice  de  la  messe,  la  visite  au  Saint-Sacrement,  les  Qua- 
rante-Heures,  l'heure  d'adoration  de  chaque  semaine  et  celle  du  premier 


—  763  — 

vendredi  du  mois,  voilà  autant  d'occasions  de  prier  spécialement  pour 
la  conversion  de  ces  malheureux  esclaves  de  la  boisson,  souvent  plus 
malades  que  méchants.  La  prière  des  abstinents  fera  violence  au  Cœur 
Eucharistique  de  Jésus  en  leur  faveur  et  leur  obtiendra  tôt  ou  tard  la 
grâce  de  se  reconnaître  et  de  briser  les  liens  de  leur  passion.  Et  quand 
même  un  buveur  résisterait  longtemps  à  la  grâce  de  Dieu,  il  arrivera 
néanmoins  un  moment  où  il  se  convertira,  ne  serait-ce  qu'à  l'heure  de  la 
mort.  L'expérience  prouve  qu'il  ne  faut  jamais  désespérer  du  salut  des 
buveurs. 

N'est-ce  pas  par  la  dévotion  au  Saint-Sacrment  que  le  bienheureux 
Vianney  a  réformé  sa  paroisse,  et  en  a  fait  disparaître  les  cabarets? 

Il  importe  de  ne  pas  oublier  qu'il  s'agit  dans  la  lutte  contre  l'Alcool 
d'une  réforme  des  mœurs,  et  que  ces  réformes  ne  s'obtiennent  qu'à  la 
suite  d'un  labeur  persévérant. 

Heureux  le  prêtre  qui  se  sera  dévoué  au  relèvement  moral  et  religieux 
des  buveurs  !  Sa  pensée  la  plus  douce  à  l'heure  de  la  mort  sera  d'avoir 
sauvé  beaucoup  de  pauvres  ivrognes. 

Conclusion 

Considérant  que  l'abstinence  personnelle  donne  à  l'action  du  prêtre, 
engagé  dans  le  ministère  paroissial,  une  plus  grande  efficacité  pour 
amener  les  fidèles  à  la  pratique  de  la  sobriété; 

Considérant  que  la  fréquentation  des  sacrements  de  Pénitence  et 
d'Eucharistie  est  le  remède  par  excellence  et  le  moyen  infaillible  de 
guérir  les  buveurs; 

Le  Congrès  émet  ces  vœux: 

1°  De  voir  fonder  une  société  d'abstinence  dea  bjissms  alcooliques 
pour  les  prêtres. 

2°  De  voir  les  prêtres  favoriser  le  mouvement  de  tempérance  par  tous 
les  moyens  possibles,  surtout  par  l'organisation  paroissiale  et  par  la  fré- 
quentation assidue  des  sacrements  de  Pi'^nitence  et  d'Eucharistie. 

3°  De  voir  les  prêtres  travailler  encore  plus  activement  au  relèvement 
des  buveurs,  et  recourir  avec  une  plus  grande  cunfiatue  à  la  dévotion 
envers  le  Saint-Sacrement  pour  obtenir  leur  conversion  et  leur  persé- 
vérance. 


—  764  — 

Le  rapport  suivant  est  présenté  par  M.  l'abbé  Morissette, 
curé  de  Saint-Victor,  diocèse  de  Québec,  et  a  pour  titre  : 

UNE  PAROISSE  EUCHARISTIQUE 

Mgk  le  Président, 

Messeigneues, 

Messieues, 

On  m'a  demandé  de  parler  d'une  paroisse  eucharistique.  Je  veux 
donc  parler  d'ime  de  ces  paroisses  déjà  si  nombreuses  dans  nos  diocèses. 
Je  dirai  ce  qu'elle  était  avant  le  Décret  de  Sa  Sainteté  Pie  X  sur  la 
communion  fréquente  et  quotidienne,  ce  qu'elle  est  aujourd'hui  après 
ce  même  et  salutaire  Décret. 

Mes  vénérés  Confrères,  ne  voyez-vous  pas,  dans  la  promulgation  de 
ce  décret  du  20  décembre  1905,  une  assistance  opportune  de  Jésus- 
Christ  dans  son  Eglise  :  Ecce  vo'hiscum  suum,  omnibus  diebus. .  .  "  Voici 
que  je  suis  avec  vous,  jusqu'à  la  consommation  des  siècles."  Et  au 
milieu  des  splendeurs  de  ces  fêtes  inoubliables  du  Congrès,  saluons  une 
fois  encore  Pie  X,  le  Pape  de  l'Eucharistie  ! 

1°  Etat  de  la  Paroisse. 

a)  Autrefois.  La  journée  du  Dimanche  étant  finie,  la  solitude  et  le 
silence  se  faisaient  autour  de  l'église  paroissiale  pour  le  reste  de  la  se- 
maine. Aujourd'hui,  on  comprend  combien  cet  abandon  devait  faire 
mal  à  l'âme,  mais  alors  on  n'y  pensait  pas,  on  n'en  était  nullement 
affecté.  Chaque  matin,  le  curé  disait  sa  messe  dans  le  temple  désert 
avec  un  petit  servant  plus  ou  moins  distrait  et  quelques  rares  personnes, 
surtout  des  vieilles  femmes  qui  de  temps  en  temps  faisaient  la  sainte 
communion.  Et  c'était  tout  pour  toute  la  journée:  plus  d'une  fois, 
nous  sommes  entrés  dans  les  éghses  de  nos  campagnes,  durant  le  jour. . . 
elles  étaient  désertes;  la  solitude  au  dedans  était  encore  plus  triste  que 
celle  du  dehors.  Jésus,  l'Hôte  divin,  était  seul  et  comme  délaissé;  une 
petite  lampe,  à  la  lumière  vacillante  veillait  en  la  place  des  habitants  qui 
ne  pensaient  même  pas  à  Lui. 

&)  Aujourd'hui.  Que  les  choses  sont  changées, .  remercitments  et 
actions  de  grâces  en  soient  rendus  à  Dieu,  c'est  pour  le  mieux.  Aujour- 
d'hui, et  depuis  le  Décret  de  Pie  X,  Jésus-Christ  commence  à  prendre 
dans  la  paroisse  la  place  à  laquelle  il  a  droit,  aujourd'hui  Jésus-Christ, 
d'une  façon  tangible  a  un  rôle  social.  . .  c'est  le  Maître  de  la  paroisse 
dont  on  s'occupe  !  C'est  le  Père  que  l'on  consulte  !  c'est  l'ami  que  l'on, 
visite  et  que  l'on  aime  !  L'Eglise  n'est  plus  almndonnée  et  ne  ressemble 
plus  à  ces  temples  protestants  que  Ion  ferme  à  clef  d'un  Dimanche  à 
l'autre:  les  gens  du  village  viennent  de  plus  en  plus  nombreux  à  la  Ste- 
Messe  et  communient  souvent;  il  n'y  a  pas  d'heure  dans  la  journée  où 


—  765  — 

l'on  ne  voit  quelque  paroissien  se  rendre  à  l'église  pour  y  faire  une  heure 
d'adoration  ou  une  bonne  visite  au  S. -Sacrement.  C'est  un  vieillard, 
ayant  plusieurs  loisirs:  ses  loisirs  autrefois,  il  les  consacrait  à  parcourir 
le  village  à  visiter  ses  amis,  ses  connaissances,  s'arrêtant  à  la  porte  d'une 
boutique  ou  d'un  magasin...  aujourd'hui  il  a  ajouté  à  la  liste  de  ses 
amis  un  nouvel  ami,  l'ami  du  Tabernacle,  Xotre-Seigneur  Jésus-Christ.... 
il  n'avait  pas  encore  soupçonné  tout  le  plaisir  qu'il  y  a  à  converser  inti- 
mement avec  Jésus  !  C'est  une  mère  qui  s'échappe  aux  soins  du  ménage, 
qui  abandonne  ses  petits  enfants  à  la  garde  de  l'ainée  pour  aller  à 
l'église  faire  une  heure  d'adoration  :  au  pied  de  l'autel  elle  se  repose  de 
ses  soucis  et  demande  courage  et  force  pour  élever  sa  famille.  C'est 
une  jeune  fille,  qui  vient  devant  le  Tabernacle:  Elle  a  tant  besoin  de 
lumière  pour  ne  pas  faire  naufrage  sur  cette  mer  nommée  aujourd'hui 
avec  plus  de  raison  que  jamais  *'  la  mer  houleuse  du  monde." 

C'est  quelquefois  un  jeune  homme  qui  comme  le  jeune  homme  de 
l'Evangile,  se  présente  à  Xotre-Seigneur  et  lui  dit  :  *'  Maître  plein  de 
bonté,  quel  bien  dois-je  faire  pour  obtenir  la  vie  éternelle?  "  J'écoute 
le  dialogue  qui  commence  entre  Jésus  et  mon  jeune  homme.  "  Si  vous 
voulez  parvenir  à  la  vie  éternelle,  lui  répond  suavement  Jésus,  observez 
les  commandements  de  Dieu."  —  "  Seigneur,  repartit  naïvement  le 
jeune  homme,  j'observe  ses  commandements  depuis  mon  enfance."  Alors 
le  bon  Maître,  continue  le  texte  sacré,  le  regarda  attentivement  et  l'aima. 
Et  Jésus  intuitus  eum  dilexit  eum.  Ce  doit  être  un  de  ces  regards 
pleins  de  douceur  et  de  bonté  que  Jésus  laisse  tomber  sur  ces  jeunes  gens 
qui  parfois  se  rendent  auprès  de  Lui.  —  Je  le  regarde  et  il  me  regarde, 
répondait  un  brave  homme  au  Curé  d'Ars  qui  lui  demandait  ce  qu'il 
disait  pendant  son  adoration.  Chers  jeunes  gens,  venez  donc,  ne  fut-ce 
qu'un  instant,  en  passant,  venez  échanger  un  regard  avec  Notre-Seigncur 
Jésus-Christ  dans  son  sacrement  d'amour. 

Ce  sont  (les  enfants  (jui  accompagnent  leurs  mères  qui  quelquefois  les 
remplacent  dans  l'Heure  de  Garde  choisie:  certains  pasteurs  voudraient 
peut-être  les  éloigner  à  cause  de  leur  jeune  âge. . . .  mais  pourrions-nous 
le  faire  lorsque  Xotre-Seigneur  a  dit:  ''  i>inite  purvulos  venife  ad  mr  : 
"  laissez  venir  à  moi  les  petits  enfants,  car  le  royaume  du  ciel  est  pour 
eux  et  pour  ceux  (|ui  leur  ressemblent."  Ces  petits  enfants,  anges  de  la 
terre,  n'auraient-ils  pas  le  droit  de  dire  aux  bienheureux  esprits  qui 
entourent  le  Tabernacle:  "  Ce  n'est  pa,s  pour  vous  qu'il  est  ici,  c'-st  pour 
nous.  Laissez-nous  cette  place  que  vous  occupez  et  la  consolation  de  de- 
meurer plus  près  de  son  trône  d'amour."  (Marie  Eustelle). 

J'allais  oublier  une  pauvre  femme  (jui  gagne  sa  vie  à  la  j<iunu''e:  elle 
a  choisi  une  heure  d'adoration,  le  vendredi  de  içidi  à  une  heure...  et 
elle  y  est  fidèle!     Dieu  sait  où  et  comment  elle  prend  son  diiier. 

Oh!  qu'il  fait  bon  à  l'âme  de  constater  que  Jésus  n'est  pas  aussi  isolé 
de  ses  disciples  qu'autrefois. . .  grâce  à  la  Sainte  Communion  qui,  avec 
ses  divins  degré*,  atteint  les  diverses  catégories  de  fidèles  ou  de  parois- 
siens ! 

Arriver  à  faire  communier  les  3/4  de  sa  paroisse  chaque  mois,  oVst 
déjà  un  grand  pas  de  fait  dans  la  dévotion  h  la  Ste-T"  '  i^tio,  c'est 
marcher  sûrement  vers  la  communion  frt-quente  et  cpi'  ne.     Com- 

ment en  arriver  là  ?     Le  meilleur  moyen,  je  crois,  c'est  d'établir  des 


—  766  — 

Confréries  et  des  associations  pieuses. . .  Ainsi  on  amène  à  tour  de  rôle, 
tous  les  groupes,  toutes  les  catégories  de  paroissiens. 

2°  Fonctionnement. 

a)  Catégorie  des  Enfants.  La  veille  de  chaque  1er  vendredi  du  mois, 
le  curé  réunit  les  enfants  qui  ont  fait  leur  première  communion  depuis 
trois  à  quatre  ans;  il  leur  explique  une  page  de  catéchisme;  il  les  pré- 
pare à  la  confession  et  il  a  soin  de  leur  rappeler  l'invitation  à  la  com- 
munion fréquente  et  quotidienne  faite  à  eux  aussi  par  Notre  Très 
Saint  Père  le  Pape. 

Après  qu'ils  se  sont  confessés  ces  chers  enfants  s'en  vont.  Le  lende- 
main, ils  nous  reviennent  avec  plusieurs  de  leurs  parents,  et  ils  font  la 
communion  réparatrice  du  mois. . .  Ainsi  du  même  coup,  s'âfforçant  de 
communier  9  premiers  vendredis  successifs,  ils  auront  droit  aux  faveurs 
et  aux  promesses  du  Sacré-Cœur  de  Jésus. 

Plusieurs  de  ces  chers  enfants  qui  ont  communié  le  1er  vendredi,  — 
surtout  dans  le  village  —  reviendront  communier  encore  et  le  samedi  et 
le  dimanche  et  c'est  autant  de  gagné  pour  la  communion  fréquente. 

Entre  parenthèses,  disons  que  presque  tous  les  enfants  des  écoles  du 
village,  ont  communié  chaque  matin  du  mois  de  Marie  et  aussi  du  mois 
du  S. -Cœur.     Ce  sont  de  ces  choses  qui  nous  réjouissent  l'âme  ! 

La  communion  mensuelle  —  fidèlement  mensuelle  —  supposez  qu'on 
ne  puisse  obtenir  davantage  de  ces  enfants,  est  appelée  à  leur  faire  un 
bien  incalculable.  Mes  vénérés  Confrères,  vous  savez  comme  moi  que 
cette  communion  de  tous  les  mois  conduit  nos  petits  enfants  exempts 
de  fautes  graves  jusqu'à  l'âge  critique  des  passions  et  leur  prépare  une 
jeunesse  pure  et  sainte. 

Mais  que  ceux  qui  peuvent  plus,  ne  craignent  pas! 

Xotre  Pape  Pie  X  invite  et  pousse  à  la  communion  fréquente  et  quo- 
tidienne tous  les  chrétiens,  même  les  enfants  et  surtout  les  enfants.  Oui, 
trois  fois  en  un  an,  la  voix  de  Eome  s'est  fait  entendre  :  le  mot  d'ordre 
est  formel  et  ne  laisse  aucune  échappatoire. 

1°  Que  l'on  fasse  tous  les  efforts  possibles  pour  promouvoir  la  com- 
munion fréquente  et  quotidienne  dans  toutes  les  maisons  d'éducation 
(Décret  de  la  S.  Cong.  du  Concile,  30  décembre  1905). 

2°  Que  les  prêtres  veillent  à  leur  faire  faire  cette  1ère  communion, 
dès  qu'ils  en  sont  capables  et  à  la  leur  faire  renouveler  si  possible  tous 
les  jours.  (Instr.  app.  aux  membres  de  la  ligue  Sacerd.  Euch.  par  S.  S. 
Pie  X,  27  juillet  1906). 

3°  La  communion  fréquente  est  recommandée  même  aux  enfants. 
Une  fois  admis  à  la  Sainte  Table,  ils  ne  doivent  pas  être  empêchés  d'y 
participer  fréquemment,  mais  on  doit  bien  plutôt  les  y  exhorter.  Toute 
pratique  contraire  en  vigueur,  en  n'importe  quel  lieu  est  réprouvée. 
(Rep.  de  la  S.  Cong.  du  Concile,  le  sept.  1906).  . 

Ces  paroles  ont  fait  toute  une  révolution  pacifique,  quant  aux  moyens 
d'éducation  à  prendre  dans  nos  séminaires  et  dans  nos  collèges.  Vous 
vous  rappelez,  sans  doute,  avoir  lu  cette  réponse  de  Dom  Bosco  à  un 
homme  d'état  anglais  visitant  son  établissement  à  Turin  et  s'étonnant 


—  ?6T  — 

des  merveilleux  résultats  obtenu.^ ....  Quel  est  donc  votre  secret  pour 
transformer  ainsi  ces  enfants  ramassés  sur  les  rues  des  grandes  villes  ? 
Quel  est  donc  votre  secret  pour  transformer  ainsi  des  éléments  aussi  gros- 
siers? L'iiomme  de  Dieu  répondit:  "je  ne  connais  que  deux  moyens 
d'éducation:  le  fouet  et  la  communion.  J'ai  renoncé  au  fouet  et  j'ai 
pris  la  communion." 

Les  grands  éducateurs  de  notre  époque  ont  toujours  été  les  promoteurs 
de  la  communion  fréquente  jiarmi  l'enfance  et  la  jeunesse  :  les  directeurs 
de  nos  séminaires  et  collèges  n'ont  qu'à  suivre  ce  chemin  et  cette  charge 
toujours  lourde  va  devenir  enviable  et  même  très  agréable. 

Dans  les  paroisses  de  la  campagne,  on  pourra  goiiter  quelque  chose 
de  ce  bonheur,  en  conseillant  aux  parents  de  renoncer  au  bâton  et  d'es- 
sayer de  la  communion  fréquente. 

Les  résultats  obtenus  sont  déjà  appréciables  :  la  grâce  du  Sacrement 
nous  les  gardent  purs,  nous  les  fait  plus  soumis  à  leurs  parents  et  maî- 
tresses, plus  appliqués  au  travail  et  à  l'étude  et  surtout  plus  pieux. . . . 
la  grâce  du  Sacrement  a  même  une  vertu  civilisatrice. .  . 


b)  Catégorie  des  jeunes  gens.  On  leur  a  assigné  un  dimanche,  le 
premier  dimanche  du  mois  :  rien,  absolument  rien  ne  devra  déranger 
leur  réunion.  Depuis  le  samedi  après-midi  vers  4  heures  jusqu'au  di- 
manche matin,  c'est  le  temps  ac-cordé  aux  jeunes  gens  pour  se  confesser; 
et  on  respecte  assez  bien  cette  manière  de  faire,  car  on  comprend  que 
les  jeunes  gens  aiment  généralement  à  être  seuls,  loin  des  regards  cu- 
rieux et  indiscrets. 

La  messe  de  71/2  est  la  messe  des  jeunes  gens  de  la  Ligue  du  Sacré- 
Cœur;  ils  oc;upent  la  grande  nef  de  l'église:  ils  font  du  chant  à  l'orgue 
et  ils  ont  à  cœur  de  le  bien  préparer. 

Avant  la  messe,  le  Célébrant  distribue  la  Sainte  Communion.  Au 
milieu  des  doux  accords  de  l'orgue  —  parfois  pendant  un  cantique  ap- 
proprié à  la  circonstance  —  ne  tre  ardente  jeunesse  s'ap[»roche  avec  en- 
train mais  avec  respect  de  la  Sainte  Table  pour  recevoir  Celui  qui  est 
son  bon  Maître  et  son  bon  Ami.  Jésus  doit  être  content,  car,  y  a-t-il, 
qu'on  me  le  dise,  y  a-t-il  au  monde,  un  spectacle  beau  et  consolant  comme 
celui  d'une  communion  générale  de  jeunes  gens  ? 

Et  la  messe  commence:  à  l'Evangile,  un  prêtre  monte  en  chaire,  gé- 
néralement leur  Directeur.  Parfois,  il  leur  adresse  quelques  paternels 
reproches,  leur  fait  fiuelques  remarques,  mais  toujours  les  encourage  et 
les  félicite,  les  stimulant  pour  qu'ils  soient  do  braves  Ligueurs,  do  vail- 
lants soldats  du  Christ,  toujours  à  l'avant-garde  pour  combattre  les  deux 
grands  fléaux  de  l'intempérance  et  de  l'ivrognerie...  ensuite  il  leur 
donne  une  courte  instruction  sur  un  sujet  actuel  et  pratiriue. . .  et  la 
messe  se  continue  au  milieu  de  cantiques  saints  qui  excitent  à  la  piété 
et  animent  au  courage  chrétien. .  .  et  la  messe  est  finie.  Alors  le  prêtre 
vase  placer  debout,  à  l'ombre  du  Drapeau  du  S.-Ccpur  qui  flotte  pn-s  de 
l'autel  et  prononce  au  nom  de  tous,  la  formule  de  consécration  au  Divin 
Maître...   on  prie  j)our  ceux  qui  sont  moris...   on  prend  des  résolu- 


—  Tes- 
tions pour  le  mois  qui  commence.  .  .   et  on  se  sépare  de  corps. . .  mais 
restant  unis  d'esprit  et  d'âme  dans  le  cœur  aimant  de  Jésus. 

Et  ainsi  du  premier  coup  et  du  même  coup,  les  deux  tiers  de  nos  jeunes 
gens  ont  déjà  fait  leur  communion  mensuelle ...  les  autres  qui  en  ont 
été  empêchés  ne  se  feront  pas  attendre. 

Plusieurs  jeunes  gens,  principalement  dans  les  villages,  gagnés  par 
les  délices  de  la  Sainte  Table,  y  reviennent  après  15  jours. . .  ce  ne  sont 
pas  les  pires  ! 

Le  Directeur  de  ces  jeunes  gens,  peut  user  de  pieuses  industries  pour 
les  amener  à  communier  plus  souvent.  Voici,  leur  dira-t-il,  le  mois 
consacré  à  la  Ste-Vierge,  au  S.  Cœur:  vous  aimez  bien  le  S.  Cœur  et  la 
Sainte  Vierge,  n'est-ce  pas?  Alors,  il  vous  faut  faire  plus  ces  mois- 
ci  que  les  autres  mois  pour  leur  prouver  votre  amour.  . .  et  le  moyen  le 
meilleur,  c'est  de  faire  une  bonne  communion.  . .  Donc  en  ces  mois,  ce 
n'est  pas  une  fois,  mais  au  moins  deux  fois  que  vous  communierez . . . 
et  on  aura  la  consolation  d'être  écouté  par  une  bonne  moitié. 

Enfin  quelques  grands  garçons  rares  encore  et  occupés  encore  à  leurs 
études  communient  plusieurs  fois  la  semaine.  C'est  peu  !  mais  n'est-ce 
pas  la  bonne  semence  ? 

N.  B.  On  doit  faire  l'impossible  pour  réunir  les  confréries,  non  pas 
sur  semaine,  mais  le  dimanche  et  encore  le  dimanche  matin.  .  .  pour 
les  faire  communier.  Ce  peut  être  très  fatigant,  mais  beaucoup  plus 
consolant. 

Quel  ne  doit  pas  être  le  zèle  des  pasteurs  à  pousser  les  jeunes  gens 
à  la  Sainte  Table,  quand  ils  savent  le  sentiment  des  plus  éminents  direc- 
teurs sur  la  nécessité  de  la  communion  fréquente  pour  la  jeunesse.  "  J'af- 
firme, dit  Timon-David,  que  la  confession  mensuelle  elle-même  ne  suffit 
pas  pour  un  grand  nombre  de  jeunes  gens.  Voulez-vous  qu'un  jeune 
homme  vive  toujours  dans  la  grâce  du  bon  Dieu,  faites-le  se  confesser 
plusieurs  fois  par  mois." 

"  Un  jeune  homme,  dit  M.  Allemand,  qui  veut  persévérer  dans  la  vertu 
doit  s'approcher  du  St-Tribunal  tous  les  quinze  jours  pour  le  plus  tard. 
Une  expérience  de  trente-^cinq  ans  consacrés  à  la  direction  de  la  jeu- 
nesse m'a  appris  qu'un  grand  nombre  de  jeunes  gens  n'auraient  pas 
persévéré  sans  la  confession  de  tous  les  huit  jours." 

"  J'affirme,  dit  Mgr  de  Ségur,  que  sauf  de  rares  exceptions,  la  com- 
munion de  tous  les  huit  jours  est  quasi-nécessaire  pour  un  jeune  garçon 
qui  veut  demeurer  chaste  et  obéissant,  devenir  un  pieux  et  consciencieux 
jeune  homme." 

Lacordaire  fit  200  lieues  pour  confesser  ses  jeunes  gens,  afin  que 
quelques-uns  ne  fussent  pas  privés  de  la  communion.  Il  connaissait  la 
valeur  d'une  communion  pour  un  jeune  homme. 

Ah  !  mes  vénérés  confrères,  nous  pouvons  travailler  et  nous  dévouer  ! 

c)  Catégorie  des  jeunes  filles.  Le  douxiome  dimanche  du  mois,  c'est  le 
tour  aux  jeunes  filles  "  Enfants  de  Marie  de  la  paroisse,  de  manifester 
leur  amour  et  leur  piété  envers  la  Ste-Vierge.  . .  mais,  ce  n'est  pas  d'au- 
jourd'hui, c'est  connu:  la  Ste-Vierge  conduit  ses  enfants  à  Jésus.  Aussi, 
la  réunion  ries  "Enfants  do  Marie"  est-elle  une  occasion  de  faire  de 
nombreuses  et  ferventes  communions.     Je  ne  crois  pas  exagÛTer  en  disant 


—  7G9  — 

qu'il  n'y  a  pas  deux  jeunes  filles  qui  viennent  à  l'assemblée  et  qui  ne 
communient  pas:  en  vérité  la  Ste- Vierge  ne  manque  pas  son  but:  Ad 
Jesum  per  Mariam! 

Les  mêmes  faveurs  leur  sont  accordées  à  elles  comme  aux  jeunes 
gens. . .  .  temps  pour  faciliter  les  confessions  depuis  samedi  jusqu'à  di- 
manche... messe,  communion,  musique,  chant,  instruction...  Pour 
donner  plus  d'entrain  et  d'intérêt  aux  réunions,  on  pourrait  faire  ré- 
citer une  partie  de  l'office  de  la  Ste-Yierge  ou  le  petit  office  de  l'Imma- 
culée Conception. 

Il  y  a  une  sainte  rivalité  entre  ces  deux  confréries  de  jeunes  gens  et  de 
jeunes  filles:  et  il  est  permis  de  l'entretenir  et  de  la  développer  pourvu 
que  l'on  veuille  le  bien  des  âmes  et  leur  rencontre  avec  Notre-Seigneur 
au  T.  S. -Sacrement. 

d)  Catégorie  des  Tertiaires.  La  consolation  d'un  pasteur  de  paroisse 
et  aussi  sa  force,  c'est  le  groupement  des  pères  et  des  mères  de  famille 
pour  le  bien  !  !  !  Un  de  ces  groupements  puissants  est  le  Tiers-Ordre  de 
S.  François  d'Assises.  Avec  ses  nombreuses  indulgences  accordées  aux 
fêtes  des  divers  saints  de  l'Ordre,  on  fournit  aux  Tertiaires  des  occa- 
sions multiples  de  l'aire  la  sainte  communion:  seulement  par  l'établisse- 
ment du  Tiers-Ordre  dans  nos  paroisses,  le  nombre  des  communions  a 
doublé,  triplé  et  davantage. 

Le  dimanche  consacré  aux  réunions  des  confraternités  du  Tiers-Ordre 
est  toujours  attendu  avec  anxiété  et  il  ne  le  cède  en  rien  aux  autres 
dimanches  d'un  même  mois.  Dieu  seul  sait  tout  le  dévouement  et  le 
courage  qu'il  faut  à  ces  pères  et  mères  de  familles  pour  venir  com- 
munier... lever  matinal,  chemin::  difficiles,  froid  intense,  température 
inclémente,  etc.,  etc. 

Si  on  ne  veut  pas  établir  le  Tiers-Ordre. . .  alors  qu'on  établisse  une 
autre  association  pieuse  !  Mais  toutes  ces  associations  ou  confréries 
doivent  être  orientées  vers  l'Eucharistie. . .  toutes  doivent  conduire  a 
Jésus-Hostie. 


3"  Moyens, 

Exposition  du  T.  Saint-Sacrement.  Un  excellent  moyen  de  développer 
la  dévotion  envers  la  sainte  Eucharistie,  c'est  l'exposition  sollennolle  «i 
publique  du  T.  S.  -  Sacrement  durant  toute  une  journée,  viz.  le  1er 
vendredi  de  chaque  mois.  Plusieurs  paroisses  de  campagnes  l'ont  essayé 
et  elles  ne  voudraient  pas  discontinuer,  tant  cette  dévotion  devient  popu- 
laire. C'est  vraiment  beau!  A  cluKiue  heure  du  jour,  on  voit  <les  groupes 
de  gens  se  remplacer  auprès  du  T.  S. -Sacrement. . .  ce  n'est  pas  à  Vor- 
dinaire. . .  ce  jour-là  est-ce  de  l'imagination?  non,  c'est  réalité!  Il  y  a 
par  le  village  une  atmosphère  de  piété  qui  fait  du  bien.  .  .  et  le  soir  on 
vient  en  foule  assister  à  l'Heure  Sainte.  De  la  musique,  du  chant,  de  la 
prédication  et  dos  prières,  l'heure  s'écoule  toujours  rapide.  "  l'no  lieuro 
ô  mon  Dieu,  passée  près  de  ton  Tabernacle,  vaut  mieux  que  mille  ans 
au  palais  des  mortels." 

Presque  toutes  les  paroisses,  du  moins  dans  notre  région,  ont  enror»» 
l'habitude  de  faire,  un  soir  quelcon(|ue  de  la  semaine,  une  heure  d'ado- 
25 


—  770  — 

ration  publique  et  solennelle.  Et  on  remarque  avec  plaisir  que  le  peuple 
s'y  rend  toujours  de  plus  en  plus  nombreux.  "  Quand  je  serai  élevé, 
avait  dit  J.-C,  j'attirerai  tout  à  moi  :  "  en  prononçant  cette  parole, 
notre  Sauveur  ne  pensait  pas  seulement  à  sa  croix,  mais  encore  à  l'os- 
tensoir. . . . 

Prière  du  soir.  La  cloche  qui  sonne  l'Angelus  du  soir  appelle  les 
fidèles  auprès  du  Tabernacle.  C'est  encore  Marie  qui  amène  ses  en- 
fants à  Jésus.  Ad  Jesum  per  Mariam.  L'exercice  du  soir  comprend  le 
chapelet  récité  à  haute  voix  par  le  peuple,  la  prière  commence  avec  des 
invocations  ou  oraisons  jaculatoires  pour  les  divers  besoins  de  la  pa- 
roisse. Presque  toujours  on  lit  une  très  courte  vie  du  Saint  du  jour 
et  on  termine  par  le  Chemin  de  la  Croix  et  la  communion  spirituelle. 

Facilité  à  donner  la  Sainte  Communion.  Quelques  rares  curés  se 
montrent  encore  très  difficiles  pour  distribuer  la  Sainte  Communion  a 
leurs  fidèles  :  "  pendant  da  Sainte  Messe  et  c'est  tout."  C'est  peut-être 
plus  liturgique,  mais  c'est  moins  paternel  !  Que  dirions-nous  d'un  père 
et  d'une  mère  qui  auraient  la  cruauté  de  priver  de  pain  leur  enfant  ? 
Nous  sommes  les  pères  spirituels  de  nos  paroissiens,  nous  devons  les 
nourrir  du  vrai  pain  de  vie  dont  ils  sont  tant  affamés  et  dont  ils  ont 
tant  besoin  !  La  table  eucharistique  doit  être  toujours  prête . . .  nous 
sommes  ex  officio  les  pourvoyeurs  du  Banquet  Céleste . . .  nous  sommes 
ces  serviteurs  dont  parle  l'Evangile  et  que  le  Roi  Jésus  envoie  le  long 
des  haies  et  par  tous  les  sentiers  chercher  les  âmes  faibles  leur  faisant 
une  sorte  de  violence  pour  les  introduire  dans  la  salle  du  festin,  car  le 
Seigneur  la  veut  remplir.  Le  prêtre  est  l'homme  de  l'Eucharistie  :  sans 
l'Eucharistie,  je  ne  vois  pas  sa  raison  d'être.  .  .Ut  sumant  et  dent  caete- 
ris:  prendre  l'Eucharistie  et  la  donner  aux  autres  telle  est  la  mission 
de  "  divinisation  "  qu'a  reçue  tout  prêtre ... 

Mes  vénérés  Confrères,  soyons  faciles  pour  donner  la  Sainte  Com- 
munion. Que  de  personnes  maladives,,  trop  faibles  pour  communier  à 
la  messe  de  7  heures,  même  de  6  heures  seraient  heureuses  de  le  faire 
à  une  heure  plus  matinale.  .  .  La  comparaison  n'est  pas  si  boiteuse  : 
l'Eglise  Catholique  n'est-elle  pas  une  hôtellerie  divine  où  l'on  donne  des 
repas  à  toute  heure. 

Prière.  A  toutes  ces  œuvres,  nous  avons  soin  d'ajouter  le  moyen  le 
plus  efficace  la  prière:  chaque  soir,  nous  récitons  la  prière  indulgenciée 
de  Pie  X  pour  la  diffusion  de  la  communion. 

Loué,  ])éni,  adoré  soit  le  T.  S.-Sacrement  de  l'autel. 

J'ai  l'honneur  —  honneur  immense  pour  un  humble  curé  de  cam- 
pagne —  de  formuler  devant  le  XXIe  Congrès  Eucharistique  les  vœux 
suivants  : 

1°  Que  dans  les  paroisses,  oii  il  y  a  un  village  assez  considérable,  on 
établisse  une  sort'  d'adoration  diurne,  afin  que  N.-S.  ne  soit  pas  trop 
seul  dans  nos  églises  de  la  campagne. 

2° Que  l'on  conlinur  à  organiser  dans  nos  campagnes,  des  confréries 
on  associations  pieuses  qui  embrassent  toutes  les  catégories  de  pofrois- 
siens. ...  et  que  les  asseniblées  de  ces  confréries  soient  tenues  le  di- 
manche matin,  afin  de  favoriser  les  communions. 


—  771  — 

3°  Que  le  premier  vendredi  de  chaque  mois  soit,  avec  la  permission 
de  l'Ordinaire,  toute  une  journée  d'adoration  publique  et  solennelle  se 
terminant  par  l'Heure  Sainte  (là  où  c'est  possible). 

4°  Que,  là  où  c'est  possible,  l'on  fasse  une  heure  d'adoration  publique 
chaque  semaine. 

Loué  soit  le  Très  Saint-Sacrement! 


Le  sixième  rapport,  eoneernant  lœuvi-e  si  importante  des 
catéchismes  et  les  moyens  pratiques  de  la  bien  remplir,  est 
traité  par  M.  l'abbé  8.  Corheil,  Principal  <!«•  l'Ecole  Normale 
de  UuU  (Canada). 


L'ŒUVRE  DES  CATECHISMES 


Xotre-Seigneur  dit  à  la  Samaritaine:  "Mais  Theure  vient;  mais 
l'heure  est  venue  où  les  vrais  adorateurs  adoreront  le  Père  en  esprit  et 
en  vérité."  (Jean  IV,  23.)  Quel  est-il  cet  adorateur  qui  le  divin  Maître 
décrit  en  deux  mots?  Celui-là  qui  adore,  selon  le  commentaire  de  saint 
Thomas,  avec  une  connaissance  qui  n'est  souillée  d'aucune  erreur  et  qui 
se  tourne  à  aimer.  "  Et  ce  sont  de  tels  adorateurs,"  ajoute  Notre- 
Seigneur,  "  que  le  Père  cherche."  Notons  bien  ce  mot  du  Seigneur.  Le 
Père  les  cherche,  ces  adorateurs  spirituels,  et  pour  les  faire  renaître  sur 
terre  après  la  ruine  d"Eden,  le  Père  suscita  les  patriarches,  puis  les  pro- 
phètes, puis. . .  comme  s'exprime  saint  Paul,  "  dans  ces  derniers  temps, 
*'  Dieu  nous  a  parlé  par  le  Fils  qu'il  a  établi  béritier  do  toutes  choses." 
(Heb.  IV.  I,  2.)  Kepeupler  la  terre  de  vrais  adorateurs,  c'est  donc  la 
mission  du  prêtre  comme  prêtre,  c'est  dire  du  chrétien  honoré  du  Sa- 
crement de  l'Ordre:  il  continue  visiblement  l'œuvre  de  restauration  que 
le  Christ  poursuit  souverainelnent  mais  invisiblement. 

C'est  donc  par  la  connaissance  religieuse,  mais  une  connaissance  qui 
se  tourne  à  aimer:  "  Adorabunt  Fatrem  in  spiritu  et  verilate,"  c'est 
par  cette  connaissance  que  le  prêtre  enfante  pour  Dieu  de  vrais  ado- 
rateurs. 

Mais  à  la  génération  (jui  grandit,  appelée  à  vivre  d'a<l()nition,  h- 
pasteur  doit  se  hâter  de  communiquer  cette  connaissance  qui  est  esprit 
et  vie,  car,  l'expérience  le  prouve,  l'enfant,  le  jeune  hoiuino.  sont  des 
êtres  éminemment  passifs:  c'est  la  cire  molle  qui  reçoit  toutr-  ciiiprcinte  ; 
c'est  l'arbrisseau  frêle  qui  plie  à  tout  vent  mais  finalement  garde  son 
pli;  c'est  le  vase  neuf  qui  va  s'imprégner  à  toujours  de  rcwbiir  «le  sou 
premier  contenu.  Or,  ranibiancr^  où  nos  jeunes  gens  vivent  n'est  plus 
absolument  bonne.  L'esprit  du  siècle,  gnlce  au  journal  et  au  <'"'■ 
pénètre  dans  nos  foyers  et  cet  esprit  <le  naturalisme  et  de  laïcisme  al; 


—  «  i  <l  — 

émousse,  au  moins,  de  bonne  heure  le  sens  chrétien,  l'esprit  surnaturel 
de  nos  jeunes  communiants.  Puis  l'heure  des  ténèbres,  je  veux  dire 
l'heure  du  réveil  des  concupiscences,  ne  tarde  guère  à  sonner,  et  voici 
que  ces  êtres  éminemment  passifs,  l"enlant,  le  jeune  homme,  victimes  de 
l'ambiance  et  des  révélations  de  l'ange  de  Satan,  se  remplissent  d'idées 
qui  constitueront,  tout  à  l'heure,  leur  mentalité  informable,  leur  com- 
prcnoire,  comme  disait  l'un  de  ces  enfants  terribles,  leur  comprenoire 
réfractaire  à  l'illumination  chrétienne.  Il  faut  que  le  pasteur  prévienne 
ces  ravages  intimes;  il  doit  donc  se  hâter  de  communiquer  à  la  géné- 
ration des  baptisés  qui  grandit  et  dont  l'esprit  encore  virginal  s'ouvre  à 
la  céleste  illumination,  il  doit  se  hâter  de  communiquer  la  connaissance 
de  foi  et  d"amour  qui  crée  sur  terre  les  vrais  adorateurs. 

Or,  on  appelle  catéchisme  ou  de  Première  communion  ou  de  Persé- 
vérance, cet  enseignement  simple  et  réguUer  que  l'on  donne  aux  jeunes 
gens,  aux  enfants,  donc,  pasteurs,  hâtez-vous  de  vous  donner  et  donnez- 
vous  avec  zèle  à  l'œuvre  des  Catéchismes,  vous  avez  mission  de  par 
Jésus-Christ  de  peupler  la  terre  de  ces  vrais  adorateurs  que  le  Père 
céleste  cherche. 

II 

Cependant,  pour  créer  ces  adorateurs  en  esprit  et  en  vérité,  il  ne  suffit 
pas  que  le  pasteur  vueille  enseigner  les  jeunes  chrétiens,  il  faut  qu'il 
puisse  le  faire  efficacement.  Et  pour  le  pouvoir  avec  efficacité,  il  faut 
au  Catéchiste  une  bonne  méthode. 

Il  est  des  méthodes  insuffisantes.  Par  exemple,  elle  est  insuffisante 
la  méthode  dont  le  fruit  est  un  enseignement  purement  spéculatif. 
Assurément,  il  faut  imprimer  la  doctrine  chrétienne  dans  l'esprit  de 
l'enfant;  il  importe  que  celui-ci  comprenne  dans  la  mesure  de  son  intel- 
ligence ce  qu'il  a  le  devoir  d'apprendre,  mais  pour  être  vraiment  évan- 
gélisé  ce  devoir  spéculatif  ne  suffit  pas.  "  La  loi  de  Dieu,"  chante  le 
Psalmiste  (Ps.  XVIII)  "est  une  lumière  pour  l'esprit;"  mais  il 
ajoute  :  '"'  elle  est  aussi  une  grâce  qui  restaure  les  âmes  et  une  onction 
qui  réjouit  les  cœurs."  Malheureux  jeunes  gens  à  qui  on  donne  la 
vérité,  sans  l'amour  de  la  vérité,  ils  vont  périr.  "  Perunt  eo  quod  ccori- 
tatem  veritatis  non  receperunt  ut  salvi  fièrent."     (II  Thess.  10.) 

Elle  est  aussi  insuffisante  la  méthode  qui  aboutit  à  un  enseignement 
purement  sentimental.  Le  catéchiste  cultive  le  sentiment  religieux;  il 
fait  bien;  mais  voici  son  tort  :  en  sacrifiant  l'instruction  à  l'exhortation 
et  à  des  exercices  de  dévotion,  il  néglige  de  faire  connaître  ou  de  faire 
comprendre  les  raisons  dogmatiques  de  notre  vie  religieuse,  et  voici  le 
le  malheur  :  le  sentiment  religieux  qui  n'a  point  sa  racine  dans  une  con- 
viction chrétienne  est  fatalement  vaincu  au  choc  des  réalités  concrètes 
que  le  vieil  homme  soulève.  Enfonçons  d'abord  dans  l'esprit  de  l'enfant 
<ie  claires  idées,  puis  sollicitons  les  effusions  du  cœur.  "  Croissons  en 
Jésus-Christ,"  di"t  saint  Paul,  en  l'aimant?  Certes,  oui,  mais  écoutez  ce 
fort  mot  de  l'apôtre,  en  faisant  sa  vérité  notre  vie  et  cela  avec  amour: 
"  Veritatem  autem  facientes  in  caritaie  crescamus  in  Illo."  (Eph.  IV, 
15.) 


f»  ^ 


3 


La  bonne  méthode  imprime  l'enseignement  catéchistique  -et  dans  la 
mémoire  et  dans  l'entendement  et  dans  le  cœur  de  l'enfant.  Grâce  à 
cette  méthode  complète  le  catéchisme  est  su,  compris,  pratiqué.  Il  de- 
vient dans  l'âme  enseignée,  une  vie,  une  seconde  nature,  qui  e;;t  la  nature 
surnaturalisée.  Le  cœur  à  la  fois,  et  l'esprit  sont  christianisés.  Le 
pasteur  qui  donne  l'enseignement  avec  cette  plénitude  dira  à  ses  caté- 
chisés dans  le  langage  de  saint  Paul  :  "  In  Christo  Jesu  per  evangelium 
ego  vos  genui."     (I  Cor.  YI,  15.) 

Les  procédés  de  la  bonne  méthode,  on  les  trouve  exposés  dans  les  pé- 
dagogies religieuses  de  noms  variés:  c'est  le  Manuel,. . . .  c'est  le  Guide, 
....  c'est  le  Directoire  des  Catéchistes.  Je  renvoie  à  ces  publications 
le  pasteur  soucieux  d'acquérir  l'habileté  professionnelle  du  catéchiste. 
Ici  je  noterai  seulement  quelques  directions  générales. 

m 

Première  direction  générale 

Il  faut  donner  tous  les  ans  un  intégral  enseignement  du  catéchisme. 
Il  est  des  catéchistes  qui  partagent  en  trois  ou  quatre  années  le  revue  du 
catéchisme  de  Première  communion.  Ils  veulent  en  expliquer  les  for- 
mules amplement.  Le  tort  de  leur  méthode,  c'est  que  ces  plus  amples 
explications  dépassent  les  jeunes  intelligences,  ou  à  tout  le  moins,  en- 
combrent et  accablent  la  mémoire  des  enfants.  L'autre  tort  de  cette 
méthode,  c'est  qu'une  partie  notable  des  jeunes  catéchisés  ne  suivront 
pas  ce  cours  de  plusieurs  années  et  ainsi  n  auront  en  tT-te  (|Uf  dis  lirilies 
de  catéchisme. 

Ne  craignez  pas  chez  les  jeunes  gens  le  dégoût  d'entendre  redire 
annuellement  les  formules  du  catéchisme.  Aux  explications  du  caté- 
chiste diligent  l'Esprit-Saint  accorde  toujours  des  clartés  et  des  saveurs 
nouvelles.  Et  le  catéchisme  aura  un  charme  vainqueur  des  attraits  qui 
entraîneraient  l'enfant  aux  buissons,  oîi  l'oiseau  bâtit  son  nid  ;  à  la  grève 
oîi  le  poisson  mord;  au  champ  où  le  ballon  vole.  Et  quand  la  legon  de 
catéchisme  sera  sonnée,  l'enfant  y  assistera  fidèle.  Heureux  l'enfant  à 
qui  il  est  donné  tous  les  ans  de  repasser  son  catéchisme  intégralement 
avec  un  diligent  catéchiste,  celui-là  saura  sa  religion. 

Deuxième  direction  générale 

La  leçon  de  catéchisme  doit  être  un  enseignement  vivant. 

(a)  L'enseignement  est  vivant  si  le  catéchiste  ne  discourt  pas  mais 
s'il  cause. 

Quand  le  catw-biste  discourt,  les  enfants  réiduits  à  l'étiU  ti'auditours 
passifs,  ne  tardent  pas  à  somnoler  ou  à  laisser  voguer  leur  pi-nsèe  ;  et  lu 
parole  sainte  est  une  parole  morte,  parce  qu'elle  retentit  h  des  oreilles 
fermées.  Pour  le  catéchiste,  caui-er  avec  l'enfant,  c'est  le  questionner, 
et  l'enfant  intcrroj^é  devient  actif;  il  rollaborc  avec  son  niiiitrc  j»our 
enfoncer  en  son  propre  esprit  la  sainte  parole.     Il  importe  peu  (jue  l'in- 


—  774  — 

terrogation  soit  de  pur  contrôle,  c'est-à-dire  expositive,  ou  que  l'interro- 
gation soit  socratique,  c'est-à-dire  inventive,  encore  que  celle-ci  plus  que 
celle-là  soit  efficace  et  excitatrice  d'efforts  personnels  chez  l'enfant;  ce 
qui  importe,  c'est  que  les  questions  soient  fréquentes  et  posées  perti- 
nemment. L'esprit  de  l'enfant  s'illumine  merveilleusement  par  l'effort 
qu'il  fait  pour  découvrir  ou  énoncer  avec  précision  la  notion  religieuse. 

(b)  L'enseignement  est  vivant,  s'il  se  présente  comme  une  doctrine 
qui  se  réalise  dans  la  vie  même  de  l'enfant,  ou  dans  la  vie  naturelle  ou 
religieuse  de  ceux  qui  entourent  l'enfant  observateur.  Prendre  les 
exemples  et  les  cas  de  consciences  dans  ce  domaine  familier  à  l'enfant 
c'est,  comme  parle  la  pédagogie,  faire  entrer  la  doctrine  catholique  dans 
l'expérience  de  l'enfant,  c'est  faire  prendre  à  l'enfant  l'habitude  de  juger 
sa  conduite  et  celle  du  prochain  à  la  lumière  de  l'enseignement  divin. 
C'est  cultiver  en  lui  le  sens  mystique,  l'esprit  surnaturel,  que  de  l'habi- 
tuer à  éclairer  ainsi  ses  réflexions  des  reflets  des  idées  divines.  C'est 
enfin,  former  sa  conscience  chrétienne,  et  il  me  semble  que  c'est  une  des 
leçons  que  contient  ce  texte  de  saint  Paul  :  "  Verhum  Christi  hahitet  in 
vohis  abundanter."     (Col.  III,  16.) 

(c)  L'enseignement  est  vivant,  si  l'on  fait  voir  à  l'enfant  la  vérité 
enseignée  toute  rayonnante  dans  les  faits  divins  dont  la  Sainte  Ecriture 
est  le  récit  inspiré.  C'est  la  méthode  de  Dieu,  zélé  à  instruire  l'huma- 
nité. Dieu  ne  présente  pas  la  vérité  dans  une  formule  abstraite,  mais 
il  la  fait  resplendir  dans  de  grands  événements,  d'une  lumière  et  vive 
et  inaltérable.  Eden,  Ararat,  Sinaï,  Sion,  Bethléem,  Golgotha:  ce  sont 
des  doctrines  à  la  fois  et  des  faits  divins  que  l'humanité  voit  et  com- 
prend. Comme  les  bergers  de  la  nuit  de  ISToël,  l'humanité  peut  dire: 
'*  Passons  jusqu'à  Bethléem  et  allons  voir  cette  vérité  qui  est  un  fait.  ' 
"  Et  videamus  hoc  verhum  quod  factum  est."  (Luc  II,  15.)  Donc,  dans 
nos  catéchismes,  place  aux  faits  divins.  Place  aussi  aux  exemples  des 
saints,  car  ils  sont  l'ouvrage  de  Dieu  qui  fait  luire  ainsi  des  vérités  dans 
de  belles  réalités:  ''Sic  luceat  lux  vestra  coram  hominibus  ut  videant 
opéra  vestra  bona  et  glorificent  Patrem  vestrum  qui  in  cœlis  est."  Pour 
illustrer  ces  vérités  chrétiennes,  évitons  d'en  appeler  à  des  faits  et  à  des 
exemples  d'ordre  profane. 

Troisième  direction  générale 

Il  faut  un  enseignement  pratique  mais  fondé  en  raison. 

(a)  Ces  paroles  signifient  que  toute  la  vie  religieuse  dont  on  veut 
animer  l'enfant  doit  sortir  du  dogme.  C'est  la  méthode  de  saint  Paul 
dans  ses  épîtres.  Il  établit  le  dogme  et  en  tire  les  règles  de  conduite 
chrétienne.  Certes,  la  vie  des  enfants,  des  jeunes  gens  est  presque  toute 
dans  les  sens;  de  là  leur  goiit  vif  chez  les  bons,  pour  les  exercices  du 
culte  extérieur  et  pour  les  effusion;^  de  cœur  pieux;  mais  pour  que  cette 
religion  tienne  quand  les  conflits  éclateront  au  plus  intime  de  l'âme  avec 
les  appels  du  siècle,  il  faut  inculquer  aux  jeunes  esprits  les  raisons 
d'aimer  et  de  prier  Dieu.  Oui  !  il  importe  que  la  morale  soit  tenue  pour 
une  suite  logique  du  dogme.     Parce  que  je  crois  d'esprit,  je  me  convertis 


de  cœur.     Voilà  une  bonne  psychologie:  " NUiil  anialum  nisi  praeco- 
gnitum." 

(h)  Un  enseignement  pratique  fondé  en  raison!  Ces  paroles  signi- 
fient une  vie  religieuse  constituée  sur  les  vrais  principes,  sur  les  maximes 
essentielles  du  christianisme.  S'il  y  a  tant  de  faux  pieux  et  de  fausses 
dévotes,  c'est  qu'il  y  a  eu  chez  l'enfant,  au  temps  des  catéchismes,  con- 
fusion entre  des  directions  secondaires  et  les  principes  primordiaux  de 
la  piété  chrétienne.  Il  importe  dans  le  chrétien  que  l'on  forme  à  la 
vraie  piété  de  tuer  le  faux  dévot,  et  ce  que  le  siècle  appelle  l'honnête 
homme.  Il  faut  donc  bien  déterminer  les  principes  générateurs  de  la 
solide  piété.  Inculquons  bien  dans  l'âme  de  l'enfant  ces  maximes  chré- 
tiennes. 

Par  exemple: 

"  Le  juste  vit  de  la  foi  et  de  la  charité,"  et  cela  est  quand  ces  vertus 
théologales  se  traduisent  par  des  œuvres. 

"  Le  juste  vit  de  la  pensée  de  Dieu,"  croyant  à  sa  présence  et  à  sa  pro- 
vidence il  pratique  la  conformité  de  sa  volonté  avec  la  volonté  de  Dieu. 

"  Le  juste  vit  de  Jésus-Christ."  Pour  lui  le  Christ  est  le  mot  d'ex- 
pUcation  de  tous  les  mystères  de  la  vie,  et  il  est  le  sens  vrai  de  tous  les 
grands  mots  dont  on  fascine  l'humanité:  v.g.  Liberté,  Fraternité,  Pro- 
grès, Civilisation. 

Le  juste  vit  de  pénitence,  de  mortification,  d'abnégation,  en  union 
avec  Jésus  crucifié. 

C'est  de  ces  enfants,  ainsi  enseignés  et  formés  à  la  vraie  vie  chrétienne 
que  le  pasteur  peut  dire,  dans  le  langage  de  saint  Paul  :  "  Filioli  mei 
quos  iterum  parturio  donec  formetur  Christus  in  vohis."  (Gai.  IV,  19.) 

Une  dernière  et  suprême  direction 

L'enseignement  doit  être  eucharistique.  De  toutes  les  méthodes  de 
catéchiser,  il  n'en  faut  point  tenir  une  seule  pour  parfaite,  si  elle 
n'amène  pas  le  jeune  chrétien  à  l'église  et  ne  le  prosterne  aux  pieds  de 
Jésus-Hostie.  Qui  me  contredira  s'il  réfléchit,  ■que  l'enseignement  caté- 
chistique  a  pour  but  de  créer,  de  multiplier  les  vrais  adorateurs.  Toute 
catéchisation  qui  ne  tient  le  jeune  chrétien  en  perpétuel  contact  avec 
l'Eucharistie,  avec  Jésus  voilé  mais  vivant,  tout  enscnil>ic  Homme  et 
Dieu  au  Tabernacle,  est  incomplète  et  ce  qui  lui  manque  est  essentiel.  Si 
l'âme  de  la  classe  des  catéchismes  n'est  pas  eucharistique,  l'essentiel 
manque  à  cette  classe.  Xotre-Seigneur  lui-même  nous  manjuc  cette  di- 
direction  quand  il  dit  dans  saint  .lean  VI,  45:  ''Est  scriplum  in  Pro- 
phetis  :  Et  erunt  omnes  docihiles  Dei.  Et  conclut:  "  Omnis  qui  audivit 
a  Pâtre  et  didicit,  venit  ad  me."  Venit  ad  me!  c'est  donc  lui,  le  Dini 
avec  nous,  qui  est  le  vrai  Maître  et  qui  en  enseignant,  sVmpare  du  cœur 
de  ses  disciples.  Marie-Miuleleine  était  assise  i\  ses  pieds  et  l'écoutait. 
Traitons  ainsi  nos  catéchisés  :  Tenons-les  assis  aux  pieds  du  Divin 
Maître.  Il  est  le  fover  d'où  doit  rayonner  sur  le  jeune  ibrélien.  les 
clartés  d"  la  doctrine  révélée.  C'est  bien  saint  Paul  qui  le  dit  dans  un 
langage  de  magnificence:  "  Peus  qui  dixit  de  tencbris  lucem  splendes- 


—  776  — 

cere,  ipse  illuxit  in  cordibus  nostris  ad  illuminationem  scientioje  cla- 
ritatis  Dei  in  fade  Christi/'     (II.  Cor.  IV,  6.) 

A  la  veille  de  sa  mort,  Notre-Siegneur  institue  le  Sacrement  de  l'autel 
eucharistique,  le  Sacrement  de  son  corps  qui  va  être  brisé,  de  son  sang 
qui  va  être  versé  et  il  dit  :  écoutons  ce  mot  : 

Faites  ceci  en  mémoire  de  moi. 

Faites  ceci  en  mémoire  de  moi  !  A  ce  suprême  appel  de  l'amour  qui 
va  se  consommer  au  Calvaire  et  qui  convie  à  l'autel  eucharistique,  le 
prêtre  négligera-t-il,  sans  crime,  d'ouvrir  l'oreille  et  le  cœur  des  caté- 
chisés ?  Comme  Marthe  à  Marie,  disons  donc  à  nos  enfants,  à  nos  jeunes 
gens,  "  Magister  adest  et  vocat  te."  Dieu,  est  là,  conduisons  là  l'enfant 
des  catéchismes  et  voyons  à  ce  qu'il  noue  sa  vie  d'adoration  avec  ce  Dieu 
du  Tabernacle  mieux  connu,  mieux  aimé,  mieux  servi.  Pour  cela,  c'est 
le  temps  ou  jamais. 

Mais  il  ne  faut  pas  seulement  crier  et  répéter  le  cri  :  "  Adorez  l'Eu- 
charistie." Il  faut,  pendant  les  années  des  catéchismes,  faire  prendre 
aux  jeunes  chrétiens  des  habitudes  d'adoration  eucharistique,  et  cela,  en 
leur  faisant  faire  fréquemment  des  adorations  et  collectives  et  isolées. 
Au  cours  de  l'année,  du  haut  de  la  chaire,  convions  l'enfant  à  faire  des 
visites  au  Saint-Sacrement,  soit  à  la  fin  des  classes,  soit  quand  il  passe 
incidemment  à  la  porte  de  l'église,  soit  aux  jours  des  expositions  solen- 
nelles du  Saint-Sacrement.  Le  devoir  de  l'adoration  eucharistique, 
prêchons-le  à  temps  et  à  contretemps.  "  Insta  opportune,  importune." 
Voilà  la  voie  à  suivre  pour  atteindre  le  but  des  catéchismes,  je  veux  dire, 
pour  créer,  multiplier  sur  terre  les  adorateurs  spirituels  que  ce  Père 
cherche  pour  en  peupler  ensuite  le  ciel.  C'est  bien  en  présence  des 
Tabernacles  voilés  que  l'on  commence  cette  vie  d'adoration  en  esprit  et 
en  vérité,  que  l'on  continuera  au  ciel  dans  un  bienheureux  face-à-face. 
C'est  bien  la  pensée  de  ce  chant  de  saint  Thomas: 

Jesu,  quem  velatum  nunc  aspicio, 
Oro,  fiât  illud  quod  tam  sitio: 
Ut,  te  revelata  cernens  facie, 
Visu  sim  beatus  tuae  gloriae. 

IV 

Je  termine  donc  tout  cet  entretien  en  proposant  à  vos  suffrages  le 
Tœu  suivant,  sur  l'Œuvre  des  Catéchismes. 

Vœu  : 

Après  avoir  médité  la  parole  de  Notre-Seigneur  à  la  Samaritaine  : 
"  que  le  Père  cherche  sur  terre  de  vrais  adorateurs"  des  adorateurs  en 
esprit  et  en  vérité,  comme  les  décrit  Notre-Seigneur;  et  après  avoir  re- 
connu davantage  que  c'est  par  les  catéchismes  de  Première  communion 


c       - 


—  777 


et  de  Persévérance,  que  les  pasteurs  préviennent  chez  les  jeunes  baptisés, 
la  séduction  du  siècle  déformateur  de  l'âme  chrétienne  et  qu'ils  multi- 
plient les  vrais  adorateurs;  et  après  avoir  compris  que  ces  catéchismes 
sont  peu  efficaces,  1°  s'ils  ne  sont  pas  faits  suivant  les  directions  de  l'art 
pédagogique,  et  2°  s'ils  ne  forment  tout  de  suite  les  jeunes  chrétiens  à 
la  vivifiante  habitude  de  l'adoration  du  Sacrement  de  nos  autels  et  de  la 
Communion  ;  le  Congrès  Eucharistique  de  Montréal  exhorte  tous  les 
prêtres,  à  qui  échoit  l'œuvre  de  catéchisation  à  s'adonner  à  leur  sainte 
fonction,  avec  ce  grand  zèle  qui  leur  inspirera  et  de  s'acquitter  diligem- 
ment de  leur  tâche  ,et  d'acquérir  l'habitude  professionnelle  qui  en  assure 
le  succès;  et  pour  atteindre  parfaitement  la  vraie  fin  des  catéchismes 
"  qui  est  de  multiplier  les  adorateurs  que  le  Père  cherche"  et  les  mem- 
bres vivants  de  Jésus-Christ,  le  Congrès  exhorte  instamment  les  caté- 
chistes, à  imprégner  les  catéchisés,  ceux  de  la  Première  Communion  et 
ceux  de  la  Persévérance  chrétienne,  de  foi,  d'amour  eucharistique,  et  à 
en  faire  des  convives  assidus  de  la  Sainte  Table. 


♦   ♦ 


Cet  enseignement  catéchistique  dont  M.  le  Rapporteur  a 
dit  l'importance  et  l;i  pratique,  Mr.  l'abbé  Belleney,  repré- 
sentant de  •'  La  Croix  "  de  Paris  au  Congrès,  en  indique  un 
moyen  subsidiaire  très  efficace,  c'est-à-dire  renseignement 
par  les  yeux,  par  le  moyen  des  Projections  buHÎneusefi.  Cette 
innovation  déjà  très  répandue  en  France,  a  eu  les  plus  heu- 
reux résultats  :  elle  captive  l'entant  et  même  les  grandes 
personnes  ;  elle  intéresse  et  instruit  à  la  ibis. 


■Sf  * 


Le  programme  de  la  séance  compoite  encore  des  raiqK)rt8 
qui,  faute  de  temps,  ne  j>euvent  êtiv  lus. 

L'un  est  du  R.  P.  Lainhcrl,  Missionnaire  ai>ost()li(}U<'.  bien 
connu  en  France  par  son  ajustolat  de  la  jeunes.sr  auquel 
il  a  voué  sa  vie  et  par  son  œuvre  des  Prêtres-r>ducat«Mir8. 
Il  devait  venir  lui-même  exposer  au  Congri's  <1<*  MontiV*al  les 
industries  et  les  résultats  de  son  <'xpéri('nce;  mais  em]w"Mhé 
à  la  dornière  heure  par  la  maladie,  il  a  <'U  la  bonni'  inspira 
tion  d'euvo3^er  son  travail  imprinn''. 

Cette  étude  est  distribuée  aux  prêtres  pai'  les  soins 
du  Comité  des  Travaux,  et  la  tndsième  séance  wicerdotale  se 
contente  d'en  api)laudir  les  résolutions  finales. 


—  778  — 

li'APOSTOLAT  EUCHARISTIQUE  DU  PRETRE 
AUPRES  DE  LA  JEUNESSE 


Après  avoir  rappelé  l'importance  souveraine  que  le  prêtre 
doit  attacher  à  son  apostolat  auprès  de  la  jeunesse,  le  Rap- 
porteur s'attache  à  préciser  ce  qu'il  faut  entendre  par  l'apos- 
tolat eucharistique  de  la  jeunesse,  et  les  formes  sous  lesquel- 
les cet  apostolat  peut  s'exercer.  Il  s'agit  évidemment  des 
diverses  industries  à  l'aide  desquelles  on  s'efforce  de  faire 
connaître,  aimer,  recevoir,  servir  l'Eucharistie,  en  habituant 
la  jeunesse  à  traiter  avec  elle  comme  avec  l'Ami  de  tous  les 
jours  Qui  oserait  contester  que  tout  cela  ne  soit  fondé  en 
raison,  ''  puisque  Jésus-Christ  a  concentré  et,  pour  ainsi  dire, 
localisé  dans  l'Eucharistie  sa  présence  et  son  action  person- 
nelle dans  le  temps  ",  et  que  cet  apostolat  eucharistique  ne 
soit  rendu  de  plus  en  plus  urgent  par  l'affaiblissement  géné- 
ral de  l'esprit  chrétien,  et  l'ignorance  profonde  des  vérités 
les  plus  élémentaires  du  christianisme. 

Le  Rapporteur  explique  alors  que  cet  apostolat  doit  assu- 
rer une  double  formation  :  la  formation  théorique  et  la  for- 
mation pratique.  Il  faut  d'abord  partir  de  ce  principe  : 
''  qu'en  général,  pour  ne  pas  dire  universellement  et  tou- 
jours et  partout,  les  enfants  sont  très  ignorants  de  l'Eucha- 
ristie ".  Cette  ignorance  provient  ordinairement  de  deux 
causes  :  on  se  persuade  trop  facilement  que  les  enfants  savent 
ce  que  c'est  que  l'Eucharistie,  taudis  qu'en  réalité  et  le  plus 
souvent,  ils  n'en  connaissent  que  la  définition  catéchistique  ; 
ensuite  l'on  croit  généralement  que  la  connaissance  de  l'Eu- 
charistie n'est  pas  à  la  portée  des  enfants. 

Je  mets,  au  contraire,  en  fait  qu'aucune  connaissance  n'est  plus  natu- 
relle —  dans  le  sens  où  il  faut  entendre  ici  ce  mot, plus  sympathique, 

plus  accessible  à  l'intelligence  et  au  cœur  de  l'enfant,  et  que,  par  consé- 
quent, il  serait  plus  lationnel  et  plus  logique,  sinon  de  commencer  exclu - 
sivem.ent  par  elle,  du  moins  de  rattacher  la  notion  de  l'Eucharistie  à 
celles  que  l'on  inculque  avant  toute  autre  à  l'enfant. 

Or,  à  l'enfant,  dès  qu'il  a  conscience  de  lui-même,  avant  même  que 
sa  raison  s'éveille,  on  inculque  la  notion  de  Dieu,  du  Ijon  Dieu,  de  Jésus. 

Voyez  de  quelle  façon  on  s'y  prend.  Vous  n'ignorez  pas  qu'il  est  de 
la  nature  de  l'esprit  humain,  que  c'est  le  propre  de  ses  opérations  de 
procéder,  ainsi  que  je  l'ai  dit  plus  haut,  du  connu  à  l'inconnu,  du  vi- 
sible à  l'invisible,  du  sensible  à  l'insensible,  et  de  s'élever,  par  l'image 
et  l'apparence,  jusqu'à  la  réalité. 

Nous  inspirant  de  ce  principe,  quand  nous  voulons  faire  comprendre 


—  7T9  — 

à  l'enfant  les  mystères  de  notre  sainte  religion,  nous  lui  montrons  des 
images,  des  statues;  nous  frappons  ses  sens  par  la  représentation  exté- 
rieure et  sensible  de  ce  que  nous:  désirons  lui  faire  saisir,  et  par  ses 
sens,  nous  allons  à  ï-on  âme. 

Nous  plaçons  donc  devant  le  regard  du  petit  enfant  un  objet.  Cet 
objet  nous  le  lui  nommons  d'abord,  alors  même  qu'il  n'en  connaît  pas 
la  nature,  les  propriétés,  la  destination.  Puis,  à  mesure  (|ue  sa  raison 
se  développe,  nous  ajoutons  à  la  connaissance  initiale,  rudimentaire  de 
cet  objet  des  notions  complémentaires,  que  nous  perfectionnons  prugres- 
sivement  par  des  notions  nouvelles,  dans  les  proportions  de  sa  capacité 
intellectuelle. 

Appliquons  ce  qui  vient  d'être  dit  au  sujet  qui  nous  occupe. 

Je  disais  tout  à  l'heure  que  l'une  des  notions  chrétiennes  que  l'on  in- 
culque, dès  l'enfance,  est  la  notion  de  Jésus.  Comment  procède-t-on 
d'ordinaire  ? 

On  montre  à  un  petit  enfant  une  image  représentant  Jésus  dans  la 
crèche  ou  Jésus  sur  la  croix.  On  lui  nomme  Jésus,  on  lui  fait  pro- 
noncer le  nom  de  Jésus. 

Puis  quand  l'enfant  est  capable  de  comprendre,  on  lui  explique  ce 
qu'est  Jésus  :  on  lui  dit  que  Jésus  est  un  petit  enfant  bien  sage,  qui  est 
né  pendant  l'hiver  dans  une  étable,  sur  un  peu  de  paille,  qui  souffrait 
du  froid,  mais  ne  pleurait  pas,  etc. 

En  lui  montrant  la  croix,  on  lui  dit  que  ce  sont  des  hommes  méchants 
qui  ont  cloué  Jésus,  le  meilleur  des  hommes,  et  qui  l'ont  fait  mourir 
sur  une  croix. . . . 

A  ce  récit,  l'enfant  s'émeut,  s'attendrit.  ])leure,  aime  ce  ))etit  "niant 
dans  sa  crèche,  ou  ce  crucifié  dont  le  sang  coule  ;  son  cœur  se  prend  de 
compassion  pour  Jésus  et  tire  de  ses  lèvres  des  paroles  charmantes  et 
touchantes,  témoin  un  petit  enfant  de  trois  ans  et  demi  que  j'ai  connu  et 
qui,  devant  une  image  représentant  Jésus  tombant  sous  le  poids  de  sa 
croix,  s'écriait,  le>  larmes  aux  yeux:  "Jésus!  Juifs  méchant.sî  Pauvre 
Jésus  !...'' 

Puis,  avançant  dans  notre  enseignement,  nous  disons  à  Tenfani  (pie 
celui  (|ui  est  coticlié  dans  la  crinhe  et  cloué  sur  la  croix,  c'est  le  Fjls  de 
Dieu,  c'est  le  bon  TMeu,  qui  a  voulu  se  faire  homme,  tout  en  restant  Dieu, 
par  amour  pour  les  hommes. 

L'enfant  s'étonne,  ne  comprend  pas  ce  mystère.  —  Plus  tard,  lui 
disons-nous,  quand  tu  seras  grand,  tu  comprendras.  En  attendant,  aime 
le  bon  Dieu;  ne  l'offense  pas,  car  c'est  le  péché  qui  l'a  fait  souffrir  ot 
mourir. 

Et  l'enfant  se  sent  attiré  vers  Jésus:  et  si  son  rmur  est  naturellement 
généreux,  il  rêvera  de  faire  quelque  chose  pour  Jésus,  à  l'exemple  de 
sainte  Thérèse,  âgée  de  sept  ans  et  enflammée  par  la  lecture  de  la  vie 
des  saints,  s'en  allant,  avec  son  frère.  Podrigue.  au  pays  des  Maures, 
pour  y  endurer  le  martyre  et  mourir  pour  Jésus-Christ. 

Or,  si  l'on  peut  faire  pénétrer  dans  lïime  de  l'enfant  la  counaissancc 
des  grands  mystères  de  Dieu:  Incarnation.  Pédemption;  pourquoi  n'y 
pourrait-on  pas  faire  pénétrer  imreillement  la  connaissance  du  mystère 
eueliaristifpie  ?  D'autant  (pi'iei  encore,  c'est  Jéaiis  continuant,  poua  le 
voile  du  Sacrement,  l'œuvre  de  sa  vie  mortelle. 


—  780  — 

Au  lieu  donc  de  borner  la  connaissance  de  l'enfant  à  la  vie  et  à  la 
mort  de  Jésus,  étendons-la  à  sa  vie  sacramentelle. 

Ne  mutilons  pas  le  Christ,  comme  hélas  !  on  le  fait  trop  souvent,  en 
terminant  sa  vie  ici-bas  à  sa  mort  sur  la  croix  ou  tout  au  plus  à  son 
ascension  dans  le  ciel.  Ne  savons-nous  pas  que,  tout  en  siégeant  à  la 
droite  de  son  Père  dans  le  royaume  de  sa  gloire,  il  a  trouvé  le  secret, 
dans  sa  toute-puissance  et  sa  toute-bonté,  de  fixer  à  perpétuité  son  séjour 
sur  la  terre,  et  que,  si  sa  vie  mortelle  n'a  duré  que  trente-trois  années 
voilà  dix-neuf  siècles  que  dure  sa  vie  sacramentelle  ?  Certes,  ce  fait 
n'est  pas  à  négliger,  et  l'Eucharistie,  qui  est  Dieu  avec  nous,  Jtsus-Christ 
continué,  mérite  qu'on  s'occupe  d'elle,  qu'on  l'étudié,  qu'on  la  connaisse 
et  qu'on  la  fasse  connaître. 

Les  procédés  pour  communiquer  cette  connaissance  sont  exactement 
les  mêmes  que  ceux  que  j'ai  indiqués  plus  haut.  Mieux  encore,  Dieu 
lui-même  a  mis  à  la  portée  de  Tintelligence  humaine  le  moyen  d'acquérir 
sans  effort  cette  connaissance. 

Jésus-Christ,  en  effet,  a  institué  l'Eucharistie  sous  une  forme  sensible, 
visible,  tangible.  Sans  doute,  les  espèces  sacramentelles  ne  sont  que  des 
apparences.  Mais  ces  apparences  sont  le  signe  de  sa  présence  réelle  et 
vivante.  Elles  sont  plus  qu'une  image,  car  être  devant  ces  apparences, 
c'est  être  en  présence  de  Jésus-Christ  en  personne. 

Or,  est-il  bien  difficile  de  prendre  un  petit  enfant  par  la  main,  de  le 
conduire  à  l'église  et,  au  moment  de  la  consécration,  lorsque  le  prêtre 
élève  la  sainte  Hostie,  ou  bien  encore  lorsque  la  sainte  Eucharistie  est 
exposée  à  l'adoration  des  fidèles,  est-il  difficile  de  la  montrer  à  l'enfant 
en  lui  disant:  c'est  Jésus?  (1) 

Attendez  quelque  temps  encore.  Laissez-le  grandir.  Il  verra  que 
lorsque  la  Sainte  "Hostie  est  élevée,  on  s'incline,  on  se  tient  respectueu- 
sement à  genoux,  on  garde  le  silence,  on  prie . . .  Cela  le  frappera,  cela 
le  recueillera. 

Puis,  quand  on  s'approchera  de  la  Sainte  Table,  quand  le  prêtre  distri- 
buera la  sainte  communion  aux  fidèles,  l'enfant  reverra  le  même  Jésus 
venir,  sous  la  blanche  Hostie,  sur  la  langue  des  communiants.  Cela  le 
frappera  plus  encore.  Mille  questions  se  presseront  dans  son  esprit. 
Pourquoi,  lui,  ne  va-t-il  pas  aussi  à  la  Table  Sainte  ?  Pourquoi  vient-on 
s'y  asseoir  ?  Pourquoi  reçoit-on  le  bon  Dieu  sous  cette  forme  ?  Peut- 
être  posera-t-il  ces  questions.  Souvent  il  ne  les  posera  pas;  mais  elles 
se  dresseront  dans  son  esprit  sans  réponse  satisfaisante. 

C'est  alors  le  cas,  pour  vous,  mères  qui  m'entendez  ici;  pour  vous, 
Catéchistes  volontaires;  pour  nous,  surtout.  Prêtres,  initiateurs  et  édu- 
cateurs des  âmes,  c'est  alors  le  cas  ou  de  prévenir  ces  questions,  ou  d'y 
répondre  nous-mêmes;  c'est  le  cas  d'expliquer  à  l'enfant  le  grand  amour 
de  Jésus  qui,  non  content  d'avoir  versé  son  sang  et  donné  sa  vie  sur  la 
Croix  pour  le  salut  des  hommes,  a  voulu  encore  se  donner  à  chacune  de 


(1)  Cette  initiation  élémentaire  relève  bien  plutôt,  j'en  conviens,  de  la  mère, 
que  du  prêtre  et  du  maître.  Mais  hélas!  combien  peu  sont  nombreuses  les  mères 
fjui  se  préoccupent  d'inculquer  ces  notions  chrétietines  a  leurs  enfants!  Aussi  bien, 
l'édiicateur  apôtre  doit-il  se  résigner  iV  remplir  auprès  de  ces  derniers,  le  rôle  de 
mère.     L'éducation,  n'est-ce  pas  une  sorte  de  maternité  ? 


—  781  — 

ses  créatures  rachetées.  C'est  le  cas  de  lui  expliquer  que  ce  divin  Sau- 
veur renouvelle  d'une  manière  invisible  et  non  sanglante,  à  la  messe, 
le  sacrifice  de  sa  mort  au  Calvaire.  C'est  le  cas  de  l'initier  à  la  con- 
naissance plus  complète  de  cette  vie  sacramentelle  de  Jésus,  de  frapper 
sa  jeune  intelligence  par  les  innombrables  manifestations  de  l'amour 
divin  dans  l'Eucharistie. 

Si  Jésus  est  au  ciel,  il  est  aussi  sur  la  terre.  Où  ?  —  Dans  le  Très 
Saint-Sacrement.  —  Pourquoi  ?  —  Comment  ?  —  Que  fait-il  ?  —  Que 
peut-il  ?  —  Que  veut-il  ?  —  Que  mérite-t-il  ?  —  Pourquoi  le  tabernacle  ? 
-—  Pourquoi  l'autel  ?  —  Pourquoi  la  Table  Sainte  ?  —  Autant  de  ques- 
tions à  éclaircir,  autant  de  points  sur  lesquels  il  importe  d'instruire  les 
enfants. 

Il  faut  ausi  leur  montrer  l'universalité  de  l'Eucharistie,  donnée  à  tous 
et  répandue  partout;  sa  perpétuité,  s'étendant  à  tous  les  temps;  les 
humiliations  de  l'état  sacramentel;  les  ingratitudes  des  hommes  envers 
le  Dieu  du  Sacrement  ;  les  merveilleux  effets  de  sa  présence  dans  les 
âmes;  les  maux  dont  il  les  délivre,  les  transformations  qu'il  opère  en 
elles. 

Mais  ce  n'est  là,  mes  cliers  Confrères,  qu'un  côté  de  notre  apostolat 
eucharistique,  qu'une  partie  de  notre  mission,  sous  ce  rapport,  d'édu- 
cateurs chrétiens  auprès  des  enfants. 

L'Eucharistie  n'est  pas  seulement  pour  être  crue,  adorée,  aimée;  elle 
est  encore  et  surtout  pour  être  reçue  et  mangée.  "Je  suis  le  Pain  vivant 
descendu  du  ciel"  dit  Jésus-Christ.  "Le  Pain  que  je  donnerai,  et  qui 
n'est  autre  que  ma  chair,  est  pour  la  vie  du  inonde.  Aussi  celui  qui 
mange  de  ce  Pain  vivra-t-il  éternellement." 

Dès  lors,  c'est  pour  nous,  prêtres,  un  devoir  de  faire  connaître  l'Eu- 
charistie sous  ce  nouvel  aspect,  par  lequel  elle  a  le  plus  de  contact  avec 
les  enfants  des  hommes. 

Pour  remplir  pleinement  et  efficacement  notre  mission  eucharistique 
auprès  des  enfants  que  nous  instruisons  au  catéchisme  ou  que  nous 
élevons  dans  nos  écoles,  commençons,  dès  leur  bas  âge,  à  leur  dire,  à  leur 
redire  sur  tous  les  tons,  que  l'Eucharistie  est  le  Pain  de  l'âme;  —  que 
l'âme  a  besoin  de  se  nourrir  tout  aussi  bien  que  le  corps  ;  que  Jésus- 
Christ  a  institué  l'Eucharistie  pour  être  la  nourriture  des  âmes  :  —  que 
ce  n'est  qu'à  la  condition  de  manger  cette  divine  nourriture  que  les 
âmes  peuvent  espérer  de  vivre  surnaturellement. 

Ces  notions,  dont  l'utilité  s'étend  à  tous  nos  élèves  sans  exception, 
ayons  surtout  à  cœur  de  les  incuhiucr  à  ceux  d'entre  eux  qui  doivent 
prochainement  faire  leur  première  communion.  Hélas!  que  d'enfants  ne 
voient  dans  cette  première  communion  qu'un  acte  isolé,  très  important 
sans  doute,  mais  sans  relation  avec  la  suite  de  leur  vie  !  Aussi  la  première 
communion  est-elle  souvent  pour  eux  la  dernière.  Ils  n'ont  yias  com- 
pris, parce  qu'on  ne  leur  a  pas  assez  dit,  que  cette  première  communion 
en  appelait  une  seconde,  une  troisième,  et  ainsi  de  suite,  et  que,  à  cette 
condition  seulement,  ils  pourraient  marcher,  hitter,  vainere  et  finalement 
se  sauver. 

Par  conséquent,  gardons-nous  bien  de  leur  représenter  la  communion 
comme  une  pratique  réservée  aux  saints  et  aux  parfaits,  comme  une 
récompense  qu'il  faut  mériter. 


—  TS2  — 

Eeprésentons-la  leur,  au  contraire,  comme  un  secours,  un  préservatif 
indispensable,  un  remède  offert  par  la  miséricorde  du  Sauveur  et  acces- 
sible à  tous,  comme  une  sauvegarde  pour  la  pureté,  un  épouvantail  pour 
le  démon,  un  stimulant  actif  vers  la  perfection,  comme  un  gage  assuré 
de  persévérance. 

Ne  leur  faisons  pas,  pour  communier,  même  souvent  et  très  souvent, 
des  conditions  plus  onéreuses  que  l'Eglise;  mais,  tout  en  insistant  sur 
le  devoir  de  se  préparer  à  la  communion  par  la  pureté  de  cœur,  le  re- 
cueillement, l'accomplissement  fidèle  des  devoirs  d'état,  la  pratique  des 
actes  vertueux,  insistons  surtout  pour  leur  faire  comprendre  qu'il  n'y 
a  qu'un  obstacle  radical  à  la  communion  :  le  péché  mortel,  et  par  consé- 
quent, qu'une  disposition  strictement  requise:  l'état  de  grâce  joint  à  la 
bonne  volonté.  (  1  ) 

Parlîint  de  la  formation  pratique,  le  Rapporteur  demande 
à  tous  ceux  qui  ont  à  s'occuper  des  enfants  de  leur  apprendre 
de  bonne  heure  les  actes  de  la  piété  eucharistique  :  la  bonne 
tenue  et  le  silence  dans  les  églises,  le  respect  de  la  génu- 
flexion devant  le  tabernacle,  de  la  prostration  devant  le 
Très  Saint-Sacrement  exposé,  le  nom  et  le  sens  des  diverses 
fonctions  du  culte  liturgique  et  des  cérémonies  de  l'Eglise  ; 
apprenons  leur,  par  des  méthodes  simples  et  faciles,  à  faire 
la  visite  au  Très  Saint-Sacrement,  à  entendre  la  sainte 
messe,  à  se  préparer  à  la  sainte  communion,  à  faire  l'action 
de  grâces  ;  développons  en  eux  l'appétit  eucharistique  ; 
rendons  leurs  communions  plus  pratiques  en  leur  suggérant 
des  intentions  de  communion,  etc.  Puis  il  conclut  par  les 
voeux  suivants  : 

Voeux  : 

Désireux  d'entrer  dans  les  vues  du  Chef  auguste  de  l'Eglise,  qui  sont 
de  tout  édifiei'  sur  le  Christ,  inslaurare  omnia  in  Christo,  et  d'amener  les 
âmes  à  vivre,  dans  la  plus  large  mesure  possible,  de  la  vie  communiquée 
par  le  Christ  au  Sacrement  de  l'Eucharistie;  le  Congrès  eucharistique 
de  Montréal  adopte  les  vœux  suivants  formulés  par  l'auteur  du  présent 
rapport  : 

1°  Que  tous  les  Prêtres  sans  exception,  soit  qu'ils  appartiennent  au 
Clergé  paroissial,  soit  qu'ils  fassent  partie  du  Clergé  enseignant,  accor- 
dent dans  leur  apostolat,  selon  qu'il  a  été  indiqué,  une  part  plus  large, 
une  place  de  choix  à  V Eucharistie. 

2°  Qu'ils  s'efforcent,  par  tous  les  moyens  possibles  et  avec  tout  le  zèle 
dont  ils  sont  capables,  de  promouvoir  parmi  l'enfance  et  la  jeunesse  la 
connaissance  théorique  et  pratique  de  la  Sainte  Eucharistie,  parlant  fré- 
quemment de  ce  divin  mystère,  en  dévoilant  les  réalités,  les  grandeurs. 


(  1  )   Nemo  qui  in  statu  gratioe  sit  et  cuin  recta  piaque  mente  ad  Bacram  Men- 
aam  accédât,  prohiberi  ab  ea  possit   (Décret.  Sacra.  Trident.  Synod.  n.  1). 


—  783  — 

les  amabilités,  y  familiarisant,  en  quelque  sorte  et  de  très  bonne  heure, 
les  âmes,  afin  que  de  la  notion  plus  nette  et  de  la  pensée  plus  habituelle 
de  l'Eucharistie  résultent  un  amour  plus  vrai  et  plus  profond,  le  goût 
de  la  Communion  frfqucntc  et  quotidienne,  le  besoin  de  s'enrichir  des 
grâces  contenues  dans  ce  trésor  de  tous  les  biens  célestes. 

3°  Qu'ils  prêchent  tout  les  premiers  d'exemple  et  fassent  de  l'Eucha- 
ristie le  principe  et  le  modèle  de  leur  perfection  sacerdotale,  l'objet 
central  de  leurs  affections,  la  fin  de  tous  leurs  actes,  la  vie  de  leur  vie: 
"  mihi  vivere  Christus  est";  et  qu'ainsi,  grâce  à  eux,  à  leur  exemple  et  à 
leur  zèle  apostolique,  le  Roi  immortel  des  siècles,  le  Christ  présent  et 
vivamt  au  Sacrement,  obtienne  la  place  d'honneur  qu'il  doit  et  veut  oc- 
cuper dans  la  vie  individuelle,  domestique  et  sociale. 

* 
*        * 

Avant  de  clore  le  coTiple-reiidii  de  ces  séances  sacerdotales, 
nous  tenons  à  signaler  également  deux  autres  rapports  : 
l'un  de  M.  l'abbé  RocJion,  curé  de  Saint-Augustin,  diocèse  de 
Montréal,  sur  le  soin  des  sacristies  et  des  ohjets  du  culte  ;  et 
qui  se  termine  par  les  vœux  suivants  : 


Yceux  : 

1.  Que  tous  les  prêtres  veillent  avec  délicatesse  et  propreté,  comme 
la  Très  Sainte  Vierge,  sur  les  vètpments  de  Jésus;  et  que  là  surtout  où 
il  n'y  a  pas  de  religieuses  chargées  du  soin  des  ornements  sacrés,  le 
prêtre  lui-même,  se  fasse  un  honneur,  de  jxiycr  de  sa  propre  personne, 
ce  tribut  d'amour  au  Divin  Roi  du  Tabertiacle. 

2.  Que,  dans  les  séminaires,  on  forme  les  jeunes  clercs,  nu  soin  de 
tous  les  objets  du  culte  sacré,  non  seulement  par  la  parole,  mais  en  leur 
confiant  ce  travail  sous  la  surveillance  d'un  sacristain,  bien  autorisé. 

3.  Que  nos  sacristies  soient  abondamment  puurvue.'i.  praprement  en- 
tretenues, richement  dotées  de  vases  sacrés  et  d'ornements.  Il  est  à  dé- 
sirer que  le  prêtre  sache  faire  entrer,  pour  une  large  part,  les  dépenses 
de  sa  sacristie  dans  son  budget  sacerdotal  :  qu'il  donne  de  .<<a  rirhes.^e  ./// 
de  sa  pauvreté:  mais  qu'il  n'ait  jms  de  repos  avant  (juc  le  niHe  de  \,itrr- 
Seigneur  soit  décemment  et  même  royalement  assuré. 

4.  Que  dans  les  maisons  d'éducation,  où  l'on  rencontre  assez  .souvent 
des  sacristies  mal  montées  ou  mal  tenues,  les  chapelains  s'emploient  à 
faire  cesser  la  négligence  ou  les  abus,  et  à  amener  petit  à  petit,  l'autorité 
à  faire  les  dépenses  nécessaires  ou  convenables  pour  constituer  un  ves- 
tiaire décent,  convenable,  .sinon  riche,  au  Pieu  du  Très  Saint-Sacrement. 


—  784  — 

Le  second  est  du  R,  P.  Dagnaud,  Vicaire  Provincial  des 
Eudistes,  qui  désire  signaler  au  Congrès  une  oeuvre  d'Ado- 
ration diurne  à  domicile,  établie  par  un  curé  canadien  du 
Nouveau-Brunswick.  Il  s'agit  d'une  paroisse  où  l'église  est 
d'accès  difficile  ;  il  eut  été  impossible  d'y  établir  l'adoration 
du  Très  Saint-Sacrement. 


La  paroisse,  qui  compte  environ  250  familles,  fut  divisée  en  huit  dis- 
tricts. Le  premier,  le  plus  voisin  de  l'église,  devant  fournir  des 
adorateurs,  chaque  matin  de  6  h.  à  8  h.;  les  sept  autres,  un  jour  chacun, 
de  8  h.  du  matin  à  6  h.  du  soir.  La  durée  de  l'adoration  fut  fixée  à  une 
demi-heure. 

Deux  zélatrices  (les  zélateurs  sont  si  rares  !)  seraient  chargées,  dans 
chaque  district,  de  recruter  des  adorateurs  et  de  veiller  à  remplacer  ceux 
que  la  mort,  1  absence  ou  une  autre  cause  empêcheraient  de  remplir  leur 
promesse. 

Après  quinze  jours,  les  listes  étaient  complètes.  Toutes  les  demi- 
heures  étaient  prises,  et  un  bon  nombre  l'était  par  plusieurs  adorateurs. 

En  donnant  aux  familles  moins  éloignées  de  l'église  les  deux  premières 
heures  d'adoration  de  chaque  jour,  le  curé  espérait  que,  le  plus  souvent, 
ces  heures  seraient  faites  dans  l'église.  Par  là,  il  s'assurait  une  assis- 
tance plus  nombreuse  et  plus  suivie  à  la  Sainte  Messe,  et  une  pratique 
plus  fréquente  de  la  sainte  Communion.  Son  espoir  n'a  pas  été  trompé, 
et  les  adorateurs  du  matin  sont  devenus  des  habitués  de  la  Sainte  Table. 

L'adoration  à  domicile  s'établit  le  plus  naturellement  du  monde. 

Chaque  maison  a  d'ordinaire  un  salon  assez  étroit  qui  ne  s'ouvre  guère 
d'ordinaire  que  pour  les  étrangers.  Le  curé  remit  aux  adorateurs  une 
grande  image  représentant  un  ostensoir  élevé  entre  deux  anges  qui  s'in- 
clinent devant  la  Sainte  Hostie,  et  recommanda  de  l'encadrer  et  de  lui 
donner  une  place  d'honneur  dans  le  salon.  Son  conseil  fut  suivi,  et 
c'est  devant  cette  image  que  vient  s'agenouiller  tantôt  une  mère  avec  ses 
petits  enfants,  tantôt  une  jeune  fille,  parfois  même  la  famille  tout 
entière,  lorsque  les  circonstances  sont  favorables.  Leurs  occupations,  et 
aussi  le  respect  humain  rendent  l'accès  de  l'œuvre  plus  difficile  aux 
hommes;  il  faut  leur  réserver  les  heures  des  offices  du  Dimanche. 

En  plus  de  la  grande  image,  les  adorateurs  en  reçoivent  une  plus 
petite,  sur  le  dos  de  laquelle  sont  imprimées  les  intentions  générales  de 
la  demi-heure  d'adoration. 

1°  Rendre  à  Notre-Seigneur  présent  dans  le  tabernacle  de  l'église 
paroissiale,  les  adorations  et  les  remerciements  des  hommes,  et  spéciale- 
ment des  paroissiens. 

2°  Demander  pardon  pour  les  péchés  du  monde,  et  spécialement  ceux 
de  la  paroisse. 

3°  Implorer  la  conversion  des  pécheurs,  et  spécialement  ceux  de  la 
paroisse. 

4°  Prier  pour  l'éducation  chrétienne  des  enfants  et  pour  la  multipli- 
cation des  vocations  sacerdotales  et  religieuses,  spécialement  dans  la 
paroisse. 


—  785  — 

Il  est  entendu  que  l'adorateur  représente  la  paroisse  tout  entière  au- 
près de  Xotre-Seigneur,  et  que  s'il  peut  et  doit  avoir  ses  intentions 
particulières,  les  intentions  générales  tiennent  la  première  place  dans  sa 
pensée. 

Bien  nue  l'emploi  du  temps  d'adoration  soit  laissé  à  la  dévotion  de 
chaque  fidèle,  le  curé,  pour  aider  les  bonnes  volontés  conseille  de  le 
régler  de  la  façon  suivante  : 

1°  Acte  de  foi  et  d'adoration  à  Xotre-Seigneur  présent  dans  le  taber- 
nacle de  l'église. 

2°  Récitation  du  chapelet  aux  intentions  indiquées  plus  haut,  une  par 
dizaine,  la  dernière  est  laissée  pour  les  intentions  particulières. 

3°  Litanies  du  Sacré-Cœur  de  Jésus. 

4°  Amende  honorable  et  consécration  de  la  paroisses  et  de  sa  famille 
au  Sacré-Cœur. 


Une  lecture  de  piété,  si  le  temps  le  permet. 


L'œuvre  fonctionne  depuis  trois  ans  à  la  satisfaction  du  curé,  et  pour 
le  bien  spirituel  de  ses  paroissiens.  Elle  est  puissamment  aidée  par 
l'exposition  mensuelle  du  Très  Saint-Sacrement.  Ce  jour-là.  le  3ènie 
Dimanche  du  mois,  le  curé,  à  une  heure  fixée,  revêt  le  surplis  et  lit  lui- 
m.ême  en  chaire,  les  prières  conseillées  aux  adorateurs.  Les  fidèles 
apprennent  ainsi  peu  à  peu  à  passer  chez  eux,  utilement  et  facilement, 
leur  demi-heure  d'adoration. 


* 
*        * 


Ainsi  prennent  fin  ces  séances  sacerdotales,  qui  auront  été 
les  plus  belles  et  les  plus  importantes  de  notre  Congrès. 


7S6  — 


§  III.  Séance  des  Jeunes  Gens. 


Les  cérémonies  religieuses  du  matin  avaient  été  splen- 
dides.  Avec  un  autre  cachet,  le  cachet  que  leur  donnèrent 
l'enthousiasme  débordant  des  jeunes  gens  et  les  émotions 
généreuses  des  hommes,  celles  de  l'après-midi  furent  très 
belles. 

Dès  une  heure,  les  premiers  se  dirigent  de  toutes  les  par- 
ties de  la  ville  vers  la  cathédrale.  Ils  défilent  par  groupes, 
accompagnés  de  leurs  bannières  et  de  leurs  drapeaux, 
rythmant  leur  marche  de  chants  pleins  d'entrain.  A  deux 
heures,  tous  les  abords  de  l'église  sont  envahis.  Il  y  a  là  plus 
de  vingt  mille  jeunes  gens,  entourés  d'une  foule  immense 
de  spectateurs,  animés  du  même  respect  et  vibrant  du  même 
enthousiasme. 

Les  bravos  éclatent,  les  acclamations  s'élèvent  quand  le 
cardinal  paraît  avec  Mgr.  l'archevêque  et  prend  place  dans 
sa  voiture.  Puis  c'est  la  procession,  la  marche  vers  l'Arena. 
Dans  la  vaste  salle  des  milliers  ont  déjà  pénétré  ;  d'autres, 
en  plus  grand  nombre,  attendent  aux  portes.  Tous  font  au 
légat  qui  arrive  une  incomparable  ovation. 

A  peine  ont  cessé  les  applaudissements  qui  accueillent 
l'entrée  de  son  Eminence  et  des  personnages  ecclésiastiques 
et  laïques  qui  l'accompagnent,  que  Mgr  l'archevêque  de  Mont- 
réal se  lève  et  présente  en  ces  termes  la  jeunesse  canadienne 
à  l'Envové  du  Souverain  Pontife. 


Eminence 


La  jeunesse...  la  jeunesse  canadienne-française!  C'est  elle,  toute 
frémissante  d'émotion,  que  vous  avez  devant  vous,  notre  joie,  notre  es- 
poir, notre  consolation.  C'est  l'avenir.  Et  comme  c'est  une  jeunesse 
toute  remplie  de  l'amour  de  Dieu,  du  pape  et  de  l'Eglise,  une  jeunesse 
toute  pleine  de  foi,  nous  aurons  un  pays  croyant,  toujours  fidèle  à  l'Eglise 
et  à  son  Dieu. 

Il  y  eut  jadis,  au  berceau  de  Ville-Marie,  un  jeune  homme  de  vingt- 
quatre  ans,  qui  s'appelait  Dollard.  Il  sut  mourir,  avec  seize  autres  de 
ses  amis,  pour  sauver  Montréal.  Et  ses  frères,  ici  présents,  vont  lui 
ériger  bientôt  un  monument  pour  commémorer  le  grand  acte  de  patrio- 
tisme et  d'béroïque  dévouement. 

Ce  sont  des  jeunes  Dollard  que  vous  avez  devant  vous;  ils  sont  prêts 


—  787  — 

à  mourir  pour  la  patrie  et  pour  l'Eglise,  quand  la  patrie  et  TEglise  leur 
demanderont  leur  sang. 

Un  jour,  Eminence,  le  Christ  Jésus  que  vous  représentez  en  ce  mo- 
ment, —  l'Evangile  nous  le  raconte  —  vit  un  jeune  homme.  Il  le  re- 
garda et  il  l'aima.  Vous  en  avez  vingt  mille  devant  vous;  ils  sont  venus 
de  partout  —  de  Montréal  et  de  tous  les  diocèses  de  la  province  de 
Québec,  —  ils  ont  la  même  origine,  ils  parlent  la  même  langue,  ils 
adorent  le  même  Dieu,  ils  ont  la  même  foi,  ils  ont  la  même  espérance; 
et  ils  vous  aiment,  et  ils  aiment  le  pape,  et  ils  aiment  l'Eglise.  Regardez- 
les  et  vous  les  aimerez. 

Eminence,  je  ne  puis  pas  vous  le  cacher,  mon  cœur  d'évêque  bat  fort 
en  ce  moment;  et  je  suis  sûr  que  le  cœur  de  votre  Eminence  bat  comme 
le  mien. 

Eminence,  je  n'en  dirai  pas  davantage.  C'est  notre  chère  jeunesse 
qui  est  là,  pleine  de  vénération  et  de  filiale  affection  pour  vous,  c'est  la 
patrie  de  demain.  Au  nom  du  Pape,  du  Christ  et  de  l'Eglise,  Emi- 
nence, bénissez-la. 

Son  Eminence  le  c.irdinallégat  se  lève,  bénit  la  foule  age- 
nouillée, puis  il  lui  adresse  ces  paroles  : 

Mes  chers  jeunes  gens. 

Oui,  Monseigneur  a  bien  dit  lorsqu'il  a  prononcé  ce  mot,  que  mon 
cœur  en  ce  moment  bat  à  l'unisson  avec  le  sien. 

J'ai  bien  peu  de  chose  à  ajouter  aux  paroles  magnifiques  et  éloquentes 
qu'il  vient  de  prononcer;  mais  laissez-moi  vous  dire  que  ma  joie  est 
inexprimable  eu  vous  voyant  accourus  en  si  grand  nombre  autour  de 
l'humble  personne  du  légat  du  Saint-Père. 

Cette  procession,  cette  marche  triomphale  qui  vient  de  m'accompagner 
jusque  dans  cette  salle  m'a  ému  jusqu'au  fond  de  mon  âme. 

Multiples  ont  été  les  manifestations  de  foi,  les  motifs  de  consolation 
que  j'ai  eus  de  la  part  des  catholiques  canadiens  depuis  que  j'ai  mis  les 
pieds  sur  ce  sol  béni  ;  mais  celle  d'aujourd'hui  dépasse,  laissez-moi  vous 
le  dire,  dépasse  toutes  les  autres. 

Oui,  ma  joie,  mon  allégresse  est  profonde.  Elle  est  bien  légitime, 
bien  justifiée,  car  je  vois  qu'avant  tout  vous  êtes  fidèles  aux  traditions 
de  vos  pères;  vous  conservez  dans  votre  âme  la  foi  catholique  qu'ils  ont 
apportée  dans  ces  régions,  vous  conservez  les  exemple.*  de  vos  ancêtres. 
Et  Monseigneur  a  l»ien  eu  raison  dv  titer  tout  à  l'heure  l'exemple  de  co 
jeune  homme  canadien  et  catholique,  qui  pour  sauver  sa  patrie  n'a  pas 
craint  de  verser  son  sang. 

Vous  êtes  surtout  fidèles  aux  traditions  encharistiquos  de  vos  ancêtres, 
de  vos  pères  ;  et  ce  qui  surtout  me  réjouit  et  me  donne  l'allégresse  lii  plus 
profonde,  c'est  que  vous  êtes  l'avenir.  T^n  pays  qui  a  une  telle  jeunesse 
a  son  avenir  assuré. 

Vous  continuerez  dans  la  même  voie,  car  il  est  dit  dans  les  Saintes 


—  788  — 

Ecritures  :  "  La  voie  que  l'homme  choisit  dans  son  jeune  âge,  il  ne  s'en 
écarte  pas  en  vieillissant."  Vous  continuerez  dans  cette  voie,  et  je  vous 
félicite  d'avoir  choisi  la  bonne  —  bonne  pour  vous-mêmes,  bonne  pour 
vos  familles,  bonne  pour  la  patrie. 

Oui,  vous  avez  choisi  la  bonne  voie,  car  vous  venez  au  pied  du  taber- 
nacle, où  vous  trouvez  le  Eoi  des  rois,  devant  lequel  vous  courbez  bien 
volontiers  vos  têtes;  vous  venez  à  la  Sainte  Table  pour  vous  fortifier 
dans  votre  foi  et  dans  la  pratique  de  notre  sainte  religion;  vous  venez 
vous  fortifier,  recevoir  dans  ces  banquets  divins  la  force  pour  résister  au 
respect  humain,  pour  vaincre  les  dangers,  les  tentations  même  auxquels 
vous  êtes  exposés  dans  le  chemin  de  la  vie.  Vous  devenez  des  héros, 
comme  des  héros  ont  été  vos  ancêtres.  C'est  qu'en  effet  c'est  là  que  se 
forment  les  héros,  les  héros  chrétiens.  Nous  en  avons  l'exemple  depuis 
les  premiers  temps  de  l'Eglise,  et  je  n'ai  qu'à  vous  citer  un  seul  exemple, 
celui  de  saint  Tharcisius,  qui,  pour  ne  pas  exposer  le  Saint-Sacrement  de 
l'Eucharistie  dont  on  lui  avait  donné  la  charge,  a  préféré  donner  sa  vie 
pour  préserver  ce  trésor  précieux  des  injures  des  païens  :  ipse  animam 
potius  voluit  dimittere  caesus  quam  prodere  canibus  rabidis  Caelestii 
Memhra. 

Pour  ne  pas  donner  le  Cœur  divin  de  Jésus  à  des  gens  qui  l'auraient 
exposé  à  toutes  espèces  de  sacrilèges,  il  a  voulu  plutôt  mourir. 

J'avais  donc  bien  raison  de  dire  que,  vous  aussi,  vous  avez  choisi  la 
bonne  voie,  et  "que  par 'conséquent  l'avenir  est  garanti,  est  assuré. 

Je  ne  regrette  qu'une  chose,  une  seule  chose,  qui  serait  un  grand 
plaisir  pour  moi  :  c'est  que  le  Saint-Père  ne  vous  voie  pas  lui-même, 
qu'il  n'ait  pas  sous  les  yeux  un  spectacle  si  touchant,  si  imposant  que 
donnent  ses  enfants  de  prédilection.  Mais  puisque  vous  ne  pouvez  pas 
entendre  sa  voix  paternelle  et  douce,  comme  tant  d'autres  ont  le  bonheur 
de  l'entendre  —  car  le  Saint-Père  les  accueille  lui-même  le  plus  souvent, 
surtout  les  jeunes  gens  de  la  première  communion;  il  aime  tant  à  leur 
donner  ce  jour-là  des  conseils  et  des  directions  —  puisque,  donc,  vous 
n'avez  pas  cette  consolation,  il  faudra  bien  que  son  légat  s'efforce  d'in- 
terpréter tout  simplement  les  paroles  et  les  sentiments  que  sans  doute, 
il  vous  exprimerait  lui-même. 

Eh  bien  !  mes  chers  enfants,  vous  dirait  le  Saint-Père,  je  sais  que  vous 
m'aimez,  vous  m'en  avez  donné  tant  de  preuves,  —  et  la  preuve  que  j'en 
ai  à  ce  moment  est  la  plus  éclatante  et  la  plus  manifeste  —  mais,  sachez- 
le  bien,  je  vous  aime  aussi,  je  vous  porte  dans  mon  cœur,  j'ai  pour  vous 
la  plus  grande  affection. 

Eh  bien  !  si  vous  voulez  correspondre  à  cet  amour  que  le  Saint-Père 
vous  porte,  tâchez  de  correspondre  à  ses  directions.  Il  a  recommandé, 
dans  un  décret  resté  fameux,  la  communion  fréquente,  même  quoti- 
dienne. Il  veut  que,  même  les  tout  petits,  qui  sont  arrivés  à  l'âge  de 
discrétion,  qui  savent  discerner  le  bien  du  mal,  le  pain  eucharistique  du 
pain  commun,  profitent  aussi  de  ce  sacrement  qui  est  un  préservatif 
contre  les  passions  et  les  dangers,  une  force  dans  la  lutte.  Il  veut  que 
ce  soit  pour  eux  une  garantie  qui  les  préserve  des  dangers  auxquels  ils 
se  trouvent  exposés,  et  un  moyen  de  préserver  leur  candeur  et  leur 
innocence. 


—  789  — 

Eh  bien  !  soyez,  vous  aussi,  empressés  à  accourir  à  la  Table  Sainte  le 
plus  souvent  possible.  Vous  ferez  par  là  la  chose  La  plus  agréable  au 
Saint-Père;  ce  sera  montrer  la  reconnaissance  que  vous  lui  gardez,  et 
vous  ferez  en  même  temps  une  chose  qui  sera  pour  vous  très  utile  et  très 
avantageuse. 

N'oubliez  pas  en  même  temps,  dans  ces  occasions  surtout,  de  prier 
pour  le  Saint-Père,  qui  s'est  intéressé  d'une  manière  spéciale  à  vous,  à 
l'occasion  surtout  de  ce  Congrès  Eucharistique,  qui  est  un  grand  hon- 
neur pour  Montréal. 

Et  puis,  laissez  que  par  mandat  spécial  j'appelle  ur  vous  de  ea  part 
l'abondance  des  bénédictions  divines.  Les  bénédictions  du  père,  vous  le 
savez,  affermissent  la  famille.  Eh  bien  !  que  cette  bénédiction  de  Sa 
Sainteté  affermisse  avant  tout  la  grande  famille  canadienne.  Qu'elle 
soit  aussi  le  soutien  pour  la  famille  plus  restreinte  de  chacun  do  vous. 
Qu'elle  le  soit  encore,  pour  cette  famille  intime  qui  est  votre  âme. 

Et  puis,  laissez-moi  vous  le  dire,  je  n'oublierai  jamais  le  Congrès  de 
Montréal;  je  n'oublierai  jamais  la  manifestation  dont  j'ai  été  aujour- 
d'hui l'objet  de  la  part  de  la  jeunesse  de  cette  province  do  Québec,  sur- 
tout de  la  ville  de  Montréal.  Et  vous  aussi,  tâchez  de  conserver  un 
souvenir  de  cette  grande  journée,  et  je  crois  que  ce  souvenir  sera  aussi 
pour  vous  une  consolation,  une  force  et  un  soutien. 


Mgr  Langevin,  le  populaire  ami  des  jeunes  gens,  succède 
au  cardinal-lcLiat.     Voici  son  discours  : 


Mes  chers  jeunes  gens. 

Il  y  a  deux  ans  —  son  Eminence  me  permettra  de  rappeler  ce  trait, 
je  voudrais  simplonient  vous  raconter  une  liistoire,  et  je  sais  que  vous 
aimez  beaucoup  les  histoires  —  il  y  a  deux  ans,  on  découvrait  sur  les 
bords  du  Lac-des-Bois,  dans  une  île  déserte,  un  autel  et  des  tomlicaux. 
Cet  autel  avait  été  érigé  par  des  missionnaires  jésuites,  qui  y  avaient 
souvent  dit  la  messe,  et  dans  ces  tombeaux  on  a  trouvé  les  restes  de 
vingt  et  un  braves,  tombés  sous  la  hache  ou  sous  la  flèche  du  Sioux  fa- 
rouche. 

Ah  !  mes  chers  amis,  cette  découverte  après  172  ans,  dans  les  régions 
de  l'ouest,  a  une  grande  signification.  Cela  vont  dire  qu'il  y  a  une  mis- 
sion donnée  à  notre  peuple  pour  répandre  partout  la  foi  dans  Jésus- 
Christ,  et  en  même  temps  être  fidèles  à  la  patrie  que  le  Seigneur  nous 
a  donnée. 

Nous  autres,  catholiques,  nous  avons  un  autel,  nous  avons  une 
croyance,  que  partout  nous  avons  à  défendre.  Il  ne  suffit  pas  d'être 
catholiques  dans  notre  cœur,  il  faut  l'être  encore  partout  dans  la  isociété, 
parce  que  le  Christ  est  partout  et  qu'il  est  le  roi  de  k  société. 

Or,  jeunes  gens,  si  quelqu'un  est  appelé  à  défendre  l'autel,  c'est  bien 


—  790  — 

vous,  dont  le  cœur  est  si  noble,  dont  le  cœur  est  encore  jeune  et  libre, 
dont  le  cœur  ne  connaît  aucune  entrave,  dont  le  cœur  ne  connaît  pas  les 
compromis  dangereux  et  déshonorants,  dont  le  cœur  est  encore  chaste 
et  vierge.  C'est  sur  vous  que  nous  devons  compter  pour  défendre  l'autel, 
et  je  suis  convaincu  que  c'est  la  résolution  que  vous  allez  prendre  à  la 
suite  de  cette  superbe  manifestation,  qui  est  peut-être  la  plus  importante 
de  toutes,  parce  que  c'est  elle  qui  va  laisser  des  traces  plus  profondes, 
car  vous  êtes  les  hommes  de  demain,  et  la  société  sera  demain  ce  que  vous 
êtes. 

Xous  avons  non  seulement  un  autel  à  défendre,  mais  nous  avons  aussi 
une  patrie;  comme  le  Divin  Maître,  nous  avons  une  patrie  terrestre.  Eh 
bien,  jeunes  gens,  c'est  cette  patrie  que  nous  devons  aimer,  puisque  le 
Seigneur  a  donné  l'exemple  de  l'amour  de  la  patrie.  C'est  pour  cette 
patrie  que  notre  cœur  doit  vibrer  ;  c'est  pour  cette  patrie  que  nous  devons 
vivre,  que  nous  devons,  au  besoin,  être  prêts  à  verser  notre  sang. 

Vous,  jeunes  gens,  vous  êtes  de  la  race  de  ceux  qui  savent  souffrir  et 
mourir  pour  le  drapeau.  Eh  bien,  oe  drapeau  de  la  foi  catholique,  ce 
drapeau  de  la  patrie  canadienne,  vous  devez  l'arborer  aujourd'hui.  Ce 
drapeau,  il  a  reçu  son  baptême;  c'est  le  drapeau  des  vieilles  gloires  de 
notre  pays,  c'est  le  drapeau  de  Carillon;  et  sur  ce  drapeau  le  cœur  ado- 
rable de  Jésus  a  réalisé  sa  promesse  de  mettre  son  cœur  sur  son  drapeau. 

Ce  drapeau  du  Sacré-Cœur,  il  a  reçu  son  baptême  de  la  main  autorisée 
du  représentant  du  pape,  il  a  reçu  son  baptême  de  la  main  du  cardinal 
Vannutelli. 

Mettez  dans  les  plis  de  ce  drapeau  tout  ce  que  la  Sainte  Eglise  vous  a 
accordé  de  grâces  et  de  bénédictions  ;  mettez  dans  ce  drapeau  tout  ce  qui 
vous  est  cher,  tout  ce  qui  est  cher  au  foyer  domestique;  mettez  dans  les 
plis  de  ce  drapeau  l'avenir  du  pays  au  point  de  vue  catholique,  pour  ne 
pas  dire  au  point  de  vue  français;  arborez  ce  drapeau  et  défendez-le 
vaillamment,  l'avenir  est  à  nous. 

Je  vous  remercie,  Eminence,  de  m'avoir  permis  de  dire  ces  choses 
devant  ces  jeunes  gens,  qui  m'ont  acclamé,  non  pas  parce  que  je  m'ap- 
pelle Monseigneur  un  tel,  mais  parce  que  je  représente  une  sainte  cause. 

J'ai  vu  quelque  part  un  tableau  célèbre.  On  y  voit  des  blessés  que 
l'on  a  recueillis  ;  on  y  voit  la  trace  de  leur  sang.  Ils  sont  là,  mourants, 
et  un  bataillon,  un  bataillon  français,  rencontre  ce  convoi  si  triste,  si 
pénible.  Aussitôt  un  commandement  est  donné  :  "  Salut  aux  blessés." 
Les  soldats  présentent  les  armes,  les  officiers  tirent  leurs  épées. 

Eh  bien,  quelque  chose  d'analogue  se  produit  aujourd'hui.  Si  les 
jeunes  gens,  non  seulement  de  Montréal,  non  seulement  de  la  province 
de  Québec,  non  seulement  des  provinces  maritimes,  non  seulement  des 
Etats-Unis,  mais  même  de  l'Ouest  Canadien,  me  saluent  aujourd'hui, 
c'est  qu'ils  saluent  un  blessé. 

Mais  si  je  suis  un  blessé,  je  ne  suis  pas  un  découragé,  je  ne  suis  pas  un 
vaincu.  Et  je  puis  vous  dire  ceci,  jeunes  gens,  je  suis  heureux  de  vous 
dire  en  ce  moment,  solennellement,  en  présence  du  représentant  du  pape  : 

L'Eglise  du  Canada  compte  sur  vous,  et  si  vous  lui  êtes  fidèles,  elle 
accomplira  sa  mission  ;  elle  se  servira  des  différentes  races  pour  faire  son 
œuvre.     Mais  si  notre  race  est  appelée  à  remplir  une  mission  d'honneur, 


—  791  — 


j'espère  que  tous  seront  fidèles  au  poste,  et  pour  le  Christ-Eoi,  pour  lo 
Sacré-C<rur  de  Jésus,  pour  la  patrie  canadienne,  nous  dirons:  Vive 
Jésus-Hostie!  Vive  la  patrie  canadienne! 


C'est  iiii  milieu  des  plus  enthousiastes  acclamations  (|ue 
M.  Henri  Bourassa,  déjjiité  de  Saint-Ilyacintlie  :iu  Parle- 
ment Provincial,  prend  la  parole. 

Emixexce, 

Messeigxeurs, 

Messieubs, 

Un  grand  écrivain  catholique  et  français,  parcourant  un  jour  les  rues 
de  cette  Eome  éternelle  dont  vous  nous  apportez  l'autorité,  foulant  aux 
pieds  les  ruines  du  palais  des  Césars,  et  évoquant  la  mémoire  de  ceux 
qui  l'avaient  construit,  disait  :  "  En  faisant  ras-cr  le  sol  pour  y  bâtir  cette 
maison.  César  avait  dit  :  **  Que  l'herbe  disparaisse.''  Et  le  brin  d'herbe 
avait  répondu:  "J'ai  le  droit  de  vivre.''  César  avait  dit:  "J'ai  le  fer." 
Et  l'herbe  répondit  :  "  J'ai  le  temps." 

Il  y  a  cent  cinquante  ans  il  ne  restait  plus  sur  cette  vieille  terre  de 
Québec  qu'une  petite  semence  bien  humble.  I^  tronc  avait  été  coupé, 
les  racines  en  avaient  été  entamées,  et  les  puissants  du  jour  disaient  : 
"  Sur  cette  terre  d'Amérique,  la  foi  catholique  et  l'idée  de  la  France 
sont  passées." 

Le  fer  a  passé,  mais  l'herbe  a  vécu  ;  et  cette  herbe  produit  aujour- 
d'hui, Eminence,  les  fruits  de  jeunesse,  de  vitalité  relii^ieuse  et  de  vita- 
lité nationale  que  nous  venons  déposer  à  vos  pieds  pour  que  vous  les 
transmettiez  à  l'autorité  suprême  dont  vous  êtes  parmi  nous  le  repré- 
sentant. 

Jeunes  gens  de  l'Association  Catholique  de  la  Jeunesse  Canadienne- 
Française,  qui  avez  pris  l'initiative  de  cette  manifestation  grandiose,  il 
n'y  a  pas  longtemps  que  vous  existez  et  déjà  votre  œuvre  se  fait  sentir. 
Elle  se  fait  sentir,  non  seulement  par  des  manifestations  extérieures 
comme  celle-ci,  mais  elle  se  fait  sentir  par  ce  qui  vaut  mieux  encore,  par 
la  pénétration  dans  le  cœur  et  l'esprit  de  notre  peuple  d'idées  nouvelles, 
d'idées  qui  produiront  pour  l'Eglise  et  pour  la  patrie  des  fruits  précieux 
et  des  fruits  durables. 

Vous  mettez  votre  foi  au  service  de  votre  patriotisme  et  vous  fortifiez 
votre  foi  par  le  maintien  des  traditions  nationales. 

N'es  du  terroir,  héritiers  de  six  générations  qui  pendant  Inngti'inps 
ont  souiïert  pour  conserver  la  seule  existence,  vous  voulez  maintenant 
donner  à  la  patrie  et  donner  à  l'Kgli."^»'  un  peu  des  germes  de  cette  se- 
mence féconde,  de  cet  héroïsme  silencieux,  qui  fut  pendant  un  siî-olc  la 
seule  vie  nationale  de  ceux  qui  furent  vos  pèro». 


—  792  — 

Vous  vous  êtes  unis  dans  une  pensée  nationale,  comme  dans  une 
pensée  religieuse,  non  pas  pour  organiser  votre  race  et  votre  province 
pour  faire  la  guerre  aux  races  étrangères  qui  habitent  avec  nous  cette 
terre  du  Canada  et  qui  ont  fondé  et  organisé  ses  autres  provinces,  mais 
parce  que  vous  croyez  que  la  Providence,  dans  ses  desseins  insondables, 
en  faisant  se  rencontrer  sur  cette  terre  d'Amérique  les  descendants  de 
ces  deux  grandes  races  qui  pendant  trois  siècles  se  sont  disputé  la  su- 
prématie en  Europe  et  l'empire  des  mers,  vous  croyez  que  la  meilleure 
manière  d'entrer  dans  les  desseins  de  la  Providence,  de  rendre  à  Dieu 
comme  de  rendre  à  l'humanité  les  services  que  ces  deux  grandes  races 
lui  doivent,  c'est,  puisque  ces  deux  rameaux,  produits  de  ces  deux  grands 
pays,  ont  été  plantés  côte  à  côte  sur  cette  même  terre,  c'est  de  vivre 
égaux  l'un  à  l'autre,  dans  la  fraternité  la  plus  complète,  sans  que  l'un 
d'eux  s'abaisse  devant  l'autre. 

Vous  voulez,  et  nous  voulons  tous,  Eminence,  donner  à  l'Eglise, 
comme  donner  à  la  patrie,  le  meilleur  de  nous-mêmes.  Nous  croyons, 
et  cette  jeunesse  croit  que  la  meilleure  manière  d'y  arriver  c'est  de 
donner  à  l'Eglise  tout  ce  que  la  race,  tout  ce  que  le  sang,  tout  ce  que  la 
tradition  nationale  peuvent  inspirer  à  une  jeunesse  comme  celle-ci  de 
noble,  de  généreux,  de  fécond  et  d'efficace. 

Oui,  bénie  cette  terre  du  Canada,  bénie  de  Dieu,  bénie  par  la  pa- 
pauté; bénie  non  seulement  par  la  gloire  des  deux  grandes  races  dont 
l'une  l'a  fondée  et  l'autre  l'a  conquise,  bénie  par  la  semence  des  sacri- 
fices que  trois  ou  quatre  générations  ont  jetés  sans  compter  sur  cette 
terre,  depuis  les  rives  de  l'Atlantique  jusqu'au  pied  des  Montagnes  Ro- 
cheuses; bénie  surtout  dans  les  jours  d'épreuve,  où,  par  son  inlassable 
patience,  les  descendants  des  vieux  colons  français  ont  prouvé  qu'ils 
étaient  dignes  de  subir  l'épreuve  de  la  persécution,  non  pas  de  la  persé- 
cution violente,  mais  de  la  persécution  plus  dangereuse  encore  qui 
s'insinue  dans  les  âmes  et  dans  les  cœurs,  entre  l'intérêt  et  la  conviction, 
qui  va  même  —  oh  !  projet  diabolique  —  jusqu'à  vouloir  mettre  une 
race  conquise  à  choisir  entre  son  sang  et  sa  foi. 

Mais,  par  bonheur.  Dieu  nous  a  protégés  ;  l'ombre  de  Dieu,  son  soleil 
et  sa  pluie  bienfaisante  sont  tombés  sur  cette  herbe  modeste  et  l'ont  fait 
grandir  ;  et  grâce  au  dévouement  vigilant,  aussi  profondément  catholique 
que  noblement  patriotique,  de  nos  évêques,  nous  avons  su  passer  à  tra- 
vers toutes  ces  épreuves,  nous  avons  su  conserver  dans  la  province  de 
Québec  la  foi,  nous  avons  su  conserver  intacte  la  tradition  nationale;  et 
aujourd'hui  nous  pouvons,  Dieu  merci,  au  grand  soleil  de  Dieu,  comme 
citoyens  de  notre  pays  béni,  ayant*  des  droits,  des  droits  acquis  chère- 
ment et  durement,  mais  des  droits  qu'on  ne  nous  conteste  plus,  nous 
avons  acquis  le  droit  rie  dire  aujourd'hui  à  une  majorité  loyale,  à  ceux  qui 
ne  parlent  pas  notre  langue  et  ne  partagent  pas  nos  croyances  :  Cette  terre 
du  Canada  est  assez  vaste  pour  vous  contenir  et  pour  nous  contenir.  Il 
y  a  place  ici  pour  toutes  les  aspirations  nobles.  Il  n'y  a  qu'une  chose 
pour  laquelle  il  n'y  a  pas  de  place,  c'est  la  domination,  c'est  la  tyrannie, 
c'est  l'étroitesse,  c'est  le  préjugé. 

Eh  bien,  jeunes  gens,  continuez  votre  lutte;  soyez  fermes,  soyez  con- 
ciliants ;  non  pas  de  la  conciliation  qui  met  les  principes  sous  les  pieds 


—  793  — 

des  intérêts,  mais  de  la  véritable  conciliation,  qui,  lorsque  les  principes 
sont  dégagés,  qui,  lorsque  les  intérêts  sont  bien  séparés,  prouve  que  celui 
qui  possède  son  droit,  qui  le  connaît,  qui  est  prêt  à  se  battre  pour  son 
droit,  est  toujours  prêt  à  tendre  une  main  loyale  pour  s'entendre  avec 
celui  qui,  ne  possédant  pas  la  même  notion  du  droit,  est  néanmoins  prêt 
à  partager  la  souveraineté  nationale  avec  les  autres. 

Soyez  fermes  et  soyez  conciliants,  mais  aussi  soyez  convaincus  et  soyez 
combatifs.  Soyez  enthousiastes.  N'écoutez  pas  la  voix  refroidissante  qui 
vous  dit:  l'enthousiasme,  la  foi,  l'emballement,  —  qu'on  me  pardonne 
l'expression  —  cela,  c'est  bon  pour  la  jeunesse  ;  mais  vous  vieillirez, 
vous  entrerez  dans  la  voie  pratique  de  la  vie,  et  vous  verrez  alors  que  la 
meilleure  manière  de  rendre  service  à  votre  pays,  ce  n'est  pas  de  vous 
battre,  ce  n'est  pas  de  clamer,  ce  n'est  pas  de  vous  attacher  follement  au 
service  des  idées,  c'est,  au  contraire,  de  suivre  la  voie  beaucoup  plus  sûre 
et  beaucoup  plus  solide  des  intérêts. 

Ceux-là,  messieurs,  repoussez-les,  faites  taire  leurs  voix.  Soyez  tou- 
jours jeunes.  Qu'à  quarante  et  à  cinquante  ans  l'on  dise  encore  de  vous 
que  vous  êtes  jeunes,  que  vous  êtes  enthousiastes,  que  vous  n'êtes  pas 
pratiques.  Peut-être  y  recueillerez-vous  bien  des  injures,  peut-être 
rencontrerez-vous  sur  votre  route  des  obstacles  durs  à  surmonter,  peut- 
être  aurez-vous  parfois  à  déchirer  les  liens  de  l'amitié,  peut-être  serez- 
vous  parfois  obligés  de  panser  des  blessures  plus  dures  que  celles  que 
le  fer  peut  imposer  à  la  chair  mortelle;  mais  quand  vous  aurez  franchi 
cette  période,  vous  pourrez  vous  dire  :  Oui,  je  suis  resté  jeune,  je  suis 
resté  enthousiaste  ;  j'ai  donné  le  meilleur  de  moi-même,  le  meilleur  de 
ma  pensée  et  de  mon  cœur  à  ce  que  j'ai  cru  nécessaire  à  la  vie  de  mon 
pays,  à  la  vie  des  miens,  à  la  gloire  do  mon  Eglise;  tout  le  reste  n'est 
rien.  Et  pour  tous  ceux  qui  paissent  dans  les  gras  pâturages  de  l'in- 
térêt il  est  avantageux  qu'il  s'en  trouve  qui  soient  prêts  à  embrasser 
follement  la  cause  des  idées,  la  causo  de  l'idéal,  car  messieurs,  pour  ceux- 
là  les  pâturages  ne  produiraient  plus,  le  jour  où  il  n'y  aurait  plus  de 
fous  de  l'idée. 


—  794  — 

Son  Eminence  quitte  alors  l'Arena  pour  se  rendre  au 
Monument  National,  à  la  séance  des  hommes.  Après  le 
départ  du  Légat,  M.  Gerlier,  le  brillant  président  de  la 
Jeunesse  Catholique  Française,  parle  à  son  tour. 

Messeigneues, 

Messieues, 

Mes  chees  Amis, 

Je  ne  sais  pas  si  les  annales,  pourtant  glorieuses,  de  la  jeunesse  catho- 
lique à  travers  le  monde  ont  enregistré  jamais  l'écho  d'une  manifesta- 
tion semblable  à  celle-ci. 

Je  sais  bien  que  de  grandes  foules  ont  acclamé  déjà  Jésus  et  son  Vi- 
caire; je  sais  bien  que  de  grands  frissons  d'enthousiasme  ont  passé  sur 
tous  les  points  de  la  terre  où  bat  un  cœur  catholique,  et  j'allais  dire  un 
cœur  français;  mais  je  ne  sais  pas  si  l'on  vit  jamais  pareille  assemblée 
de  jeunes  gens  faisant  retentir  acclamations  semblables  en  l'honneur 
du  pape  et  en  l'honneur  de  l'Eucharistie. 

Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  la  jeunesse  catholique  canadienne- 
française,  et  cette  jeunesse  catholique  française  dont  vous  voyez  ici  les 
représentants  parmi  vous,  ce  n'est  pas  la  première  fois  qu'elle  se  rencon- 
tre aux  pieds  du  pape.  Il  vous  souvient,  il  y  a  des  années  de  cela  :  Rome 
était  menacée,  et  le  grand  vieillard  qui  était  assis  là-bas  sur  le  siège  de 
Pierre  avait  poussé  un  cri  d'alarme;  et  ce  cri  d'alarme  franchissant  les 
Alpes,  était  venu  faire  tressaillir  dans  la  vieille  France  tous  les  cœurs  de 
la  jeunesse  catholique;  et  ce  cri  d'alarme,  franchissant  les  océans,  était 
venu  faire  tressaillir  dans  le  Canada-Français  tous  ces  hommes,  qui  se 
souvenaient  encore  de  Eome  parce  qu'ils  se  souvenaient  de  la  France.  Et 
à  ce  moment-là,  ils  se  sont  levés,  ces  vaillants  qui  s'appelaient  les  zouave-s 
pontificaux,  et  la  première  alliance  des  deux  jeunesses,  elle  s'est  scellée 
sur  le  champ  de  bataille  où  vos  ancêtres  et  les  nôtres  ont  mêlé  joyeuse- 
ment leur  sang  sous  l'étendard  pontifical. 

Et  voici  qu'aujourd'hui,  ces  deux  jeunesses  sont  encore  rassemblées 
ici.  Il  ne  s'agit  plus  pour  elles  d'offrir  leur  sang,  mais  elles  viennent 
pourtant  dire  que  si  demain  il  le  fallait,  joyeusement  elles  le  donneraient 
encore.  Elles  viennent  dire  que  puisque  l'heure  présente  est  moins  tra- 
gique, mais  que  d'autres  devoirs  les  sollicitent,  tous  ces  jeunes  gens  et 
tous  ceux  que  j'ai  aujourd'lmi  l'honneur  immense  de  représenter,  tous 
ceux-là  jurent  encore  leur  dévouement,  leur  obéissance,  leur  amour,  leur 
soumission,  quoi  qu'il  en  coûte,  au  successeur  do  Pierre,  et  nous  sommes 
les  successeurs  de  ceux  à  qui  il  a  été  commandé  de  lui  obéir. 

Et  c'est  une  joie  profonde  pour  les  jeunes  catholiques  de  France  de 
venir  ici  acclamer  l'Eucharistie;  car,  ils  peuvent  bien  le  dire,  ceux  qui 
représentent  là-bas  la  vieille  France,  et  ceux  d'ici  le  diront  aussi,  si  nous 
avons  pu  là-l)as  faire  quelque  chose,  si  nous  avons  pu  à  travers  des  luttes 
douloureuses,  à  travers  des  épreuves  cruelles,  si  nous  avons  pu  réveiller 
un  peu  l'âme  vibrante  des  vieux  chrétiens  français,  nous  le  devons  à 
l'Eucharistie,  à  la  communion,  à  la  communion  fréquente. 


—  795  — 

Et  voilà  pourquoi,  ne  pouvant  dire  ici  qu'un  seul  mot,  je  voulais, 
que  ce  mot  fût,  au  nom  des  jeunes  catholiques  de  France,  au  nom  des 
jeunes  catholiques  du  Canada,  qui  me  pennettront  bien  de  parler  en 
leur  nom,  fût  pour  vous  dire  qu'entre  toutes  les  reconnaissances  de  ces 
jeunes  gens  pour  le  Saint-Père  il  n'en  est  pas  de  plus  ardente  que  celle 
qui  est  née  dans  leur  cœur  le  jour  où  le  pape,  voulant  montrer  à  la 
jeunesse  la  voie  qui  mène  à  tous  les  tri om plies,  à  toutes  les  victoires,  à 
tous  les  dévouements,  à  tous  les  héroïsmes,  leur  a  montré  la  Table  Sainte 
et  leur  a  dit  de  s'y  agenouiller. 


Appelé  par  l'auditoire,  Mgr  Touchet    veut  bien,  en    dépit 
des  fatigues  des  jours  précédents,  dire  quelques  mots. 


Je  voudrais  bien  parler  assez  haut  pour  me  faire  entendre  partout, 
mais  j'ai  déjà  la  voix  usée  d'hier,  et  je  ne  puis  vous  dire  qu'une  chose, 
une  seule  chose  :  c'est  que  je  vous  aime  beaucoup. 

J'emporterai  dans  mon  cœur  le  souvenir  très  tendre,  et  dans  mon 
esprit  le  souvenir  ébloui  de  cette  manifestation  de  la  jeunesse. 

Je  vous  en  supplie  pour  vous,  gardez  la  belle  devise  de  Québec.  Hier 
je  voyais  des  petites  filles  qui  dans  leurs  mains  tenaient  de?  drapeau», 
et  sur  ces  drapeaux  il  y  avait  écrit  :  "  Je  me  souviexs  ".  De  quoi  se 
souvient-on  à  Québec?  On  se  souvient  de  la  France;  on  se  souvient  de 
sa  foi;  on  se  souvient  du  dévouement  à  l'Efrliso;  on  se  souvient  des 
devoirs  de  la  jeunesse,  qui  sont  la  pureté,  la  probité  et  l'esprit  de  travail. 

Eh  bien,  gardez  tous  ces  souvenirs  avec  eoin.  jeunes  gens,  et  vous  de- 
viendrez des  hommes,  vous  deviendrez  des  citoyens,  vous  deviendrez  des 
chrétiens;  et  qui  est  un  homme,  qui  est  un  citoyen,  qui  est  un  chrétien 
a  satisfait  toute  justice  ici-bas,  et  il  a  le  droit  de  se  présenter  devant 
Dieu  et  de  lui  dire:  Donnez-moi  la  couronne  que  vous  avez  préparée  à 
ceux  qui  ont  cru,  qui  ont  aimé,  qui  ont  défendu  leur  âme.  la  justice  et 
la  liberté. 

Pour  moi.  je  vais  m'en  retourner  en  France.  Et  savez-vous  ce  que 
j'emporte  en  France?  Deux  résolutions.  T^a  première,  de  revenir  vous 
voir  quand  je  pourrai.  La  seconde,  d'essayer  d'inspirer  chez  les  catho- 
liques de  France,  et  plus  encore  chez  ceux  qui  ne  sont  pas  catholiques, 
le  respect  de  la  liberté  pour  tout  1<  monde.  N^ous  en  avons  })e!Join.  nous, 
là-bas,  et  je  vous  réponds  que,  dussé-je  y  mettre  ma  vie,  <run  bout  à  l'au- 
tre de  mon  pays  je  vais  faire  retentir  ce  cri  de  liberté.  Liberté!  T>ibert6 
pour  mes  Caoclamations).  Et  puis,  à  mes  heures  mau- 
vaises —  car  j'en  aurai.  Tuni  aussi  —  h  mes  heures  mauvaises,  je  me  rap- 
pellerai le  cri  du  grand  ^ront<"ahn,  quand  il  écrivait  à  son  héroÏ4|ue 
femme:  "Ma  chère,  deux  mots,  toujours,  sous  notre  plume  et  deux 
mots  dans  notre  cœur:  France  et  Canada." 


—  796  — 

A'oici  maintenant,  à  la  suite,  les  rapports  de  M.  Beaupré, 
président  de  l'A.  C.  J.  C,  du  baron  de  Xivry,  représentant 
de  rUniveisité  Catholique  de  Louvain,  de  M.  le  Dr  Baril, 
vice-président  de  PA.  C.  J.  C,  de  M.  Adjutor  Rivard,  de 
Québec. 

Rapport  de  M.  Beaupré. 
LA  COMMUNION  FREQUENTE  POUR  LES  JEUNES 


Dans  le  concert  grandiose  qui,  en  ces  jours,  de  la  terre  canadienne,  s'é- 
lève à  la  gloire  du  Dieu  de  l'Eucharistie,  on  a  bien  voulu  faire  entendre 
d'une  manière  spéciale  la  voix  de  notre  jeunesse  catholique,  dont  la  foi 
vient  aujourd'hui  s'affirmer  d'une  si  éclatante  façon. 

On  ne  pouvait  assurément  mieux  répondre  au  désir  intime  et  profond 
de  nos  jeunes  catholiques,  qu'en  les  invitant  à  organiser  une  manifes- 
tation destinée  à  glorifier  le  Dieu  de  nos  autels  ;  qu'en  leur  donnant  une 
occasion  de  joindre  leurs  hommages  enthousiastes  aux  hommages  solen- 
nels que  tout  un  peuple  adresse  au  Christ  Eoi. 

Quoiqu'elle  soit  exposée  à  bien  des  influences  pernicieuses,  l'âme 
de  notre  jeunesse  n'a  pas  cessé  de  s'éclairer  et  de  se  réchauffer  au  flam- 
beau de  la  croyance  catholique;  cette  jeunesse  en  son  âme  a  tressailli 
aux  appels  qui  lui  étaient  adressés  de  venir  préparer  un  nouveau  triomphe 
éclatant  au  Dieu  de  sa  première  communion. 

Avec  empressement  elle  s'est  levée,  elle  est  accourue  de  toutes  parts. 
En  bataillons  pressés,  les  jeunes  viennent  ici  proclamer  bien  haut  leur 
attachement  indéfectible  au  dogme  catholique. 

De  leurs  acclamations  ils  ont  salué  l'éminent  prince  de  l'Eglise  qui 
représente  au  milieu  de  nous  le  Père  commun  des  fidèles  ;  ils  ont  affirmé 
leur  affectueuse  soumission  au  Pontife  glorieusement  régnant,  qui  na- 
guère conviait  instamment  tous  les  chrétiens  au  banquet  eucharistique. 

Et  voici  qu'en  cette  inoubliable  journée,  où  les  jeunes  fils  de  la  ÎSTou- 
velle-France  témoignent  de  leur  constante  fidélité  à  la  foi  des  aïeux, 
une  autre  voix  s'est  élevée,  en  cette  enceinte,  pour  redire  en  des  accents 
passionnés,  comment  la  foi  du  Christ  sait  encore  sur  la  vieille  terre  de 
France,  faire  battre  les  cœurs  généreux. 

Voix  d'outremer 

Voici  que  répondant  à  l'appel  de  ses  frères  d'Amérique,  obéissant  à 
l'impulsion  de  son  cœur  et  de  sa  foi,  la  Jeunesse  Catholique  de  France 
a  envoyé  sur  nos  rives  celui-là  même  qui  la  dirige,  afin  que  sa  présence 
et  sa  parole  proclament  ici  l'attachement  invincible  de  ces  fils  de  la 
France  au  Dieu  de  Clovis  et  de  Jeanne  d'Arc. 

Oh  !  sans  doute  plus  d'un  personnage  illustre,  plus  d'une  voix  éloquente 
nous  ont  en  ces  jours  rappelé  et  démontré  combien  l'Eglise  peut  encore 
sur  le  sol  de  France  compter  de  dévouements  fidèles  et  nombreux. 


—  797  — 

Mais  nulle  affirmation  ne  pouvait  être  plus  douce  et  plus  consolante 
que  celle  qui  nous  est  donnée  par  cette  jeunesse  même,  sur  laquelle  de- 
puis 25  ans  s'exerce  la  fureur  de  l'ennemi,  et  qui  s'obstine  à  conserver 
intacte  sa  foi  et  inaltérable  son  dévouement  à  l'Eglise. 

Alors  que  le  Dieu  d'amour  devait  être  glorifié  en  des  réunions  magni- 
fiques, sa  voix  n'a  pas  voulu  demeurer  étrangère  au  concert  de  louanges 
qui  monteraient  vers  le  Très-Haut  ;  c'est  pourquoi  laissant  pour  un  mo- 
ment le  champ  de  combat,  son  chef  s'est  rendu  au  lieu  de  prière,  afin  de 
glorifier  par  sa  parole  Celui  que  tous  les  jours,  lui  et  les  siens  glorifient 
par  leurs  luttes. 

Et  il  nous  est  ainsi  donné  aujourd'hui  de  contempler  l'émotionnant 
spectacle  de  deux  jeunesses,  séparées  par  les  océans,  mais  unies  par  le 
sang  et  les  croyances,  s'associant  dans  une  même  profession  de  foi  ar- 
dente au  mystère  qui  jadis  a  fortifié  et  consolé  leurs  pères. 

Certes,  lorsque  des  chrétiens  s'unissent  dans  la  prière,  pour  louer 
Celui  de  qui  ils  tiennent,  tous  biens,  il  ne  convient  pas  que  l'un  d'eux 
en  soit  remercié  comme  d'un  acte  d'amitié. 


A  M.  Gerlier 


Xous  n'adressons  donc  pas  des  remerciements  à  notre  ami  Gerlier  pour 
être  venu  se  joindre  à  nous  en  cette  circonstance  ;  car  nous  savons  que  sa 
foi  profonde  considère  comme  un  bonheur  immense,  d'avoir  pu  participer 
à  cet  hommage  rendu  par  notre  jeunesse  au  Dieu  de  l'Eucharistie. 

Mais  il  nous  est  bien  permis  de  lui  dire  combien  nos  cœurs  de  chré- 
tiens, désireux  de  faire  à  Jésus-Hostie  le  plus  brillant  triomphe,  ont  été 
heureux  de  savoir  que  l'éclat  de  cette  manifestation  serait  accru  par  la 
présence  du  président  de  cette  Jeunesse  Catholique  de  France  à  laquelle 
nous  unissent  des  liens  si  étroits  et  si  chers. 

Qu'il  nous  soit  même  permis  de  le  remercier  pour  tout  le  bien  que  sa 
présence  nous  apporte,  à  nous  les  jeunes.  Alors  qu'elle  proclamait  l'invin- 
cible dévouement  de  la  Jeunesse  Catholique  de  France,  sa  parole  a  pro- 
fondément remué  nos  cœurs.  Les  accents  d'une  foi  aussi  ardentx?,  l'ex- 
emple des  sacrifices  qu'elle  inspire,  ne  peuvent  manquer  d'éveiller  dans 
les  âmes  les  plus  généreux  désirs  de  dévoiioment  à  l'Eglise,  et  de  con- 
firmer notre  jeunesse  dans  son  attachement  sincère  aux  croyances  sécu- 
laires de  la  race. 

Car  elle  est  toujours  vivace  la  foi  de  notre  jeunesse:  nulle  parole  ne 
saurait  l'affirmer,  mieux  que  ne  peut  le  faire  le  spectacle  môme  de  cette 
multitude  ;  les  acclamations  (|ui  sont  monté<\s  de  son  sein  traduisent 
mieux  que  le  langage  le  plus  magnificjue,  les  sentiments  qui  animent 
son  cœur. 

Vous  ne  trouverez  pas  mauvais  n^pondant  que  ces  sontiments  trouvent 
encore  à  cotte  tribune  un  écho  bii-n  alTaibli.  Car  c'est  mon  Itonheur  et 
mon  honneur  bien  lourd  que  d'avoir,  en  cette  circonstance,  à  apporter 
l'hommage  des  membres  de  notro  Association  Catholiquo  de  Jcunosso,  et 
de  venir,  en  présence  de  retto  imposante  assemblée,  affirmer  sa  foi  pro- 
fonde au  mystère  eucharistique. 


—  798  — 
Notre  hommage 

Mais  je  ne  dois  pas  apporter  ici  seulement  l'hommage  de  nos  faibles 
raisons  de  jeunes  gens  s'inclinant  avec  respect  devant  l'auguste  parole 
d'un  Dieu  ;  non  seulement  l'hommage  de  nos  cœurs  accueillant  avec  allé- 
gresse le  don  merveilleux  de  l'amour  divin;  je  dois  surtout  faire  entendre 
une  parole  déterminée  et  généreuse,  avec  la  promesse  de  son  effort  vers 
le  bien,  et  réclamant  l'assistance  que  lui  apporte  l'union  avec  son  Dieu, 
pour  marcher  sans  défaillance  dans  la  voie  de  l'apostolat  laïque  chrétien. 

Cet  hommage  sera  la  reconnaissance  de  la  vertu  toute-puissante  de 
l'Eucharistie  qui  soulève  l'homme  au-dessus  des  bas-fonds  où  son  égoïsme 
l'entraîne  et  le  retient;  ce  sera  la  proclamation  de  l'extrême  nécessité 
■du  sacrement  de  l'Eucharistie  pour  tous  les  jeunes  gens,  qui,  voulant 
servir  plus  efficacement  l'Eglise,  ont  résolu  de  se  dévouer  un  peu  géné- 
reusement aux  œuvres  sociales  et  catholiques,  et  ambitionnent  de  prendre 
place  dans  les  rangs  d'une  élite  de  jeunesse  d'œuvres. 

Ainsi  en  est-il  pour  ceux  que  l'Association  Catholique  de  la  Jeunesse 
Canadienne-française  a  reçus  dans  ses  rangs. 

Ne  leur  propose-t-elle  pas  en  effet  de  travailler  à  devenir  des  chrétiens 
■capables  d'exercer  une  action  judicieuse  et  féconde  tendant  à  fortifier 
l'infiuence  catholique,  des  chrétiens  capables  d'apporter  un  concours  in- 
telligent et  effectif  à  l'Eglise  dans  l'accomplissement  de  sa  glorieuse 
mission? 

Pour  atteindre  à  ce  résultat  elle  les  invite  à  compléter  chaque  jour 
leur  formation  morale  et  intellectuelle  par  la  pratique  des  vertus  chré- 
tiennes et  par  l'étude,  et  à  s'aguerrir  dès  maintenant  par  la  pratique 
d'une  action  à  leur  portée. 

Sacrifices 

La  mise  à  exécution  de  ce  programme  entraîne  nécessairement  quel- 
ques sacrifices;  sacrifices  qui  ne  sont  pas  héroïques  sans  doute,  qui  de- 
viennent légers  à  ceux  qui  ont  connu  les  joies  qu'ils  procurent  ;  mais  qui 
par  leur  répétition  de  chaque  jour,  mettent  à  l'épreuve  la  constance  et 
contrarient  toutes  les  tendances  naturelles. 

Alors  que  d'autres  jeunes  gens  courent  à  leurs  plaisirs,  dépensent  des 
heures  précieuses  en  frivolités,  les  membres  de  l'Association  devront 
consacrer  leur  temps  aux  travaux  de  leurs  cercles,  à  des  études  apparem- 
ment superflues;  ils  emploieront  leurs  heures  à  régler  les  minutieux  et 
fastidieux  détails  d'une  œuvre  ou  d'une  entreprise  quelconque. 

Quel  mobile  pourrait  donc  les  pousser  à  oublier  ainsi  leur  repos  et 
leurs  intérêts  ? 

Sera-ce  un  besoin  d'activité  naturel  à  leur  âge  ?  Sera-ce  l'entraînement 
de  l'exemple?  Sera-ce  pour  quelques-uns  l'ambition  de  dominer  les  intel- 
ligences et  les  cœurs,  et  de  devenir  conducteurs  de  multitudes  ? 

Ces  causes  ne  sauraient  engendrer  des  dévouements  bien  grands  ni 
bien  prolongés.  Les  motifs  humains  sont  impuissants  à  déterminer  une 
action  collective  soutenue  et  vraiment  salutaire. 

Si  c'est  la  passion  qui  au  fond  anime  et  dirige,  si  tout  ce  dévouement 
n'a  d'autre  origine  qu'une  recherche  de  soi-même  plus  ou  moins  déguisée, 


—  799  — 

qu'un  égoïsme  plus  ou  moins  brutal,  l'action  qui  en  est  inspirée  souffrira 
nécessairement  du  mobile  qui  la  détennine;  elle  versera  inévitablement 
dans  des  écarts  quelques  jours. 

L'impatience  de  toute  autorité,  de  toute  discipline,  permettra  les  er- 
reurs de  tactique  qui  conduiront  à  la  défaite,  à  l'aigreur,  au  décourage- 
ment et  à  l'abandon  de  la  tâche  assumée.  Ou  bien  encore  l'on  sera  con- 
duit à  des  écarts  de  doctrine  que  l'on  ne  voudra  pas  reconnaître;  alors 
au  lieu  d'accomplir  une  œuvre  de  salut,  ces  hommes  d'action  deviendront 
des  agents  de  perdition,  ils  entraîneront  les  masses  dans  les  voies  fausses 
qui  aboutissent  aux  abîmes. 

Les  sauveurs 

^  Non,  les  artisans  du  salut  de  la  société  ne  seront  point  ceux  que  l'in- 
térêt, l'ambition  ou  l'orgueil  dominent.  Ce  seront  ceux  dont  l'action, 
toujours  respectueuse  des  enseignements  de  l'Eglise,  sera  entièrement 
désintéressée  et  sans  cesse  soutenue-  par  le  zèle. 

Les  sauveurs  seront  les  hommes  supérieurement  chrétiens,  ce  seront 
les  communiants. 

iS''est-ce  pas  la  communion  qui  fait  germer  dans  les  cœurs  le  désir  des 
généreux  dévouements?  N'est-ce  pas  la  communion  qui  en  maintenant 
tout  d'abord  le  jeune  homme  dans  le  bien,  le  prépare  ainsi  à  faire  plus 
et  mieux?  En  empêchant  le  cœur  du  jeune  homme  d'être  desséché  par 
la  fièvre  du  plaisir,  en  préservant  son  esprit  des  tempêtes  qui  en  troublent 
la  sérénité,  ne  dispose-t-elle  pas  à  écouter  la  voix  qui  convie  au  labeur 
et  au  sacrifice? 

C'est  l'Eucharistie  qui  préparera  à  la  vie  d'apostolat  laïque,  et  qui  la 
fera  embrasser;  c'est  encore  l'Eucbaristie  qui  maintiendra  dans  Its  âmes 
les  dispositions  nécessaires  à  une  action  soutenue  et  désintéressée.  Car 
seul  l'agent  merveilleux  qui  alimente  et  accroît  la  vie  chrétienne  dans 
les  âmes,  est  capable  d'y  produire  la  surabondance  de  la  vie.  qui  fera 
celle-ci  s'épandre  au  dehors  en  œuvres  de  zèle. 

Oui,  c'est  auprès  du  Dieu  du  tabernacle  qu'il  faut  aller  prendre  les 
enseignements  de  l'humilité,  de  l'abnégation,  do  l'amour  et  du  zèle. 

C'est  à  cette  source  de  vie  que  le  jeune  homme  ira  puiser  la  constance, 
renouveler  ses  forces  épuisées,  et  ranimer  son  âme  envahie  par  la  las- 
situde. 

La  source  de  force 

Jeunes  gens  qui  désirez  assurer  votre  démarche  chancelante  dans  la 
voie  de  l'apostolat  laïque,  appro(  liez-vous  de  l'autel  du  sairifire,  vous  y 
trouverez  un  Dieu  qui  ne  craint  pas  de  s'abaisser  au  point  de  se  tenir 
caché  sous  les  apparences  d'un  morceau  de  pain,  au  point  de  venir  habiter 
dans  le  sein  d'un  homme  coupable;  peut-on  concevoir  plus  grand  abais- 
sement ? 

Vous  y  trouverez  un  Dieu  Tout-1'uissant,  obéissant  à  In  voix  d'un 
faible  prêtre  et  descendant  sur  l'autel  à  sa  parole;  ne  nous  enseigne-t-il 
pas  le  respect  aux  autorités  constituées? 

Vous  y  trouverez  un  Dieu  qui.  depuis  des  siècles,  s'enchaîne  à  l'autel 


—  800  — 

s'expose  à  tous  les  outrages,  les  oublis  et  les  négligences,  offrant  le  spec- 
tacle d'un  amour  que  rien  ne  rebute  dans  sa  poursuite  inlassable  des 
âmes. 

Que  le  jeune  homme  aille  donc  à  la  Table  sainte  :  il  y  trouvera  un  ami 
et  un  consolateur  qui  soutiendra  son  courage;  un  Dieu  qui  lui  ensei- 
gnera à  se  dévouer  dans  le  silence  et  l'abjection,  qui  lui  apprendra  que 
rien  n'est  petit  de  ce  qui  contribue  à  sa  gloire. 

Et  quand  il  reviendra  de  la  Table  sainte,  portant  dans  son  cœur  le  Dieu 
■d'amour,  de  vie  et  de  vérité,  le  jeune  homme  se  sentira  fort  pour  le 
travail  et  pour  la  lutte. 

Car  la  communion  bien  comprise  et  bien  pratiquée  n'engendre  pas  des 
timides  ni  des  rêveurs  incapables  de  sortir  de  leurs  méditations. 

Elle  doit  engendrer  des  vaillants  et  des  agissants. 

Comment  celui  qui  a  reçu  dans  son  cœur  le  Dieu  d'amour,  captif  vo- 
lontaire, ne  serait-il  pas  désireux  de  témoigner  en  retour  son  amour  et 
sa  gratitude;  comment  pourrait-il  demeurer  silencieux  devant  ceux  qui 
l'outragent,  inactif  devant  ceux  qui  combattent  son  influence  ;  comment 
pourrait-il  craindre  celui  qui  porte  en  sa  poitrine  le  Dieu  Tout-Puissant? 
Le  Dieu  qui  a  vaincu  la  mort  sait  encore  apporter  au  cœur  qui  le  reçoit, 
la  force  de  s'imposer  les  sacrifices  même  les  plus  pénibles. 

N'est-ce  pas  lui  qui,  en  des  jours  sombres  de  notre  Mère-Patrie,  faisait 
braver  la  mort  sur  le  champ  de  bataille  de  Patay,  aux  vaillants  zouaves 
pontificaux? 

Dollard 

N'est-ce  pas  lui  qui,  il  y  a  250  ans,  inspirait  à  notre  immortel  Dollard 
des  Ormeaux  d'aller  chercher  sous  les  coups  des  barbares,  une  mort  cer- 
taine et  sans  éclat,  mais  qui  devait  sauver  notre  colonie  au  berceau  ? 

Que  ces  exemples  héroïques  nous  apprennent  où  puiser  la  force  d'ac- 
complir des  sacrifices  bien  moins  coûteux. 

Jeunes  gens  qui  voulez  prendre  place  dans  les  rangs  d'une  élite  de 
jeunesse  d'œuvres,  allez  donc  au  Dieu  de  l'Eucharistie  :  c'est  Lui  qui  illu- 
minera vos  esprits  des  divines  clartés,  qui  fera  germer  les  nobles  desseins 
dans  vos  cœurs,  qui  vous  inspirera  le  courage  nécessaire  pour  accomplir 
avec  constance  la  tâche  que  vous  aurez  assumée. 

L'importance  capitale  de  cette  pratique  de  la  communion  fréquente 
a  été  bien  comprise  dès  le  début  par  l'A.  C.  J.  C.  A  l'exemple  des  so- 
ciétés qui  l'ont  précédée,  elle  en  a  fait  un  des  moyens  principaux  de  for- 
mation de  la  jeunesse;  en  inscrivant  à  son  programme  le  mot:  piété,  elle 
y  incluait  la  communion  qui  est  l'acte  le  plus  important  au  maintien  de 
la  vie  chrétienne. 

La  communion,  et  la  communion  fréquente,  est  déjà  assurément  en 
honneur  dans  nos  rangs  ;  la  plupart  des  camarades,  dans  nos  collèges 
comme  à  l'Université,  dans  nos  cercles  urbains,  comme  dans  ceux  des 
campagnes,  se  font  un  devoir  d'aller  souvent  recevoir  le  pain  qui  fait 
les  forts. 

Tl  n'est  aucune  de  nos  réunions,  générales  ou  régionales,  qui  ne  soit 
l'occasion  pour  les  membres  de  l'Association  de  s'approcher  de  la  Table 
sainte.  ;    i 


—  801  — 

Les  membres  de  notre  Association  se  font  encore  un  devoir  de  con- 
tribuer, dans  la  mesure  de  leurs  ressources,  à  rehausser  l'éclat  des  ma- 
nifestations en  l'honneur  du  Très  Saint-Sacrement,  t<;'lles  que  les  pro- 
cessions de  la  Fête-Dieu  qui  chaque  année  se  déroulent  dans  les  différents 
quartiers  de  notre  ville,  de  même  que  dans  nos  autres  cités  du  pays. 

Mais  ne  pourrait-on  pas  demander  davantage  encore  à  nos  jeunes 
amis?  X'y  a-t-il  pas  toujours  place  pour  quelque  progrès? 

Communions  fréquentes 

Ainsi  tout  en  pressant  les  camarades  de  faire  des  communions  encore 
plus  fré({uentes,  ne  pourrait-on  pas  leur  demander  de  venir  lous  ensem- 
ble à  la  Table  sainte  à  des  époques  fixes  et  rapprochées  ;  cet  acte  de  reli- 
gion ne  deviendrait-il  pas  par  là  plus  méritoire  pour  eux-mêmes,  ne 
constituerait-il  pas  un  exeinple  plus  entraînant  en  même  temps  qu'un 
hommage  plus  agréable  au  cœur  du  Sauveur? 

Dans  nos  maisons  d'éducation,  où  la  pratique  de  la  communion  heb- 
domadaire est  plus  facile,  les  membres  des  cercles  ne  pourraient-ils  pas 
chaque  dimanche  se  rendre  en  groupe  à  la  Table  sainte,  tout  en  conti- 
nuant d'assister  aux  offices  des  congrégations  pieuses  dont  ils  font  pres- 
que toujours  partie?  . 

Dans  nos  paroisses,  de  la  ville  ou  de  la  campagne,  les  jeunes  des  cer- 
cles, soit  au  premier  vendredi  du  mois,  soit  au  dimanche  qui  suit,  pour- 
raient venir  côte  à  côte  à  la  Table  sainte,  recevoir  le  pain  de  vie;  quelques 
groupes  observent  déjà  cette  pratique,  elle  serait  avantageuse  pour  tous. 

A  notre  Université  Laval,  notre  Association  compte  un  bon  nombre  de 
membres  qui  s'approchent  fréquemment  de  la  Table  sainte;  mais  ne  se- 
rait-il pas  d'un  bon  exemple  et  d'un  consolant  spectacle  de  voir  nos  jeunes 
amis,  en  leur  chapelle  de  Xotre-Dame  de  Lourdes,  venir  en  groupe  chaque 
mois,  recevoir  Celui  qui  pour  être  le  Dieu  des  suprênu's  anéantissements, 
ne  cesse  pas  d'être  le  Dieu  de  l'intelligence  et  de  la  science  infinie  ? 

Il  est  une  autre  œuvre,  bien  propre  à  témoigner  notre  respect  pour  le 
sacrement  de  l'autel,  œuvre  qui  est  en  honneur  dans  la  grande  univer- 
sité catliolique  de  Louvain,  et  qu'il  ne  serait  pas  impossible,  seinble-t-il, 
d'établir  parmi  les  membres  de  nos  cercles;  c'est  l'ceuvre  de  l'Adoration 
Eucharistique. 

Ceux  qui  font  partie  de  l'ceuvre  s'engagent  à  passer,  chaque  mois,  une 
demi-heure  devant  le  Très  Saint-Sacrement  exposé;  un  jour  spécial  est 
fixé  pour  ces  heures  d'adoration;  et  on  choisit  le  moment  du  jour  qui 
convient  le  mieux  aux  jeunes  gens. 

Comme  conclusion  et  résumé  de  ces  quelques  paroles,  qu'il  me  soit 
donc  permis  de  formuler  les  vœux  suivants: 

1°  Que  les  membres  de  VA.  C.  J.  C.  se  pénètrent  de  plits  en  plus  de  la 
nécessité  de  la  communion  fréquente  comme  moyen  de  formation  chré- 
tienne et  comme  aliment  du  zèle,  et  qu'ils  prennent  la  résolution  de  s'ap- 
procher aussi  souvent  que  possible  de  la  Table  sainte. 

2°   Que  devant  préférer  en  tout  les  manières  collectives  d'agir  et  de 
prier,  ils  adoptnit  la  coutume  de  venir  "en  tjroupe"  recevoir  la  sainte 
communion,  à  des  époques  fixes  et  rapprochées. 
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3°  Que  pour  marquer  leur  respect  au  mystère  auguste  de  l'Eucharistie, 
et  pour  accroître  en  eux-mêmes  les  sentiments  de  foi  et  d'amour  envers 
ce  sacrement,  ils  instituent  parmi  les  leurs  l'oeuvre  de  l'Adoration  Eu- 
charistique. 


Rapport  de  M.  le  baron  de  Xivry. 

Messeigneurs,  Mesdames,  Messieurs, 
Chers  Camarades, 

Cette  réunion  dans  la  pensée  primitive  des  organisateurs  de  ce  superbe 
Congrès  devait  se  tenir  dans  un  monument  que  la  foi  et  la  générosité 
de  nos  corréligionnaires  canadiens  ont  élevé  au  culte  de  la  science.  Vous 
ignoriez  votre  propre  force  et  l'Université  Laval  s'est  trouvée  trop  petite 
pour  contenir  la  foule  innombrable  de  ses  amis. 

En  ce  beau  jour,  vous  venez,  chers  amis,  recueillir  la  récompense  d'un 
travail  de  bien  des  mois,  d'une  propagande  qui  n'a  ignoré  nulle  bourgade 
de  votre  immense  territoire  et  vous  avez  le  suprême  honneur  d'avoir 
groupé  des  milliers  de  jeunes  gens  autour  du  Très  Saint-Sacrement  de 
l'autel. 

Permettez  à  un  des  fils  de  la  grande  Université  Catholique,  l'Aima 
Mater,  d'être  l'interprète  de  tous  ses  amis  de  Belgique,  en  vous  appor- 
tant, et  de  tout  son  cœur,  un  hommage  d'admiration  pour  votre  initiative 
féconde,  un  souhait  de  bonheur  pour  l'avenir  chrétien  de  votre  beau  pays. 

Il  vous  intéressera  sans  doute,  Messieurs,  d'entendre  quelques  rensei- 
gnements sur  l'activité  religieuse  qui  existe  au  sein  de  l'Université  de 
Louvain  et  sur  la  vie  scientifique  de  celle-ci,  l'un  des  établissements 
d'enseignement  supérieur  les  plus  réputés  de  la  terre. 

Fondée  en  1425  par  le  Souverain  Pontife  Martin  V,  l'Université  Ca- 
tholique fut  désorganisée  à  la  fin  de  la  domination  autrichienne,  la 
tourmente  révolutionnaire  qui  désola  nos  provinces  à  la  fin  du  XVIIIe 
siècle  la  dispersa  et  lui  vola  tous  ses  biens. 

Peu  après  la  conquête  de  notre  indépendance  nationale,  les  Evêques 
belges  la  relevèrent  de  ses  ruines  :  les  contributions  volontaires  des  ca- 
tholiques la  soutiennent  exclusivement,  elle  ne  reçoit  aucun  subside  ni 
de  l'Etat  ni  des  pouvoirs  publics. 

A  l'heure  actuelle  elle  compte  120  professeurs  et  le  jour  de  mon  départ 
le  2519e  étudiant  s'y  était  fait  inscrire;  parmi  eux  125  font  des  études 
de  théologie  supérieure,  deux  cents  jeunes  prêtres  suivent  en  outre,  les 
cours  de  sciences,  de  lettres,  de  sociologie,  etc.,  mais  l'immense  majorité 
de  nos  étudiants  sont  des  laïques  cultivant  toutes  les  branches  du  savoir 
humain. 

Chez  eux  la  foi,  sauvegarde  des  mœurs,  loin  d'être  un  obstacle  aux  plus 
hautes  études  scientifiques,  constitue  un  stimulant  puissant. 

Dans  aucune  Université,  le  travail  n'est  aussi  intense  qu'à  Louvain, 
nulle  part  la  conduite  des  jeunes  gens  n'est  plus  régulière  et  plus  morale. 

J'en  parle  en  connaissance  de  cause,  car  les  douze  cents  jeunes  gens 
appartenant  aux   régions  d'expression  française   de  notre  pays  m'ont. 


—  803  — 

jadis,  fait  Thonneur  de  me  confier  la  présidence  de  leur  fédération,  en 
même  temps  que  m'était  confiée  la  vice-présidence  de  tous  les  groupes 
estudiantins. 

J'ai  donc  été  mis  à  même  de  connaître  mieux  que  beaucoup,  la  vie  de 
mes  camarades  de  tous  les  milieux  sociaux,  et  je  reste  encore  en  admi- 
ration devant  les  œuvres  qu'ils  entretiennent. 

Des  centaines  d'entre  eux  se  pressent  chaque  quinzaine  à  la  réunion 
de  la  Sodalité  ou  Congrégation  de  la  Sainte  Vierge,  dirigée  par  les 
pères  Jésuites. 

Ayant  pour  guides  leur  intelligence  et  leurs  principes,  pour  aiguillon 
leur  volonté,  les  étudiants  qui,  librement,  viennent  s'engager  sous  la 
bannière  de  la  Vierge  Immaculée,  obéissent  à  des  convictions  bien  assises. 
Ils  ne  séparent  pas  plus  dans  leur  piété  Jésus  de  Marie,  qu'ils  ne  le 
furent  dans  le  plan  de  la  Eédemption.  Par  centaines,  à  l'occasion  du 
premier  vendredi  de  chaque  mois,  se  comptent  les  communions  que  les 
membres  de  la  Sodalité  offrent  au  Sacré-Cœur.  Bien  nombreux  sont 
peux  qui  soit  habituellement  chaque  année  à  la  procession  de  la  Fête- 
Dieu,  soit  extraordinairement  dans  des  explosions  de  loi  analogues  à  celle 
à  laquelle  nous  assistons  aujourd'hui,  suivent  bannières  déployées  et 
toques  à  la  main,  les  grandes  manifestations  de  la  piété  catholique. 

Ce  fut  parmi  les  étudiants  que  se  fondèrent  tout  d'abord  à  Louvain 
les  sociétés  de  Saint-Vincent  de  Paul,  où  chaque  mercredi  en  un  coude 
à  coude  bienfaisant  se  retrouvent  professeurs  et  élèves,  les  uns  présidents, 
les  autres  membres  des  sept  conférences,  qui,  par  faculté,  groupent  les 
zélés  désireux  de  secourir  les  infortunes  matérielles  des  pauvres. 

Les  connaissances  primaires  et  moyennes  sont  répandues  dans  les  rangs 
des  enfants  du  peuple  par  une  cinquantaine  de  jeunes  universitaires.  Ils 
servent  en  effet  de  professeurs  à  230  fils  d'ouvriers  et  d'artisans  (jui, 
pendant  les  soirées  d'hiver  fréquentent  l'école  catholique  d'adultes  tenue 
par  les  étudiants  et  les  professeurs  devenus  avocats,  médecin?,  ingénieurs 
sont  heureux  lorsqu'à  chaque  instant  dans  la  vie  ils  retrouvent  panni  les 
gardes  de  chemin  de  fer,  les  surveillants  de  travaux,  les  douaniers,  les 
gendarmes,  l'un  ou  l'autre  de  leurs  anciens  élèves  qu'ils  ont  préparés 
aux  concours  de  l'Etat  et  que  nos  collaborateurs,  les  jeunes  pères  Jé- 
suites, ont  armés  au  point  religieux  par  leurs  cours  hebdomadaires. 

Mais  il  ne  suffit  pas  de  vouloir  instruire  les  autres,  il  faut  en  être 
capable.  Au  cercle  apologétique  la  jeunesse  universitaire  s'exerce  à  la 
défense  publique  de  la  foi,  de  façon  à  se  préparer  à  la  réfut^ition  des 
sophismes,  des  objections  prétcnduement  scientifiques  et  même  des  plai- 
santeries dont  les  incroyants  se  plaisent  à  accabler  les  jeunes  gens 
chrétiens. 

En  consacrant  quelques  heures  de  loisirs  à  l'œuvre  des  missions  belgeo 
dans  notre  grande  colonie  du  Congo,  nos  jeunes  étudiants  laïques  tra- 
vaillent à  la  diffusion  de  l'Evangile  sur  le  continent  africain.  T>our 
association  eucharistique  est  extrêmement  florissante,  chaipie  deuxième 
mercredi  du  mois,  le  secrétaire  de  cette  œuvre  relève  de  <!<>()  à  700  pré- 
sences à  la  demi-heure  d'adoration  demandée  aux  membres  de  cette  bo- 

dété. 

Chaque  matin  par  centainee  se  comptent  dans  les  églises  de  Louvain. 
les  jeunes  gens  qui  assistent  à  la  messe,  et  je  crois  même  pouvoir  affirmer 


—  804  — 

que  plus  de  la  moitié  des  2500  étudiants  de  l'Université  Catholique  fait 
chaque  jour  une  visite  au  Très  Saint-Sacrement  de  l'Autel. 

C'est  à  la  fonnation  de  cet  état-major  chrétien,  sorti  de  l'Aima  Mater, 
que  notre  Belgique  doit  de  résister  jusqu'ici  victorieusement  aux  assauts 
des  ennemis  de  l'Eglise. 

Lorsque  l'an  dernier,  l'Université  célébrait  son  jubilé,  l'un  de  ses 
maîtres  pouvait  faire  cette  constatation,  que  sur  les  dix  ministres  du  Eoi, 
huit  sortaient  de  l'Université  de  Louvain,  le  neuvième  y  avait  professé 
pendant  trente  ans,  seul  le  ministre  de  la  guerre  n'était  pas  un  de  ses 
anciens  élèves,  l'Aima  Mater  ne  préparant  pas  à  la  carrière  des  armes. 

Trente-deux  revues,  embrassant  tous  les  champs  de  l'activité  scienti- 
fique, sont  publiées  par  ses  professeurs,  leur  échange  amène  plus  de  mille 
périodiques  à  sa  bibliothèque.  Admise  en  1890  aux  concours  pour  les 
bourses  de  voyage  de  l'Etat,  elle  a  vu  en  dix-sept  ans  cent  vingt  et  un 
de  ses  élèves  couronnés,  alors  que  les  trois  autres  Universités  réunies 
n'en  comptaient  que  cent  soixante  dix-sept. 

L'Institut  de  France,  les  grandes  académies  du  monde  se  disputent 
ses  professeurs  comme  associés  ou  correspondants. 

Voilà  brièvement  exposées,  les  œuvres  que  vos  amis  de  Belgique  ont 
fondées  et  entretiennent  au  sein  de  l'Aima  Mater;  tel  le  grain  de  sénevé 
elles  furent  frêles  au  début,  de  vastes  ramures  maintenant  affirment  leur 
force. 

A  côté  de  l'enseignement  didactique  embrassant  toutes  les  données  de 
la  sociologie,  vous  verrez  chez  nous.  Messieurs,  nos  professeurs  les  plus 
éminents  présidant  aux  destinées  des  cercles  de  paysans,  de  jeunes  ou- 
vriers, de  savants  précoces  et  recevant  d'une  heureuse  expérience  quoti- 
dienne la  confirmation  du  bien  fondé  de  leurs  leçons  ;  vous  verrez  l'admi- 
rable réseau  d'œuvres  qui  englobe  notre  pays,  qui  le  protège  contre  les 
machinations  perfides  et  sourdes  de  la  franc-maçonnerie  tant  belge  qu'é- 
trangère, contre  les  désirs  impétueux  de  malheureux  égarés  par  des  chefs 
aussi  avides  que  fourbes;  vous  verrez  qu'après  vingt-six  ans  de  pouvoir, 
les  catholiques  belges  continuent  à  grouper  et  à  exercer  leurs  milices  et 
que  le  calme  n'a  pas  endormi  leur  vigilance. 

Habitants  d'un  pays  de  liberté,  vous  aussi,  chers  camarades,  dont  la 
nation,  tant  elle  est  heureuse,  n'a  pas  d'histoire,  rappelez-vous  que  le 
"  si  vis  pacem  para  hélium  "  est  vrai  en  tout  temps.  Mieux  et  plus  en- 
core que  jusqu'à  ce  jour,  groupez-vous,  organisez-vous,  soyez  la  base 
forte,  parce  que  chrétienne,  de  votre  pays. 

Yoeux  : 

Je  fais  de  tout  mon  coeur  des  voeux,  Messieurs,  pour  que  l'Université 
Laval  qui  en  ces  beaux  jours  s'est  trouvée  trop  petite  pour  abriter  tous 
ses  amis,  exerce  un  jour  sur  le  Canada,  la  même  influence  chrétienne  et 
scientifique  que  celle  de  Louvain  en  Belgique.  En  voyant  les  manifes- 
tations de  foi  de  cet  admirable  peuple  canadien,  je  ne  doute  pas  du  plein 
succès  de  ces  deux  grands  établissements  d' enseignement  supérieur,  celui 
de  Qvl'hoc  el  cpIuI  dr  Montréal,  1rs  deux  phares  appelés  à  éclairer  de 
plus  en  plus  de  leur  raj/orinernmt,  la  Prorince  de  Québec  d'abord,  et  peut- 
être  dans  l'avenir,  toutes  les  régions  du  Dominion. 


—  805  — 
Rapport  de  M.  le  Dr  Baril. 

LES  ŒUVRES  POST-SCOLAIRES 


La  manifestation  présente  est  plus  qu'une  apseml)lée  bruyante  et  tapa- 
geuse, où  la  gaieté  des  chants  se  mêle  à  l'harmonieux  éclat  des  fanfares  ; 
c'est  une  fête  de  famille,  c'est  un  cœur  à  cœur  de  l'Eglise  avec  ses  en- 
fants; c'est  en  plein  vingtième  siècle  le  renouvellement  de  la  dernière 
Cène.  De  toutes  parts,  l'Eglise  nous  a  conviés,  jeune?  gens,  à  ce  festin 
du  cœur  et  de  l'esprit  comme  le  Christ  à  la  dernière  Cène  avait  convié 
ses  apôtres,  et  nous  sommes  venus  nombreux.  Mais  veuillons  bien  le 
croire,  si  Elle  nous  a  rassemblés,  ce  n'est  pas  uniquement  pour  se  donner 
le  spectacle  d'une  manifestation  grandiose  de  notre  foi,  mais  aussi  pour 
orienter  et  organiser  notre  vie  de  jeunes  catholiques.  Elle  nous  a  con- 
voqués pour  nous  ouvrir  large  son  cœur,  en  nous  faisant  connaître  ce 
qu'elle  attend  de  nous  dans  les  heures  difficiles  qu'Elle  traverse,  en  un 
mot,  pour  nous  formuler  un  programme.  Dans  ce  programme  figurent 
les  œuvres  post-scolaires,  dont  on  m'a  prié  de  vous  parler. 

Je  lisais  dernièrement  dans  le  beau  livre  de  Mgr  Gibier:  "  Les  devoirs 
de  l'heure  présente  "  les  lignes  qui  suivent  : 

''  Aujourd'hui,  écrit  Sa  Grandeur,  il  faudrait  que  la  supériorité  morale 
des  catholiques  apparût  incontestablement  éclatante:...  ce  qu'il  faut  à 
l'Eglise  aujourd'hui,  c'est  un  groupe  de  laïques  au  cœur  généreux  et  à 
l'âme  chevaleresque  -qui  mettent  au  service  de  la  bonne  cause  leurs  loisirs 
et  leur  savoir,  leur  position,  leur  expérience  des  affaires,  leur  temps,  leur 
fortune  et  leur  personne.  Le  peuple  suit  toujours  qui  sait  l'entraîner 
et  il  suffit  d'un  petit  groupe  de  chrétiens  intrépides  pour  déterpiiner 
dans  chaque  paroisse  un  revirement  soudain  vers  les  croyances  et  les 
pratiques  religieuses." 

Or,  pour  réaliser  ce  dessein,  pour  augmenter  le  nombre  de  ces  "  Catho- 
liques d'une  supériorité  morale  incontestable  ",  pour  favoriser  dans  les 
paroisses  l'éclosion  "  de  ces  groupes  de  laï(|U»'s  au  cdMir  généreux  "  peu 
d'œuvres  sont  plus  efficaces  que  les  œuvres  pcst-scol aires,  c'est-à-tlir-.» 
que  l'ensemble  des  œuvres  destinées  à  continuer  par  le  group<'ment  des 
jeunes  hommes,  après  la  sortie  de  l'école  primaire  ou  secondaire,  la  for- 
mation intellectuelle,  morale  et  religieuse  inachevée.  Elles  sont  nom- 
breuses et  variées,  aussi  variétés  surtout  <jue  l'exigent  les  circonstances, 
ou  que  les  conçoivent  la  mentalité  et  le  dévouement  de  ceux  qui  les 
établissent  ou  les  dirigent:  ditrén-ntcs.  selon  (|u'elles  s'adressent  à  la 
jeunesse  des  universités  ou  à  «elle  des  centres  ouvriers  ou  ruraux.  Sans 
vouloir  entrer  dans  des  détails  que  ne  comporte  pas  le  cadre  de  ce  dis- 
cours, j'ajouterai  que  l'on  peut  donner  à  ces  œuvres,  la  forme  jugé*»  être 
la  plus  propice  à  grou]>er  les  jeunes  gens:  tantôt  la  forme  d'un  cercle 
<rétudes.  tantôt  celle  d'un  cercle  d'ariuisenicnts,  d'une  scniété  de  gym- 
nastique ou  d'une  association  athlétique.  Dan.<*  les  paroisses,  où  est 
possible  une  organisation  plus  complète,  apparaîtra  le  patronage  ren- 
fermant tout  à  la  fois  une  congrégation  pieuse,  une  conférence  dt-  Saint 


—  806  — 

Vincent-de-Paul,,  un  cercle  d'études,  une  société  d'amusements,  œuvre 
plus  parfaite,  œuvre  idéale,  semble-t-il,  dont  l'Abbé  La  Bruyère  a  dit 
qu'elle  "  est  comme  un  moule,  une  fabrique  d'hommes  qui  forme  le  corps 
par  des  institutions  sportives,  le  cœur  et  la  volonté  par  l'action,  l'esprit 
par  l'étude,  et  1  ame  par  la  piété." 

Des  fabriques  d'hommes  !  voilà  bien  ce  que  doivent  être,  quelle  que 
soit  la  forme  qu'elles  revêtent,  les  œuvres  post-scolaires.  Leur  seul  but 
doit  être  de  former  des  chrétiens  qui  luttent,  c'est-à-dire  des  apôtres; 
elles  doivent  préparer  à  l'Eglise  des  catholiques  pratiquants,  des  hommes 
atix  convictions  religieuses  profondes  et  inébranlables,  à  la  foi  vive  et 
éclairée,  des  hommes  habiles  à  défendre  la  religion  du  Christ  partout 
où  elle  est  attaquée.  Par  suite,  elles  assureront  à  la  société  des  citoyens 
intègres  et  conscients  du  rôle  social  que  Dieu  leur  a  dévolu.  Au  Canada, 
plus  spécialement,  pour  répondre  aux  besoins  de  l'époque  actuelle  et  con- 
tribuer à  apporter  la  solution  véritable  aux  problèmes  que  font  naître  la 
dualité  des  races  et  la  diversité  des  croyances,  elles  devront  former  ds 
ces  hommes  intrépides  qui,  conservant  avec  un  soin  jaloux,  les  enseigne- 
ments d'une  mère  chrétienne,  les  leçons  recueillies  sur  les  bancs  de  l'école 
paroissiale,  et  les  traditions  de  foi  et  de  patrotisme  léguées  par  les  aïeux, 
placeront  au-dessus  des  intérêts  mesquins  d'un  parti  politique  ou  d'une 
coterie,  au-dessus  des  ambitions  personnelles  et  des  rivalités  de  castes, 
le  respect  de  la  constitution  de  leur  pays  et  des  intérêts  sacrés  de  la 
religion  et  de  la  patrie.  Voilà  ce  que  j'appellerai  indispensable  si  l'on 
veut  assurer  la  persévérance  de  notre  jeunesse. 

Or,  dans  ces  réunions  de  jeunes  hommes,  sous  la  direction  d'un  prêtre 
zélé,  fleurira  d'abord,  et  comme  premier  moyen  d'arriver  à  la  fin  proposée, 
la  piété;  mais  une  piété  agissante  se  traduisant  par  des  actes  publics 
accomplis  courageusement  comme  sans  forfanterie.  De  tous  ces  actes  de 
piété,  le  plus  efficace  sera  la  communion  fréquente,  car,  écrit  encore 
Mffr  Gibier,  "  une  œuvre  où  l'on  ne  communie  pas,  n'est  pas  une  œuvre 
religieuse  ;  une  œuvre  où  l'on  ne  communie  pas,  n'est  pas  une  œuvre  sé- 
rieuse; une  œuvre  où  l'on  ne  trouve  pas  un  noyau  qui  s'approche  fré- 
quemment de  la  Sainte  Table  n'est  pas  une  œuvre  pieuse." 

Mais  pour  être  vraiment  agissante,  la  piété  doit  être  éclairée.  C'est 
pourquoi,  dans  tout  cercle  de  jeunes  gens,  doit  avant  tout  se  donner  un 
"^fort  enseignement  religieux";  l'étude  du  petit  catéchisme,  du  caté- 
chisme de  persévérance  dans  les  cercles  ouvriers  et  ruraux,  jointe  à 
l'étude  de  l'apologétique  dans  les  milieux  universitaires,  devra  occuper 
une  place  prépondérante.  Si  cet  enseignement  se  complète  par  des 
exemples  de  la  vie  de  chaque  jour;  si  les  jeunes  gens  savent  profiter  de 
ces  réunions,  pour  soumettre  à  leur  aumônier  et  les  faire  résoudre,  les 


ap- 
prentissage de  la  vie  militante  "  à  laquelle  ils  sont  appelés,  les  œuvres 
post-scolaires  nous  prépareront  vraiment  une  génération  d'apôtres. 

Qui  oserait  prétendre  que  des  œuvres  dont  le  but  et  les  moyens  d'action 
sont  si  élevés  ne  soient  pas  utiles  ?  Qui  oserait  soutenir  qu'elles  ne  sont 
pas  nécessaires  ? 


— SOT  — 

Entre  tous  les  témoignages  que  nous  apporte  de  cette  nécessité  la 
parole  d'autorités  incontestables,  qu'on  me  permette  d'invoquer  celui  de 
l'abbé  Toussagnier,  directeur  du  Cercle  Catholique  du  Luxembourg  à 
Paris  :  "  Que  l'esprit  du  jeune  homme  soit  atteint  par  des  doutes,  au 
point  de  vue  de  la  foi,  ou  bien  que  son  cœur  et  ses  sens  soient  troublés, 
il  faut  qu'il  puisse  trouver  des  appuis,  des  guides  sûrs,  auprès  d'une 
âme  de  prêtre  et  d'ami,  qui  soit  entièrement  à  lui,  auprès  d'hommes  plus 
âgés  que  lui  qui  répondront  à  ses  doutes  et  lui  domieront  avec  d'iiffe^tueux 
conseils,  les  salutaires  leçons  de  l'exemple.  Dans  une  telle  société,  le 
jeune  homme  connaîtra  mieux  le  Christianisme,  se  pénétrera  davantage 
de  son  esprit  et  réglera  sa  conduite  d'après  les  préceptes  de  l'Evangile. 
Au  contact  du  zèle  de  plusieurs  de  ses  nouveaux  amis,  de  croyant,  il  de- 
viendra apôtre." 

Ajouterai-je,  Messieurs,  que  les  conseils  de  Léon  XIII  sur  le  sujet 
équivalent  à  un  ordre:  "  Sans  les  œuvres  de  persévéranre,  écrit-il,  le  long 
et  pénible  travail  de  l'école  serait  presque  toujours  perdu,  parfois  même 
anéanti  ;  il  faut,  à  moins  d'impossibilité  absolue,  que  dans  toute  maison 
d'école,  existe  comme  corollaire  indispensable,  un  patronage  de  jeunes 
gens." 

D'ailleurs,  nous  savons  que  les  adversaires  de  l'Eglise,  loin  de  mécon- 
naître l'importance  de  ces  œuvres,  les  ont  organisées  nombreuses  de  par 
te  monde  pour  s'emparer  de  la  jeunesse  au  sortir  de  l'école,  et  continuer 
ainsi  l'œuvre  néfaste  des  écoles  neutres.  Je  rappellerai  ici,  à  titre  d'é- 
loge pour  le  clergé  français  comme  à  titre  documentaire,  ce«  paroles  du 
juif  Lombroso,  autrefois  professeur  à  l'Université  de  Turin  :  "  Quoique 
par  principe  je  suis  loin  do  m'incliner  devant  la  soutane  du  prêtre,  il  est 
toujours  indéniable  que  pour  élever  une  jeunesse  honnête  et  tempérante, 
rien  n'est  plus  efficace  que  de  la  réunir  les  jours  de  fête  pour  l'occuper  à 
d'honnêtes  amusements  et  lui  donner  des  eneeignemeiits  moraux,  préci- 
sément comme  cela  se  pratique  dans  les  œuvres  catholiques  de  la  jeu- 
nesse. 

En  France,  les  œuvres  post-scolaires  sont  nées  du  besoin  de  remédier 
au  mal  causé  par  les  écoles  sans  Dieu,  et  les  fruits  merveilleux  qu'elles 
ont  produits  on  ces  vingt-cinq  dernières  années,  viennent  ajouter  un 
nouveau  chaînon  à  la  preuve  de  la  nécessité  do  leur  oxistonro.  En  serait-il 
autrement  en  Amérique  ?  Xon.  La  société  américaine  souffre  de  certains 
maux,  qui  pour  provenir  d'une  source  un  peu  différente,  n'en  appellent 
pas  moins  l'établissement  des  œuvres  de  persévérance  do  la  jeunesse. 
L'intensité  de  la  lutte  pour  la  vie,  la  fièvre  des  affaires,  la  recherche  des 
positions  sociales  sont  autant  de  causes  qui  conduisent  les  individus  au 
matérialisme  et  à  l'indifférence  religieuse.  D'ailleurs,  le  caractère  hété- 
rogène de  la  population  dos  divers  pays  mot  on  nréscnco  toutes  les  doc- 
trines, toutes  les  sectes,  raison  de  plus  pour  faire  briller  dans  tout  son 
éclat,  la  civilisation  chrétienne.  Or,  ne  sommes-nous  pas  en  droit  de 
nous  demander  si  la  conduite  de  notre  jeunesse  étudiante  d'abord,  a 
toujours  ou  pour  objectif  on  ces  dernières  années  de  faire  l)riller  de 
ce  vif  éclat  la  colonisation  chrétienne  ?  Il  ne  manquera  pas  d'obser- 
vateurs attentifs  pour  s'apercevoir  que  nos  étudiants  étourdis  à  la 
sortie  du  collège  par  une  liberté  impatiemment  attendue  et  pas  asw>.T 
restreinte,  il   faut  bien   l'admettre,  abusent   un  peu   trop  de  re  ,]u\U 


—  808  — 

appellent  "'  la  vie  d'étudiant."  Et  je  ne  veux  pas  faire  allusion  à 
leurs  manifestations  extérieures  dans  lesquelles  nous  aimerions  tous 
à  voir,  j'en  suis  certain,  une  distinction  proportionnée  au  rang  qu'ils 
occupent,  autant  qu'aux  nuits  nombreuses  sacrifiées  à  des  plaisirs 
malsains  et  au  jeu,  veilles  désastreuses  qui  minent  la  santé  tout  en  dé- 
gradant l'individu.  iS 'est-il  pas  aujourd'hui  un  fait  indiscutable  que 
la  foi  de  nos  universitaires  subit  de  rudes  assauts  et  que  la  libre-pensée 
reçoit  un  accueil  assez  favorable  là  où  elle  n'aurait  dû  rencontrer  que 
mépris  et  dédain  ?  Des  événements  récents  n'ont-ils  pas  tristement  mis 
en  lumière,  qu'au  nombre  des  adeptes  d'un  cercle  que  l'on  peut  consi- 
dérer à  bon  droit  comme  l'antichambre  de  la  franc-maçonnerie,  se  trou- 
vaient des  étudiants  ?  Constater  le  mal,  c'est  lui  appliquer  le  remède. 
Et,  grâce  à  Dieu  !  je  veux  être  le  premier  à  le  proclamer,  notre  jeunesse 
étudiante  nous  a  prouvé  qu'elle  réagit  de  toutes  ses  forces  contre  cet  en- 
vahissement d'idées  malsaines  et  de  mœurs  pernicieuses,  en  établissant 
dans  ses  rangs  de  ces  groupes  de  persévérance  de  la  jeunesse. 

Dans  ce  groupe,  nos  étudiants  apprennent  que  l'acquisition  d'un  titre 
de  bachelier  ou  de  docteur  n'est  que  la  porte  ouverte  à  l'accomplissement 
d'une  œuvre  autrement  belle  et  plus  féconde  que  l'exercice  pur  et  simple 
d'une  profession.  Ils  s'y  pénètrent  de  la  pensée  profonde  que  Dieu  ne 
les  a  comblés  du  bienfait  d'une  éducation  supérieure,  que  pour  mieux 
les  préparer  au  rôle  social  qu'ils  sont  appelés  à  remplir.  Ils  y  acquièrent 
la  notion  qu'il  existe  un  mal  social  et  que  pour  en  diminuer  les  effets, 
ils  ont  le  devoir  d'aller  au  peuple  et  de  s'occuper  du  peuple  ;  qu'aller  au 
peuple,  c'est  prendre  contact  avec  son  âme,  c'est  lui  parler,  c'est  mettre 
leur  main  dans  sa  main  ;  que  s'occuper  du  peuple,  c'est  apporter  au  pro- 
blème qui  se  pose  à  l'intelligence  de  l'ouvrier  travaillé  par  le  socialisme, 
aux  angoisses  et  aux  doutes  qui  étreignent  son  cœur,  la  seule  réponse, 
la  vraie,  celle  de  la  foi,  celle  qui  résonne  dans  les  lointaines  paroles  de 
la  Bible,  celle  qui  resplendit  dans  les  paroles  de  l'Evangile,  celle  qui 
vibre  chaude  et  palpitante  sur  les  lèvres  apostoliques  des  Papes  et  des 
grands  évêques  sociaux;  que  s'occuper  du  peuple,  enfin,  c'est  descendre 
vers  lui  qui  souffre  et  qui  lutte,  étudier  ses  maux  pour  les  soulager,  mais 
surtout,  appuyer  leur  cœur  contre  son  cœur,  pour  y  faire  passer  la  vertu 
consolante  et  raffermissante,  la  vertu  sociale,  la  vertu  régénératrice  du 
Christianisme  et  de  l'Eglise. 

Eh  bien.  Messieurs,  le  jour  où  nous  aurons  pu  transformer  ainsi  en 
apôtres  toute  notre  jeunesse  étudiante,  le  jour  où  nous  aurons  pu  faire 
entrer  dans  son  cœur  la  grande  passion  du  dévouement,  ce  jour-là  sera 
celui  d'une  ère  nouvelle  pour  le  progrès  moral  et  matériel  de  notre  race. 
Et  ce  jour  tant  désiré  luira  à  nos  yeux  lorsque  les  œuvres  post-scolaires 
auront  reçu  leur  complet  épanouissement  dans  l'enceinte  de  l'Université. 

Mais  notre  jeunesse  ouvrière  peut-elle  se  passer  aujourd'hui  de  ces 
œuvres?  Notre  jeunesse  ouvrière  souffre  d'un  mal  bien  profond,  l'ab- 
sence d'idéal,  d'ambitions  élevées:  elle  devient  apathique.  Or,  une  jeu- 
nesse qui  n'a  pas  d'idéal  se  prépare  une  adolescence  stérile.  I^os  jeunes 
ouvriers  de  vingt  ans  n'ont  pas,  parce  qu'ils  semblent  se  soucier  bien  peu 
de  l'acquérir,  la  notion  des  devoirs  que  leur  impose  leur  titre  de  citoyens 
jt-atholiques:  ils  n'ont  ni  les  convictions  religieuses,  ni  les  connaissances 
que  nécessite  dans  un  pays  démocratique  comme  le  nôtre,  la  part  qu'ils 


—  809  — 

eont  appelés  à  prendre  au  gouvernement  de  la  nation  ;  enfin,  ils  ne  sont 
pas  sullisamment  protégés  contre  les  dangers  qui  les  menacent  de  tous 
côtés:  dangers  de  rindilîéreuce  qui  entravent  leurs  etloris;  dangers  des 
occasions  de  toutes  sortes,  des  veillées  passées  dans  les  endroits  néfastes 
où,  eux  aussi  perdent  avec  tout  sens  moral  leur  honorabilité;  dangers 
de  l'usine  où  les  appellent  quel^quelois  les  nécessités  de  la  vie,  mais  où 
ils  laissent  aussi  avec  la  loi,  le  respect  de  Tordre  social  établi.  Un  re- 
mède s'impose:  transformer  la  mentalité  de  la  jeunesse  ouvrière;  faire 
pénétrer  dans  son  cœur  des  aspirations  plus  nobles,  un  idéal  plus  élevé 
que  le  terre-à-terre  des  passions  satisfaites  ;  la  convaincre  qu'elle  doit, 
au  lieu  de  s'en  éloigner,  se  rapprocher  de  plus  en  plus  de  ceux  qui  ont 
reçu  mission  du  Christ  de  la  protéger  et  de  la  diriger;  lui  rappeler  cette 
pensée  féconde  qu'en  donnant  à  l'homme  le  génie  et  l'immortalité.  Dieu 
a  voulu  qu'il  fût  le  roi  de  l'univer-;  et  non  le  paria  de  la  terre  et  l'esclave 
des  maux  qui  le  tuent. 

Cette  transformation,  c'est  encore  par  le  cercle  paroissial  qu'elle  s'opé- 
rera. Là  le  jeune  homme,  avec  la  formation  religieuse  et  intellectuelle, 
trouve,  selon  l'expression  du  Cardinal  Lecot,"  une  partie  de  l'aifection 
■qui  l'entoure  dans  sa  famille,  une  partie  de  l'autorité  à  laquelle  il  se 
soumettait  à  l'école,  une  partie  de  la  liberté  dont  il  jouit  dans  la  rue." 

Mais  qu'on  ne  vienne  pas  m'objecter,  que  du  train  où  nous  allons, 
nous  aurons  tôt  fait  de  détruire  la  famille,  je  pourrais  vous  répondre: 
"  Il  y  a  beau  temps  que  la  famille  est  détrui1>e  dans  les  milieux  ouvriers 
et  il  s'agit  de  trouver  un  moyen  de  la  reconstituer  ;  il  y  a  beau  temps 
que  le  jeune  ouvrier  déserte  le  foyer  paternel  et  il  s'agit  de  l'y  ramener.'' 
Je  préfère  vous  transmettre  la  réponse  de  Max  Turmann  à  cette  objec- 
tion :  "  En  donnant  aux  enfants  le  respect  chrétien  des  pères  et  mères, 
en  ne  retenant  les  jeunes  gens  que  lorsque  ceux<"i  sont  abandonnés  à 
eux-mêmes  et  aux  dangers  de  la  rue,  en  ne  se  substituant  jamais  à  l'auto- 
rité paternelle,  les  patronages  ne  sauraient  être  accusés  de  détruire  le 
lien  là  où  il  est  brisé,  du  moins  partout  où  il  existe,  ils  le  maintiennent 
et  le  fortifient.'' 

Eh  bien,  Messieurs,  puisque  grâce  au  cercle  paroissial  nous  pouvons 
espérer  voir  revivre  les  bons  vieux  foyers  d'autrefois,  ne  pouvons-nous 
pas  attendre  de  lui  qu'il  contribue  à  arrêter  le  flot  de  l'émigration  de 
nos  fils  de  cultivateurs  vers  les  villes  et  les  pays  étrangers,  ce  fléau  <|ui 
décime  la  population  de  nos  campagnes  ?  Cette  fièvre  de  l'émigration, 
il  faut  la  changer  et  —  la  survivance  de  notre  race  est  à  ce  prix,  —  il 
faut  la  changer  en  une  fidélité  inébranlable  aux  traditions  familiales, 
en  un  amour  inviolable  de  la  terre  ancestrale,  en  un  culte  jaloux  du  sol 
natal.  Xos  fils  de  cultivateurs  soulTrent  eux  aussi  du  mal  de  l'insou- 
ciance. A  peine  sortis  de  l'école  primaire,  à  l'âge  de  dix.  douze  ot  qua- 
torze ans,  ils  ne  se  préoccupent  guère  de  continuer  la  fonnation  ina- 
chevée et  contractent  trop  souvent  des  habitudes  de  paresse  qui  nuisent 
beaucoup  à  leur  avancement  intellectuel  et  à  leur  progrès  mural  et  reli- 
gieux. 

Il  faut  par  conséquent,  et  de  toute  nécessité,  faire  entrer  dans  le  coeur 
de  nos  fils  de  cultivateurs,  avec  l'amour  du  travail  manuel,  avec  l'amour 
de  la  culture  de  la  terre,  celui  de  l'étude,  afin  que  continuant  de  s'ins- 
truire par  des  lectures  variées,  par  des    causeriœ  avec    leur   aumônier, 


—  SIÛ  — 

par  de  courtes  conférences  sur  des  sujets  qui  les  touchent  de  plus  près, 
ils  deviennent  dans  le  milieu  où  ils  sont  appelés  à  vivre,  en  même  temps 
que  des  catholiques  convaincus,  des  cultivateurs  instruits  et  des  citoyens 
honorables,  objet  de  la  confiance  de  toute  une  paroisse,  de  tout  un  comté, 
qui  sait  peut-être  de  tout  un  peuple. 

Cette  œuvre  de  transformation  est  difficile,  je  le  concède,  mais  elle 
est  nécessaire  entre  toutes,  si  nous  ne  voulons  pas  voir  disparaître  à 
jamais  la  race  canadienne-française  du  sol  qu'elle  a  arrosé  de  ses  sueurs 
et  fécondé  de  son  sang.  Cette  œuvre  est  difficile,  mais  elle  est  possible. 
Et  pourquoi  ne  le  serait-elle  pas  ?  Pourquoi  ne  pourrions-nous  pas  éta- 
blir en  notre  pays  une  œuvre  que  l'on  a  vu  fleurir  chez  d'autres  peuples  ? 
Elle  est  possible,  et  je  n'en  veux  pour  preuve  que  les  résultats  déjà  ob- 
tenus partout  où  nous  avons  tenté  d'établir  des  cercles  de  jeunes  gens. 
Nombreuses  déjà  sont  les  paroisses  qui  ont  vu,  grâce  à  cette  organisation, 
circuler  un  sang  nouveau  et  généreux  dans  les  veines  de  leurs  jeunes 
gens. 

Oh  !  je  comprendrais  mieux  l'impossibilité  de  fonder  des  œuvres  post- 
scolaires si  notre  clergé  devait  s'en  désintéresser,  ou  si  les  jeunes  gen3 
devaient  fermer  l'oreille  aux  sollicitations  pressantes  de  ceux  qui  ont 
mission  de  les  diriger. 

Mais  notre  clergé  canadien-français  ne  peut  se  désintéresser  de  ces 
œuvres.  Outre  que  ce  serait  se  dérober  à  une  partie  importante  de  son 
ministère,  ce  serait  renier  un  passé  de  gloire,  ce  serait  abandonner  les 
traditions  de  dévouement  du  clergé  d'autrefois  aux  intérêts  de  la  natio- 
nalité canadienne-française.  De  fait,  il  a  accueilli  avec  joie  l'idée  de  la 
fondation  des  cercles  paroissiaux  pour  la  persévérance  de  la  jeunesse  •. 
de  fait,  il  travaille  à  organiser  ces  cercles  sur  une  base  solide. 

Quant  aux  jeunes  gens,  nous  avons  l'intime  conviction,  fondée  sur 
l'accueil  chaleureux  qu'ils  nous  ont  fait  en  ces  derniers  temps,  que  dès 
qu'ils  connaîtront  la  portée  de  l'entreprise  et  les  moyens  de  la  réaliser, 
ils  ne  manqueront  pas  de  la  volonté  et  du  dévouement  nécessaires  à  toute 
œuvre  de  régénération.  Mais  pour  décupler  les  forces  de  toutes  ces  vo- 
lontés, il  faudra  les  unir  par  les  liens  de  la  charité.  Cette  union  s'opé- 
rera par  la  fédération  des  œuvres  éparses,  semées  aux  quatre  vents  de 
notre  pays  ;  et  cette  fédération  sera  rendue  facile  si  l'on  se  sert  d'œuvres 
actuellement  existantes.  Ligues  du  Sacré-Cœur,  Conférences  de  Saint- 
Vincent-de-Paul,  Congrégations  de  jeunes  gens.  Mais  entre  toutes  ces 
œuvres  existantes,  n'en  est-il  pas  une  qui  s'offre  particulièrement  à  notre 
attention  ?  N'en  est-il  pas  une,  dont  le  but  et  les  moyens  d'action  sont 
en  tout  point  ceux  que  je  viens  de  vous  proposer  ?  N'en  est-il  pas  une 
qui,  depuis  sa  fondation,  n'a  cessé  de  travailler  à  grouper  la  jeunesse 
"  pour  la  préparer  à  une  vie  efficacement  militante  pour  le  bien  de  la 
religion  et  de  la  patrie  ?  "  Ouvrez  les  constitutions  de  "  l'Association 
Catholique  de  la  Jeunesse  Canadienne-française  "  et  vous  y  trouverez, 
en  quelques  pages,  le  résumé  des  pensées  que  je  viens  de  vous  exposer, 
des  pensées  qui,  je  l'espère,  germeront  en  une  moisson  abondante  d'œu- 
vres fécondes.  Oui,  Messieurs,  l'Association  Catholique  de  la  Jeune8S3 
Canadienne-française  est  bien  le  lien  commun  et  général  de  toutes  les 
œuvres  de  jeunesse  en  notre  pays. 

Concluons.     La  manifestation  d'aujourd'hui  doit  avoir  un  lendemain 


—  811  — 

pratique.  Nous,  les  membres  de  l'A.  C.  J.  C,  après  avoir  lié  connaissance 
avec  vous  en  cette  circonstance  solennelle,  nous  allonç  retourner  dans  vos 
paroisses  y  jeter  les  bases  de  cercles  de  jeunes  gens.  Mes  chers  amis, 
accueillez-nous  non  seulement  avec  bienveillance,  mais  avec  générosité. 
Unissons  nos  forces  pour  cette  œuvre  de  régénération.  Car,  sovons 
bien  convaincus  avec  l'abbé  Anizan  : 

"La  régénération  viendra  de  mille  petites  œuvres  fondées,  soutenues 
et  fécondées  par  le  dévouement,  la  générosité  et  surtout  l'humilité 
d'hommes  qui  ne  seront  glorieux  que  dans  l'éternité.  Semons  donc  par 
tout  le  pays,  à  la  campagne  conune  à  la  ville,  nos  œuvres,  sans  nous  pré- 
occuper de  l'éclat  qu'elles  jettent  dans  le  monde.  Ce  Pont  là  les  pierres 
d'attente  que  Dieu  exige  pour  le  grand  et  bel  édifice  de  l'avenir.  Agis- 
sons sur  un,  deux,  dix,  vingt  entants,  surtout  groupons  ceux  que  noua 
pouvons,  entants  ou  hommes  faits,  cultivons-les  comme  des  plantes  choi- 
sies, enseignons-leur  l'apostolat." 


Rapport  de  ^f.  Adjutor  Kivard. 

Messieurs, 

Xous  touchons  presque  à  la  fin  de  cette  semaine  où  Ton  célèbre, 
suivant  l'expression  d'un  poète,  "la  Fête  du  Christ  à  Ville-Marie  ":  de- 
main, quand  une  dernière  bénédiction  d'en  haut  sera  descendue  sur  les 
foules  à  genoux,  le  XXIe  Conbrès  Eucharistique  finira.  Après  avoir, 
pendant  quatre  jours  d'adoration,  affirmé,  du  geste  et  de  la  voix,  la 
vérité  de  nos  croyances,  la  sincérité  de  notre  foi  et  l'ardeur  de  nos  con- 
victions religieuses,  n'éprouvons-nous  pas  le  besoin  de  proclamer,  une 
fois  encore,  la  fierté  que  nous  avons  d'appartenir  à  l'Eglise  romaine? 
Et  ne  ferait-il  pas  bon,  dans  cette  réunion  des  jeunes  catholiques  de 
notre  pays,  de  rappeler  les  motifs  de  l'orgueil  légitime  (|u'ils  font  pa- 
raître de  leurs  convictions  et  le  caractère  que  doit  prendre  leur  noble 
fierté? 

Nous  avons  ce  privilège  de  compter  dans  l'armée  des  croyants.  Avec 
l'âme  et  l'esprit  de  la  France,  émigrés  il  y  a  trois  siècles,  nous  avons 
hérité  de  nos  pères  des  croyances  qui  forment  le  plus  précieux  de  notre 
patrimoine;  depuis  le  jour  où  l'Evangile,  à  l'avant-garde  de  la  civilisa- 
tion, a  pénétré  dans  le  Nouveau-Monde,  le  petit  Catéchisme  est  resté, 
pour  le  Canadien-françai?,  le  premier  livre  de  formation  religieuse  et 
sociale,  et,  comme  l'appelait  Lamartine,  "l'alphabet  de  la  SaL'e-=c  di- 
vine '"'. 

Du  fond  de  nos  cœurs  reconnaissants,  rendons  grâces  de  ce  que  nous 
sommes  nés  dans  la  tradition  chrétienne.  C'est  le  premier  titre  <le  no- 
blesse, au  prix  de  quoi  les  autres  ne  sont  rien. 

Nous  sommes  des  catholiques:  quelle  distinction  plus  glorieuse  pour- 
rions-nous désirer  ? 

Nous  appartenons  à  l'Eglise  du  Christ:  dans  quelle  société  ping 
illustre  nous  serait-il  possible  de  vivre? 

Nous  avons  la  foi:  quelles  richesses  pourraient  valoir  le  trésor  de  nos 
crovances  ? 


—  813  — 

Nul  système  philosophique  n'a  jamais  égalé  en  grandeur  le  dogme 
incrusté  dans  nos  esprits. 

Nulle  autre  société  n'a  présenté  au  monde  le  spectacle  offert  par 
l'Eglise,  dans  la  longue  théorie  de  ses  génies  et  de  ses  saints. 

Nulle  autre  doctrine  n'a  su  inspirer  d'œuvres  qui  se  puissent  comparer 
aux  œuvres  de  l'Eglise. 

Le  dogme  catholique,  Monsabré  le  compare  à  un  édifice  intellectuel 
où  tout  est  divin,  "  la  majesté  de  ses  formes,  la  pureté  de  ses  lignes, 
l'harmonie  de  ses  proportions." 

Et  Lacordaire  fait  remarquer  que  plus  on  le  compare,  et  plus  le 
Christianisme  paraît  grand. 

Les  créations  de  l'homme,  en  effet,  peuvent  toujours  être  limitées;  et 
même,  de  siècle  en  siècle,  les  unes  ne  dépassent-elles  pas  les  autres,  les 
nouvelles  ne  jettent-elles  pas  dans  l'ombre  les  anciennes?. ...  Le  dogme 
catholique  est  inimitable,  parce  qu'il  est  de  Dieu. 

La  raison  humaine  peut  s'élever  jusqu'à  des  conceptions  qui  paraissent 
atteindre  aux  confins  des  connaissances  les  plus  lointaines ...  Le  dogme 
va  plus  loin,  il  monte  plus  haut;  c'est  l'ascension  glorieuse  des  vérités 
catholiques  jusqu'au  sein  de  l'infini;  c'est,  jetés  dans  le  grand  jour,  les 
secrets  de  la  vie,  les  énigmes  de  la  mort  et  les  mj^stères  de  l'au-delà  ;  c'est 
la  vérité  intégrale  que  le  croyant  contemple  dans  l'éblouissante  lumière 
de  la  révélation. 

Grandeur  du  dogme  catholique  !  Splendeur  de  la  société  chrétienne  ! 

Nous  nous  estimons  davantage  et  nous  croyons  nous  hausser  dans 
l'estime  des  autres,  quand  nous  vivons  à  une  époque  glorieuse,  quand 
nous  fréquentons  une  société  illustre,  quand  nous  suivons  les  pas  qu'un 
héros  a  tracés.  Dans  la  foule  des  générations  disparues,  des  fronts  in- 
nombrables se  dressent  par  groupes  au-dessus  des  autres.  Quel  fut  donc 
le  mérite  de  ces  hommes  qui,  dans  la  mort,  restent  couronnés  d'orgueil  ? 
Obscurs  figurants,  personnages  mnets  du  drame  historique,  ils  vécurent 
au  temps  d'un  Périclès;  ils  combattirent  sous  un  Alexandre;  il  leur 
arriva  de  s'asseoir  sous  quelque  coupole;  que  dis-je?  il  suffit  qu'ils  aient 
fréquenté  chez  les  grands  pour  que  leurs  ombres  soient  restées  fières. 

Vaine  gloire,  pourtant  ! 

Ils  se  glorifient  d'avoir  vécu,  par  exemple,  dans  un  siècle  où  passa  le 
Roi-Soleil;  les  catholiques  sont  les  sujets  du  Eoi  qui  ne  passe  point  et 
qui  règne  sur  l'éternité. 

Ils  se  glorifient  d'avoir  lutté  sous  un  général  victorieux;  les  catho- 
liques ont  pour  chef  le  Dieu  des  armées,  qui  finit  toujours  par  vaincre, 
parce  qu'il  ne  peut  pas  mourir  et  qu'il  ne  se  rend  jamais. 

Ils  se  glorifient  de  ce  que  leur  patrie  a  marqué  dans  l'histoire;  les 
catholiques  sont  d'une  société  fondée  par  le  Christ,  et  dont  vingt  siècles 
de  lutte  et  de  persécution  n'ont  fait  qu'accroître  la  vitalité,  l'autorité  et 
le  prestige. 

Ils  se  glorifient  peut-être  d'avoir  été  les  favoris  des  grands;  les  catho- 
liques sont  les  frères  de  Jésus. 

Tls  se  glorifient,  enfin,  de  la  probité,  du  talent,  de  la  science,  des 
•œuvres  de  leurs  contemporains  :  les  catholiques  sont  en  communion  avec 


—  813  — 

les  saints,  avec  les  savants  chrétiens  qui  ont  fait  une  révolution  dans 
les  sciences,  avec  les  peintres,  les  sculpteurs,  les  architectes,  les  musiciens 
qui,  mettant  leur  génie  au  service  de  la  religion,  ont  transfiguré  les  arts, 
avec  les  apôtres  qui  ont  purifié  le  monde,  les  philosophes  de  la  vérité, 
avec  tous  les  grands  cœurs  et  tous  les  grands  esprits  qui  se  sont  cons- 
titués les  conservateurs  du  beau,  du  vrai  et  du  bien,  et  »|ui  font  à  l'Eglise 
militante  cette  double  couronne,  où  éclatent  à  la  fois  la  splendeur  de  la 
vertu  et  la  splendeur  du  talent. 

Et  quelles  œuvres,  en  effet,  cette  société  a  accomplies  ! 

Parmi  les  mouvements  politiques  et  les  évolutions  sociales,  les  actions 
dont  s'honore  l'histoire,  les  événements  qu'elle  enregistre,  choisissez  les 
plus  durables,  ceux  dont  l'influence  heureuse  se  prolonge  de  siècle  en 
siècle  ;  mettez  à  part  ceux  qui  portent  la  marque  de  la  pureté,  de  la  cha- 
rité et  du  dévouement,  ceux  qui  ont  éclairé,  soulagé,  délivré  l'âme  des 
peuples,  ceux  qui  ont  eu  pour  objet  le  relèvement  spirituel  de  l'humapité 
et  pour  souci  ses  intérêts  éternels,  ceux  qui,  dans  tout  le  champ  de  l'ac- 
tivité humaine,  ont  servi  la  justice  et  la  vérité:  vous  aurez  mis  la  main 
sur  les  œuvres  de  l'Eglise,  sur  les  paroles  et  sur  les  gestes  inspirés  par 
sa  doctrine. 

Comme  on  l'a  si  souvent  reconnu,  rien  de  véritablement  grand  ne  s'est 
fait  en  dehors  du  Christianisme. 

L'Eglise  a  répandu,  avec  le  sang  de  ses  martyrs,  des  idées  nouvelles 
chez  les  peuples  barbares,  et,  par  son  action  sur  les  esprits  et  les 
cœurs,  elle  a  créé  la  civilisation  moderne.  p]lle  a  changé  la  loi  sur 
le  mariage  et  la  puissance  paternelle  ;  réhabilité  la  femme,  l'épouse, 
la  mère  ;  relevé  l'ouvrier  et  consolé  le  pauvre  :  aboli  l'esclavage,  et 
donné  la  liberté  civile  au  citoyen  ;  elle  a  établi  le  règne  de  la  pureté 
et  de  la  charité;  elle  a  renouvelé  la  face  du  monde.  Et  si  nous  ne  rap- 
pelons pas  de  nouveau  les  progrès  que  la  doctrine  catholique  a  fait  faire 
à  la  science,  non  plus  cpie  les  insf)irations  meilleures  et  plus  hautes  que 
l'art  y  a  puisées,  ne  faut-il  pas  dire  au  moins,  qu'après  avoir  appris  à 
l'homme  à  bien  vivre,  elle  lui  enseigne  à  bien  mourir?  "  Le  dogme,  qui 
éclaire  la  vie,  transfigure  le  dernier  soupir." 

^lajesté  de  notre  Credo!  Grandeur  de  la  société  chrétienne!  Beauté 
de  ses  œuvres  ! 

Devant  cet  ensemble,  comment  n'être  pas  fiers  du  titre  de  catholique, 
et  ne  point  faire  paraître  l'orgueil  de  notre  foi  ? 

Noblesse  oblige!  Ce  serait  forfaire  à  l'honneur  que  de  ne  point  nous 
révéler  ce  que  nous  sommée  et  de  rougir  du  caractère  imprimé  sur  nos 
fronts  par  le  baptême. 

Comme  une  conviction  non  suivie  d'action,  la  fierté  catholique  (|ui 
reste  intérieure  est  radicalement  morte. 

Et  pourtant,  il  y  a  des  hommes  qui  croient,  et  qui  ont  peur  de  pro- 
fesser leurs  croyances,  qui  veulent  appartenir  au  bataillon  sacré  et  qui 
n'osent  en  arborer  le  drapeau,  qui  prétendent  aimer,  et  qui  ne  se  donnent 
point.  Ils  ne  voient  pas  que  leur  vie  est  faite  d'illogisme  et  de  lâcheté. 
D'illoiiisme.  car  ils  ont  beau  fuir  la  vérité,  ils  ne  la  supprimeront 
jamais;  de  lâcheté,  car  quaml  on  n  du  sang  dans  les  veines,  on  ne  craint 
pas  de  paraître  ce  qu'on  est. 


—  814  — 

Eh  bien  !  au  respect  humain  du  catholique  à  demi,  il  faut  opposer  la 
fierté  du  catholiique  intégral. 

Ces  transfuges  de  la  vérité  se  taisent  devant  l'objection,  ils  sourient 
au  blasphème,  ils  approuvent  extérieurement  ce  qu'ils  désapprouvent  au 
fond.  Vous,  jeunesse  qui  livrez  les  combats  d'aujourd'hui,  défendez  la 
vérité  toujours  et  partout,  par  la  parole  et  par  la  plume;  chantez  votre 
croyance  à  tous  les  vents  du  ciel. 

Ces  esclaves  du  respect  humain  cherchent  des  prétextes  pour  ne  point 
professer.  Vous,  jeunes  camarades,  cherchez  des  occasions  d'affirmer  et 
de  pratiquer  votre  foi. 

Ils  ont  deux  attitudes,  l'une  au  foyer,  l'autre  devant  le  public.  Vous 
continuerez,  vous,  à  être  des  catholiques  tout  d'une  pièce,  et  dans  votre 
vie  publique  comme  dans  votre  vie  privée,  sans  rien  connaître  de  ces  dé- 
doublements hypocrites,  vous  vous  emploierez  à  promouvoir  les  progrès 
de  la  morale  et  de  la  religion,  à  soutenir  les  droits  de  Dieu  et  de  l'Eglise, 

En  un  mot,  quand,  à  la  veille  des  batailles,  ces  mauvais  soldats  met- 
tent leur  drapeau  dans  leurs  poches,  vous,  les  jeunes  catholiques  du 
Canada  français,  vous  aurez  la  belle  audace  d'arborer  la  Croix,  et,  sous 
ses  bras  étendus  et  bénissants,  vous  irez  fièrement  votre  chemin. 

Ah  !  nous  comprenons  bien  que  certains  sectaires  cachent  leurs  cou- 
leurs et  ourdissent  dans  l'ombre  leurs  complots  :  dans  une  société  policée, 
on  n'ose  pas  encore  faire  parade  de  ce  qui  n'est  pas  montrable.  Ils  cher- 
chent à  faire  prendre  le  change,  tant  ils  craignent  de  paraître,  aux  yeux 
des  honnêtes  gens,  tels  qu'ils  sont  en  effet,  sans  honneur,  sans  conscience 
et  sans  foi.  Et  nous  avons  entendu  leurs  gémissements  quand  le  voile 
du  temple  fut  déchiré  ! 

Du  livre  de  nos  croyances,  à  nous,  il  n'est  rien  qu'on  retranche.  De 
nos  convictions  religieuses,  il  n'est  rien  qui  craigne  la  lumière.  C'est 
au  grand  jour  que  nous  le  proclamons,  nous  sommes  fiers  de  notre  titre 
de  catholiques. 

Et,  grâee  au  Ciel  !  il  se  trouve  que  je  n'exprime  pas  en  ce  moment  le 
sentiment  d'un  groupe  isolé  de  mes  compatriotes,  mais  le  sentiment  una- 
nime de  tout  un  peuple,  les  Français  d'Amérique.  Chez  nous,  la  fierté 
religieuse  se  confond  avec  la  fierté  nationale;  nous  nous  glorifions  de 
présenter  un  spectacle  devenu  rare,  celui  d'une  nation  tout  entière  à 
genoux  devant  le  Dieu  de  l'Eucharistie.  Le  protestant  Gibbon  a  dit  que 
les  évêques  ont  fait  la  France  comme  les  abeilles  font  leurs  ruches;  de 
même,  et  avec  un  soin  pareil,  Laval  et  ses  successeurs  ont  fait  le  Canada 
français.  C'est  dans  les  plis  du  drapeau  de  notre  Mère-Patrie  que 
l'Evangile  est  venu  jusqu'à  nous;  ce  sont  les  missionnaires  et  les  apôtres 
de  notre  sang  qui  ont  fait  largesse  au  Nouveau-Monde  de  ce  patrimoine 
idéal  ;  ce  sont  nos  découvreurs  et  nos  prêtres  qui  ont  allumé  chez  nous 
le  flambeau  de  la  foi  et  qui  l'ont  porté  jusque  dans  les  régions  les  plus 
reculées  du  domaine  canadien;  et  notre  orgueil  est  de  n'avoir  pas  dégé- 
néré de  la  vertu  des  ancêtres,  de  marcher  sur  leurs  traces  et  d'être,  ici, 
les  héritiers  de  la  Fille  Aînée  de  l'Eglise,  les  continuateurs  de  son  geste, 
les  soldats  du  Christ  qui  aime  les  Francs. 


—  S15  — 


§  IV.  Séance  des  Hommes. 


Presqu'à  la  même  heure  oîi  les  jeunes  gens  se  réunissaient 
à  l'Arena.  les  hommes,  de  leur  côté,  avaient,  au  Monument 
National,  une  séance  solennelle.  Plus  grave,  plus  calme,  la 
réunion  avait  pourtant  un  air  de  fête,  et  l'on  sentait  battre 
plus  fort  les  coeurs  de  ces  croyants. 

Mgr  Roy,  évêque  auxiliaire  de  Québec,  préside,  ayant 
comme  secrétaire  M.  le  Chanoine  Gauthier,  président  du 
comité  des  Travaux. 

Mgr  Mdthieu,  du  Séminaire  de  Québec,  fut  le  premier  des 
rapporteurs  à  prendre  la  parole  : 


LA  CLASSE  DIRIGEANTE  ET  LA  PRATIQUE 
DE  LA  COMMUNION 


Dans  un  de  ses  immortels  chefs-d'œuvre,  Raphaël  a  {rroui)é  autour  do 
l'ostensoir,  comme  une  auréole  de  gloire,  tous  les  génies  qui  sont  allés 
puiser  au  tabernacle  leurs  inspirations:  les  docteurs,  comme  Grégoire  et 
Ambroise,  Jérôme  et  Augustin.  Bonaventure  et  Thomas  d'Aquin;  les 
poètes  coiiinie  Dante;  les  peintres  comme  le  Pérugin;  les  architectes  et 
les  sculpteurs  comme  Bramante;  les  orateurs  comme  Savonarole. 

Cet  artiste  de  génie  semble  avoir  voulu  montrer  combien  sont  riches 
les  rayons  de  lumière  qui  jaillissent  de  l'Kucharistie  sur  rintolligencQ 
des  croyants;  il  semble  avoir  voulu  dire  aux  chrétiens  que  lorscjue  ce 
divin  Soleil,  dont  le  nôtre  n'est  que  l'ombre,  se  lève  sur  l'autel,  tous  les 
cœurs  devraient  aller  à  Lui  pour  grandir,  s'épanouir,  se  diviniser. 

Et  ceux  qui  dans  la  société  composent  ce  que  l'on  appelle  les  classes 
dirigeantes,  devraient  toujours  être  les  premiers  rendus  aux  j)itMls  de  la 
Sainte  Hostie;  ils  devraient  être  là  pour  dire  à  Jésus:  ()  Christ!  Je  vous 
ain~.o  parce  que  vous  êtes  ma  force,  mon  aj»pui.  m(»n  refuge,  mon  soutien; 
"  Diligam  te,  Domine,  forlilud't  mea.  Dominas  firmamentiiin  meum  et 
refugium,  meum  et  liberator  meus."  Car  Dieu  a  droit  d'attendre  d'eux 
ce  que  saint  Jérôme  attendait  de  son  plus  cher  disciple:  "Qu'ils  soient 
en  tout  les  meilleurs,  les  plus  grands,  les  plus  parfaits,  ]ui\\r  et 
de  leur  éducation  et  de  leur  destinée;  Totum  summum,  iolum  / 
in  te  desidero." 

Ce  droit  de  Dieu,  un  trop  grand  nombre  de  nos  catholir|n<»«  intluents 
paraissent  l'oublier;  ce  devoir,  ils  ne  lo  remplissent  pas.     Ils  «'occupant 


—  81G  — 

d'affaires,  de  finances,  de  théâtre,  de  plaisirs,  du  ministère  d'aujourd'hui^ 
de  celui  de  demain  ;  ils  croient  qu'il  leur  suffit  d'être  scrupuleux  sur  les 
mœurs,  honnêtes  dans  les  affaires,  fidèles  dans  les  amitiés.  Aussi  ils 
sont  des  chrétiens  légers  dont  parlait  déjà  Tertulien:  "In  ventum  et 
si  volueris  dirisiiani  "j  des  chrétiens  qui  respectent  l'Eglise,  l'estiment, 
reconnaissent  qu'elle  est  pour  les  individus,  les  familles,  les  sociétés,  la 
source  des  plus  grands  biens;  des  chrétiens  qui  remplissent  les  devoirs, 
absolument  essentiels  du.  christianisme  mais  qui  les  remplissent  mesqui- 
nement, chichement,  daiis  la  stricte  mesure  exigée,  sans  élan  d'âme,  sans 
joie,  avec  de  secrets  ennuis  et  des  répugnances  qu'ils  ne  dissimulent  que 
difficilement. 

Il  peut  donc  être  utile  de  rappeler  à  ceux  qui  forment  partie  de  la 
classe  dirigeante  dans  la  société  les  raisons  qui  doivent  les  pousser  à  en- 
tourer d'affection  le  Dieu  du  Tabernacle,  à  s'approcher  souvent  de  la 
Table  Eucharistique,  la  seule  sur  la  terre  à  laquelle  on  ne  s'assied  pas, 
à  laquelle  on  s'agenouille,  de  laquelle  on  s'approche  les  mains  jointes,  les 
yeux  baissés,  le  cœur  battant  d'amour,  à  cause  de  la  divine  nourriture 
qui  nous  y  est  servie. 

*       * 

D'abord  la  reconnaissance  demande  que  vous  vous  montriez  dignes  des 
bienfaits  dont  Dieu  vous  a  comblés. 

Non  seulement  II  vous  a  accordé  comme  aux  autres  hommes,  tout  ce 
que  vous  avez  et  tout  ce  que  vous  êtes,  mais  II  vous  a  fait  naître  de  bons 
parents  chrétiens  qui  vous  ont  donné  la  connaissance  et  l'amour  de  Dieu 
dès  que  votre  esprit  et  votre  cœur  ont  été  capables  de  connaître  et  d'ai- 
mer; Il  vous  a  faits  enfants  de  l'Eglise  catholique,  cette  belle  patrie 
dont  l'histoire  est  écrite  avec  des  miracles,  dont  tous  les  combats  sont  des 
victoires,  dont  les  héros  sont  des  martyrs  et  des  saints,  dont  les  citoyens 
sont  les  plus  grandes  figures,  les  plus  hautes  intelligences,  les  plus  nobles 
■âmes  qu'ait  saluées  l'admiration  des  siècles. 

Dieu  vous  a  accordé  les  grâces  de  préservation,  les  soutiens,  les  secours 
dont  avait  besoin  votre  fragile  nature.  Tout  cela  a  été  refusé  à  une 
foule  de  vos  semblables  qui  ont  été  abandonnés  à  eux-mêmes  au  milieu 
du  monde,  qui  ont  été  sollicités  au  mal  par  de  perfides  entraînements  et 
de  détestables  exemples,  qui  ont  blasphémé  une  religion  qu'ils  ont  eu  le 
malheur  de  ne  pas  connaître. 

De  plus,  Il  vous  a  placés  dans  des  conditions  faciles  pour  acquérir 
l'instruction  qui  vous  crée  une  véritable  noblesse  et  tandis  que  le  grand 
nombre  do  vos  semblal)les  travailleront  des  mains,  laboureront  la  terre, 
tailleront  le  bois,  forgeront  les  métaux,  se  courberont  du  matin  jusqu'au 
soir  sur  les  choses  de  la  matière  pour  en  tirer  du  pain  à  la  sueur  de  leur 
front,  vous,  mortels  favorisés,  vous  travaillerez  de  la  tête,  vous  gouver- 
nerez les  affaires  publiques,  vous  dirigerez  les  travaux  des  hommes,  vous 
appliquerez  les  problèmes  de  la  science,  vous  étudierez  les  lois  qui  ré- 
gissent l'univers,  vous  serez  liaristocratie  intellectuelle  des  hommes. 

C'est  donc  vous  surtout  qui  devez  dire:  "  Quam  bonus  Israël  Deus  : 
Que  Dieu  a  été  bon  et  gracieux  !  " 


—  817  — 

Votre  place  est  donc  sur  les  sommets,  sur  tous  les  sommets,  ceux  du 
savoir  et  ceux  de  la  vertu.  C'est  surtout  à  vous  que  Jésus-Christ  dit  ces 
paroles:  "  Vous  êtes  la  lumière  du  monde.  . .  Une  ville  ne  peut  pas  être 
cachée  quand  elle  est  située  sur  une  montagne. . .  Qu'ainsi  donc,  ajoute 
le  Divin  Maître,  votre  lumière  luise  devant  les  hommes,  afin  qu'ils 
voient  vos  bonnes  œuvres  et  qu'ils  glorifient  votre  Père  qui  est  dans  les 
cieux."     (Math.  V.  14.) 

Car  en  songeant  à  votre  position  sociale,  vous  devez  vous  demander 
pourquoi  Dieu  vous  a  fait  ainsi  une  condition  privilégiée  de  naissance, 
d'honneur,  de  fortune  ou  d'influence,  si  ce  n'est  pour  que  vous  exerciez 
sur  les  hommes  une  action  qui  puisse  porter  plus  loin  parce  qu'elle  des- 
cend de  plus  haut;  vous  devez  vous  demander  pourquoi  surtout  Dieu 
vous  a  donné  cette  éducation,  cette  instruction  de  choix  ([ui,  pendant  dix 
ou  douze  ans,  vous  a  fait  passer  par  tous  les  degr^-s  des  connaissances 
humaines,  vous  a  rendus  plus  hommes,  "  humaniores  littcrae''  sinon  pour 
que  sur  ce  faîte  vous  allumiez  un  phare  pour  que  vos  frères,  vous  voyant 
détachés  de  tout  dans  ce  siècle  d'argent,  vous  voyant  humbles  dans  ce 
siècle  d'orgueil,  vous  voyant  chastes  dans  ce  siècle  de  plaisirs,  vous  voyant 
forts  et  vaillants  dans  ce  siècle  de  défaillance  et  de  faiblesse,  soient 
étonnés  d'un  tel  spectacle  et  soient  forcés  de  rendre  hommage  au  Dieu 
qui  est  admirable  dans  ceux  qui  le  servent. 

Dieu  vous  a  fait  le  privilège  de  vous  constituer  dans  la  classe  diri- 
geante, et  vous  devez  comprendre  que  si  vous  êtes  grands  et  riches,  puis- 
sants et  considérés,  ce  n'est  pas  pour  que  vous  vous  étendiez  superbement 
dans  le  faste  et  une  vie  molle  comme  Xabuchodonosor  s'étendait  dans 
l'orgueil  de  ses  fleuves,  mais  pour  que  vous  épanchiez  votre  trop  plein 
sur  les  rives  desséchées.  Vous  devez  donner  au  peuple  les  exemples  de 
tioutes  les  vertus  chrétiennes  ;  vous  devez  lui  inspirer  par  tous  vos  actes 
l'amour  de  Dieu,  de  son  Eglise,  de  la  famille,  de  la  patrie. 

X'allez  donc  jamais  croire  que  le  plus  sûr  moyen  de  se  sauver  c'est  de 
s'occuper  uni'iucmcnt  de  soi,  de  concentrer  tous  ses  soins  à  l'afTairt'  de 
son  propre  salut  comme  si  on  était  seul  au  monde.  "Que  ces  âmes  se  rap- 
pellent, s'écrie  saint  Augustin,  le  sort  du  serviteur  de  l'Evangile  qui 
voulut  jouir  tout  seul  du  talent  cui  lui  avait  été  confié  et  qui  l'enfouit 
sous  terre  au  préjudice  du  prochain."  Il  fut  condamné  par  le  Divin 
Maître  ;  car  la  grâce  que  Dieu  nous  donne,  nous  sommes  tenus  de  la  faire 
servir  aux  autres  comme  à  nous-mêmes:  "  Gratta  Dei  ohest  si  aliis  non 
prodest."  X'ivant  en  société  néte.'^sairement  vous  êtes  solidaires  et  vous 
contribuez  dans  une  mesure  plus  ou  moins  large  au  salut  de  vos  frères. 
Comme  l'étoile  scintille  au  firmament  dont  elle  est  la  parure,  le  vrai 
chrétien  doit  scintiller  aux  yeux  de  ses  frères,  dans  l'ordn'  niorul.  pour 
les  encourager  par  la  profession  généreuse  de  ses  principes,  par  sa  fidé- 
lité inébranlable  au  devoir,  par  son  activité  persévérante  dans  le  bien. 
"  Les  justes,  dit  saint  Grégoire,  sont  des  astres  destinés  à  nous  conduire 
par  leurs  exemples  dans  les  sentiers  de  cette  vie." 

Par  conséquent,  quand  vous  paraîtrez  devant  Dieu,  Il  vous  demandera 
re  que  vous  aurez  fait  pour  le  salut  de  vos  frères,  si  vous  avez  exercé 
autour  de  vous  une  mesure  d'influence  en  proportion  avec  les  grâces  et 
les  talents  que  vous  aurez  reçus  de  Lui.     Vous  essayerez  peut-être  de  lui 


—  818  — 

faire  alors  cette  réponse:  "  Etais-je  le  gardien  de  mon  frère?"   Caïn  la 
fit  cette  réponse,  mais  il  était  un  fratricide  et  il  fut  maudit  de  Dieu. 

Votre  vie  sur  la  terre  doit  donc  être,  par  l'édification  que  vous  êtes 
obligés  de  répandre  sans  cesse  autour  de  vous,  une  continuelle  propa- 
gation de  la  foi;  dans  tout  ce  que  vous  faites  et  dites,  vous  devez  faire 
entendre  la  divine  harmonie  des  vertus  chrétiennes,  vous  devez  être  un 
foyer  toujours  ardent  de  religion,  de  sacrifices,  de  régularité,  de  charité, 
de  bonté  et  de  miséricorde. 

*       * 

Or,  vous  ne  pourrez  jamais  faire  cela,  jamais  remplir  tous  ces  devoirs, 
sans  communier  et  sans  communier  souvent. 

Car  pour  remplir  ces  devoirs,  vous  avez  besoin  de  force.  Or  l'Eucha- 
ristie est  l'aliment  d'où  les  âmes  tirent  leur  force,  comme  le  corps  tire 
la  sienne  des  aliments  matériels.  Ecoutez  Jésus-Christ  qui  vous  dit: 
"  qu'il  faut  chercher  une  nourriture  qui  ne  périsse  pas  ;  qu'il  est  Lui, 
cette  nourriture  et  que  ceux  qui  la  prendront,  en  prenant  sa  chair  et  son 
sang,  auront  la  vie  —  et  même  la  vie  éternelle."  En  communiant,  vous 
deviendrez  forts  comme  Celui  qui  se  sera  donné  à  vous  à  la  Sainte  Table, 
qui  aura  reçu  vos  hommages  et  qui  vous  dit  :  "  Ne  craignez  pas,  j'ai 
vaincu  le  monde." 

Vous  êtes  peut-être  admirateurs  trop  complaisants  des  dons  que  Dieu 
vous  a  faits  et  vous  avez  la  faiblesse  d'en  oublier  la  source.  Allez  com- 
munier et  Jésus-Christ  montrera  à  votre  âme  orgueilleuse  ses  prodigieux 
abaissements.  A  la  Sainte  Table,  vous  verrez  Jésus  cachant  profondé- 
ment sa  majesté,  se  faisant  tout  petit  pour  se  donner  à  vous  et  vous 
aurez  la  force  de  cacher  aux  yeux  du  monde,  de  vous  cacher  à  vous- 
mêmes,  ce  qu'il  y  a  en  vous  de  grand  et  de  bon,  de  vous  humilier  avec 
Lui. 

Vous  êtes  peut-être  trop  attachés  aux  biens  et  aux  honneurs  d'ici-bas, 
trop  occupés  de  vous  faire  une  place  au  soleil  de  la  fortune  et  de  la  re- 
nommée. Allez  communier  et  Jésus-Christ  vous  rappellera  que  ces  choses 
■creuses  et  vides  ne  sont  que  "  la  manne  d'un  désert  oii  l'on  doit  bientôt 
mourir."  "Patres  vestri  manducaverunt  manna  et  mortui  sunt."  Il  fixera 
vos  espérances  vers  le  manne  impérissable  dont  il  est  l'avant-goût. 

Vous  êtes  peut-être  désolés  de  constater  qu'on  ne  pardonne  rien  à  votre 
autorité,  qu'elle  a  tous  les  jours  à  supporter  les  ennuis  les  plus  immé- 
rités, les  contradictions  les  plus  injustes,  les  mensonges  d'un  grand 
nombre;  qu'on  ne  veut  pas  toujours  comprendre  que  les  gouvernants 
n'étant  pas  des  dieux  et  les  gouvernés  —  qui  se  plaignent  —  n'étant  pas 
des  anges,  il  faut  bien  s'armer  de  patience,  se  supporter  les  uns  les  autres, 
et  tolérer  les  fautes  qui  se  commettent  dans  les  sociétés  humaines  aussi 
longtemps  qu'il  y  aura  de  l'écume  sur  les  vagues  de  la  mer.  Allez  com- 
munier et  Jésus  qui  cache  sa  grandeur  sous  les  voiles  eucharistiques, 
qui,  par  bonté  pour  nous,  a  trouvé  le  moyen  de  remonter  au  ciel  tout  en 
restant  sur  la  terre  en  instituant  ce  Divin  Sacrement  de  l'autel,  vous  ap- 
prendra à  vous  pencher  avec  d'autant  plus  de  plaisir  vers  ceux  qui  dé- 
pendent de  vous  qu'ils  seront  plus  pauvres,  plus  abandonnés,  plus  misé- 


—  819  — 

râbles;  Il  vous  dira  que  vous  devez  diriger  les  hommes  avec  sagesse  sans 
doute,  mais  surtout  avec  bonté;  Il  vous  enseignera  que  votre  autorité 
sera  supportée,  respectée,  à  la  condition  que  vous  la  regardiez  toujours 
"  comme  un  vaisseau  qui  a  ses  ancres  dans  le  ciel." 

Vous  êtes  peut-être  —  plus  que  les  autres  —  séduits  par  la  beauté  des 
créatures  et  prêts  à  prodiguer  votre  pauvre  cœur  en  de  périssables  amours. 
Allez  communier  et  vous  apprendrez  toute  l'amabilité  et  la  tendresse  de 
Jésus-Christ.  Sa  présence  en  vos  âmes  vous  fera  sentir  toute  la  vérité 
de  ses  paroles  :  "  Goûtez  et  jugez  combien  le  Seigneur  e?t  doux.'' 

Vous  êtes  peut-être  —  plus  que  d'autres  —  tourmentés  par  la  passion 
qui  animalise  l'esprit  et  est  la  plus  terrible  ennemie  de  la  vie  spirituelle. 
Allez  communier  et  Jésus-Christ  vous  montrera  les  plaies  de  sa  chair 
martyrisée;  Il  vous  abreuvera  du  sang  qui  fait  germer  les  vierges. 

Tous  ces  effets  seront  produits  par  la  communion.  J'en  appelle  à  votre 
expérience:  S'il  est  des  jours  dans  votre  vie  où  vous  vous  êtes  sentis 
pleins  de  force,  ovi  le  sacrifice  lui-même  vous  a  souri,  où  vous  vous  êtes 
trouvés  capables  de  quelque  chose  de  généreux,  de  pur,  de  grand,  où  vous 
croyiez  avoir  des  ailes  pour  voler  jusqu'à  Dieu,  c'est  lorsque,  dans  une 
communion  fervente,  la  Sainte  Hostie  est  descendue  dans  votre  cœur. 

Vous  avez  besoin  de  lumière. 

Or,  Jésus  est  la  vraie  lumière  qui  éclaire  tout  homme  venant  en  ce 
monde.  Dans  son  âme  divine.  Il  renferme  les  trésors  d'une  expérience 
étemelle.  Il  connaît  tous  les  replis  des  cœurs;  Il  embrasse  de  son  regard 
immense  toutes  les  circonstances  et  tous  les  détails  que  nous  ne  pouvons 
même  pas  soupçonner.  Quelle  que  soit  votre  situation,  l'avis  qu'il  vous 
donnera  sera  le  plus  opportun,  le  plus  utile,  le  plus  conforme  à  vos  vrais 
intérêts.  Souvent  dans  la  conversation  qui  suivra  la  sainte  Communion 
vous  apprendrez  plus  sur  les  choses  du  temps  et  de  l'éternité,  sur  vos 
vraies  destinées,  sur  la  direction  à  donner  à  vos  affaires  que  par  les  plus 
longues  réflexions  et  les  plus  habiles  combinaisons  de  la  sagesse  liumaine, 
car,  dans  la  Communion,  l'âme  grandit,  s'épanouit,  se  divinise. 

Vous  avez  besoin  de  consolation. 

Vous  avez  si  souvent  des  larmes  à  faire  essuyer,  dus  blessures  à  faire 
panser  par  une  main  amie,  des  chagrins  à  épancher  dans  un  cœur  aimant 
qui  vous  comprenne  et  vous  relève.  Allez  communier  et  vous  verrez  que 
Jésus  seul  a  la  main  assez  délicate  et  assez  puissante  pour  toucher  toutes 
les  plaies  de  votre  cœur  et  lui  rendre  la  vraie  joie,  «pie  seul  II  mérite  le 
nom  qu'il  a  })ris  lui-même  de  l'araclet,  de  Consolateur,  que  seul  II  com- 
prend toutes  nos  douleurs  parce  qu'il  les  a  toutt^-s  éprouvé».-.  N'allez  pas 
dans  ces  circonstances,  frai)per  à  la  porte  de  vos  amis  de  la  terre,  car  ile 
consentiront  bien  à  partager  vos  joies,  mais  ils  vous  al)andonneront  dans 
vos  tristesses.  I/expérience  quotidienne  est  là  pour  nous  ]>rouvcr  que 
les  amis  de  ce  monde  sont  presque  toujours  intidêlts:  "  Ia's  amitiés  mon- 
daines, dit  S.  François  de  Sales,  fondent  comme  la  neige  nu  soleil,  parce 
que  toutes  ou  presciue  toutes  sont  appuyées  sur  l'intérêt!" 


—  820  — 


Allez  communier  et  toutes  vos  faims  mystérieuses  tomberont  devant 
l'aliment  que  Jésus  vous  donnera  et  qui  n'est  autre  que  lui-même.  Allez 
communier  et  vous  terrasserez  toutes  les  passions  qui  s'ameutent  au  fond 
de  votre  âme;  vous  les  tiendrez  rugissantes  mais  inertes  sous  vos  pieds 
vainqueurs  et  vous  célébrerez  vos  victoires  la  main  tendue  vers  le  Taber- 
nacle en  disant:  "  Quis  ut  Deus?  Qui  est  fort  comme  Dieu?" 


* 


Si  vous  aviez  plus  de  foi,  nous  vous  verrions  vous  précipiter  vers  la 
Table  Sainte  pour  recevoir  souvent  ces  accroissements  de  vie  divine  qui 
vous  y  seront  offerts. 

Il  y  a  quelques  années,  un  homme  distingué  était  venu  de  France  visi- 
ter notre  beau  pays.  Il  était  intelligent,  observateur,  catholique  con- 
vaincu et  pratiquant.  Il  comprit  l'ardent  amour  que  le  canadien  a  pour 
sa  patrie  qui  a  reçu  du  Créateur  les  plus  admirables  dons  que  puisse  rêver 
un  peuple.  Tout  ici  lui  était  un  objet  d'admiration.  La  beauté  des 
horizons,  la  richesse  du  sol,  la  variété  prodigieuse  des  sites,  les  grands 
fleuves,  les  plaines  immenses,  les  vallées  fécondes,  la  grâce  des  collines, 
la  majesté  des  montagnes,  tout  lui  révélait  une  terre  prévilégiée.  Il  s'é- 
tait convaincu  qu'il  n'y  a  pas  sous  les  cieux  un  peuple  jouissant  d'une 
liberté  plus  grande  et  d'un  bonheur  plus  réel. 

Il  me  fit  une  remarque  qui  me  chagrina  et  que  je  n'oublierai  jamais: 
"Votre  peuple,  me  dit-il,  est  religieux,  mais  je  ne  vois  pas  assez  d'hommes 

—  et  surtout  d'hommes  de  la  classe  dirigeante,  —  à  la  Sainte  Table." 

A  quoi  cela  est-il  dû  ?  Existerait-il  au  pays  ce  préjugé  aussi  funeste 
aux  âmes  qu'injurieux  pour  Dieu  qui  consiste  à  croire  que  la  fréquence 
de  la  communion  est  une  pratique  féminine,  une  sorte  de  luxe  de  dévo- 
tion réservé  aux  natures  plus  sentimentales  ?  Envisagerait-on  la  commu- 
nion non  pas  comme  l'acte  vital  du  chrétien  mais  comme  une  pratique 
surérogatoire  ? 

Mais  l'homme —  et  surtout  l'homme  de  la  classe  instruite  et  dirigeante 

—  a  plus  besoin  de  communier  que  les  femmes  et  les  autres  fidèles. 

Il  est  plus  exposé  à  subir  les  assauts  du  doute,  à  entendre  les  men- 
songes' des  fausses  doctrines  et  les  attaques  contre  la  foi.  Il  met  plus 
souvent  que  les  autres  la  main  sur  des  livres  publiés  dans  d'autres  pays 
et  faits  par  des  écrivains  qui  trempent  leur  plume  vénale  dans  des  poi- 
sons mortels  à  tout  germe  de  bien,  par  des  malfaiteurs  littéraires  qui 
sèment  le  mépris  sur  tout  ce  qui  est  pur,  la  calomnie  sur  tout  ce  que 
nous  avons  appris  à  aimer  et  à  respecter. 

Il  porte  le  lourd  fardeau  des  affaires,  il  vit  plus  au  dehors,  plus  libre, 
plus  indépendant,  plus  souvent  en  contact  avec  le  mal;  il  est  par  con- 
séquent plus  exposé  à  des  occasions  dangereuses  que  la  jeune  fille  ne  ren- 
contre pas  sous  l'aile  maternelle,  ni  la  femme  au  sanctuaire  de  son  foyer. 

Par  conséquent  il  a  plus  besoin  de  recourir  à  l'Eucharistie,  source  de 
toute  vertu. 

MAIS  ?  DISENT  QUELQUES-UNS  :  LE  TEMPS  NOUS  MAN- 
QUE POUR  NOUS  lîENDKE  A  LA  SAINTE  MESSE  ET  NOUS 
PHEPAKEK  A  fOMMIINIEH  SOUVENT. 


—  821  — 

Cette  raison  n'est  pas  nouvelle.  Quand  Jésus-Christ  invita  à  son  fes- 
tin, vous  savez  ce  que  répondirent  les  conviés  :  "  J 'ai  acheté  une  villa,  dit 
le  premier,  et  il  faut  que  j'y  aille  voir." — '■  J'ai  acheté  cinq  paires  de 
bœufs,  dit  le  second,  il  faut  que  j'aille  les  essayer."  —  ''Moi,  j'ai  pris 
femme,  dit  un  troisième."'  Tous  de  dire  :  "  Excusez-moi,  Habe  me  excu- 
satum.     Et  l'Evangile  ajoute:  "  2^eglexerunt."     Tous  furent  négligents. 

N'est-ce  pas  encore  ainsi  que  les  choses  se  passent  ?  Vous  n'avez  pas 
le  temps  de  vous  rendre  à  l'invitation  de  Jésus  ;  vous  en  trouvez  bien, 
cependant  pour  vos  plaisirs  et  la  lecture  de  vos  journaux;  vous  en  avesj 
bien  du  temps  pour  nourrir  votre  corps  et  vous  n'en  avez  pas  pour  nour- 
rir votre  âme;  vous  trouvez  du  temps  pour  la  conversation  et  pour  la 
promenade  et  vous  n'en  trouvez  pas  pour  communier;  vous  trouvez  du 
temps  pour  faire  vos  affaires  temporelles  et  vous  n'en  trouvez  pas  pour 
faire  vos  affaires  spirituelles. 

'  Vous  n'avez  pas  le  temps  !  En  auriez-vous  moins  que  Thomas  Morus, 
le  grand  Chancelier  d'Angleterre,  qui  communiait  tous  les  jours  ?  Quel- 
ques-uns lui  dirent  qu'un  homme  occupé  comme  lui  aux  grandes  affaires 
de  l'Etat,  ne  devrait  pas  si  souvent  s'approcher  de  la  Sainte  Table,  il  leur 
répondit  :  "  Vous  m'apportez  là  justement  la  raison  que  j'ai  de  com- 
munier chaque  jour,  ma  dissipation  est  grande;  je  me  recueille  par  la 
communion.  Les  tentations  sont  fréquentes,  je  me  fortifie  dans  la  com- 
munion. J'ai  besoin  de  lumières  pour  gouverner  l'Etat,  je  les  demande 
à  la  Communion." 

Vous  n'avez  pas  le  temps  !  En  avez-vous  moins  que  Montalembert  qui 
se  préparait  par  la  prière  à  ses  grandes  luttes  et  à  ses  grands  triomphes 
parlementaires  et  qui  tenait  à  s'armer  par  une  communion  fervente 
toutes  les  fois  qu'il  devait  prononcer  un  important  discours  comme  les 
prcniiers  chrétiens  quand  ils  devaient  confesser  le  nom  de  Jésus-Christ  ? 

Vous  n'avez  pas  le  temps  !  En  avez-vous  moins  qu'un  de  vos  conci- 
toyens qui  occupait  une  position  sociale  très  élevée,  qui  trouvait  le  temps 
de  commencer  ses  journées  par  l'audition  de  la  Sainte  Messe  et  qui  ne 
manquait  jamais  de  communier  tous  les  dimanches  ?  Et  voici  comment 
j'appris  la  conduite  chrétienne  qu'il  tenait:  La  veille  de  Noël,  il  y  a 
quelques  années,  entre  à  ma  chambre  un  de  mes  anciens  pénitents  qui 
avait  quitté  Quél)ec  depuis  quelque  temps.  Je  lui  demandai  la  raison 
de  sa  visite.  Il  me  répondit  qu'il  était  venu  pour  se  confesser,  chose 
qu'il  ne  faisait  plus  depuis  son  départ  de  notre  bonne  vieille  ville.  Et 
il  me  dit  ce  qui  l'avait  déterminé  à  reprendre  sa  vie  chrétienne  d'autre- 
fois. Au  mois  de  mai  précédent,  il  avait  pris  logement  dans  la  rue  où 
flemeurait  ce  cbrétien  rlistingué  dont  tous  admiraient  les  qualités  intel- 
lectuelles et  morales.  Il  l'avait  vu  chaque  matin  sortir  de  chez  lui  à 
heure  fixe  et  il  avait  constaté  qu'il  se  rendait  à  l'église  entendre  la  messe. 
Souvent  il  l'avait  vu  s'approcher  de  la  Sainte  Table  avec  une  piété  qui 
l'avait  vivement  tmiché.  Cet  exemple,  partant  de  haut,  l'amenait  à  mes 
pieds  pour  recevoir  l'absolution  de  ses  fautes  et  recommencer  à  bien  servir 
le  Dieu  dont  il  avait  appris  à  bégayer  le  nom  béni  sur  les  genoux  de  sa 
bonne  mère  chrétienne.  Celui  dont  Dieu  s'était  servi  ])our  opérer  cette 
•conversion  ne  sait  pas  —  et  il  ne  saura  jamais  sur  la  terre  —  le  bien  qu'il 
a  fait  à  une  âme  en  danger  de  se  perdre,  mais  il  le  saura  au  ciel  où  il  en 
recevra  la  récompense. 


—  822  — 

Vous  voudriez  bien  communier  souvent  mais  VOUS  jSTE  VOUS  EN 
CHOYEZ  PAS  DIGNES. 

11  n'est  pas  nécessaire  d'être  saint  pour  communier.  Autrement  Jésus 
n'eut  institué  ce  sacrement  que  pour  quelques  centaines  d'hommes  par 
siècle  et  il  n'eut  pas  dit  à  ses  apôtres  :  "  Prenez  et  mangez,"  car  ces 
apôtres,  vous  le  savez,  n'étaient  pas  des  saints.  Etranges  saints  qui,  une 
lioure  après  leur  première  communion,  se  disputaient  sur  la  route  pour 
savoir  lequel  d'entre  eux  était  le  plus  grand;  étranges  saints  que  ces 
peureux  qui  abandonnaient  lâchement  leur  Divin  Maître  ;  étranges 
saints  que  ce  Pierre  qui  le  reniait,  que  ce  Thomas  qui  n'avait  pas  la  foi. 

Vous  êtes  en  état  de  grâce,  vous  avez  la  sainteté,  la  dignité  requise. 
Sans  doute,  à  plusieurs  titres,  vous  êtes  indignes  de  recevoir  la  SaintQ 
Eucharistie,  vous  pouvez  continuer  à  vous  frapper  la  poitrine  en  disant 
"  Non  sum  dignus,  je  ne  suis  pas  digne,"  mais  vous  êtes  exempts  de  la 
seule  indignité  qui  soit  prohibée  :  celle  du  péché  actuel. 

Vous  voudriez  bien  communier  souvent,  mais  VOTRE  FAIBLESSE 
VOUS  EFFRAYE  ?  VOUS  CRAIGNEZ  DE  NE  POUVOIR  EVITER 
LES  FAUTES  QUE  VOUS  AVEZ  COUTUME  DE  COMMETTRE. 

Rappelez-vous  donc  que  la  communion  est  surtout  faite  non  pas  pour 
les  parfaits,, mais  pour  les  faibles.  J'en  appelle  au  témoignage  même 
de  Jésus-Christ  :  "  Ce  ne  sont  pas  ceux  qui  se  portent  bien,  dit-il,  qui 
ont  besoin  du  médecin,  ce  sont  les  malades."  Lisez  l'Evangile,  au  festin 
du  grand  Roi,  quels  sont  les  convives?  "  Dehiles  et  caecos  et  claudes, 
les  paralytiques,  les  aveugles,  les  boiteux,  c'est-à-dire,  les  pauvres  et  les 
infirmes." 

Ne  regardez  donc  pas  la  communion  comme  une  récompense  mais 
comme  un  remède,  la  sainteté,  comme  la  condition  de  la  communion  mais 
comme  son  fruit. 

Vous  voudriez  bien  communier  souvent,  mais  VOUS  NE  VOUS 
SENTEZ  PAS  ASSEZ  DE  DEVOTION,  ASSEZ  DE  FERVEUR. 
N'oubliez  pas  que  la  ferveur  ne  consiste  pas  à  éprouver  ces  tressaille- 
ments qui  font  mouiller  les  paupières  de  larmes  heureuses  et  goûter  cette 
paix,  cette  douceur  oii  l'âme  se  noie  avec  délices.  Mais  écoutez  donc 
S.  Augustin  qui  vous  dit  :  "  Quoiidie  peccas,  quotidie  remedio  indiges. 
"  Vous  péchez  tous  les  Jours,  communiez  tous  les  jours."  Quand  Dieu 
nous  donne  ces  lannes  et  ces  impressions,  sans  doute  il  faut  les  accepter 
avec  reconnaissance,  mais  il  faut  les  regarder  comme  des  gourmandises 
spirituelles  et  ne  pas  y  attacher  un  trop  grand  prix. 

Je  ne  voudrais  pas  supposer  que  le  respect  humain  pût  vous  éloigner 
de  la  Table  Eucharistique,  que  vous  puissiez  rougir  de  Celui  à  qui  nous 
devons  tous  obéir  et  regarder  comme  un  opprobre  de  bien  servir  Dieu. 
Vous  êtes  chrétiens,  chrétiens  sincères.  Or,  "  un  chrétien  ne  craint  rien, 
ne  dissimule  rien.     Aux  yeux  de  tout  le  monde,  il  est  toujours  chrétien/' 

TiO  Roi  que  vous  servez,  à  qui  vous  obéissez,  de  qui  vous  approchez,  est 
le  Maître  du  ciel  et  de  la  terre,  Celui  qui  a  tout  créé,  qui  d'une  parole 
enchaîne  l'Océan,  qui  a  l'éternité  pour  âge,  la  lumière  pour  palais,  les 
anges  pour  ministres.     Vous  n'avez  pas  à  rougir  de  lui. 

Dans  le  monde,  les  gens  ne  se  préoccupent  pas  de  ce  que  font  leurs 
voisins.  Ils  consultent  leur  intérêt  et  leur  conscience;  ils  ne  se  mettent 
pas  en  peine  du  qu'en  dira-t-on. 


—  823  — 

Faites  comme  eux  ;  prenez  l'initiative  de  vos  communions.  Xe  vous 
dites  pas  :  "  Est-ce  aujourd'hui  fête  ?  Serons-nous  nombreux  à  la  Sainte 
Table  ?  Dites-vous  :  aujourd'hui  je  vais  me  trouver  dans  une  occasion 
de  pécher,  j'ai  une  affaire  importante  à  régler,  je  communie.  Voilà  la 
règle  de  conduite  que  vous  devez  tenir. 

* 
*       * 

.  Vous  êtes  les  enfants  prévilégiés  de  Dieu  ;  vous  avez  reçu  de  Lui  des 
grâces  de  choix.  Le  peuple,  les  petits  ont  les  yeux  ouverts  sur  vous,  ils 
vous  étudient.  Prenez  garde  :  ce  qu'ils  vous  verront  faire,  ils  le  feront. 
De  même  qu'il  suffit  d'une  simple  fleur  pour  embaumer  tout  un  jardin, 
d'un  grain  d'encens  pour  remplir  de  son  agréable  odeur  une  église  tout 
entière,  d'un  ra5'on  de  soleil  pour  éclairer  et  réjouir  toute  la  nature;  de 
même  il  suffit  quelquefois  d'une  seule  âme  fidèle,  si  cette  âme  est  bien 
en  vue,  pour  édifier  et  transformer  toute  une  paroisse. 

Votre  position  sociale  vous  met  sur  les  épaules  une  rude  responsabilité. 
Communiez  souvent  pour  avoir  la  lumière  et  la  force  dont  vous  avez 
besoin  pour  remplir  vos  difficiles  devoirs.  Communiez  pour  avoir  la  paix  ; 
communiez  pour  avoir  la  joie;  communiez  pour  avoir  la  vie.  Ayez  la 
nostalgie  de  l'autel,  l'enthousiasme  de  la  communion.  N'oubliez  jamais 
que  votre  vertu  est  un  édifice  et  que  la  communion  en  est  la  clef  de  voûte. 
Lorsque  celle-ci  s'en  va,  l'édifice  croule  ;  lorsqu'elle  demeure,  l'édifice 
reste  debout.  Il  faut  que  votre  vertu  reste  debout.  Soyez  par  consé- 
quent des  communiants  assidus. 

Nous  lisons  dans  le  Saint  Evangile  qu'un  jour  N.-S.  allait  à  Béthanie 
dans  la  demeure  de  son  ami  Lazare  qui  venait  de  mourir.  Il  n'y  était  pas 
encore  arrivé  quand  Marthe,  sœur  du  défunt,  vint  au  devant  de  lui  en 
disant  :  "  Seigneur,  si  vous  eussiez  été  ici,  mon  frère  ne  serait  pas  mort." 
Puis  elle  courut  auprès  de  sa  sœur  Marie  et  lui  dit  :  "  Le  Maître  est  là  ; 
Il  vous  appelle."  Ce  que  celle-ci  ayant  entendu,  elle  se  leva  prompte- 
ment  et  vint  à  Lui. 

Cette  parole  :  "  Le  Maître  est  là  ;  Il  vous  appelle,"  nous  vous  l'adres- 
sons. Oui,  le  Maître,  notre  Seigneur,  notre  Dieu,  le  Dieu  de  votre  bap- 
tême, le  Dieu  de  votre  première  communion  est  toujours  là  près  de  vous, 
dans  l'église  de  votre  paroisse.  Il  ne  cesse  de  vous  appeler  pour  vous 
écouter,  pour  vous  exaucer,  pour  se  donner  à  vous.  Allez  donc  à  Lui  aussi 
souvent  que  possible  ;  donnez-Lui  votre  cœur.  Il  s'y  reposera  avec  amour. 
Il  fera  de  vous  non  seulement  de  bons  citoyens  mais  aussi  de  vrais  chré- 
tiens. Et  les  autres  que  vous  édifierez  vous  sauront  gré  des  bons  ex- 
emples que  vous  leur  donnerez.  Vous  aurez  une  autorité  qu'on  respec- 
tera, un  nom  qu'on  honorera;  car 

"  L'estime  et  le  respect  sont  un  juste  tribut 

"  Qu'aux  plus  fiers  ennemis  arrachent  les  vertus." 


—  S24  — 


Le  P.   lîoncompuin ,  S.  J.,  succède  à  Mgr  Mathieu  et  lit  le 
rapport  suivant  : 

LA  LIGUE  ET  LES  ŒUVRES  D'HOMMES  PAR 

L'EUCHARISTIE 


Les  trois  derniers  pilotes  qui  dirigent  du  Vatican  la  barque  de  l'Eglise 
et,  sous  l'inspiration  du  Saint-Esprit,  commandent  la  manœuvre,  ont 
lancé  au  monde  ce  mot  d'ordre  :  Catholiques,  unissez-vous  !  catholiques, 
groupez-vous  !     Et  partout  cette  parole  a  trouvé  de  l'écho. 

C'est  TAllemagne  catholique  qui  s'ébranle,  s'organise  avec  cette  mé- 
thode, cette  ténacité  qui  la  distingue  :  et  le  Centre  fait  plier  le  chancelier 
de  fer.  C'est  la  petite  Belgique  qui  montre  à  l'univers  dans  une  admi- 
rable effloraison  découvres  religieuses,  économiques  et  sociales  la  mise  en 
pratique  de  sa  devise  nationale  :  l'union  fait  la  force. 

C'est  la  France  qui  lentement  se  ressaisit.  Sur  son  sol  fécond  en  dé- 
vouements, une  jeunesse  se  lève  ardente,  portant  crânement  sur  le  front 
la  foi  qu'elle  a  dans  le  cœur.  îfous  saluons  déjà  le  jour  où  nos  frères  de 
là-bas,  serrant  leurs  rangs  autour  de  la  bannière  du  Cœur  de  Jésus,  ba- 
laieront la  poignée  de  francs-maçons  qui  oppriment  notre  mère-patrie. 
Le  jour  d'union  sera  pour  eux  le  jour  de  la  victoire  et  ce  jour  poindra 
bientôt,  car  le  Christ  aime  les  Francs. 

Chez  nous.  Messieurs,  le  mot  d'ordre  du  Vatican  a  été  entendu:  des 
groupements  d'hommes  se  sont  formés,  au  champ  d'action  plus  ou  moin§ 
vaste,  mais  tous  convergent  au  même  but  :  "  Tout  restaurer  dans  le. 
Christ."  C'est  l'un  de  ces  groupements,  au  caractère  original  et  destiné 
à  infuser  à  toutes  nos  œuvres  un  regain  de  vitalité,  qu'on  m'invite  à  vous 
faire  connaître  avant  de  vous  montrer  dans  l'Eucharistie  son  principe  de 
vie  et  de  succès. .  .  Je  vais  donc  vous  dire  un  mot  de  la  Ligue  du  Sacré- 
Cœur  de  Jésus. 

Cette  Ligue  répond  chez  nous  à  un  besoin. 

Sans  doute,  sur  nos  rives,  l'Eglise  ne  râle  pas  sous  le  talon  de  botte 
d'un  Bismarck  quelconque,  ce  que  d'ailleurs  vous  ne  souffririez  pas  long- 
temps ;  elle  ne  se  heurte  point  encore  dans  l'exercice  de  ses  droits  aux 
mesquines  tracasseries  d'un  Bloc  haineux  et  franc-maçon  ;  mais  le  temps 
serait  mal  choisi  pour  nous  croiser  les  bras  et  nous  endormir  dans  la 
douce  illusion  que  tout  ici  est  parfait.  Car  si  la  foi  coule  vivace  dans 
l'âme  de  nos  paysans,  si  la  jeunesse,  que  Mgr  Bruchési  saluait  naguère 
comme  l'espérance  de  l'avenir,  s'inspire  d'un  idéal  plus  nettement  catho- 
lique f|uo  la  jrénération  qui  l'a  précédée,  et  forme  un  bataillon  compacte 
avec  lequel  il  a  fallu  et  il  faudra  compter,  si  en  un  mot  la  race  de  ceux, 
qui  croient,  qui  prient,  qui  luttent,  n'est  pas  près  de  s'éteindre  chez  nous, 
il  n'en  reste  pas  moins  vrai  qu'il  y  a  des  taches  sombres  sur  notre  ciel 
bleu.  C'est  qu'on  effet  la  vague  qui  nous  apporta  jadis  les  Cartier,  les 
Champlain,  les  Dollard  et  les  Maisonneuve,  et  qui  dépose  encore  sur  nos, 
rives  tant  d'infatigables  apôtr&s  du  Christ,  cette  vague  a  jeté  aussi  sur 
notre  plage  des  semeurs  d'ivraie  qui,  aidés  de  quelques-uns  d'ici,  —  je 


—  835  — 

ne  dis  pas  des  nôtres,  puisqu'ils  ont  renoncé  à  notre  idéal,  —  travaillent 
dans  Ponibre  à  émanciper  notre  peuple  du  joug  de  l'Eglise  et  de  Dieu. 

Or,  si  la  loge  masque  ses  membres,  elle  ne  cache  pas  ses  idées Ses 

erreurs  courent  la  rue,  des  journaux,  conscients  ou  non,  les  colportent 
et  bien  des  lecteurs  qui  pour  tout  au  monde  refuseraient  de  mettre  le 
pied  dans  la  loge,  sul3issent  docilement  Tinfluence  de  la  secte,  s'imprè- 
gnent d'autant  mieux  de  ses  principes  qu'ils  en  ignorent  la  source.  Yous 
en  doutez.  Messieurs?  Alors,  mêlez-vous  au  peuple,  frayez  tant  soit  peu, 
avec  notre  bourgeoisie,  et  naïvement  l'on  émettra  devant  vous  les  idées 
les  plus  fausses  sur  des  questions  vitales;  prêtez  l'oreille  et  vous  n'aurez 
pas  à  attendre  longtemps,  pour  entendre  battre  en  brèche  les  sages  direc- 
tions de  l'Eglise  et  regimber  contre  ce  qu'on  appelle  l'ingérence  du  clergé. 
Tout  cela,  infiltration  des  idées  maçonniques  chez  nous  !  Or,  Messieurs, 
à  cette  déviation  que  subit  l'esprit  public  et  contre  laquelle  il  faut  ré- 
agir, ajoutez  d'autres  tendances  non. moins  funestes.  Et  d'abord  un 
égoïsme  colossal  qui,  tuant  tout  idéal,  immobilise  les  uns  dans  leur  bien- 
être,  les  fige  à  leur  cercle,  à  leur  partie  de  cartes  et  en  pousse  d'autres  à 
la  conquête  du  succès,  fallût-il  l'acheter  par  de  honteux  compromis  :  et 
puis  la  fièvre  des  plaisirs  qui  sévit  dans  toutes  les  classes  de  la  société  et 
qu'avive  encore  la  réclame  tapageuse  faite  par  nos  journaux  aux  lieux, 
d'amusements  et  aux  théâtres  de  tout  acabit  :  joignez  encore  à  ces  symp- 
tômes alarmants  l'enrôlement  en  masse  de  nos  chers  ouvriers  dans  des 
unions  neutres  ou  directement  hostiles  à  l'Eglise  et  vous  comprendrez 
qu'il  est  temps  de  nous  dessiller  les  yeux  et  d'agir.  Xon,  Messieurs, 
n'attendons  pas  pour  nous  réveiller  et  nous  grouper  que  nos  ennemis 
aient  pris  pied  sur  nous  et  nous  aient  débordés  ;  soyons  debout,  les  rangs 
serrés,  l'œil  au  guet  et  en  armes  pour  défendre  nos  traditions  et  notre 
foi,  repousser  l'ennemi  et  faire  régner  le  Christ  chez  nous.  L'Associa- 
tion des  forces  catholiques  et  leur  entraînement  s'impose:  c'est  le  but 
glorieux  que  la  Ligue  poursuit.  Il  y  a  dans  chacune  de  nos  paroisses 
des  hommes  de  foi  et  de  cœur,  des  chrétiens  convaincus,  à  visées  fran- 
chement et  uniquement  chrétiennes,  rouges  ou  bleus  peut-être,  mais 
catholiques  avant  tout.  Or,  ces  hommes  la  Ligue  les  groupe  autour  de 
leur  clocher,  elles  les  embrigade  dans  une  association  aux  cadres  assez 
larges  pour  ne  laisser  échapper  aucune  bonne  volonté. 

Et  pourquoi  ce  groupement?  Pour  ancrer  plus  avant  dans  leur 
esprit,  par  une  formation  intense,  des  convictions  religieuses  inébranla- 
bles qui  les  mettront  à  même  de  combattre  partout  l'erreur:  sur  les  rues 
comme  dans  les  tramways,  à  l'atelier  comme  dans  les  réunions  ouvrières, 
aux  conseils  de  ville  comme  aux  parlements. 

Elle  allume  en  même  temps  dans  leur  cœur,  au  contact  du  cœur  de 
Jésus  la  flamme  de  ra])ostolat,  que  secouera  leur  apathie,  les  rendra 
audacieusement  bons  et  en  fera  des  semeurs  de  vérité.  Ils  comprendront 
à  cette  école  que  cacher  son  drapeau  est  une  lâcheté,  et  que  le  catholi- 
que doit  s'affirmer  catholique,  agir  en  catholique,  non  pas  seulement 
au  coin  du  feu,  les  portes  closes,  mais  dans  la  vie  sociale  et  dans  la  vie 
politique.  Et  parce  qu'ils  l'auront  compris,  ils  s'imposeront  au  respect 
de  tous  par  l'énergie  de  convictions  nettement  affirmées,  et  par  la  force 
invincible  de  l'unité. 


—  826  — 

Est-ce  tout,  Messieurs?  Pas  encore. 

Quand  on  aime  Dieu  et  l'Eglise,  on  aime  ce  que  Dieu  et  l'Eglise  ont 
aimé  par-dessus  tout:  les  affligés  et  le  peuple.  Et  c'est  le  champ  de 
V Action  sociale  qui  s'ouvre  au  zèle  du  ligueur  avec  ses  œuvres  multiples 
à  créer  ou  à  promouvoir:  St- Vincent  de  Paul,  croisade  de  tempérance, 
diffusion  de  la  bonne  presse,  bureaux  de  placements,  caisses  populaires, 
sociétés  catholiques  et  nationales.  A  toutes  ces  entreprises  le  ligueur 
doit  son  concours.  Car  il  n'est  pas  un  arriéré,  un  endormi,  qui  en  face 
■des  misères  et  des  problèmes  sociaux,  se  lamente  et  se  croise  les  bras,. 
c'est  un  militant  toujours  prêt  à  pousser  au  progrès,  à  payer  de  sa  per- 
sonne quand  il  s'agit  de  rendre  le  peuple  plus  heureux  et  meilleur.  Vous 
le  comprenez,  Messieurs,  la  Ligue  n'est  pas  une  confrérie  décorative, 
chantant  à  pleins  poumons  :  "  En  avant  marchons ..."  et  restant  immo- 
bile. C'est  le  groupement  paroissial  des  chrétiens  qui  vivent  de  la  foi 
et  entendent  la  faire  respecter  et  rayonner.  C'est  l'association  en  vue 
de  l'action  religieuse,  économique  et  sociale,  sous  la  direction  de  l'au- 
torité religieuse.  Or,  Messieurs,  pendant  le  Congrès  Eucharistique  les 
Ligues  vont  se  fédérer:  quelle  force  nouvelle  pour  le  maintien  de  nos 
droits,  le  développement  de  nos  œuvres,  quel  appui  pour  la  classe 
ouvrière  dans  les  revendications  légitimes  !  car  nous  sommes  aujourd'hui 
au  bas  mot  60,000  ligueurs,  demain,  nous  serons  100,000;  nous  sommes 
60,000  de  toutes  les  convictions,  tous  respectueux  de  l'autorité,  tous 
énergiquement  résolus  à  promouvoir  le  règne  de  Dieu  et  le  progrès  ma- 
tériel et  moral  du  pays.  Or,  de  tels  hommes  s'imposent  à  l'attention; 
de  tels  hommes  sont  écoutés  ou  se  font  écouter. 

Voilà  la  Ligue,  Messieurs,  il  me  reste  à  vous  montrer  brièvement  à 
quelle  source  elle  puise  sa  vitalité.  Vous  l'avez  déjà  deviné,  c'est  dans 
l'Eucharistie. 

Comme  son  général  en  chef,  le  Souverain  Pontife,  la  Ligue  travaille 
a  établir  le  règne  de  Dieu,  à  restaurer  dans  le  Christ  la  famille,  la  pa- 
roisse, le  pays  tout  entier.  Or,  selon  l'expression  d'un  saint  Père, 
l'éhxir  de  résurrection  et  de  progrès.  Pie  X  l'a  indiqué  assez  clairement, 
il  la  crié  assez  haut,  que  seuls  les  sourds  volontaires  n'ont  pas  compris. 
Cet  éhxir,  déjà  la  Ligue  l'employait.  Elle,  si  sobre  quand  il  s'agit  de 
lier  ses  membres  par  des  promesses,  a  imposé  cependant  à  ses  memhres 
de  cinq  à  douze  communions  générales  par  année.  Et,  Messieurs,  je  vous 
assure  que  c'est  un  spectacle  impressionnant  que  de  voir  les  citoyens, 
d'une  paroisse  s'avancer  en  rangs  serrés  vers  la  table  eucharistique,  et 
rendre  ainsi  à  leur  roi  un  hommage  public  officiel.  C'est  beau  de  les 
voir,  dans  certaines  paroisses,  tous  les  premiers  vendredis  du  mois,  de  8 
à  9  heures  du  soir,  envahir  nos  églises,  et  devant  le  Dieu  de  l'Eucha- 
ristie exposé,  adorer,  réparer  et  renouveler  leurs  saints  engagements  ! 

C  est  peu,  direz-vous  :  veuillez  vous  souvenir,  Messieurs,  qu'il  s'agit  de 
manifestations  générales  et  que  la  prudence  nous  impose  le  devoir  de 
basernotre  marche  sur  le  gros  de  l'armée,  tout  en  activant  peu  à  peu 
son  allure.  Or,  les  faits  sont  là;  j'ai  eu  sous  les  yeux  plus  de  130  rap- 
ports attestant,  presque  tous  dans  les  termes  les  plus  nets,  les  plus 
explicites,  que  grâce  à  la  Ligue,  plus  de  80  pour  100  des  hommes  de  la 
paroisse  communient  au  moins  de  six  à  douze  fois  l'an. 


—  82:  — 

C'est  peu  encore^  soit;  mais  c'est  déjà  uu  succès;  d'ailleurs  la  Ligue 
ne  s'en  tient  pas  là;  elle  demande  à  tous  les  Directeurs  de  se  faire  les 
ardents  promoteurs  de  la  communion  fréquente  :  et  la  plupart  ont  en^ 
tendu  cet  appel.  Aussi  voyons-nous,  tous  les  matins,  bon  nombre  de 
chefs  de  groupes,  nos  hommes  d'action,  s'approcher  de  la  Table  Sainte. 

Pour  eux,  en  effet,  la  communion  fréquente  est  une  nécessité.  L'Eu- 
charistie n'est-elle  pas  la  source  de  la  vie?  Or,  plus  la  vie  est  abondante, 
plus  elle  se  déverse  en  dévouement.  Aussi  peut-on  dire  que  le  tliermo- 
mètre  du  zèle  c'est  l'Eucharistie;  si  elle  est  rare  c'est  zéro  avec  sa 
froidure  et  ses  glaces;  si  elle  est  fréquente,  la  vie  monte,  la  chaleur  en- 
vahit le  corps,  elle  déborde  et  passe  par-dessus  toutes  les  répugnances, 
tous  les  égoïsmes  pour  se  dépenser  au  service  de  Dieu  et  du  prochain. 
Aussi,  Messieurs,  la  Ligue  pourrait-elle  répéter  à  ses  candidats  ce  que 
Jeanne  d'Arc  disait  aux  recrues  qui  demandaient  à  combattre  sous  son 
drapeau:  Messieurs...  Communiez-vous?  —  Oui.  —  Alors  entrez  dans 
les  rangs  ;  vous  êtes  des  nôtres. 

Je  finis  par  un  fait. 

Il  y  a  quelques  années,  M.  l'abbé  Etienne,  supérieur  général  des  Laza- 
ristes, reçoit  la  visite  d'un  philantrope  protestant  qui,  émerveillé  de 
l'œuvre  admirable  des  Sœurs  de  la  Charité  voulait  la  copier.  Xotre 
philanthrope  demande  les  règlements,  visite  la  communauté,  et  remercie 
avec  effusion  le  Supérieur,  ne  lui  cachant  pas  la  joie  qu'il  éprouve  à  la 
pensée  de  doter  son  pays  d'établissements  pareils.  M.  l'abbé  Etienne  lui 
dit  alors  :  "  J'admire  vos  intentions,  votre  bonne  volonté,  mais  je  vous 
déclare  que  vous  ne  réussirez  pas!" — "Et  pourquoi?  Xe  m'avez-vous  pas 
fourni  toutes  les  instructions  nécessaires  ?"  —  "  C'est  vrai,  je  vous  ai 
donné  la  machine;  mais  il  vous  manque  la  vapeur,  il  vous  manque  l'Eu- 
charistie." 

Messieurs,  pour  que  la  vapeur  ne  nous  manque  pas,  mais  qu'elle  anime 
nos  âmes  et  les  pousse  vers  une  ère  nouvelle  de  progrès,  laissez-moi  vous 
présenter  la  résolution  suivante  qui  assurera  le  succès. 

Le  Congrès  invite  tous  les  directeurs  d'œuvres  d'hommes  à  se  faire, 
dans  leur  sphère  d'action,  les  infatigables  promoteurs  de  la  communion 
fréquente,  et  à  bien  se  persuader  qu'ils  ont  là  le  moyen  le  plus  efficace 
de  maintenir  l'esprit  chrétien  dans  leurs  associations  et  d'ij  susciter  1rs 
militants,  les  apôtres  dont  nous  avons  besoin  pour  que  le  Christ  règne 
chez  nous  :  car  il  est  notre  roi;  nous  voulons  qu'il  règne  ! 


—  828  — 

C'est  au  tour  du  P.  LadisJas,  0.  F.  M.,  de  parler  des  avan- 
tages de  la  communion  fréquente.  Nul  ne  s'étonnera  que 
cetîipôtre  de  la  tempérance  n'y  voie  un  remède  à  l'alcoolisme. 

TEMPERANCE  ET  COMMUNION 


Un  des  plus  graves  problèmes  sociaux  des  temps  modernes,  c^'est  bien 
celui  de  l'alcoolisme.  L'alcoolisme,  en  effet,  envahit  tout,  gâte  tout, 
ruine  tout  :  fortune,  santé,  énergies  de  la  race,  facultés  intellectuelles  et 
morales,  bien-être  temporel  et  bonheur  éternel,  rien  n'échappe  aux  coups 
du  monstre  alcool. 

Que  faire?  Quels  remèdes  opposer  cà  ce  déluge  de  maux  physiques  et 
moraux?  L'éducation  des  masses  populaires  par  la  parole,  la  plume  et 
l'image?  La  protection  contre  les  dangers  par  l'enrôlement  dans  les 
sociétés  de  tempérance  ?  Oui,  tout  cela  est  bon,  excellent,  l'expérience  de 
chaque  jour  le  prouve  ;  mais  il  me  semble  que  pour  nous,  catholiques  pra- 
tiquants, il  existe  un  remède  au-dessus  de  tous  les  autres  remèdes,  un 
remède  dont  l'efficacité  soit  préventive,  soit  curative  ne  souffre  pas  de 
comparaison  :  ce  remède  c'est  la  sainte  communion. 

Xe  l'oublions  pas.  Messieurs,  le  problème  antialcoolique,  bien  que  fort 
mixte,  est  d'ordre  religieux  plus  encore  que  d'ordre  économique,  social 
ou  médical;  pour  le  résoudre  avantageusement  il  faut  une  force  spiri- 
tuelle, surnaturelle.  Youlons-nous  des  hommes  vraiment  tempérants, 
travaillons  à  en  faire  de  vrais  chrétiens,  des  hommes  qui  vivent  du 
Christ,  qui  portent  en  eux  le  Christ  Jésus  —  des  Christophages,  des 
Christophores. 

C'est  que  la  tempérance  n'a  pas  cessé  d'être  une  vertu  cardinale,  une 
vertu  dont  la  pratique,  dans  l'état  actuel  de  nos  mœurs,  exige  souvent 
des  forces  morales  plus  qu'ordinaires.  C'est  que  la  gourmandise  reste 
toujours  une  passion,  et  pour  dompter  les  passions  il  faut  autre  chose 
que  des  raisonnements,  il  faut  un  frein  moral.  L'intempérance  étant 
un  vice,  a  besoin  comme  tous  les  autres  vices  d'être  prévenu  ou  combattu 
par  la  grâce. 

Appelons  donc  la  grâce  à  notre  secours  dans  la  lutte  contre  l'alcoo- 
lisme. Sans  elle  nous  bâtissons  sur  le  sable  mouvant  de  l'enthousiasme, 
des  opinions,  des  résolutions  humaines.  La  grâce,  les  sacrements  nous 
la  donneront  —  ils  en  sont  les  canaux  —  ils  nous  la  conserveront,  ils 
nous  l'accroîtront,  ils  nous  la  redonneront  au  besoin.  Je  voudrais  plus 
qu'une  grâce  ordinaire  pour  nos  hommes  tempérants,  je  voudrais  loger 
dans  leurs  poitrines  l'auteur  même  de  la  grâce,  et  je  voudrais  le  ramener 
si  souvent  dans  ce  sanctuaire  qu'il  aime  tant,  qu'il  ne  s'y  trouve  pas 
comme  un  étranger  de  passage,  mais  plutôt  comme  un  hôte  bien-aimé 
dont  les  appartements  >ont  toujours  préparés,  qu'on  recherche  avec  em- 
pressement et  f|u'on  accueille  avec  bonheur. 

Jésus-Hostie,  Messieurs,  voilà  l'hôte  dont  la  visite  n'a  pas  de  prix  ! 
Jésus-Hostie!  mais  avec  lui,  c'est  la  nourriture,  c'est  le  breuvage,  c'est 


—  829  — 

la  vie  qui  entre  dans  les  cœurs  :  "  Celui  qui  me  mange  vivra."  (S.  Joan. 
VI.  58.)  Il  fera  mieux  que  vivre,  il  croîtra,  il  se  transformera  en  Dieu 
au  point  de  dire  avec  S.  Paul:  "  Ce  n'est  plus  moi  qui  vis,  c'est  Jésus- 
Christ  qui  vit  en  moi."  Chaque  communion  bien  faite  cimentera  de 
plus  en  plus  l'union  ineffable  de  son  âme  avec  son  Créateur  et  Sauveur: 
"  Celui  qui  mange  ma  chair  et  boit  mon  sang  demeure  en  moi  et  moi 
en  lui."     (S.  Joan.  YI.  57.) 

Si  Jésus-Hostie  est  l'hôte  habituel  d'une  âme,  Satan  n'y  viendra  pas. 
Satan  ne  peut  supporter  le  voisinage  de  Jésus,  il  fuit  avec  horreur  les 
porte-Christ.  Quelle  place  voulez-vous  que  le  démon-alcool  trouve  dans 
un  cœur  fréquemment  imbibé  du  sang  divin?  Il  sait  bien  lui  qu'un 
homme  qui  prend  souvent  le  chemin  de  la  Table  sainte  lui  échappera  tôt 
ou  tard.  Il  sait  bien  que  les  feux  de  la  concupiscence,  que  les  scandales 
du  siècle  n'auront  pas  d'emprise  durable  sur  une  telle  âme  nourrie  du 
corps  et  du  sang  de  Jésus.  Il  sait  fort  bien  que  rien  au  monde  n'est 
plus  puissant  pour  calmer  une  chair  rebelle,  avide  de  sensations  alcooli- 
ques, assoiffée  de  liqueur  forte,  que  l'attouchement  divin  de  la  chair  et 
du  sang  de  Jésus-Christ. 

Oh  !  l'incomparable  contre-poisin  spirituel  !  comme  l'appellent  les 
Saints  Pères.  A  combien  de  pauvres  intoxiqués  n'a-t-il  pas  rendu  une 
santé  florissante  de  l'âme  et  du  corps  !  Que  d'autres  il  a  préservés  d'ha- 
bitudes dégradantes  et  qui  semblaient  fatales  !  Tel  ce  jeune  époux  qui 
me  disait  au  cours  d'une  retraite  :"  Si  je  ne  communiais  pas  tous  les 
mois,  et  beaucoup  plus  souvent  encore,  dans  certaines  circonstances,  je 
boirais  comme  mon  père  !  " 

Des  faits,  il  n'est  pas  un  apôtre  de  la  tempérance  qui  ne  puisse  en 
citer  plusieurs  :  "  Un  pauvre  homme  de  X.  faisait  la  désolation  de  sa 
famille,  par  ses  abus  de  boisson  ;  sa  mère  en  mourut  même  de  chagrin. 
Venu  à  l'Heure  d'Adoration,  ce  malheureux  prit  la  résolution  d'essayer 
de  la  tempérance  pour  un  an.  Immédiatement,  déclare  le  prêtre  narra- 
teur, je  lui  donnai  ce  conseil:  "communiez  neuf  premiers  vendredis  de 
suite,'lce  qu'il  fit.  Grâce  à  ce  moyen  il  eut  la  force  de  tenir  sa  promesse 
de  tempérance  qu'il  a  renouvelée  pour  toujours,  et  maintenant  c'est  un 
modèle.  Il  est  entré  dans  la  Congrégation  des  Jeunes  Gens  et  même 
dans  la  Conférence  de  Saint-Vincent  de  Paul  ;  il  est  remarquable  et  re- 
marqué pour  son  dévouement  envers  les  pauvres.  Il  ne  sacre  plus,  il  vit 
très  honnêtement;  je  le  répète,  c'est  l'idéal  du  jeune  homme  comme  il 
faut,  grâce  à  la  communion  qu'il  reçoit  le  dimanche  et  plusieurs  fois  la 
semaine. 

Des  transfigurations  de  ce  genre,  il  y  en  a  beaucoup  ici  depuis  que  le 
Sacré-Cœur  a  fondé  la  Société  dr  Tempérance.  Il  y  en  a  partout  où 
l'on  a  pu  amener  les  hommes  à  fréijuenler  le  confessionnal  et  la  sainte 
Table.  Ces  braves  tempérants  ne  savent  pas  ce  que  c'est  que  de  casser 
leurs  croix,  pour  employer  l'expression  reçue,  et  î'i  parfois  la  fragilité 
humaine  l'emporte,  au  moins  savent-ils  encore  l'adresso  du  grand  ouvrier 
qui  la  raccoininodera  solidcniont.  Donnons  Jésus  à  nos  sociétaires  pour 
les  garder  sobres,  donnons  Jésus  aux  pauvres  buveurs  pour  les  guérir  du 
mal  affreux  de  l'alcoolisme.     Le  Pape  l'a  dit,  clia(|uo  jour  nous  consta- 


—  830  — 

tons  la  vérité  de  son  mot  d'ordre  :  "  Semez  des  hosties,  vous  récolterez 
des  héros.'"' 
J"ai  rhonneur  de  soumettre  humblement  au  Congrès  les  vœux  suivants: 

1°  Que  tous  ceux  qui  ont  charge  d'âmes  ne  perdent  aucune  occasion 
d'attirer  les  hommes  et  jeunes  gens,  spécialement  les  alcooliques,  à  Jésus- 
Hostie,  on  pourra  profiter  du  premier  vendredi  et  du  premier  dimanche 
du  mois,  des  fêtes  solennelles,  des  réunions  de  la  Société  de  Tempérance, 
du  Tiers-Ordre,  de  la  Ligue,  etc. 

2°  Que  toutes  les  personnes  constituées  en  autorité  facilitent  à  leurs 
hommes  la  communion  fréquente.  Les  confesseurs  s'appliqueront  à 
leur  faciliter  la  confession^  par  un  accueil  tout  paternel,  réservant  pour 
les  hommes  autant  que  possible  l'heure  la  plus  accommodante,  de  façon 
à  ne  pas  les  laisser  attendre  leur  tour  trop  longtemps. 


Mgr  Roy,  présente  ensuite  à  l'auditoire  M.  l'abbé   Thellier 
de  Poncheville,  rédacteur  à  la  "  Croix  "  de  Paris. 


ALLOCUTION  DE  M.  L'ABBE  THELLIER  DE 

PONCHEVILLE 


monseigneue, 

Messieurs, 

Semblables  à  ces  phares  aux  feux  tournants  dont  le  rayon  lumineux 
dans  sa  courbe  mouvante  fait  surgir  de  l'ombre  les  profondeurs  de  l'o- 
céan, ses  beautés  successives  et  ses  immensités,  le  congrès  eucharistique 
promène  sur  le  monde  son  jet  de  vive  lumière  et  en  chaque  lieu  oii  il  se 
pose  fait  apparaître  de  ville  en  ville,  de  continent  en  continent,  des 
splendeurs  nouvelles  qui  ravissent  le  regard  de  la  catholicité. 

Quel  spectacle  que  celui-ci  !  quelle  révélation  pour  la  plupart  de  ceux 
qui  en  sont  témoins  !  La  foi  soulevant  un  peuple  entier  vers  ses  autels  ; 
l'enthousiasme  religieux  attirant  aux  fêtes  de  Montréal  des  caravanes  de 
pèlerins  qui  sillonnent  les  mers  à  six  Jours  de  traversée,  qui  descendent 
des  rives  du  Pacifique  à  six  jours  de  marche  le  long  des  voies  ferrées; 
de  telles  foules  que  les  salles  les  plus  vastes  sont  trop  petites  pour  les 
recueillir,  les  plus  larges  avenues  trop  étroites  pour  en  permettre  le  dé- 
ploiement; une  multiiufle  nuit  et  jour  en  prières,  si  ardente  dans  les 
manifestations  de  sa  piété  que  les  flancs  de  ses  basiliques  tremblent  sous 
sa  poussée  formidable,  si  étendue  que  le  Mont-Royal  verra  dans  quelques 
heures  ses  plaines  submfrgées  par  ce  débordement  d'un  fleuve  aux  eaux 
plus  abondantes  que  celles  du  Saint-Laurent! 

Ce  triomphe  ne  doit  pas  s'évanouir  sans  lendemain.  Quand  le  phare 
aura  tourné  ses  feux  vers  d'autres  terres,  celles-ci  ne  redescendront  pas 


—  831  — 

• 
dans  la  nuit.  Les  âmes  qu'il  aura  touchées  du  rayon  béni  de  son  osten- 
soir en  resteront  brillantes  d'une  clarté  nouvelle  que  rien  ne  pourra  affai- 
blir. Car  c'est  le  devoir  de  ceux  qui  auront  joui  de  ces  fêtes  d'en  re- 
cueillir la  beauté  surnaturelle  et  ineffaçable  de  convictions  religieuses 
plus  vives  et  plus  actives. 

Ce  sera  votre  honneur,  Messieurs,  que  de  vous  montrer,  au  sortir  du 
congrès,  meilleurs  catholiques  qu'avant  d'y  venir,  par  un  attachement 
plus  profond  à  votre  vérité  et  par  un  dévouement  plus  généreux  à  votre 
Eglise. 


De  convictions  plus  réfléchies,  plus  fortes  et  plus  fières,  nous  en  avons 
tous  besoin,  catholiques  des  deux  mondes,  car  nous  sommes  engagés  dans 
une  ère  de  périls  et  de  grandeurs  qui  requiert  cette  vigueur  de  notre  foi. 

L'humanité  grandit.  Elle  arrive  à  une  phase  nouvelle  de  son  déve- 
loppement. La  voici  '  l'âge  adulte,  l'âge  où  l'on  aspire  à  l'indépendance, 
où  l'on  se  laisse  griser  par  les  mots  et  par  les  rêves  d'émancipation.  De 
même  que  les  peuples  prétendent  de  plus  en  plus  se  gouverner  eux- 
mêmes,  ainsi  les  âmes  que  travaille  la  même  confuse  pensée  d'affran- 
chissement, ont  plus  de  peine  qu'autrefois  à  se  soumettre  à  leurs  croyan- 
ces et  à  leurs  observances  religieuses.  Elles  réfléchissent  davantage  à  ce 
qu'on  leur  enseigne.  Elles  répugnent  davantage  à  ce  qu'on  leur  impose, 
même  au  nom  de  Dieu.  Façonnées  aux  méthodes  modernes  de  la  science 
critique  et  de  l'indépendance  civique,  habituées  à  la  discussion,  avides 
de  contrôle,  elles  acceptent  moins  docilement  la  tutelle  de  leur  Mère 
l'Eglise  à  qui  elles  s'étaient  confiées  avec  un  abandon  d'enfant.  Avant 
de  s'agenouiller  sous  sa  loi,  elles  lui  demandent  ses  titres  à  leur  créance 
et  à  leur  obédience.  Ses  doctrines-,  elles  ne  les  conservent  que  si  elles 
en  ont  reconnu  la  valeur  divine.  Son  autorité,  elles  ne  s'y  plient  que  lors- 
qu'elles en  ont  vérifié  la  délégation  authentique. 

De  cette  disposition  des  âmes,  naturellement  plus  indépendantes,  un 
danger  grave  surgit,  et  pour  y  faire  face  des  réformes  s'imposent  dans 
nos  méthodes  d'éducation.  Les  appuis  extérieurs  sur  lesquels  se  soute- 
nait de  génération  en  génération  la  foi  des  pères  ne  suffisent  plus  à 
leurs  fils.  Leur  catholicisme  est  voué  à  la  décadence,  peut-être  à  la  mort, 
s'il  ne  demeure  que  traditionnel  :  pour  vivre  et  grandir  en  eux,  il  faut 
désonnais  qu'il  leur  devienne,  dans  une  certaine  mesure,  personnel. 
Simple  affaire  de  milieu,  d'habitudes  familiales,  de  survivances  ances- 
tralos,  fait  de  croyances  à  peine  comprises  et  de  formule.';  répétées  par 
routine,  ne  se  manifestant  que  par  des  critiques  sans  prise  profonde  sur 
l'âme,  sans  portée  bienfaisante  dans  la  vie,  il  est  exposé  à  dépérir  peu 
à  peu,  à  disparaître  un  jour.  Au  premier  éveil  de  la  pensée,  à  la  pre- 
mière frise  d'indépendance,  au  choc  d'une  première  objection,  cette  reli- 
gion sans  fondements  solides,  chancelle  et  s'affaisse,  peut-être  pour  tou- 
jours. Le  chrétien  de  la  veille  est  devenu  le  sceptique  du  lendemain. 
Un  peuple  hier  vibrant  de  foi  se  traîne  aujourd'hui  dans  la  morne  indif- 
férence. Il  lui  a  manqué  d'avoir  été  prémuni  à  temps  par  un  enseigne- 
ment ]H''nétrant  de  son  catliolicisme  f|ui  aurait  préparé,  jusciue  dans  sa 
formation   d'enfant,  une  sauvegarde  vigoureuse  contre  les  doutes  qui 


—  833  — 
• 
pouvaient  naître  en  lui  et  les  dangers  qu'il  devait  rencontrer  à  l'heure 
de  sa  virilité. 

A  ce  péril  intérieur  qui  vient  du  développement  même  de  l'esprit  hu- 
main, s'ajoute  la  menace  publique  de  cette  période  d'incrédulité,  en  cer- 
tains endroits  d'hostilité  antireligieuse,  que  traverse  le  monde. 

Autour  de  nous,  tout  est  remis  en  discussion.  Les  principes  les  ]î1us 
sacrés,  regardés  autrefois  comme  faisant  partie  du  patrimoine  intangible 
de  la  conscience,  sont  contestés,  ébranlés,  niés.  L'homme  est  pris  comme 
d'une  fureur  de  blasphème,  d'une  rage  de  destruction  qui  lui  fait  pié- 
tiner ses  biens  les  plus  précieux.  Jamais  peut-être  ne  se  vit  une  leile 
vigueur  d'attaques  contre  la  foi  chrétienne,  une  telle  conjuration  du  men- 
songe pour  ensevelir  dans  la  nuit  l'Eglise,  le  Christ,  l'âme  immortelle, 
la  vie  future  et  Dieu  lui-même,  une  telle  audace  dans  l'affirmation  du 
néant,  un  tel  désarroi  des  esprits  et  des  cœurs  parmi  les  ruines  univer- 
selles de  toutes  les  doctrines  dont  vivait  l'humanité. 

Personne  ne  peut  se  flatter  de  se  soustraire  pleinement  à  la  rumeur 
de  ces  négations  et  au  scandale  de  cette  anarchie.  Jusqu'au  cœur  des 
cités  les  mieux  préservées,  retentit  l'écho  des  paroles  sacrilèges  dites  au 
loin;  jusque  dans  l'intimité  des  demeures  les  plus  vigilantes,  l'infiltra- 
tion du  scepticisme  pénètre  et  le  doute  s'insinue  par  les  mille  voix  de 
la  presse,  du  livre,  du  théâtre.  Il  n'y  a  pas  de  clôture  infranchissable, 
de  sanctuaire  inviolé,  de  censure  qui  arrête  dans  l'air  tous  les  miasmes 
malsains  que  respirent  les  âmes. 

L'océan  n'est  plus  une  barrière.  A  travers  les  flots  les  esprits  se  tou- 
chent, les  pensées  circulent,  et  l'objection  formulée  le  matin  dans  une 
académie  d'Europe  s'imprime  le  soir  dans  les  journaux  d'Amérique.  Par- 
tout, plus  ou  moins  visible  l'erreur  se  propage,  partout,  plus  ou  moins 
violente  contre  notre  foi  la  lutte  est  engagée. 

Au  milieu  d'un  tel  envahissement  d'impiété,  nous  ne  pourrons  garder 
notre  catholicisme  que  si  nous  en  sommes  virilement  instruits.  Les  con- 
victions fortes  résisteront  seules  à  cette  influence  des  poussées  antireli- 
gieuses. Une  religiosité  vague,  à  fleur  de  peau,  quelques  bribes  de  ca- 
téchisme rudimentaire,  apprises  à  8  et  10  ans,  quelques  leçons  d'instruc- 
tion religieuse  recueillies  au  collège  quand  Tintelligence  n'était  qu'à 
demi  éveillée  et  qu'on  retrouve  plus  tard,  mal  adaptées  à  la  mesure  de 
l'esprit  qui  a  grandi,  à  l'état  de  ses  autres  connaissances  qui  se  sont 
développées  :  qu'est-ce  que  cette  formation  incomplète  pour  défendre 
contre  tant  d'assauts,  la  foi  de  l'homme  de  trente  années  ? 

L'action  dissolvante  de  l'esprit  moderne  emporte  bientôt  ce  mince 
vernis. 

Faute  de  connaissances  religieuses  profondes,  ils  sont  hors  d'état  de 
résister  à  leur  milieu  qui  leur  est  hostile  et  surtout  d'en  triompher  en  le 
conquérant. 

C'etle  double  crise  de  l'homme  qui  grandit  et  d'un  monde  qui  nous 
devient  contraire,  s'il  est  impossible  de  l'éviter,  il  est  possible  de  la 
préparer.  Ayons  la  clairvoyance  de  la  prévoir  et  le  courage  de  nous 
armer  pour  être  prêts  quand  elle  éclatera.  C'est  de  nos  enfants  plus 
que  de  nous  qu'il  s'agit:  hâtons-nous  de  les  armer  en  vue  de  cette  lutte 
sainte  et  néce.=saire  pour  leur  foi  ! 


—  833  — 

Qu'elle  leur  devienne  donc,  par  notre  travail  éducateur,  une  foi  connue, 
comprise,  aimée,  vécue,  non  pas  écrite  en  lettres  mortes  à  la  surface  de 
leur  cerveau,  mais  <rravée  en  traits  vivants  au  fond  de  leur  cœur!  Qu'ils 
regardent  le  Christ  en  face,  au  jour  de  leur  pleine  adolescence,  bien  en 
face,  plongeant  leurs  yeux  dans  ses  beaux  veux,  et  lui  donnant  librement 
leur  vie  :  "  Tu  seras  la  lumière  de  mon  intelligence,  la  première  passion 
de  mon  amour,  le  maître  unique  de  ma  vie."  Qu'ils  s'imprègnent,  dès 
leur  jeune  âge,  des  Icç^ons  de  son  Evangile  pour  modeler  leurs  pensées 
sur  ses  pensées,  leurs  sentiments  et  leurs  vouloirs  sur  les  siens!  Qu'ils 
étudient  les  magnificences  de  sa  doctrine,  écho  du  Verbe  Eternel  qui 
fait  la  splendeur  du  ciel  et  l'honneur  de  l'humanité.  Qu'ils  étu- 
dient courageusesement  leur  religion  pour  gagner  le  pain  de  la  vérité 
à  la  sueur  de  leurs  fronts.  Ils  s'attacheront  à  elle  par  l'effort  même 
Qu'elle  leur  aura  coûté,  ("est  au  prix  de  ce  labeur  proUniié,  grâce  à 
cette  patiente  pénétration  de  la  foi  dans  leurs  âmes,  que  nous  les  sau- 
verons des  défaillances  ledoutées  de  l'avenir,  en  en  faisant  des  convaincus 
et  des  résistants. 

Nous-mêmes,  Messieurs,  avouons-le,  pour  faire  notre  œuvre  de  chré- 
tiens, pour  faire  cette  grande  œuvre  d'éducateurs,  nous  avons  encore  t 
nous  instruire.  Entreprenons  ce  travail  aux  côtés  de  nos  fils,  l^a  lecture 
nous  y  aidera,  à  condition  qu'elle  ne  soit  pas  celle  qui  frivolise,  bana- 
lise, neutralise,  et  à  notre  iiLsu  même,  décliristianise.  Laissons  là  le 
livre  qu'on  feuillette  uniquement  pour  y  chercher  une  distraction  bril- 
lante et  prenons  l'ouvrage  qu'on  étudie  pour  en  recevoir  une  formation 
solide.  Au  lieu  de  la  revue  qui  est  excitatrice  de  rêveries,  ouvrons  celle 
qui  est  génératrice  de  pensées.  De  préférence  au  journal  banal,  simple 
et  tendancieux  distributeur  de  nouvelles,  consultons  celui  qui  est  agent 
d'enseignement  et  de  propagande  catholiques.  Causons  de  ces  utiles 
lectures.  Faisons-les  ensemble,  à  plusieurs.  Discutons-en  entre  amis. 
Au  cercle  d'études,  foyer  de  ])ensée  et  de  vie  chrétiennes,  api)rofondissons 
ces  i)roblème6,  cherchons  la  réponse  à  l'objection  courante,  for(;ons-nous 
à  porter  sur  les  sujets  d'actualité  un  jugement  qui  ne  sou  pas  mar<|ué 
à  la  vague  effigie  de  l'opinion  commune,  mais  frappé  de  l'empreinte  ori- 
ginale du  Christ.  Qu'il  est  rare,  mais  par  cela  même  qu'il  devient  émi- 
nent  panni  ses  frères,  l'homme  qui  cultive  ainsi  son  intelligence,  déve- 
loppe sans  cesse  son  savoir,  augmente  sans  mesure  sa  foi  !  Quelle  i)uis- 
sance  que  celle  de  l'homme  qui  sait  réfléchir  ! 

La  foule  est  tout  d'extérieur.  Elle  vit  d'impressions  superficielles. 
Elle  regarde  passer  les  idées  et  les  faits  comme  des  scènes  de  cinéma- 
tographe, sans  s'arrêter  à  les  juger.  La  curiosité  s'éparpille  sur  mille 
objets  divers,  son  attention  se  dissipe  à  travers  des  riens  sensationnels 
Un  tourbillon  l'entraîne  perpétuellement,  fièvre  des  affaires,  chaos  des 
nouvelles,  folies  du  niaisir.  Elle  se  laisse  cmpoi-ttT  au  jour  le  jour,  au 
gré  des  remous  et  des  courants!  Qu'un  esprit  résiste  à  cet  universel 
entraînement  en  s'altachant  à  son  idée  fixe,  en  suivant  une  ligne  de  con- 
duite invariable,  aussitôt  il  domine  la  foule  et  devient  une  force  au  tra- 
vers du  courant. 

Catholifiues,  l'honneur  de  notre  Eglise  et  le  salut  de  nos  frères  exigent 
que  nous  devenions  ces  hommes  de  pensée  intérieure  et  d'action  puis- 
sante, tout  pénétrés  et  actionnés  par  leur  foi.     L'effort  de  réflexion  qui 
27 


—  834  — 

nous  est  doiiiaudé  nous  sera  largement  payé.  Même  dans  les  choses  de 
cette  terre,  nous  en  recueillerons  le  bénéfice.  Une  culture  mtellec-tuelle 
plus  grande  nous  assurera  cette  supériorité  qui  doit  désigner  les  enfants 
de  Dieu  comme  les  i^lus  aptes  sur  tous  les  terrains  où  s'exerce  Tactivite 
hujnaine,  les  plus  compétents  dans  la  gestion  de  leurs  intérêts  profes- 
sionnels et  daus  la  poursuite  des  affaires  de  la  cité.  Et  il  rejaillira  un 
témoignage  éloquent  en  faveur  de  ce  catholicisme  dédaigneusement  ac- 
cusé ]«ir  de  prétentlus  esprits  forts  damoindrir  ses  adeptes,  et  superbe- 
ment vengé  de  cette  ineptie  par  votre  haut  savoir  et  votre  beau  succès. 

Mais  c'est  au  dedans  de  votre  âme  que  le  profit  de  l'étude  religieuse 
vous  sera  le  ))lus  i)récieux.  Tant  que  la  vérité  n'apparaît  qu'à  l'état  de 
demi-lueur,  de  notions  confuses,  de  thèses  diluées,  elle  demeure  froide, 
inerte,  comme  morte,  sans  chaleur  et  sans  l)eauté.  A  mesure  qu'elle  s'é- 
claire, elle  s'anime,  elle  se  transligure,  elle  devient  bienfaisante  et  capti- 
vante. Les  doctrines  fortes  ont  seules  vraie  prise  sur  rintelligence  et 
action  régénératrice  sur  la  vie.  Un  chrétien  qui  a  vu  sa  foi  dans  toute 
l'ampleur  de  ses  affirmations  et  de  ses  exigences  ne  peut  lui  résister.  Il 
s'abandonne  à  elle,  il  se  donne  à  elle,  il  devient  un  convaincu,  c'est-à- 
dire  un  vaincu  de  la  vérité,  vaincu  par  sa  lumière  et  par  la  grâce  de 
Dieu  qui  Ta  pleinement  conquis.  Il  n'a  plus  de  vagues  opinions,  mais 
une  vraie  conviction,  ce  qui  est  tout  autre  chose,  une  certitude  de  la- 
quelle il  vit  et  pour  laquelle  il  saurait  mourir,  une  idée  fixe  qui  se  tourne 
en  idée  forte,  qui  l'anime,  le  domine,  l'envahit,  le  soulève.  Plus  il  la 
voit,  plus  il  l'aime  et  aspire  à  la  mieux  voir  pour  la  mieux  aimer.  Le 
cœur  et  l'esprit  s'entraînent  à  la  poursuite  de  son  idéale  beauté.  Sa 
révélation  grandissante  le  rendant  meilleur,  il  fait  sans  cesse  efïortpour 
s'élever  plus  haut,  afin  d'être  plus  digne  et  plus  capable  de  la  contempler 
plus  près. 

Daus  cette  intelligence  éclairée  du  vif  resi)lendissement  de  Dieu,  plus 
de  défaillances  ])ossibles,  plus  d'ombres  ni  de  doutes.  Elle  a,  par  elle- 
même,  reconnu  la  solidité  des  preuves  sur  lesquelles  repose  sa  croyance, 
admiré  la  transcendance  de  la  révélation,  l'enchaînement  merveilleux  de 
ses  mystères,  leur  correspondance  harmonieuse  avec  les  plus  nobles  aspi- 
rations de  l'âme,  leur  inépuisal)le  aptitude  à  résoudre  les  problèmes  les 
plus  angoissants  des  temps  modernes.  Elle  a  jugé,  en  regard,  la  pauvreté 
des  vains  systèmes  qui  veulent  se  substituer  à  elle,  la  vanité  des  objec- 
tions soulevées  contre  elle,  aussi  vieilles  que  l'Eglise,  —  c'est  leur  faire 
trop  d'honneur  encore,  —  hnssi  vieilles  que  l'Eglise  est  restée  jeune.  Le 
monde  pourrait  vivre  des  millions  d'années,  la  foi  serait  toujours  plus 
nvante  que  ses  conceptions  impuissantes  et  ses  négations  mort-nées.  Car 
elle  n'est  pas  la  doctrine  d'un  siècle,  elle  est  le  message  de  l'immortelle 
Sagesse  aux  siècles  ()ui  passent  et  aux  hommes  qui  meurent! 

Sûr  et  fier  de  son  Credo,  le  calliolique  ainsi  instruit  ne  connaît  plus 
les  lâchetés  du  respect  humain.  Ceux-là  tremblent  qui  ignorent  les 
beautés  cle  leur  croyance.  Ils  en  rougissent  comme  d'une  faiblesse,  ne 
sachant  pas  qu'ils  ont  le  droit  de  s'en  parer  comme  d'une  noblesse.  Elle 
leur  seinljle  une  tare  qu'on  dissimule,  (\n  moins  dont  on  se  tait.  Le 
préjugé  est  si  répandu  qui  veut  que  la  profession  de  catholique  dénote 
quelque  faiblesse  intellectuelle,  un  esprit  encore  mal  instruit  des  décou- 
vertes des  âges  nouveaux!     Quiconque  ne  réagit  pas  en  se  donnant  à 


—  S'ôÔ  — 

Ini-niôme  la  certitude  de  sa  foi  et  le  sentiment  de  sa  valeur,  en  demeure 
humilié  et  paralysé.  Mais  Tétude  aH'rancliit.  Il  sait,  pour  y  avoir  ré- 
fléclii,  ce  que  vaut  son  Eglise,  ce  qu'il  vaut  grâce  à  elle.  11  relève  la 
tête,  regarde,  compare,  et  cesse  de  craindre  ou  de  rougir.  Sans  provo- 
cation blessante,  sans  forfanterie  déplacée,  mais  aussi  sans  honteuse  ti- 
niidité,  il  s'aflirme  ])ubliquenient,  partout  il  se  montre  ce  f|u'il  est,  lo- 
gicjue  avec  sa  foi,  dans  sa  vie  privée  coninu'  dans  sa  vie  sociale,  dans  le 
secret  de  sa  conscience  comme  au  grand  jour  du  forum.  Peu  lui  im- 
portent désonuais  les  sourires,  les  sarcasmes,  les  beaux  esprits  qui  per- 
sifflent,  les  sectaires  qui  insultent  et  frappent:  il  met  à  proclamer  ses 
convictions  d'autant  plus  d'ardeur  (|u'elles  sont  plus  méconnues.  Il 
éprouve  à  soufErir  raillerie  ou  perst'cution  pour  elles,  cette  noble  fierté 
du  soldat  (|ui  aime  davantage  son  drapeau  quand  l'heure  sonne  de  vei*ser 
son  sang  pour  le  défendre. 

Son  amour  ambitionne  de  lui  faire  gloire  et  de  lui  conquérir  des  re- 
crues, dans  ce  monde  qui  s'écarte  de  l'Eglise  ])ar  un  ridicule  dédain  à 
priori  des  choses  du  passé,  il  tient  à  établir  ])ar  son  attitude  comme  par 
son  langage,  que  les  catholiques  ne  sont  pas  les  survivants  moribonds  de^ 
âges  dis]  arus,  mais  les  préparateurs  laborieux  et  confiants  des  âges  qui 
naissent  et  des  progrès  que  réalisera  l'avenir.  Sa  conduite  rend  magni- 
fiquement témoignage  en  faveur  de  la  vitalité  de  ses  croyances.  Sa 
parole  venge  et  propage  sa  foi. 

Car  il  ne  peut  en  garder  pour  lui  seul  le  bienfait.  Il  éprouve  le  be- 
soin de  la  faire  partager  aux  autres.  Il  la  prêche  avec  l'éloquence  de  sa. 
vie  toute  belle  de  devoir  et  de  dévouement,  avec  l'éloquence  de  ses  livres 
où  passent,  dans  sa  conversation  et  dans  ses  dist^oiirs.  des  acccîits  (jui 
trahissent  la  ferveur  intime  de  son  âme.  Même,  sans  être  orateur,  il  est 
apôtre.  Convaincu  et  passionné,  il  éclaire  et  il  émeut.  La  vérité  a 
mis  en  lui  de  telles  clartés  quelles  rayonnent  de  tout  son  être,  dans  son 
Cd'ur  de  tels  battcnuMits  qu'il  ne  sait  plus  les  coptci'ii-  en  •ia  poitiine. 
Rien  ne  peut  l'arrêter.  Il  est  voué  à  une  pro|)agande  sans  trêve,  il  ne  se 
taira  devant  aucune  menace.  Les  baillons  des  hommes  n'étoufferont  ja- 
mais la  voix  de  Dieu  (iui  crie  en  lui.  Jeté  en  prison,  il  évangélise  ses 
bourieaux.  Chassé  de  France,  il  continue  avec  le  nu^nic  zèle  intré]ude 
sa  mission  d'enseisrnenient  sur  les  terres  libres  du  Canada,  ^lartyr,  son 
sang  jaillit  en  afflnnation  suprême  de  son  attachement  à  la  cause  invin- 
cible (|ui  sait  susciter  de  tels  héros.  L'Evangile  du  Christ  a  fait  de  lui 
son  serviteur  jusqu'à  la  mort! 

Sans  que  notre  vocation  à  tous  soit  de  monter  sur  ces  hautes  cimes, 
nous  avons  le  devoir,  ayons  l'ambition  d'y  tendre  de  notre  mieux. 

L'Eucharistie  dont  ce  congrès  doit  nous  rapproclicr  sera  auviliain-  «le 
cette  formation  plus  chrétienne  de  nos  intelligences.  Dans  le  recueille- 
ment de  nos  églises  nous  irons  souvent  méditer  les  beautés  du  catholi- 
cisme. Xotre  prière  demandera  au  ^faître  du  tabernacle  cette  conviction 
;irdente  qui  inspire  ses  vrais  disciples.  L'hostie  nous  prodiguera  st-s  dons 
de  sairesse  et  de  force.  Chaque  fois  (pie  nous  nous  nourrirons  de  sa 
substance  ce  sera  une  nouvelle  communion  de  notre  âme  à  la  lumière  de 
Jésus  et  dans  cette  intimité  eucharistique  des  clartés  que  nous  péné- 
trerons (|ui  rendront  toute  notre  vie  lumineuse  de  foi! 


—  836  — 

II 

Aimant  ainsi  notre  doctrine  catholique,  nous  nous  attacherons  d'un 
même  amour  à  l'Eglise  qui  en  est  la  gardienne  indéfectible  et  l'infati- 
gable missionnaire. 

Sans  elle,  la  vérité  descendue  des  cieux  sur  terre  n'aurait  jamais  fait 
le  tour  du  monde.  Sans  elle,  le  message  libérateur  du  Christ  n'eut  pas 
été  porté  à  ses  frères.  Sans  elle,  l'Evangile  serait  demeuré  lettre  morte, 
curieusement  étudié  par  les  philosophes,  matière  à  savantes  recherches 
d'Académie,  toujours  ignoré  de  la  grande  foule.  Si  depuis  dix-neuf 
cents  ans,  elle  n'avait  pas  donné  à  profusion  ses  docteurs,  ses  évêques,  ses 
prêtres,  ses  religieux,  pour  jeter  les  divines  paroles  à  tous  les  vents  de 
l'espace,  ses  Papes  pour  en  sauvegarder  le  dépôt  à  travers  les  siècles, 
ses  martyrs  pour  le  défendre  au  prix  de  leur  sang,  les  peuples  seraient 
encore  couchés  dans  les  ombres  de  la  mort  et  le  Canada  ne  se  serait  pas 
élevé  sur  les  hauteurs  de  la  civilisation  chrétienne. 

Si  elle  n'avait  pas  jalousement  protégé  les  feuillets  de  ses  saints  livres 
contre  l'altération  du  tenups  et  les  défigurations  des  hommes,  tout  l'œu- 
vre inspirée  de  Dieu  serait  aujourd'hui  déchirée  en  fragments  épars, 
inintelligible  et  oubliée.  Chaque  âge  aurait  vu  dans  la  Bible  le  reflet 
de  sa  pensée,  chaque  peuple  l'aurait  interprétée  au  gré  de  ses  caprices 
et  de  ses  intérôtâ,  chaque  âme  y  aurait  poursuivi  ses  rêves  ou  cherché  la 
justification  de  ses  erreurs  et  de  ses  fautes.  Que  resterait-il  du  texte 
sacré  si  l'Eglise  ne  l'avait  gardé  dans  ses  mains  comme  un  inviolable 
trésor  et  si  elle  n'avait  appris  aux  hommes  à  y  lire  la  parole  de  Dieu  ? 
Les  confessions  séparées  lui  doivent  ce  qu'elles  en  ont  conservé.  Elles 
perdraient  bientôt  ce  peu  dont  elles  vivent  le  jour  oii  la  hiérarchie  catho- 
li(|ue  cesserait  de  défendre  le  patrimoine  commun  de  toute  la  chrétienté. 
Quand  le  foyer  s'éteint,  les  reflets  qui  brillent  loin  du  centre,  dans  la 
pénombre,  s'évanoui^;sent  avec  lui  et  tout  redescend  dans  l'obscurité. 

Prêchée  partout  grâce  à  l'Eglise,  la  foi  sera  par  elle  toujours  conservée. 
Elle  a  reçu  de  son  fondateur  les  promesses  de  la  vie  éternelle.  Etablie 
pour  la  durée  des  siècles,  elle  verra  s'écrouler  le  monde  sans  en  être  ébran- 
lée :  le  Credo  de  nos  pères  que  chanteront  nos  fils  jusqu'à  la  consomma- 
tion des  temps,  les  élus  le  rediront  dans  leurs  cantiques  d'action  de 
grâces  et  leurs  hymnes  de  gloire  dans  les  profondeurs  de  l'éternité.  Les 
erreurs  passeront,  les  schismes  prendront  fin,  les  persécuteurs  tomberont 
en  poussière,  les  engouements  d'un  siècle  pour  ses  idoles  menteuses  se- 
ront raillés  et  oubliés  par  la  génération  suivante,  tout  passera  ici-bas  de 
ce  q\ii  n'est  pas  divin  :  au  milieu  dos  écroulements  de  doctrines,  des 
ruines  humaines,  dos  décadences  de  peuples  ou  de  régimes,  l'Eglise  de- 
meurera debout  dans  son  impérissable  jeunesse.  Les  sceptiques  qui 
avaient  annoncé  sa  mort  la  retrouveront  à  leur  chevet  d'agonie  avec  des 
paroles  de  pardon  et  de  résurrection,  et  elle  portera  en  terre,  sous  la  bé- 
néfliction  minéricordiouse  de  sa  croix,  les  persécuteurs  repentants  qui 
s'étaient  flattés  de  conduire  ses  funérailles,  la  croyant  à  son  déclin. 

T.es  peuples  qui  l'avaient  abandonnée,  dans  une  heure  d'égarement, 
voyant  ce  cju'ils  ont  perdu  on  la  quittant,  ne  voyant  pas  ce  qu'en  échange 
ils  ont  jragné,  FO'-ont  ramenés  im  jour  à  elle  par  le  sentiment  de  leur  dé- 
tresse et  le  besoin  de  son  secours.     Un  grand  peuple  que  j'aime  éprouve 


—  837  — 

cette  angoisse.  Après  l'avoir  accablée  de  ses  ingratitudes  et  de  ses  im- 
piétés, ayant  plus  souffert  encore  lui-même  des  coups  (ju'il  lui  a  portés, 
du  fond  de  sa  misère,  il  se  reprend  à  tourner  de  nouveau  son  regard  vers 
la  vieille  Mère  qui  avait  l'ait  de  son  pays  le  premier  du  monde  aux  âges 
de  sa  pleine  foi.  Il  comprend  mieux  qu'hier  jusqu'à  quel  point  elle  lui 
est  nécessaire,  même  pour  assurer  ces  conquêtes  sociales  auxquelles  il  as- 
pire, et  qu'en  ouvrant  aux  âmes  la  perspective  d'une  vie  surnaturelle, 
elle  découvre  aussi  aux  nations  les  voies  qui  conduisent  à  la  justice  et  au 
progrès.  Demain,  si  les  catholiques  de  France  le  veident,  ils  la  rappel- 
leront à  son  foyer  désolé  et  elle  y  reprendra  son  œuvre  de  paix,  de  fra- 
ternité et  de  joie. 

Car  elle  est  toujours  la  divine  bienfaitrice  de  l'humanité  qui  lui  doit 
ce  qu'elle  a  de  meilleur  dans  son  âme  et  ce  qu'elle  a  de  plus  cher  dans  sa 
civilisation. 

La  liberté,  dont  le  nom  seul  fait  frémir  les  foules,  qui  donc  nous  la 
donne  mieux  que  notre  grande  Eglise  catholique  ? 

Ah  !  ils  la  méconnaissent  et  nous  ignorent  ces  adversaires  qui  nous 
plaignent  d'être  en  tutelle  parce  que  nos  consciences  chrétiennes  recon- 
naissent une  autorité  religieuse  !  Ils  oublient  à  (juelles  conditions  l'âme 
humaine  arrive  à  la  vraie  liberté.  L'homme  n'est  pas  libre  par  le  fait 
qu'il  rejette  tout  dogme,  toute  discipline.  Combien  s'af  fi  raient  bruyam- 
ment libres  penseurs  et  font  parade  de  leur  indépendance  à  l'égard  de 
toute  croyance  qui  sont  cependant  victimes  de  leur  tempérament,  de 
leur  milieu,  des  courants  d'opinion,  des  impressions  du  moment  ?  Ce 
sont  les  servitudes  intérieures  qu'il  faut  briser  pour  être  libres,  car  elles 
engendrent  toutes  les  autres:  servitude  de  l'erreur  qui  tyrannise  l'esprit, 
servitude  de  la  passion  qui  est  maîtresse  de  la  volonté.  Le  secours  exté- 
rieur qui  aide  à  les  combattre,  loin  d'opprimer,  affranchit.  A  vouloir 
s'en  passer,  on  se  condamne  au  contraire  à  demeurer  sous  le  joug  des 
puissances  du  mal  C(ue  tout  homme  porte  en  soi. 

Ils  blasphèment  donc  ceux-là  qui  accusent  l'Eglise  d'être  ouvrière  d'as- 
servissement. C'est  l'impiété  qui  opprime  en  rendant  plus  insolents  les 
instincts  pervers  que  la  pensée  de  Dieu  tient  seule  eu  respect,  que  l'action 
de  la  grâc  peu  à  peu  maîtrise  et  redresse  au  fond  des  consciences.  L'a- 
théisme livre  l'homme  à  la  merci  de  ses  passions  mal  contraintes  par  .<a 
morale  sans  consistance,  par  ses  lois  sans  autorité.  Il  abandonne  le 
faible  à  l'exploitation  du  puissant  (jue  n'arrête  ])his  le  regard  d'une  jus- 
tice vivante  ni  la  menace  d'un  jugement  à  venir.  Par  la  divinisation  de 
la  fhair,  de  l'or,  de  la  force  devenus  les  idoles  d'un  monde  sans  Dieu, 
il  prépare  une  régression  de  l'humanité  vers  les  portes  et  les  ini<|uités  de 
la  barbarie.  S'appelât-il  du  nom  menteur  d'Emancipation  :  il  est  artisan 
hypocrite  de  l'esclavage. 

L'Eglise  est  mère  de  liberté.  En  elle  l'homme  puise  les  énergies  qui 
rendent  libre.  Elle  l'aide  par  ses  sacrements  à  rétablir  en  son  âme  l'étiui- 
libre  moral  en  compensant  sa  failibs-^e  native  par  ses  vertus  surnatu- 
relles. Elle  l'invite  au  nom  de  son  Evangile  à  coml»attre  ses  penchants 
déréglés  pour  les  plier  au  joug  du  devoir  et  assurer  l'empire  de  sa  vo- 
lonté raisonnable  sur  les  puissances  inférie\ires  <|u'elle  doit  gouverner. 
Par  les  sévérités  de  sa  morale,  par  les  prati<|ues  de  sa  mortification,  elle 
obtient  de  lui  le  long  effort  néces.saire  pour  réaliser  dans  son  être  Pal- 


^3S 


liaiioe  hannonieuse  qui  fait  du  corps  un  serviteur  docile,  de  l'âme  la 
maîtresse  respectée.  C'est  à  elle  qu'il  doit  de  s'élever  à  la  pleine  et  ma- 
unitiquos  maîtrise  de  soi,  sous  la  conduite  de  sa  conscience  éclairée  et  de 
sa  volonté  affermie. 

Le  pouvoir  qu'elle  exerce  sur  lui  est  donc  un  appui  libérateur,  et  un 
jou,o-  douiinateur.  Elle  se  fait  gloire  d'être  à  son  service  en  lui  com- 
mandant, car  elle  poursuit  non  pas  son  profit  à  elle,  mais  son  bien  à 
lui.  Sou  chef  suprême  s'appelle  le  serviteur  des  serviteurs  de  Dieu,  à 
l'exemple  du  Christ  qui  vint  parmi  les  hommes  non  pour  en  être  servi, 
mais  ]iour  les  servir.  Plus  les  jeunes  s'inspirent  de  cet  exemple  et  s'im- 
prègnent de  ses  doctrines,  plus  aussi,  jusque  dans  leurs  mœurs  poli- 
tiques et  leur  organisation  sociale,  ils  deviennent  aptes  à  se  gouverner 
eux-mêmes  dans  les  régimes  libres  qui  se  développent  sous  son  action 
civilisatrice. 

En  même  temps  que  de  notre  esclavage,  elle  nous  libère  de  nos  divi- 
sions, car  les  luttes  des  hommes  naissent  de  cet  égoïsme  qu'elle  com- 
l)i'ime,  et  par  l'affranchissement  intérieur  du  uuil  qu'elle  opère  dans  le 
secret  des  cœurs,  elle  prépare  à  la  face  du  soleil  l'épanouissement  public 
de  la  paix.  L'Eglise  possède  ce  nouveau  titre  à  notre  amour,  de  faire 
chaque  jour  sur  terre  fleurir  la  fraternité. 

^falgré  leurs  généreux  efforts  d'union,  les  nations  sont  encore  divisées, 
leurs  frontières  se  liérissent  toujours  de  menace  de  guerre,  demain  l'é- 
clair d'une  épée  peut  déchirer  les  nues  en  donnant  le  signal  des  sanglants 
coml)ats.  Des  mains  qui  se  serrent  amicalement  en  des  rencontres  in- 
ternationales comme  celles-ci,  peuvent  un  jour,  ce  qu'à  Dieu  ne  plaise, 
se  séj)arer  et  s'armer  les  unes  contre  les  autres  ! 

Seule  l'Eglise  nous  retire  de  ces  meurtrières  querelles  et  rassemble 
l'humanité  en  une  vaste  famille  sous  la  bénédiction  de  son  Père  des 
cieux.  Seule  elle  réunit  tous  les  hommes  sous  les  larges  voûtes  jetées 
au-dessus  des  océans  et  des  continents,  amples  comine  les  mondes,  parce 
que  leur  pierre  d'attache  est  en  Dieu  lui-même.  Elle  fait  ce  prodige 
])en<lant  ces  fêtes  universelles  du  monde  catholique.  Tous  les  peuples 
sont  représentés  ici,  toutes  les  nations  s'y  sentent  sœurs.  Les  particula- 
rismes de  la  chair  et  du  sang,  les  différences  de  visage,  les  dissonances 
de  race  s'oublient  et  seml)lent  dis|>araître,  car  les  âmes  reflètent  lès  traits 
de  la  înéme  parenté  divine,  parlent  la  même  langue  chrétienne,  prient 
en.semble  le  même  Sauveur,  comniunient  à  sa  même  vie,  font  cortège  à 
l'uni(|ue  hostie  oui  de  toutes  les  extrémités  du  globe  et  en  dépit  de  toutes 
les  oppositions  de  peuple  à  peuple  les  a  réunies  autour  d'elle.  Les^fils 
de  Wolfe  et  les  fils  de  ]\rontcalm  se  disent  frères  en  Jésus-Christ.  T/ Amé- 
rique et  l'Eurone  se  donnent  le  l)aiser  de  paix.  Ln  terre  s'unifie  devant 
l'ostensoir.  Le  ii-iomphe  iniciDational  de  l'JMu-haristie  refait  une  chré- 
tient<'-. 

Ce  sont  là  les  vi-aies  assises  de  la  paix,  riniagc  de  l'invisible  cité 
d'aniour  où  les  élus  de  tout  idiome  et  de  toute  tribu  sont  consumés  dans 
la  divine  unité.  L'Eglise  s'y  montre  la  collaboratrice  la  phis  heureuse 
rie  cette  rr-uvrc  de  concorde  internationale  désespérante  poin'  les  diplo- 
maties liiiniaines.  En  faisant  reprendre  au  Christ  sa  i)lace  dans  les 
Ames,  elle  prépare  le  triomphe  de  son  règne  pacifique  dans  la  société. 
Lui  seul,  fil  désarmant  les  convoitises  et  les  haines  au  fond  des  cœurs, 


—  839  — 

pourra  un  jour  faire  tomber  des  bras  les  armes  de  mort.  Elle  seule 
maintient  au  milieu  des  intérêts  op))Osé.s  et  des  sectes  morcelées,  cette 
vision  et  cet  espoir  d'uiU'  entente  universelle.  Catholiques  des  deux 
mondes,  fortifions-la.  Mettons  nos  mains  de  fidèles  dans  la  main  de 
nos  prêtres;  prêtres,  nouons  à  notre  tour  nos  mains  consacrées  aux  poi- 
gnets de  nos  évê(|ues,  qui  tendent  leurs  mains  au  Pa])e  de  lîome  lequel 
a  scellé  sa  main  dans  la  main  de  Dieu,  et  d'une  extrémité  à  Tautre  de  la 
terre,  malgré  de  passagères  ruptures,  une  union  permanente  s'établira  et 
s'affermira  entre  les  peuples  dans  l'ordre  et  la  paix,  grâce  à  cet  envelop- 
pement (!e  la  chaîne  mystique  dont  tous  les  anneaux  sont  divinement 
forgés  ! 

Plus  haut  que  ces  biens  de  la  liberté  et  de  la  fraternité,  l'Eglise  nous 
donne  celui  qui  en  est  la  sourcL>  toujours  jaillissante,  Jésus-Christ  lui- 
même.  Elle  le  garde  au  monde  dans  sa  plénitude  divine  et  humaine, 
dans  sa  réalité  inaltérée  et  sa  présence  ininterrompue.  Depuis  dix-neuf 
siècles  elle  le  conserve  comme  un  trésor  du  ciel  dans  le  mystère  de  ses  ta- 
bernacles. A  son  service  elle  a  suscité  une  immortelle  phalange  de  consé- 
crateurs  qui  tous  les  jouis,  sur  des  milliers  d'autels,  renouvellent  le 
miracle  de  la  vie  eucliaristiijue.  Pour  sa  garde,  elle  a  trouvé  des  défen- 
seurs qui  ont  mêlé  leur  sang  au  sang  divin  des  calices  d'or  et  dont  le  glo- 
rieux martyrologe  a  des  pages  encore  blanches  où  tous  ses  prêtres  sont 
avides  d'écrire  leur  nom.  Toujours  décimée,  se  recrutant  toujours,  leur 
sainte  milice  n'a  januiis  déserté  son  poste  d'honneur.  Elle  a  réparé  ses 
brèches  et  ses  défaillances.  Elle  s'est  réfonnée  au  lendemain  des  révolu- 
tions qui  croyaient  l'avoir  anéantie,  elle  s'est  sanctifiée  au  milieu  des  per- 
sécutions qui  prétendaient  la  faire  apostasier.  Elle  demeure  la  preuve 
vivante  de  l'invisible  présence  de  Jésus  dans  l'hostie.  Vos  prêtres,  ô 
Christ,  ne  seraient  pas  restés  au  prix  de  tant  de  souffrances  et  malgré 
leur  faiblesse,  gardiens  de  votre  tabernacle  s'il  n'était  (|u'un  tabernacle 
vide  ! 

C'est  i)our  apporter  l'Iùicharistie  aux  ancêtres  du  Canada  que  Cham- 
jilain  et  Maisonneuve  risquaient  leur  vie  sur  les  océans.  C'est  pour 
<|u'elle  ne  fût  ])ar  arrachée  de  leurs  temjiles  que  leurs  enfants  ont  lutté 
contre  l'oppression  i)rotestante.  C'est  pour  saluer  sa  survivance  triom- 
jihale  que  Montréal  lui  ouvrira  dimanche  ces  routes  somptueuses  où  pas- 
seront dans  un  cortège  superbe  fidèles:  prêtres,  évêques,  cardinaux,  pré- 
cédant le  légat  du  Pape  aux  mains  du(piel  brillera  la  petite  poussière 
blanche  <iui  remue  toujours  le  monde!  Elle  s'avancera  ]»armi  les  foules 
agenouillées,  elle  s'élèvera  jusqu'aux  plus  hauts  degré's  du  reposoir,  et 
de  ces  sjilendeurs  dont  votre  foi  lui  aura  fait  un  piédestal,  sa  bénédiction 
descendant  sur  tous  les  fronts,  se  prolongeant  à  travers  le  monde,  les 
Amériques,  la  vieille  Europe,  les  pays  lointains,  les  mers  perdues,  ira 
porter  à  tous  les  peuples  la  grâce  vivifiante  de  leur  éternel  Sauveur! 

Pecueillez  précieusement  cette  bénédiction  de  l'hostie.  Ivccevez  l'iustie 
elle-même  des  mains  de  l'Eglise  oui  vous  l'abandonne  à  sa  Table  sainte, 
qui  vous  invite  à  la  lui  demander  chaf|ue  jour.  Faites  de  vos  âmes 
d'autres  Thabor  où  Jésus  sera  ghtrifîé,  de  vos  existences  d'autres  repo- 
soirs  d'où  resplendira  sur  le  monde  sa  clarté  et  sa  beauté! 

0  sainte  Eglise,  Eglise  de  Pierre  et  de  Paul.  Eglise  de  IJemi  et  de 
Jeanne  d'Arc,  de  Patrice  et  de  Boni  face.  Eglise  des  convertisseurs  de 


—  840  — 

nations  et  des  sanctificateurs  d "âmes,  oui,  nous  vous  aimons  pour  tout  le 
bien  que  vous  avez  fait  à  notre  grande  famille  liumaine  !  Quand  la  terra 
se  peuplerait  d'ingrats  et  d'apostats,  nous  vous  le  promettons  devant 
Dieu  et  son  hostie  :  nos  cœurs  vous  resteront  fidèles  toujours  ! 

C'est  vous  qui  avez  préludé  à  la  naissance  de  nos  patries  et  qui  les 
régénérez  dans  leurs  décadences.  C'est  vous  qui  avez  veillé  sur  nos  ber- 
ceaux et  (|ui  ])rierez  encore  sur  nos  tombes.  Providence  visible  d'ici-bas 
vous  avez  des  bienfaits  sans  nombre  pour  les  peuples,  de  la  liberté  ei  de 
Irt  justice  pour  leurs  cités,  de  la  fraternité  pour  leurs  fils  divisés.  Mère 
infatigable,  vous  prodiguez  sans  trêve  vos  bontés  à  nos  âmes,  vous  ré- 
pandez vos  inépuisables  secours  le  long  de  nos  chemins,  vos  consolations 
parmi  nos  larmes,  vos  espérances  dans  nos  tristesses,  vos  remèdes  et  vos 
prières  en  réponse  à  tous  nos  maux. 

Que  deviendrait  le  monde  si  vous  l'abandonniez,  emportant  dans  les 
plis  de  votre  vêtement  tout  l'enseignement  de  votre  évangile  et  dans  vos 
ciboires  toute  la  richesse  de  Jésus,  retirant  de  cette  terre  vos  saints  qui 
font  contrepoids  à  nos  fautes  et  vos  dévouements  qui  adoucissent  nos 
misères,  éteignant  au  ciel  l'étoile  de  Bethléem  qui  allumera  une  pre- 
mière lueur  d'espoir  dans  notre  horizon  désolé  ? 

Que  dépendraient  nos  vies  si  vous  les  priviez  de  vos  lumières,  de  vos 
forces,  de  vos  pardons,  si  vous  les  laissiez  à  elles  seules,  déshéritées  de 
votre  appui  ?  Par  quelles  folies  se  laisseraient-elles  emporter  ?  Vers  quels 
abîmes  ne  rouleraient-elles  pas  ?  Dans  quels  désespoirs  elles  seraient 
bientôt  tombées  ?  Soyez  bénie,  ô  Mère,  pour  tous  ces  bienfaits  reçus  de 
vous  et  dont  vos  fils  les  meilleurs  sont  parfois  si  oublieux  ! 

Mais  sjjyez  aimée  deux  fois  puisque  vous  êtes  bonne  et  que  vous  souf- 
frez !  Nous  vous  aimons  pour  les  maux  dont  on  vous  accable  en  échange 
de  tant  de  biens  !  C'est  pour  nous  que  vous  luttez,  pour  assurer  le  salut 
de  nos  âmes  que  vos  capitulations  trahiraient  et  perdraient.  C'est  pour 
nous  défendre  de  l'asservissement  de  l'erreur  que  vous  êtes  engagée  dans 
un  combat  ovi  les  coups  vous  sont  si  cruels.  Il  y  a  du  sang  sur  votre 
manteau,  des  plaies  à  vos  mains,  des  épines  à  votre  front  :  vous  êtes  ba- 
fouée, calomniée,  insultée,  spoliée,  frappée,  traitée  en  paria,  chassée  avec 
haine  des  pays  comblés  par  votre  amour!  Tous  les  siècles  vous  ont» 
coûté  des  larmes  et  causé  des  amertumes.  Il  en  est  peu  qui  aient  ravivé 
plus  que  celui-ci  les  douleurs  de  votre  calvaire.  0  Mère,  nous  voulons 
consoler  votre  cœur  par  notre  filiale  tendresse,  vous  rendre  vos  enfants 
perdus  au  prix  de  notre  généreux  dévouement! 

Oui,  sainte  Eglise  catholique,  qui  êtes  la  Fille  du  Père  infini,  l'Epouse 
immaculée  du  Christ,  le  Tabernacle  vivant  du  Saint-Esprit,  nous  en 
faisons  le  serment  devant  vos  autels,  tous,  jusqu'au  liout  nous  serons  les 
militants  de  vos  travaux  et  de  vos  luttes  de  la  terre:  un  jour  vous  fere^ 
de  nous  les  associés  de  vos  triomphes  de  l'éternité! 


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—  841 


Monsieur  le  Juge  7?o^</7</er  vient  ensuite  pjirler  de  l'Eucha- 


ristie, comme  aliment  de  la  vie  surnaturelle. 


L'EUCHARISTIE,    ALIMENT    DE    LA    VIE 
SURNATURELLE 


Monseigneur  le  Président, 


Le  grand  spectacle  auquel  nous  assistons  depuis  quatre  jours  est  une 
éclatante  manifestation  de  la  vitalité  de  l'Eglise;  et  si  la  puissance  de 
cette  vitalité  ne  nous  étonne  pas,  nous  qui  croyons  fermement  à  sa  divi- 
nité, elle  doit  bien  étonner  ceux  qui  n'y  croient  pas,  et  qui  depuis  des 
siècles  prophétisent  sa  fin  prochaine.  Et  comment  ne  seraient-ils  pas 
étonnés?  La  guerre  qu'ils  lui  font  n'est-elle  pas  formidable  et  inces- 
sante? Ses  ennemis  ne  sont-ils  pas  innombrables  et  tout-puissants?  Xe 
se  vantent-ils  pas  constamment  de  remporter  sur  elle  de  nouvelles  vic- 
toires? 

Comment  se  fait-il  donc  que  tant  d'ennemis,  si  bien  armés  et  vain- 
queurs sur  tant  de  champs  de  batailles,  ne  réussissent  pas  à  la  détruire? 
Quel  est  donc  le  secret  de  sa  force? 

—  Ah  !  Messieurs,  l'Eglise  n'a  pas  de  secret.  Elle  est  tout  l'opposé  de 
la  Franc-Maçonnerie  ;  et  dans  ces  quelques  jours  glorieux  qui  lui  sont 
donnés  sur  la  terre  du  Canada,  elle  le  dévoile  à  tous,  au  grand  jour,  le 
mystère  de  sa  force.  Elle  élève  dans  les  airs  l'ostensoir  radieux  qui  con- 
tient le  pain  de  vie  descendu  du  ciel,  et,  plus  vraiment  inspirée  que  les 
sybilles  antiques,  elle  dit  au  monde  étonné:  "  Deiis,  erce  Deus,"  mon 
Dieu,  voilà  mon  Dieu  !  C'est  lui  qui  est  ma  force  et  ma  vie.  C'est  lui 
qui  perpétue  ma  vitalité,  en  me  nourrissant  de  sa  chair  et  de  son  sang! 

Est-il  bien  vrai.  Messieurs,  que  l'Eucharistie  soit  un  aliment  de  vie 
et  d'immortalité?     C'est  ce  que  je  vais  essayer  de  vous  démontrer. 

Tout  ce  qui  touche  à  Dieu  est  nécessairement  mystérieux.  Toutes  les 
vérités  divines  sont  plongées  dans  le  mystère,  comme  l'or  et  les  pierres 
précieuses  sont  cachées  dans  les  entrailles  de  la  terre. 

Le  mineur  qui  creuse  le  sol  ne  voit  pas  le  métal  prtvieux  (|u'il  cherche, 
mais  il  croit  à  sa  présence  cachée,  et  il  travaille  à  le  découvrir. 

Faisons  comme  lui.  Allumons  d'abord  dans  nos  âmes  la  lampe  de  la 
foi,  si  bien  s\Tnbolisée  par  la  lami)e  du  sanctuaire,  pendant  la  nuit,  et 
fixons  nos  regards  sur  le  tabernacle  qui  se  dessine  mystérieusement  dans 
l'ombre. 

Notre  faible  intelligence  ne  nous  permettra  pas  d'y  voir  les  rayons  du 
soleil  eucharisti<|ue,  mai-  peut-<*tre  y  verrons-nous  les  lueurs  d'aube  et 
les  clartés  d'aurore  (jui  entourent  ce  grand  mystère  d'amour  et  de  vie. 


—  84-3  — 


1 


Vivre.  Mf^sicurs.  vivre  éternellement,  c'est  le  cri  de  l'imnianité,  c'est 
le  cri  de  la  nature  tout  entière.  Eegardez-la,  étudiez-la,  et  vous  verrez 
quelle  peine  elle  se  donne  et  quel  travail  elle  s'imiiose,  pour  vivre  tou- 
iours.  Mais  cette  lutte  pour  la  vie  serait  vaine,  si  Dieu  n'avait  pas  mis 
à  la  disposition  des  êtres  vivants  qu'il  a  créés  toutes  les  variétés  d'ali- 
ments, qui  conviennent  à  leur  nature  et  au  genre  de  vie  qui  les  distingue 
les  uns  des  autres.  Et  rien  ne  démontre  mieux  l'immense  amour  du 
Créateur  ]iour  sa  créature  que  cette  merveilleuse  distribution  d'aliments 
dans  le  grand  bampiet  de  la  vie  universelle.  Chaque  convive  y  trouve 
non  seulement  la  nourriture  nécessaire  à  sa  vie,  mais  aussi  celle  qui  con- 
vient à  son  développement  et  à  sa  fin. 

Et  si  nous  avions  le  temps  d'étudier  les  lois  de  l'alimentation  dans  les 
deux  règnes  des  êtres  vivants  sur  la  terre,  nous  pourrions  vous  les  mon- 
trer communiant  ensemble  à  la  table  de  la  nature,  et  se  nourrissant 
mutuellement  les  uns  les  autres,  par  le  sacrifice  de  leur  propre  vie. 

Jetons  seulement  un  coup  d'œil  sur  la  plante. 

Elle  cherche  d'abord  sa  nourriture  dans  la  terre  où  elle  est  née  pour 
former  son  corps.  C'est  la  vie  inférieure,  ténébreuse,  toute  matérielle. 
Mais  voici  qu'elle  sort  de  terre,  qu'elle  s'élève,  qu'elle  s'élance  comme 
nous,  vers  la  lumière,  vers  le  soleil,  vers  le  ciel.  On  croirait  qu'elle  entre, 
comme  nous,  dans  la  vie  intellectuelle,  car  elle  va  faire  de  l'art,  supé- 
rieur aux  œuvres  des  plus  grands  artistes,  pour  remplir  sa  fin,  qui  est 
d'orner  la  création. 

Alors  les  sucs  que  ses  racines  puisent  dans  le  sol  ne  suffisent  plus  à  son 
alimentation  ;  car  son  être  a  grandi  ;  elle  aspire  à  un  idéal  de  beauté 
qu'elle  réalise  dans  ses  fleurs,  et  même  à  une  vie  future,  qu'elle  atteindra 
en  produisant  des  semences  et  des  rejetons. 

Elle  se  nourrit  alors  par  la  tête,  par  les  branches,  par  les  feuilles,  qui 
absorbent  à  la  fois  les  gaz  répandus  dans  l'air,  la  chaleur  et  la  lumière 
(|ui  rayonnent  du  soleil,  et  les  ondées  vivifiantes  qui  lui  viennent  du  ciel. 
Elle  a  besoin,  comme  nous,  d'une  nourriture  céleste,  et  elle  la  recherche 
avw  plus  de  zèle  que  nous. 

Mais,  remarquez-le  bien,  le  sol  qui  lui  a  donné  la  vie,  continue  de  lui 
donner  en  nourriture  son  corps  et  sa  substance.  Symbole  très  frappant 
de  l'Eucharistie  ! 

Toute  la  nature  vivante  pourrait  nous  oiïrir  des  leçons  du  même  genre, 
si  nous  avions  le  temps  d'en  étudier  les  phénomènes.  Mais  c'est  la  vie 
de  l'homme  qui  doit  absorber  toute  notre  attention. 


II 

Comme  la  ])hinte  et  comme  la  plupart  des  animaux  sans  raison,  il  est 
d'abord  cf)ntenu  dans  un  germe,  au  sein  mystérieux  de  la  nature.  Il  y 
prend  vie,  il  s'y  développe,  et  dans  une  réelle  communion,  il  s'y  nourrit 
de  la  sub.stanc<"'  même  de  l'être  qui  lui  a  (If)nné  la  vie.  Nouveau  symbole 
du  miracle  eucharistique. 


—  843  — 

Puià  il  paraît  au  jour,  et  pendant  quelque  temps  encore  il  se  nourrit 
de  la  chair  de  celle  qui  l'a  enfanté.  C'est  le  corps  seulement  qui  se  dé- 
veloppe dans  la  beauté  de  sa  forme  et  dans  Tharmonie  de  ses  propor- 
tions. 

Mais  voici  qu'une  vie  nouvelle  apparaît  en  lui.  qui  le  distingue  de  la 
plante  et  de  l'animal  sans  raison,  et  qui  l'élève  bien  au-dessus  d'eux. 

C'est  le  phénomène  le  plus  admirable  de  la  croissance  humaine.  Car 
alors  l'être  humain,  dont  le  Créateur  est  trinité,  manifeste  en  lui-même 
trois  vies  distinctes  et  différentes  :  la  vie  du  corps,  la  vie  intellectuelle 
ou  de  l'esprit,  et  la  vie  surnaturelle  de  l'âme. 

C'est  la  gradation  ascensionnelle  de  la  vie  dans  l'échelle  des  êtres  créés, 
et  qui  place  l'homme  au  sommet,  au-dessus  de  tous  les  autres. 

Or,  ces  trois  vies  ne  subsistent  pas  toutes  seules;  il  faut  les  nourrir 
toutes  les  trois,  avec  des  aliments  appropriés  à  leur  nature.  Et  ne  me 
dites  pas  que  la  vie  surnaturelle  et  la  vie  intellectuelle  sont  une  seule  et 
même  vie.  Xon,  elles  sont  deux  vies  différentes  de  l'âme,  aussi  diffé- 
rentes l'une  de  l'autre  que  la  vie  du  corps  diffère  de  celle  de  l'esprit.  Cela 
est  facile  à  démontrer.  Voyez  ce  pauvre  malade  qui.  au  point  de  vue  de 
la  vie  corporelle,  n'est  plus  qu'un  cadavre.  Il  va  mourir  dans  une  heure, 
ont  déclaré  les  hommes  de  l'art.  Et  cependant  son  intellifrence  est  aussi 
vivace,  aussi  brillante  que  jamais.  Il  parle,  et  ses  paroles  sont  des 
oracles  et  des  éclairs  de  génie. 

Sans  doute,  cette  vie  intellectuelle  qui  brille  de  tant  d'éclat,  va  finir 
avec  la  vie  du  corj)s;  mais  cela  ne  prouve  que  leur  union  intinu'.  Elles 
n'en  sont  pas  moins  distinctes  et  différentes  par  nature.  Et  dç  même 
que  la  vie  intellectuelle  peut  subsister  dans  toute  sa  vigueur,  alors  que 
la  vie  cor])orel]e  va  s'éteindre,  do  même  la  vie  intelectuelle  peut  être 
complètement  éteinte  dans  un  individu  qui  jouit  d'une  santé  corporelle 
parfaite.  Allez  dans  un  asile  d'aliénés,  et  vous  en  verrez  de  iiond)reux 
spécimens. 

Eh  bien!  la  différence  n'est  pas  moins  remarquable  entre  la  vie  de 
l'es|)rit,  ou  intellectuelle,  et  la  vie  surnaturelle  de  l'âme.  La  juemière 
peut  être  pleine  de  vigueur  et  d'éclat  alors  que  la  seconde  est  éteinte;  et 
malheureusement,  il  y  a  trop  d'hommes  illustres  dont  la  vie  intellec- 
tuelle est  intense,  qui  éblouissent  l'humanité  par  leurs  <li<cours  et  leurs 
écrits,  et  chez  les(|iiels  l'impiété  et  la  corruption  ont  comi)lèteiiU'nt  dé- 
truit la  vie  de  l'ânu'!  Et  pourtant  c'est  la  vie  supérieure  de  l'homme, 
et  la  plus  importante  puisque  c'est  celle  qui  le  rapproche  de  Dieu.  On 
J'appelle  surnaturelle  parce  f|u'ello  n'a  rien  de  la  nature  et  parce  qu'elle 
constitue  l'homme  en  grâce  et  en  union  avec  Dieu. 

Eh!  bien,  Messieurs,  à  chacune  de  ces  trois  vies  qui  distinguent  l'êtro 
humain,  il  faut  une  alimentation  (jui  soit  appropriée  à  sa  nature  et  à  sa 
fin.  Nous  arrêterons-nous  à  l'aliiucntation  de  la  vie  corporelle?  \on. 
C'est  la  vie  inférieure  qui  ne  se  distingue  guère  de  la  vie  végétale  et  do 
la  vie  animale.  Plaignons  seulement  les  malheureux  qui  croient  <|ue 
tout  l'homme  est  là,  et  qui  se  rabaissent  eux-mêmes  au  rang  de  la  brute. 

L'alimentation  de  la  vie  intellectuelle  serait  beaucoup  jilus  digne  de 
notre  attention. 


—  844  — 

Et,  si  j'en  avais  le  temps,  je  pourrais  vous  montrer  que  la  vie  intel- 
lectuelle elle-même,  quand  elle  veut  s'élever  au-dessus  de  Tordre  naturel, 
est  forcément  obligée  pour  se  nourrir,  de  recourir  —  non  pas  au  pain, 
eucharistique  —  mais  à  l'enseignement  de  Jésus-Christ. 

Oui,  Messieurs,  l'esprit  humain  par  ses  seules  forces,  peut  bien  planer 
dans  les  hauteurs  du  monde  idéal.  Mais  s'il  veut  monter  plus  haut,  et 
pénétrer  dans  le  monde  surnaturel  pour  bien  connaître  Dieu  et  les  véri- 
tés divines,  le  Verbe  de  Dieu  sera  le  terme  et  l'aboutissement  nécessaire 
de  ses  études. 

La  parole  divine  recueillie  dans  le  merveilleux  livre  des  Evangiles  de- 
viendra sa  nourriture  obligée  ;  caf  jusqu'à  Jésus-Christ  les  plTis  brillants 
représentants  de  la  raison  humaine  n'ont  pu  donner  à  l'homme  la  vie 
intellectuelle  supérieure  et  complète  qui  embrasse  l'ordre  surnaturel. 

Les  sages  de  la  Grèce  et  de  Rome,  Socrate,  Platon,  Cioéron  et  les 
autres,  avaient  en  vain  jeté  à  tous  les  échos  d'admirables  paroles,  l'esprit 
humain  se  mourait  d'inanition,  et  la  vie  de  l'âme  allait  s'éteindre  quand 
le  Messie  parut. 

Lui  seul  put  accomplir  ce  miracle  d'enseigner  à  la  fois  les  ignorants 
et  les  savants  et  de  répandre  dans  le  monde,  toutes  les  vérités  nécessaires, 
que  les  esprits  les  plus  bornés  comprennent  et  que  les  génies  les  plus 
élevés  proclament  admirables.  Et  c'est  ainsi  qu'il  a  pu  donner  à  l'homme 
l'aliment  nécessaire  au  perfectionnement  de  sa  vie  intellectuelle.  C'est 
ainsi  qu'il  a  pu  adresser  à  tous  les  chercheurs  de  bonne  foi,  cette  parole 
extraordinaire  :  Je  suis  la  Vérité  ! 


III 

Mais  il  a  dit  aussi  :  "  Je  suis  la  Vie  "  ;  et  par  cette  parole  il  n'a  voulu 
désigner  ni  la  vie  du  corps,  ni  celle  de  l'esprit,  mais  la  vie  surnaturelle 
de  l'âme. 

^  De  même  que  par  son  enseignement  il  voulait  satisfaire  la  soif  de  vé- 
rité qui  dévorait  l'esprit  humain;  de  même  il  a  voulu  donner  à  l'âme  uri 
aliment  qui  convînt  à  sa  nature  quasi-divine,  et  qui  pût  ranimer  sa  vie 
surnaturelle  alors  défaillante. 

Quel  est  cet  aliment  merveilleux,  et  comment  a-t-il  pu  le  produire? 

En  opérant  le  miracle  des  miracles  que  nous  allons  maintenant 
étudier. 

Approchons-nous  religieusement  de  ce  grand  mystère;  et  voyons 
d'abord  en  quoi  consiste  la  vie  surnaturelle  de  l'homme?  Elle  consiste  à 
vivre  dans  l'état  de  grâce  et  dans  l'union  avec  Jésus-Christ.  Elle  consiste 
à  reproduire  le  type  divin  d'après  lequel  l'homme  a  été  fait,  et  à  devenir 
une  image  aussi  parfaite  que  possible  de  son  Créateur. 

Car,  ne  l'oublions  pas.  Messieurs,  l'homme  est  presqu'un  Dieu,  un  peu 
au-dessous  d'Blohim,  dit  le  Roi-Prophète,  dans  le  texte  hébreu,  ou  un 
peu  au-dessous  des  anges,  dit  le  texte  latin  :  il  est  même  un  fils  de  Dieu. 

Or,  l'homme  ne  peut  arriver  à  ces  hautes  destinées  qu'en  vivant  sur  la 
terre  de  la  vie  surnaturelle,  en  union  avec  Dieu.  Mais  est-il  raisonnable 
qu'une  telle  vie  pui.sse  être  alimentée  par  les  produits  de  la  nature? 
Evidemment  non.  A  cet  être  qui  est  l'image  de  Dieu,  et  presque  Dieu,  il 


—  845  — 

faut  un  aliment  divin.  Et  qui  le  produira  cet  aliment?  Ce  ne  sera  pas 
l'industrie  humaine.  Tout  le  génie  humain,  uni  aux  forces  de  la  nature, 
ne  pourra  jamais  inventer  une  nourriture  surnaturelle  et  divine. 

Aussi  est-ce  Dieu  lui-même  qui  avait  mis  à  la  disposition  du  premier 
homme  un  arbre  mystérieux  appelé  l'arbre  de  vie,  dont  le  fruit  devait  le 
préserver  de  la  mort.  Mais  vous  savez  comment  Adam  préféra  manger 
le  fruit  défendu  et  fut  condamné  à  mourir.  Chassé  du  paradis  terrestre, 
il  emporta  cependant  dans  son  exil  la  promesse  de  Dieu  qu'un  autre 
arbre  de  vie,  dont  le  premier  n'avait  été  que  la  figure,  serait  un  jour 
planté  sur  la  terre  et  que  son  fruit  divin  offert  en  sacrifice,  rachèterait 
riinmanité. 

Or,  c'est  un  fait  historique  incontestable  que  cette  promesse,  et  cette 
prophétie  ont  été  réalisées,  que  le  véritable  arbre  de  vie  a  été  planté  sur 
le  Calvaire,  et  qu'en  vertu  de  l'institution  eucharistique  le  corps  de 
Jésus-Christ,  qui  en  était  le  fruit,  est  devenu  pour  toujours  l'aliment 
divin  de  la  vie  surnaturelle  de  l'homme. 

Mais,  direz-vous  peut-être,  entre  le  drame  de  TEden  et  celui  du  Cal- 
vaire, quarante  siècles  ont  passé  ;  est-ce  que  pendant  cette  longue  période 
Dieu  a  laissé  l'homme  sans  alimentation  pour  entretenir  sa  vie  surna- 
turelle et  son  union  avec  lui? 

Xon,  Messieurs,  seulement  c'était  une  alimentation  symbolique  ou 
figurée.  C'était  la  manducation  de  la  chair  des  victimes  sacrifiées  à  la 
divinité. 

Nous  touchons  là,  Messieurs,  à  l'un  des  phénomènes  les  plus  étonnants 
et  les  mieux  constatés  de  l'histoire  universelle.  Chez  tous  les  peuples 
qui  ont  eu  une  religion  et  iin  culte,  on  a  constaté  la  pratique  des  sacri- 
fices sanglants,  et  dans  ces  sacrifices  une  partie  des  victimes  qui  était  la 
part  de  la  divinité  était  entièrement  brûlée;  mais  l'autre  partie  était 
mangée  par  les  prêtres  et  les  fidèles.  Dieux  et  fidèles  étaient  présumés 
prendre  part  au  même  banquet,  et  s'unir  dans  la  participation  au  même 
sacrifice  et  à  la  même  nourriture.  C'était  ce  qu'on  appelait  un  sacrifice 
de  communion,  dit  M.  Robert  Smith,  dans  un  article  de  l'Encyclopédie 
Britannifiuo.  Selon  les  croyances  antiques,  l'homme  est  parent  des  dieux, 
et  le  sacrifice-communion  rétablissait  l'alliance  entre  eux  par  le  sang. 
(Etudes  de  mythologie  et  d'histoire,  par  M.  Toutain,  p.  151.) 

Ce  culte  sacrificiel  était-il  une  invention  du  génie  humain?  Ou  avait- 
il  été  l'objet  de  la  révélation  primitive? 

Il  y  a  toute  raison  de  croire  qu'il  fut  révélé  de  Dieu  lui-même  aux 
hommes,  dè'S  l'origine,  puisque  l'histoire  des  sacrifices  commence  avec 
les  fils  d'Adam,  et  qu'Abel  voit  ses  offrandes  agréées  de  Dieu.  Elle  se 
continue,  cette  histoire,  avec  Xoé,  Melchisédech,  Abraham,  Jacob  et  la 
longue  suite  de  leurs  descendants,  chez  les  Juifs. 

Il  est  également  vrai  au  point  de  vue  historique,  (pie  ce  culte  révélé  se 
propagea  (liez  tous  les  peuples  de  ranti(iuité,  et  notamment  chez  les  In- 
diens, les  Perses,  les  Egyptiens,  les  Grecs  pt  les  Romains.  Chez  les 
Perses  on  offrait  à  la  fois  au  dieu  Ormuzd  du  pain  et  de  la  chair  et  on 
V  buvait  après  consécration,  la  sève  d'un  arbre  (pi'on  appelait  '*  l'arbre 
de  vie,''  et  qui  préser\ait  de  la  mort. 


—  846  — 

Quel  L'taii  le  niéhte  de  ces  sacrifices?  Il  est  évident  que  les  plus  mé- 
ritoires étaient  ceux  qu'on  offrait  comme  symbole  du  suprême  sacrifice 
qui  devait  racheter  le  monde,  et  dont  la  victime  devait  être  le  Rédemp- 
teur futur  que  tous  les  peuples  attendaient.  Or,  ne  l'oublions  pas,  il  y 
avait  dans  ces  sacrifices  cultuels  une  manducation  réelle  de  la  chair  des 
victimes  consacrées  à  la  Divinité,  c'est-à-dire  ime  communion  Symbolique 
qui  entretenait  la  vie  surnaturelle  de  l'âme  avec  Dieu,  en  même  temps 
qu'un  sacrifice  qui  expiait  les  péchés. 

Mais  évideniuient,  ces  sacrifices  expiatoires  et  ces  communions  s}Tn- 
boliques  étaient  frappés  d'imperfection,  et  la  vie  surnaturelle  de  l'âme 
humaine  dépérissait.  C'est  pourquoi,  le  jour  vint  où  Jéhovah  fit  savoir 
aux  juifs  par  la  voix  des  prophètes  qu'il  ne  voulait  plus  de  leurs  sacri- 
fices, et  rHouime-Dieu  apparut  montant  au  Calvaire,  et  portant  sur  ses 
épaules  le  véritable  arbre  de  vie  dont  le  fruit  divin  serait  l'aliment  sur- 
naturel des  âmes. 

Désormais  les  sacrifices  figuratifs  sont  finis,  et  c'est  le  Fils  de  Dieu 
qui  sera  la  victime  auguste  dont  le  sang  lavera  les  péchés  du  monde,  et 
dont  le  corps  sacré  donné  en  nourriture  à  l'âme  humaine  lui  conservera 
la  vie  pour  réternité.  C'est  le  dernier  perfectionnement  de  l'alimenta- 
tion surnaturelle.  C'est  le  couronnement  de  tous  les  miracles  d'amour 
et  de  puissance  accomplis  par  Dieu  pour  le  salut  de  l'homme. 

IV 

Vous  savez  comiuent  Jésus-Christ  institua  cette  merveille  des  mer- 
veilles, que  l'on  ajjpelle  Eucharistie;  et  vous  connaissez  ces  paroles  vrai- 
ment extraordinaires  que  le.  monde  n'avait  jamais  entendues:  "Je  suis 
le  pain  de  vie. ...  je  suis  le  pain  vivant  descendu  du  ciel,  afin  que  celui 
qui  en  mange  ne  meure  point. . .  et  ce  pain  que  je  donnerai,  c'est  ma 
chair,  livrée  pour  le  salut  du  monde." 

Les  Juifs  sont  révoltés.  Plusieurs  disciples  mêmes  repoussent  cette 
parole  comme  trop  dure. 

Et  Jésus-Christ  reprend  :  "  En  vérité,  en  vérité,  je  vous  le  dis,  si  vous 
ne  niangez  la  chair  du  Fils  de  l'ITommc»,  et  ne  buvez  son  sang,  vous 
n'aurez  point  la  vie  en  vous-mêmes.  Celui  qui  manue  ma  chair  et  boit 
mon  »ans  a  hi  vie  éternelle,  et  moi.  je  le  ressusciterai  au  dernier  jour." 

Il  est  impossil)le  d'employer  des  ])aroles  plus  claires,  plus  énersiques, 
plus  absolues.  C'est  une  loi  que  Jésus-Chi'ist  va  promulofuer.  Il  veut 
la  })ub1i('r  sous  toute-;  le-  fornu's  ])0ssibles.  Il  se  répète,  il  multiplie  les 
phrases  pour  dire  la  même  chose,  afin  (pril  ne  jmisse  pas  y  avoir  ambi- 
guité  ou  malentendu. 

Et  cependant,  il  paraît  craindre  encoi-e  (pie  l'on  ne  donne  à  ses  paroles 
un  sens  figuré,  et  il  ajoute:  "car  ma  chair  est  vraiment  une  nourriture, 
et  mon  sang  est  vraiment  un  breuvage." 

On  ne  peut  plus  dduter  de  la  réalité  de  cette  alimentation  merveil- 
leuse; mais  f|uelle  vie  donnera-t-elle?  Ce  sera  une  vie  (pii  ne  finira  pas. 
Ce  sera  une  vie  surnaturelle,  puisqu'elle  consistera  dans  une  union  in- 
time avec  Dieu.  "Celui,  dit-il  encoi-e,  (pii  mange  mn  chair,  e1  l)oit  mon 
sang,  demeure  en  moi.  et  moi  en  lui."  C'est  une  vie,  quasi-divine, 
ajoutée  à  la  vie  naturelle  de  l'homme,  et  (\m  se  perpétuera  après  celle-ci. 


—  S4r  — 

Et  n'oublions  pas,  Messieurs,  la  solennité  de  Tinstitutiou  eucharis- 
tique: c'est  une  institution  testamentaire.  C'est  nu  legs  que  Jésus  fait 
à  l'humanité  quelques  heures  avant  de  mourir.  Il  arrive  souvent  (|u'un 
grand  homme  en  mourant,  lègue  son  corps  à  sa  ville  natale,  ou  à  sa 
patrie  ;  mais  c'est  un  corps  en  pourriture  et  qui  ne  sera  bientôt  plus 
qu'une  vile  poussière. 

Un  don  de  ce  genre  serait-il  digne  d'un  Dieu  ? 

—  Evidemment  non.  En  léguant  sou  corps  il  le  l'era  doue  incorrup- 
tible et  immortel. 

Il  prend  dans  ses  mains  divines  du  pain,  et  une  coupe  de  vin,  et  les 
présentant  à  ses  apôtres  il  leur  dit:  "Ceci"  (il  ne  dit  ])as  ce  ])ain) 
est  mon  corps;  ''  L'eci  "  (il  ne  dit  ])as  ce  vin)  est  mon  sang. . .  C'est  ma 
chair  livrée  jx)ur  le  salut  du  monde;  mangez-en  tous....  "  Et  ce  (jue 
Jésus  vient  de  faire,  le  sacerdoce  nouveau  institué  ]!ar  lui,  reçoit  l'onlre 
de  le  faire  eu  méuuàre  de  lui,  dans  la  suite  des  siècles. 

Ainsi  s'est  faite  l'institution  euchuiistique  qui  change  réellement  le 
pain  et  le  vin  en  la  substance  même  de  Jésus-Christ. 


V 


Messieurs,  ils  sont  bien  malheureux  ceux  qui,  comme  nos  frères  sé- 
parés, rejettent  cette  consolante  réalité,  pour  se  contenter  d'un  vain 
siuiulacre  ou  d'un  simple  souvenir. 

Ils  sont  en  même  temps  bien  illogifiues;  car  s'ils  avaient  raison,  nous 
serions  moins  favorisés  sous  la  Loi  Nouvelle  que  ne  l'étaient  les  Juifs, 
sous  la  Loi  Ancienne,  quand  Jéhovah  leur  donnait  la  manne  en  nourri- 
ture. En  effet,  la  manne  était  vraiment  un  pain  (|ui  descendait  du  ciel, 
tandis  que  le  pain  des  hérétiques  est  un  produit  de  la  terre  fait  de  main 
d'homme. 

Si  l'hostie  que  le  prêtre  a  consacrée  n'était  pas  réellement  le  corps  de 
Jésus-Christ,  elle  serait  certaineuu'Ut  inférieure  à  la  manne,  ([ui  n'était 
])as  un  produit  de  l'industrie  humaine,  lu  aloi-s,  l'cDuvre  de  Jésus  ne 
serait  pas  un  perfectionnement  de  celle  de  Moïse.  Sa  parole  ne  serait 
qu'une  figure  de  rhétori(|ue,  une  illusion,  et  un  mensonge.  Il  nous 
aurait  trompés  en  disant  «lu'il  nous  donnait  sa  chair  à  manger  et  sou 
sang  à  boi  re  ! 

Ah  !  non,  Messieurs,  qu'un  pareil  blasphème  n'effleure  jamais  nos 
lèvre.*!.  Dieu  ne  peut  pas  mentir,  et  toute  parole  de  Jésus  est  d'une 
vérité  ahsoluc.  Or,  il  n'eu  a  jamais  proTioncé  de  plus  lumineuses  et  de 
plus  impératives. 

'i'orturer  ces  paroles  pour  leur  donner  un  sens  figuré,  c'est  prêter  à 
Dieu  un  langage  faux  et  trompeur;  c'est  méconnaître  la  ])errecti()n  <lu 
culte  nouveau,  (|Mi   a   succédé  au   formalisme  étroit   de   la   religion   mo- 

saï(|ue. 

xi  me  semble  qu'il  répugne  à  la  raison  humaine  elle-nu''me,  (|Ue  Dieu 
ait  subi  toutes  les  humiliations  de  l'Incarnation  et  toutes  les  soulTrances 
de  la  I{édemption  pour  nous    reidaeer  a|)rès  sa  mort  sous   T'empire  des 
vaines  images  et  des  anti(|nes  figures. 


—  848  — 

Nous  ne  voulons  plus  d'un  Messie  fissuré,  puisqu'il  est  venu  en  per- 
sonne habiter  parmi  nous.  Nous  ne  voulons  plus  de  nourriture  symbo- 
lique ou  emblématique,  puisque  Jésus  a  affirmé  qu'il  nous  a  donné  sa 
chair  à  manger  et  son  sang  à  boire. 

Arrière  les  figures  et  les  symboles,  et  prosternons-nous  devant  la  divine 
et  vivante  réalité  de  l'Eucharistie  !  C'est  le  vrai  pain  de  vie  ! 

Nul  ne  savait  mieux  que  l'Homme-Dieu  combien  ce  viatique  est  né- 
cessaire à  rame  dans  son  difficile  voyage  de  la  terre  au  ciel.  Les  poètes 
ont  souvent  comparé  la  vie  humaine  à  un  fleuve  ;  mais  ils  ont  oublié  de 
nous  dire  que  l'homme  ne  doit  pas  descendre  ce  fleuve,  mais  le  remonter, 
afin  d'arriver  à  sa  source  qui  est  Dieu. 

Et  ce  n'est  pas  seulement  sa  destinée  de  remonter  au  ciel,  c'est  un 
besoin  de  sa  nature  qui  s'est  manifesté  dès  son  origine. 

Adam  voulait  devenir  Dieu  en  mangeant  le  fruit  défendu.  Prométhée, 
Hercule,  les  Césars  de  Rome  prétendaient  être  divinisés.  Et  nous  aussi 
nous  aspirons  à  devenir  des  dieux  dans  la  vie  future. 

Or,  je  vous  le  demande,  qui  nous  donnera  les  forces  nécessaires  pour 
accomplir  cette  ascension  merveilleuse?  Comment  pourrons-nous  re- 
monter ce  fleuve  orageux  de  la  vie  dont  tous  les  courants  nous  entraînent 
à  l'abîme,  si  nous  n'avons  pas  une  vigueur  surhumaine,  puisée  dans  une 
alimentation  surhumaine  ? 

La  raison  elle-même  nous  dit  que  tout  aliment  qui  ne  sera  pas  divin 
sera  insuffisant  à  qui  a  l'ambition  d'être  divinisé.  Pour  devenir  dieu, 
il  faut  se  nourrir  de  Dieu. 

VI 

J'entends  les  incroyants  objecter  que  tout  cela  est  contre  nature.  Non, 
c'est  au-dessus  de  la  nature,  mais  non  pas  contre  nature.  Il  est  dans  la 
nature  le  besoin  de  s'incorporer  pour  ainsi  dire  l'être  que  l'on  aime  pas- 
sionnément, de  s'en  nourrir  et  de  le  nourrir  lui-même  de  sa  chair.  La 
plupart  des  animaux  nourrissent  leurs  petits  de  leur  substance;  le  pé- 
lican leur  donne  son  sang  à  boire;  et  la  femme  en  ferait  autant  pour 
sauver  la  vie  à  son  enfant.  Croyez-vous  que  l'amour  de  Dieu  pour 
l'homme  soit  moins  grand  que  l'amour  maternel? 

L'incroyant  dit  encore: 

Mais  comment  la  chair  de  Jésus-Christ  mangée  par  l'homme  peut- 
elle  produire  des  efîeis  surnaturels  dans  son  âme  qui  est  immatérielle? 
C'est  un  mystère,  sans  doute,  que  je  ne  puis  pas  lui  expliquer.  Mais 
pourrait-il  expliquer  lui-même  l'effet  produit  dans  son  intelligence,  par 
un  café  noir  ou  "ne  fine  Champagne  au  moment  d'un  discours  à  faire? 
Non,  il  ne  m'expli(|uerait  pas  comment  ce  breuvage  tout  matériel  lui 
donne  plus  d'esprit,  plus  de  verve,  et  une  parole  plus  facile.  Eh  !  bien, 
pourquoi  le  pain  eucharistique  ne  pourrait-il  pas  nous  donner  de  la 
vertu,  comme  un  stimulant  vulgaire  lui  donne  de  l'esprit? 

Je  vais  plus  loin,  et  je  soutiens  que  la  raison  humaine  justifie  très  bien 
les  sacrifices  de  la  Loi  Ancienne  et  celui  de  la  Loi  Nouvelle. 

Qn'est-cc  qui  entraîne  l'homme  au  péché  ?  C'est  la  chair  et  le  sang. 
Dès  lors,  il  est  raisonnable  f|ue  la  chair  et  le  sang  soient  sacrifiés,  c'est- 
à-dire  offerts  en  sacrifice  d'(?xpiation,  pour  le  péché. 


—  849  — 

Cela  explique  comment  les  sacrifices  de  la  chair  et  du  sang  ont  été 
considérés  dans  tous  les  cultes  et  à  toutes  les  époques,  comme  le  Beul 
moyen  d'expiation  du  péché,  et  d'apaisement  de  la  divinité.  Mais  ce  qui 
faisait  leur  mérite  auprès  de  Dieu,  c'est  que  Lui-même  avait  promis  dès 
l'origine  que  son  Fils  sacrifierait  sa  chair  et  son  sang  pour  l'expiation 
des  péchés  du  monde,  et  que  les  sacrifices  de  la  chair  et  du  sang  des  tau- 
reaux et  des  agneaux  étaient  le  symbole  et  la  figure  du  sacrifice  divin. 

Or,  la  Rédemption  ne  devait  pas  supprimer  le  péché  de  l'homme,  parce 
qu'elle  ne  devait  pas  supprimer  sa  liberté,  et  conséquemment  les  sacri- 
fices expiatoires  du  péché  devaient  continuer,  même  après  Jésus-Christ, 
pour  appliquer  aux  âmes  le  fruit  de  cette  rédemption. 

Seulement,  ils  devaient  changer  de  nature,  en  devenant  infiniment 
plus  parfaits,  parce  que  le  culte  chrétien  est  infiniment  plus  parfait  que 
le  culte  mosaïque. 

Et  donc  la  chair  et  le  sang  continuant  de  pécher,  il  est  Juste  et  raison- 
nable que  la  chair  et  le  sang  continuent  d'expier  et  de  porter  à  l'homme 
l'effet  du  sacrifice  qui  l'a  raclieté.  Mais  quelle  chair  et  quel  sang?  La 
chair  et  le  sang  de  la  seule  victime  désormais  agréable  à  Dieu,  c'est-à-dire 
de  Jésus-Christ. 

Cependant,  le  sacrifice  de  cette  chair  et  de  ce  sang  ne  se  fera  plus 
d'une  manière  sanglante  comme  au  Calvaire.  Il  sera  aussi  réel,  mais 
par  un  miracle  de  Jésus-Christ  il  s'accomplira  sous  la  forme  et  les  appa- 
rences- du  pain  et  du  vin. 

Est-ce  que  tout  cela  n'est  pas  raisonnable  et  d'une  sagesse  souveraine? 

Et  ce  que  je  viens  de  dire  du  sacrifice  s'applique  à  la  manducation  de 
la  victime  sacrifiée,  c'est-à-dire  à  la  communion.  Elle  aussi  existait 
avant  Jésus-Christ  sous  la  forme  sanglante,  et  elle  continuera  d'exister 
après  lui,  aussi  réellement  en  substance,  mais  sous  la  f&rme  non  sanglante 
de  l'Eucharistie. 

Et  pourquoi  doit-elle  continuer  après  Jésus-Christ?  Parce  qu'après 
lui,  comme  avant  lui,  elle  est  l'aliment  nécessaire  de  la  vie  surnaturelle 
de  l'âme. 

Grâce  au  sacrifice  divin  perpétuellement  renouvelé  dans  le  monde,  du 
sauveur  à  la  fois  victime  expiatoire  et  nourriture  surnaturelle,  des  mil- 
liers d'âmes  vivront,  toujours  en  union  avec  Dieu,  et  l'Eglise,  qui  est  la 
société  de  ces  âmes,  possédera  toujours  son  immortelle  vitalité. 

S'il  était  permis  de  juger  les  actes  divins  dans  le  niêiiic  langage  que 
les  actes  humains,  je  dirais  ([ue  l'institution  eucharisti<iue  fut  une 
grande  habileté,  puiscju'elle  permet  à  Jésus-Christ  de  vivre  au  milieu 
des  hommes  sans  les  exposer  à  commettre  un  nouveau  déicide. 

Hélas,  s'il  revenait  sur  terre  dans  sa  chair  mortelle,  les  hommes  le 
tueraient  encore,  ^fais  sous  la  forme  eucharisti<|ue  il  est  avec  nous  jus- 
qu'à la  consommati(m  des  siècles,  et  ses  ennemis  ne  pourront  plus  le  l'aire 
mourir.  Quand  il  serait  chassé  de  ses  temples,  fermés  ou  démolis,  le 
prêtre  l'emportera  dans  sa  mansarde,  ou  dans  sa  tente  de  missionnaire, 
et  lui  permettra  de  vivre  avec  l'Eglise  son  épouse,  dans  tous  les  pays  du 
monde  et  jusiprà  la  fin  des  temps. 

Messieurs,  pour  éclairer  la  terre  et    nos   terrestres  demeures.  Dieu  a 


—  850  — 

créé  deux  astres:  le  sitleil  ([ui  l'ait  le  jour,  et  la  lune  qui  illumine  la  nuit. 
Mais  la  elarté  lunaire  n'est  (ju'uu  rt'tlet  de  Téclat  du  soleil. 

Pour  le  monde  des  âmes  le  Créateur  a  fait  mieux.  Dans  le  graad 
jour  éternel  tiui  suit  la  mort,  e'est  le  Dieu-Soleil  (jui  éclaire  les  âmes 
jouissant  de  la  vie  surnaturelle  :  et  dans  cette  nuit  qui  précède  la  mort, 
et  qui  est  la  vie  humaine,  c'est  Jésus-Hostie  qui  éclaire  nos  ténèbres. 
Mais  il  n'est  pas  un  simple  reflet  de  la  Divinité:  et.  sous  les  pâles  appa- 
rences du  pain  il  est  aussi  Dieu  que  le  Dieu-Soleil  de  l'Eternité. 


Avant  l'aiTirée  du  Lé.oat  que  Ton  s'attend  d'une  minute  à 
l'autre  à  voir  entrer  dans  la  salle,  le  P.  Lemius  a  encore  le 
t('ni])s  de  prononcer,  d'une  voix  chaude  et  vibrante,  le  dis- 


cours suivant 


Messieurs, 


-Te  me  demande  à  'quel  titre  je  suis  devant  vous.  .  .  . 

Depuis  que  nous  sommes  au  Canada,  il  nous  semble  que  vos  cœurs 
canadiens  resseml)lent  aux  demeures  si  chaudes  et  si  hospitalières  que 
vous  ouvrez  aux  visiteurs,  surtout  aux  Français. 

Lorsqu'à  Livcrpool  nous  sommes  montés  sur  "  l'Empress  of  Ireland," 
nous  avons  rencontré,  à  côté  de  la  majesté  de  Son  Eminence  le  Cardinal 
Vannutelli,  un  Canadien  —  M.  le  Président  des  travaux  dn  Congrès  — 
et,  <iuand  nous  avons  vu  ses  yeux  caressants,  ses  lèvres  gracieuses,  ses 
bras  ouverts,  il  nous  a  semblé  voir  le  cœur  du  Canada  s'entr'ouvrir,  et 
tous  les  Français  sont  entrés  dans  ce  cœur.  Nous  étions  en  ])lein  Canada: 
nous  continuons  à  jouir  en  bons  Français,  du  Canada. 

Peut-être  m'avez-vous  invité  à  un  autre  titre.  Je  porte  le  Christ  des 
OI)lats  f|ui  sont  venus  il  y  a  GO  ans,  envoyés  par  notre  fondateur,  évan- 
géliser  le  Canada.  Je  suis  le  frère  des  Taché,  des  (Irandin  et  de  tant 
d'autres,  le  frère  de  Mgr  Breynat  (|ue  je  suis  heureux  de  saluer  au  milieu 
de  vous,  le  frère  de  ces  2.")()  Oblats  qui  domain,  venus  de  tout  le  Domi- 
nion a.ssisteront  à  votre  belle  procession. 

Puis,  je  représente  au  milieu  de  vous  la  colline  la  ])]us  sacrée  de 
France  :  ^îontmartre. 

Montmartre  (|ii'on  a  appelé  Van]  et  le  cceur  de  la  France:  Montmartre, 
la  colline  sur  larpudle  notre  pays  paie  au  Sacré-Cceur  de  Jésus  la  rançon 
des  péchés  irju 'il  a  coMiiiiis:  ^lontmartre  oii  s'ékVe  ce  poème  de  pierres, 
la  basilifpie  aux  blanches  coupoles  où  tous  les  jours  et  toutes  les  nuits 
nous  chantons  le  Miserrre  de  la  pénitence,  où  nous  chantons  aussi,  le 
eanti(|ue  de  ]'es[)érance:  Sacré-Cœur  de  Jésus,  sauvez  la  France! 

Jo  suis  heureux  de  parlci-  coniMie  iiiembi'c  du  Comité  pernuinent  des 
Congrè.s  TMicharisti(|Mes.  Je  suis  un  témoin,  j'ai  vu  la  ])lnpai-t  des  Con- 
grès, et  je  perte  en  moi  des  visions:  vision  du  Congrès  de  Paris,  vision 


—  851  — 

(lu  Congrès  de  Lounles,  vision  du  Congrès  de  Ifoine,  vision  du  Congrès 
de  Metz,  vision  du  Congrès  de  Cologne,  et  je  proclame  que  jamais  nous 
n'avons  vu  ce  que  nous  voyons  ici;  nous  partirons  avec  une  vision  plus 
splendide  dans  nos  âmes  et  nous  irons  dire  à  nos  frères  de  France  ce  que 
le  Canada  sait  l'aire  })our  l'Eucharistie,  pour  Xotre-Seigneur  Jésus- 
Jésus-Christ. 

Et  enfin  je  suis  heureux  de  vous  parler  parce  que  j'ai  fréquenté  beau- 
coup les  hommes,  et  en  France,  on  m'accuse  —  et  avec  raison  —  de  pré- 
férer un  auditoire  d'hommes.  Je  les  ai  vus  souvent  à  Montnuirtre.  Il 
m'a  été  donné  d'en  conduire  plusieurs  fois  50,000  à  Lourdes.  11  m'a 
été  donné  de  les  voir  en  nos  différentes  provinces.  Eh  bien,  voulez-vous 
me  penuettre  de  n^'effacer  et  de  les  laisser  parler.  Des  laïciues  viennent 
de  vous  donner  des  discours  eucharistiques  débordant  de  doctrine  théo- 
logique; ce  seront  encore  des  laïques  qui  prêcheront  par  leurs  exemples. 

Après  la  doctrine,  d'ailleurs,  les  exemples  reposent  l'esprit,  après  les 
paroles  qui  émeuvent,  il  faut  des  exemples  qui  entraînent. 

Xous  sommes  à  la  fin  du  Congrès,  Messieurs,  nous  sommes  à  une  heure 
où  il  faut  vous  entraîner  dans  ce  chemin  (jue  l'on  vous  a  montré  tout 
ensoleillé,  dans  cette  voie  qui  conduit  à  la  Table  sainte,  et  je  voudrais  que 
de  cette  assend)lée  se  lèvent  des  hommes  qui  communient,  qui  commu- 
nient souvent,  et,  s'ils  le  peuvent,  qui  communient  tous  les  jours. 

Mon  premier  point,  le  voici:  La  communion  quotidienne  convertit, 
purifie  et  transforme.     A'oilà  la  thèse;  je  ne  la  développe  pas. 

Vn  jour,  je  vois  arriver  vers  moi  un  vieillard  de  soixante-dix  ans. 
Sous  la  couronne  de  ses  cheveux  blancs,  il  avait  consente  des  traits  éner- 
giques tout  militaires.  Sur  sa  poitrine  brillait  la  croix  des  braves.  Xous 
causâmes  comme  on  cause  en  tête  à  tête,  dans  un  coin.  Je  fus  étonné, 
Messieurs,  de  trouver  un  homme  si  bon,  et  il  fallut  revenir  dans  le  passé 
pour  trouver  matière  à  absolution.  Et  quand  nous  fûmes  debout,  mili- 
tairement, il  me  dit  :  "  Je  vous  ai  probablement  un  ])eu  étonné,  je  veux 
vous  raconter  ce  (|ui  m'est  arrivé,  il  y  a  ([uelques  années,  et  vous  le  répé- 
terez aux  hommes.  A'ous  direz  à  tous  ceux  (\m  voudront  se  convertir  le 
grand  moyen  (|Ue  Dieu  a  mis  à  notre  dis|)osition  : 

"J'étais  donc  un  soldat,  et  pendant  dix-huit  ans,  j'ai  étonné  mou 
régiment.  ])a.-^  facile  pourtant  à  étonner,  par  ma  conduite.  Je  ne  crains 
pas  de  dire  que  j'étais  la  honte  de  nu'S  canuirades  :  un  joui-,  nioi-mèiiic 
j'eus  honte.  La  foi  me  restait  au  conir,  j'aillai  me  confesser,  l'n  l'ère 
du  Très  Saint-SacrcMieiit  me  re(,Mii  avec  bonté;  après  la  confession,  il 
me  dit:  "  Il  y  a  is  ans  <|Uo  vous  n'avez  |»as  communié,  vous  paierez  vos 
dettes;  vous  êtes  un  homine  d'honneur,  vous  coiiiiiniiiifi-cz  is  fois  de 
suite.'' 

"Je  tressautai,  je  regardai  le  Père  avec  stupéfaction,  croyant  à  une 
plaisanterie,  mais  il  ne  plaisantait  pa.'^,  et  après  avoir  un  peu  débattu  la 
question,  il  me  lit  ])roniettre  que  je  communierais  IM  fois  ])our  paver 
mes  dettes."  "  Je  communiai  le  lendemain,  le  surlendemain,  le  troisième 
jour;  ce  jour-là  —  je  m'en  souviens  —  je  me  trouvai  absolument  trans- 
formé." Je  n'eus  plus  aucune  pensée  mauvaise,  je  ne  ressentis  aucun 
désir  mauvais,  les  sirènes  ipii  tournaient  autour  de  mnî  —  re  fiit  son 
expression  —  me    semblaient    méprisables.     Je    me    sentis    absolument 


—  852  — 

transformé,  j'étais  devenu  un  autre  homme."  Il  y  a  de  cela,  ajouta-t-il, 
environ  30  ans.  J'ai  continué  à  communier  tous  les  jours;  je  suis  de- 
venu adorateur  nocturne,  je  vais  toutes  les  semaines  faire  la  faction 
devant  notre  Dieu.  Voilà  ce  qu'a  fait  de  moi  la  communion  quotidienne. 
Messieurs,  à  la  veille  de  la  grande  manifestation,  laissez-moi  vous  dire 
que  si  vous  connaissez  un  homme,  si  vous  en  connaissez  un  seul  qui  ré- 
pète :  "  il  ne  m'est  pas  possible  de  changer  de  vie,  je  ne  peux  pas  réagir 
contre  les  inclinations  qui  sont  là,  au  fond  de  mon  cœur,"  racontez-lui 
cette  histoire  et  racontez-vous  la  à  vous-même,  c'est  là  le  grand  moyen. 

Ah  !  Messieurs,  pendant  ce  Congrès,  on  vous  l'a  dit,  c'est  le  congrès 
des  résolutions ...  Je  me  souviens  qu'à  Lourdes,  lorsque  nous  eûmes  les 
cinquante  mille  hommes  et  que  nous  eûmes  fait  une  procession,  pas 
aussi  belle  que  celle  que  vous  ferez  demain,  mais  elle  était  belle  tout  de 
même,  lorsque  nous  arrivâmes  au  parvis  du  Eosaire,  je  m'adressai  à  ces 
cinquante  mille  hommes  et  je  leur  posais  cette  question  :  "  Croyez-vous 
que  vous  êtes  venus  ici  uniquement  pour  prier  les  bras  en  croix,  pour 
chanter  des  cantiques  et  pour  faire  la  procession?  Il  y  a  autre  chose  à 
faire  quand  on  vient  à  Lourdes  !  On  va  dans  la  piscine. . .  Quel  est  celui 
d'entre  vous  qui  quittera  Lourdes  sans  avoir  déposé  le  fardeau  de  ses 
péchés  ?  Y  en  aura-t-il  un  seul  ?  Et  la  foule  répondit  :  "  Non,  pas  un, 
pas  un."  Je  fis  répéter  cette  parole  :  "  Pas  un,  pas  un."  Le  lendemain, 
Messieurs,  nous  avons  vu  un  spectacle  sans  pareil:  les  rues  de  Lourdes, 
les  chambres  d'hôtels  et  tout  le  parvis  du  Rosaire  étaient  transformés 
en  confessionnaux,  des  prêtres  étaient  là,  assis  sur  des  bornes  ou  des 
tertres  de  gazon,  des  hommes  agenouillés  à  leurs  pieds. . .  CINQUANTE 
MILLE  HOMMES  communièrent!  Et  ce  fut  pour  la  Sainte  Vierge  le 
plus 'beau  bouquet  et  le  plus  beau  cierge  qu'on  lui  eût  jamais  apportés. 

Messieurs,  demain,  vous  devez  aller  à  cette  procession.  Je  vous  le 
demande,  y  en  aura-t-il  un  seul  qui  voudra  y  aller  sans  avoir  mis  le 
Saint-Sacrement  dans  son  cœur?....  Ah!  vos  applaudissements  me 
disent  que  demain,  pendant  que  le  Cardinal  Légat  portera  Celui  qui  est 
tout  notre  Amour,  vous  pourrez  mettre  la  main  à  votre  cœur  et  vous 
pourrez  dire  :  "  moi  aussi  je  porte  le  Christ,  je  Tai  là,  dans  ma  poitrine, 
il  est  là,  mon  Dieu  !  "  Et  demain,  ce  ne  sera  pas  seulement  le  Cardinal 
I^?at  qui  portera  la  sainte  Hostie,  vous  porterez  Jésus-Christ,  vous  por- 
terez votre  Dieu.  La  manifestation  sera  belle  aux  regards  des  hommes; 
elle  sera  plus  belle  aux  regards  des  anges  et  aux  regards  de  Dieu  ! .  .  . 

Second  point  :  La  communion  quotidienne  fait  des  saints  parmi  les 
hommes  autant  et  bien  mieux  que  parmi  les  femmes. 

n  y  a  deux  ans,  nous  prêchions  une  mission  à sur  la  fron- 
tière de  l'Est,  où  les  troupes  sont  toujours  vigilantes,  et  nous  prêchâmes 
le  décret  du  Souverain  Pontife  sur  la  communion  quotidienne. 

Derrière  un  pilier  se  trouvait  le  colonel  d'un  des  régiments  qui  sont 
en  cette  ville.  Il  me  suivit  au  presbytère  et  me  dit:  "  Mon  Père,  j'avais 
entendu  vaguement  parler  de  ce  décret,  je  croyais  qu'il  était  purement 
et  simplement  pour  les  femmes  pieuses;  or,  d'après  le  texte  cela  regarde 
les  hommes  aussi,  cela  me  concerne?  —  Evidemment,  mon  colonel!  — 
Mais  alors,  je  suis  un  homme  de  discipline  et  quand  on  commande, 
j  obéis. 


—  8Ô3  — 

Il  se  confessa  et  se  mit  à  la  communion  quotidienne. 
Dix  jours  après,  à  la  clôture  de  la  mission,  il  vint  me  voir  et  me  dit  : 
"  Mon  Père,  la  religion  est  absolument  changée  pour  moi.  Jusqu'à 
présent,  je  contemplais  Xotre-Seigncur  Jésus-Christ  comme  mon  Sei- 
gneur, comme  mon  Maître,  il  me  semblait  qu'il  était  loin  de  moi  sur  des 
hauteurs,  et  je  l'adorais.  Depuis  que  je  communie  tous  les  jours,  je  sens 
qu'il  est  en  moi,  que  je  le  porte,  et  voici  ce  qui  m'est  arrivé  au  moins 
deux  fois  :  Me  trouvant  à  la  tête  de  mon  régiment  en  marche,  et  pensant 
à  ma  communion  du  matin,  tout  à  coup  je  me  suis  senti  transformé;  ce 
n'était  plus  moi  qui  vivais  —  sans  le  savoir  peut-être  il  répétait  la  parole 
de  saint  Paul  :  "  Ce  n'était  plus  moi  qui  vivais,  c'était  le  Christ  qui  pa- 
raissait vivre  en  moi  ''  —  il  me  semblait  que  c'était  Jésus-Clirist  qui 
était  le  colonel  de  ce  régiment  français.  Ah  !  mon  Père,  j'ai  éprouvé 
pendant  dix  minutes  des  joies  qui  sont  incomparables." 

Voilà,  Messieurs,  comment  un  colonel  arriva  d'un  coup  d'aile  à  cette 
splendeur.  Vous  constaterez  en  passant  qu'il  y  a  encore  dans  nos  armées 
des  chrétiens,  des  catholiques  qui  savent  trouver  le  chemin  de  la  Table 
sainte  et,  deviennent  des  saints.  N'oubliez  pas  le  général  de  Sonis,  qui 
sera  peut-être  un  jour  sur  les  autels. 

Ah  !  Messieurs,  si  vous  voulez  devenir  des  saints,  et  vous  voulez  le  de- 
venir, allez  à  la  Table  sainte,  allez-y  fréquemment,  tous  les  joui-s,et  vous 
verrez  que  Xotre-Seigneur,  selon  l'explication  théologique  que  l'un  des 
vôtres  vous  donnait  tout  à  l'heure,  vous  fera  vivre  de  la  vie  du  Christ, 
de  la  vie  de  Dieu,  et  vous  préparera  ainsi  à  la  vie  éternelle,  la  participa- 
tion de  la  vie  bienheureuse  de  Xotre-Seigneur  et  de  notre  Dieu. 

Mais,  Messieurs,  la  communion  quotidienne  ne  fait  pas  simplement 
que  transformer  l'individu,  elle  le  régénère  au  point  de  vue  social. 

T^  patron  qui  ira  communier,  l'ouvrier  et  même  le  miséreux  qui  ira 
communier  souvent,  pratiquera  les  vertus  d'ordre,  de  justice  et  de  charité 
sur  lesquelles  repose  la  paix  sociale,  la  vraie  prospérité  des  peuples. 

Un  jour,  je  reçus  à  la  sacristie  de  Montmartre  la  .visite  d'un  homme 
qui  était  à  la  tête  d'un  atelier  de  meubles  d'art,  un  artiste  de  Paris.  Il 
était  en  proie  à  une  émotion  incroyable.  Il  passa  de  longs  instants  sans 
pouvoir  m'adresser  la  parole.     Quand  il  put  parler: 

"  Il  y  a  quarante  ans,  dit-il,  que  je  ne  connaissais  pas  le  chemin  de 
l'église.  Accompagnant  un  de  mes  amis,  je  suis  venu  visiter  le  monu- 
ment de  Montmartre,  et  un  moment  je  me  suis  trouvé  en  face  de  ce  soleil 
que  vous  appelez  l'ostensoir,  et  je  l'ai  regardé." 

Ah  !  Messieurs,  quand  un  homme  se  trouve  devant  Jésus,  s'il  veul 
écouter,  s'il  veut  sentir  palpiter  son  cœur,  il  verra  ce  (lu'il  sait  lui  dire  et 
lui  faire  comprendre. 

Notre-Seigneur  regarda  cet  homme,  et  cet  homme  me  raconta  com- 
ment en  un  instant  il  avait  été  jeté  à  srenoux,  baigné  de  lariu(>s.  11  était 
converti,  comme  le  Père  Ilermann,  le  juif  converti,  par  la  sainte  Hostie; 
il  venait  déposer  le  fardeau  de  ses  quarante  années  d'al)stention. 

"  Comment,  me  dit-il,  pourrai-je  me  rapprocher  de  Dieu,  après  m'être 
tenu  éloigné  pendant  si  longtemps  de  la  Table  de  ma  ])remière  com- 
munion? " 

C'était  un  homme  honnête,  sincère. 


—  854  — 

Je  lui  diji  :  '•  \'vue/.  passer  une  nuit  aux  pieds  du  Saint-Saei'enient,  et 
vous  verrez  ([Ue  la  réeontiliation  sera  aisée  avec  Notre-Seigneur." 

Le  samedi  suivant,  il  passa  la  nuit  tout  entière  à  genoux,  depuis  neuf 
heures  du  soir  jusqu'à  (  inci  heures  du  matin,  l'Hostie  le  fascina,  il  resta 
face  à  face  avec  le  Christ;  le  lendemain,  il  prenait  dans  sa  i)oitrine  le 
divin  Sauveur.  Cet  homme  était  renouvelé.  Il  rentra  chez  lui  et  le 
lendemain,  appela  ses  ouvriers;  il  leur  déclara  ce  qui  s'était  passé  la 
veille;  le  ohangenient  de  vie  qui  s'était  opéré  dans  son  âme,  et  il  leur 
denuinda  pardon  —  Ah  !  écoutez  ceci  —  il  leur  demanda  pardon  de 
toutes  les  injustices  dont  il  aurait  pu  se  rendre  coupahle  ;  il  leur  de- 
nuinda pardon  des  colères  et  des  violences  qu'il  avait  eues  avec  eux  et  il 
leur  promit  de  faire  tous  ses  efforts  pour  être  un  patron  modèle.  Puis, 
il  ajouta  :  ''  Dieu  est  mon  père,  et  désormais  je  vous  supplie  de  ne  plus 
le  blasphémer  chez  moi.  Promettez-moi  de  ne  plus  outrager  celui  (Uii 
est  devenu  mon  vrai  père?  La  scène  fut  émouvante,  les  ouvriers  profondé- 
ment remués.  Quelque  temps  après  le  contre-maître  se  convertit  à  son 
tour. 

Un  jour  cet  homme  vint  me  trouver  et  me  dit  :  "  Je  vends  mon  atelier 
et  je  me  mettrai  au  service  de  vos  miséreux."  M.  Marchand  vint  en  effet 
à  Montmartre,  et  pendant  plusieurs  années  il  a  été  là,  donnant  aux 
])a\ivres  ce  qu'il  ixiuvait  p(  sséder,  mais  surtout  son  cœur  et  le  dévouemem 
de  sa  vie.  Quand  il  mouiuit.  cin.(|  cents  miséreux  suivaient  son. corbillard 
en  haillons  et  les  lannes  aux  yeux:  quand  on  parle  de  M.  Marchand,  le 
converti,  devenu  le  patron  modèle,  le  père  des  pauvres,  on  contemple 
une  merveille,  c'est  le  fruit  de  l'Eucharistie,  le  fruit  de  la  communion 
quotidienne. 

Et  les  ouvriers,  Messieurs? 

L'n  jour,  je  gravissais  la  pente  de  Montmartre  et  je  vis  trois  hommes 
qui  me  parurent  des  apaches;  je  fis  en  sorte  d'éviter  la  rencontre,  mais 
je  ne  le  pus,  car  ces  trois  hommes  s'empressèrent  vers  moi  pour  2ne  serrer 
la  main  ;  je  reconnus  ti-ois  ouvriers  d'Aubervilliers.  Ces  trois  hommes 
travaillaient  toutes  les  nuits,  excepté  la  nuit  du  dimanche.  JTn  jour, 
un  de  leurs  amis  les  amena  à  l'adoration  nocturne  et,  pendant  cette  nuit, 
ils  goûtèrent  tant  de  joies  qu'ils  prirent  la  résolution  de  consacrer  à 
l'adoration  nocturne  la  seule  nuit  hebdomadaire  qui  était  libre;  et  quand 
je  leur  disais  :  "  Mes  amis,  c'est  trop;  "  ils  me  répondaient  :  "  Mon  Père, 
nous  ne  reposons  jamais  mieux  qu'auprès  du  Sacré-Cœur  de  Jésus. 
Quand  nous  sommes  venus  passer  la  nuit  et  que  Jésus  nous  a  caressés 
dans  la  sainte  communion,  nous  soaumes  capables  de  tout  supporter." 

Xotre-Seigneur  l'a  bien  dit:  "Venez  à  moi,  ouvriers,  vous  tous  qui 
portez  des  fardeaux,  je  vous  referai!" 

Ouvriers  qui  m'écoutez,  vous  n'avez  pas  de  meilleur  ami.  Adonnez- 
vous  à  la  communion  fréf|uente  autant  fpie  le  travail  vous  le  permettra 
et  la  vie  de  cette  terre  se  transformera  en  avant-goût  du  paradis. 

Un  jour,  nous  avions  donné  une  retraite  aux  miséreux.  Voici  la  pa- 
role que  l'un  d'eux  7n "écrivait:  "Depuis  que  je  communie  souvent,  je 
suis  réconcilié  avec  ma  misère.  Je  l'accepte  comme  pénitence  et  je  vous 
déclare  (pie  maintenant  je  suis  heureux  autant  qu'un  homme  peut  l'être, 
mon  cd'ur  est  en  paix."     Tl  ajoutait:  "Je  ne  passe  plus  une  donii-heure 


—  855  — 

sans  fairo  un  acte  d"aiH<)iir  de  Dieu.  Ali!  qu'il  est  Iton  de  souHrir  ]iai- 
amour  pour  lui." 

Voilà  un  miséreux  qui  n'avait  pour  s'abriter  la  nuit  que  les  pouts  de 
la  iSeine,  et  qui  trouvait  dans  la  sainte  f]ueliaristie  le  eourage  de  se  ré- 
coneilier  avec  sa  misère. 

Je  termine  en  ajoutant  ce  simple  mot  :  les  hommes  qui  voudront  s'unir 
aux  pieds  de  Xotre-Seigneur  dans  rEucharistie  feront  des  prodiges, 
accompliront  de  véritables  miracles. 

Un  soir,  —  c'est  ma  dernière  histoire  —  un  soir,  je  vois  amver  un  des 
grands  patrons  d'une  des  villes  du  Xord.  '"'  Je  vien^,  dit-il,  demander 
un  miracle,  et  nous  l'aurons.  La  guérison  de  l'épouse  du  plus  grand 
industriel  de  notre  région.  Il  faut  convertir  cet  homme,  pour  le  con- 
vertir, il  faut  le  miracle:  ce  miracle,  je  viens  le  demander  et  je  suis  sûr 
de  l'obtenir.'"'  Rien  ne  ]iut  faire  fléchir  sa  confiance.  Je  le  conduisis  à 
la  sacristie  et  le  nommai  chef  de  cette  nuit  d'adoration.  Des  paroles 
ardentes  sortirent  de  ses  lèvres.  Quelques  instants  après,  ces  40  hommes 
étaient  à  genoux,  priant  avec  une  ferveur  sans  pareille.  Je  me  souviens 
être  resté  deux  heures  à  les  contempler,  et  à  dire  :  Mon  Dieu,  exaucez-les  î 

Il  est  beau,  Messieurs,  de  voir  des  hommes  faire  un  miracle;  il  est 
beau  de  les  voir  tendre  leurs  mains  vers  Jésus  et  lui  arracher  une  gué- 
rison pour  la  conversion  d'un  homme. 

Vers  onze  heures  du  soir,  un  télégramme  arriva,  et  ce  télégramme 
portait  que  la  personne  était  à  peu  près  guérie.  C'était  une  action  de 
grâces  que  cet  industriel  osait  faire  passer  par  le  fil  télégraphirjue,  sans 
respect  humain.  Quand  le  pèlerin  du  Xord  eut  lu  le  télégramme,  je  le 
vois  encore,  rentrer  dans  l'église,  s'avancer  dans  le  chœur,  monter  sur 
les  marches,  élever  la  dépêche  à  la  hauteur  du  Saint-Sacrement,  et  je 
l'entendis  prononcer  ces. paroles:  ''Seigneur,  ce  n'est  pas  un  à  peu  près 
que  nous  vous  demandons  :  c'est  tout."  Et  se  tournant  vers  ses  amis, 
il  leur  dit  simplement  :  "  l'œuvre  est  avancée,  nous  en  avons  le  temps, 
achevons-la  !  '' 

Le  lendemain,  quand  il  rentra  cliez  lui.  il  trouva  cette  dame  ]»ailai- 
tement  guérie.  Le  miracle  fit  sensation  dans  la  ville  et  dans  toute  la 
région.  L'archevêque  de  Cand)rai  alla  constater,  quelques  semaines 
après,  la  merveille  opérée.  L'in<lustriel  lui-même  vint  faire  inscrire  à 
Montmartre  son  action  de  grâces,  il  se  confessa  et  reçut  le  Dieu  <|u'il 
avait  tant  oublié  depuis  sa  jeunesse. 

Ah  !  Messieurs,  depuis  près  de  30  ans,  nos  hommes  de  France  ])rient 
toutes  les  nuits.  Le  Saint-Sacrement  ne  disparaît  jamais  à  ^[ontmartre. 
L'œuvre  eucharistique  a  jailli  du  Cceur  Sacré  de  Jésus:  elle  est  là,  tou- 
jours intense.  Que  font  ces  hommes?  Ils  se  purifient,  se  sanctifient, 
deviennent  meilleurs  comme  patrons,  ouvriers  ou  comme  miséreux,  mais 
ils  travaillent  aussi  avo<'  leurs  sentiments  ]>atriotiq\ies  à  ce  grand  mi- 
racle (|ue  nous  denuindons  depuis  lonfrtemj)s.  Oui,  ^fessieurs.  il  faut 
un  miracle  chez  nous:  il  faut  un  grand  miracle  chez  nous.  Les  moyens 
humains  sont  caducs:  tout  ce  qu'on  i)ouna  faire  sera  vain  et  sans  ré- 
sultat définitif.  Il  n'y  a  que  le  Christ,  qui  n  fait  la  France,  qui  puisse 
la  refaire;  c'est  le  miracle  (jue  nous  demandons. 


—  856  — 

Messieurs,  demain,  demain,  en  cette  fête  incomparable,  je  vous  de- 
mande de  vous  unir  à  nos  cœurs  de  Français  et  à  nos  adorateurs  de 
Montmartre,  et  de  répéter  une  parole  qui  me  revenait  tout  à  l'heure,  en 
vovant  passer  vos  zouaves  qui  allaient  chercher  le  Cardinal  Légat.  Cette 
parole  est  celle  que  Charette  disait,  en  arborant  son  drapeau  du  Sacré- 
Cœur  sur  le  champ  de  bataille  ;  cette  parole,  permettez-moi  de  la  dire  au 
milieu  de  vos  cœurs  si  chauds,  si  sjmipathiques  à  la  France  ;  vous  la  ré- 
péterez :  "  Cœur  Sacré  de  Jésus,  sauvez  la  France  !  Cœur  Sacré  de 
Jésus,  sauvez  la  France  !  Cœur  Sacré  de  Jésus,  bénissez  le  Canada  !  " 

Ce  fut  au  milieu  des  ncclaraations  qui  suivirent  ce  discours 
que  le  Cardinal  Légat  accompagné  de  Mgr  l'archevêque  et 
de  toute  sa  suite  fit  son  entrée  au  Monument  National. 


Mgr  Roy,  en  quelques  mots  présente  l'assemblée  qu'il  pré- 
side à  son  Emiuence. 

Eminence, 

En  ma  qualité  de  président  de  cette  séance,  je  me  permets  de  vous 
présenter  cette  imnu'use  assemblée  de  bons  catholiques  à  qui  l'on  vient 
de  persuader  qu'il  leui-  faut,  pour  devenir  encore  meilleurs,  la  pra- 
tique de  la  communion  fréquente,  et  aux  applaudissements  dont  ils  ont; 
couvert  la  parole  des  bienveillants  orateurs,  on  peut  être  assuré  qu'ils 
partiront  de  ce  Congrès  bien  décidés  à  remplir  leurs  promesses  et  à  être 
désormais  des  fervents  de  la  communion  fréquente. 

Je  dépose  volontiers  aux  pieds  de  Votre  Emiuence  l'hommage  de  ces 
promesses  et  de  ces  belles  espérances,  en  lui  demandant  de  bénir  les  unes 
et  les  autres. 

Le  cardinal,  visiblement  sous  le  coup  d'une  émotion  pro- 
fonde, s'exprime  en  ces  termes  : 

Messieurs, 

Je  reviens  tout  ému  d'une  magnifique  manifestation  que  m'a  faite  tout 
à  l'heure  le  jeunesse  catholique  de  la  province  de  Québec,  et  surtout 
la  jeunesse  de  Montréal. 

J'avoue  que  rarement  j'ai  vu  un  spectacle  aussi  touchant  que  celui-là. 
Je  félicite  les  pères  et  les  mères  (jui  ont  de  tels  enfants.  La  patrie  qui 
a  de  tels  enfants  peut  être  assurée  de  son  avenir  religieux  et  social. 

Je  leur  faisais  la  recommandation  de  la  communion  fréquente  afin  de 
se  préserver  des  dangers  ()ui  entourent  leur  jeunesse,  et  pour  se  fortifier 
dans  le  chemin  de  la  vertu.  J'ai  su  que  c'est  la  même  recommandation 
que  vous  venez  d'entendre  de  la  bouche  des  orateurs  qui  vous  ont  tout  à 
l'heure  entretonus,  lorsque  vous  attendiez  la  visite  du  légat  du  Saint-Père. 
S'il  a  un  peu  retardé,  ce  n'est  pas  sa  faute.     Il  a  été  ému  d'un  grand 


—  857  — 

spectacle:  il  y  avait  là  20,000  jeunes  gens,  et  rien  que  pour  passer  devant 
cette  foule,  il  m'a  fallu  des  quarts  d'heure  et  des  quarts  d'heure,  —  je 
ne  dis  pas  des  heures  et  des  heures,  mais  tout  de  même,  cela  fait  des 
heures.  Vous  excuserez  donc  l'exercice  de  patience  que  vous  venez  de 
faire. 

Je  répète  mes  félicitations  et  recommandations  de  la  communion  fré- 
quente, car,  si  ces  préservatifs,  ces  remèdes,  ces  fortifiants  divins  sont 
nécessaires  pour  les  jeunes  gens  afin  d'entourer  leur  jeunesse  du  vrai 
remède  contre  les  passions  et  du  vrai  foyer  de  force  pour  combattre  les 
dangers  qui  les  entourent,  ils  ne  sont  pas  moins  nécessaires  pour  l'âge 
mûr.  Comme  le  pain  ordinaire,  nous  en  avons  besoin,  n'est-ce  pas,  touS 
les  jours.  Malheur  à  celui  qui  serait  longtemps  sans  l'avoir!  Il  faut 
donc  que  pour  le  pain  spirituel,  il  en  soit  de  même. 

("est  la  recommandation  qui  tient  au  cœur,  tout  spécialement  du  sou- 
verain pontife  que  vous  aimez  tant.  Veuillez  donc  suivre  ses  conseils, 
et  par  là.  vous  resterez  de  vrais  fidèles  à  la  tradition  de  vos  ancêtres, 
qui  était  avant  tout  une  tradition  eucharistique. 

Aucun  pays  ne  peut  se  vanter  d'une  origine  aussi  glorieuse  que  le 
Canada. 

Champlain,  le  grand  Champlain,  a  déclaré  en  son  temps  et  fonnelle- 
ment  aux  ministres  qu'il  ne  recevrait  pas  de  familles,  qui  ne  seraient  de 
mœurs  tout  à  fait  irréprochables,  qui  ne  seraient  tout  à  fait  dévouées  a 
la  foi  catholique;  et  c'est  comme  cela  qu'il  a  pu  fonder  une  colonie  qui 
nous  donne  aujourd'hui  des  citoyens  comme  vous. 

Je  crois  vraiment  que  cette  origine  est  aussi  glorieuse  qu'elle  puisse 
être.  Que  le  bon  Dieu  vous  soutienne  pour  que  vous  suiviez  toujours 
le  chemin  de  vos  ancêtres  et  toujours  dans  la  foi  eucharistique. 

Je  vais  maintenant  vous  bénir  au  nom  du  Saint-Père. 

Mllt  rarcliPVcVpio  <lo  ^rontr('al  tient  ù  dire  sa  joie  en  une 
fii-constaiicc*  si  (•(ms(»lant(M't  si  hc^lle.  Tl  h'  fait  avec  une  émo- 
tion (pK'  l'aïKlitoiic  ]»arta<i('  aussitôt. 

DISCOURS  DE  MGR  BRUCHESI 


Emixexck, 

Mon  cœur  déborde  de  joie.  Je  ne  cesse  de  le  dire  aux  enfants,  aux 
jeunes  gens,  aux  pî'res  de  famiHe,  et  surtout,  je  le  dis  à  Dieu  que  je  re- 
mercie du  grand  bienfait  qu'il  nous  aceurde,  qui  restera  un  des  meil- 
leurs souvenirs  de  notre  vie  et  une  des  pages  les  plus  glorieuses  de  l'his- 
toire du  Canada. 

Comme  arclievêque  de  la  ville  où  se  tient  le  X.XIe  congrès  eucharis- 
tique international,  il  ïn'est  impossible.  Messieurs,  de  jiasser  au  milieu 
de  vous  sans  ajouter  un  mot  aux  touchantes  paroles  de  son  Eminence, 
pour  vous  exprimer  mon  émotion  et  ma  reconnaissance  à  la  vue  du 
spectacle  touclianl  que  vous  nous  donnez. 


—  858  — 

.rai  vu  souvent  cette  salle  reui2)lii',  jamais  comme  en  ce  moment.  Me5 
amis,  vous  prêchez  à  vos  enfants,  vous  prêchez  à  vos  concitoyens  ramour 
de  l'Eglise,  la  pratique  de  la  vertu,  la  fidélité  à  Dieu,  la  dévotion  à  la 
sainte  eucharistie,  la  conuuunion  fréquente,  tout  ce  qui  est  de  nature 
à  faire  de  vrais  citoyens,  de  parfaits  chrétiens,  tout  ce  qu'il  faut  sur 
terre  pour  devenir  des  saints:  soyez-en  félicités  et  remerciés. 

Xous  avons  vu  tout  à  l'heure  vingt  mille  jeunes  geus,  oui,  vingt  mille, 
au  moins,  venus  de  toutes  les  paroisses  de  Montréal  et  de  tous  les  dio- 
cèses de  la  pronnce  de  Québec.  Ils  sont  accourus  en  face  de  la  cathé- 
drale avec  leurs  drapeaux,  la  joie  dans  le  cœur,  faisant  escorte  au  repré- 
sentant du  souverain  ])ontife,  acclamant  le  pape,  et  ils  nous  ont  conduits 
par  des  chemins  qui  me  faisaient  penser  aux  voies  triomphales  de  Eome; 
ils  nous  ont  conduits,  dis-je,  à  l'immense  salle  de  l'Arena.  La  salle  était 
comble.     C'était  un  spectacle  unique. 

Si  vous  aviez  vu  ces  jeunes  gens  !  Quelle  profession  de  foi  ils  ont 
faite  !  de  quels  sentiments  chrétiens  ils  vibraient  !  J'ai  dit  à  Son  Emi- 
nence:  "C'est  la  jeunesse,  notre  jeunesse  canadienne-française  qui  est 
(levant  vous;  c'est  notre  espoir,  notre  consolation,  notre  joie,  l'avenir; 
Eniinence,  bénissez-la  !  " 

Lorsque  Jésus  vit  un  jour  un  jeune  homme,  épris  du  désir  du  bien, 
il  le  regarda  et  l'aima.  Vous,  Eminence,  vous  avez  regardé  nos  vingt 
mille  braves  et  vertueux  jeunes  gens  et  vous  les  avez  aimés,  et  vous  avez 
compris  qu'ils  vous  aimaient. 

Au  jeune  homme  de  l'Evangile,  Jésus-Christ  demanda  le  sacrifice  de 
ses  biens.  Hélas  !  le  jeune  homme  n'en  eut  pas  le  courage.  Mais  à  nos 
jeunes  gens,  Eminence,  vous  pouviez  demander  tout  ce  que  vous  vouliez  ; 
vous  n'avez  rien  demandé  et  ils  sont  venus  vous  offrir,  à  vous,  au  pape 
et  à  l'Eglise  leur  sang  et  leur  vie. 

Eh!  bien,  Eminence,  si  vous  voulez  savoir  le  secret  de  cette  ardeur 
et  de  cette  généio^ité,  j?  vous  dirai  l'axiome,  ici  parfaitement  vrai  • 
"  Tel  père,  tels  fils." 

Vous  avez  béni  les  enfants,  et  vous  venez  de  bénir  les  parents.  Ces 
hommes  que  vous  voyez  là:  liommes  de  professions  libérales,  magistrats, 
députés,  hommes  de  commerce,  ouvriers,  ils  n'ont  tous  qu'un  cœur  et 
qu'une  âme  quand  il  s'agit  de  servir  Dieu,  d'obéir  à  la  sainte  Eglise. 

Y  a-t-il  beaucoup  de  pavs  où  puissent  se  contempler  des  scènes  comme 
celle  que  nous  avons  sous  les  yeux  !  Pour  moi  je  sens  que  j'en  tressaille 
d'émotion.     Dieu  soit  béni  ! 

En  cette  ville  de  Montréal,  —  dans  toute  la  province  de  Québec,  — 
partout  où  la  race  canadienne-française  a  planté  son  diapeau,  oui,  par- 
tout il  V  a  une  même  foi,  un  même  amour  pour  le  Christ  et  son  Vicaire. 
Nous  sommes  des  frères,  nous  avons  le  même  sang,  nous  parlons  la 
même  langue,  nous  avons  les  mêmes  espérances,  les  mêmes  ambitions. 
C'^'est  un  peuple  croyant  que  le  peuple  canadien-français  sur  cette  terre 
d'.\ménque.  Oui,  Eminence,  dites  au  Saint-Père  qu'il  n'y  a  nulle  part 
un  peuple  qui  l'aime  plus  que  le  peuple  canadien-français". 

Xous  avons  prié  ce  matin,  ensemble,  au  pied  du  Mont-Eoyal,  tout 
près  de  l'endroit  où.  jadis,  Maisonnenve,  a  planté  la  croix.  Nous  avons 
érigé  un  autel  et,  nous  nous  sommes  agenouillés  là  trois  cent  mille 
hommes,  et  cela  était  au><i   consolant  que  magnifique.     Mais  demain, 


—  85î.>  — 

c'est  vous,  le  représentant  du  Christ,  vous  Pie  X  au  milieu  de  nous, 
qui  prendrez  l'hostie  sainte  préparée  religieusement  par  des  mains  de 
vierges:  les  Sœurs  de  notre  Hôtel-Dieu;  cette  hostie,  vous  la  porterez 
entre  vos  mains  jus(|u'au  pied  du  Mont-Eoyal,  escorté  de  cardinaux, 
d'archevêques,  d'évêques,  de  gouverneurs,  de  ministres,  de  magistrats, 
d'hommes  de  professions  libérales,  de  soldats,  d'instituteurs,  d'ouvriers, 
des  fidèles,  représentants  de  toutes  nos  paroisses.  La  divine  hostie  — 
0  salutaris  hostia,  —  vous  l'élèverez  au-dessus  de  la  ville,  au-dessus  du 
Canada  tout  entier,  au-dessus  du  monde,  et  vous  direz  :  "'  Jésus,  c'est  vous 
que  je  tiens  entre  mes  mains  ;  vous  êtes  bien  ce  Jésus  qui,  jadis,  passait 
dans  les  bourgades  de  la  Galilée,  répandant  partout  la  joie,  la  paix,  la 
flaiiinie  céleste.  Bénissez  ce  pavs  qui  vous  aime;  gardez-lui  sa  foi,  gar- 
dez-lui ses  espérances  ;  bénissez  les  malades,  les  pauvres,  les  affligés  ; 
éclairez  ceux  qui  ne  voient  pas;  convertissez  les  malheureux  qui  s'écar- 
tent du  droit  chemin.  Jésus,  faites  des  miracles  comme  vous  en  faisiez 
autrefois  :  ''  et  tous  ensemble.  Messieurs,  alors  nous  tomberons  à  genoux 
et  nous  adorerons  le  divin  roi  dans  la  foi  et  dans  l'amour;  et  nous  nous 
relèverons  foilifiés  par  la  bénédiction  de  la  sainte  hostie. 

Le»  applaiulisi^ements  éclatent   frénétiques.      Le   cardinal 
est  debout. 


Messieurs, 

Un  mot  pour  répondre  à  Mgr  Bruchési,  un  seul  mot,  à  la  lettre:  "  Le 
jour  de  demain  sera  le  plus  beau  jour  de  ma  vie."  (Applaudissements) 

Le  cai-dinul  et  sa  suite  se  retirent.  Il  reste  deux  rapports 
qui  n'ont  pu  être  lus  et  qui  ont  cependant  leur  impoi-tance. 
Les  voici  : 

liA  COMMUNION  DANS  LA  CLASSE  OUVRIERE 

Pnr  Je  R.  P.  Kuilh'  l'irjié^  curé  de  Saint-Georges. 

X'est-il  pas  vrai  (|ue  le  triomphe  de  Jésus-Hostie  s'est  continué  d'une 
manière  merveilleuse  dans  la  ville  de  sa  Mère  bien-aimée  ? 

L'affluence  du  lU'Uple  s'accroît  de  jour  en  jour,  les  décorations  de  nos 
rues  sont  des  liommages  pennanonts  à  sa  Divinité,  les  prières,  les  chants 
et  l'éloquence  humai  ne  l'exaltent  avec  amour,  tkmain  c'est  l'entré»-  tri(  m- 
j)hale,  VHoscinna  Filio  David!  sans  le  Calvaire  en  perspective! 

Et  cependant.  Messieurs,  malgré  la  sdlennité  de  cette  inoul)liai)le  nui- 
nifestation,  malgré  la  magnilicence  et  la  munifioenee  (|ui  nous  entoure, 
si  vous  arriviez  juscpi'à  ce  soir  sans  avoir  mangé  V(»tre  i)ain  <|U(nidien. 
si  vos  forces  débilitées  par  ce  long  jeûne  trahissaient  votre  zèle,  si  minés 
par  la  faim,  vos  eorps  se  traînaient  péniblement  en  cette  enceinte,  c'est 
en  vain  <|ue  l'art.  rélo(|uenee  et  la  musique  solliciteraient  votri'  enthou- 
siasme, tout  (  e  inonde  de  nu'rveilles  cesserait  d'avoir  un  langage  sublime 


—  860  — 

pour  vos  estomacs  affamés.  Car  l'Ecriture  Sainte  nous  enseigne  que  le 
commencement  des  choses  nécessaires  à  la  vie  est  le  paia  Le  Seigneur 
nous  le  fait  demander  tous  les  jours  dans  l'admirable  prière  du  Pater. 
Pour  vous  comme  pour  nous  le  pain  s'identifie  avec  la  vie  elle-même, 
et  en  langage  vulgaire,  perdre  le  goût  du  pain  veut  dire  :  mourir. 

C'est  qu'en  effet  à  chaque  instant  par  le  fait  même  de  vivre,  le  corps 
s'use  et  doit  réparer  ses  forces. 

Ceux  qui  ont  vécu  les  heures  terribles  du  Siège  de  Paris,  ceux  qui  ont 
ressenti  l'étreinte  de  la  famine  savent  combien  affreuse  est  cette  calamité 
pour  toute  une  ville. 

Or,  règle  générale,  dans  ces  malheurs  publics,  c'est  l'ouvrier  qui  souffre 
davantage.  Privé  de  ressources,  sans  appui,  sans  influence,  livré  non 
préparé  à  la  merci  des  événements,  on  le  voit  se  traîner  misérablement 
et  les  cris  plaintifs  de  ses  enfants  qui  demandent  du  pain  lui  fendent 
l'âme.  Un  irlandais  émigré,  me  racontait  un  jour  les  larmes  aux  yeux, 
que  lors  de  la  lamentable  famine  de  1847,  en  Irlande,  deux  de  ses  jeunes 
sœurs  étaient  mortes  de  faim  sous  ses  yeux  ! 

Et  pourtant,  Messieurs,  quelque  poignante  que  soit  la  réalité  de  ces 
mallieurs,  je  ne  crains  pas  de  dire  que  l'absence  du  Pain  de  Vie,  promis 
et  donné  ])ar  le  Sauveur,  est  plus  lamentable  que  la  plus  impitoyable 
famine. 

Le  monde  sans  la  communion  c'est  la  vallée  de  la  mort  décrite  par  le 
prophète  Ezcchiel  et  des  siècles  de  paganisme  nous  en  donnent  la  preuve. 
Et  quand  une  race  a  perdu  le  goût  du  Pain  de  Vie,  elle  ne  peut  plus 
donner  de  Saints  au  monde. 

En  effet  tout  dans  la  vie  spirituelle  dont  l'essence  est  la  lutte,  tout 
contribue  à  jeter  l'âme  dans  la  lassitude,  l'épuisement,  la  famine  et  la 
mort:  Eévoltes  intérieures,  tentations  du  dehors,  anxiétés  de  l'existence 
pour  soi  et  les  siens,  injustices  humaines,  absence  de  charité,  besoin  de 
sympathie  et  de  compassion,  besoin  insondable  d'aimer  et  d'être  aimé, 
maladies  du  corps,  épouvantements  de  la  mort,  l'homme  se  sentirait  en- 
traîné vers  les  abîmes  du  désespoir  et  du  péché  sans  espérance  de  se 
relever. 

Seule  une  nourriture  préparée  de  la  main  d'un  Dieu  peut  faire  de  cet 
autre  demi-Dieu  tombé,  un  héros,  qui,  non  seulement  se  souvient  des 
cieux  mais  le  gagne  avec  le  pain  des  Forts  à  la  sueur  de  son  front. 

Encore  une  fois  je  vous  le  demande,  qui  plus  que  l'ouvrier  sous  le  coup 
des  misères  humaines  passe  par  cette  déperdition  de  forces,  qui  plus 
que  lui  porte  le  poids  du  jour  ?  Qui  moins  que  lui  jouit  du  fruit  de 
ses  travaux  ? 

La  religion  catholique,  il  est  vrai,  donne  à  l'homme  mille  manières 
de  se  relever,  de  se  fortifier  et  de  se  purifier:  Aux  uns,  c'est  l'aumône 
vensée  au  sein  des  pauvres,  aux  autres,  c'est  le  jeûne  et  la  mortification; 
ceux-ci  entreprennent  de  longs  et  coûteux  pèlerinages,  ceux-là  se  plaisent 
à  élever  à  Dieu  des  temples  magnifiques;  le  prêtre  et  le  religieux  ont 
l'abondance  de  la  prière  et  des  œuvres  charitables  en  partage.  Hélas  ! 
le?^  difficultés  croissantes  de  la  vie  rendent  ces  dévotions  sublimes  et 
conteuses,  difficiles,  impossibles  à  l'ouvrier. 

(^le  lui  rcslcra-t-il  donc  alors  ha})ituell(>mont  pour  reposer  son  âme, 
épancher  son  cruur,  réprimci-  ses  sens,  réparer  les  mille  brèches  faites  à 


—  861  — 

sa  vie  spirituelle  sinon  le  pain  quotidien  du  elirétien:  le  corps,  le  sang, 
Tâme  et  la  divinité  de  Xotre-Seigaeur  Jésus. 

Presque  tous  les  jours,  s'il  le  veut,  à  des  messes  matinales,  il  va  dans 
la  maiso:i  de  son  Père  céleste,  demander  la  nourriture  de  son  âme;  car 
le  tabernacle  n'est-il  pas,  selon  l'énergique  expression  du  curé  d'Ars, 
le  garde-manger  du  chrétien  ?  La  Table  Sainte,  c'est  le  Banquet  Sacré 
où  le  peuple  coudoie  le  riche  sans  honte,  c'est  là  que  toutes  les  races  se 
rencontrent  et  se  pardonnent,  c'est  la  fusion  dans  la  charité  la  plus 
intense. 

Mangez  et  buvez,  ceci  est  ma  chair,  ceci  est  mon  sang,  vous  qui  souffrez 
et  pleurez  ce  n'est  pas  seulement  au  pied  de  la  croix  que  je  vous  convie, 
c'est  vous  en  moi  et  moi  en  vous,  c'est  le  suprême  consolateur  qui  vient 
vous  visiter  dans  la  suprême  consolation  et  vous  sortirez  de  ma  maison 
de  prière,  forts  comme  des  lions  et  purs  comme  des  anges. 

Et  c'est  ainsi  que  la  communion  fréquente  s'impose  aux  masses  po- 
pulaires. 

Oui,  si  dans  la  famille  c'est  l'homme  qui  travaille  le  plus,  mange  le 
plus  et  si  personne  ne  reproche  à  celui  qui  gagne  le  pain  de  ses  enfants 
le  fort  appétit  qui  lui  fait  honneur,  pourquoi  donc  dans  l'ordre  surna- 
turel, celui  qui  peine  le  plus  n'irait  pas  s'asseoir  plus  souvent  au  Banquei 
Eucharisticiue  et  manger  à  son  appétit. 

Grâces  à  Dieu,  depuis  les  appels  chaleureux  faits  à  ses  enfants  par  la 
Sainte  Eglise  et  dernièrement  encore  par  le  Pontife  à  l'âme  ardente, 
l'immortel  Pie  X,  le  monde  entier  a  compris  la  nt^îessité  de  l'Eucha- 
ristie dans  la  vie  quotidienne. 

Dans  les  grandes  villes  d'Europe  des  centaines  et  des  centaines  d'ou- 
vriers s'approchent  fréquemment  de  la  Table  Sainte  et  il  est  facile  de 
faire  la  comparaison  entre  eux  et  ceux  qui  s'en  éloignent. 

Qu'il  est  beau  de  voir  de  grand  matin  cette  jeunesse  des  usines  et  des 
ateliers  venir  communier  avant  de  passer  par  la  fournaise  ardente"  du 
ridicule,  des  quolibets,  des  blasphèmes  et  des  persécutions  mesquines; 
et  ces  ouvrières,  (lui  le  dimanche,  malgré  le  jeûne  prolongé  et  la  chaleur 
du  jour,  viennent  quand  même  communier  à  la  messe  d'une  heure  de 
l'après-midi. 

Salut  aussi  en  passant  à  ces  soldats  qui  profitant  de  leur  vingt-<juatre 
heures  de  congé  ])assent  la  nuit  d'adoration  à  la  Basili<iue  de  ^lontmartre 
et  communient  avant  de  reprendre  leur  service.  Que  dire  des  jeunes 
enfants  du  peuple  qui  affrontent  jusqu'à  la  colère  de  leur  famille  sans 
Dieu,  pour  aller  recevoir  le  Divin  Maître  ? 

Mouvement  grandiose  accentué  encore  par  des  pèlerinages  d'hommes 
dans  des  sanctuaires  où  la  communion  est  la  douce  et  première  récom- 
pense des  fatigues  endurées;  retraites  fermées  dans  lestjuelles  l'ouvrier 
et  l'homme  d'affaires  peuvent  jouir  plus  tranquillement  encore  des  dou- 
ceurs d'une  bonne  communion. 

Voilà.  Mopsiours,  ce  que  j'ai  constaté  à  l'étranger,  en  .\llemagne,  en 
Belgifiue  comme  en  France  et  l'héroïsme  pratiqué  en  certaines  occasions 
me  ferait  presque  demander  pour  ceux  qui  s'émancipent  <le  notre  reli- 
gion, un  peu  de  cette  persécution  qui  fait  des  héros,  comme  autrefois 
elle  fiiisiiit  dos  martvrs. 


—  862—      • 

Kt  cependant  ne  rono-issDiis  pas  du  mouvement  commencé  dans  notre 
chère  patrie,  il  est  difriio,  prospère  et  entraînant. 

Je  me  souviens  parfaitement  qu'il  y  a  trente-cinq  ans  on  voyait  aux 
irrandes  fêtes  seulement  les  honimes  s'approcher  de  la  Sainte  Table; 
fa  communion  des  enfants  était  rare  et  les  parents  n'étaient  pas  préoc- 
cupés de  cela  ])endant  leurs  vacances. 

Les  temps  sont  heureusement  changés:  Dès  le  matin,  à  l'ouverture  de 
nos  églises,  des  hommes  viennent  sur  semaine,  demander  le  pain  des 
forts  Tuotre  jeunesse  s'est  aussi  réveillée  sur  ce  point  et  de  sa  propre 
initiative  s'approche  des  sacrements.  Nous  prêtres  nous  savons  quel 
i-ôle  important  remplissent  les  dévotions  du  premier  vendredi  de  chaque 
mois  et  combien  cette  semaine  entière  est  une  semaine  de  communion 
paroissiale.  Ce  sont  là  des  faits  acquis  à  la  dévotion  Eucharistique  de 
notre  Patrie. 

Ce  courant  nous  a  donc  saisis  comme  le  reste  de  la  chrétienté,  nous 
V  sommes  entraînés  et  le  sang  d'un  Dieu  fait  de  plus  en  plus  de  notrs 
race  un  peuple  dont  le  sang  sera  tellement  divinisé,  qu'il  faudra  ainsi 
que  pour  la  France  des  siècles  de  persécutions  avant  de  le  refroidir  dans 
son  zèle  et  son  esprit  de  sacrifice. 

Et  vous  êtes  ici  pré-ents,  pères  de  famille,  ouvriers  chrétiens,  pour 
accélérer  ce  grand  uiouvement  et  le  rendre  encore  plus  puissant  par  des 
résolutions  pratiques.  Ville-Marie  ressemble  en  ce  moment  à  un  im- 
mense autel  que  tout  un  peuple,  comme  pour  l'Arche  d'autrefois,  veut 
porter  en  triomphe,  et  si  ce  fut  un  trait  de  génie  de  la  part  de  la  Pa- 
])auté  de  transformer  le  Panthéon  en  un  temple  chrétien  et  d'un  geste 
su'linie  de  le  pi'ésenter  au  ciel  avec  les  hommages  de  tous  les  saints  et 
de  tous  les  martyrs,  c'est  un  beau  geste  aussi,  Monseigneur,  que  celui 
qui  fait  de  notre  cité  un  reposoir  et  du  Mont-Eoyal  un  piédestal  pour  le 
Très  Saint-Sacrement. 

Et  puis,  enfin,  j'admire  encore  un  autre  fait  merveilleux  capable  d'ex- 
citer la  dévotion  des  masses:  C'est  bien  la  Vierge-Marie  qui  apparait 
à  Bernadelt'.',  Marie  qui  demande  des  prières,  Marie  qui  fait  des  mi- 
racles et  attire  des  foules,  mais  une  fois  les  pèlerinages  organisés,  la  dé- 
votion du  Sanctuaire  de  Lourdes  popularisée,  la  Peine  du  Ciel  en  fait 
])onunage  à  son  Divin  Fils;  la  procession  du  Très  Saint-Sacrement  est' 
établie,  Jésus-Hostie  a  sa  marche  triomphale  de  soixante  mille  hommes 
et  désormais  c'est  moins  à  la  Grotte  que  sur  son  passage  que  les  miracles 
se  font,  la  Mère  a  préparé  les  triomphes  du  Fils. 

.Ainsi  M.  do  Maisonneuvc  fonde  Ville-Marie,  la  Vierge  en  accepte 
l'hommage,  elle  en  suit  toutes  les  péripéties,  sa  figure  souriante  illumine 
chaque  page  de  son  histoire,  sa  main  puissante  la  protège  contre  l'Iro- 
qnois  et  contre  l'Amrlais  dévastateur.  Plus  tard  elle  lui  garde  la  foi, 
\n  [tiété  et  la  liberté  religieuse,  elle  lui  donne  en  plus  une  prospérité 
que  les  villes  fondées  au  Canada  avant  1642  n'ont  pas  ])u  encore  atteindre 
et  lorsfpi'cnfin  c'est  une  cité  de  plus  de  cinq  cent  mille  âmes,  elle  se 
tourne  vers  son  adorable  Fils  et  elle  lui  dit:  Elle  est  à  toi!! 

Oui  marche  demain  dans  un  cortège  triomphal  et  sans  pareil,  passe 
dans  ces  mes  qui  retentissent  de  VHomnna  Filio  David.  J'ai  préparé 
ton  règne  dans  les  cœurs,  ils  ont  faim  et  soif  de  ta  chair  et  de  ton 
sang  et  si  ma  ville  df  prédilection  est  devenue  un  sanctuaire,  mes  en- 


—  SG3  — 

fants  sont  les  tal)cTn;.cles  vivants  de  ta  Divinité.  c"est  le  jour  de  ton 
triomphe  après  tant  de  Gethsémanie,  après  le  Calvaire.  C'est  la  mon- 
tagne de  la  transfiguration  j)Our  ce  peuple  du  Canada  en  t|ui  tu  a?  mis 
toutes  tes  complaisiinces. 

Donc  en  terminant,  j'émets  le  voeu,  que  de  plus  en  plus  nos  ouvrier'^ 
assistent  sur  semfdne  aux  messes  matinales  pour  //  communier  et  que 
dans  les  réunions  d'hommes,  sociétés  et  autres,  les  clKi/iclains  et  aumô- 
niers fassent  de  fréquents  appels  à  la  Communion:  pain  de  l'ouvrier. 


LES  RETRAITES  FERMEES 

Par  le  Eév.  P.  Jacques  Dugas.  Directeur  des  retraites  fermées. 
Monseigneur,  Messieirs, 

Avant  1909,  cette  œuvre  providentielle  entre  toutes,  qui  a  opéré  tanr 
de  bien  en  Eurojje  au  seizième  et  au  dix-septième  siècle,  qui  a  conservé 
à  la  Bretagne  le  ferveur  de  sa  foi,  qui  a  sauvé  de  nos  jours  la  catholiqu»? 
Belgique,  qui  va  sauver  la  douce  Fiance,  que  tous  les  connaisseurs 
d'œuvres,  évêques,  prêtres,  religieux  de  tout  ordre,  laïques  de  toutes 
conditions,  s'accordent  à  louer  comme  une  pépinière  de  saints,  le  foyer 
par  excellence  de  l'apostolat  social  catholique,  l'école  de  guerre  pour  les 
hommes  d'œuvres  et  les  catholifpies  militants,  l'œuvre  des  retraites  fer- 
mées, était  inconnue  au  milieu  de  nous. 

Pour  nous  la  faire  connaître  et  apprécier,  pour  l'introduire  au  pays, 
Dieu  se  servit  d'un  jeune  religieux  de  la  Compagnie  de  Jésus,  le  Père 
Joseph  P.  Arclunnhault. 

Il  y  a  juste  un  an,  ce  jeune  Père,  après  avoir  pul)lié  ])lusieurs  articles 
dans  le  "  Semeur,"  donné  plusieurs  conférences  dans  différents  cercles  de 
r.V.  C.  J.  C.  et  organisé  pour  la  jeunesse  catholifjue  de  ^fontréal  et  de 
QuéI)Oc  les  trois  première^  retraites  fermées  au  Canadîi.  ])ul»liiiit.  avc^ 
r;ipprol)ation  du  délégué  a|)ost<ili(iue  et  de  tous  les  évêipies  canadiens- 
français,  son  Qpusculc  "  T/(cuvre  qui  nous  sauvera."  Les  soixante  ec 
(iuinze  pages  de  ce  petit  livre  méritèrent  même  à  l'auteur  les  félicitations 
de  Pie  X.     Lisez-les  et  faites  les  lire. 

.Vu  mois  de  déicnilire  dernier,  le  premier  c  ongrès  des  T  igues  du  Sacré- 
Cœur  offrit  il  l'auteur  rie  ces  i)ages  une  l  elle  occasion  d'exposer  aux  cinq 
cents  directeurs  et  chefs  de  groui>e>  réunis  dans  le  soulia-^sriuent  de 
TTiMiitaculée  Concet)tion  les  bimfaits  de  l'œuvre.  Sfi  Grandeur  ^^;,M• 
Pnichési  appuya  très  fort  sur  le  caractère  providentiel  des  retraites  fer- 
mées, loua  en  termes  très  paternels  leur  jeune  initiateur  au  C'nnnda.  et 
l'iissura  que  l'œuvre  avilit  son  entière  approbation  et  ses  meilleures  béné- 
dictions. 

Dans  son  rapport  même,  le  jeune  conférencier  annonçait  la  fonnation 
d'un  comité  des  retraites.  Ce  (omit''  ('«Vida  d'acce|iter.  jour  cette  ;innée. 
l'offre  des  l.'R.  VV.  .lésuites  de  prêter  la  villa  T.a  Bro<nierie  de  Buucher- 


—  864  — 

ville  connue  ^berceau  de  nos  retraites.  Il  s'occupa  aussi  de  trouver  les 
fonds  nécessaires  pour  transformer  le  vieux  manoir  seigneurial  et  le 
cottage  adjacent  en  un  nouveau  Cénacle.  Les  membres  du  Comité  se 
taxèrent  les  premiers  ;  deux  personnes  charitables  donnèrent  chacune  une 
aumône  très  généreuse,  plusieurs  autres,  parmi  lesquels  je  dois  remercier 
particulièrement  les  messieurs  du  séminaire  de  Saint-Sulpice,  la  Eévé- 
rende  Mère  générale  des  Sœurs  de  Sainte  Anne,  ainsi  que  les  recteurs 
et  supérieurs  des  différentes  maisons  de  la  Compagnie  de  Jésus,  répon- 
dirent à  l'appel  du  comité  par  de  précieuses  largesses. 

La  Broquerie  rajeunit  sous  les  coups  des  pinceaux,  transforma  ses 
trop  7nodestes  cellules  et  reçut  tout  un  mobilier  nouveau. 

Déjà  onze  retraites  fermées  ont  eu  lieu  dans  ces  vieux  murs  élevés 
en  1668  par  le  grand  chrétien  que  fut  le  Sieur  Boucher,  fondateur  de 
Bouchenàlle.  Onze  groupes  différents  :  médecins  de  la  promotion  de 
1910;  prêtres  directeurs  des  Ligues  du  Sacré-Cœur;  chefs  de  groupes; 
Association  Catholique  de  la  Jeunesse  Canadienne-française;  ouvriers, 
avocats  et  notaires  ;  présidents  des  conférences  de  saint  Vincent  de  Paul  ; 
retraite  générale  pour  médecins  ;  industriels,  marchands  et  hommes  d'af- 
faires, jeunes  gens  sont  venus  prier  là  où  la  V.  Marguerite  Bourgeois  fit 
jadis  l'école,  le  P.  Jacques  Marquette  baptisa  une  petite  indienne  et  Mgr 
Taché  passa  sa  jeunesse. 

La  discrétion  me  défend  de  publier  les  actes  édifiants  des  cent  cin- 
quante et  plus  retraitants  de  Boucherville.  Je  n'ose  dire  par  exemple, 
combien  de  fois,  visitant  de  cellule  en  cellule  ces  nouveaux  solitaires,  3e 
les  trouvai  baignés  de  larmes  au  pied  du  crucifix,  combien  de  fois,  le 
président  de  la  prière  fut  obligé  de  passer  le  livre  à  son  voisin  à  cause 
de  Téniotion  qui  le  gagnait,  voire  même  le  lecteur  à  table  d'une  biogra- 
phie trop  touchante;  combien  de  fois  j'ai  admiré  ces  jeunes  gens,  ces 
hommes  d'affaires  ou  de  professions  libérales,  habitués  à  la  vie  la  plus 
active  sinon  plus  tapageuse,  qui  s'astreignaient  au  silence  le  plus  strict. 
Dieu  seul  connaît  toutes  les  grâces  dont  il  a  récompensé  tant  de  piété 
et  de  générosité. 

Pourtant  les  passagers  du  Boucherville  ne  peuvent  s'empêcher  de 
remarquer  la  joie  débordante  qui  rayonne  sur  toutes  ces  figures  de  retrai- 
tants et  ils  se  demandent,  comme  les  amis  et  les  proches  de  nos  nou- 
veaux Paul,  quels  charmes  ou  quelle  magie  les  pères  jésuites  emploient 
pour  transformer  ainsi  des  âmes  de  tout  âge  et  de  tout  rang. 

Ces  charmes,  Messieurs,  sont  ceux  des  vérités  éternelles,  cette  magie 
est  celle  des  Exercices  de  saint  Ignace.  Ces  charmes  et  cette  magie, 
charmes  et  magie  du  silence  et  de  la  solitude  mêmes. 

J'avoue  ingénuement,  quant  à  moi,  que  cette  efficacité  magique  de3 
retraites  pour  former  "  des  catholiques  généreux  et  intrépides  dans  la 
défense  de  la  religion"  (Card.  Merry  del  Val)  ne  m'étonne  aucunement. 
Un  instant  de  réflexion  me  suffit  pour  trouver  ces  conversions  du  mal 
au  bien,  et  du  })ien  au  mieux,  ces  transformations  de  pécheurs  en  saints, 
toutes  naturelles. 

Pour  moi,  rien  de  plus  naturel  au  monde  qu'un  chrétien,  qui  entra 
dans  la  retraite  avec  un  grand  cœur  et  une  grande  générosité  envers  son 
Créateur  et  qui  cherche  avec  bonne  volonté  le  fruit  propre  à  chaqu-:; 
exercice,  comme  si  tout  le  bien  de  sa  retraite  dépendait  de  ce  seul  exer- 


—  86.")  — 

cice,  trouve  clans  sa  solitude  d'abord  un  purgatoire  d'amour  où  il  se  pu- 
rifie et  se  dégage  non  seulement  de  ses  péc-hés,  mais  de  toutes  ses  atîec- 
tions  désordonnées,  puis  un  séjour  de  lumière,  puis  enlin  d'union  et  de 
transformation.  Les  grandes  et  fondamentales  méditations  de  la  tin  de 
l'homme,  de  l'indilTérence,  des  péchés,  de  l'enfer  et  de  la  mort,  surtou' 
présentées  dans  Tordre  ignatien,  ne  peuvent  pas  ne  pas  purifier  une  àrm 
qui  s'y  livre  tout  entière.  .  .  D'autre  part,  les  contemplations  du  Règne 
de  Jésus-Christ,  de  sa  vie,  de  ses  souffrances,  de  sa  gloire  et  de  son 
amour,  ont  plus  d'efficacité  encore  pour  éclairer,  fortifier  et  embraser, 
que  les  premières  n'en  ont  eu  pour  purifier. 

^  Aussi  bien.  Messieurs,  depuis  la  Rédemption,  depuis  que  le  Verb-^ 
s'est  levé  sur  noti:e  pauvre  terre  pour  être  notre  lumière  et  notre  vie, 
depuis  que  le  sang  du  Fils  de  Dieu  a  coulé  sur  la  croix  et  inondé  l? 
monde,  ne  vivons-nous  pas  au  milieu  d'un  océan  de  grâces  ''  peîagus  f/ra- 
tianim"  (Clément  d'Alexandrie)?  N'est-ce  pas  par  amour  pour  nous 
que  Xotre-Seigneur  Jésus-Christ  est  présent  au  tabernacle,  et  les  mains 
pleines  des  dons  de  sa  miséricohdo,  toujoui-s  prêt  à  les  répandre  sur  nous/ 
Si  le  jansénisme  nous  avait  fait  oublier  ces  vérités,  la  dévotion  au  Sacré- 
Cœur  ne  nous  les  a-t-elle  pas  conmie  révélées  de  nouveau  ?  Le  Dieu 
qui  nous  aiiue  jusq\i'à  demeurer  pour  nous  sous  les  voiles  eucharistiques 
et  avec-  <|ui  nos  ictraitnnts  viennent  passer  trcis  jouiïi  (omplcts. — "  A'enez 
avec  moi  dans  la  solitude  et  rej)osez-vous  un  peu  '' — ce  Dieu,  dis-je,  com- 
ment ne  leur  ferait-il  pas  à  eux  surtout,  selon  sa  ])romesse,  trouver  dans 
son  cœur  un  océan  infini  de  miséricorde  ?  S'il  est  bon  pour  tous  ceux 
qui  espèrent  en  Lui.  pour  toute  jîme  qui  le  cherche,  pourrait-îl  n'être 
pas  bon  ))our  ces  co'urs  généreux  qui  ([uittent  tout  ]iour  venir  Le  trouver 
à  l'écart  et  puiser  dans  ses  plaies  les  eaux  de  la  vie  éternelle  ? 

Cessons  de  nous  étonner  et  remercions  le  Sacré-C«rur  de  uoiis  avoir 
découvert  un  pareil  moven  de  sanctification  et  de  salut. 
Je  réfute  une  objection  et  je  femiinc. 

"Très  bien,  très  bien  les  retraites  fermées!  mais  pourvu  (|u'elles  ne 
viennent  pas  en  conflit  avec  les  missions  ou  retraites  ))aroissialcs." 

Je  réponds  que  les  deux  œuvres  sont  tellement  distinctes  par  leur 
nat\ire  même.  —  une  mission  n'est  pas  une  retraite  "  A  mission  is  uot 
a  retreaf  ''  ''Mgr  Farley  au  P.  Shealey).  —  et  surtout  par  leur  b\it, 
qu'elles  no  peuvent  pas  plu-  se  nuire  que  le  courant  du  fleuve  Congo  no 
peut  arrêter  celui  du  Saint-Laurent. 

Ecoutez  ^fgr  l'évêque  de  T>iège.  La  (itation  n'est  pas  très  longue,  et 
elle  vient  si  à  propos. 

"  11  faut  nous  en  convaincre  tous:  pour  ramener  A  l'Ecrlise  les  indiffé- 
rents et  \i'<  éirarés,  le  prêtre  a  besoin  do  s'adjoindre  des  coopérateurs 
laïques.  C'est  une  fornu'  d'apostolat  que  justifient  et  qu'imposent  lo<« 
conditions  sociales  où  nous  vivons,  et  au-si  l'a-harnement  des  sectes  A 
propager  le  mal.  Parce  qu'ils  porteront  1(>  même  habit  <|ue  le  jieunlo 
et  lui  j)aileront  sa  lancruo.  ces  propagandistes  d»i  bien  iront,  par  l'action 
personnelle  d'homme  A  hoin"ie.  semer  li  Pxmno  Nouvelle  dans  des  n)i- 
iieux  devenus  pour  nous,  hélas!  A  peu  près  inaccessibles. 

"Or,  préparer  pour  iU)S  (ouvres  et  nos  [)aroisses  <•«•  noyau  ib*  zélafour^ 
et  d*apr)tres  laïques,  tel  e-t  l'objet  propre  do  la  retraite  fermée.     Nos 
paroissiens  sortent   do  la  pieuse  solitude  plus  convaincus  et  tout  pr?t« 
28 


—  866  — 

à  faire  partager  à  d'autres  le  bonheur  d'une  vie  chrétienne  renouvelée." 

Et  le  prélat  ajoute:  "Ces  fruits  de  la  retraite  fermée  distinguent 
suftisamnient  cette  œuvre  de  l'œuvre  également  louable  et  salutaire  des 
missions  paroissiales  et  prédications  similaires.  Ces  ministères  ne  peu- 
vent que  se  compléter  l'un  l'autre;  et  souvent  la  retraite  fermée,  fait» 
par  quelques  paroissiens  choisis,  sera  la  préparation  la  plus  eflicace  à  la 
mission." 

Messeigneurs  les  évêques.  Messieurs  les  curés  et  Messieurs  les  vicaires, 
des  coopérateurs  laïques,  des  propagandistes  du  bien,  des  zélateurs  et  des 
apôtres  laïques  qui  porteront  la  Bonne  Nouvelle  dans  des  milieux  de- 
venus pour  vous,  hélas  !  à  peu  près  inaccessibles,  voilà  ce  que  nous  vou- 
lons vous  donner,  à  vous  nos  pères  bien-aimés,  à  vous  nos  frères  dans 
le  sacerdoce,  ou  plutôt  à  la  sainte  Eglise  notre  mère,  à  notre  Koi  étemel 
Jésus-Christ. 

Ces  coopérateurs  laïques,  ces  propagandistes  du  bien,  ces  zélateurs  et 
ces  apôtres  laïques,  ce  ne  sont  pas  les  missions,  mais  les  retraites  fer- 
mées qui  vous  les  donneront,  qui  vous  les  formeront. 

Elles  ont  déjà  commencé  à  vous  en  forger  une  couple  de  cents.  Elles 
sont  déjà  dans  la  Nouvelle  France,  comme  dans  l'ancienne,  des  pépi- 
nières d'apôtres,  des  centres  et  des  foyers  de  régénération  religieuse  et 
sociale. 

Aidez-nous,  Messeigneurs,  Messieurs  du  Clergé,  catholiques  fidèles,  à 
établir  ces  foyers  et  fournissez-nous  des  retraitants. 

Aidez-nous  de  vos  deniers,  vous  que  Dieu  a  faits  riches  des  biens  de 
la  terre,  afin  que  nous  bâtissions  bientôt  grand  et  solide  ;  aidez-nous  tous 
en  vous  faisant  les  recruteurs  de  nos  retraites. 


—  867  — 


CHAPTER  IV 


ENGLISH   SECTION 


Thursday,  September  8tli. 


GENERAL  MEETINGS. 


THE  HOLY  EUCHARIST  AND  MODERN  UNBELIEF. 

BY 
RIGHT  REVEREND  BISHOP  McDONALD 

Victoria,  B.C. 


THE  subject  assignée!  to  me  is  "  The  Holy  Eucharist  and  Modem  Un- 
belief."  The  Holy  Eucharist  is  a  sacrifice  as  well  as  a  sacrament; 
primarily,  it  is  a  sacrifice.  Modem  Unbelief,  like  ohltime  unbelief,  niay 
be  classed  as  absolute  and  relative, — relative,  tliat  is,  to  the  mystery  of  the 
Eucharist.  With  this  latter  form  of  unbelief  alone  \ve  are  concerned, 
and  I  am  going  to  consider  it  only  as  it  relates  to  the  Eucharist  in  its 
sacrilicial  aspect. 

A  large  body  of  professing  Christians,  taking  their  stand  especially 
on  the  Epistle  to  the  Hebrews,  maintain  that  the  Holy  Eucharist  is  not 
a  sacrifice.  They  reject  the  Mass,  as  their  fathers  in  this  fonn  of  un- 
belief first  rejected  it  sonie  four  hundrcd  vears  ago.  Thev  lay  stress  on 
the  words  of  ^he  Apostles  that  "  Christ  was  offered  once  "  (Heb.  9 :  28), 
and  "  offering  one  sacrifice  for  sins,  for  ever  sitteth  on  the  right  hand 
of  fiod,  from  henocforth  expecting,  until  His  enemies  be  inade  His 
footstool.  For  bv  one  ohlation  He  hath  perfcctod  for  ever  then»  that 
are  sanctified."  (Ib.  10:  13,  14).  On  thèse  and  like  passages  on  this 
Epistle  they  build  their  déniai  of  the  Holy  Mass. 

It  is  not  iny  purpose  to  dwcU  upon  the  Scriptural  proof  of  tlu-  Eu- 
charistie Sacrifice.     It  lies  in  ail  the  nianuals  of  Catholic  Theology,  and 


—  868  — 

he  who  i-iiiis  may  road.  My  purpose,  rather,  is  to  show  not  only  that 
Catholic  belicf  règarding  the  Eudiaristic  Sacrifice  is  consonant  with  the 
doctrine  of  the  One  Offering  as  laid  down  in  the  Epistle  to  the  Hebrews, 
but  that  the  Eudiaristic  Sacrifice  is  no  other  than  the  One  Offering  con- 
sununated  by  Christ  on  Calvary. 

Sacrifice  is  the  suprême  act  of  external  worship.  From  the  cradle  of 
the  race  it  was  oiïered  to  God,  but  not  till  the  time  of  Moses  did  God 
TTimself  give  Ilis  chosen  people  the  law  and  ritual  first  in  tent  and 
tabernacle,  and  later  in  the  temple,  till  the  new  convenant  with  the  new 
people  of  God  came  into  force. 

St.  Paul  ex.pressly  tells  us  that  the  sacrifices  ofïered  by  the  Jewish 
priests  were  the  types  and  shadow  of  the  heavenly  things  (Heb.  8;  5), 
and  that  the  law  had  the  shadow  of  the  good  things  to  corne  (Ib.  10;  1), 
that  is,  of  the  one  perfect  and  external  Sacrifice  that  was  offered  by 
Christ,  together  with  the  sacraments  that  drew  their  virtue  from  it.  Be- 
tween  the  sacrifices  of  the  Old  Law  and  the  One  Sacrifice  of  the  New 
there  is  the  express  relation  of  type  and  antitype.  So  the  Christian 
Church  bas  always  understood.  Thus  St.  Augustin  déclares  that  "  God 
clearly  foretold  by  the  mouths  of  the  Hebrew  prophets  that  there  should 
bc  an  end  of  the  sacrifices  which  the  Jews  offered  to  shadow  forth  the 
the  one  that  was  to  be,  and  that  this  One  Sacrifice  the  Gentiles  should 
offer  from  the  rising  of  the  sun  to  its  going  down  ''  (De  Civ.  Dei,  I.  20, 
c.  23,  n.  5)  ;  and  again  that  "  the  former  sacrifices  of  whatever  kind  were 
figures  of  that  which  the  faithful  know  in  the  Church  "  (Cont.  Adv.  Leg. 
et  Troph.,  T. T.,  c.  18).  So,  too,  the  Council  of  Trent  teaches  that  the 
Eucharist  Sacrifice  "  was  prefigured  by  the  various  tyipical  sacrifices 
of  the  law  and  of  the  time  before  the  law  "  fSess.  xxi.  De  Sacrif.  Mis- 
sae,  c.  I).  The  grcat  bulk  of  those  typical  offe rings,  it  is  to  be  observed, 
wero  niado  in  the  blood  of  animais,  and  cxpresslv  shadowed  forth  the 
bloody  immolation  on  Calvarv. 

I  bave  said  that  (Jod  llimsolf  commandcd  the  ]ieo])le  of  old  to  ofïer 
sacrifices,  and  that  TTe  prescribed  the  rites.  Thèse  are  contained  in  the 
Book  of  Leviticus.  In  the  ritual  directions  there  given,  fbur  things 
siand  out  prominciilly  :  (1)  the  offerina;  and  consécration  of  the  living 
victim  :  (2)  tlu»  immolation  or  sacrifieial  slaying  of  the  victim  ;  (3)  the 
offering  or  handling  over  to  God  of  the  victim  slain,  by  the  sprinkling  or 
pouriii"  out  of  it.s  blood  round  the  altar  or  the  consuming  of  its  flesh 
bv  firo;  ( \)  the  sacrifieial  meal,  or  foast  npon  the  sacrifice.  The  first 
offering  of  the  victim  was  made  al  the  door  of  the  tabernacle  by  the 
owner  of  the  animal,  or  by  the  priest,  who  laid  his  hand  upon  the 
animaTs  hcad.  Tn  the  case  of  sin-offerino-s,  the  animal  was  slain  by 
the  sinnor  for  whom  the  victim  was  offered.  The  second  offering,  that 
is  to  say,  the  offering  of  the  victim  as  slain,  was  always  made  bv  the 
priest.  We  tlius  see  that  the  law  of  sacrifice,  as  laid  down  by  God  Him- 
self,  rofjuires  that  the  twofold  offering  of  the  victim,  namely,  the  one 
l»off)re,  the  one  after  the  immolai  ion,  should  be,  like  the  immolation, 
external  atul  sensible.  And  Ibis  re(|uir(!ment  is  rooted  in  the  very  nature 
of  sacrifice  as  an  act  of  external  worsliip. 


—  800  — 

So  nuich  lor  tlie  type  :  let  us  now  conio  to  tlu'  amity|)e.  An<l  Ici  iià 
not  for^ret  that  it  was  He  wlio  gave  tlie  law  of  saeritice  to  tlie  Hel)re\v 
people  who  was  afterwards  found  in  fasltion  as  a  niaii  aiul  i'ultilled  ihe 
law  by  tlic  offerino:  of  Ilimself  as  a  raiisom  for  inany.  At  tlie  very  mo- 
nient  of  the  Inearnation  Ile  made  internai  olîeiing  of  His  .Sacrifiée,  as 
it  is  written:  "  Sacrifice  and  oblation  thon  wouldst  not,  but  a  body  tbou 
hast  fitted  to  me,  then  said  :  Behold  I  am  conie  :  iu  tlie  bead  of  tbe  book  it 
is  written  of  me:  tliat  I  sbould  do  Tliy  will,  0  God."  (Heb.  10. ô.)  When 
and  where  did  Ile  make  the  external  and  strietly  sacrificial  ofîering  of 
it?  When  his  hour  was  come.  On  the  eve  of  the  Passion,  when  Ile 
reclined  at  table  with  the  Twelve,  He  cousecrated  Himself  a  Victim  for 
the  Sacrifice,  saying:  '' This  is  My  body  which  is  given  for  ^•()U  ;  "  "■  this 
is  My  blood  which  is  shed  ont  for  you."  The  Greek  tense  of  both  cases  is 
the  présent,  but  the  action  looks  onward  to  the  morrow's  immolation  on 
Calvary.  So  the  Vulgate  in  the  second  case  has  the  future;  and  so  tlie 
doing  again  of  the  same  thing  that  Christ  did  is  declared  by  St.  Paul  to 
the  "  the  showing  fortli  of  the  Lord's  deatli  till  He  corne."' 

That  the  external  ofFering  of  the  One  Sacrifice  of  the  Xew  Law  was 
made  at  the  last  Supper  foUows  froni  the  fact  that  it  was  made  no- 
where  else;  not  before  then,  for  the  time  to  ofîer  the  Sacrifice  was  not 
come;  not  after,  for  there  is  nothing  that  resembles  it  in  any  of  the 
events  that  followed  in  the  course  of  Our  Lord's  Passion,  and  the  cruci- 
fixion was  the  immolation  of  the  Yictim,  not  the  external  ofîering. 
Xeither  is  there  aught  in  ail  that  the  Divine  Victim  said  or  did  on  the 
cross  which  can  be  construed  as  an  external  offering,  or  at  ail  corres- 
ponds to  the  cérémonial  ofîering  and  consécration  of  the  living  victim 
in  the  Old  Law.  We  must,  therefore,  conclude  that  the  consécration  of 
His  Body  and  Blood,  which  our  Divine  Lord  made  at  the  Last  Supper, 
was  the  external  ofîering  of  His  Sacrifice,  and  is  to  be  reckoned  as  con- 
stituting  with  the  bloody  immolation  on  Canvary  the  One  Sacrifice  of 
the  New  Law.  Thus  does  the  antitype  correspond  to  its  type,  for  Our 
Lord  wa.-:  at  once  the  owner  of  the  Victim  ofîered,  which  was  His  own 
Body,  and  tbe  Priest  of  the  Sacrifice,  also;  the  sinner  slow  tb»-  A'ictiiii, 
the  Priest  ofîered  the  Sacrifice. 

Consider,  moreover,  that  our  Divine  Lord  offered  His  One  Sacrifice 
as  Priest  fo rêver  after  the  order  of  Melchisedec,  for  so  the  Apostle  ex- 
pressly  déclares.  Introducing  Our  Ix)rd  as  Priest  forever  after  the 
order  of  Mechisedec,  he  goes  right  on  to  .speak  of  ilis  ''  one  ofîeiiiig,"' 
which  is  that  on  Calvary,  giving  lis  to  understand  that  the  Melchisedec 
type  of  sacrifice  was  fulfilled  in  tlie  oblation  that  was  consumniated  on 
the  cross.  He  thus  identifies  the  Eucharistie  Sacrifice  with  that  of  Cal- 
vary, which  is  what  we  sbould  expect;  for  the  Eucharistie  Sacrifice, 
though  after  the  Melchisedec  type  in  the  fomi  of  its  ofîering,  was  fin- 
ished  on  Calvary.  and  was  made  a  sacrifice  by  the  death  of  the  A'ictiin 
on  the  cross.  Clirist's  one  oidation  gets  its  title  of  Eucharistie  from  the 
form  of  its  ofîering,  its  nanie  of  the  Sacrifice  of  Calvary  from  the  place 
of  its  consummation.  Were  the  Eucharistie  Sacrifi<e  otlier  than  that 
of  Calvary,  a  distinct  oblation  containiiig  witliin  itscif  ail  thr  cicments 
of  a  real  sacrifice,  the  Apostle  could  not  bave  associated,  as  he  dues,  tlie 


—  sro  — 

eterual  priesthood  after  the  order  of  Melchisedec  with  the  bloody  immo- 
lation ou  Calvary;  nor  could  the  Christian  Church  hâve  traced,  as  she 
has  ever  donc,  lier  Sacrifice  to  Calvary,  but  rather  to  the  Cénacle,  and 
only  to  tlie  Cénacle. 

Let  us  look  a  little  deeper  into  this  matter.  The  very  notion  of  sa- 
crifice involves  two  things,  priest  and  victim.  Our  Lord  is  at  once  the 
Priest  and  Victim  of  His  Sacrifice.  As  Priest,  He  offers  Himself  ;  as 
Victim,  He  is  olîered  and  immolated.  We  thus  fiud  in  His  Sacrifice,  as 
in  every  sacrifice,  an  active  and  a  passive  élément.  But  it  is  the  active 
élément,  or  action  of  the  priest,  that  gives  its  spécifie  character  to 
sacrifice.  That  is  which  transforms  what  would  be  in  itself  but  the 
slaying  oî  an  animal  into  the  suprême  act  of  religious  vs^orship.  Where, 
then,  did  the  action  of  Christ's  Sacrifice  hâve  place?  At  the  Last 
Supper,  and  only  at  the  Last  Supper.  Whether  the  bloody  immolation 
on  Calvary  would  hâve  been  by  itself  and  in  itself  a  true  sacrifice,  I  mean 
independently  of  what  took  place  at  the  Last  Supper,  is,  for  us,  a  purely 
académie  question.  We  are  concerned  with  what  actually  happened,  and 
what  actually  happenned  was  this  :  Jesus-Christ  instituted  in  due  ritual 
form  His  Sacrifice  at  the  Last  Supper,  and  took  measures  to  perpetuate 
the  institution.  There  He  made  the  sacrificial  ofîering  of  His  Body  and 
Blood;  there  He  bore  the  part  of  Priest  forever  according  to  the  order 
of  Melcliisedec,  the  word  "  order  "  being  taken  in  its  full  and  formai 
sensé  to  signify  both  dignity  and  rite;  there  He  appointed  men  to  do 
that  same  thing  which  He  did,  for  a  mémorial  of  Him.  Then,  the  rite 
being  donc  and  over,  laying  aside  His  priestly  dignity,  He  Avent  forth 
in  His  character  of  predestined  Victim,  suffered  Himself  to  be  led  as  a 
lamb  to  the  slaughter,  and  so  finished  on  Calvary  what  was  begun  in  the 
upper  room.  He  offered  as  Priest,  and  Priest  forever  after  the  order  of 
Melchisedec  ;  He  suffered  as  Victim,  as  the  lamb  that  was  "  slain  from 
the  foundation  of  the  world."  He  was  not  yet  actually  Victim  when  He 
made  the  offering;  He  was  less  than  Priest,  yea,  in  the  words  of  the 
Prophet,  '"'  a  worm  and  no  man,"  when  he  finished  the  Sacrifice.  True, 
He  was  Priest  on  Calvary  and  Victim  in  the  upper  room,  but  in  a  ma- 
terial  ratber  than  formai,  in  a  virtual  rather  than  actual  sensé.  To 
speak  of  what  was  uppermost  in  each  case,  He  was  Priest  in  the  Cénacle 
and  Victim  on  Calvary.  Therefore  He  offered  His  Sacrifice  truly  and 
literally  a.?  Priest  forever  according  to  the  order  of  Melchisedec.  We 
may  not  divorce  the  action  of  the  Last  Supper  from  the  Passion  and 
Death  which  followed  in  virtue  of  it,  that  is  to  say,  in  virtue  of  the  volun- 
tary  and  visible  offering  of  Himself  as  Victim  to  be  slain  for  sinners 
and  by  sinners,  which  our  Saviour  there  made,  for  that  His  hour  was 
corne.      What  God  hath  joined  togethcr  let  no  man  put  asunder. 

The  most  striking  figure  of  Christ's  Sacrifice  in  the  olden  time  was 
the  Pasch  or  Passover.  Our  Divine  Lord  first  kept  the  Jewish  Pasch 
the  ovoning  before  He  suffered,  and  then  instituted  His  own.  Like  the 
other  ritual  sacrifices  of  the  Old  Law,  the  Passover  included  as  an  in- 
tégral part  of  the  rite,  the  eating  of  the  flesh  of  the  victim,  in  the  feast 
iipon  the  sacrifice.  The  lamb  was  offered  and  slain,  and  its  flesh  was 
eatcn  with  unleavened  bread.     Tlie  relation  af  type  and  antitype  be- 


—  sri  — 

tween  it  and  the  Christian  Passover  requires  that  tlio  like  sliould  hâve 
place  also  in  tho  latter.  Therefore,  the  Supper  iormed  an  intégral  part 
of  the  Christian  Passover,  and  the  oitering  and  célébration  of  the  Body 
and  Blood  of  the  Victini,  which  took  place  at  the  Supper,  an  essential 
part  of  it  as  a  ritual  oblation,  and  the  immolation  on  the  cross  an  essen- 
tial part  of  it  as  a  true  and  real  sacrifice.  "  For  Christ  our  Pasch  is 
»lain,"  déclares  the  Apostle.  It  was  no  mystic  nor  moral  slawing  that 
made  the  Christian  Passover  a  true  and  real  and  visible  sacrifice  of  the 
Jewish  Passover.  The  real  death  of  Christ  upon  the  cross  must  be 
counted  in  with  the  offering  and  consécration  ol"  Ilis  Body  and  Blood 
at  the  Last  Supper  to  make  the  Christian  Pash  a  real  sacrifice,  just  as 
the  real  eating  of  the  Victim  under  the  fomi  of  unlea\'ened  bread  must 
be  counted  in  to  make  a  real  feast  upon  that  sacrifice.  Therefore,  not 
the  Last  Supper  alone  is  the  first  Christian  Passover,  for  the  lamb  is 
not  yet  slain  ;  nor  Calvary  alone,  for  the  lamb  there  slain  is  not  there 
offered  up  with  befitting  rites,  nor  given  as  food  under  the  fomi  of  iin- 
leavened  bread;  but  the  Last  Supper  together  with  Calvary  is  the  first 
Christian  Passover.  Mère  figurative  or  mystic  slaying  no  more  makes 
the  Christian  Passover  a  real  sacrifice  than  mère  figurative  or  mystic 
eating  of  the  lamb  makes  a  real  feast  upon  that  sacrifice.  Therefore, 
every  subséquent  Christian  Passover  corresponding  to  the  commemor- 
ative  Passover  of  the  Jews,  since  it  is  by  Christ's  institution  the  contin- 
uing  of  what  was  donc  once  for  ail,  must  reproduce  the  moment  of  Cal- 
rary  as  well  as  ot  the  moment  of  the  T^ast  Supper,  which,  because  of  the 
oneuess  of  the  sacrificial  action,  and  the  casual  connection  betwecn 
action  and  passion,  are  so  linked  together  as  to  form  not  two  moments 
but  one  onlv. 


We  are  now  in  a  position  to  see  how  the  Sacrifice  that  is  offered  in  the 
Church  from  the  rising  of  the  sun  till  its  going  down  is  essentially  one 
and  the  same  with  that  which  our  High  Priest  first  offered  by  Himself, 
what  time  He  trod  the  winepress  alone.  That  they  are  essentially  one 
and  the  same,  and  differ  onlv  in  the  manner  of  ofterinii,  is  the  faith  of 
the  Church  defined  at  Trent.  Sacrifice  in  the  formai  sensé,  as  I  hâve 
pointed  out,  is  an  action  —  the  action  of  the  priest  who  consc<rates  and 
offers  visibly.  Our  Lord  consecrated  and  offered  Himself  at  the  I^ast 
Supper  a  Victim  to  be  slain  :  He  now  consecrates  and  offers  Himself  by 
the  hand-  of  His  Priest  as  the  Victim  once  slain  ;  and  so  the  manner  of 
offering  differs.  But  the  offering  itself,  the  act  of  consécration,  is 
numerically  the  same  in  both,  and  so  the  Sacrifice  remains  numerically 
one  and  the  same.  Franzelin  cites  Card.  Cienfuegos  as  affirming  that 
the  sacrificial  act  on  the  cross  and  on  ail  the  altars  is  numerically  one. 
It  is  still  Christ  who  consecrates,  for  He  is  the  High  Priest  of  tho  Mass; 
the  ministering  priest  does  but  lend  his  hands  and  voice.  Nor  is  it  by 
virtue  of  the  new  action  that  Clirist  consecrates.  but  by  virtuo  of  the 
action  once  for  ail  performed  in  the  upper  room.  The  act  of  the  Ktenuil 
is,  like  Himself,  eternal,  and  has  everlasting  efficacy.  Christ's  action 
instituted  the  Sacrifice;  Christ's  action  perpétuâtes  the  Sacrifice.  The 
word  (hoc  est  corpus  meum),  says  St.  John  Chrysostom,  "once  spokon. 


O  i  li   

from  that  time  to  the  présent  arnd  unto  His  coming  perfects  thc  Sacri- 
fice on  e\erv  altar,*'  (ITom.  in  Prod.  Judae,  I.  6). 

Ah  !  words  of  tlie  olden  Thursdaj'  ! 

Ye  eorae  from  the  far  away  ! 
Ye  bring  us  the  Friday's  Victim 

In  liis  own  love's  oklen  way. 
In  the  hand  of  the  Priest  at  the  altar 

His  heart  fînds  a  home  cach  dav. 

(Father  P3'an.) 

The  'Word  of  God  spoke  at  the  lirst  institution  of  things,  and  things 
came  into  being,  and  tlie  universe  continues  to  be  by  virtue  of  the  Word. 
The  Word  of  God  spoke  at  the  institution  of  our  Sacrifice,  and  the  Sacri- 
fice came  into  being,  and  the  Sacrifice  continues  to  be  by  virtue  of  the 
Word.  And  so  tlie  Holy  Mass  prolongs  forever,  and  présents  daily  on 
every  altar  from  the  rising  to  the  setting  of  the  sun,  both  the  Sacrifice  of 
Calvary  and  the  feast  upon  the  Sacrifice.  Therefore  the  doctrine  of  the 
One  Ofïering,  as  laid  down  in  the  Epistle  to  the  Hebrews,  stands  firm 
on  the  foundation  which  Christ  Himself  laid  for  it  in  the  Last  Supper. 
He  is  Priest  forever  after  the  order  of  Melchisedec,  forever  olîering  His 
sacrifice  under  the  form  of  bread  and  wine  upon  our  altars.  "  The  Sa- 
crifice which  is  ofiered  daily  in  the  Church,"  says  St.  Thomas  of  Aquin, 
"  is  not  other  than  the  sacrifice  which  Christ  Himself  ofîered  "  (3a.  q. 
22,  a.  3,  .id  2).  And  even  more  plainly  for  the  same  purpose,  Peter  the 
Vénérable  :  "  It  is  not  that  a  différent  sacrifice  is  ofîered  now  from  that 
which  then  was  ofîered,  but  that  whereof  it  is  said,  Christ  was  ofl^ered 
once  (Heb.  9  :28),  He  left  to  His  Church  evermore  to  be  ofîered  up  " 
(Migne,  P.L.,  lom.  179,  p.  198).  This  is  the  unchanging  faith  of  the 
Church,  though  it  has  been  somewhat  obscured  in  some  minds  by  the 
mists  of  fheological  spéculation.  Let  me  cite  two  passages,  one  from 
(Jardinai  Xewman,  another  from  Cardinal  Manning,  which  witness  to 
this  unchanging  faith  : 

"  Such  a  sacrifice,"  writes  the  former,  in  his  Méditations  on  Christian 
Doctrine,  "  was  not  to  be  forgotten.  It  was  not  to  be  —  it  could  not  be 
—  a  mère  event  in  the  workl's  history,  which  was  to  be  donc  and  over 
and  was  to  pass  away  except  in  its  obscure,  unrecognized  effects.  If 
that  grcat  deed  was  what  we  expect  it  to  be,  what  we  know  it  is,  it  niust 
rcmain  présent,  thougii  past;  it  must  be  a  standing  fact  for  ail  time. 
Yes,  my  Lord,  ihough  Thou  hast  left  the  world,  Thou  are  dailv  ofîered 
up  in  the  Mass  "  (Ed.  of  1893,  p.  40G).  Cardinal  Manning's  testimony 
is  even  more  explicit  and  himinous:  "  When  (Christ)  said,"  he  Avrites, 
"'This  is  My  body"  and  'This  is  My  blood,'  He  instituted  the  Holy 
Sacrifice;  and  when  He  sain,  'Do  this  in  commémoration  of  Me,'  He 
fonsecrated  His  Apf.stics  to  be  Priests,  to  ofîer  forever  that  same  sacri- 
fice of  Himsr-lf.  'JMicrcfore,  what  the  Church  ofîers  day  by  day  is  the 
continuance  of  that  same  divine  act  which  Jésus  at  that  hour  began.  It 
is  nothing  new,  notliing  distinct  from  it,  notJiing  added  to  it,  for  in  it- 
self  it  was  perfect  —  a  Divine  Sacrifice  admitting  of  no  addition.  The 


'y.    y. 

H    -: 
tî3    tn 


?c    ;:: 


(  O  — 

Sacrifice  of  thc  altar  is  tlio  saine  Sacrifice  adniittino:  of  no  addition.  The 
Sacrifice  of  the  altar  is  the  sanie  Sacrifice  prolonged  t'orever.  Ile  olîered 
Himself  then  by  His  own  hands  ;  He  oft'ers  Himself  now  In-  the  hands 
of  His  priesthood.  There  is  donv  no  shedding  of  blood  —  that  was 
accomplisiied  once  for  ail  on  Calvary.  The  action  of  the  Last  Supper 
looked  oiiward  to  that  action  of  Calvary,  as  the  action  of  the  Iloly  Mass 
looks  backward  upon  it.  As  the  shadow  is  cast  by  tlie  rising  sun  towards 
the  West,  and  as  the  shadow  is  cast  by  setting  sun  towards  the  East,  so 
the  Holy  Mass  is,  I  inay  say,  the  shadow  of  Calvary,  but  it  is  also  die 
reality.  That  which  was  done  in  the  Paschal  Supper  in  the  guest- 
chamber,  and  that  which  is  done  on  the  altar  in  the  Holy  Mass,  is  one 
and  the  saine  act  —  the  ofCering  of  Jésus  Christ  Himself,  the,  true 
proper,  propitiatorv  and  onlv  Sacrifice  for  the  sin  of  the  world  "  (The 
Glories  of  the  Sacred  Heart;  The  Last  Will  of  the  Sacred  Heart.) 

Let  me  close  with  an  extract  from  what  I  hâve  written  elsewhere: 
"  The  Blood  of  Christ  is  the  Price  of  our  Ransam.  That  Blood  He  shed 
on  Calvary  and  thereby  obtained  eternal  rédemption.  Our  ransom  was 
then  wrought,  but  the  price  was  not  yet  paid  over,  so  to  say,  and  accept- 
ed  with  ail  the  requisite  légal  formalities.  This  is  now  being  done  both 
hère  on  earth  and  in  Heaven.  wliere  our  High  Priest  is  ever  living  to 
make  intercession  for  us,  where  He  pleads  the  merits  of  His  Passion. 
"  Himself,"  says  St.  Ambrose,  "  offers  Himself  as  Priest  that  He  may 
remit  our  sins  ;  hère  in  image,  there  in  truth,  where  He  intercèdes  for 
us  with  the  Fallicr  as  our  advocate  "  (De  Officiis,  I.I.,  c.  48).  He  en- 
tered  Heaven,  as  the  Higli  Priest  of  the'  Old  Law  once  a  year  entered 
the  Holy  of  Holies,  to  make  the  cérémonial  ofFering  of  the  life  once  laid 
do\vn  for  us.  Isaias  sees  Him  from  afar,  clad  in  the  livery  of  His  Pas- 
sion, and  crie?  ont,  "  ^^^lo  is  this  that  cometh  from  Edom,  with  dyed 
garments  from  Bosra  ;  this  beautiful  One  in  His  robe,  walking  in  the 
greatness  of  Hi>  strength?  And  the  answer  is  given  in  the  person  of  the 
beautiful  One:  ''I  that  speak  justice,  and  am  mighty  to  save."  And 
once  more  is  ""he  question  asked  :  "  ^Vlly  then  is  Thy  apparel  red,  and 
Thv  garments  like  theirs  that  tread  in  the  wine-press?  **  And  in  answtM- 
there  cornes  :   '  T  hâve  trodden  the  wine-press  alone." 

To  conclude,  tlien.  Tn  the  Mass  we  hâve  the  same  Sacrifice  once 
offered  on  the  Cross,  and  now  pleadod  in  Heaven  1)y  our  High  Priest. 
The  things  that  are  seen  of  sensé,  the  things  that  appear  and  pass  away, 
are,  to  thc  eye  of  faith,  but  shadows  of  the  one  Peality  —  shadows  that 
fall  athwart  altars  of  wood  and  stone,  and  flit  about  eartbly  tabernacles, 
where  hides  the  sun  Ix'hind  a  veil  ''  till  the  day  break  and  the  shatlows 
retire.*' 


—  874  — 


THE  PRACTICE  OF  ADORATION  OF  THE  MOST 

BLESSED  SACRAMENT 

Daily,  Weekly,  and  MontMy. 


BY 
REVEREND  J.  J.  McCOY. 


THE  hope  ot'  the  Holy  Father,  Plus  X,  spoken  tlie  very  moming  of 
his  coronation,  and  far  flung  in  his  shibboleth,  "  Ail  things  back  to 
Christ,"  lias  snrest  warrant  for  realization  in  the  call  hère  made  to  ail 
the  races  newly  to  adore  our  Lorcl  in  tlie  Blessed  Sacrament. 

Mount  Eoyal  tins  liour  lifts  its  head  above  ail  the  hills  of  earth,  and 
to  its  top,  wiiere  the  altar  stands,  we  bring  from  ail  the  world  our  best 
gifts,  as  the  Hebrews  did  when  Moses  showed  them  the  Ark  of  the  Cov- 
enant  in  the  old  désert  days. 

The  great  need  of  the  earth  is  the  abiding  consciousness  of  the  pré- 
sence of  God.  Withont  this  we  can  never  grow  great  in  the  things  of 
the  soûl;  and  yoiir  mission,  Fathers,  and  mine  is  to  convince  the  world 
of  this.  It  is  for  its  good,  but  the  world  does  not  so  see  it,  nor  does  the 
world  seem  to  wish  to  see  it.  The  world  wants  liberty,  liberty  even  from 
the  hand  of  God.  Every  day  we  see  the  men  and  the  nations  striving 
to  throw  ofï  the  idea  of  God,  and  the  men  and  the  nations  hâve  so  striven 
from  the  beginning.  It  is  the  old  fight  again  brought  down  to  earth 
from  heaven,  —  the  great  archange!,  flashing  and  terrible  in  his  rebel- 
lious  pride,  stands  trumpeting  from  the  north  across  the  arches  of 
heaven,  ''Non  serviam,"  and  over  against  that  coines  the  sweet  insist- 
ance of  the  Son  of  Cod  :  "  If  you  love  Me,  keep  My  commandments." 

The  law  of  love,  and  obédience  to  the  law  of  love,  which  is  highest 
liberty,  calls  us  back  to  Christ.  And  when  we  are  seeking  Him  we  are 
leading  our  people  to  the  cool,  clear  heights  where  we  learn  to  see  the 
vast  material  power  of  the  âge,  and  how  it  brings  war  to  the  spirit; 
there,  too,  the  armies  of  spiritual  conquest  asking  the  tribute  of  men's 
soûls;  there,  the  merciless  forces  of  wealth  which  never  know  the  prick 
of  conscience;  there,  the  seething  sears  of  passion  ;  there,  the  whirlwinds 
of  désire  for  license;  there,  the  hoar.se  and  almost  universal  clamor  to 
break  control  of  the  citv  of  God,  whose  every  law  does  thus  begin: 
"  Thou  shalt  not,  saith  the  Lord." 

But  we  hâve  God  and  peace  with  us.  And  whether  we  kneel  with  the 
Lord  daily,  or  sit  against  His  knees  weekly,  or  go  up  and  down  with 
Him,  in  and  out  the  nrates  but  one  hour  in  a  whole  month,  just  so  often 
shall  we  hâve  foretaste  of  heaven  in  the  joy  surnassing  understanding 
which  comcs  into  the  hearts.  as  of  old  into  the  hearts  of  the  two  of 
Emmaup,  setting  thom. . .  "burning,"  while  "  He  talks  with  us  on  the 
way.'"  .\h  !  God,  if  men  but  knew!  ITow  the  multitudes  would  gather 
ai  Thy  dwelling  place,  and  how    would  the  face  of  earth  be  changed  in 


—  8:5  — 

a  morning,  if  tliey  wcre  inade  supreniely  conscious  o£  the  abiding  pré- 
sence of  God,  the  "  World  made  fl&sli  and  dwelling  aniong  us  !  '" 

We  can  help  to  make  this  possible  by  striving  to  draw  the  people  to 
daily  adoration  of  Christ  in  the  Eucharist.  This  were  eas}',  if  they 
were  taught  its  beauty  and  its  benefit.  They  cannot  désire  if  they  do 
not  know,  and  if  they  do  not  désire,  they  will  not  do.  With  our  good 
Catholic  people  it  is  largely  a  matter  of  niind,  not  coldness  of  heart. 
They  hâve  not  been  shown.  Perhaps  we  do  not  go  deeply  enough  in  our 
teachings  to  show  that  Christ  on  the  alt.ar  is  the  explanation  of  ail  the 
dealings  between  God  and  man.  Hère  He  is  the  Incarnation  perpe- 
tuated;  hcre  the  "  Word  made  flesh,"'  and  remaining  for  us  the  fathom- 
less  source  of  divine  teaching;  hère  we  hâve  Him  sustaining  and  declar- 
ing  the  whole  révélation,  and  niaking,  as  Cardinal  Manning  once  said, 
"  His  présence  the  center  and  basis  of  an  order  of  divine  f acts  and 
opérations  in  the  world."  And  this  should  be  made  plain  to  the  people. 
How?  we  may  ask,  and  the  reply  may  be  something  like  this:  Show 
them  that  Christ  in  the  Eucharist  is  tlie  very  same  Christ  with  Whom 
the  Apostles  walked  in  Judea  ;  that  His  présence  in  the  Eucharist  is  the 
same  présence  with  which  the  disciples  and  the  people  were  familiar  in 
the  old  days  in  Galilée. 

And  let  them  look  for  a  miracle  because  of  His  présence  n(f\y,  a&  they 
did  in  the  far  away  Israël.  Is  He  not  hère  now,  and  for  love  of  them, 
and  is  He  not  as  strong  now  as  in  the  great  days  gone?  Why  should  we 
think  of  Him  as  working  His  miracles  of  love  and  grâce  and  mercy 
only  thenrThe  truth  is  He  is  hère  just  now,  and  stands  waiting  at  the 
tombs  of  the  soûl  to  show  Himself  still  the  Résurrection  and  the  Life. 
He  is  yet  going  up  and  down  the  land,  and  the  people  are  blessed  still, 
when  as  deeply  stirred  by  the  consciousuess  of  His  présence,  as  when  they 
hastened  to  Him  from  the  lakesides,  leaving  their  boats  idle  upon  the 
sounding  shingles;  or  hurried  down  from  the  Judean  hills,  permitting 
the  untended  flocks  to  stray  at  will;  or  out  from  the  towns  they  came 
with  wide  eyes  full  of  the  mystery  of  His  words  and  deeds.  Agcd  men 
were  among  them,  whose  soûls  the  prophcts  had  filJed  with  dreams  of  a 
roturn  of  the  old  Hebrew  glories;  and  young  mon  with  brain  and  heart 
aflame  with  vision  of  universal  dominion  now  that  the  Messiah  was  corne; 
and  damsels  with  shy  eyes  lighted  with  a  love  beyond  the  loves  of  earth  ; 
and  molhers  with  babes  held  high  in  arms  to  be  blest  at  sight  of  His 
passing  face.  —  And  hère  a  withcred  arm  is  touhed  and  the  new 
strength  lifts  it  to  high  heaven  in  ihankfulness  ;  —  and  there  a  palsicd 
leg,  and  the  lame  man  leaps  as  a  hart  for  the  waters.  Just  on  a  step  or 
two  and  His  fîngers  touoh  drooped  eyelids,  and  the  man  born  blind  bas 
his  soûl  flooded  suddenly  with  the  glory  of  earlh  and  soa  and  sky.  and 
he  shouts  out  and  mafrnifics  the  name  of  God.  And  now  wc  meet  a 
mourning  train,  and  Christ  takes  the  dead  man  from  the  bearcrs  and 
gives  him  back  to  the  cncircling  arms  of  his  mother.  Oh  !  the  wonder 
of  it  ail.  But  is  it  not  the  same  thing  now?  Is  not  Christ  in  the 
Eucharist  the  e.vpianation  and  motive  of  every  Christian  deod  donc  in 
our  day?  Hère  He  revives  ail  the  states  of  His  past  life,  continues  them 
and  glorifies  them.     Hère  He  inspires  in  His  créatures  répétition  of  His 


—  876  — 

everv  aet.  Sliow  tlie  people  tliat  nothing  but  love  of  Hiiii  makes  men 
and'majds  liurry  after  Hiin  throvigh  tlie  gâtes  of  every  city  of  earth, 
and.  leaviug  lioine  and  ail  natural  ties,  and  liabiting  themselves  in  tlie 
religiou>  garb,  go  following  Ilini  up  and  down  the  world,  bringing 
people  to  His  feet,  —  from  tlie  jungle,  tlie  plain  and  froni  across  seas, — 
and  wliat  is  each  sucli  séparation,  but  a  miracle  of  sacrifice  for  Him 
and  lover  Ton  sce  around  you  in  the  cities,  tlie  great  walls  of  hospitals 
and  sehools  lift  theniselves  to  lieaven,  and  there  is  no  liunian  force  under 
the  leverage  —  only  a  gentle  nun  over  there  at  prayer,  and  the  out- 
stretched,  liard,  and  nigh-to-enipty  hands  of  the  poor;  yet  thousands 
shall  be  ministered  to  under  thèse  shelters,  and  in  every  sick  man's  face 
and  every  child's  be  discovered  the  features  of  the  Son  of  God,  as  we 
knew  Him  in  Judea  ;  and  is  not  this  miracle  again  of  sacrifice  ond  love  ? 
And  there  across  are  the  towers  of  an  orphanage,  and  the  little  ones  are 
gathered  into  a  fold,  and  rest  there  under  hearts  whose  blood  shall  nour- 
isli  tliem,  till  the  hearts  are  drained  ;  and  is  not  this  a  miracle  of 
sacrifice  and  love?  And  mark  ho\v  the  cities,  as  tliose  of  old,  empty 
tlieniselves  to-day.  lias  not  the  swift  cry  run  up  and  down  that  Christ 
i?  passing  now  in  the  lioly  Mass-time  ?  Look  out  over  the  land.  Are  not 
those  GocFs  people  we  see  hurrying  over  the  hillsides  to  the  little 
chapels?  Is  not  that  the  sound  of  the  sanctuary  bell  from  a  thousand 
place?  tolling  of  the  Consécration?  And  this  early  morning,whose  were 
the  countless  footfalls  in  the  streets  of  the  world's  cities,  and  whither 
was  the  multitude  hurrying? 

There  are  lights  in  the  great  cathedrals,  and  listen  !  like  the  voice  of 
océan  conies  the  roll  of  the  deep-throated  organs,  and  ail  the  Christian 
world  is  thrilling  still  with  tlie  rapt  cry  of  the  psalmist  "King,  when  God 
vouchsaf ed  him  f oresight  of  the  Eucharist  :  "  He  hatli  made  a  remem- 
brance  of  his  wonderful  works,  being  a  merciful  and  gracions  Lord;  he 
hath  given  food  to  thera  that  fear  Him,"  —  "  Memoriam  fecit  mirabi- 
lium  suorum  misericors  et  miserator  Dominus;  escam  dédit  timentibus 
se."  Thank  God  !  that  Christ  is  yet  amongst  us,  and  the  people  still  are 
glorifying  His  name! 

And  so  would  I  prépare  the  people,  whom  I  hoped  to  draw  to  adora- 
tion every  day.  I  would  never  let  them  believe,  however,  that  mind  alone 
and  knowledgc  alone  were  sufficient.  I  would  know  and  teach  that  the 
best  good  would  corne  from  contemplation  on  bended  knees  before  the 
altar,  when  the  whole  man  adored,  heart  and  soûl,  and  with  ail  the 
powers  of  mind,  and  niemory,  and  imagination.  After  that  I  would 
appeal  to  émotion.  On  the  time  and  the  place  and  the  occasion  must 
dépend  the  character  of  this  appeal.  Wliat  will  serve  with  one  priest 
and  one  people  may  not  hâve  much  efîect  with  another  priest  or  another 
congrégation.  T  know  a  saintlv  priest  who  was  forever  saying  to  his 
pfople:  '•' lliink  of  the  loneliness  of  Christ  in  the  tabernacle;  will  you 
not  go  to  the  church  a  minute  every  day,  and  Just  say  *  how  do  you  do, 
Lord,'  if  no  more?  It  will  please  Him,  and  do  you  great  good."  —  And 
h\<  jioople  did  go,  and  God  blessed  him  and  tliem.  But  this  man  was 
scJK.lnr  as  well  fis  saint,  and  never  tired  of  preaching  that  Christ  in  the 
Eucharist  was  the  Light  and  the  Life  of  truth  as  well  as  the  Way. 


—  s::  — 


Daily  Adoration. 

Tlie  housewives.  people  of  leisure,  the  old  wlio  are  past  the  tinu'  uf 
labor,  thosc  who  may  hâve  a  free  hour,  and  the  school  chiltlren,  Me 
sliould  expeet  to  niake  a  visit  of  adoration  every  day.  and  \ve  sliould  try 
to  train  them  tu  tliis  end.  The  school  childfen  especially  ou>:ht  to  get 
our  every  care.  \Ve  should  strive  to  niake  them  feel  the  nearness  of 
Christ,  that  so  they  might  ever  walk  and  talk  and  work  in  His  présence. 
We  shonld  teach  them  the  story  and  spirit  of  the  family  life  at  Naza- 
reth, and  repeat  it,  and  varying  it  repeat  it  again,  and  so  make  eaeli  of 
them  one  of  the  household  ;  then  when  they  shall  go  before  the  altar 
they  are  prcpared  to  speak  familiarily  to  their  brother  tlie  Christ.  Thus 
they  grow  every  day  in  the  consciousness  of  Ilis  présence,  and  tliey  so 
learn  tlial  tliev  are  carrving  the  lionor  of  tlie  Holv  Faniilv.  Tliev  conie 
in  the  morning  «^oing  to  school  and  tell  tlieir  neetls  and  hopes,  they  run 
in  after  school  to  ask  a  helping  hand  or  to  give  thanks  for  blessintrs 
given.  Their  life  thns  becomes  entwined  with  the  idea  of  Christ  on  the 
altar,  and  Ile  is  -is  Hc  should  be  the  Sun  that  lights  and  warnis  and  suè- 
tain  their  spiritual  world. 

Weekly  Adoration. 

Therc  are  thosc  who.  did  their  duties  permit,  would  gladly  coine  to 
adore  each  day,  but  nuist  be  content  with  the  Holy  Ilour  once  in  the 
week:  as  our  teachers  in  the  schools,  or  the  young  people  who  work  in 
counting-houses.  clerks  in  stores,  stenographers  in  offices,  and  skilletl 
operatives  in  the  shops,  and  thèse  jndeed  may  be  counted  ainong  tho 
most  intelligent  of  our  congrégations. 

Thèse  bave  peculiar  needs  and  re<|uire  a  particular  préparation  that 
the  best  results  may  follow  from  the  hour  with  the  I/trd.  Ail  dav  long 
they  deal  witlrmaterial  Ihings,  with  comblions  wlicre  nothing  tells  of 
the  soûl.  —  where  there  is  only  hunger  for  place  and  power;  where  there 
is  but  the  heaven  which  many  fînd  in  Ihe  markct  and  its  gold  ;  where 
the  eye  hopcs  ordy  to  sec  the  majestic  ships.  swift  almost  as  tbe  liirbt- 
ning,  carrying  priceless  silks  and  spices  from  shore  to  shore:  wbcrc  the 
ear  cares  to  hear  but  the  breathing  of  tho  mighty  engincs,  crushing  tho 
mountain's  heart  for  tbe  red  ore  within  it  or  sweeping  the  sea's  beil  for 
its  pearls.  AU  ihis  takes  them  from  (Joil.  And  there  are  s(»me  who 
live  ail  da;«  in  a  nutre  (langerons  world,  —  a  world  of  mon  into  wbose 
life  God  never  cornes;  mon  who  appear  to  be  gentle  and  law-al>i(linir, 
mon  of  admitteil  miiid.  iiit-n  in  every  way  respectai»!»-  takcn  bv  tbe 
world's  mcasurements.  yet  meii  who  everv  (Inv  in  tbe  pulilic  prints.  tbe 
journals  of  science,  tho  records  of  discoveries  of  burieil  antl  forgotten 
civilization,  are  hunting  with  an  eagorne.ss  that  is  amazinir  for  some- 
tbing  that  may  seem  to  tbrow  doubl  or  utter  discrédit  upoii  tbe  rdii/ion 
of  the  centuries  of  Christ,  or  on  that  of  the  llebrews.  its  forcshadowinir. 

Tho  old  vital  truths.  heaven.  holl,  sin,  reward  an<l  punisbinent.  the 
immortal  soul.  and  CJoil.  tlu'y  would  mako  the  droams  of  man  less  strong 


—  878  — 

than  we,  'whose  da}'  thèse  served  whilc  comiug  into  tlie  wider  light,  but 
such,  they  say,  are  childish  now.  The  men  in  the  African  Jungles  had 
their  fetish  ;  our  God  is  nobler  than  theirs  ;  but  still  the  two,  theirs  and 
ours,  they  say,  though  far  apart,  are  kin.  The  world  is  sick  again  with 
the  restraints  of  God,  The  world  would  make  its  own  God  and  from 
self.  The  world  listens  with  lips  apart  to  the  old  temptation  of  the  first 
morning  :  "'  Why  not  eat  of  every  tree  in  Paradise  ?  In  what  day  soever 
you  shall  eat  thereof,  your  eyes  shall  be  opened:  and  you  shall  be  as 
gods." 

Such  people  should  be  taught  to  breathe  the  peace  of  the  holy  home 
at  Nazareth.  Christ  was  the  light  and  life  there;  He  lived  in  gentle 
days  of  poverty  ;  His  bread  was  sweet  because  Himself  earned  it  ;  He  was 
master  of  the  winds  and  waves;  the  swift  éléments  always  were  the 
agents  of  His  \nll;  the  lightnings  were  harnessed  ever  ready  to  leap 
along  the  ways  of  His  laws,  wherever  His  hand  might  point;  His  were 
the  jewels  on  the  fioors  of  ail  the  seas  of  earth;  His  ail  the  red  gold  in  • 
the  hearts  of  ail  the  mountains  of  earth;  His  ail  the  flocks  and  herds, 
the  "  cattle  on  a  thousand  hills  ;  "  His  princely  home  was  the  Taber- 
nacle in  the  Sun  :  yet  hère  He  toils  a  coinmon  craf tsman  ;  and  afterwards 
when  about  His  father's  business,  He  will  dépend  for  bread  upon  others, 
and  one  day  He  shall  tell  v/ith  infinité  pathos  His  absolute  want  :  "  the 
foxes  ha^'e  their  holes,  and  the  birds  of  the  air  their  nests,  but  the  Son 
of  man  lias  not  whereon  to  lay  His  head."  In  the  sweet  vision  of  soûl 
of  that  one  hour,  hère  is  the  same  Christ,  and  teaching  the  same  divine 
lessons.  Hère  is  He  through  whom  "  ail  is  made  that  was  made,"  and 
hère  is  He,  who  alone  can  give  us  true  values,  and  He  is  ours  for  the 
aaking. 

Montlily  Adoration. 

For  the  adoration  monthly,  I  would  try  to  draw  aU  the  Church  so- 
cteties,  sodalities,  both  of  the  young  and  tlie  old,  of  the  boys  and  of  the 
girls,  even  those  who  may  go  daily  or  weekly  besides  this,  but  especially 
the  people  whose  lives  are  lives  of  labor,  who  know  family  cares  and  dis- 
tress,  but  most  of  ail  the  men,  the  strong  rough  men  if  you  will,  but  the 
manly  men  any  way.  The  Holy  Name  organisations  are  material  ready 
made  at  hand  ;  I  would  hâve  them  come  as  in  answer  to  a  crusader  oall 
"  God  wills  it,"  ail  the  men  as  an  army  of  the  Lord,  and  I  would  speak 
in  battle  words  to  them  in  préparation.  I  would  say,  as  the  fathers 
gay,  they  are  cailed  in  défense  of  the  sanetiiary;  I  would  show  them,  as 
the  fathers  show,  that  without  Christ  in  the  Sacrament,  there  is  no  re- 
lior^on,  no  failli,  no  worship;  I  would  repeat  the  words  of  the  old  book: 
"WTiat  the  center  is  to  the  cirole,  what  the  heart  is  to  the  man,  what 
God  is  in  His  world,  that  the  Eucharist  is  in  the  Church  of  Christ." 
The  altar  without  Him  is  but  a  honse  untenanted. 

W})y  slioiild  r  speak  to  thom  a.s  a  people  in  battle  army?  This  is  a  day 
when  men  daim  the  ridit  to  think  as  they  pleaso  in  everythinir,  not  only 
in  things  of  sfienee,  things  of  the  inind,  things  of  government,'but  even 
things  of  the  sont.     It  is  the  day  of  modernism,  the  day  of  sociaUsm, 


—  879  — 

the  day  of  the  raslmess  of  iudividualism,  tlie  day  of  auarchism  in  gov- 
ernment,  ihe  day  of  the  dcnial  again  of  the  divine  in  Christ.  And  our 
men  must  combat  that.  When  other  men  deny  that  there  is  room  in  the 
world  for  authority,  they  must  come  and  kiss  the  hand  of  the  Euchar- 
istie Christ,  and  then  in  contemplation  of  His  life  learn  the  abiding 
force  of  parental  right,  as  they  recall  that  He  went  down  with  Ilis  par- 
ents to  Xàzareth,  and  was  '' subject  to  them;  "  they  will  learn  from 
His  "  render  unto  Cœsar  the  things  that  are  Ctesar's  "'  the  rights  of 
Government  ;  they  will  learn  too,  from  His  "  I  come  not  to  destroy  the 
law,  but  to  fulfil  it,"  that  the  laws  are  in  keeping  with  the  re?traints  put 
by  God  upon  us,  to  dam  up  and  hold  back  the  flood  of  human  passions, 
whose  onrush  would  sweep  to  everlasting  ruin. 

Once  shown  the  dangers  menacing  the  Church,  they  will  be  quick  to 
enroU  themselves  as  lier  spécial  defenders.  '"  Judge  me,  0  God,  and 
distinguish  my  cause  from  the  nation  that  is  not  hoïy  ;  deliver  me  from 
the  unjust  and  deceitful  man  —  Send  forth  Thy  light  and  Thy  truth  ; 
they  hâve  conducted  me,  and  brought  me  unto  Thy  holy  hill,  and  unto 
Thy  tabernacles.  And  T  will  go  unto  the  altar  of  God  :  to  God  who 
giveth  joy  to  my  youth.'' 

"  Deduxerunt,  et  adduxerunt,"  there  is  the  mighty  marching  of  the 
Machabees  in  thèse  warrior  words,  and  I  love  them.  To  me  there  is 
marvellous  power  for  manly  inspiration  in  the  scriptural  picture  of  the 
great  Machabeus,  when  in  the  night  he  gathered  about  him  on  the  hills 
near  to  heaven  every  man  of  the  Hebrews  who  "  maintaineth  the  testa- 
ment." Il  was  for  battle  in  the  morning,  against  Autiochus,  and  in 
défense  of  the  sanctuary  ;  and  every  man  oif  the  heroic  band  had  sworn 
his  life  to  the  service.  From  the  mountain  top  the  people  of  God  could 
look  into  the  valley  below,  where  were  the  hosts  of  the  king:  horsemen 
of  the  tribes,  who  rode  for  gold  ;  bowmen  and  spearmen  of  the  Egyp- 
tians  ;  the  dark  clouds  of  men  from  India  and  beyond  the  Ganges;  the 
palaestra-trained  charioteers,  and  the  burning  phalaxes  in  brazen 
annor.  Up  on  the  winds  came  the  neighing  of  the  horses,  the  trumpet- 
ings  of  the  éléphants,  the  call  and  the  repeat  of  the  sentrios,  the  clink 
and  jar  of  the  armorers  anviling,  and  above  ail  the  sounds  of  revolry 
and  the  songs  oi  war  of  a  godless  and  merciless  multitude.  And  those 
on  the  mountain  cried  with  a  loud  voice  toward  heaven  :  "  Behold  the 
nations  are  come  together  against  us  to  destroy  us:  Thou  knowest  Avhat 
they  interd  against  us.  How  shall  we  bo  able  to  stand  against  thoir 
face  unlesb  Thou,  O  God,  kcep  us?"  And  àfter  this.  says  tho  sacrod 
historian,  "  Judas  appointed  captains  over  the  people,  over  thousands, 
and  over  hundreds,  and  over  fifties,  and  over  tens.  And  ho  said  tn 
them  that  were  building  bouses,  or  had  botrotbed  wives,  or  were  plant- 
ing  vinevards,  or  were  foiirful,  that  they  should  return  everv  man  to  his 
house."  And  Judas  said  to  the  remnant,  who  were  ready  for  self-sacrifice, 
who  were  trusty  as  liimself,  who  would  not  bc  turnod  away,  who  wouUl 
battle  for  the  covenant,  who  with  soûls  aflame  swore  to  foUow  him  down 
the  death  :  "  Gird  yourselves,  and  be  valiant  men,  and  be  ready  against 
the  morning,  that  you  may  fight  against  thèse  nations  that  are  as- 
■embled  against  us  to  destroy  us  and  our  sanctuary.      For  it  is  bcttcr  for 


_  880  — 

us  to  tlie  in  battk'  tliau  to  .-^oe  the  evils  of  our  nation  and  of  the 
holies:  nt'vortlu>lt'!is.  as  it  AvàW  be  the  will  oi'  God  in  lieaven,  so  be  it 
doue."  Heaven  fouglit  on  the  side  of  Machabeus.  He  routed  the 
niighty  arniy  of  the  king,  and  overthrew  the  power  of  the  nations.  Jéru- 
salem "vvas  dolivered,  the  glir.v  of  the  temple  restored,  and  the  priests 
once  niore,  "  oirored  sacrifice  accoi'ding  to  tho  law  of  holocausts  the  new 
altar  upon  which  tliev  liad  niade." 

Beliokl,  the  very  work  tliat  lieaven  has  given  our  nien  to  do.  Hère  is 
the  spirit  that  must  energize  theni.  The  world,  "  the  nations,"  are  again 
arraved  against  the  Kingdoin  of  God,  and  they  are  called  to  stand  as  its 
defenders.  And  \ve  nuist  show  the  way.  In  our  day  again  it  must  be 
the  voice  of  the  priest  that  cries  aloud  :  "  Every  man  that  hath  zeal  for 
the  law,  and  maintaineth  the  testament,  let  him  follow  me/'  and  we 
must  go  up  the  niountain  of  the  Lord,  and  then  the  noblest  will  follow. 

Only  men  whose  hearts  are  clean  and  whose  soûls  are  free  can  right- 
ly  battle,  and  only  suoh  did  Machabeus  let  lift  blade  in  the  cause  he  led 
for  the  glory  of  the  house  of  God  :  And  so  shall  it  be  now  :  the  clean  of 
heart  will  corne  to  our  altar  and  be  made  cleaner,  the  free  of  soûl  will 
corne  and  be  made  freer,  and  the  manly  brave  shall  be  called  the  saviours 
and  restorers  of  our  sanctuary. 


Récapitulation. 

The  teaching  our  people  hâve  been  given  concerning  the  Eucharist, 
though  sufficient  for  the  faith  of  ail  pcrhaps,  and  enough  for  the  prac- 
tical  pietv  of  the  million,  is  not  enough  for  the  new  day,  and  for  the 
distinct  classes  now  making  up  our  people.  It  must  be  deeper,  more 
sympathetic  with  certain  conditions  in  the  lives  of  the  worshippers,  and 
in  large  measure  more  particularly  to  meet  the  needs  of  class.  Class 
may  dépend  upon  many  things,  âge,  social  condition,  character  of  life 
and  employment,  sex  even,  leisure,  éducation  and  natural  tastes,  and 
interests.  The  teaching  of  thèse  bodies  has  been  too  gênerai  for  the 
greatest  good.  Now  and  then  a  good  gênerai  gathering  of  ail  classes, 
where  the  people  might  go  up  to  the  Holy  City  singing  the  songs  of  the 
Psalmist  king  in  one  grand  choral,  and  whcn  ail  the  hearts  could  be  one 
in  îrenerai  prayer  in  the  sanctuary,  would  be  blessing  and  inspiration. 

But  you  must  begin  with  the  classes.  You  must  hâve  companies  of 
tens,  before  you  hâve  companies  of  fifties,  and  fifties  before  companies 
of  hundreds,  and  hundrcds  before  the  multitudinous  thousands  will  sing 
of  victory. 

But  the  world  is  waiting.  Ail  the  waters  of  carth  sometimc  will 
readi  tlic  seas,  and  ail  the  hearts  of  men  sometime  will  scek  Christ  in 
the  sacrament  of  Ilis  love.  They  must  be  taught  loyalty  ami  the  need 
of  knowing  that  Ile  is  alwavs  noar.  After  God  Himsclf,  fathers,  it  he- 
longs  t<i  11-  to  lii!>lfii  1iiat  day. 


—  SSl  — 

THE  DEVELOPMENT  OF  BOYS'  AND  MEN'S 

CHOIRS. 

IJY 
REVEREND  W.  FINN,  C.  S.  P. 


THE  possible  spiritual  values  oï.  a  great  leligious  event  like  tins  Inter- 
natioual  Eucliaristic  Congress  are  incalculable.  The  solenin  profession 
of  Faith  by  se  mauy  liundreds  of  people  in  the  raystery  of  Christ's  Real 
rreseuce  in  the  Sacrament  of  the  Altar,  the  grandeur  of  the  cérémonial, 
aud  the  wide  scope  uf  the  sul)jects  discussed  in  the  interests  of  religion, 
are  features  of  tins  event  which  will  extend  itâ  helpful  influence  tf) 
hundreds  of  thousands  of  soûls  throughout  the  world,  and  particularly 
to  the  countrymen  of  both  allegiances  on  this  continent. 

Admittedly,  the  chief  purpose  of  the  Congrcss  is  to  niake  the  î>weet 
sacrament  of  Chrisfs  love  more  loved  by  meu,  that  therebv  their  lives 
may  be  guided  more  perfectly  by  the  sublime  ideals  of  conduct  which  He 
has  bequeaihed  to  mankind.  But  wliile  the  first  concern  of  the  Congress 
is  thus  to  intensifv  love  for  the  great  central  mystery  of  the  Faith  ;  never- 
theless,  the  possible  results  of  the  Congress  would  be  greatlv  lessened  if 
opportunity  for  discussing  the  main  accessories  of  the  Eucharistie  ser- 
vices were  not  provided,  Many  things  that  appear  at  a  casual  glance  as 
having  but  remote  connection  with  the  essentials  of  religion,  upon  more 
serions  considération  reveal  an  unmistakable  influence  on  soûls  in  their 
appréciation  of  religions  truths.  Ail  the  externals  of  religion  contribute 
something,  indefinable  i)erhaps,  if  you  will,  to  the  state  of  mind  and 
heart  of  the  worshipper.  Cérémonial,  architecture,  paintin.T,  sculpture, 
and  music,  ail  are  intégral  features  of  religions  expression.  And  so  it  i> 
most  fitting  that  during  thèse  sessions  there  should  be  some  considér- 
ation of  the  art  of  sacred  music. 

Of  ail  ihe  allied  sacred  arts,  the  art  of  music  is  the  most  subtle.  The 
worshipper  is  absolutely  at  the  mercy  of  its  whims  and  ca])rices,  somc- 
times  irrosistibly  drawuMuto  the  vcry  '' Iloly  of  Ilolies  "  by  its  sweet 
whispering  of  CJod  and  ITis  love,  and  at  others  maddened  to  distraction 
by  the  cacaphonies  that  not  only  ofl'cnd  the  ear,  biit  picrce  through  the 
soûl  to  it=  dopths  and  unmask  its  bitterest  acrimonies. 

The  power  and  subtlety  of  the  art  of  music  are  favorite  platitudes 
with  the  jwets  and  the  amateurs.  Let  us  pas?  on  to  something  practical. 
Mv  purpose  in  lliis  paper  is  briefly  to  cousidcr  the  aesthetic  as  well  as 
the  liturgical  fitness  of  choirs  of  boys  and  men  to  be  the  vehicle  of  mu- 
sical expression  of  the  divine  .services;  to  consider.  then.  the  possibility  of 
maiiitaining  such  choirs  in  onr  clnirc1ie>;  and  finallv,  t<i  review  the  par- 
ticular  diriicultv  of  the  iinisiial  -ituatioii  n<  it  ciiifriint-;  the  av^raL'c 
pastor  on  this  continent. 


—  882  — 

I.  The  Spiritual  and  Artistic  Value 
of  Boys'  and  Men's  Choirs, 

The  fulfilling  of  the  reforms  in  church  music  inaugurated  by  His 
Holiness  Plus  X.  in  the  Motu  Froprio  of  Xovember  23nd,  1903,  involves 
not  ooly  a  change  in  the  type  of  musie  sung  in  our  churches,  but  the 
more  radical  change  of  putting  choirs  of  boys  and  men  in  the  places 
generally  occupied  on  this  continent  by  choirs  of  women  and  men.  The 
gênerai  understanding  of  the  encyclical  upon  the  subject  is  that  it  deals 
chieliy  vvith  the  use  of  the  ancient  plain  chant.  It  is  true  that  a  con- 
sidérable portion  of  the  letter  is  devoted  to  the  praise  of  this  vénérable 
form  of  ecclesiastical  song,  but  one  of  its  chief  prescriptions  is  that 
"  whenever  it  is  desired  to  employ  the  acute  voices  of  trebles,  the  voices 
of  boYs  must  be  used  in  accordance  with  the  ancient  usage  of  the 
Church." 

It  is  in  this  recommendation,  precisely,  that  we  expérience  our  chief 
difficulty  in  complyiug  witli  the  reform. 

In  spite  of  the  loyal  good  will  expressed  on  ail  sides  by  the  bishops, 
priests,  and  Catholic  musicians,  there  is  a  very  évident  lack  of  appré- 
ciation of  the  boys'  choirs  as  an  artistic  médium,  and  a  gênerai  una- 
nimity  that  it  is  equivalently  impossible  under  existing  conditions  to 
organize  and  maintain  this  type  of  choir  successfully,  except  perhaps  in 
cathedral  churches. 

On  this  continent  it  has  not  yet  been  widely  enough  proven  that  the 
boy  is  more  than  an  amateur  instrument.  In  England  the  voice  of  the 
boy  is  universally  recognized  as  the  proper  and  aesthetically  correct  ve- 
hicle  for  the  expression  of  the  sentiments  of  strictly  sacred  music,  and 
agreeable  to  this  conviction,  musicians  there  consider  the  ability  to  train 
boys  to  sing  artistically  as  an  indispensible  qualification  in  the  church 
musician.  This  point  of  view  has  obtained  in  England  for  many  cen- 
turies; in  fact,  this  and  many  of  the  other  splendid  traditions  in  both 
Catholic  and  Protestant  church  music  are  the  héritage  of  pre-reforma- 
tion  days.  In  this  country  there  has  been  but  meagre  opportunity  to 
study  the  boys'  choir  at  its  best  ;  but  wherever  the  artistic  traditions  and 
Bcientific  methods  hâve  been  exemplified,  the  boys  hâve  won  enthusiastic 
protagonists.  The  voice  of  a  lad  of  eleven  or  twelve  years,  when  pro- 
perly  trair.ed  and  modulated,  is  irrésistible.  Preeonceived  ideas  against 
this  voice  uever  fail  to  melt  into  enthusiastic  approbation  when  its  sweet 
notes,  like  the  whispering  of  angels,  draw  the  soûl  into  the  atmosphère 
which  sccms  to  hâve  followed  them  from  Heaven. 

It  is  unfair  to  measure  the  values  of  boys'  voices  by  the  raucous  sing- 
ing  we  hâve  corne  to  expect  from  them  on  this  continent.  To  judge  the 
possible  efîecti  v'oness  by  the  performance  given  either  in  church  or  in 
the  concert  hall  by  the  average  American  boy-.singers,  is  like  estimating 
the  heanties  of  poetry  by  the  verses  of  a  child  in  the  elementary  school. 

The  history  of  music  bears  witness  to  the  employment  of  boys  by  the 
^eatest  misic-makers  of  the  world.  The  great  name  of  Giovanni  Pier- 
luigi  da  Palostrina  stand.s  out  prominently  in  this  connection.  It  is  a, 
notable  fa^;t,  too,  according  to  Mr.  Edward  Dickinson,  in  his  "  Music  in 


—  883  — 

the  Histovy  of  tlie  Western  Church,"  that  in  ail  the  more  spiritual  fonns 
of  religion,  both  before  and  after  Christ,  the  boy's  voice  has  been  con- 
sistently  the  great  médium  of  interprétation  in  the  treble  parts. 

Xot  uutil  the  eft'ect  of  the  Kenaissance  had  made  itself  felt  in  niusic 
as  well  as  in  letters  and  other  arts,  was  there  anv  notaoïe  tendency  to 
abandon  the  traditional  art  forms.  The  birth  and  development  of  the 
modem  opéra  brought  about  the  apotheosis  of  the  female  voice.  The 
influence  of  its  sensuous  appeal  (I  use  the  word  in  its  more  simple  signi- 
ficance,  borrowing  it  from  the  vocabulary  of  Mr.  Dickinson)  was  soon 
felt  by  the  musiciaus,  and  a  new  era  of  music  began.  I  do  not  wish  to 
minimize  in  any  measure  the  many  charming  features  of  the  female 
voice.  In  certain  types  of  music  the  woman  is  suprême;  the  tempera- 
mental  cclor  with  which  she  invests  every  note  cannot  be  counterfeited 
in  the  music  of  the  opéra,  the  ballad,  and  certain  types  of  folk-songs. 
But  the  very  quality  which  gives  lier  supremacy  in  such  mu^ic,  makes 
her  voice  the  less  perfect  instrument  in  purely  sacred  music.  Tlie  deep 
spirituality  of  plain  chant,  and  the  mystical  character  of  the  polyphony 
of  the  fifteenth,  sixteenth,  and  early  seventeenth  centuries,  seem  to  de- 
mand  the  impersonal  qualifies  and  the  mystcrious  intimations  of  boys' 
voices.  In  our  own  day  this  need  is  abundantly  proven.  Take,  for  in- 
stance, the  contrapuntal  Masses  and  Motets  of  the  Palestrinesque  school 
of  composition  :  thèse  cannot  be  performed  with  the  same  religious 
effects  by  women  as  by  boys.  The  relative  inefïectiveness  of  music 
written  in  this  style  sung  by  any  of  the  great  choral  societies  of  m  en 
and  womon,  no  matter  how  perfect  their  technics  may  be,  when  con- 
trasted  with  the  performance  of  a  perfectly  trained  chorus  of  boys  and 
men,  like  the  choir  at  the  Catholic  cathedral  of  Westminster,  England, 
is  unmistakably  évident. 

Whatever  be  the  explanation,  the  deepest  message  of  sacred  music 
aeems  to  corne  to  the  soûl  through  the  trained  voices  of  the  boys. 

Hère  is  another  signifîcant  fact  :  in  those  churches  of  tho  United 
States,  where  choirs  of  boys  and  men  furnish  the  music  for  the  liturgical 
services,  the  attendance  at  High  Mass  and  Yespers  is  noticeably  larger 
than  at  -other  churches.  In  most  of  our  churches,  only  a  meagre  hand- 
ful  of  worsliippers  attend  the  solemn  célébration  of  the  Eucharistie  mvs- 
teries,  and  tho  office  of  Vesepers  has  become  generally  so  unpopuïar 
that  in  many  hurches  it  is  never  sung,  save  perhaps  on  Christmas  and 
Easterday.  If  you  will  pardon  the  personal  allusion,  I  should  like  to 
say  that  I  hâve  made  a  tliorough  investigation  of  thèse  conditions 
throuïhout  the  Tnited  States,  and  I  hâve  found  that  boys'  choirs  (you 
understand  that  I  mean  well  trained  choirs)  are  an  immense  hein  to  re- 
ligion, and  that  the  seating  capacity  of  the  churches  where  they  sing  are 
filled  to  their  utmost  enven  on  the  ordinary  Sundays  of  tho  yoar.  Not 
only  are  the  always  roliahlo  fonialo  dovot<'os  in  évidence  at  those  services; 
the  men,  too,  become  interested,  and  instead  of  remaining  eatisfiod  with 
the  shortost  service  which  will  fulfil  tho  obligation  of  hearinir  Mas?,  on- 
couraging  numbors  of  men  assist  at  tlio  TIis:li  MiL<?s.  and  roturn  in  tho 
afternoon  or  ovoning  to  Vespcrs  and  Roncdiction  of  tlio  Hlcsscd  Sacra- 
ment.     Worldlings,    clubmcn,    non-Catholios    and    even    athei.sts    bave 


—  884  — 

sueeumbtHl  \o  the  spiritual  attractiveness  of  thèse  services.  The  music 
of  the  chracli  is  endowed  with  almost  divine  powers  of  appeal,  and  many 
a  sonl,  to  mv  own  knowledfje.  has  foimd  in  it  an  avenue  of  God's  grâce. 
It  is  seaJCtly  necessary  to  ampli  t'y  this  subject  further.  No  one  who 
has  been  privileged  to  lioar  the  singing  of  trained  choirs  of  boys  and 
nieii  will  challenge  the  fitness  of  thèse  choirs  to  sing  the  music  of  the 
Church.  The  master  compositions  of  the  world  revealed  their  heavenly 
beautii's  through  the  voices  of  the  boys;  and  if  there  is  to  be  any  real 
progress  lu  the  art  of  ecclesiastical  music  in  this  country,  the  starting 
point  of  the  reform  must  be  first  in  extending  the  appréciation  of  boys 
as  the  instrument  of  expression,  and  then  in  working  out  a  scheme  by 
which  th(-  proper  methods  of  procédure  may  be  extended  to  the  niusi- 
cians  upo-i  whom  the  fate  of  the  boys'  choir  movement  practically  dé- 
pends. 


II.  Is  it  possible  to  maiutain  Artistic  Choirs  of  Boys 
and  Men  in  Churches  on  tlie  American  Continent  ? 

Clergy  and  musicians  generally  hère  are  of  the  opinion  that  conditions 
are  not  favorable  for  the  best  development  of  such  choirs.  The  success 
of  the  groat  choirs  of  Europe  and  America  is  nsually  ascribed  to  an  un- 
coniinon  su})ply  of  beautiful  voices,  and  to  extraordinary  financial  re- 
sources.  I  am  personnally  acquainted  with  most  of  the  successful  choir- 
masters  liere,  and  I  cannot  call  to  mind  one  who  commands  better  talent 
or  grcater  rescources  than  are  found  in  the  average  parish  of  our  cities 
and  large  towns. 

In  tho  average  city  parish,  there  are  plenty  of  boys  who  are  possible 
ehoristers,  and  enough  suitable  and  willing  men  to  furnish  an  adéquate 
section  of  ténors  and  bases.  The  beautiful  voices  heard  in  some  of  our 
greater  choirs  are  the  product  of  assiduous  training,  and  in  the  mapority 
of  cases  were  of  but  average  quality  when  accepted.  Choir-boys  are 
made,  not  born.  This  is  an  axiom  among  choirmasters.  The  rough  and 
ready  boy,  the  nervous  noisy  rascal  whose  chief  talent  seems  to  be  in  creat- 
ing  mischief,  the  always-in-the-way  lad  whose  only  apparent  excuse  for 
living  is  the  fact  that  God  croated  him,  and  that  some  day  in  the  remote 
future  he  may  become  a  useful  man,  thèse  are  the  types  of  boys  that 
even  the  most  successful  choirmaster  has  to  educate  into  the  ehoristers 
whom  so  many  think  are  young  cherubs  loaned  by  a  spécial  arrangement 
with  ITcaven  to  chosen  choirs. 

At  Icast  ninety  per  cent,  of  the  boys  from  the  âges  of  nine  to  fifteen 
are  po.ssible  ehoristers.  Defective  ears,  laryngical  troubles,  and  other 
things  whidi  arc  obstacles  to  musical  development  are  the  exception  and 
not  the  ri; le. 

lyarge  choirs  are  unnecessary.  Tt  is  a  mistake  to  think  otherwise. 
There  are  only  a  few  churches  on  this  continent  where  a  choir  of  twenty 
troblcs  and  twentv  clioristers,  divided  properly  on  the  three  lower  parts, 
wonid  pr<)\e  inade(|iiate.  The  grciitest  choirs  of  England  and  the  Con- 
tinent are  relatively  sniall  organi/.ations. 


—  885  — 

Even  Mr.  lîicliard  Terrv's  l'aiiious  choir  at  tho  vast  cathodral  ol"  \\\'ï;i- 
juiiistev  owns  Xo  a  ^jersoniiel  ot'  oaly  twenty-iive  trebles  aud  a  duzeii  adult 
siugers.  Aud  yet  in  this  immense  édifice  such  a  small  chorus  is  sufti- 
cient  to  iuterpret  with  splendid  eti'ect  net  only  the  neumes  of  the  plain 
chant,  but  also  the  trying  compositions  of  the  mediaeval  masters. 

The  cairying  power  of  a  traiued  voice  is  very  nuich  greater  than  that 
of  the  untrained  voice.  Just  as  perfect  acoustics  in  a  large  hall  or 
théâtre  make  audible  the  faintest  sounds,  so  a  well  cultivated  tone- 
quality  invests  a  voice  with  au  elasticity  and  carrying  power  which  give 
to  its  mosL  délicate  nuances  a  clarity  that  is  remarkablc. 

At  times  musicians  object  to  my  contentions  on  the  ground  that  ail 
my  expérience  has  been  with  great  city  parishes  of  unusual  equipment. 
I  should  îike  to  say  that  while  I  hâve  been  engaged  du  ring  the  greater 
part  of  my  active  musical  career  in  city  parishe.*,  I  liave  V.xperinieuted 
even  in  cjuntry  districts  to  discover  the  real  value  musically  of  ordinary 
every-day  boys.  During  the  past  season,  I  went  at  *he  request  of  a  priest 
to  a  very  f-mall  town  in  a  farming  district  to  gather  the  boys  of  liis  par- 
ish  into  :i  tentative  choir.  The  very  first  examination  revealed  what  I 
expected,  namely,  sufficient  material  for  a  splendid  choir.  And  fre- 
quently  during  the  last  thirteen  years  I  hâve  been  called  upon  to  selec-t 
the  choristei's  for  choirs  in  ail  types  of  parishes.  I  hâve  yet  to  visit  the 
parish  (of  course  I  e.xclude  unusually  poor  parishes,  in  districts  where  the 
people  aro  scattered  over  many  miles  of  country)  that  does  not  offer  the 
raw  mateiial  for  a  successful  choir.  Priests  and  musicians  will  find  it 
if  they  search.     The  material  is  at  hand;  it  awaits  cultivation. 

The  objection  that  boys  cannot  be  kept  interested  and  in  good  disci- 
pline after  the  first  novelty  wears  olî  is  not  substantial.  Exj^erience  has 
disprovcn  it  thoroughly.  If  a  high  idéal  if  musicship  is  proposod  to 
them  and  ?  sensé  of  personal  rcsponsibility  is  inculcated  early,  thoro  will 
be  no  difficulty  in  enlisting  the  enthusiastic  coopération  of  the  lads. 

Xot  only  is  an  artistic  choir  an  help  in  the  spiritual  work  of  a  parish  ; 
it  is  also  a  financial  asset  that  yields  reliablc  dividends,  an  investment 
rather  thr\n  an  expense.  Solemn  services  previously  nnattended  become 
popular;  new  parties  take  an  active  intercst  in  parochial  aifairs;  gêne- 
rons contril)Utors  become  more  gênerons,  and  the  gross  receipts  of  the 
parish  per  annum  are  increased  to  an  amount  that  not  only  neutralizes 
the  curreni  expense  of  the  choir  but  nets  an  acceptable  sum  to  the  paro- 
chial exchequer.  This  fact  is  confirmcd  by  the  expérience  of  many 
pastors. 

The  chf.ir-schools  of  England  are  given  most  of  the  creilit  for  the 
superlative  excellence  of  the  English  choirs.  The  chief  advantage  of 
thèse  sc-hools  is  that  the  choristors  aro  under  the  constant  supervision  of 
the  direcior  who  in  .«ome  instances  is  also  the  choiriiuister.  Daily  re- 
hearsals  are  attended  by  the  boys,  and  a  thorough-going  course  in  vocal 
culture  and  gênerai  techni(|ue  is  thus  given  an  opportunity  to  realize 
a  perfect  product.  Rut  why  may  not  the  parochial  schools  of  this  coun- 
trv  serve  the  same  purpose  and  accomplish  the  sanie  results?  In  each 
parochial  school  a  certain  course  in  gênerai  music  is  providod  :  and  if  a 
spécial  course,  incliuling  daily  rehearsals  for  the  choristers  of  the  ])arish 


—  886  — 

choir,  wor"  to  be  arranged  and  carefully  followed,  it  is  difficult  to  see 
just  wliy  we  may  not  hâve  in  this  country  as  perfect  choirs  as  in  Eng- 
laud  or  any  other  country. 

A  favorite  retort  of  the  antagonists  of  the  bovs'  choir,  when  con- 
fronted  with  the  -wonderful  singing  of  the  English  and  some  European 
choirs,  is  in  eiïect  that  the  youngsters  of  thèse  countries  are  endowed  by 
nature  with  better  voices  and  warmer  musical  tempérament  than 
Canadian  and  American  boys.  With  this  point  in  view  I  examined  the 
choristers  of  most  of  the  EngUsh  Cathedral  choirs  and  of  many  Contin- 
ental cho>s,  but  I  returned  to  America  and  to  the  city  of  Chicago  per- 
fectly  satisfied  with  the  musical  endowments  of  our  American  boys. 

The  professional  musicians  are  beginning  to  examine  with  keener  in- 
terest  thnn  heretofore  the  artistic  possibilities  of  boys  as  singers,  and 
tliis  awaicening  augurs  well  for  the  future  of  the  boy-choir.  During  the 
past  season  a  great  choral  compétitive  festival  in  Philadelphia  enlisted 
the  interest  of  the  leaders  of  the  musical  profession  in  the  United  States. 
At  the  invitation  of  Mr.  John  Wanamaker,  choral  societies  of  ail  kinde 
were  invited  to  compete,  and  splendid  opportunity  for  displaying  before 
a  représentative  p-athering  of  composers,  organists,  and  choirmasters,  the 
traditional  methods  and  ideals  of  boys'  choir  work  was  afforded.  The 
effect  of  the  festival  was  to  demonstrate  clearly  the  superiority  of  the 
boys  as  irderpreters  of  strictly  sacred  music;  and  more  recently  the  sub- 
ject  was  given  careful  considération  at  the  mammoth  "  National  Con- 
vention of  Organists  "  at  Océan  Grove,  ISTew-Jersey.  Through  the  pro- 
fessional leaders  the  correct  methods  will  secure  more  rapid  circulation 
through  the  country,  and  it  is  a  reason  able  hope  that  boy-choir  training 
may  soon  be  an  essential  in  the  éducation  of  church  musicians. 

III.  The  Real  Difficulty  of  the  Churcli  Music 
Situation  in  America. 

The  spiritual  values  of  a  trained  choir  of  boys  and  men  cannot  be 
over-emphasized.  Purthermore,  the  possibility  of  developing  the  fresh 
young  voires  of  the  American  boys  into  médiums  of  perfect  artistic  ex- 
pression is  undisputable. 

But  where  are  the  compétent  choirmasters  to  undertake  the  work? 

Many  -nriests  are  eager  to  provide  their*churches  with  such  organiza- 
tions  as  I  hâve  been  arguing  for,  but  they  are  confronted  with  the  su- 
prême diificulty  of  securing  compétent  musicians  to  organize  the  choirs 
and  to  train  the  boys. 

This,  ihcn,  is  the  practical  question  par  excellence  of  the  musical 
situation  on  this  continent. 

WTiat  can  be  donc  by  the  bishops  and  clergy  of  America  to  provide 
able  choirmasters? 

Somo  liave  thought  that  the  solution  of  the  difficulty  was  to  invite 
musician.-  from  Europe  to  take  charge  of  the  choirs  hcre,  and  pursuing 
this  conviction,  liavo  Ijrought  a  certain  number  to  this  continent.  But. 
the  experiment  failed  ;  for  the  conditions  hère  are  radically  so  différent 
from  the  conditions  under  which  most  European  musicians  hâve  been 


—  887  — 

accustomcà  to  work,  that  good  results  were  impossible.  Many  musicians 
hâve  begiin  the  work  at  the  wrong  end,  attacking  at  once  nuitters  of  re- 
pertory,  striving  to  replace  immediately  the  accustomed  figured  niusic 
with  plain  chant,  and  music  of  the  most  severe  form,  without  first  having 
prepared  the  proper  instrument  l'or  an  adéquate  interi)retation  of  this 
music.  The  expérience  of  the  last  seven  years  lias  abundantly  proven 
the  nece&siiy  of  educating  native  talent  for  the  positions  in  our  churches. 

Concerted  effort  on  the  part  of  those  in  authority  is  the  sure  and  only 
means  by  which  a  steady  improvement  of  the  musical  features  of  wor- 
ship  can  be  assured.  Seven  years  hâve  elapsed  since  the  publication  of 
the  encyclical  by  His  Holiness,  and  in  spite  of  the  good.  will  of  ail  con- 
cerned,  the  progress  of  the  movement  has  been  desultory  and  not  at  ail 
in  proportion  to  the  wealth  of  opportunity  at  our  command. 

A  great  central  school  of  music  pedagogy,  organized  and  maintained 
under  the  supervision  of  the  hierarchy,  will  alone  fill  the  need.  Only 
such  an  institution  can  disseminate  the  right  principles  and  metliods 
wideiy  enough  to  affect  the  gênerai  musical  situation.  In  such  a 
"  Schola  Cantorum  ''  native  talent  can  be  educated  to  cope  with  ail  the 
difficulties  of  organiszing,  maintaining,  and  scientifically  training  splen- 
did  choruses  of  bo3's  and  raen.  One  or  two  musicians,  perhaps  a  priest 
also  for  each  diocèse,  graduating  from  a  thorough  practical  as  well  as 
technical  course  in  such  an  institution,  would  be  equipped  to  e.xtend  the 
best  ideais  and  methods  throughout  their  respective  diocèses.  In  the 
course  of  a  few  years,  the  musical  courses  in  the  paroehial  schools  of  thèse 
diocèses  would  he  seen  to  effect  great  practical  results.  Local  musicians 
would  find  in  the  graduâtes  of  such  a  school  instructors  who  would  be 
able  to  solve  their  particular  difficulties,  and  guide  them  with  assurance 
in  ail  the  departments  of  music  with  which  every  successful  choirmaster 
must  be  familiar. 

To  foui  d  such  a  school  is  not  a  great  difficultv.  In  a  large  metropolis 
like  Xew  York  City,  even  the  first  year  would  involve  no  uncertainty. 
Students  flock  in  great  numbers  every  year  to  ail  the  musical  consei^va- 
tories  that  affect  to  teach  Church  music,  and  relurn  to  take  up  active 
work  altor.cther  unequipped  to  meet  the  difficulties  of  the  situation,  and 
without  an  understanding  of  the  basic  principles  of  the  subject.  A 
"  National  School  for  Catholic  Church  Musicians  "  would  appeal  to  a 
great  nuniber  of  talented  students;  and  in  a  short  tiine  the  bishops  who 
had  coopcrated  in  the  founding  of  such  an  institution  would  rcap  the 
harvest  lOi  their  diocèses. 

The  Faculty  of  such  a  school  would  require  not  more  tlian  thrce  in- 
structors, and  if  thèse  were  carefully  choson,  and  the  course  proposed 
woll  advcrtisod  in  tlie  profcssional  circles,  the  immetliate  succe-ss  of  the 
undcrtakirg  would  be  assured. 

After  thirteen  years  devoted  to  the  subject  of  boys'  choirs  and  tlio 
musical  situation,  I  must  say  candidlv  that  without  sonio  national  insti- 
tution of  tlie  kind  dcscribed,  tlio  possibility  of  a  gênerai  inipntvemcnl  of 
our  Church  music  is  not  very  clear.  We  need  a  gênerai  movement.  and 
only  a  gênerai  school  will  accomplish  gênerai  results. 

i  hâve  given  but  meagre  attention  during  this  address  to  the  praise 


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of  plain  chant.  I  l'eel  thaï  anv  pajKT  on  Clnircli  nuisic  is  incomplète 
without  a  référence  to  tins  sweetest  of  ail  forms  of  music;  but  my  pur- 
pose  in  accepting  the  invitation  of  the  Committee  to  speak  upon  tlie 
suhjoet  iî  Cluirch  Music  was  to  cnipliasize  the  radical  change  necessary 
bofore  plain  chant  or  any  other  fonn  of  ecclesiastical  music  has  a  ight 
to  be  considered.  Once  get  the  correct  ideals  and  methods  of  training 
bovs  understood  and  accepted  by  the  clergy  and  musicians  in  gênerai, 
and  matters  of  repertory  will  be  readily  adjusted.  The  deep  spiritual 
content  oi  plain  chant  will  then  hâve  adéquate  opportunity  for  éloquent 
appeal,  and  ail  the  fitting  music  of  other  types  will  unfold  a  deeper 
nieaning. 


HOW^    TO    FACILITATE    FREQUENT    COMMUNION. 

BY 
RT.  REV.  MONSIGNOR  J.  M.  S.  LYNCH,  D.  D, 


Zealous  the  pastor,  cloquent  the  preacher,  learned  the  confessor,  saint- 
ly  the  priest,  to  be  able  to  do  justice  to  this  thème. 

As  I  looK  ont  upon  this  large  assemblage  of  priests  and  people,  I 
realize  that  many  who  are  listening  to  me  are  leaders  in  the  Eucharistie 
Crusade  inaugurated  by  our  Holy  Father,  the  Beloved  Plus  X.  now  glo- 
riously  reigning. 

I  am  conscioui5  of  how  far  I  fall  below  the  idéal  of  a  true  promoter  of 
this  sacred  cause,  and  I  fear  lest  the  "  medice  cura  te  ipsum  "  rebuke 
may  rise  unbidden  to  your  lips  and  challenge  my  sincerity. 

And  so  it  may  happen,  that  however  wise  my  counsels,  they  may  prove 
abortive  because  not  enforced  by  the  drawing  power  of  example.  How- 
ever, it  is  the  cause  of  the  Eucharistie  God  that  I  plead,  and  I  feel  hon- 
ored  to  be  allowed  to  raise  my  feeble  voice  and  do  aught,  be  it  never  so 
little,  for  our  Emmanuel. 

When  we  reflect  that  even  canonized  Saints  failed  at  times  to  realize 
the  f ull  benefits  of  fréquent  and  daily  communion  ;  when  we  recall  that 
the  Angelic  Aloysius  prepared  for  three  days  for  lus  M'eekly  communion, 
and  spent  three  more  days  in  thanksgiving  for  the  visit  of  his  Heavenly 
Guest;  we  almost  fear  that  we  are  guilty  of  irrévérence  in  urging  sinners 
1o  snch  familiar  intercourse  with  our  Lord  in  the  Blessed  Sacrament. 

But,  hère,  we  must  keop  in  mind  the  truc  évolution  that  is  constantly 
taking  place  in  the  Catholic  Church  :  that  wondcrful  developuient  of 
doctrine  by  which,  as  the  treasures  contained  in  the  Deposit  of  Faith  are 
being  brought  ont  into  clearer  and  clearer  light,  the  flowers  of  dévotion 
shoot  fortb  from  tlie  Tree  of  Faith  to  moot  tho  wants  of  each  succeeding 
âge.  This  will  help  us  to  understand  that  pcrhaps  it  was  a  part  of  the 
Providence  of  fJod  to  reserve  for  our  timo  tho  full  understanding  of  the 
gift  of  the  P»U'8Sf'd  Sacrament,  by  usine  it  in  tho  wav  that  Christ  intended. 


8Si) 


A  Doctrinal  and  Disciplinary  Decree. 

The  distinguished  C'ardiual  \'annutelli,  who  is  the  spécial  Legate  uf 
tlie  Holy  Father  to  tins  Eucliaristic  Cuiigress,  and  whu  signed  tlie  J)cvreL' 
ou  Daily  C'oininunion,  spoke  at  tlie  Eucharistie  Cougie&s  at  Tournai,  a 
few  years  ago,  as  follows  :  *'  This  great  Pontifical  Act  so  niaturely  consi- 
dered  and  so  seasonably  proniulgated,  is,  at  oue  and  the  saine  tiiue, 
doctrinal  and  disciplinary."' 

As  Father  Liiitelo  puts  it  tersely  :  "  If  Inlallibility  luis  not  spoken, 
Authority  has.'' 

Plus  X.  lias  conimanded  that  ail  parish  priests,  confossors,  and  preach- 
ers,  are  frequently  and  with  great  zeal  to  exliort  the  l'aithful  to  the 
practice  of  fréquent  and  daily  communion.  Therel'ore,  it  is  not  enough 
simply  to  speak  of  this  Decree  casually,  to  reconmiend  fréquent  commu- 
nion occasionally  in  the  confessional,  or  simply  to  tolerate  the  practice 
\ve  find  growing  in  tiie  jiarish;  no,  we  must  lead  in  the  propagation  of 
this  dévotion,  in  season  and  out  of  season;  we  must  urge  the  practices 
constantly.  The  only  question,  then,  which  is  open  to  discussion  in  this 
matter,  is  how  best  to  carry  out  the  wishes  of  the  Iloly  Father. 

Now,  let  us  discuss  some  practices  that  are  feasible,  and  tluiî  would 
make  for  more  fréquent  communion. 

Obviously,  there  will  be  quite  a  différence  between  country-places  and 
large  city  parishes  in  regard  to  the  practicability  of  what  is  undei-siood 
by  fréquent  communion.  But,  is  it  not  true  that  with  a  little  zeal  and 
tact,  communions  miglit  be  easily  multiplied  even  in  counirv-])laces? 
Let  us  take,  first,  those  rural  places  where  large  numbers  of  the  faithful 
live  at  a  distance  from  the  church,  where  they  cannot  even  assist  at  Mass 
every  Sunday,  much  less  practice  frocjuent  communion.  Again,  even  in 
more  compact  parishes,  where  the  great  mass  of  the  peo'ple  live  iu  the 
village  comparatively  close  to  the  church,  even  hère  daily  Mass  without 
interruption  is  impossible,  because  the  priest  must  go  away  sometiines, 
and  often  there  is  no  onc  to  su])ply  his  place.  In  botli  the^;e  cases,  why 
may  not  the  people  be  taught  to  follow  the  recommendation  of  the 
Council  of  Trent,  and  receive  Holy  Communion  as  often  as  they  assist 
at  Mass? 

I  remember  many  years  ago,  in  one  of  the  Southern  States,  assùsting 
a  pastor  in  one  of  his  visits  to  a  Créole  colony  located  on  an  island  more 
than  one  hundred  miles  from  the  nearest  church.  There  were  over  a 
hundred  in  that  strange  settlement.  I  found  them  a  most  devout,  reli- 
gious  peo])le.  They  had  a  little  chanel,  and  the  Angclus  was  niug 
regularly,  and  they  ail  assisted  at  morning  and  evening  prayers  and  at 
many  other  dévotions.  What  was  remarkable  was  that  they  were  so  very 
pious  in  spite  of  the  fact  that  they  had  Mass  only  once  or  twire  a  year. 
Whon  the  priest  came,  it  was  a  great  event  in  the  litth'  commiiuity, 
even'body  exoept  the  little  children  receiving  Holy  Communion.  TIere 
was  an  example  of  fre(|uent  communion  as  far  as  it  was  practicablc  If 
thev  could  hâve  had  ^fass  daily.  I  am  sure  tliey  would  havc  cctnimnii- 
icated  daily.  They  complied  with  tho  recommeiidalion  of  the  ('((uncil 
of  Trent  to  the  lettcr,  receiving  Holv  Communion  everv  time  thev  a.-'sist- 


—  890  — 

ed  at  tlie  Holy  Sacrifice  of  tlae  Mass.  Yes,  as  far  as  possible  in  such 
cases,  let  the  entire  congrégation  approach  the  altar  rails.  Let  facilities 
be  given  for  confession  tlio  evoning  before,  or  in  the  morning  before 
Mass.  It  is  not  to  be  expected  that  every  person  in  the  parish  would 
avail  himself  of  this  privilège,  but  there  is  no  doubt  that  a  very  consi- 
dérable number  would  do  so,  if  the  priest  would  insist  on  this  practice 
and  repeatedly  urgc  it.  But,  is  it  not  a  fact  that  some  priests  instead  of 
encouraging  fréquent  communion,  actually  oppose  it?  I  know  churches 
where  Mass  is  celebrated  every  Sunday;  but  there  is  a  rule  strictly  en- 
forced  by  the  pastor  that  communion  be  administered  only  on  the  first 
Sunday  of  the  month,  and  eveu  those  who  would  like  to  be  weekly  com- 
municats,  would  not  dare  approach  the  altar  rails  on  forbidden  Sundays. 
Of  course,  such  a  rule  would  militate  against  fréquent  communion, 
and  even  against  communion  which  is  not  fréquent,  in  the  proper 
sensé  of  the  word.  I  remcmber,  when  a  boy,  being  driven  from  the  con- 
fessional  because  1  had  the  audacity  to  return  after  three  weeks  for  an- 
other  communion.  The  good  old  priest  believed  that  he  was  promoting 
respect  for  the  Blessed  Secrament,  but  as  a  matter  of  fact,  he  was,  on 
account  of  his  early  training,  tainted  with  the  poison  of  Jensenistic 
heresy.  Let  us  hope,  however,  that  there  are  few  pastors  so  insubor- 
dinate  as  to  so  dagrantly  disobey  the  command  of  the  Sovereign  Pontiff 
in  so  important  a  matter. 

Again,  take  a  parish  where  two  places  are  cared  for  bv  one  priest, 
who  is  obliged  to  celebrate  early  and  late  Mass  alternately  in  either  place. 
Why  should  he  not  stay  over  night  in  the  place  where  he  is  to  say  the 
early  Mass,  and  hear  confessions  the  evening  before  and  make  an  effort 
to  hâve  gênerai  communion  ?  And  the  following  Sunday  when  the  Mass 
is  at  a  later  hour,  why  could  not  ail  thèse  same  communicants  receive 
asrain  without  confession,  provided,  of  course,  that  they  are  in  a  state 
of  grâce? 

Some  will  object  that  this  is  impracticable,  that  people  could  not  fast 
so  long.  But  is  not  the  difîculty  of  f asting  very  much  exaggerated  ?  How 
does  it  happen  tliat  many  dehcate  priests  are  able  to  fast  until  one  o'clock 
on  Sundays,  and  do  a  great  deal  of  severe  work  meanwhile  without 
doing  themselves  any  permanent  harm?  And  yet  you  tell  me  that 
strong,  healthy  men  and  women  would  ruin  their  heaîth  by  fasting  'till 
noon  once  a  fortnigbt?  Of  course,  I  admit  that  many  could  not  really 
fast,  but  I  maintain  that  a  large  number  of  people  in  parishes  of  this 
kind  could  reçoive  communion  at  the  late  Mass,  with  little  or  no  incon- 
renience. 


The  Forty  Hours  a  Continuons  Prayer. 

Again,  why  could  not  the  dévotion  of  the  Forty  Hours  open  on  Friday 
iastoad  of  Sunday?  Then,  let  ail  the  confessions  "be  heard,  if  possible,  on 
Thunsday.  Tlio  faithful  could  be  urged  to  receive  Holy  Communion  on 
each  of  the  three  days  instoad  of  once,  as  now  practiced  in  many  places. 
I  would  then  exhort  the  faithful  to  visit  the  Blessed  Sacrament  fre- 


—  891  — 

quently  during  the  Triduum,  and  especially  on  Sunday,  when  I  would 
close  the  dévotion  in  the  afternoon  or  evening.  They  could  be  taught 
in  this  way  the  real  meaning  o£  the  Forty  Hours,  that  it  is  a  continuous 
prayer,  and  not  simply  a  time  for  going  to  confession  and  communion. 
Finally,  I  would  urge  ail  who  made  the  Forty  Hours  to  receive  again  on 
the  foUowing  Suiday,  without  requiring  confession.  The  faithful 
ahould  be  taught  that  the  Forty  Hours  is  not  simply  the  annual  com- 
munion for  the  parish,  but  a  dévotion  instituted  principally  to  honor  the 
Blessed  Sacrament  and  to  make  réparation  for  the  sins  committed 
against  it,  and  this  is  best  done  by  fréquent  communion. 

I  know  churches  where  the  Forty  Hours  takes  place  a  month.or  so 
after  Trinity  Sunday,  and  many  of  the  people  actually  fail  to  make  their 
Easter  duty,  and  do  not  f  ully  realize  the  sin  they  are  committing  in  wait- 
ing  for  the  Forty  Hours,  which  is  looked  upon  as  the  annual  communion 
required  by  the  Church.  Why  not  utilize  this  beautiful  dévotion  of  the 
Forty  Hours  to  help  rather  than  to  hinder  the  practice  of  fréquent 
communion  ? 

Again,  why  could  not  the  Eucharistie  Triduum,  which  is  of  obligation 
in  Cathedral  churches,  but  strongly  recommended  for  ail  parish 
churches,  be  held  in  ail  country  churches,  and  even  in  out-missions,  when- 
ever  practicable  ?  For  it  must  be  kept  in  mind  that  a  campaign  of 
éducation  is  sadly  needed  before  fréquent  commuion  can  take  a  strong 
hold  upon  our  people.  For  that  devout  and  salutary  practice  of  daily  com- 
munion for  ail,  men,  women,  and  children  to  which  the  Pope  so  strongly 
urges  us,  though  it  is  not  new  in  the  Church,  is  new  to  us  vnth  such 
Eucharistie  discipline  as  most  of  us  priests  hâve  had. 

Ilere  is  another  method  of  spreading  the  practice  of  fréquent  com- 
munion. It  is  customary  in  many  country-places  to  invite  a  few  of  the 
neighboring  priests,  and  hâve  spécial  confessions  during  the  Paschal 
season,  to  enable  ail  to  make  their  Easter  duty.  Why  not  exiend  this 
praiseworthy  custom,  and  hâve  priests  gather  together  in  such  places  at 
other  times,  say,  during  Advent,  the  Christmas  season,  October  for  the 
Rosary,  and  June  for  the  Sacred  Heart?  ^^^ly  could  not  opportunities 
like  this  be  given  to  enable  ail  the  faithful  to  receive  Holy  Communion 
as  often  as  possible  during  the  year?  Finally,  I  would  suggcst  as  a 
aplendid  means  of  propagating  fréquent  communion,  to  hâve  a  strong 
center  of  the  Apostleship  of  Prayer,  otherwise  know  as  the  League  of 
the  Sacred  Heart.  Twenty  good  promoters  could  do  wonders  in  this  Une 
among  the  8cattere<l  Catholics  of  such  a  parish.  Let  the  promoters  be 
well  instructed  in  their  duties  by  the  local  Director,  and  fired  with  holy 
zeal  for  the  spread  of  fréquent  and  even  daily  communion. 

I  know  that  there  are  many  centers  established  already  in  country- 
places  ;  but  very  often  the  promoters  are  nothing  but  letter-carriers  who 
deliver  indirectlv  the  décade  leaflet  to  their  associâtes,  and  do  not  even 
give  it  the  importance  of  a  registered  letter  which  requires  personal  de- 
liverv.  Of  course,  in  such  phicos  the  Eeague  will  not  l)e  a  very  great 
help  towards  fréquent  communion.  But  let  the  promoters  be  selected 
with  care  and  trained  with  diHgence.  Let  them  be  exhorted  to  see  eaoh 
one  of  their  associâtes  personally,  at  least  once  a  month.  Let  them  make 


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a  complète  canvass  of  tlie  i)arish,  and  sec  tliat  every  man,  woman,  and 
child  is  re«-istered,  at  least  in  tlie  first  cleijrce;  then  let  tlieni  by  constant 
iniportuiiities  gradually  draw  theni  to  join  tlie  third  degree,  even  if  they 
are  unwilling,  a;;  will  liappen  in  niany  cases,  to  accept  thc  obligations  of 
the  second  degree.  As  is  well  known,  the  third  degree  requires  a  weekly 
or  nionthly  communion  of  réparation.  Suppose  twenty  good  promoters 
sliould  succcetl  in  getting  only  ten  of  their  associâtes  to  practice  the  third 
degree,  that  would  mean  two  hundred  weekly  or  monthly  communions. 
But  even  if  this  high  idéal  cannot  be  reached,  and,  perhaps,  it  is  too 
niucli  to  expect,  is  it  not  undeniable  that  a  band  of  good  promoters  en- 
couraged  and  pushed  on  by  a  zealous  Director  could  succeed  in  getting 
niany  people  to  go  to  communion  often,  whom  the  pastor  might  never 
reach  ? 

Now  let  us  see  what  can  be  donc  in  large  city  churches  comprising 
often  several  thousands  of  population.  In  order  to  facilitate  the  prac- 
tice of  fréquent  communion  in  such  parishes  there  should  be  well  organ- 
ized  sodalities  for  ail  classes  ;  for  the  older  men,  for  the  young  men,  and 
for  marriecl  and  for  single  women,  and  for  boys  and  for  girls. 


The    Holy   Name    Society   promotes    Fréquent 

Communion. 

Efforts  should  be  made  to  get  every  parishioner  to  join  one  or  other 
of  thèse  sodalities.  For  the  men,  it  would  seem  that  the  Holv  jSTame 
Society,  with  senior  and  junior  branches,  would  be  best  adapted  for  the 
purpose.  Monthly  communion  should  be  the  rule  in  thèse  societies  for 
men.  In  some  cases  this  might  be  optional  at  first,  with  quarterly  com- 
munion obligatory.  If  there  could  be  an  annual  Eetreat  for"  thèse 
societies,  there  would  be  no  difficulty  in  keeping  up  monthly  commun- 
ion. I  know  large  parishes  where  this  is  actually  donc,  so  the  idea  is 
not  chimerical.  For  the  édification  of  the  people  it  Avould  certainly  be 
désirable  to  hâve  thèse  societies  receive  in  a  body  ;  but  if  this  is  objection- 
able  to  any  considérable  number,  I  should  be  satisfied  if  they  would  bring 
cards  to  the  meeting  showing  that  they  had  received. 

I  would  hâve  the  sccretary  of  the  society  keep  a  careful  record  of  the 
delinquents,  and  I  would  hâve  them  followed  up.  There  is  no  doubt 
that  if  the  great  bulk  of  the  men  of  the  parish  were  to  go  to  communion 
monthly,  a  large  number  would  begin  to  receive  weekly  and  even  often- 
er,  and  thus  thc  désire  of  the  Sovereign  Pontiff  as  regards  the  men 
would  be  in  great  measure  realized. 

For  the  married  women,  I  would  hâve  the  Eosary,  Altar  Societv,  or 
some  otlier  of  the  kind  ;  and  for  the  young  women,  a  Sodality  of  the 
Blessed  A'irgin.  I  would  change  at  once  the  old  rule  of  thèse  Societies 
which  requires  only  monthly  communion,  and  make  it  once  a  week.  One 
necd  not  be  too  timid,  the  TToly  Spirit  has  breathed,  a  change  has  corne 
over  the  ideas  of  thc  faithful;  the  death-blow  has  boen  given  to  Janse- 
nisin,  and  clients  of  Mary  now  look  upon  their  rule  of  monthlv  commun- 
ion as  only  defining  the  minimum  of  obligation,  and  in  practice,  they  go 


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to  comniuniou  mon'  t'ie(iuently.  If  I  sliould  feel  tliat  goin?  to  commun- 
ion in  a  body,  with  veils  and  medals,  was  a  liindrauce  ratlier  than  lielp  to 
fréquent  communion,  1  sliould  let  the  sodalists  receive  at  any  Mass. 
provided  they  received  weekly.  Hère  is  another  important  matter  in 
regard  to  young  women,  for  the  twentictli  centui-y  pastor  to  take  into 
aeoount.  I  admire  the  hasts  of  young  women  throughout  the  world,  who, 
besides  going  to  communiou  on  Sundays,  assist  at  Vespers,  and  after- 
wards  recite  the  office  of  the  Blessed  N'irgin,  and  listeu  to  a  long  in- 
struction from  their  director  at  tlieir  meeting.  I  say  to  ail  priests,  keep 
up  this  beautiful  practice  if  you  can.  Would  to  God  that  it  wcre  ])oss- 
ible  to  get  every  young  woman  in  the  United  Stateâ  and  Canada  to  show 
her  dévotion  to  our  Blessed  Mother  inthis  splendid  manner  !  But  the 
fact  cannot  be  ignored  that  there  are  large  numbers  of  young  women. 
especially  in  our  cities,  the  very  ones  who,  perhaps,  need  tlie  Sacraments 
the  most,  who  are  unwilling  to  give  up  their  whole  Sunday  to  pious 
exercises,  or  to  wear  veils  and  medals  in  church,  and  for  this  reason  keep 
ont  of  sodalities  and,  worse,  seldom  approacli  Holy  Communion.  1 
would  say,  then,  to  the  zealous  pastor  who  wants  to  feed  not  only  the 
good  but  the  less  good  of  his  flock  :  Form  another  sodality  from  thèse 
dissenters  ;  call  it  the  weekly  communion  sodality  of  the  Blessed  Virgin. 
Let  this  be  only  essential  condition  of  a  membership.  Xo  veils,  no 
medals,  no  office;  brief  meetings  on  a  week  evening,  perhaps  once  a 
month.  I^et  the  sodalists  go  to  communion  on  any  day,  at  any  Mass,  in 
any  church,  only  weekly.  When  I  had  this  practice  ol  weekly  commun- 
ion for  married  and  single  women's  sodalities  firmly  established,  then  I 
would  give  instructions  on  the  Blessed  Sacrament  from  time  to  time  at 
their  meetings.  I  would  explain  to  them  that  what  is  desired  is  not 
weekly  but  daily  communion,  and  I  would  strongly  recommend  com- 
munion at  least  once  or  twice  during  the  week,  explaining  that  extra 
confessions  are  not  at  ail  required.  To  accomplish  this  the  more  surely, 
I  would  insist  on  daily  Mass.  If  weekly  communicants  would  hear  Mass 
daily  they  would  soon  become  daily  communicantes.  I  am  sure  Ihat  in 
a  short  time  they  would  show  a  great  increase  in  the  iiumber  of  com- 
munions. I  hâve  said  that  in  country-places  where  the  pcople  are  scat- 
tered  and  ofton  far  distant  from  church,  the  Apostleship  of  Prayer 
could  be  utilized  for  the  sprcad  of  freriucnt  communion.  T  might  add 
that  this  wonderful  organization  might  be  evcn  more  j)rolital)ly  madc  use 
of  in  large  city  parishes  for  the  same  purpose.  WTiy  not  organize  a  Par- 
ish  League  of  the  Sacred  Heart,  and  enroll  every  man,  woman,  and 
child  in  it  with  a  view  of  leading  them  gradually  up  to  the  practice  of 
the  third  degree?  I  know  city  parishes  that  are  divided  into  districts 
like  the  wards  of  a  city.  A  promoter  in  charge  is  put  over  each  district. 
This  promoter  is  assisted  by  several  others.  Each  takes  charge  of 
somc  certain  street  or  streets.  In  this  way  a  thorough  canvass  is  made 
and  kept  up  constaiitly  of  the  cntire  parish.  'V\\v  ju-omotcrs  are  e\- 
horted  to  lead  their  ass(K-iatw<  gradually  to  the  practice  of  the  third 
degree,  which  re(|uires  weekly  or  monthly  comTiiunif)n.  The  voicc  nf  the 
pastor  from  the  pulpit  may  excite  pious  inipluse  in  ihc  hearts  of  hi* 
hearers,  but  the  spécial  incssege  sent  in  his  nanie  to  each  individual  ])ar- 


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ishioner,  and  repcated  over  and  over  again  by  zealous  promoters  with 
ceaseless  importunity,  albeit  with  kindness  and  tactful  prudence,  is 
bound  to  hâve  its  effect  sooner  or  later,  in  bringing  communicants  to  the 
altar  who  frequently  might  never  hâve  heeded  the  gênerai  invitation  of 
the  preacher. 

As  to  Fréquent  Commuixion  for  Children. 

Like  St.  Francis  Xavier,  who  was  so  successful  in  his  Apostleship 
work  because  he  began  with  the  children,  if  we  wish  to  succeed  in  spread- 
ing  the  practice  of  fréquent  communion,  we  must  likewise  begin  with  the 
children. 

This  work  should  be  commenced  during  their  préparation  for  First 
Communion. 

And  during  the  two  or  three  months  of  immédiate  préparation,  t 
wliich,  according  to  the  new  Decree  of  the  Holy  Father,  children  are  to 
be  admitted,  who,  with  the  consent  of  their  parents  or  confessor  hâve 
already  made  their  First  Communion,  why  not  dévote  a  part  of  this 
time  to  explaining  to  the  children  the  Decree  of  the  Holy  Father  relat- 
ing  to  the  daily  communion  of  children,  disabusing  them  of  the  notion 
so  universally  prévalent  that  daily  communion  is  not  for  children.  There 
are  very  many  good  people  who  think  that  children,  as  a  rule,  are  too 
giddy  to  receive  Holy  Communion  very  often,  and  should  only  be  allowed 
to  communicate  at  most  once  a  week,  and  then  with  very  careful  pré- 
paration, and  protracted  thanksgiving,  lest  otherwise  the  Sacrament 
might  be  exposed  to  irrévérence.  But,  notwithstanding  this  apparentlj 
strong  objection,  the  Holy  Father  has  absolutely  decided  the  point  other- 
wise, and  there  is  no  longer  room  for  a  contrary  opinion.  "  Ought 
daily  communion,"  was  the  question  proposed  to  the  Holy  Father,  "  be 
reoommended  in  establishments  for  the  éducation  of  the  young,  even  to 
ail  children  whatsoever,  after  they  hâve  made  their  First  Communion  ?" 
The  answer  is  plain  and  unequivocal  :  "  Yes,  they  ought  not  to  be  hind- 
ered  but  on  the  contrary  exhorted  thereto,  the  contrary  practice  any- 
where  prevailing  being  condemned."  Let  us  give  up  our  false  notions 
on  the  matter,  however  reasonable  they  may  appear  to  us,  and  not 
attompt  to  be  \viser  than  the  Church. 

In  the  earlv  Church  infants  received  the  Precious  Blood  immediately 
after  baptism,  and  it  is  a  historical  fact  that  little  children  stood  directly 
in  front  of  the  Holy  Table  and  received  communion  next  after  the 
clerics.  It  was  a  custom,  if  many  fragments  of  the  Blessed  Sacra- 
ment remained,  for  the  priest  to  call  up  the  little  children  to  whom 
they  were  distrihuted.  Consequently,  there  is  no  good  reason  why 
fréquent  and  cvon  daily  communion  should  not  be  specially  recommend- 
ed,  even  in  our  times,  to  the  little  ones,  the  precious  lambs  of  the  flock. 
"  And  this  ail  the  more,"  to  use  the  words  of  the  Decree  regarding  daily 
communion  for  voung  children,  "because  it  is  absolutely  necessary  that 
children  hcf;ome  uniled  with  Christ  bcfore  their  passions  get  the  start 
of  them,  and  that  they  may  thus  hâve  the  strength  to  repel  vsdth  greater 
energy  the  assaults  of  the  devil  and  of  other  internai  and  external  foes." 


—  895  — 

It  must  be  kept  in  mind  tliat  chiidren  are  either  in  asyluuis,  boarding 
schools,  or  at  home  with  their  parents.  Hence  the  question  was  put  to 
the  Holy  See,  first,  in  regard  to  ail  chiidren  whatsoever,  and  the  answer 
was  identical  for  both  classes. 

Of  course,  it  is  much  easier  to  spread  the  practice  of  fréquent  and 
daily  communion  in  boarding  convents  for  girls,  and  collèges  for  boys, 
and  orphan  asylums,  and  industrial  schools,  than  among  chiidren  resid- 
ing  at  home.  Chiidren  in  ail  thèse  différent  kinds  of  establishment  are 
easily  induced  to  follow  a  practice  of  tins  kind,  once  it  is  understood  to 
be  the  rule,  and  the  wisli  of  the  Superiors.  And  yet,  strange  to  eay,  it 
is  a  fact  that  this  practice  of  daily  communion  does  not  obtain  yet  in 
many  establishments  for  the  éducation  of  the  young  in  the  United  States 
and  Canada.  Chiidren  will  do  what  tliey  are  told.  It  needs  but  the 
Word  of  authority,  and  the  wish  of  the  Holy  Father  can  be  inimediately 
realized  in  ail  institutes  of  this  kind.  May  we  not  hope  that  this  will 
be  one  of  the  results  of  this  Eucharistie  Congress,  assembled  under  such 
happy  auspices,  that  for  ail  chiidren  after  tliey  hâve  made  their  first 
communion,  daily  communion  may  become  an  actual  fact  in  ail  estab- 
lishments for  the  éducation  of  the  young  according  to  the  wishes  of  our 
Holy  Father? 

I  am  far  from  asserting  that  the  neglect  of  this  precept  has  been  uni- 
versal  in  institutions  of  this  kind.  There  are  many  bright  and  consoling 
exceptions  to  this  strange  disregard  for  Papal  authority.  I  remember 
visiting  a  couvent,  a  few  years  ago,  about  Christmas  time.  There  were 
over  a  hundred  pupils,  and  the  Sister  Superior  sait  that  they  ail  had 
received  Holy  Communion  every  day  from  openin?  of  the  school  in  the 
preceding  September. 

The  problem  is  not  so  easy  as  regards  chiidren  attending  parochial 
schools.  In  many  of  thèse  schools  the  rule  is  now  to  receive  Holy  Com- 
munion monthly.  The  first  step  would  be  to  change  this  into  weekly 
communion.  But  weekly  communion  is  not  daily,  nor  is  it  fréquent 
communion,  nor  will  it  satisfy  the  desires  of  Jésus  Christ  and  the 
Church,  to  use  the  words  of  the  Holv  Father. 

It  would  be  a  great  help  to  hâve  a  retreat  for  ail  the  chiidren  of  t)ie 
parish  at  the  opening  of  the  schools  in  September.  At  that  time  the 
Decree  of  the  Holy  Father  regarding  daily  communion  for  chiidren 
could  be  thoroughly  explained,  and  the  chiidren  mierht  receive  evcrv  day 
during  the  Retreat.  Even  the  chiidren  not  attending  the  parochial 
school  might  be  urged  to  make  this  Retreat,  as  far  as  it  would  be  pos- 
sible. As  a  practical  means  of  niultiplying  the  communions  of  parochial 
school  chiidren,  I  would  suggest  Ihat  their  confessions  be  heard  on  Fri- 
day  throughout  the  year,  and  that  they  receive  Holy  Communion  on 
Saturday  and  Sunday,  if  possible,  also  on  Monday,  on  tbis  confession. 
This  would  be  a  beginning.  Once  a  month  the  confessions  could  be 
be  heard  on  Thursday,  and  tlio  chiidren  could  receive  on  llie  First  Friday 
and  the  following  <lays,  on  the  same  confession.  Beside^,  communion 
could  be  carnestly  recommended  for  spécial  feast  days  occurring  during 
the  weok  wilhout  repeating  the  confession. 

Much  will,  of    course,  dépend  on  the  zeal  of    the  paslor  in  carefully 


—  89G  — 

and  repeatedly  instructiiig  the  childreu  of  tlie  parish  on  tlie  advantages 
of  fréquent  aùd  evon  daily  communion,  specially  l'or  childreu.  Hère  lie 
has  a  distinct  advantage  over  collèges  and  couvents  where  the  teachers 
are  not  priests,  because  his  words  are  more  effective  on  such  matters. 
He  is  required  to  visit  his  school  regularly  and  iustruct  his  childreu 
coustautly  ou  how  to  receive  the  Sacrameuts.  "Why  caunot  he  train 
the  chiklren,  whom  he  is  moulding  like  wax,  to  look  upou  daily  comnaun- 
ion  as  the  proper  thing  for  good  Catholic  boys  and  girls  ?  Since  in  other 
matters  they  are  formed  after  his  ideas,  why  not  in  this? 

Daily  communion  for  childreu  is  not  merely  an  académie  question. 
It  is  intensely  practical.  It  is  by  no  means  impossible.  I  hâve  heard 
already  of  some  parochial  schools  in  which  it  is  actually  practiced,  and 
of  others  where  it  is  being  gradually  introduced.  Doubtless  in  a  few 
years  there  will  be  many  others  falliug  into  line.  Wliy  not  join  the  pro- 
cession at  once?  Why  wait  until  \ve  are  forced  into  it  by  the  examples 
around  us?  The  priests  who  are  quick  to  obey  the  Holy  Father  will 
deserve  more  merit  than  tliose  who  obey  only  because  they  caunot  very 
well  do  otherwise. 


In  Regard  to  Confessors. 

Xow  a  with  regard  to  confessors.  It  is  true  that  the  work  of  he  cou- 
fessor  in  this  Crusade  caunot  from  the  very  nature  of  thiugs  be  as 
effective  as  that  of  the  pastor  and  the  preacher.  Obviously,  he  has  not 
time  to  iustruct  his  pénitents  on  the  Papal  Decree  regarding  Holy  Com- 
munion, and  eveu  if  he  did  so  his  pénitents  might  dread  to  put  in  prac- 
tice  what  would  look  to  them  a  new  departure,  and  as  if  they  had  been 
singled  out  from  the  rest  of  the  faithful  for  giving  an  advanced  example 
of  piety.  But,  ou  the  other  haud,  the  words  of  the  confesser  carry  gi'eat 
weight  to  the  sincère  pénitent.  He  is  not,  iudeed,the  sower  sowing  the 
seed  in  the  heart  of  the  multitude  at  large,  as  he  who  preaches  the  word 
of  God.  But  it  is  more  ;  he  is  the  voice  of  Grod  speaking  to  the  indivi- 
dual  pénitent,  and  speaking,  too,  with  a  full  kuowledge  of  the  dangers 
and  the  weakness  and  the  disposition  of  the  sinuer  before  him.  He  is 
not  only  father,  and  judge,  and  teacher;  he  is,  above  ail,  the  physician 
who  has  spécifie  remédies  for  each  particular  spiritual  ailment.  Often 
he  may  be  able  to  seud  back  badly  directod  pénitents  to  their  parishes  to 
become  very  apostles  of  fréquent  communion,  and  their  example,  fol- 
lowed  by  those  whom  they  are  able  to  influence  may,  at  last,  opeu  the 
eyes  of  the  pastor  to  the  harm  he  is  doing  in  keeping  soûls  from  the 
"  Fountain  of  Life." 

.\gain,  the  confesser  soon  realizes,  as  he  listeus  to  tlie  sad  taies  of 
human  woe,  how  true  it  is  that  fréquent  communion  is  tlie  real  panacea 
for  the  relapsing  sinner  of  every  kind,  especially  of  those  addicted  to  the 
rice  of  impurity. 

Time  will  not  permit  me  to  treat  of  the  many  o])jections  that  are  con- 
itantly  being  made  against  fre^iuent  communion.  The  answers  can 
ea.sily  \h:  foiind  in  dr-votional  books.  and  especially  the    new  ones  that 


—  b9r — 

appeared  since  tlie  Papal  Decrec.  But  it  strikcs  me  that  there  are  two 
principal  objections  that  are  in  your  niinds,  and  that  deserve  a  passing 
notice.  It  may  ^e  that  on  account  of  thèse  two  objections,  nianv  of  you 
are  inclinod  to  think  that  most  of  my  suggestions  hâve  only  an  académie 
interest,  and  can  never  be  reduced  to  practice.     Hère  is  the  first  : 

If  fréquent  and  daily  communion  becomes  the  rule  for  a  large  por- 
tion of  the  faithful,  it  would  be  a  physical  impossibility  to  hear  the  con- 
fessions. This  objection  reminds  me  of  the  man  who  said  that  he  could 
not  make  his  Easter  duty  because  he  had  proved  by  a  mathematical  cal- 
culation  that  there  were  not  priests  enough  in  the  city  to  hear  the  con- 
fessions of  the  Catholic  population.  He  was  told  that  he  could  go  to 
confession  and  not  worry  about  others.  So  I  say  that  no  matter  how 
many  there  are  who  désire  to  go  to  communion  frequently,  each  person 
may  rest  assured  that  he  will  be  able  to  go  to  confession  as  often  as 
needed,  and  let  the  others  take  care  of  themselves.  Besides,  confession 
is  not  a  necessary  condition  for  receiving  Holy  Communion.  The  De- 
cree  on  fréquent  communion  does  not  even  require  a  constant  state  of 
grâce.  It  is  enough  to  be  in  a  state  of  grâce  at  the  time  of  receiving 
communion.  St.  Alphonsus  teaches  that  a  person  who  doubts  whether 
he  has  sinned  mortally  or  not,  may  lawfully  go  to  communion  without 
previous  confession,  whether  the  doubt  be  positive  or  négative.  Antoni 
adds  that  this  doctrine  of  St.  Alphonsus  must  be  taught  to  the  people 
if  it  be  desired  that  the  faithful  should  go  forward  with  fréquent  com- 
munion. "  An  expérience,"  he  adds,  "  of  mission  work  during  thirty 
years  and  more  has  convinced  me  that  it  is  the  fear  of  being  in  mortal 
sin,  and  hence  of  making  sacriligiou.s  communions,  which  causes  so  many 
who  live  habitually  in  the  grâce  of  God  to  omit  communion."  If  people 
wish  to  communicate  daily,  and  cannot  conveniently  go  to  confession  ex- 
cept  at  long  intervais,  let  them  act  on  this  teaching  without  any  seruple. 
I  hâve  never  heard  of  a  priest  who  would  hesitate  to  follow  this  theolog- 
ical  opinion  in  practice,  even  when  celebrating  out  of  pure  dévotion. 
Why  should  not  the  faithful  enjoy  the  same  privilège?  Is  greater  purity 
of  soûl  required  for  receiving  Holy  Communion  than  for  celebrating 
Mass? 

Let  fréquent  communicants  go  to  confession  weekly,  if  possible.  But 
when  this  cannot  be  done,  let  them  go  to  communion  without  confession^ 
and  let  them  never  omit  a  communion  simply  beciiuse  of  a  long  interval 
since  the  last  confession,  save  only  when  they  are  sure  that  thoy  are  in 
mortal  sin.  The  Church  expesses  her  mind  very  clearly  on  this  subject 
when  she  allows  those  who  receive  Holy  Communion  at  least  five  times 
a  week,  to  gain  ail  the  plcnar\'  indulgences  that  are  gainahle,  even 
though  they  go  to  confession  only  once  a  fortnight  or  once  a  month.  or 
even  less  often,  for  the  Decree  puts  no  limit.  As  regards  venial  sins, 
we  should  teach  the  people  the  doctrine  of  the  Council  of  Trent.  that 
reniai  sins  can  be  remitted  in  many  othor  ways  bcsidc*  g<iing  to  confes- 
sion, and  especially  by  fre<|Uent  communion,  and  insist  esjKtially  witli 
pions  people  that  Holy  Communion  is  never  to  be  omitte^l  for  laok  of 
confession,  provided,  of  course,  the  person  is  not  sure  that  he  is  in  mortal 
sin.     You  will  objoct  that  some  of  the  saints  went  to  confession  twioe  a 

29 


—  898  — 

dav  in  order  to  receive  the  grâce  of  the  Sacrament  of  Penance.  Yes,  but 
such  a  practice,  however  praisewortliy,  is  ol'ten  morally  impossible  ;  and, 
besides,  there  are  laany  other  saints  who  did  not  observe  tbis  practice. 
But  at  any  rate,  whetber  the  faithful  go  to  confession  twice  a  day  or 
once  a  moutb,  that  is  no  reason  why  they  sbould  not  practice  fréquent 
and  daily  communion.  To  sum  up  on  tbis  point  in  the  words  of  a  dis- 
tingushed  theologian  :  "  Theref ore,  far  f rom  requiring  an  increase  in  the 
number  of  confessions  on  aocount  of  f requf^nt  communion,  the  Holy  See 
supposes  that  the  faithful  who  are  accustomed  to  communicate  every  day 
need  not  approaeh  the  confessional  even  once  a  week,  or  even  once  in  two 
weekfi." 

The  second  objection  is  that  fréquent  and  daily  communion  might 
lead  to  a  lack  of  préparation  before,  and  of  thanksgiving  afterwards.  I 
answer  in  the  first  place,  that  thèse  two  most  praisewortliy  actions  are  not 
conditions  sine  qua  non  for  the  réception  of  Holy  Communion.  Why 
sbould  we  say  to  pious  soûls  as  the  Jansenists  do  :  "  that  the  day  on  which 
Holy  Communion  bas  been  received  must  be  wholly  spent  with  our  Lord 
in  the  Garden  of  Olives?"  Why  not  rather  oounsel  them  with  St. 
Francis  de  Sales,  thuswise  :  "  I  sbould  never  deny  myself  suitable  ré- 
création on  the  lay  on  which  I  bave  communicated  ?  "  The  serions  pré- 
paration and  suitable  thanksgiving  recommended  by  the  Papal  Decree 
are  not  for  the  obtaining  of  the  essential  fruit  of  the  Eucharist  but  for 
producing  those  greater  effects  that  dépend  on  the  disposition  of  the 
communicant.  I  sbould  certainly  say  that  a  person  who  would  make  no 
préparation  at  ail,  but  receive  devoutly  without  voluntary  distraction, 
and  would  make  but  a  few  moments  thanksgiving,  would  still  do  well  by 
receiving  daily,  altbougb  at  the  loss  of  many  grâces,  if  tbis  lack  of  pré- 
paration and  thanksgiving  were  culpable.  I  certainly  would  recommend, 
with  moralists,  careful  préparation  and  a  quarter  of  an  hour,  if  possible, 
for  thanksgiving.  But  neither  must  be  required  under  penalty  of  giv- 
ing  up  the  communion.  I  know  pious  soûls  that  communicate  daily, 
that  never  make  more  than  five  minutes  thanksgiving,  and  I  would  not 
dare  drive  them  from  the  Holy  Table  for  that  reason  alone.  No,  let  us 
not  insist  too  much  on  tbis  long  préparation  and  longer  thanksgiving 
when  it  keeps  people  from  the  Ploly  Table.  The  best  préparation  for 
to-morrow's  communion  is  to-day's,  the  best  thanksgiving  for  to-day's 
is  to-morrow's. 

My  d(iar  brothers  in  Jésus  Christ,  listen  to  the  words  of  our  Holy 
Fatber  Pius  X.,  at  the  Eucharistie  Congress  held  in  Eome  a  few  years 
ago  :  "  It  is  especially  to  you  that  I  turn,  priestly  sons,  that  Jésus,  the 
Greatest  Treasure  of  Paradise,  the  grandest  of  the  benefits  that  poor 
humanity  bas  received,  sbould  not  be  coldly  and  ungratefully  abandon- 
erl."  The  commander-in-chief  bas  spoken  —  le  mot  d'ordre  bas  bèen 
givcn.  We  are  the  commissioned  officers  under  our  God-given  Bisbops 
in  tbe  grand  army  that  is  battling  with  the  world,  the  flesb,  and  the 
devil,  for  tbe  salvation  and  tbe  sanctification  of  tbe  soûls  redeemed  by 
Christ's  pre<--ious  blood.  Ah!  let  us  gladden  tbe  hcart  of  our  beloved 
Fatber,  the  Vicar  of  Christ,  as  with  yearning  eyes  he  looks  toward  tbis 
Western   Continent,  tbe  hope  of  the  future  for  practical  love  of  tbe 


—  899  — 

Eucliaristic  God.  Lei  us  pledge  him  our  dévotion  to  this  cause  whieli 
he  lias  so  much  at  heart.  Let  us  rejoice  that  it  is  our  privileiîe  to  share 
with  him  in  so  noble  an  undertaking.  Who  knows  but  that  it  was  this 
very  practice  of  fréquent  and  daily  communion  that  the  prisoner  of  the 
Vatican  had  in  mind  when,  at  the  very  beginning  of  his  glorious  ponti- 
ficale, he  announced  the  sublime  purpose  of  hio  reign,  "  To  restore  ail 
things  in  Christ/' 


REASONS  FOR  OUR  RELIEF  IN  THE  REAL 

PRESENCE. 


BY 

REVEREND  A.  THOMPSON. 


THE  proofs  of  Christ's  real  présence  in  the  Holy  ilucharist  are  based, 
as  are  the  proofs  of  ail  other  dogmas,  upon  divine  révélation.  It  is  un- 
necessary  to  remark  hère  that  the  channel  through  which  such  révélation 
is  brought  home  to  us  is  tradition,  either  manifested  to  us  in  the  Written 
Word,  or  transmitted  "  Sine  Scripto  "  from  génération  to  génération. 
It  is  not  the  purpose  of  the  présent  paper  to  discuss  thèse  principles  of 
theology;  they  are  merely  referred  to  as  fundamental  propositions  ne- 
cessarily  presupposed  in  theological  discussion. 

The  total  déniai  of  thèse  principles  would,  of  course,  render  futile 
the  attempt  to  produce  in  the  mind  of  the  person  rejecting  them  any 
conviction  of  the  reality  of  Christ's  présence  in  the  Holy  Eucharist.  We 
hâve,  however,  frequently  to  deal  with  certain  classes  of  Christians 
who,  while  admitting  the  fact  of  divine  révélation,  confine  its  extent  and 
expression  to  the  pages  of  Holy  Scripture;  and  with  thèse  we  hâve  to 
face  the  difficulty  of  agrecing  upon  tlie  premises  from  which  the  argu- 
ment is  to  proceed.  This  difficulty  is  increased  fîrstly,  —  by  the  prin- 
ciple  of  private  judgment,  which  with  them  is  fundamental,  and  affords 
innumerable  opportunities  for  evading  the  natural  and  obvions  infer- 
ences  which  the  words  of  Holy  Scripture  warrant;  and  sccondly,  —  by 
the  vague  and  limited  sensé  in  which  divine  révélation  lias  corne  to  be 
understood  within  récent  years. 

Tlie  purpose  of  thèse  preiiminary  remarks  is  to  call  your  attention 
to  the  différent  lines  of  argument  which  the  exponent  of  Catholic  truth 
may  find  it  expédient  to  adopt  according  to  the  différent  intcUertual 
make-up  of  his  audience;  for  the  efficacy  or  utility  of  an  argument  in 
producing  mental  conviction  dépends  not  only  ujion  the  strength  or 
cogency  of  the  proof  as  viewo<l  in  itself,  but  also  upon  its  adaptability  to 
the  mental  attitude  of  the  persons  whom  it  is  intcndod  to  convincf. 
Hence  it  is  that  of  two  arguments  resulting  in  the  same  logitimate  con- 
clusion, one  may  bc  more  convincing  tlian  the  othor  with  a  certain  dass 


—  900  — 

of  pooplo.  either  because  it  proceeds  from  principles  which  they  easily 
uuderstaiid  ami  admit  wiLliout  hésitation,  or  because  the  Une  of  reason- 
ing  adopted  is  more  in  accordance  with  their  intellectual  bent.    . 

To  anvbodv  wlio  admits  the  voice  of  a  teaching  Church  as  the  auth- 
entic  médium  of  God's  révélation,  the  ail  sufficient  proof  of  a  doctrine 
is  tliat  the  Church  has  declared  it  to  be  of  faith.  This,  of  course,  is 
true  not  only  of  the  Holy  Eucharist,  but  also  of  ail  other  doctrines  pro- 
posed  for  our  aoceptance.  In  giving  his  consent  to  the  doctrines 
propoundcd  for  his  acceptance,  the  ordinary  Catholic  is  concerned  with 
no  other  motive  than  the  fact  of  the  Church's  teaching.  With  him  the 
chain  of  inference  consists  of  but  two  links,  for  example,  "  I  believe  in 
the  Divine  Incarnation,  because  God  has  revealed  it."  "  I  know  that  God 
has  revealed  it  because  the  Church  so  teaches."  While  this  disposition 
of  the  intellect  and  the  will  is  applicable  to  ail  the  truths  which  are  in- 
cluded  in  the  deposit  of  divine  révélation,  there  are  nevertheless  certain 
dogmas  of  faith,  which,  by  reason  of  their  prééminence  and  their  in- 
timate  association  with  his  spiritual  life,  produce  in  his  mind  a  certain 
disposition  which  may  be  called  a  quasi-instinct.  This  disposition 
towards  the  supernatural  has  its  analogy  in  the  mental  attitude  which 
the  mind  acquires  towards  certain  objects  in  the  natural  order.  Not 
only  do  we  not  question  the  reality  or  existence  of  thèse  objects  with 
which  we  corne  in  daily  contact;  we  do  not  even  stop  to  analyse  the 
motives  or  criteria  on  which  our  certainty  is  based:  the  child  does  not 
inquire  if  the  bread  which  his  mother  hands  is  really  bread,  or  why. 
Even  when  it  increases  in  âge  and  expérience,  any  such  inquisition  would 
be,  not  of  a  practical,  but  of  a  purely  spéculative  character.  In  the 
domain  of  faith  the  truths  which  possess  this  prominent  note  or  charac- 
teristic  are  the  principal  mysteries  of  religion  and  others  which  hâve 
become  familiarizod  by  daily  contact,  or  assimilated  by  use  from  child- 
hood  up. 

The  invocation  of  the  Holy  Trinity  in  the  sign  of  the  cross,  which 
Catholic  parents  with  such  deep  and  fervent  piety  teach  their  lisping 
babes,  together  with  the  fréquent  répétition  of  the  same  holy  Symbol, 
has  served  as  a  means  to  impress  indelibly  on  the  soûls  of  Christians 
the  principal  mysteries  of  religion.  The  Holy  Eucharist  also  exercises 
this  prédominant  influence  upon  the  Catholic  soûl, 

Ilaving  boen  at  ail  timcs  the  very  center  of  public  worship  and  private 
dévotion,  it  could  hardly  be  otherwise.  It  would  indeed  be  strange  if 
the  Bread  of  Life  could  be  viewed  only  in  a  dim  light,  with  outlines 
vaguely  dofined,  by  those  to  whom  it  has  become  flesh  of  their  flesh  and 
bone  of  their  bone. 

The  Holy  Eucharist,  therefore,  having  entered  into  the  very  woof  and 
warp  of  Christian  life  and  teaching,  its  élimination  would,  to  the  ordi- 
narv  Catholic,  mcan  the  destruction  and  utter  rejection  of  Christianity 
it.self. 

I  find  a  striking  similarity  betwecn  the  mental  attitude  of  the  Christ- 
ian towards  the  real  présence  of  Christ  in  the  Holy  Eucharist,  and  that 
of  the  people  of  Israël  towards  the  existence  of  '  God.  The  prophets 
and  writers  of  old  refer  continually  to  the  divine  attributes,  the  holiness 


—  901  — 

of  God,  His  justice,  His  omnipotence.  He  is  the  Creator  and  Sovereigu 
Lord,  the  guardian  of  His  people,  the  avenger  of  wrong,  the  defender  et' 
right,  and  its  everlasting  reward.  To  inipress  upon  the  people  a  just 
conception  of  God's  holiness,  to  convince  them  of  His  justice,  His  prov- 
idence, His  almighty  power,  every  manner  of  persuasion  was  brought 
into  réquisition. 

But  His  existence  was  never,  with  them,  a  thesis  for  démonstration; 
it  never  occurred  to  them  to  analyze  the  natural  belief  in  God,  or  to  in- 
quire  into  the  motives  by  which  such  belief  is  prompted.  The  one  who 
doubted  in  his  heart  the  existence  of  God  was  in  the  language  of  Scrip- 
ture  "  a  fool,"  and  therefore,  not  to  be  taken  seriously.  Wliile  this 
mental  attitude  of  Christians,  both  of  the  eastern  and  western  Churches, 
towards  Christ's  présence  in  the  Holy  Eucharist  is  a  séquence  to  their 
faith  in  Christ  himself  and  in  his  teaching.  in  which  respect  it  agrées 
with  ail  the  other  dogmas  and  beliefs  which  form  a  necessary  part  of 
révélation  and  are  inseparably  bound  up  in  the  deposit  of  faith  ;  never- 
theless,  it  difîers  from  the  rest  in  this,  that  both  its  nature  and  the 
place  whijch  it  occupies  in  Christian  worship  and  spiritual  life,  render 
it  far  more  prominent  and  cause  it  to  engross  attention  in  a  degree  sur- 
passing  that  which  is  given  to  other  truths,  excepting  the  fundamental 
mysteries  of  the  Trinity,  Incarnation,  and  Atoncment.  And  indoed, 
of  thèse  same  fundamental  truths,  it  may  bc  remarked  that  the  deep 
faith  and  révérence  with  which  the  Christian  a<îcepts  them  is  intensified, 
and  their  never  ceasing  remembrance  most  effectively  secured,  by  the 
Eucharistie  Sacrifice. 

Since  ail  argument  has  for  its  scope  to  produce  a  state  of  certitude  in 
the  liuman  mind,  and  since  in  this  matter  we  hâve  to  deal  not  merelj 
with  the  hunran  mind  in  the  abstract,  but  with  individual  intelligences 
as  well,  prudence  suggests  that  in  selecting  our  line  of  reasoning  we 
adopt  that  which  is  best  suited  to  the  mental  condition  of  those  whom 
we  address.  To  bring  conviction  to  the  mind  of  one  who  rejects  our 
proposition  as  false  or  absurd,  to  replace  doubt  with  certainty  in  the 
mind  which  is  wavering  between  the  affirmative  and  négative,  to 
strengthen  and  buttress  the  solid  con^^ction  of  those  who  bave  always 
agreed  with  u.-;,  thèse  surely  are  not  identical  problems;  and  the  mode  of 
argument  adoptod  for  the  solution  of  one  might  not  be,  so  far  as  the 
others  are  concerned,  productive  of  liappy  results.  Viewing  the  vastly 
différent  mental  conditions  of  believers,  doubtcrs,  and  scoffers,  nor  losing 
sight  of  the  one  essential  purpose  of  ail  (lisputation,  the  exponent  of 
Catholic  truth  is  called  upon  to  exercise  no  small  amount  of  discrétion 
in  setting  forth  the  proofs  of  Christ's  real  présence  in  the  Holy 
Eucharist. 

Let  us  take  the  ordinary  Catholic,  who  has  learned  his  catechism.  but 
whose  state  of  life  imposes  no  ol)ligation  to  make  a  spécial  study  of  any 
dogma.  On  Sundays  he  is  an  attentive  listener  to  the  religions  instruc- 
tion given  in  the  pari^h  church.  which  constitutes  for  him  that  amount 
of  Christian  teaching  which  is  nwessary  and  ought  to  be  sufficient  to 
ensure  an  intelligent  knowlodge  of  liis  lioly  religion.  It  will  be  admit- 
ted  that  our  main  concern  is  with  ihis  class  of    people.     What  line  of 


—  903  — 

argument,  if  anv,  should  we  adopt  with  thèse?  I  give  it  as  my  opinion, 
that  the  preael^r,  wlicn  addressing  tins  audience  on  fundamental  sub- 
jects  such  as  the  existence  of  God,  the  Trinity,  the  Incarnation,  the 
Keal  Présence  in  the  Eucharist,  should  never  adopt  the  controversial 
style.  The  proofs  if  stated,  should  be  so  presented  as  to  eliminate  from 
the  discourse  every  semblance  of  polemical  treatment,  for  this  latter 
treatment  niay  often  hâve  the  elïect  of  modifying  the  intellectual  bear- 
ing  of  tlie  hearers  tow.ards  tlie  particular  truth  thus  treated;  a  change 
which  in  many  instances  might  be  injurions  rather  than  bénéficiai. 
What  is  the  normal  attitude  of  the  Catholic  layman's  mind  to  the  dogma 
of  the  l\eal  Présence?  It  is  one  of  firni  conviction;  a  conviction,  more- 
over,  which,  as  I  hâve  endeavoured  to  point  out,  takes  upon  itself  the 
fomi  of  an  instinct  attaining  its  object  as  a  matter  of  fact,  independ- 
ently  of  ail  mental  analysis.  Now,  when  a  statement  of  any  truth  is 
subjected  to  formai  polemical  or  controversial  treatment,  the  ordinary, 
untrained  intellect  is  apt  to  perceive  it  in  a  guise  under  which  it  perhaps 
never  appeared  to  him  before,  namely,  as  a  debatable  subiect.  It  is  dif- 
ficult  for  us  to  make  such  a  class  of  people  fully  realize  that  even  truths 
which  are  dignified  with  the  highest  degree  of  certainty  mày  be  the 
legitimate  subject  of  argumentative  treatment,  with  reasons  alleged 
pro  and  contra.  Their  mental  equipment  is  not  sufficient  to  enable 
them  to  distinguish  as  readily  as  their  teachers  eau.  But,  while  avoid- 
ing  ail  semblance  of  debate  in  treating  of  such  august  mysteries,  the 
teacher  or  instructor  of  the  ordinary  Christian  should  consider  it  one 
of  his  most  sacred  duties  to  bring  to  bear  npon  thèse  sublime  truths 
whatever  tends  to  accentuate  their  beauty,  their  majesty,  their  harmony 
with  ail  truths;  whether  thèse  occasions  be  taken  directly  from  the  Holy 
Scriptures,  from  the  writings  of  the  Fathers,  or  from  any  other  source 
Jiistorical,  liturgical,  or  archeological. 

^^^lat  partlcular  line  of  reasoning  then,  can  the  teacher  adopt  with 
the  best  efïect  in  expounding  to  his  Cathalic  bearers  the  sublime  mystery 
of  Christ's  real  présence  in  the  Holy  Eucharist?  There  may  be  a 
legitimate  différence  of  opinion  as  to  the  relative  effectiveness  of  several 
arguments  with  the  class  of  hearers  to  whom  I  refer;  I  can,  therefore, 
only  attest  my  own  conviction..  I  thing  I  may  be  pardoned,  if  I  add 
that  my  conviction  on  this  point  is  so  strong  that  it  would  be  difficult 
for  me  to  exaggerate  myestimate  of  the  results  which  follow  from  ex- 
nlaining  to  our  hearers  the  arguments  de  convenientia,  set  forth  by  St. 
Thomas  in  the  paîs  tertia  of  the  Summa  Theologica. 

^^^lile  the  limited  space  at  my  disposai  precludes  anything  like  détail, 
I  shall,  nevertheless,  crave  your  indulgence  to  state  briefly  my  reasons 
for  attaching  so  much  importance  to  the  reasoning  of  the  Angelic 
Doctor.  We  hâve  in  the  Holy  Eucharist  thèse  four  points  to  consider; 
first,  the  institution  of  a  rite  by  Christ;  second,  the  exact  nature  or  sig- 
nificance  of  the  rite  thus  in.stituted;  third,  its  possibility;  fourth,  what 
ja  called  its  convenientia.  This  congruity  results  from  a  variety  of  its 
relations  to  God's  attributes,  to  the  mystery  of  the  Incarnation,  to  the 
plan  of  rédemption  and  sanctification:  it  is,  in  a  word,  its  harmonious 


—  903  — 

adjustment  to  tlie  whole  schenie  of  revealed  religion  as  set  forth  in  the 
Olcl  and  Xew  Testaments. 

C'oncerning  the  first  point,  no  doiibt  lias  ever  existed.  The  seconn 
has  been  called  into  question,  the  undivided  concensus  of  both  the  East- 
ern  and  \Yestern  Churches  standing  for  the  full,  perfeet,  literal  inter- 
prétation of  the  words  of  Christ,  "  this  is  My  Body,"  "  this  is  My 
Blood."  From  this  universal  belief  the  reformers  of  the  sixteenth  cent- 
ury  broke  away,  substituting  varions  ideas  and  interprétations  ail  agree- 
ing  in  this,  that  the  words  are  not  to  be  taken  in  their  literal  sensé. 
Regarding  the  third,  namely,  the  possibility  of  the  Eeal  Présence,  tliere 
can  be  no  question  among  those  who  bclieve  in  the  divinity  of  Christ. 
Those,  therefore,  who  reject  the  Catholic  teaching  cannot  consistently 
do  so  upon  the  ground  of  impossibility.  And  if  our  expérience  with  sucîi 
people  has  been  sufficient  to  enable  us  to  analyze  their  state  of  mind,  we 
find  that  their  objection  rests  mainly  upon  the  fact  that  they  regard  as 
an  incongruity  what  is  as  a  matter  of  fact  most  conformable  to  the  whole 
.scheme  of  divine  révélation,  and  what,  if  explained  to  them,  they  would 
soon  actnowledge  to  be  the  crowning  glorv  and  perfection  of  the  religion 
of  Christ. 

St.  Thomas  refers  first  of  ail  to  the  perfection  of  the  Xew  Law,  the  law 
of  substance  and  reality,  which  has  supplanted  that  of  figure  and  shad- 
ow.  The  deliverance  of  God's  chosen  people  from  Egyptian  bondage, 
the  saving  blood  of  the  paschal  lamb,  the  passage  through  the  Bed  Sca, 
the  wanderings  in  the  désert,  and  the  attainment  of  the  promiscd  land, 
were  types  of  the  spiritual  life  and  destiny  of  a  far  more  highly  fav- 
oured  people,  for  whoni  were  reserved  gifts  and  blessings  so  far  sur- 
j)assing  those  lavished  upon  the  children  of  Israël  as  the  spiritual 
transcends  the  temporal,  the  supernatural,  the  natural.  The  ]\ranna  that 
fell  from  on  high  to  nourish  from  day  to  day  the  bodies  of  the  wand- 
erers  in  the  désert  was  a  marvellous  instance  of  Gwl's  loving  solicitude 
for  their  welfare.  Our  Blessed  Lord  made  use  of  this  vory  in.<tanco  in 
order  to  illustrate  the  transcendant  dignity  of  the  new  dispensation  :  ''  I 
am  the  bread  of  life.  Your  fathers  did  eat  Manna  in  the  désert  and  are 
dead.  If  any  man  eat  of  this  bread,  he  shall  live  forever;  and  the  bread 
that  I  will  give  is  my  flcsh  for  the  life  of  the  world."' 

The  devolopmcnt  of  this  analogy  will  show  that  the  Christian  dispen- 
sation would  be  lacking  an  essential  clément  of  its  perfection  over  the 
old  were  the  bread  "  wliich  endureth  unto  life  everlasting  "  not  the  very 
flesh  of  Christ,  "  my  flesh  for  the  life  of  the  world." 

St.  Thomas  rominds  us  that  the  TJoal  Présence  of  Christ  in  the  Iloly 
Eucharist  is  in  conformity  with  his  cliarity,  "ex  qua  pro  salutr  nostrn 
corpus  verum  n-ostrae  naturae  sumpsit."  It  is  strange  that  those  who 
perceive  an  incongruity  in  the  Poal  Présence  of  Christ  in  the  Tîoly 
Eucharist  can  accept  with  equaniiuity  the  doctrine  of  the  Incarnation, 
which  is  the  outcome  of  the  same  infinité  charity  of  God.  As  tlie  Holy 
Doctor  points  ont,  "maxime  propriiim  nmiritiae  est  convivere  nmicùt." 
It  is  strange,  I  say,  hat  any  Christian  who  adores  Gnd  Incarnate  should 
objoct  to  wliat  niay  l)o  called  the  n.Uural  oulcdme  of  the  sniiif  love  which 
j)romptod  the  Incarnation. 


—  904  — 

St.  Thomas  views  in  tlie  Iloly  Eueharist  an  object  for  the  perfecting 
of  OUI-  l'aith.  The  verv  foundation  of  Christianity  is  faith.  ISTever, 
perhaps,  has  the  disintegration  of  religious  Systems  been  se  marked  as 
in  our  days.  Beliefs  which  were  sacred  and  inviolable  for  centuries 
hâve  been  discarded  one  by  one;  until  now  we  hâve  in  nearly  every  body 
of  Christians  a  large  and  influential  élément  with  whom  revealed  and 
supernatural  religion  has  given  way  to  mère  natural  religion.  For  the 
déplorable  condition'  prevaihng  on  ail  sides,  want  of  faith  is  responsible. 
Xor  is  there  auy  other  remedy  for  the  ills  that  afflict  Christianity  to- 
day  than  faith. 

It  is  a  striking  fact  that  every  Christian  dénomination  which  has  re- 
jected  belief  of  Christ's  real  présence  in  the  Holy  Eucharist,  has  drifted 
on  the  rocks  of  unbelief.  If  Christ  commended  the  faith  of  those  who 
believed  in  his  hidden  Godliead,  he  has  surely  rewarded  those  who  be- 
lieve  in  his  human  nature  also  hidden  beneath  the  sacramental  veils  ;  for 
theirs  is  the  héritage  of  faith  not  only  in  his  Eucharistie  présence; 
they  are  the  heirs  also,  with  title  indisputable,  of  faith  in  his  Incarna- 
tion. The  sincerity  of  that  faith  has  never  been  questioned.  Its 
manifestation  is  visible  to  ail  ;  and  I  might  add  that  on  no  other  occasion 
is  it  more  évident  than  in  thèse  Eucharistie  Congresses.  To  the  intel- 
ligent unbeliever  this  is  a  phenomenon  impressive  but  ail  inexplicable; 
To  the  Christian  it  is  the  natural  outcome  of  his  faith  in  Christ,  the 
same  Christ  who,  walking  and  conversing  with  men  in  Judea  and 
Galilée,  asserted  his  Godhead,  and  who  to-day  in  Jérusalem,  in  London, 
in  Cologne,  in  Montréal,  proclaims  to  believers  and  unbelievers  his  real 
présence  in  the  Eucharist. 

Speaking  of  the  objections  which  are  raised  by  unbelievers  to  the  real 
présence,  it  should  never  be  lost  sight  of  that  many  of  the  incongruities 
urged  against  it  by  such  people  are  due  to  a  misconception  of  the  doc- 
trine of  transubstantiation.  For  the  Eeal  Présence  of  Christ,  as  the 
Catholic  Church  teaches,  is  through  transubstantiation.  Indeed,  with- 
out  the  changing  of  the  substance  of  bread  into  the  body  of  the  Lord, 
there  would  be  in  the  Holy  Sacrament  no  truly  real  présence.  The 
teaching  that  has  been  transmitted  from  apostolic  times  is  that  the  bread 
itself  is  changed  into  the  body  of  Christ.  The  very  word  transubstan- 
tiation (or  its  équivalent)  goes  back  to  the  beginning  of  Christianity. 
Now,  is  it  the  duty  of  every  teacher  of  Catholic  truth  who  undertakes 
to  discuss  the  mystories  of  our  faith  to  be  prepared  for  meeting  objec- 
tions and  solving  difficulties  which  either  perplex  the  mind,  or  serve  as 
a  stumbling  block  to  the  ready  acceptance  of  the  truths  which  he  pro- 
pounds.  Since,  then,  the  real  présence  of  Christ  in  the  Holy  Eucharist 
is  cffected  by  transubstantiation,  the  Catholic  teacher  should  hâve  a 
sufficient  knowledge  of  wliat  the  varions  schools  of  Catholic  theology 
hâve  heM  with  regard  to  the  exact  meaning  of  the  term.  For,  while 
agreeing  in  a!)  that  is  e.ssential,  they  differ  widely  in  their  methods  of 
fxplaining  the  nianner  in  whicli  tlie  real  présence  of  the  Lord  is  effected. 
While  no  scliooj  of  tlieological  teaching  has  ever  pretended  to  explain 
away  the  mystery  of  the  dogma,  nevertheless  their  several  methods  of 
exposition  aim  at  removing  difficulties  which  woukî  otherwise  présent 


I? 


Révérend  Pcondon.csc. 


Révérend  FDOyle  S.j. 


i 


■i  J.BROPHY 


T'Pcverend  M.REIdT|À 


1j:s  SKCKl'iTArKKs  m:  i..\  Smtion  Ax(;i.aisk. 
The  Skchktakiks  uk  tiik  Kn(,i.isii  Skctiox. 


—  905  — 

themselves  as  insiiparable,  or  tending  to  involve  the  mystery  itself  in 
évident  contradictions. 

While  this  is  no  fitting  occasion  for  discussing  the  relative  merits  of 
the  varions  schools  of  thought  regarding  the  précise  nature  of  transub- 
stantiation,  nobody  will  object  to  my  niaking  use  of  the  liberty  which 
the  Church  accords  to  ail  her  theologians,  of  holding  and  expressing 
their  own  views  and  honest  convictions,  when  such  can  be  donc  without 
riolating  the  rules  of  faith  or  charity.  I  am,  therefore,  permitted  to 
State  my  opinion  that  the  teaching  of  the  ancicnt  school  is  not  only  more 
in  accordance  with  the  authoritative  déclarations  of  councils,  than  are 
the  various  théories  of  more  récent  schools  of  thought;  but  that  it  is  also 
better  calculated  to  facilitate  the  acceptance  of  the  doctrine  of  the  Real 
Présence  by  those  who  difîer  from  us;  and  to  remove  occasions  of  per- 
plexity  which  may  présent  themselves  to  those  who  hâve  never  doubted. 
the  truth  of  this  august  mystery.  At  the  same  time,  if,  in  dealing  with 
any  particular  person,  it  were  évident  that  his  difficulties  or  perplexities 
could  be  more  easily  removed  by  adopting  such  an  exposition  of  the 
doctrine,  as  is  taught  in  schools  of  later  periods,  I  should  gladly  avail 
myself  of  them  in  order  to  facilitate  his  acceptance  of  the  doctrine;  re- 
membering  that  they  not  only  hâve  been  recognized  by  ail  Catholic 
theologians,  but  hâve  had,  moreover,  for  their  champions  some  of  the 
greatest  lights  that  hâve  ever  adorned  the  Church  of  God. 

The  teaching  of  the  ancient  school  that  transubstantiation  induces  no 
change  whatever  in  the  body  of  the  Lord,  but  that  its  action  is  exercised 
on  the  substance  of  the  bread,  "  suhsta7itia  partis  in  Christi  corpus  prae- 
existens  et  immutatum  convertitur,"  removes  difficulties  and  objections 
which  to  many  minds  seem  insuperable.  It  is  not  rare  to  meet  with 
people  to  whom  the  investing  of  the  body  of  the  Lord  with  a  multiplicity 
of  "  ubi's  "  can  never  be  made  to  appear  other  than  a  contradiction. 
Thcre  are  others  to  whom  the  théories  of  actio  productiva,  or  actio  ad- 
ductiva  appear  better  calculated  to  solve  the  mental  difficulties  which 
may  arise  in  connection  with  this  holy  mystery.  In  any  case,  the  ex- 
ponent  of  Catholic  truth  should  be  careful  not  to  impose  as  of  faith  the 
teaching  of  any  particular  school;  for  the  incongruities  which  some 
people  might  attach  to  such  teaching  would  be  fastened  upon  the  dogma 
itself  to  the  incalculable  injury  of  the  soûl.  The  rubric  in  the  Anglican 
Prayer  Book  wou'd  seem  to  indicate  that  the  theory  of  actio  productiva, 
or  adductiva,  was  regarded  by  its  compilera  as  the  authoritative  teaching 
of  the  Catholic  Church.  For  us  it  is  enough  to  know  the  essentiel 
truth,  that  the  substance  of  bread  is  converted  into  the  body  of  Cbrist, 
that  his  présence  in  the  Eucharist  is  truc  and  real  and  substantial.  The" 
tnilh  of  his  Godhead  was  impugned  in  the  beginning  by  some,  cvon  those 
who  called  themselves  Christians.  But  the  Church  has  triumphed  over 
Arianism,  which,  powerful  though  it  once  had  been,  soon  ceased  to  be 
a  dominant  factor  in  the  Christian  wnrld  ;  nay,  it  has  evon  lost  its  claim 
to  the  title  of  Ciiristian. 

The  realitv  of  Christ's  présence  in  the  Sacrament  of  his  love  ha.s  also 
been  impugned,  under  circumstances,  too.  not  unlike  those  which  her- 
alded  the  advent  of  AiianisTu.     The  dav  appear?  1o  be  not   far  distant 


—  906  — 

when  tlie  relidous  svstems  that  hâve  depavtecl  froin  tlie  ancient  teaching 
will  liave  beeonie  a  "thino-  of  the  past,  and  when  the  rank  and  title  of 
Christian  will  be  regarded  as  the  exclusive  property  of  those  who,  believ- 
ins  that  Christ  is  the  Son  of  God,  not  merely  by  adoption  and  grâce, 
but  consubstantial  with  the  Father,  confess  aiso  that  the  bread  which  He 
has  given  for  he  life  of  the  world  is  His  flesh,  not  merely  in  figure  or 
effect,  but  in  very  truth  and  substance. 


ASSISTANCE  AT  THE  SUNDAY  MASS. 

BY 
REVEREND  P.  J.  HARTIGAN, 


IN  the  order  of  idea?,  a  product  of  natural  Justice,  as  well  as  an 
adjunct  thereof,  is  the  moral  virtue  of  Keligion.  For  while  Justice  is 
the  cardinal  virtue  that,  abiding  in  the  rational  appetite,  invests  the 
human  will  with  a  constant  and  lasting  disposition  to  give  every  one  his 
due;  its  kindred  virtue  that  disposes  man  to  render  to  God  the  things 
that  are  God's,  is  called  Keligion.  Thus  is  Justice  the  parent  of  Eeli- 
gion.  Stem  and  branch,  they  are  ever  joined  in  kinship  since  human 
reason  spoke  the  primai  dictate  governing  man's  relation  to  his  Maker. 

Reason's  dictate,  pointing  the  right  way,  enjoins  upon  the  rational 
créature  the  duty  of  eliciting  the  activity  that  expresses  and  perfects  a 
congénital  habit  of  Religion,  which  makes  it  easy  for  man  to  révère  God, 
as  his  first  Beginning  and  last  End.  In  the  matter  hère  unâer  consid- 
ération, the  inborn  habit  finds  expression  and  perfection  in  religions 
worship,  inwardly  and  outwardly  uttering  obédience  and  homage  of 
heart  and  mind  to  God. 

Always  and  everywhere  men  hâve  yielded  to  the  compelling  sensé  of 
their  duty  to  worship  the  Suprême  Being.  Not  unfrequently  hâve  they 
looked  the  wrong  way.  Yet,  is  is  the  affirmation  of  mankind  in  ail  the 
centuries  that  the  Deity  is  to  be  adored.  "  If  you  travel  the  world  over," 
says  Piutarch,  (Adv.  Col.  Epie.)  "you  may  find  cities  without  ramparts 
....  but  a  people  without  God,  without  prayers. . . .  without  religions 
rites,  without  sacrifices,  is  nowhere  to  be  seen."  "  Man  always  worships 
something,"  writes  Carlyle,  (Essays  :  Goethe's  Works)  "  always  he  sees 
Ihe  Infinité  shadowod  forth  in  something  finite;  and,  indeed,  can  and 
must  so  sec  it  in  any  finite  thing,  once  tempt  him  well  to  fix  his  eyes 
thereon."  It  is  reason's  light  now  clear,  now  dim,  intimating  ever  and 
anon  that  fundamental  and  immutable  relation  of  man  to  God  wherein 
is  seatod  tlie  suprême  norm  of  sovereign  duty.  For  God  is  man's  owner, 
being  the  Creator,  Upholder,  Governor,  and  absolute  Lord  of  ail  that  He 
bas  made. 


—  907  — 

Wlierefore,  let  man"s  spiritual  nature  inwardly  pay  suprême  homage- 
to  the  Sovereign  Lord  whose  own  are  ail  that  créature  lias  and  is,  ia 
whom  we  live,  and  move,  and  hâve  our  being.  Let  everv  nian  spirit 
honour  God  by  adoring  Hini,  by  trusting  in  Hini,  by  fearing  Hini,  by 
loving  Hini  above  ail,  for  Ilis  Majesty,  His  Might,  His  Infinité  Good- 
ness. 

But  human  nature  is  not  spirit  only;  and  man  is  a  composite  and 
manifold  créature.  His  soûl  witli  its  faculties,  the  seat  and  principle 
ot'  his  cognitions,  affections,  émotions,  and  impulses,  is  substantially 
united  Avith  a  body  through  whose  sensitive  organism  the  immatorial 
spirit  is  lifted  up  to  a  knowledge  of  things  intangible  and  invisible; 
and  in  its  turn,  with  eyes  or  hands  uprased,  Avith  quicknened  heart-beats 
and  endless  modes  of  speech,  the  bodv  becomes  tlio  minister  and  mes- 
senger  of  inward  awe  and  love,  of  gratitude  and  supplication,  of  joy,  and 
grief,  and  hatred.  And  when  in  reason's  seat  is  high  enthroned  a  con- 
viction of  God's  supremacy  and  man's  dependence,  crelong  the  neck 
must  bow,  the  knee  must  bend.  For  while  the  body  of  flesh  is  the  spirit's 
instrument  and  servant,  the  earthly,  perishablc,  and  inferior  complé- 
ment, soûl  and  body  together  are  human  nature.  "  What  a  pièce  of 
work  is  man  !  "  exclaims  the  Dramatist,  "  how  noble  in  reason  !  how  in- 
finité in  faculty  !  in  form  and  moving,  how  express  and  admirable  !  in 
action,  how  like  an  angel  !  in  appréhension,  how  like  a  god  î  the  beaiity 
of  the  world  !  the  paragon  of  animais  !  And  yet  to  me  what  is  this 
quintessence  of  dust?  "  The  "pièce  of  work  "  is  God's  own  making  for 
Himself.  Hence  man's  duty  to  employ  body  and  soûl  in  exterior  as  well 
as  interior  worship  and  service  of  God;  to  pay  tithe  to  the  Sovereign 
Proprietor  for  the  complex  human  nature,  and  for  ail  the  accompany- 
ing  gifts  that  He  bas  bestowed  and  continues  to  bestow,  and  which  Avould 
stop  short  unless  He  continued  to  bestow. 

It  is  indeed  easy  to  conceive  true  inward  religions  worship,  and  mul- 
tiform  religious  activity  in  heart  and  mind,  away  from  exterior  func- 
tioning.  But,  for  most  men,  worship  wholly  of  the  silent  sort  inevitably 
drifts  into  drowsy,  aimless,  empty  rêverie.  If  the  inward  émotions  and 
aspirations  toward  high  heaven's  Kinof  are  to  be  r-uickened  and  sustain- 
ed,  we  will  build  the  temple  and  bow  and  kneel  therein  ;  and  by  SATnbolic 
rite  represent  to  the  Lord  of  the  temple  our  sonso  of  sinfulness,  our  need 
of  Him,  our  dependence  on  Him.  for  body  and  sonl.  for  life  and  for 
death.  ^loreover,  ont  of  the  worldly  possessions  which  our  hands  hâve 
frarnered,  we  wi^'  make  oblation  to  the  Lord  of  hosts  who  says:  "The 
silver  is  mine  and  the  gold."  (Afjrj.  2.0.)  Xot  that  He  needs  thèse 
things.  ail  or  any  of  them.  or  anything  that  we  can  do:  but  bccause  He 
is  worthv  of  them  ail  :  "  Tliou  art  worthy,  0  Lord,  our  God.  to  receive 
glory,  honor  and  power:  because  Thou  hast  created  ail  things.  and  for 
Thv  will  they  were  and  hâve  been  created." 

Thèse  ethical  principles,  originating  in  nature,  are  further  ohuidated 
in  God's  explicit  révélation  of  His  will.  "  In  Thv  light  we  shall  sce 
light." 

At  sundry  times  and  in  divers  manners  God's  will  bas  been  manifest- 
et.     He  has  respect  to  Abel's  sacrifice;  Ile  comniands  that  of  Jacob;  by 


—  908  — 

onliiianoo  divino  tlic  priesthood  of  Aaron  is  created  for  oblation  of  holo- 
caust  and  peace-oiVeriiig  and  sin-ofïering,  to  bodv  forth  suprême  homage, 
impetratiou,  thanksgiving,  and  atonement.     To  the  end  that  the  people 
of  Israël  mav  adore,  supplicate  and  thank  the  Almighty,  and,  through 
faith  in  a  lîèdocmcr  to  corne,  may  appease  their  God,  His  law  enjoins 
ritual  sacrifice.     The  matter  hereof  is  prescribed;  the  several  methods 
and  forms,  the  place,  the  times,  the  seasons,   ail  are  clearly  defined 
and  determined;  for  they  concern  the  integrating  élément  of  worship  ; 
tliey  embody  the  first  ancï  most  necessary  act  of  religion.     But  of  divine 
appointnient  though  they  were,  this  priesthood  and  ail  the  sacred  func- 
tions  pertaining  to  it  were  overlaid  with  the  intrinsic  instability  and 
infirmitv  of  a  dispensation  purposely  figurative  and  temporary.     That 
Old  Law  held  but  the  shadow  of  the  good  things  to  corne;  wherefore  it 
must  give  place  to  the  dispensation  that  shall  hold  the  very  substance  of 
the  New  and  Eternal  Covenant.     The  blood  of  oxen  and  of  goats,  and 
the  ashes  of  a  heifer  sprinkled  availed  in  their  time  to  the  sanctification 
of  the  flesh  ;  but  when  Christ  is  corne,  a  High  Priest  for  evermore,  the 
Father  of  the  new  world,  of  a  race  reborn,  the  Lamb  that  taketh  away 
their  sins;  nothing  less  than  the  Blood  of  the  Divine  Victim  offering 
Himself  unspotted  unto  God,  can  profit  our  soûls  and  cleanse  our  con- 
science from  dead  works,  to  serve  the  Living  God.     Onward  from  the 
day  of  Calvary,  there  is  a  setting  aside  of  the  former  conmmandment 
because  of  the  weakness  and  unprofitableness  thereof.     Those  ancient 
rites  prefigured  the  new  order  ;  they  hâve  donc  their  work  :  and  now,  by 
one  oblation  of  His  Blood  sufficient  for  our  sins,  we  hâve  the  promise  of 
eternal  inheritance  through  Him  who  is  our  Mediator,  our  Priest,  our 
Sacrifice,  even  Jésus  Christ,  yesterday,  to-day,  and  the  same  unto  ever- 
lasting. 

Among  the  people  of  Israël,  the  rite  and  sacrifice  found  acceptance 
before  God  because  of  the  worthy  dispositions  accompanying  the  use  of 
them,  and  because  they  were  types  of  the  good  things  to  come  through 
Christ  our  Lord.  Want  of  faith  or  want  of  dévotion,  on  the  contrary, 
frequently  made  thèse  religions  rites  distasteful  to  the  God  whose  abode 
was  in  Sion  ;  because,  in  themselves,  of  no  value  in  His  sight.  "  Shall 
I  eat  the  flesh  of  bullocks,"  said  He,  "  or  drink  the  blood  of  goats  ?  " 
(Ps.  49;  13.)  "I  hâve  no  pleasure  in  you,  saith  the  Lord  of  Hosts,  and 
I  will  not  receive  a  gift  from  your  hands."  {Mal.  1:  IQ.)  Moreover, 
singly  they  were  incapable  of  answering  the  ends  of  sacrifice.  Behold, 
the  day  is  at  lensrth  come  when  from  the  rising  of  the  sun  even  to  the 
going  down,  Jehovah's  name  is  great  among  the  nations,  and  in  every 
place  there  is  sacrifice  and  there  is  ofîered  to  His  name  a  Clean  Oblation. 
It  is  our  Holy  Mass,  "  which  was  f  oreshadowed,"  say  the  Fathers  of 
Trent,  (Sess.  XXII,  c.  I.)  "  by  the  olden  oblations  of  varions  symbolic 
import,  whother  under  the  Mosaic  Law  or  before  it,  since  ail  the  benefits 
that  were  betoken  in  them  are  gathered  up  and  completed  and  perfected 
in  this  oblation."  And  this  truth  is  again  set  forth  in  a  liturgical  prayer 
proper  to  the  seventh  Sunday  after  Pentecost  :  "  0  God,  who  by  the  per- 
fection of  one  Sacrifice  hast  made  yet  more  sacred  the  diversity  of  obla- 
tions aforetime  enjoincd,  receive  the  Sacrifice  from  Thy  devoted  eer- 


—  909  — 

vants,  and  bless  it  even  as  Thou  didst  bless  AbeFs  offering."  Thus  tlie 
grâce  of  the  Kedeemer  lias  perfected  nature  ;  tbus  one  jot  or  title  ©f  the 
law  passes  not  away;  thus  the  light  of  conscience  in  the  erring  races  of 
men  is  made  ever  clearer  to  us  whom  God  hath  called  frora  darkness  into 
His  own  marvellous  light.  "  The  Sacrifice  we  olîer/'  says  St.  C}'prian, 
'•  is  tlie  Passion  of  the  Lord."'  It  is  an  oblation  of  infinité  value  and 
diguity,  and  manifestly  the  only  one  worthy  of  God;  because  Christ  is 
the  Victim,  and  Christ  is  the  Priest.  It  is  the  only  Sacrifice  that  is  at 
once  adoration,  thanksgiving,  atonement,  impetration.  It  is  the  Sacri- 
fice that  under  form  of  Holy  Thursday's  bread  and  wine  was  instituted  ; 
that  by  Good  Friday"s  Victim  bleeding  and  dying  was  consummated, 
when  Christ,  our  Pasch,  was  slain,  when  Aaron's  priesthood  ceased  for 
ever;  it  is  the  selfsame  Victim  unbleeding  and  undying  that  henceforth 
is  offered  from  dawn  till  dark  by  Him  who  is  a  priest  for  evermore 
according  to  the  order  of  Melchisedec. 

In  heathendom  itself,  by  nature's  leading,  men  consecrated  certain 
days  to  religions  worship.  The  God  of  Israël  commanded  the  sanctifica- 
tion of  His  Sabbath.  And  the  same  God,  through  the  Churoh.  in  whose 
mouth  His  word  ever  abides,  requires  us  to  observe  the  Suuday.  IIow 
otherwise  than  by  assistance  at  the  Sunday  Mass? 

Our  adoption  of  the  word  "  assistance  "  in  the  title  assigned  to  this 
paper  and  in  the  course  of  our  treatment  of  the  subject,  because  apply- 
ing  the  term  in  a  spécial  and  unusual  sensé,  is  not  to  pass  unnoticed. 
Better  perhaps  than  any  other,  this  word,  in  the  présent  context,  is  cap- 
able of  denoting  not  only  the  intention  and  attention  commanded  us  for 
fulfilment  of  the  holy  precept,  but  it  implies  also  the  positive  coopér- 
ation that  is  inhérent  in  the  action  of  worshipping  God  through  the 
Mass.  For  by  assisting  at  the  Holy  Sacrifice  Ave  are  not  merely  wit- 
nesses  of  a  sacred  rite,  nor  simply  bystanders  at  a  priestly  function,  but 
we  become  ofFerers  conjointly  with  him  whose  hands  touch  the  Hallowcd 
Host  and  Chalice  witliin  the  sanctuary.  Clergy  and  laity.  we  are  a 
holv  nation,  a  kingly  priesthood,  chieflv  in  virtue  of  our  Mass.  It  be- 
longs  to  the  pious  worshipper  on  the  uttermost  fringe  of  the  throng  that 
flll?  the  vast  ba«ilica.  and  it  bolongs  to  the  chasublod  ministor  officiating 
at  the  high  altar.  "  Pray,  brethren,"  lie  says,  "that  your  Sacrifice  and 
mine  may  be  acceptable  to  God,  the  Father  Almighty.*'  And  in  the 
august  cérémonial  enactcd  there,  every  détail  of  movement  or  of  utter- 
ancp,  exerx  posture,  every  gosture,  every  audible  word,  every  wliisper 
betokens,  and  is  designed  by  Holy  Church,  to  quicken  and  sustaiu  our 
individual  as  well  as  collective  participation  in  the  awful  mysteries  un- 
derlying  the  sacerdotal  action  of  sacrifice. 

Once  and  for  ave  the  Sacrifice  of  our  lîansom  was  consummated.  Br- 
hold,  the  crucifix  liftod  liicli  above  mystic  Bread  and  Winc  preaches  to 
eager  faith  the  message  that  this  marvel  of  mysteries  is  Calvary,  not 
repeated,  but  enduring  until  sin  shall  perish  from  the  oarth.  and  is  set- 
ting  forth  the  Saviour's  doath  until  He  come.  "In  every  Alass,"  writes 
the  Angelic  Doctor,  Thomas  Aquina.>;,  "  is  foiind  the  wliole  ctTectiveness 
of  wliat  Christ  wrought  on  the  cross.  Whatcver  is  the  fruit  of  the 
Lord's  Passion,  is  the  fruit  of  this  Sacrifice:  for  it  contains  Christ,  the 


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Victim  that  suffered.'"  No  new  sacrificial  action,  this,  of  the  great  High 
Pricst  that  enters  once  and  only  once  into  the  Holy  of  Holies.  In  no 
work  so  holy  as  this,  we  maintain  witli  the  Council  of  Trent,  (Sess. 
XXIL,  decr.  Quanta  Cura),  in  none  so  divine,  can  it  fall  to  the  lot  of 
Christ's  faithful  to  be  engaged.  According  to  the  Saint  and  Sage  of 
Jarrow,  (Beda,  de  sacrif.  miss.)  it  is  glory  to  the  Tri-une  God,  joy  to  the 
Angels,  pardon  to  the  sinners,  help  to  the  righteous.  ïïence,  worship  it 
is,  indeed,  meet  and  suffîcient  for  the  sanctification  of  the  Lord's  Day. 

It  is  the  only  worship  that  places  on  our  altar  the  Divine  Victim  as  a 
holocaust  of  praise  and  homage  to  the  Adorable  Trinity.  If  the  whole 
universe  is  as  nothino-  in  the  sight  of  God  the  Most  Holy  and  Most  High, 
not  even  God's  Majesty  is  greater  than  the  Christ  that  hère  immolâtes 
Himself  for  us,  an  oblation  and  victim  of  sweet  odour.  It  is  the  wor- 
ship that  offers  tlie  Victim  capable  of  nothinp-  for  our  sins  of  yesterday 
and  to-day,  by  applying  to  you  and  me  the  efficacious  atonement 
achieved  by  Him  Who  is  is  a  propitiation  for  our  ofîences.  It  is  the  wor- 
ship in  which  the  precious  life-stream  flows  as  fresh  as  when  the  Sacred 
Heart  tirst  outpoured  the  Blood  of  Jésus  Christ  that  cleanseth  us  from 
ail  sins.  "  Give  to  the  Most  High  according  to  what  He  hath  given  to 
thee."  (Eccîi.  35  :  12.)  And  what  shall  I  give  that  is  commensurate 
with  His  bounty,  and  befits  the  holy  Sabhath  ?  "  Thine,  0  Lord,  is  mag- 
nificence and  power  and  glory. . .  for  ail  that  is  in  heaven  and  in  earth, 
is  tliine:  thine  i?  ■'he  kingdom,  0  Lord,  and  Thou  art  above  ail  princes. 
Thine  are  riches,  and  thine  is  glory,  thou  hast  dominion  over  ail."  (Par. 
1:29:11,  12.)  For  ever  blessed  be  the  name  of  the  Lord  Who,  eut  of 
the  riches  of  His  mercy,  will  make  return  for  me  on  the  Lord's  Day.  Ye 
are  no  longer  poor,  no  longer  bankrupt,  as  ye  kneel  before  the  Altar  of 
Infinité  Thanksgiving.  In  ail  things  ye  are  made  rich  in  Him  whose 
Blood  is  glowing  in  the  Chalice  of  Salvation  that  is  lifted  up,  so  that 
nothing  is  wanting  to  you.  Once  more  as  in  the  Cénacle,  raising  His 
eyes  to  heaven,  He  is  giving  thanks  for  vou.  It  is  the  only  worship  that 
is  plenary  thanksgiving.  Yea,  more,  it  is  the  abounding  source  of  every 
spiritual  grâce  and  blessing.  Hère  on  the  altar  we  hâve  an  Advocate 
with  the  Father,  Jésus  Christ  the  Just,  that  He  may  appear  now  in  the 
présence  of  God  for  us.  Frora  earth  to  heaven  His  Blood  is  crying  for 
mercy  on  the  guilty.  As  in  the  days  of  His  mortal  life,  with  strong  cry 
and  tears,  He  is  ofïering  up  prayer  and  supplication  for  sinful  men,  and 
is  heard  for  Ilis  révérence.  As  when  fastened  to  the  rood,  His  out- 
stretched  palms,  still  bearing  the  cruel  nail-prints,  are  hère  pleading  for 
ufl,  that  we  may  repent  of  our  sins,  be  strong  in  temptation,  persévère  to 
the  last;  in  fine,  that  where  sin  abounded,  grâce  may  abound  the  more. 
Hère,  in  truth,  is  Calvary  over  again.  For  while  Calvary  was  the  con- 
summation  of  nierit,  the  mystic  death  of  the  Victim  on  our  altar,  with- 
out  diffusion  of  blood,  is  the  copions  bestowal  of  that  treasured  consum- 
mation. 

Yea,  Calvary  enduring,  with  Calvary's  triumphs  and  Calvary's  failures. 
For,  with  Mary,  and  John,  and  Magdalen,  there  were  standing  there 
ihone  for  whom  the  Life  Blood  of  the  Crucified  was  poured  out  in  vain; 
<^•en  ao,  first  and  last,  there  are  those  to  whom  the  Sunday  Mass  brings 


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no  blessiug.  Inlinite  though  its  intrinsic  efficacv,  its  fruit  in  our  souls 
is  for  ever  dépendent  on  ourselves.  Oh  !  what  purity  of  heart  should  we 
not  bring  on  the  Lord's  Day  into  tlie  holy  place,  where  the  dread  Sacri- 
fice of  our  lîansom  is  brought  down  so  near  !  What  dévotion  should  not 
enthral  us,  what  love  should  not  thrill,  what  révérence  subdue  us  bodv 
and  spirit,  in  the  présence  of  Him  Who,  being  consumniated,  becomes  to 
ail  that  obey  Him  the  cause  of  eternal  salvation  ! , 

Sinless  Adam  was  endued  with  incorruption,  and  to  the  end  that  the 
first  man  might  préserve  his  immortality,  God  l)rought  forth  of  the 
ground  a  Tree  of  Life  in  the  midst  of  Paradise.  But  when  man  had  re- 
belled  and  was  driven  from  his  abode  of  earthly  bliss,  he  knew  the  Tree 
of  Life  no  more.  An  enclosed  garden,  a  terrestrial  Eden,  is  the  Church 
of  God.  The  Mass  is  tlie  Tree  of  Life  that  stands  therein,  its  branches 
ever  burdened  with  clustering  fruitage  that  mankind  may  hâve  life  and 
hâve  it  more  abundantly,  the  perishable  life  of  grâce,  the  immortal  life 
of  glory.  And  it  is  to  the  Holv  Mass  we  are  bidden  on  Sunday  if  we 
would  not  forfeit  the  condition  of  our  life  hereafter  in  imperishable 
bliss. 

To  the  jeopardy  of  this  immortality  does  a  man  expose  himself  by 
disregarding  the  Church's  precept  relative  to  tlie  Sunday  Mass.  Pastors 
of  soûls  in  Canada,  as  a  rule,  hâve  indeed  little  reason  to  complain  of 
the  conduct  of  their  flocks  in  regard  of  assistance  at  the  Sunday  Mass. 
Blessed  is  the  nation  whose  God  is  the  Lord.  Many  a  priest  ministering 
in  a  scattered  mission  could  relate  instances  of  unconscious  heroism 
that,  Sunday  after  Sunday,  évidence  the  resolute  courage,  splendid  self- 
denial  and  ever  ardent  zeal  of  Canadian  Catholics  in  giving  God  his  due 
on  the  Lord's  Day.  Yet,  it  behooves  us  ail  to  enhance  our  wholesome 
dread  of  the  sin  of  missing  Mass  on  Sunday. 

In  the  Christian  life,  Sunday  Mass  opérâtes  like  every  action  of  God's 
gracions  Providence  over  the  créature.  It  is  the  condition  of  life  and 
death.  What  food  and  air  and  rest  and  shelter  and  the  génial  offices 
of  earth  and  sky  are  to  us  ail,  that  we  may  not  cease  to  live,  that  the 
Sundav  ^lasi?  is  to  our  soul's  estate.  Withdraw  that  vital  Ixion,  and 
erelong  the  life  of  faith  and  grâce  must  perish  ;  and  once  again  the  world 
is  void  and  empty,  and  darkness  is  on  the  face  of  the  deep,  as  before  the 
dawn  of  création  ère  first  the  Spirit  of  God  moved  over  chaos.  What 
the  prérogative  of  Christ's  Vicar.  as  the  principle  of  nnity  and  the  safc- 
guard  of  divine  Faith,  is  to  the  Christian  comnionwealth,  that  the  Sun- 
day Mass  practicallv  becomes  to  the  individual  Catholie.  Where  Peter 
is,  there  is  tho  Church  :  those  who  are  not  with  Peter  are  arrayed  against 
Christ.  Similarly,  those  who  persévère  in  the  ob.servance  of  the  Sunday 
obligation  to  hear  ^ra=p.  persévère  also  with  joy  and  neace  in  believinc: 
they  retain  the  root  of  justification,  —  Eonian,  Papal  faith.  Tt  is  God's 
answer  to  tlie  prayer  which  the  priest  not  infr('(|nently  ofTers  Ix'fnre  the 
Altar:  "  We  be-eech  Thee,  ()  Lord,  gracioiisly  bestow  on  Thy  Church  the 
gifts  of  peace  and  unity,  whereof  the  éléments  of  our  oblation  are  the 
mystic  symbols.''  On  the  other  hand,  observe  the  man  wlio  divorces 
himself  from  tho  schenie  of  hunian  rédemption  l)y  culpable  neglect  of 
the  Sunday  Mass.     Is  not  his  sin  the  very  badge  that  heralds  ap<^stasy 


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in  liimself  or  in  liis  chiklren,  whom  by  liis  balei'ul  example  lie  defrauds 
of  their  birthright  ?  Is  it  not  to  be  said  that  such  an  eviî  results  by  way 
of  inexorable  destiny,  or  that  the  subséquent  recreancy  is  related  to  the 
antécédent  unl'aitlifulness  as  unchangeablv  as  effect  to  its  cause?  Yes, 
common  expérience  tells  a  sad  and  instructive  story. 

Xo  man  may  trace  the  mysterious  processes  of  God's  réprobation 
whereby  He  casts  off  the  individual  or  the  nation.  But  as  with  the  in- 
dividual,  even  so  assuredly  with  the  people  :  abandonment  of  Holy  Mass 
is  ever  the  coefficient,  and  cognisancc,  and  seal  of  heresy.  Contrast  the 
case  of  England  with  that  of  Ireland.  In  the  one  country  the  tyrant 
fails  to  wrest  their  holiest  heirloom  from  a  martyred  race  ;  in  the  other, 
his  law  robs  the  people  of  their  héritage.  In  the  one  nation,  when  Mass 
is  by  law  abolished,  it  is  the  mamj  that  gather  aroumd  the  Mass-rock  on 
mountain  and  moor;  in  the  other,  it  is  the  faithful  few  that  huddle 
under  the  roof  in  country  mansion,  or  within  secret  chapel  of  lord  and 
lady,  to  assist  at  the  Holy  Hystéries.  Antiochus  shall  hâve  indignation 
against  the  covenant  of  the  sanctuary,  and  he  shall  succeed  {cf.  Dan.  11  : 
28)  in  the  land  of  St.  Augustin  ;  among  the  children  of  St.  Patrick,  the 
spoiler  shall  défile  the  sanctuary  of  strength,  but  he  shall  not  take  away 
from  them  the  continuai  sacrifice  (cf.  31,  ih.).  In  Ireland,  a  nation  kept 
the  Mass  and  keeps  the  faith  :  in  England,  a  nation  discarded  the  Un- 
bloodv  Sacrifice  of  man's  Rédemption,  and  England  is  catholic  no  more. 
And  while  God's  angels  shall  record  the  deeds  of  men,  and  until  the 
heavens  shall  be  rolled  together  as  a  parchment  written  over  {cf.  Is., 
34 :4),  the  unfolding  years  will  not  cease  to  demonstrate  that  the  Sun- 
day  Mass  is  an  immédiate  principle  of  unity  in  Christ's  mystical  Body  ; 
that  those  who  cling  to  the  Mass  are  those  who  cling  to  their  baptismel 
faith,  even  as  it  is  told  of  the  first  Christians:  "They. . .  received. . . 
I  Peter's]  word  and  were  baptised. .  . .  and  they  were  persevering  in  the 
doctrine  of  the  apostles,  and  in  the  communication  of  the  breaking  of 
bread,  and  in  prayers."     {Acis  2:41,  42.) 

To  sum  up  the  whole  subject.  In  the  hearts  of  Christian  people  may 
there  abide  a  lively  horror  of  the  sin  of  missing  Mass,  so  heinous  in  it- 
self,  so  hurtful  in  its  results.  Possessed  by  this  temper  of  mind,  and 
eultivating  this  genuinely  Catholic  instinct,  they  feel  that  assistance  at 
the  Sunday  Mass  is  the  first  and  largest  concern  of  Christian  duty  on 
the  Sabbath  of  the  Lord  —  that  it  is  the  Mass  that  matters  ahove  ail. 
"The  man  that  has  missed  Mass  on  Sunday,"  said  O'Connell,  "is  no 
man  for  me."  Undeniably,  this  old-fashioned  dread  of  the  evil  is  to- 
day  less  in  évidence  than  one  could  wit  it.  Let  us  re-awaken  it  if  need 
be,  and  quicken  it  into  activity.  I.  Let  workingmen  be  dissuaded  from 
retaining  or  seeking  such  employment  as  will  exclude  them  from  the 
Snnday  Mass.  Very  frequently  they  hâve  but  to  claim  the  right  that 
God  ha.s  givon  lliem,  and  which  no  power  on  earth  is  permitted  arbitra- 
rily  or  selfishly  to  ignore.  A  primordial  endowment  of  the  moral  nature 
this  is.  which  the  same  Lord  of  ail  forbids  each  holder  hereof  cravenly 
to  ahdicate,  sincc  it  directly  involves  that  relation  of  créature  to  Creat- 
or which  is  the  foiindation  of  human  dignity.  I  am  not  aware  that 
the  wage-earner  is  now  and  then  confronted  bv  a  condition  at  once  in- 


—  913  — 

superable  and  iinassailable.  Xone  the  less,  I  am  persuaded  that  God'e 
sovereign  tlaims  are  too  ofteii  presumptuously  and  nnrifrhteously  waived 
in  the  weak-kneed  surrender  oi'  man's  indei'easible  riglits.  II.  Clearly  un- 
lawfut  and  wholly  nnjustifiable  is  the  Sunday  excursion  that  takes  the 
Christian  on  pleasure  trips  away  from  Holy  Mass  on  the  Lord's  Day. 
For  the  more  effectuai  removal  of  such  a  flagrant  evil,  we  ought  to  advo- 
cate  and  welconie  the  enactnient  and  enforcement  of  civil  législation 
that  will  meet  the  danger  at  every  point,  and  will  punish  ail  real  desec- 
ration  of  the  Sundav.  III.  Lastly,  an  evil  to  be  dreaded,  a  snare  to  be 
shunned,  résides  in  the  laxity  incidental  to  vacation  days  on  mountain- 
slope  and  lakeside,  at  watering  place  and  sunimer  camp.  The  church 
is  no  longer  within  fifteen'  minutes'walk  or  a  half-hour's  drive.  Public 
feeling,  which  at  home  favours  and  peradventure  stimulâtes  religions 
observance,  is  hère  placidly  indiffèrent  to  the  most  unscruDulous  aban- 
donment  of  duty,  or  is  hostile  to  the  intrusions  of  conscience.  On  the 
streniious  pursuit  of  pleasure  from  Monday  morning  till  Saturday  night 
ensues  the  vacuous  and  torpid  lassitude  accounted  proper  to  the  weekly 
day  of  rest;  a  systematic  hedonism  environs  and  ovennasters  for  a 
season,  and  the  friend^hip  of  God  is  buoyantly  bartered  oway.  Let  the 
parent  thus  undutiful  take  good  heed  that,  being  himself  the  living  la\T 
and  lesson  that  his  offspring  Icarn  as  they  learn  no  other,  bis  crime  is 
ail  the  blacker  treason  against  their  Ileavenly  Father.  becausc  hereby 
they  are  robbed  of  their  richest  héritage  —  they  and  their  children  — 
quite  as  effectually  as  through  ravening  Tudor's  edict  génération  after 
génération  has  been  cheated  of  the  Eucharistie  Sacrifice. 


THE  HOLY  EUCHARIST  IN  EARLY  CANADA. 

BY 

REVEREND   THOMAS   J.    CAMPBELL,    S.  J. 


THE  first  chapter  of  the  history  of  the  Blessed  Eucharist  in  our  part 
of  the  world  would,  of  course,  be  an  account  of  the  efforts  of  the  Bishops 
of  Greenland  to  establish  a  Christian  colony  in  America  one  thousand 
years  ago.  Unfortunately,  however,  we  cannot  fix  with  any  degree  of 
certainty  even  the  location  of  tho  famous  Vinland  ;  but  as  we  know  that 
not  only  priests,  but  also  bishops,  crossed  the  intorvening  .«sea  to  look 
after  their  flocks,  we  are  safe  in  concluding  that  the  Holy  Sacrifice  was 
offered  on  thèse  coasts  with  ail  the  pomp  and  solemnity  which  the  ritual 
requires  when  prelates  officiate  at  the  altar. 

We  obtain  more  delinite  information  as  we  approach  nearer  to  modem 
times,  when  England  was  still  Catholic.  lîut  was  sent  ont.  in  ir)27,  to 
explore  the  northern  parts  of  the  Continent.  lïis  ship  was  the  "  Mary 
of   Guilford,"   and   the   chaplain   of   the   expédition   is   described   nf>   a 


^914  — 

••  eauon  of  8t.  l'aurs  iu  Loiulou,  a  verv  learued  man  and  mathemati- 
cian."  The  ports  of  Xewl'oundland,  Cape  Breton,  and  Xorembega  were 
Tisited,  and  meu  were  sent  asliore  to  examine  the  coimtry.  It  is  incon- 
ceivable  that  the  "  learned  man  and  mathematieian  ■'  should  hâve  re- 
mained  on  board  the  ship  ou  such  occasions,  and  especially  that  in  his 
capacity  as  priest  he  should  not  hâve  availed  liimself  of  the  opportunity 
of  eelebrating  Mass  somewhere  on  the  coast,  so  as  to  take  possession  of 
the  land  for  Christ.  The  présence  of  this  London  canon  ou  the  "  Mary 
of  Guilford  "  also  brings  out  the  interesting  fact  that  the  Gospel  must 
hâve  been  tirst  preached  hère  in  the  English  tongue. 

The  journal  of  Jacques  Cartier,  in  1536.  furnishes  un  vrith  much  val- 
uable  information  about  the  subject  with  which  we  are  now  concerned. 
We  hâve,  for  instance,  the  following  entry  :  "  Before  setting  out,  by  com- 
mand  of  the  captaiu  "  —  namelv,  himself  —  '"  and  witli  the  perfect  good 
will  of  the  men.  each  one  of  the  crew  went  to  confession;  and  on  Pente- 
cost  Sunday,  May  6,  1535,  we  ail  received  our  Creator  in  the  Cathedra! 
of  St.  Maio,  and  were  afterwards  admitted  to  the  choir  where  the 
Bishop  in  his  robes  gave  us  his  bénédiction." 

Such  was  Cartier's  prélude  to  his  discoveries.  He  took  with  him  two 
Bénédictine  monks  as  chaplains,  Dom  Guillaume  le  Breton,  and  Dom 
Antoine  ;  and  he  is  caref  ul  to  note  the  varions  places  where  he  had  them 
go  ashore  to  celebrate  Mass.  The  ugly  Esquimaux,  whom  nobody 
thought  of,  were  the  tirst  to  be  so  honored,  for  Ferland  tells  us  (p.  18) 
that  Cartier  entered  the  port  of  Ilettes,  now  called  Brador,  and  then  the 
harbor  of  Brest  or  Yieuxpont.  The  Journal  also  notes  that  "  Mass  was 
said  there  on  St.  Barnabas's  Day  (June  11),  for  ail  the  crew:"  i.  e.,  no 
one  was  left  on  board  the  ship;  but  it  does  not  tells  us  if  any  of  the 
natives  gathered  around  wonderinçr  at  the  solemn  ceremonv. 

Of  course  Mass  was  offered  on  shipboard  whenever  the  weather  per- 
mitted,  and  it  is  very  probable  that  when  "  the  vessel  was  driven  for 
shelter  into  a  beautiful  and  great  bay  full  of  islands,  and  with  easy 
access  and  protection  from  the  sea,"  the  two  monks  did  not  fail  to  ascend 
the  altar.  It  was  then  August  lOth,  the  feast  of  St.  Lawrence,  in  com- 
mémoration of  which  Cartier  named  the  Bay.  According  to  Ferland, 
that  harbor  was  probablv  St.  Geneviève,  nine  miles  from  Esquimaux 
Point. 

Cartier  ascended  the  St.  Lawrence,  and  one  is  tempted  to  ask  whether 
when  he  climbed  the  hill  which  he  called  Mount  Eoyal,  he  ordered  the 
célébration  of  Mass,  thus  anticipationg  Maisonneuve  by  a  hundred 
years.  There  is  no  record  of  his  having  done  so,  but  the  man  who  would 
go  aâhore  among  the  Esquimaux  for  the  the  first  solemn  prise  de  posses- 
sion, might  be  counted  on  to  do  the  same  when  the  Sault  barred  his  fur- 
ther  progress  up  the  river,  especially  as  he  had  decided  that  it  was  the 
best  place  to  establish  a  city. 

His  dévotion  to  the  Holy  Eucharist  is  very  touchingly  told  in  his 
dfsrnption  of  the  terrible  winter  whicli  he  was  compelled  to  pass  at  the 
foot  of  the  Koc'k  of  Québec.  Out  of  110  of  his  men.  100  were  down  with 
the  scurvy.  "  I  therefore,"  he  says,  "  placed  an  image  of  the  Blessed 
Virgin  on  a  tree  about  a  musket  shot  from  the  fort,  and  ordered  that  on 


—  'Ji5  — 

the  following  Sunday,  ail,  both  sick  and  well,  wlio  were  able  to  go  over 
the  snow  and  ice,  should  make  a  pilgrimage  tliither,  singing  ilie  seven 
psalms  of  David  and  the  litany,  to  implore  the  Blessed  Virgin  that  she 
would  deign  to  ask  her  dear  Son  to  hâve  pity  on  us,  When  the  Mass 
was  said  and  sung  before  the  said  image,  I  constituted  myself  Master 
Pilgrim  to  Our  Lady  who  is  prayed  to  at  lîocamadour  (qui  se  fait  prier), 
promising  to  go  thither  if  God  would  grant  us  the  grâce  to  return  to 
France." 

That  scène  of  the  perishing  crew  and  scurvy-stricken  sailors  kneeling 
on  the  ice  during  both  High  and  Low  Mass,  with  tlio  l)lasts  of  the  T^aur- 
entides  sweeping  down  upon  them  during  their  long  prayers,  ought  to 
be  portrayed  on  canvas  by  sorae  great  artist  and  given  a  prominent  place 
in  the  basilica  of  historié  Québec. 

Though  Henry  Hudson  was  not  of  the  household  of  the  faith,  it  may 
not  be  out  of  place  to  notice  hère,  that  before  venturing  on  lus  expédi- 
tion to  discover  the  North-west  passage,  in  1609,  he  went,  with  his  crew, 
in  solemn  procession,  to  the  church  of  St.  Ethelburga,  off  Bishopsgate 
Street,  London,  where  they  received  Communion  îind  implorcd  God's 
help  in  their  perilous  undertaking;  and  ten  years  later,  the  devout  and 
heroic  Danish  explorer,  Jens  Munck,  who  nearly  perished  amid  the  hor- 
rors  of  Hudson  Bay,  had  as  cliaplain  "  a  priest,"  who  celebrated  ail  the 
festivals  of  tlie  Cliurch  and  regularly  made  "  the  offertory  "  for  the  crew. 

Of  course,  valid  orders  had  not  preserved  in  England  and  Danemark 
when  Hudson  received  "  communion,''  nor  were  the  "  olfertories  "  of 
Munck's  priest-chaplain,  the  Mass.  But  both  of  thèse  instances  illustrate 
how  the  Eucharistie  traditions  still  lingered  in  both  England  and  Den- 
mark.  It  is  cousoling  to  see  them  connected  witli  thèse  lirst  American 
explorations. 

Then  comes  a  gap  of  seventy  years,  and  the  first  priests  who  appear 
in  this  part  of  tlie  world  were  the  two  who  went  with  de  Monts  to 
Acadia  ;  one  the  Abbé  Aubry,  who  nearly  lost  his  life  in  the  woods,  and 
ghortly  after  returnod  to  France;  and  another,  who  died  almost  as  soon 
as  he  landed.  After  tliem  comes  the  Abbé  Fleschc,  who  was  dccoratcd 
with  the  singular  baptismal  name  of  Joshua,  and  who  for  the  prodig- 
ality  of  his  baptisms  was  recalled  to  France.  Finally,  on  May  22,  1611, 
the  Jesuits,  Biard  and  Massé  arrived. 

Ail  of  tliese  priests  celebrated  Mass  frorjuently,  if  not  regularly,  but 
the  conditions  were  hard  and  at  timcs  impossible.  There  are  two  or 
three  occasions'  which,  on  account  of  their  picturcsoue  surroundings  call 
for  spécial  notice. 

The  Commandant  Potrincnurt  had  quarreled  with  one  of  his  officers. 
Du  Pont,  who  had  takcn  flight  and  was  living  among  the  Indians.  .\s 
it  was  morally  a  very  dangerous  situation  for  the  fuiritive,  Father  Biard 
interceded  till  the  Commandant  relentcd  and  agreed  to  go  in  search  of 
him.  Thev  found  him  on  the  other  sidc  of  the  Bay  of  Fundy,  and  after 
reconciliation  with  the  Commandant,  Du  Pont  went  to  confession  on 
the  beach,  tho  Indians  standing  at  a  distance  and  wondering  why  he  was 
ao  long  kneeling  at  the  feet  of  tho  black-robe.  Wlion  tho  poor  wretoh 
was  shriven,  an  nltar  was  oreotod  on  tho  shoro.  and  Ma>>  was  said,  nt 


—  916  — 

which  Du  Pont  received  his  Easter  Communion.  The  place  was  known 
as  Jja  Pierre  Blanche,  evidently  Whitehead  Point,  on  the  Grand  Menan, 
off  the  coast  of  Maine. 

There  was  another  célébration  of  Mass  under  still  more  peculiar  con- 
ditions. The  younger  Potrineourt  had  heard  that  there  was  a  band  of 
poachers  plyin^r  their  trade  some  distance  up  the  St.  John's  Kiver,  and 
lie  started  out  to  find  them.  He  arrived  at  night,  saluted  the  fort,'  and 
was  saluted  in  return,  and  invited  to  land.  Next  morning  he  went 
ashore,  and  Father  Biard  celebrated  Mass  on  the  beach;  the  poachers, 
who  were  ail  Frenchmen,  coming  out  of  their  défenses  to  assist  at  it  like 
good  Christians.  When  ail  was  over,  Potrineourt,  to  the  disgust  and 
amazement  of  everyone,  suddenly  announced  tliat  the  men  who  had  been 
kneeling  around  the  altar  with  him,  their  hearts  no  doubt  filled  with 
brotlierly  love,  were  his  prisoners.  Wild  disorder,  of  course,  ensued, 
which  came  nearly  ending  in  bloodshed,  but  after  a  night  and  a  day 
peace  was  restored,  and  the  captain  sailed  away  with  the  priest  to  ex- 
plore the  coast  of  Maine. 

On  the  28th  of  October,  1611,  the  little  ship  entered  the  Kennebec 
and  ventured  up  the  river.  How  far  thcy  went  is  not  said.  The 
Indians  were  suspected  at  first,  and  were  kept  at  a  distance,  but  were  at 
last  allowed  to  board  the  vessels  for  trade.  Profiting  by  the  opportunity, 
Father  Biard  took  a  boy  with  him,  and  went  ashore  to  celebrate  Mass. 
Meantime  the  red  men  became  so  riotous  on  the  ship,  that  Potrineourt 
was  several  times  on  the  point  of  ordering  a  gênerai  massacre.  The 
thought  of  the  priest  at  the  altar  in  the  woods  was  the  only  thing  that 
prevented  his  action.  Fianlly,  the  chiefs  called  off  the  braves,  and 
Father  Biard  climbed  up  ehe  ship's  side  only  to  learn  how  near  he  had 
come  to  being  killed,  with  the  chalice  in  his  hands.  It  is  to  be  regretted 
that  it  is  impossible  to  identify  the  place. 

As  the  troubles  increased  at  Port  Eoyal,  the  Jesuits  abandoned  it,  and 
settled  at  Mount  Désert,  in  the  présent  State  of  Maine.  There,  says 
Bancrof t,  "  in  front  of  a  cross  in  the  centre  of  a  village,  Mass  was  said, 
and  the  Roman  Churchi  entered  into  possession  of  the  soil  of  Maine."  But 
there  were  not  many  Masses  said  there.  The  English  soon  descended 
upon  the  colony  and  gave  it  over  to  the  fiâmes,  taking  aAvay  the  priests 
to  hang  them  in  Virginia;  a  project  which  a  merciful  Providence  pre- 
vented. The  name  St.  Sauveur,  which  was  given  to  the  settlement,  still 
remains,  and  has  even  been  appropriated  by  the  Episcopalian  chapel  of 
the  place. 

It  is  somewhat  surprising  that,  when  Champlain  brought  over  the  Ee- 
collets  in  1615,  the  first  Mass  which  was  offercd  was  not  at  Québec,  but 
further  up  the  river,  namely,  on  the  Island  of  Montréal,  on  June  24. 
Champlain  himself  tells  us  that  "the  Holy  Sacrifice  of  the  Mass  was 
sung  on  the  shore  of  the  Rivière  des  Prairies  with  great  dévotion  by 
Fathers  Denis  and  Joseph,  in  présence  of  ail  the  people,  who  admired 
the  vestments,  whioh  were  more  beautiful  than  anything  those  people 
had  ever  seen,  for  this  was  the  first  time  Mass  was  evor  celebrated  there." 

It  appcars  that  Father  Joseph  LeCaron  was  very  anxious  to  see  the 
Hurons,  and  hence  as    soon  as  he  left    the  ship,  he   hurried  up  to  the 


—  917  — 

Sault  beyond  Montréal.  Cliamplain  had  followed  liim,  and  when  Father 
LeCaron  was  on  his  way  back  they  met  at  a  place  wliere  the  Eivière  des 
Prairies  empties  into  the  St.  Lawrence.  There  they  waited  until  sorae- 
one  was  sent  down  to  Québec  for  the  vestments  and  chalice.  Unfor- 
tunately,  the  exact  site  where  the  important  event  took  place  has  never 
been  identified. 

It  is,  of  course,  quite  incorrect  to  say  that  this  was  the  first  Mass  ever 
offered  in  Xew  France,  for  twelve  years  previous  to  the  advent  of  the 
Recollets,  the  priests  who  had  corne  over  with  De  Mont*  had  officiated 
in  Acadia  ;  and  Cartier's  chaplains  had  said  Mass  at  Québec  during  the 
whole  winter  of  1536. 

■On  June  26th,  1615,  Father  Dolbeau  offered  the  Holy  Sacrifice  at 
Québec;  Father  LeCaron  at  Three  Kivers,  on  July  26th  ;  and  Dolbeau  at 
Tadousac,  in  the  early  part  of  the  same  year.  On  none  of  thèse  occa- 
sions is  there  mention  of  any  particular  solemnity;  but  when  Father 
Paul  arrived  at  Tadousac  two  years  later,  after  a  perilous  voyage,  the 
sailors  hurried  ashore  to  build  a  chapel,  which  tliey  decorated  as  well  as 
they  could.  While  they  were  at  Mass  some  remained  on  the  ship,  and 
after  the  élévation,  the  cannon  boomed  over  the  waters  of  the  St.  Law- 
rence and  up  the  deep  gorge  of  the  Saguenay.  Father  Le  Jeune  was  the 
first  priest  to  celebrate  Mass  on  the  Isle  Jésus.  The  Governor,  Mont- 
magny,  was  with  him  at  the  time. 

There  is  a  curions  conflict  of  authorities  about  the  first  Mass  that  was 
said  at  Québec  after  the  return  of  the  French,  in  1632.  The  ''  Abrégé 
Chronologique  et  Historique  de  tous  les  Prêtres  du  Canada  ''  prétends 
that  a  priest  of  the  Missions  Etrangères  named  Benoit  Duplein,  who 
could  speak  English,  had  remained  in  the  city,  and  had  continued  to 
say  Mass  during  ail  the  time  of  the  occupation.  Unfortunatelv  for  this 
claim,  the  Society  of  the  Missions  Etrangères  was  not  established  nntil 
forty  years  later.  The  year  1632  was  evidently  mistaken  for  1672,  for, 
at  the  later  date,  there  was  a  Benoit  Duplein  of  the  Missions  Etrangères, 
in  Québec.  Possibly,  also,  the  writer  was  misled  by  the  officiai  register 
of  Québec  in  which  it  is  said  that  a  daughter  of  Couillard  was  baptized 
in  1632.  She  was  indeed  baptized,  but  the  officiating  clorg^Tiian  was 
the  Protestant  minister  who  had  corne  to  the  city  with  Kirke,  in  1629. 
The  Couillard  family  probably  thought  it  was  the  best  thing  they  could 
do,  especially  as  they  saw  that  the  parson  was  boing  brutally  treatcd  by 
Kirke,  for  having  protested  against  the  liquor  traffic,  and  also  for  at- 
tempting  to  prevent  the  exécution  of  some  Iroquois  ca])tivcs.  Ho  was 
kept  a  prisoner  for  six  months  in  the  dilapidated  Kecollct  couvent,  on 
the  charge  of  fomenting  rcbollion  among  the  soldiors.  Xo  doulit  ho  was 
glad  to  see  the  French  return  to  their  possession.  As  for  tlic  Mass, 
Father  TjG  Jeune  in  the  "  Relation  "  of  1632,  di.stinctly  says  that  there 
were  no  priests  in  Québec  during  the  occupation,  and  that  tho  Fronch 
who  remained  had  not  hoard  Mass  for  throe  years.  It  was  ho  liimsolf 
who  said  the  first  Mass;  and  it  was  celebrated  in  Couillanrs  houso  on 
the  13th  or  14th  of  July.  The  house  had  to  be  used,  for  the  English 
had  buriK'd  tbe  oliapol  in  tho  basse-ville. 

After  Cliamplain   rotnrnod,  pioty  roignod  in  Quol^oo.  and   Fatlior  T.c 


—  91S  — 

Jeune  writos  tliat  tlio  scènes  at  Mass  almost  iiiade  liini  tliink  he  Avas 
home  agùin  in  Old  France.  The  church  was  crowded  at  ail  the  services, 
the  cérémonies  were  earried  ont  with  ail  possible  solemnity,  and  the 
fervor  of  the  colonists  resembled  that  of  the  first  Christians.  It  shoiild 
be  noted,  however,  that  it  was  a  pénal  offence  to  be  absent  from  Mass. 

It  is  sometimes  asked  whether  the  old  missionaries  always  celebrated 
Mass  on  their  apostolic  journeys  throiigh  the  forests.  Sometimes  they 
did,  but  ofteu  it  was  absolutely  out  of  the  question.  Thus  Father  Jogues 
never  olïered  the  Holy  Sacrifice  during  ail  the  time  he  was  in  Xew  York. 
It  was  impossible,  of  course,  when  he  Avas  earried  thither  as  a  prisoner, 
with  his  body  slashed  and  his  hands  crippled  and  mangled.  ISTor  could 
he  do  so  on  his  second  visit,  for  he  was  warned  to  hâve  nothing  sacer- 
dotal, even  in  his  appearance;  and  he  went  there  as  an  envoy  of  the 
Government,  in  the  garb  of  a  layman;  and  on  his  last  and  fatal  journe}', 
he  took  neither  vestments  nor  chalice  with  him  ;  for  he  only  intended  to 
remain  with  the  Mohawks  during  winter,  "  for  penance,  he  said,  and 
without  Mass  or  the  sacraments,"  He  Avas  captured  at  Lake  George, 
and  Avas  killed  almost  as  soon  as  he  arrived  at  the  Ossernenon.  The  fam- 
ous  box  which  excited  the  Indians  contained  only  a  few  necessary  things. 
According  to  Governor  Kieft,  they  Avere  the  priest's  clothes. 

Wlien  Father  Druillettes  made  his  Avonderful  journey  in  a  canoë  from 
Québec  to  Boston,  he  AA-as  cordially  received  by  the  old  Puritans,  and  he 
tells  us  that  he  was  the  guest  of  Major  Gibbons,  avIio  gave  him  a  key  to 
his  room  where  he  might  say  his  prayers  Avithout  fear  of  being  disturbed. 
Wliether  he  availed  himself  of  that  seclusion  to  offer  up  the  Holy  Sacri- 
fice he  does  not  say.  But  as  our  only  source  of  information  is  a  public 
document  in  which  he  had  to  restrict  himself  to  an  account  of  the  officiai 
work  Avhich  he  was  sent  to  perform,  Ave  cannot  expect  to  hâve  any  in- 
formation on  the  matter  of  his  private  dévotions.  It  might  hâve  com- 
promised  Gibbons. 

It  was  evidently  impossible  for  de  Brébeuf  and  Chaumonot  to  hâve 
said  Mass  even  once  during  their  terrible  winter  journey  of  four  months 
from  Lake  Huron  to  Xiagara,  and  from  there  to  Avhere  Détroit  noAv 
stands,  and  then  back  to  the  place  Avhence  they  had  started.  Almost 
every  Avigwam  either  barred  its  doors  against  them,  or  drove  them  out 
into  the  snow.  Millet,  in  his  five  years'  captivity  at  Oneida,  neA^er  said 
Mass.    • 

In  Marquette's  exploration  of  the  Mississippi,  there  is  no  mention,  as 
far  as  Ave  are  aAvare,  of  his  ever  landing  for  that  purpose  ;  but  there  is  a 
valuable  bit  of  Eucharistie  information  in  his  account  of  his  journey  to 
the  Illinois  in  the  following  year.  His  tAA-o  men,  Pierre  and  Jacques, 
Avent  to  confession  and  received  Holy  Communion  tAvice  a  Aveek.  They 
were  antedating  considerably  the  practice  of  the  présent  day. 

There  is  another  notable  example  of  frequency  of  Communion  in  the 
acf-ount  of  the  last  terrible  days  of  Father  Ménard's  life  out  on  the 
ehores  of  Lake  Superior.     The  chronicle  thus  présents  it:' — 

"In  the  second  Avinter,  an  attempt  was  made  to  fish,  and  it  was 
pitiable  to  see  thèse  poor  Frenchmen  in  a  canoë  amid  rain  and  snoAv, 


—  919  — 

driven  liither  and  tliitlier  by  thc  wliirlwinds  of  thèse  great  lake?.  Tliey 
frequently  had  their  liands  and  feet  frozen,  and  sometinies  were  overtaken 
by  snow  so  thiek  that  the  man  steering  the  canoë  could  not  see  his  com- 
panion  in  tlie  bow.  But  while  destitute  of  bodily  comfort  they  were 
strençrthenod  by  heavenly  favors.  As  long  as  the  Father  was  alive,  they 
had  Holy  Mass  every  day,  and  confessed  and  received  Holy  Communion 
about  once  a  week."  The  men  succeeded  in  getting  back  to  Québec,  but 
Father  Ménard  died  further  on  in  the  wilderness. 

Of  course,  when  circumstances  permitted  it,  thèse  great  missionaries 
did  not  allow  the  opportunity  to  pass  of  saying  Mass,  no  matter  wliat 
intense  suiîering  it  caused  them.  Thus  Albanel  tells  us  that  for 
four  successive  days  on  the  Saguenay,  while  the  tempest  was  howling  in 
the  bay,  the  lire  was  extinguished  in  the  wigwam  so  as  to  prevent  the 
priest  from  being  stifled  by  the  smoke  in  which  he  would  otherwise  be 
obliged  to  stand,  and  then,  in  the  almost  insufferable  cold  which  result- 
ed,  the  Indians  knelt  around  the  rude  altar  until  the  priest  had  finished, 
and  the  fire  was  again  lighted. 

Father  Buteux,  the  apostle  of  Tliree  Eivers,  bas  left  us  some  very 
graphie  descriptions  of  thèse  cérémonies  in  the  wilderness.  Thus,  for 
instance,  at  the  end  of  Mardi,  1651,  he  started  with  a  band  of  Indians 
for  the  whitefish  country.  At  night  they  slept  in  an  excavation  of  snow. 
Some  soldiers  who  had  made  that  first  day's  journey  with  them,  said  it 
was  like  going  into  a  sepulchre,  and  they  turned  back  next  day  to  Three 
Rivers,  "While  Buteux  and  his  Indians  proceeded  Xorth.  They  liad  little 
or  no  provisions,  and  were  in  constant  dread  of  the  Iroquois.  "  On  the 
fourth  day,  writes  Buteux,  "  I  said  Mass  on  a  little  island.  It  was  the 
first  tirae  the  adorable  Sacrifice  was  offered  in  thèse  parts.  There  was 
a  discharge  of  musketry  at  the  Elévation,  and  after  Mass  a  feast  of  In- 
dian  corn  and  eels. 

"  On  the  seventh  day  we  walked  from  three  o'clock  in  the  morning  till 
one  o'clock  in  the  afternoon,  in  order  to  reach  an  island  where  I  wanted 
to  say  Mass,  for  it  was  Palm  Sunday.  I  succeeded,  but  I  had  a  share 
in  the  sufferings  of  the  Passion  of  Our  Good  Master.  My  thirst  made 
my  tongue  adhère  to  my  palate.  The  extra  burdcn  I  had  to  carry  when 
my  man  left  me,  aggravated  my  pains.  The  Indians  saw  my  weakness 
during  ^lass  and  afterwards  gave  me  some  sagamite  made  especially  for 
me,  which  consisted  of  dough  boiled  in  water,  and  with  it  half  of  a  dricd 
eel. 

"  The  thirteenth  day  was  the  hardest  of  ail.  We  started  out  at  three 
in  the  morning,  by  horrible  roads,  through  underljrush  so  thick  it  wa? 
impossible  to  find  place  for  our  feet  or  our  raquettes.  I  got  lost  several 
times,  because  I  could  not  follow  the  trail.  We  then  reached  some 
lakes  where  the  ice  was  very  slippery,  yet  impossible  to  walk  on  without 
raquettes,  for  there  was  danger  of  going  through  the  ice;  and,  on  the 
otlior  hand,  the  snow  and  melting  ice  made  our  feet  very  heavy.  .\t 
mid-day  we  stopped,  find  I  had  the  happiness  of  saying  ^fass,  which 
was  my  only  consolation.  Thore  I  founcl  strength  in  my  weariness.  To 
revive  mo.  for  I  was  cxhaustod,  they  olTered  me  a  pièce  of  l)eaver  which 
had  been  left  ovcr  from  the  day  before.  I  did  not  tako  it,  but  ofTcrcd 
it  to  our  Lord,  for  I  liad  not  tasted  méat  from  the  beginning  of  Tjcnt. 


—  920  — 

'•  The  foiirteenth  Jay  was  Easter  Sunday,  the  ninth  of  April,  and  I 
was  very  mucli  consoled  at  the  piety  displayed  by  the  Indians.  Our  little 
chapel,  biiilt  of  cedar  and  pine  branches,  was  extraordinarily  decorated, 
that  is  to  say,  each  one  had  brought  whatever  pietures  and  new  stuffs 
he  had,  and  hung  tliem  hère  and  there  on  the  walls.  After  I  had  blessed 
the  congrégation  with  holy  water,  and  distributed  the  pain  bénit,  which 
was  a  pièce  of  bread  I  had  kept  for  that  purpose,  the  chief  made  a  speech 
to  excite  tlie  dévotion  of  his  people.  When  Communion  and  thanks- 
giving  were  over,  and  the  beads  recited,  they  came  to  offer  me  some  little 
présents;  one  gave  me  a  pièce  of  fat  elk-meat,  another  a  partridge,  and 
so  on.  They  deprived  themselves  of  thèse  things  to  give  them  to  me,  in 
spite  of  the  hunger  that  was  gnawing  their  vitals  as  well  as  mine." 

There  are  many  more  heroic  acts  of  homage  to  the  Blessed  Sacrament 
through  the  north  woods  during  the  wonderful  career  of  Father  Buteux. 
The  incidents  just  related  occurred  at  the  end  of  his  life.  He  was  killed 
in  those  same  forests  and  his  body  was  thrown  into  the  rapids. 

In  Father  de  Crespieul's  "  Eelation  "  we  hâve  a  description  of  a  Ke- 
pository  of  the  Blessed  Sacrament  in  the  forests  beyond  the  Saguenay, 
which  is  worth  reproducing  hère.  "  Our  journey  ended,"  he  says,  "  at 
the  Lake  of  the  Cross,  so  called  from  its  shape.  It  was  Holy  "Week,  and 
the  locality  suggested  that  more  than  the  usual  dévotion  should  be  dis- 
played in  the  adoration  of  the  Holy  Cross  ;  and  though  it  may  excite 
astonishment  that  for  the  proper  célébration  of  the  most  august  mys- 
teries  of  our  religion,  we  were  unable  to  find  room  in  our  poor  cabin  for 
■everything  that  conformity  with  the  Church  requires  during  Holy  Week, 
yet  we  accomplished  it,  in  order  to  brinsf  our  winter  to  a  happy  end,  and 
to  consecrate  those  rocks  and  mountains  by  ail  we  possess  of  what  is 
holiest  and  most  worthy  of  vénération.  Thursday,  Friday  and  Saturday 
of  Holy  Week  converted  our  forests  into  a  chapel  and  our  cabin  into  a 
repository,  where  very  few  of  the  cérémonies,  observed  at  the  time  by 
Christians,  were  omitted  by  our  Indians.  Above  ail  they  showed  pro- 
found  respect,  and  maintained  religions  silence  in  the  oabin  in  which 
the  Blessed  Sacrament  was  placed  during  the  night  between  Thursday 
and  Friday  ;  thus  in  the  depth  of  that  désert  this  august  mystery  was 
honored  without  ceasing,  by  continuai  prayer,  which  suffered  no  inter- 
ruption in  the  darkness  of  the  night.  Easter  Sunday  crowned  it  ail  by, 
a  général  Communion." 

'l'Iio  .Assouapmoucliouan,  wliich  empties  into  the  Saguenay,  had  been 
called  the  River  of  the  Blessed  Sacrament  by  Dablon,  in  1660.  Jogues 
had  so  called  Lake  George,  in  1646.  The  question  naturally  arises  how 
did  they  pro(*ure  wine  for  Mass  in  thèse  solitudes.  Of  course,  they  had 
to  carry  it  wiih  thcm  on  journeys  svich  as  we  hâve  been  describing.  But 
in  their  ordinary  places  of  abode  they  made  it  ont  of  wild  grape.  We 
read  in  Sagard  (v.  1,  228)  that  "  when  our  little  barrel  of  wine  gave  out, 
as  it  soon  did,  for  it  held  only  two  pots  full,  we  made  wine  from  the  wild 
grape.  Our  wine  prcss  was  a  mortar,  and  our  strainer  one  of  the  altar 
linens.  We  could  only  make  a  limited  amount,  for  our  tub  was  only  a 
Bmall  bucket  made  of  bark.  The  pressed  grapes  were  mixed  with  sugar 
and  made  into  a  confection  to  eat  on  récréation  days,  or  to  give  to  any 


—  921  — 

of  our  compatriots  who  miglit  visit  us.     Tliey  could  take  a  little  of  it 
ou  the  point  of  a  knife." 

There  are  uot  maiiy  instances  rocorded  of  the  seizure  of  the  priest's 
vestments  by  the  savages.  The  chalice  and  vestments  of  the  lîecoUet 
Viel,  who  was  drowned  at  Sault  au  Eécollet,  were  taken,  but  recovered; 
the  latter  were,  however,  in  rags,  the  Indians  having  used  them  for  décora- 
tions. When  M.  Le  Maître,  the  Sulpician,  was  behcaded  near  Montréal, 
a  Savage  was  seen  shortly  after  clothed  in  the  priest's  vestments  strut- 
ting  defiantly  before  the  Prench  palisade.  The  chalice  of  Father  Cha- 
banel,  who  was  murdered  on  the  Xottawasaga  Eiver,  was  taken  by  the 
assassin  and  given  to  his  mother,  but  as  a  great  many  misfortunes  im- 
mediately  befell  the  family,  she  threw  it  in  the  river.  Doubtless  the  In- 
dians who  killed  Fathers  de  Brébeuf  and  Lalemant  carried  off  the  sacred 
vessels,  though  nothing  is  said  of  it  in  the  "  Relations."  But  we  know 
that  everything  that  could  be  found  in  Kasle's  chapel  was  seized  by  the 
English  and  brought  to  Boston.  His  crucifix  and  the  ''  strong  box."  in 
which  he  probably  kept  his  chalice  are  now  in  the  muséum  of  Portland, 
Maine.  Finally,  some  where  at  the  bottom  of  the  Ottawa  River,  there  is, 
if  it  has  not  been  rotted  to  pièces  meantime,  a  box  full  of  altar  furniture. 
The  canoë  in  which  it  had  been  put  was  upset,  and  though  the  heroic 
young  Indian  Armand,  who  was  in  charge  of  it,  clung  to  it  as  long  as  he 
could  at  the  risk  of  his  own  life,  it  was  torn  from  his  grasp  by  the  tor- 
rent, and  disappeared. 

We  do  not  know  if  the  nuns  of  Québec  made  any  of  the  vestments,  but 
we  hâve  a  record  of  one  devoted  sister  of  the  Hôtel-Dieu  of  that  city, 
who  supplied  chalice-palls  for  the  mission  for  the  space  of  forty-one 
years;  from  1717  to  1759.  In  each  pall  she  would  insert  a  prayer  and 
an  invocation  such  as  "  justifica  nos,  dealba  nos,  vivifica  nos."  It.is 
also  said  that  her  labor  was  so  constant  that  she  had  made  them  even 
during  dinner.  How  she  could  contrive  to  do  the  two  thiners  simul- 
taneously  is  hard  to  conceive;  except  that  she  was  a  confirmcd  invalid 
and  ate  very  little. 

There  is  a  very  interesting  fact  with  regard  to  the  Holy  Eudiarist  in 
Canada,  which  is  not  gcnerally  known,  viz.  :  that  the  first  book  written 
by  an  American  missionary,  in  tins  part  of  the  world,  was  on  the  Blessed 
Sacrament.  It  was  by  Father  Charles  Lalemant,  the  first  Jesuit  Sup- 
erior  of  Québec,  and  is  entitled  "  La  Vie  Cachée  de  N".  S.  Jésus-Christ 
en  l'Eucharistie."  It  was  published  in  1060  in  France,  and  during  the 
author's  lifetime  went  through  three  éditions. 

On  the  voyage  across  the  océan,  which  sometimes  lasted  two  or  three 
months,  the  priests  never  qmitted  to  say  Mass  when  the  weather  ])er- 
mitted.  Sometimes,  indced,  tho  ritual  was  carried  out  witli  great  ponip 
and  solemnity.  Thus,  in  the  life  of  Father  Ménard  we  havc  a  descrij)- 
tion  of  a  Corpus  Christi  procession  on  shipboard,  that  is  worth  quoting: 

"Great  picty,"  he  says,  "  reignod  among  the  crew,  but  the  dévotion 
was  most  conspicuous  on  the  feast  of  the  Blessed  Sacrament.  A  magni- 
ficent  altar  was  proparod  in  tlio  cabin  of  the  .\dniiral,  ihe  crew  crtHicil 
another  at  the  prow  df  the  ship,  and  our  Lord,  dcsirous  to  1«'  adorcd 
upon  the  unstablc    élément,    gave  us    a    calm  so    perfect  ibat   we  could 


—  922  — 

imagine  ourselves  Hoating  on  a  pond.  We  fornied  a  really  solemn  pro- 
cession. Everyone  took  part  in  it,  and  their  piety  and  dévotion  prompt- 
ed  them  to  mardi  in  excellent  ordor  arouud  tlie  deck.  Our  Brotlier 
Dominique  Sc-ott,  wearing  a  surplice,  carried  the  cross;  on  either  side  of 
him  were  two  children  each  holding  a  lighted  torch;  the  nuns  followed 
in  angelic  modesty  with  their  white  tapers;  after  the  priest,  who  carried 
the  Blessed  Sacrament,  walked  the  Admirai  of  the  fleet,  and  then  came 
the  wliole  crew.  The  cannons  made  the  air  and  waves  resound  with 
thunder,  and  the  angels  took  pleasure  in  hearing  the  praises  that  our 
hearts  and  lips  gave  to  their  Prince  and  to  our  Sovereign  Iving." 

The  priests  froquently  went  as  chaplains  in  the  wars  against  both  red. 
and  white  enemies.  Indeed,  Champlain  lays  it  down  as  a  captain's 
tirst  duty  to  hâve  a  priest  on  board  his  ship  on  every  voyage.  Fathers 
Kaflei.x  and  Albanel  were  in  the  Mohaw^k  raids,  in  1666,  under  de  Tracy 
and  Courcelles;  and  probably  celebrated  Mass  at  the  place  of  Jogues' 
martyrdonm;Enjarlan  was  seriously  wounded  in  de  Denonville's  attack 
on  tlie  Senecas;  Easle  was  sometiraes  with  the  Abenakis  in  their  fights 
with  the  English  ;  Silvy,  Dalmas  and  Marest  acconipanied  Iberville,  both 
on  his  snow-shoe  journey  to  Hudson  Bay  and  his  attacks  by  sea. 
One  of  thèse  priests  was  exhausted  by  his  laobr  and  recalled;  another 
was  murdered,  and  the  third  was  carried  to  England  as  a  prisoner.  It 
is  of  interest  to  know  that  in  Iberville's  splendid  fight  in  the  Straits, 
where  with  a  single  ship,  he  sunk  one  English  vessel,  captured  a  second, 
and  put  the  third  to  flight,  his  chaplain  was  Father  Edward  Fitzmorris, 
of  Kerry,  a  Jacobite  priest,  about  whom,  however,  no  further  informa- 
tion is  forthcoming,  except  that  the  Fitzmorrises  were  Earls  of  Kerry. 

Perhaps  the  most  splendid  deed  of  heroism  that  lias  illustrated  the 
history  of  Montréal  is  that  of  Dollard  and  his  seventeen  companions  in 
16G0,  who  by  the  sacrifice  of  their  lives  saved  the  entire  country  from 
destruction.  Their  self-immolation  has  an  intimate  connection  with  the 
Holy  Eucharist;  far  before  going  out  to  battle,  they  made  their  wills, 
bade  farewell  to  their  friends,  and  received  Holy  Communion.  It  was 
their  Viaticum.  Thus  strengthened,  they  set  out  joyfully  against  two 
hundred  Iroquois  who  were  descending  the  Ottawa.  The  fight  took  place 
at  Carillon  Kapids  :  the  Frenchmen,  behind  a  battered  stockade  which 
they  found  there,  the  Iroquois  swarming  up  from  their  canoës  in  the 
river.  Day  after  day,  and  night  after  night,  the  struggle  continued; 
the  defenders  always  falling  on  their  knees  to  thank  God  after  each  re- 
puJse  of  the  enemy.  Dead  savages  w'ere  piled  higli  on  each  other  outside 
the  fort,  until  at  last  a  reinforcement  of  five  hundred  more  Indians  came 
up  tho  river.  Then  the  slaughter  began,  so  that  when  the  conquerors 
entered  the  palisades  there  were  only  five  Frenchmen  alive,  and  they,  ail 
mangled  and  bloody,  were  led  away  to  a  horrible  death.  But  the  victory 
was  won.  The  Iroquois  abandoned  their  plan  of  destroying  simultan- 
eouslv  the  colonies  of  Montréal,  Three  Pivers,  and  Québec;  and  sullenly 
witlidrew  to  their  own  county,,  astounded  at  the  résistance  of  thèse  war- 
riors  who  had  consecrated  them.çelves  to  death  in  the  blood  of  Jésus 
Christ. 

It  was  the  spirit  of  Montréal  in  those  days,  wliicli  began  ils  life  with 


—  923  — 

the  mémorable  first  Mass  on  the  river  bank  at  Place  Eoyale.  That  his- 
torié scène  in  1642  has  been  depicted  in  glowing  canvas  on  the  walls  of 
the  Cathedral  and  on  the  imperishable  bronze  statue  of  Maisonneuve. 
But  for  a  visitor  to  this  city,  the  usual  sordid  condition  of  the  Place 
Royale  are  not  at  ail  in  keeping  with  the  sacredness  of  the  memory  it 
evokes,  and  the  mean  and  meagre  and  half-hearted  inscription  on  the 
façade  of  the  Custom  House  announcing  that  "  after  a  religions  cere- 
mony  "  Maisonneuve  established  the  city,  is  almost  a  shock  for  one  who 
knows  how  that  event  of  the  Sacrifice  of  the  Mass  was  essential  to  the 
first  throbs  of  life  that  pulsed  through  the  heart  of  the  city  that  was  then 
being  established. 

However,  the  Sacred  Host  was  that  day  elevated  above  the  island,  as 
it  had  been  at  Québec,  106  years  before.  From  thèse  two  sanctuaries  it 
was  carried  aloft  l)y  heroic  missionaries  over  the  mighty  rivers  and 
lakes  of  the  vast  country,  through  almost  impénétrable  forests,  and  across 
ice-clad  mountains,  proclaiming,  as  it  passed,  the  message  of  Christian- 
ity  and  civilization,  until  to-day  it  is  exposed  on  the  altars  that  stretch 
from  the  Atlantic  to  the  Pacific.  When  the  old  Jesuit  missionary 
erected  the  cross  at  the  cataract  of  Niagara,  he  wrote  upon  it  Christus 
vincit,  régnât,  imperat.  That  déclaration  sees  its  fulfilment  to-day  in 
Canada,  and  it  has  been  brought  about  by  what  is  Christ's  chief  instru- 
ment, the  Adorable  Sacrament  of  the  Eucharist,  by  which  He  conquers, 
reigns,  and  governs. 


COMMUNION  AMONG   THE   AVORKING   CLASSES. 

BY 
REV.  EDWARD  S.  FITZGERALD. 


WHEN  Our  Lord  promised  the  Holy  Eucharist,  He  made  it  clear  that 
He  was  to  prépare  a  gift  for  ail  men. 

For  He  found  the  hunian  race  in  a  land  of  exile,  with  the  poison  of 
the  first  sin  in  its  veins,  and  threatening  it  with  spiritual  destruction. 
With  the  compassion  that  filled  His  heart  when  a  gênerons  but  improv- 
ident  multitude  followed  Him  into  the  désert,  Ile  contenii)lated  man 
wandering  about  in  the  dry  and  barren  fields  of  this  life,  not  linding 
proper  nourishment  for  the  soul's  sustenance.  Hence  His  promise: 
"And  the  bread  which  I  will  givc,  is  My  flesh  for  the  life  of  the  world." 

The  Holy  Eucharist  i?,  tlierefore,  for  ail  men,  the  commou  inhorit- 
ance  of  every  cliild  of  Adam  bearing  the  stigma  of  his  fall.  Aiul  con- 
sidering  the  almost  endless  number  of  needs  created  by  timc  and  place 
and  disposition,  and  the  otlier  varying  circumstanoe:^  that  surround  the 


—  924  — 

life  of  man,  we  caunot  but  be  struck  bv  the  wonderful  adaptability  of 
the  Holy  Eucharist  to  thèse  conditions,  and  are  forced  to  admit  that 
this  is  not  the  least  of  the  wonders  connected  with  the  Blessed  Sacra- 
ment. 

While,  therefore,  it  is  true  that  the  Holy  Eucharist  is  for  ail  men,  we 
will,  within  the  brief  scope  of  this  paper,  consider  it  merely  in  relation 
to  one  class,  and  then  only  under  one  aspect  ;  viz.  in  its  réception  or 
union  with  soûls  in  Holy  Communion. 

We  may  divide  ail  Christians  into  two  classes.  Those  who  by  their 
condition  are  not  obliged  to  labor,  and  hâve,  or  may  hâve,  therefore, 
ample  tinie  at  their  disposai  not  only  for  the  fulfilment  of  ail  their  reli- 
gions obligations,  but  also  for  such  additional  works  of  piety  as  it  may 
please  them  to  perform. 

The  other  and  larger  class  is  made  up  of  that  great  army  of  the  sons 
of  toil  who  are  actually  forced  to  labor  ail  or  most  of  the  time  in  order 
to  procure  for  themselves  and  those  dépendent  on  them  the  necessaries 
of  life  ;  who  hâve  little  time  for  rest  or  récréation,  and  sometimes  find  it 
necessary  to  make  considérable  sacrifices  in  order  to  be  able  to  comply 
with  the  strict  duties  of  a  Christian  life.  It  is  with  this  latter  class 
that  we  are  to  deal  in  relation  to  Holy  Communion. 

And  that  this  relation  between  Holy  Communion  and  the  working 
classes  may  be  brought  out  more  clearly,  we  will  consider  their  spécial 
needs.  For  while  it  is  true  that  there  are  needs  common  to  ail  men,  it 
is  also  true  that  there  are  some  peculiar  to  certain  classes,  brought  about 
by  the  ever  varying  circumstances  arising  from  race  or  éducation,  from 
spécial  dangers  in  the  work,  harsh  dealings  by  governments  or  indivi- 
duals,  or  a  multitude  of  other  causes  that  difîer  with  time  and  place. 
And  this  is  especially  true  of  the  working  class. 

If,  therefore,  we  study  the  conditions  that  bring  about  thèse  needs 
among  the  working  classes,  we  will  be  the  better  able  to  understand  the 
real  nature  of  them,  and,  in  conséquence,  the  remedy  that  should  be 
applied. 

What  then,  are  the  conditions,  along  gênerai  Unes,  that  surround  the 
daily  life  of  the  working  classes?  « 

For  convenience  we  will  divide  the  daily  life  of  the  working  man  into 
three  periods,  viz.  the  time  spent  at  his  work,  at  home,  and  in  récréation. 

1.  At  work.  Ever  since  that  malédiction,  "...  Cursed  is  the  earth  in 
thy  work;  with  labor  and  toil  shalt  thou  eat  thereof  ail  the  days  of  thy 
life,"  (Gen.  III-17,)  was  pronounced  by  an  offended  Father,  has  labor 
been  the  lot  of  man.  He  has  always  felt  the  punishment  of  it,  and 
liuman  nature  rebels  against  it. 

.\nd  even  though  labor  may  sometimes  seem  to  be  a  pleasure  lightened 
as  it  may  be  by  some  siipernatural  help,  or  sweetened  by  some  base  mo- 
tive, it  still  retains  a  sting,  and  the  great  majority  of  men  bound  to  that 
condition,  maybc  for  life,  be  that  condition  made  as  agreeable  as  pos-  ' 
sible,  kff-nly  fecl  the  weight  of  it,  nover  being  able  to  escape  entirely  the 
hardship  of  that  sentence:  "  In  the  sweat  of  thy  face  shalt  thou  eat  thy 
bread." 


—  925  — 

And  now,  add  to  this  condition,  alreadv  hard  by  its  nature,  the  trying 
circumstances  tliat  not  unfrequently  surrouud  tîie  life  of  the  working 
classes  wliile  engaged  in  their  daily  avocations,  niaking  it  sonietimes 
almost  intolérable.  And  while  there  are  hère  and  there  some  honorable 
exceptions,  are  we  not  forced  to  admit  that  cruel  greed  not  unfrequently 
actuates  the  individual  employer  or  the  corporation,  impelling  them  to 
look  for  the  greatest  possible  returns  from  the  least  possible  recompense, 
with  little  or  no  regard  to  safety  of  life  or  limb  of  the  employée? 

The  great  manufacturing  and  mining  centers  of  the  world  will  fur- 
nish  conspicuous  examples  of  thèse  hard  conditions  that  sap  the  life 
blood  from  the  great  hosts  that  gather  about  them,  being  in  many  cases 
obliged  to  choose  between  them  and  starvation. 

To  be  sure,  there  are  many  among  the  working  classes  who  encounter 
only  certain  phases  of  thèse  conditions;  but  among  ail,  enough  is  found 
to  justify  the  judgment  that  their  lot  on  the  score  of  labor  is,  by  its  very 
nature,  hard  for  mankind  to  bear. 

II.  The  home.  And  of  what  homes  of  the  working  class?  Reason  as 
well  as  observations  will  show  that  ordinarily  the  home  cannot  hâve 
many  of  those  comforts  that  we  ail  like  to  enjoy  wlien  the  day  is  done. 

If  necessity  compels  a  man  to  labor,  his  own  wants  or  the  wants  of 
those  dépendent  on  him  will  be  so  exacting,  that  he  cannot  hâve  much 
of  his  income  left  for  the  proper  equipment  and  adornment  of  his  home. 
He  may  hâve  enough  to  eat  and  wear,  but  beyond  this,  few  of  the  law- 
ful  comports  that  seera  to  give  a  little  sweetness  to  life  are  his  to  enjoy. 
Small  quarters,  disagreeable  neighbors,  little  light,  poor  ventilation,  and 
the  hundred  and  one  other  possible  contingencies,  are  some  of  the  élé- 
ments that  enter  into  the  home  of  the  working  class. 

III.  Récréation.  The  rest  and  relaxation  so  essential  to  his  physical 
and  spiritual  well  being  must,  by  the  very  nature  of  the  case,  be  rather 
limited  Work  is  his  portion,  and  what  a  multitude  of  toilers  find  it  con- 
fronting  them  at  almost  every  moment  of  their  existence,  for  with  them 
it  is  :  — 

Work  —  work  —  work  ! 
From  weary  chime  to  chime  ! 
Work  —  work  —  work  ! 
As  prisoners  work  for  crime  ! 

At  best  only  the  very  simplest  and  most  inexpensive  fornis  of  récréation 
are  within  their  reach,  and  not  a  fcw  are  deprivcd  of  every  kind  of 
innocent  enjoyment.  Perhaps  at  night  the  weary  worker  may  sit  for  a 
little  whîle  on  the  door-step  or  the  curb,  or  walk  about  the  crowded 
streets,  or,  in  the  lonoly  rural  districts,  sit  in  tlie  solitude  during  tho 
little  space  given  him  for  rest. 

With  conditions  like  thèse  surrounding  tlio  working  classes,  not  to 
«peak  of  the  numberless  other  circunistaïue?;,  like  loss  nf  hoalth.  dissi- 
pation of  parents,  ingratitude  of  childrcn,  and  the  like.  that  may  enter 


—  926  — 

into  tlie  situation,  it  is  cvitlent  tliat  influences  more  or  less  energetic 
niust  be  at  work  upon  the  soûl,  produeing  eiïects  analogous  to  tliose 
appearing  in  the  body,  making  the  spiritual  burden  like  the  physical  one, 

difticult  to  bear.  -^      .  ^,      . 

For  the  working  man,  naturally,  will  uot  view  the  prosperity  ot  the  lew 
and  the  apparent  slaverv  of  the  niany  with  equanimity.  He  may  fail  to 
understand  what  seems"^to  hini  the  strange  inequality  of  the  distribution 
of  God's  benefits.  He  will  compare  his  own  misfortunes,  real  or  ap- 
parent, with  the  success  of  his  neighbors,  and  will  wonder  at  the 
extravagance  of  the  rich  and  the  misery  of  the  poor,  and  so  easily  fail- 
ing  to  understand  the  true  philosophy  of  life,  what  is  to  prevent  him 
from  gravitating  into  that  rebellious  state  of  soûl  which  may  mean  loss 
of  faith  and  hope?  Why  may  he  not  easilv  turn  to  those  forms  of  dis- 
sipation within  his  reach,  that  he  may,  for  a  time  at  least,  forget  the 
weight  of  woe  that  oppresses  him? 

The  working  class,  under  thèse  conditions,  présents  to  us,  within  the 
wide  range  of  its  necessities,  a  peculiar  state  of  affairs  revealing  needs 
of  a  spirftual  kind  that  call  for  urgent  help  in  order  that  it  may  bear 
its  burden  without  failure. 

The  condition  is,  indeed,  a  complex  one.  The  warring  éléments  of 
fallen  nature,  helped  on  in  their  rébellion  by  the  aggravating  circum- 
stances  that  surround  the  working  classes  may  easily  beget  indifférence, 
or  rébellion,  or  despair. 

Ilonest  men  hâve  thought  it  ail  over  with  the  greatest  care,  and  hâve 
earnestly  labored  to  relieve  the  situation.  Badly  instructed  or  conceited 
men  hâve  ventured  to  offer  as  a  solution  some  wild  scheme  that  looked 
plausible,  but  in  reality  had  little  or  no  relief  to  give  because  based  ou 
unsound  principles. 

Christ  alone  can  solve  the  problem.  His  mission  was  to  bring  relief 
to  every  kind  of  distress.  And  so  to  Him  we  turn  for  that  assistance 
which  the  working  class  must  hâve  that  it  may  carry  its  burden  success- 
fully,  even  when  it  is  not  very  heavy,  and  to  save  it  from  being  crushed 
when  that  burden  weighs  it  to  the  earth. 

To  Him,  then,  shall  we  go,  for  was  it  not  He  who'  said:  "  Come  to  me, 
ail  ye  wîio  labor  and  are  burdened,  and  I  will  refresh  you  ?  " 

And  with  the  greatest  confidence  will  we  approach  Him,  since  we 
know  that  He  lias  not  only  the  power  to  help,  but  the  will  to  do  so.  For, 
was  not  His  whole  life  spent  in  sympathetic  union  with  the  working 
class,  of  which  He  was'truly  a  member?  By  birth,  and  family,  and  occu- 
pation, as  well  as  by  the  pathetic  interest  He  always  manifested  in  be- 
lialf  of  the  laborer,  He  clearly  shows  that  His  heart  is  with  the  poor  and 
lowly,  who  must  ever  eat  théir  bread  in  the  sweat  of  their  brow. 

So  to  Him  we  go  for  a  solution  of  the  great  problem:  Wliat  shall  be 
donc  for  the  working  man,  that  in  the  trials  of  his  ])eculiar  state  of  life 
lie  inay  be  sustained  so  as  to  persévère  to  the  end? 

His  answer  is  hère:  "As  the  livinff  Father  hath  sent  Me  and  I  live 
by  the  Father,  so  he  that  eateth  Me,  the  same  also  shall  live  by  Me." 

TTnion  with  God  in  this  life  is  an  cssential  condition  for  salvation.  It 
begins  with  Baptisni,  and  is  ospocially  strongthened  l)y  the  Holy  Eucha- 


—  92:  — 

rist,  for  as  Christ  is  God  and  orives  Himself  in  the  Iloly  lùicharist  to  be 
our  spiritual  nourishment,  so  do  we  tliereby  live  with  and  by  Him. 

And  while  it  is  triie  that  He  desires  this  union  with  ail  inen,  and 
Works  the  wonders  of  His  grâce  in  ail  soûls  that  conie  to  Him  ;  may  we 
not  truly  say  that  for  the  working  clas?,  considering  its  own  peculiar 
needs,  this  union  with  Christ  in  the  Holy  Eucharist  is  adapted  in  a 
very  spécial  manner,  making  it  a  blessed  boon  filled  with  such  lavish 
gifts  that  each  one  finds  the  help  he  needs,  and  finds  it  in  a  way  that  he 
will  scarcely  find  elsewhere? 

We  hâve  considered  the  working  man  encompassed  by  circumstances 
more  or  less  trying,  from  which  he  finds  it  difficult  and  sometimes  even 
impossible  to  escape.  Ail  of  which  has  a  depressing  effect  on  the  soûl, 
and  in  soine  degrce  nnfits  him  for  his  work.  And  how  many  a  one  of 
this  class,  contemplating  the  little  world  in  which  he  lives,  and  the  little 
comfort  that  he  seems  to  get  out  of  life,  is  weighed  down  in  spirit,  be- 
coming  like  his  Master  sorrowful  even  unto  death,  yet  unlike  Him  in 
seemiug  to  hâve  no  helping  hand  to  liold  him  np. 

But  in  Holy  Communion  he  realizes  a  union  with  the  source  of  ail 
power,  and  spiritual  comfort  and  direction.  Did  not  Christ  say  :  "  I  am 
the  light  of  the  world  "?  How  much  man  needs  that  light  now  while  his 
ej'es  are  dazzled  by  the  glare  of  so  many  false  théories  about  life  and 
its  duties,  to  be  able  to  see  that  the  présent  time  does  not  afford  him  an 
abiding  home  but  another  must  be  sought,  and  to  understand  that  what 
the  world  esteems  ble^sings  are  not  always  such,  nor  are  our  trials 
always  misfortunes.  How  can  Our  Lord  enter  into  soûls  without  thus 
illuminatiug  them  according  to  their  needs  and  capacities,  and  enable 
tliem  thus  illumined  to  more  quickly  and  effectively  submit  to  the  un- 
changeable  decree  that  has  placed  them  just  where  they  are?  And  so 
this  sunlight  of  heaven  illumines,  and  this  breath  of  Our  Lord  refreshes 
the  soûl  of  the  weary  toiler. 

While  sunlight  and  fresh  air  are  essential  for  the  laborer's  physical 
well-being,  he  must  also  hâve  wholesome  food  to  ropair  and  préserve  the 
wasting  tissues.  So,  too,  the  soûl  worn  out  by  the  battle  so  depressing 
and  incessant,  sick  perhaps  ^vith  disappointment  and  sin  and  relapse,  has 
urgent  need  of  a  food  that  will  build  up  again  its  wasting  tissues,  and  fiU 
it  with  tlie  strength  so  necdful  to  command  its  rebollious  servant,  tlie 
body,  to  take  uj)  anew  the  weary  burdcn  of  daily  labor. 

Has  he  not  this  food  in  Holy  Communion?  In  partaking  of  it  can 
he  not  truly  say,  as  St.  Paul  did:  "  I  live,  no,  not  I,  but  Christ  liveth 
in  me''?  And  whon  Christ  livclh  in  the  soûl,  we  hâve  His  assurance 
that  we  can  do  ail  tliings  within  the  sphère  of  our  obligations. 

Encouragement,  too,  has  an  important  part  in  the  success  of  soûls  as 
it  has  in  our  temporal  advancement.  The  kindly  word,  the  little  sign 
of  approval,  the  gentle  urging  has  helped  many  a  soûl  to  try  again  and 
to  kecp  on  trying  till  the  journey  is  ended. 

But  wlio  can  say  tho  kindly  word,  who  can  and  does  urgo  us  on,  whon 
weary  and  footsorc  with  the  hard  work  and  tho  rougli  ways  that  fall  to 
our  lot,  botter  than  He  Who  in  Holy  Communion  becomes  so  intimately 
unite<l  with  us  as  to  make  us  forgot  that  tho  ways  arc    rough  and  the 


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burden  lieavv,  because  absorbing  His  strength  by  re'ason  of  that  blessed 
contact,  wo  are  encouraged  to  rise  up  and  go  on  till  we  reach  the  mount- 
ain  of  the  Lord. 

Perhaps  an  e.xample  or  two  will  more  clearly  illustrate  our  meaning, 
We  will  take  the  father  of  a  family,  in  some  large  manufocturing,  or 
rniniug  center.     Ilard  and  constant  labor  is  his  portion. 

After  the  long  and  monotonous  day,  he  hurries  with  the  crowd  to  his 
humble  home.  Sometimes  thèse  homes  are  very  untidy.  Sick  and  hun- 
gry  children,  and  niany  of  them,  await  his  coming.  Perhaps  an  un- 
thrifty  wife  who  is  very  fond  of  much  talk  and  little  work  does  not  add 
to  the  comfoi-t  of  that  home.  Yet  he  needs  the  very  best  in  the  way  of 
nourishment,  and  a  little  quiet  and  rest.  But  how  many  homes  furnish 
neither?  He  must  go  out  to  escape  the  depressing  effects  of  such  sur- 
roundings,  only  to  run  into  the  face  of  many  temptations. 

The  saloon,  wiih.  ail  its  vile  associations  and  debasing  influences,  one 
of  the  worst  enemies  and  soul-destroying  agencies  known  to  the  working 
class,  meets  him  at  every  corner. 

He  easily  yields  to  the  invitation  of  companions,  or  neighbors,  who 
urge  him  drown  his  sorrow  in  drink.  They  hâve  already  ridiculed  his 
lack  of  worldly  wisdom  in  allowing  his  life  to  be  burdened  by  a  large 
and  dépendent  family.  They  hâve  pointed  out  to  him  that  the  Church 
and  State  are  against  him,  and  that  God  has  not  the  poor  man  in  His 
plan  at  ail.  Self-appointed  teachers  and  crafty  politicians  help  on  thèse 
sentiments  by  the  written  and  the  spoken  word. 

How  bewildered  must  he  not  be,  and  how  hard  for  him  to  retain  his 
trust  in  God  and  yet  live  on  in  his  unhappy  state.  Is  there  no  relief? 
What  can  the  Holy  Euchraist  do  in  such  a  case?  Let  us  see.  A  mis- 
sion, or  the  Forty  Hours,  or  some  great  festival  of  the  Church,  brings 
him  to  the  altar.  At  last  his  soûl  finds  rest  and  peace.  Why?  Because 
he  expériences  a  meeting  with  a  real  friend,  one  intensely  interested  in 
him.  The  poor  man  has  many  woes,  but  His  Friend  has  had  greater. 
He  has  a  misérable  home,  but  his  Friend  many  a  time  had  not  a  stone 
whereon  to  lay  His  head.  So  they  sit  and  talk,  while  the  teaching  of  his 
youth  cornes  back,  to  remind  him  that  the  great  and  good  Friend  who  is 
yisiting  him  has  always  been  the  Friend  of  the  poor,  and  even  if  He  has 
not  always  dealt  out  much  happiness  to  him  in  this  life,  patience  and, 
persévérance  for  a  little  while  will  bring  him  peace  that  no  man  can  take 
away. 

And  so  with  tlie  kindly  word  and  the  new  encouragement,  he  goes  back 
to  the  wretched  home  and  the  slavish  work,  with  a  lighter  heart  and  a 
determined  mind  to  submit  to  the  will  of  God  to  the  end.  Perhaps  he, 
may  not  hold  out  long  against  the  terrible  odds  that  are  against  him; 
but  if  he  repeats  the  visit  before  he  has  come  entirely  corrupt  or  hard- 
ftned,  he  will  receive  another  impetus  to  struggle  on,  and  will  be  helped 
to  pay  less  attention  to  the  evils  of  life,  and  more  to  the  affairs  of 
eternity. 

Or,  shall  we  suppose  it  to  be  the  mother  of  the  family?  She  may  be  a 
widovf  with  small  children,  or  the  wife  of  a  shiftless  or  drunken  hus- 
band.     To  liv  and  keep  the  little  ones  alive  she  must  go  out  to  work. 


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Almost  any  home  will  afford  the  ordinary  housewife  ample  opportunity 
to  spend  ail  her  time  usefully  in  that  home.  But  necessity,  which  re- 
spects no  law  forces  lier  to  leave  home  and  children  to  shift  for  them- 
selves,  while  she  seeks  emplo}TTient  outside,  and  that,  perhaps,  with  little 
rémunération.  And  the  children  growing  up  may  not  be  very  helpful. 
Should  we  expect  them  to  be  so?  Disobedient,  uugratetu],  learning  ail 
the  evils  of  their  elass,  they  add  to  the  mother's  sorrows  and  burdens. 
Is  there  any  relief  for  her?  The  First  Friday  dévotion  nsed  to  be  dear 
to  her  !  So  she  hurries  to  the  church.  Her  poor  and  scanty  raiment 
attracts  no  attention  at  the  early  week-day  Mass;  and  so,  she,  too,  is  a 
guest  at  the  banquet  to  which  ail  are  invited. 

But  when  within  the  Sacred  Edifice  she  beholds  her  wretchedness, 
she  is  confounded  as  was  Elizabeth  on  the  visit  of  Mary.  However,  she 
is  reassured  by  the  consoling  call  :  "  Corne  to  Me."  Ànd  that  meeting 
. . .  who  shall  describe  it,  who  shall  adequately  portray  the  Master  and 
the  soûl  in  that  Eucharistie  union  which  is  but  a  foretaste  of  that  othec 
union  which  shall  bring  them  together  in  eternity? 

Her  prayers  are  few  and  short.  Mavbe  ail  she  can  say  in  the  anguish 
of  her  soûl,  is,  "  0  God,  help  me  !  "  But  what  a  volume  of  praise  and 
thanksgiving,  of  repentance  and  pétition  there  is  in  those  few  simple 
words  !  —  And  God  deos  help  her.  For  a  moment  the  storm  within  her 
soûl  is  stilled;  for  an  instant  she  tastes  the  sweetnesse  of  heaven,  and  a 
little  ray  of  light  pénétrâtes  her  soûl,  reviving  hope  and  enabling  her  to 
see  with  His  vision  the  true  side  of  life  as  compared  with  eternity. 

Her  faithful  return  to  the  Holy  Table  enables  her  to  plod  along,  in 
spite  of  the  fact  that  there  may  be  little  improvement  in  her  temporal, 
affairs.  But  she  will  keep  at  it,  till  death  at  last,  brings  her  a  final 
relief. 

For  the  young  man  and  young  woman  whose  lives  are  cast  among 
the  working  classes,  there  can  scarcely  be  a  doubt  regarding  the  neces- 
sity and  efficacy  of  Holy  Communion  to  keep  them  in  the  ways  of  God. 

Those  who  hâve  corne  in  contact  with  them  and  their  associations  for 
any  considérable  length  of  time,  marvel  that  any  escape  the  contagion 
that  threatens  the  moral  life  of  the  young.  But  they  marvel  still  more 
at  the  extraordinary  lives  of  virtue  which  many  of  the  young  people 
lead,  in  spite  of  wordly  destractions  and  temptations,  in  spite  of  their 
meagre  instructions  and  poor  home  influence,  in  spite  ovcn  of  niany  a 
plot  to  allure  them  from  the  path  of    irtue. 

N"or  can  there  be  any  doubt  but  that  Holy  Communion  hiu^  had  a 
large  part  in  so  preserving  them  ;  while  its  absence  from  the  lives  of 
others,  has  left  their  soûls  open  to  the  fatal  attack  from  which  they  may 
not  escape. 

It  may  bc  argued  that  wo  hâve  beon  dealing  with  extrême  cases,  and 
in  such  a  way  as  not  to  be  able  to  draw  conclusions  for  u  wholo  rla.^s. 
Extrême,  indeed,  as  they  may  seem,  thev  are  not  so  much  so  but  that  the 
principles  involved  are  the  same  for  ail. 

The  condition  of  the  working  class,  we  will  remembor.  is  one  ciroum- 
Bcribed  by  many  limitations,  subjecting  it  to  many  trials  and  tempta- 
30 


—  930  — 

lion^;.,  some  oi'  wiiicii  are  pecuiiar  to  thaï  state,  while  otliers  are  of  a  kind, 
it  cannot  easily  escape. 

Therefore,  in  reviewing  tlie  situation  and  considering  the  almost  end- 
less  variety  of  conditions  tliat  surround  the  worldng  class,  from  the 
thrifty  and  fairly  conii'ortable  members  of  it  to  the  verv  extrême  cases, 
presentiug  examples  of  destitution  and  ahnost  every  other  form  of 
human  misery,  we  tind  :  — 

1.  That  the  working  classes,  bound  to  a  life  of  labor,  hâve  in  it  a 
burdeu  to  bear,  the  whole  of  whieh,  in  any  event,  cannot  be  put  aside; 

2.  That,  by  reason  of  sucli  a  condition,  dangers  for  the  soûl  arise 
from  which  it  is  difficult  or  impossible  to  escape,  and  which  sometimes 
threaten  spiritual  ruin  to  multitudes; 

3.  That  there  is,  in  conséquence,  great  need  of  some  spiritual  help 
adapting  itself  to  this  very  complex  condition,  of  easy  access  to  ail,  and 
resourceful  for  every  contingency; 

4.  That,  in  the  Holy  Eucharist  we  find  the  help  which  in  its  récep- 
tion brings  to  the  soûls  of  the  working  class  the  very  strength  it  needs, 
and  must  hâve  to  persévère,  and  which  it  can  hardly  find  elsewhere,  jusi; 
because  of  its  cireumscribed  condition  ; 

5.  That,  because  of  the  excellence  of  the  gift,  and  its  actual  and  poss- 
ible effects,  the  fréquent  réception  of  Holy  Communion  for  the  working 
classes  should  be  insisted  on,  in  season  and  out  of  season. 

May  that  great  mlltitudc  of  Christian  laborers,  who  make  up  so  large 
a  portion  of  the  working  classes  of  the  world.  find  in  Holy  Communion, 
that  precious  gift  offered  to  peasant  and  to  king,  the  strength,  the 
sola^e,  and  the  joy  that  will  enable  them  to  travel  on  suocessfully  over 
life's  pathvvay,  sometimes  so  very  dark,  and  dreary,  and  rough;  for  Christ 
Himself  is  there,  and  His  sustaining  hand  will  lighten  the  burden,  and 
the  light  of  His  divine  countenance  will  illumine  the  way,  and  guide 
them  safely  on  till  they  reach  their  eternal  home. 


FREQUENT  AND  DAILY  COMMUNION. 

BY 
AJÎCHBISHOP  M.  F.  HOWLEY. 


WHEX  Cardinal  Sarto,  now  our  Holy  Father,  was  elected  by  the  Col- 
lège of  Cardinals  to  the  sublime  dignitv  of  Pope  and  Vicar  of  Christ, 
lie  assumed  the  narne  and  title  of  Pius"X.  It  was  noted  by  those  who 
hke  to  invostigate  historioal  and  traditional  coïncidences  that,  in  the 
list  of  mystic  and  prophétie  titles  conferred  on  the  Popes  in  the  quaint 
propliecies  attribuled  to  St.  Malaehy,  the  one  given  to  the  Pope  who 
sucreed  ]a'o  XIII.  was  that  of  "  Ignis  Ardens."  Whatever  amount  of 
eredence  is  to  be  placed  in  those  prophecies,  it  is  certain  that,  at  least 


—  931  — 

in  modem  times,  tliere  has  beeii  discovered  a  verv  remarkable  corres- 
pondence  between  the  prophétie  titles  and  the  livep,  characteriptics..  his- 
torical  events,  or  religions  developmenis.  of  the  individual  Pontitf;;  to 
whom  they  were  a[)plied.  As  soon  then  as  Cardinal  Sarto,  Patriarch  of 
Venice,  was  elected  Pope,  curiously  minded  people  began  to  stndy  his 
lite  and  actions  in  order  to  discovcr  in  wliat  manner  he  would  begin  ti 
justify  his  tlaim  to  the  title  of  '•'  Burning  Fire."  It  was  not  long  before 
it  was  seen  that  the  title  might  admirably  be  verified  by  the  highly  re- 
ligions mind  and  the  ardent  zeal  of  the  new  Pontiff  for  the  spiritual 
exaltation  of  the  Children  of  the  Clmrcli  ail  over  the  world.  In  his 
ver>^  first  allocution  he  set  forth  as  Motto  and  inspiration  that  should 
guide  his  Pontificate  the  glowing  words  of  St.  Paul  to  the  Ephesians 
(1-10)  "  Instaurare  omnia  in  Chrisio,"  "  to  reëstablish  al!  things  in 
Christ." 

From  the  very  commencement  of  his  Pontificate  he  began  to  put  this 
intention  into  action,  and  like  earnest  workers,  and  in  imitation  of  th'î 
Divine  Master  TTimself,  he  began  by  showing  in  his  own  life  and  ac- 
tions a  living  example  of  vvhat  ho  demanded  in  others.  He  began  with 
great  and  deep  reaching  reforms  in  the  outward  management  of  Church 
governgient  and  discipline,  cérémonies,  music,  liturg}-  and  business  rou- 
tine, commencing  with  his  own  household  of  the  Vatican. 

Rut,  while  thus  restoring  the  outward  government  of  the  Church  to 
its  normal  and  regular  condition,  he  did  not  forget  the  interior  and 
spiritual  life  of  Cliristian  soûls;  indeed,  this  was  the  principal  and 
paramount  object  of  his  desires,  the  moving  spirit  of  ail  his  actions. 
Shortly  after  his  accession  to  the  throne  of  Peter  he  issued  that  sublime 
and  beautiful  Derree  of  Dec.  lîtli,  1905,  on  the 

Fréquent  and  Daily  réception  of  the  Blessed  Eucliaristic. 

That  Decree,  on  fire  as  it  were  with  ineffable  Love  and  glowing  Faith, 
shows  the  intense  depth  of  his  great  soûl  and  proves  him  worthy  of  the 
title  of 

Ignis  Ardens. 

That  Decree,  which  is  destined  to  mark  a  new  cycle  in  the  Church's 
Eucharistie  life,  and  which  was  sent  eut  to  the  uttemiost  bounds  of  the 
Christian  fold,  is  a  véritable  "  Cross  of  Fire,"  to  arouse  tho  soûls  of  the 
faith  fui  flock,  to  '•ally  them  round  the  .Mtar  and  the  Tabernacle,  and  to 
shed  a  new  hah»  of  glorv  aboiit  the  imprisonod  Saviour  in  the  Sacred 
Host:  and  to  lili  with  a  life-sprins;  of  love  and  grâce,  the  pure  and 
yearning  hearts  of  the  new  bands  of 

Daily  Communicants. 

This  wonderoiis  Document  hegins  by  rccalling  the  anh-nt  dtsire  of  the 
Church,  as  expressed  in  the  Couneil  of  Trcnt.  Se?;?.  XXTI.  cli.  Ci,  that 
the  faithfiil  should  approach  frciiuently  the  ITolv  Tablo  aiul  feed  their 
soûls  on  the  flcsh  of  tlic  Laml).  whi<li  is  the  "Dailv  Bnad"  and  liff- 
giving  food  f)f  the  soûl.     .Mthough  Our  Blessed  Lord  in  the  excess  of 


—  932  — 

His  Divine  Love  has  instituted  this  great  Sacrament  in  such  a  form  as 
to  be  capable  ot'  beiug  reserved  in  the  Tabernacle,  and  to  be  at  ail  hours 
tlie  objeet  of  oiir  Love  and  adoration;  to  be  the  source  of  fervour  and 
consolation  to  the  weajy  pilgrim  when,  stepping  aside  for  a  while  from 
the  toils  and  worries  of  daily  business,  he  retires  within  the  ever  open 
portai  of  the  nearest  Church  and  there  rests  for  a  few  moments  in  peace- 
ful  prayer,  gathering  new  strength  for  the  continuance  of  daily  toil;  or 
again  to  the  holy  virgin  of  the  Cloisters,  who,  worn  out  and  beaten  down 
almost  to  the  brink  of  despondency  by  trials  and  temptations,  will  fly 
to  this  Holy  Tabernacle  and  there  in  the  silence  of  the  Sanctuary  drinl: 
in  deep  and  cooling  draughts  of  spiritual  refreshment  at  this  perennial 
fount  of  Grâce.  But  ail  thèse  thoughts,  sweet  and  consoling  as  they 
are,  and  full  of  heavenly  joy,  are  not,  says  Our  Holy  Father,  "  the  sole 
nor  even  the  principal  objeet  of  the  Institution  of  the  Blessed  Eucha- 
ristie." No  !  ail  this  is  but  what  is  called  a  Spiritual  Communion,  a 
uniting  of  the  soûl  to  God,  by  prayer  and  adoration  and  love.  But  the 
chief  and  main  objeet  of  Our  Lord  and  the  désire  of  the  Church  is, 
real  actual  communion,  the  material  réception  of  the  Holy  Eucharistie 
into  our  bodies,  and  the  transformation  as  it  were  of  our  whole  beings 
into  "  other  Christs."  In  a  word,  that  the  faithful  "  should  daily  ap- 
proach  the  Sacred  Banquet. . .  that  being  united  to  God  we  should  de- 
rive  ail  strength  and  spiritual  grâces  to  resist  sensual  temptations  and 
passions,  cleanse  ourselves  from  sin  and  daily  faults,  so  the  Blessed 
Sacrament  is  ordained  to  be  "  our  daily  bread."  And  so  it  was  under- 
gtood  in  the  early  Church  :  we  learn  from  the  "  Acts  of  the  Apostles  " 
(11.  48)  that  the  Christians  "were  persevering  in  the  Doctrine  of  the 
Apostles,  and  in  the  communication  of  the  breaking  of  Bread." 

In  the  course  of  centuries  the  sweet  simplicity  and  childlike  confi- 
dence of  the  faithful,  their  holy  familiarity  with  this  great  and  august 
mystery  began  to  fail,  and  its  place  was  occupied  sometimes  by  a  care- 
less  and  cold  indifférence  ;  sometimes  by  timid  and  cowardly  awe,  keep- 
ing  people  away  from  the  Sacrament  ;  and  finally  degenerating  into  a 
fatal  and  blighting  rigorism,  until  at  length  the  "  plague  of  Jansenism  " 
struck  at  the  vitals  of  religion,  and  the  practice  of  fréquent  Communion 
was  discountenanced,  until  at  length  it  was  deemed  too  fréquent  to  ap- 
proach  the  Holy  Table,  once  a  month,  once  a  year;  indeed  some  went 
80  far  as  to  say  that  onlv  on  the  death-bed  should  one  dare  to  receive 
this  life-giving  "Bread  of  Heaven."  The  faithful  were  thus  spirituall? 
starved.  Under  this  severe  and  rigorous  teaching  many  classes,  such  as 
those  engafred  in  trade.s,  and  evon  tlio?e  Hvinîî  in  the  state  of  matrimony, 
"  were  excliuled  altogether  from  the  Holv  Communion." 

In  the  XVII.  CentuiT  (1679),  Pope  Innocent  VI.  condemned  thèse 
errors  and  restored  the  primitive  discipline.  In  the  year  1218,  the  IV. 
Connfil  of  Latcran  had  already  found  it  necessary  to  command  as  a 
minimum,  for  ail  claiming  to  be  members  of  the  Church,  the  obligation 
of  reroiving  T'ommimion  at  least  once  a  year,  and  that  at  Easter  time. 
Thi?  is  callf'fl  the  Papchal  or  Easter  Duty.  In  more  récent  times  there 
has  been  a  revival  of  fervour  and  a  retum  towards  the  primitive  practice. 
Still,  a  strong  school  of  ascetic  theologians  seemed  inclined  to  tend  tow- 
ards rigorism.     They  demanded  as  a  necessary  disposition  for  fréquent 


—  933  — 

Communion  "  a  perfectlv  pure  love  of  God,  without  any  admixture  of 
defect."  This  theory  propounded  by  Baius  was  condenmed  by  Tope 
Alexander  YIII. 

As  the  dissention  of  opinion  continued,  and  created  différent  schools 
of  thought  among  the  theologians  which  lasted  up  to  our  day,  and  caused 
much  pain  and  difficulty  to  teachers  of  theology  and  spiritual  instruc- 
tors,  the  whole  matter  was  submitted  for  an  authoritative  décision  to 
our  présent  beloved.  Pontiiî.  The  outcome  of  this  pétition  was  the 
Decree  of  which  I  am  writing,  dated  16th  Dec.  1905.  This  almost  in- 
spired  doctrine  set  at  rest  for  ever  the  disputes  of  theologians,  and  estab- 
lished  a  sublime  rule  of  practice  which  completely  upset  the  System 
heretofore  in  vogue,  and  introduced  a  new-and  more  libéral  and  gêner- 
ons interprétation  of  the  mind  of  Christ  and  of  the  Church  on  this  grave 
and  important  subject. 

According  to  this  Decree,  ail  classes  of  Christians,  ''  Ail  the  Faithful 
of  whatever  rank  and  condition  of  life,"  are  to  be  adraitted  to  "  fréquent 
and  daily  Communion."     Onlv  two  conditions  are  required: 

1.  To  be  in  a  state  of  grâce. 

2.  To  hâve  a  riglit  and  devout  intention. 

The  ïïoly  Father  then  goes  on  to  explain  in  what  a  right  intention 
consists  : 

a)  It  must  not  be  done  through  routine  or  vainglory,  but  to  please 
God  and  bring  ourselves  into  more  intimate  union  with  Him  : 

b)  Though  it  is  to  be  desired  that  the  soûl  should  be  free  from  venial 
sin,  and  from  affection  thereto,  this  however  is  not  absolutely  necessary. 
It  is  enough  that  it  be  free  from  mortal  sin. 

Confessors  are  gravely  admonished  that  they  mnst  not  dare  to  dissuada 
any  one  from  fréquent  and  daily  Communion,  provided  he  is  in  a  state 
of  grâce  and  approaches  with  a  right  intention. 

Preachers,  professors,  and  confessors  are  dirocted,  ^frequently  and 
with  great  zeal  to  expound  to  the  people  thèse  principles,  and  to  exhort 
the  faithful  to  this  salutarv  practice.  The  practice  of  fréquent  and 
daily  Communion  is  particularly  enjoined  on  ail  Religions  Communities, 
Seminaries  and  Collèges,  and  the  Decree  is  to  be  read  f  requently  at  public 
lecture  in  ail  such  Communities. 

Finally,  "  ail  Ecclesiastical  writers  "  are  soleninly  charged  "  to  cease 
from  contentions  controversies  concerning  tlie  dispositions  requisite  for 
fréquent  and  daily  Communion."  I  hâve  thus  given  a  synopsis  of  this 
sublime  Decree.  It  has  already  been  put  in  practice  for  the  past  few 
years,  and  its  effects  are  plainly  visible.  A  great  flood  of  dévotion  has 
inundated  the  hearts  of  the  faithful,  and  a  great  increase  of  daily  Com- 
munions has  followed.  The  practical  lesson  to  be  drawn  from  the  above 
considérations  is  that  none  should  feel  thcmselves  restrained  from  ap- 
proaching  dailv  Communion  on  account  of  house-liold  duties  and  cares, 
or  wordlv  distractions;  that  no  staïc  or  position  in  life  should  be  made 
an  obstacle  to  fréquent  Communion.  At  the  same  time  it  would  not  be 
in  accordance  witli  tho  mind  of  tho  Pope  and  of  tho  Church,  for  any 
one  to  noglcct  houschold  duties  in  ordor  to  go  to  Communion. 

Moreover,  the  practice  of  dailv  lloly  Communion  ought  to  prwluce 
some  visible  effect  on  the  life  of  the  récipients,     ^^^lilo  not  being  able  to 


—  93i  — 

avoid  ail  venial  sins,  they  should  shov.  in  their  conduct  a  dislike  to  ail 
idle,  useless  and  unc-liaritable  discourses.  or  interférences  in  the  afïairs 
of  others.  TJie  daily  connnunicant  should  be  known  by  the  seriousness, 
or  ail  events,  the  habituai  absence  of  triviality  in  conduct,  and  by  an 
almost  visible  and  sensible  halo  of  sanctity  surrounding  him  ;  by  sending 
forth  froin  hini  a  radiance  of  peace  and  holiness,  which  should  haye  a 
visible  eiïect  upon  the  whole  home  and  family  circle,  and  ail  who  corne 
in  contact  with  hini,  participating  to  them  some  share  of  his  own  in- 
ward  peace  and  grâce,  and  making  them  feel  the  nearness  of  the  Divine 
Présence,  even  amidst  the  ordinary  cares  and  occupations  of  every  day 
life,  and  the  turmoil  of  wordly  distractions. 

Since  the  subject  of  this  paper  was  selected  for  me  by  the  Eucharistie 
Committe,  another  Decree  has  been  issued  by  Our  Holy  Father  through 
the  S.  Cong.  on  Discipline  and  Sacraments,  showing  a  still  further  proof 
of  his  buruiiig  love  for  the  little  ones  of  the  fold  and  his  profound  and, 
I  may  almost  say,  his  bold  faith  and  éager  confidence  in  the  efficiency 
of  the  "Bread  of  Life''  The  Daily  Bread  of  the  Holy  Communion,  in  the 
Eucharistie  Sacrament.  This  Decree,  called  from  its  first  words  Quam 
Singulari.  was  issued  on  August  lOth,  1910  It  is  as  it  were  the  Cliil- 
dren's  Decree,  for  it  is  oocupied  chiefly  with  instructions  as  to  the  re- 
ceiving  of  Holy  Communion  by  the  little  ones  of  Christ's  fold.  It 
breathes  throughout  ail  the  intense  love  of  the  saintly  heart  of  Plus 
towards  the  children  whom  he  cherishes  with  a  fondness  like  unto  that 
of  the  Master  Himself.  The  Pope  shows  the  great  love  of  Christ  for 
the  children;  how  He  yearned  to  hâve  them  around  Him,  and  rebuked 
those  who  would  try  to  turn  them  away  from  Him.  The  Holy  Father 
reminds  us  that  from  the  earliest  days  the  Church  was  accustomed  lo 
give  the  Holy  Communion  even  to  infants  and  sucklings.  This  custom 
ffraduallv  ceased  in  the  Latin  Church,  and  none  were  allowed  to  receive 
Communion  who  had  not  arrived  at  the  âge  of  reason,  and  had  been 
sufficiently  instructed  to  make  their  first  Confession.  This  discipline  was 
confirmed  and  sanctioned  by  the  IV.  Couneil  of  Lateran.  The  Council 
of  Trent,  aiso,  while  leaving  untouched  the  subject  of  infantile  Com- 
munion, reiterated  the  Decree  of  Lateran  concerning  Easter  Communion. 

Tbe  Holy  Father  then  goes  on  to  point  out  the  difflculty  of  fixing 
any  determined  âge,  as  that  to  which  the  use  of  reason  may  be  assigned, 
and  tho  conséquent  différence  of  practice,  and  the  confusion  of  disci- 
pline on  this  head. 

It  is  to  reme.'ly  thèse  abuses  by  laying  down  in  clear  and  authoritative 
tones  the  practice  to  be  followed  in  dealing  with  the  young  that  this 
Decree  is  published. 

The  gênerai  trend  of  ihe  Decree  is  towards  the  admission  of  children 
to  Holy  Communion  at  a  more  tender  âge,  than  that  now  permitted 
by  the  more  rigorous  discipline  which  has  crept  into  the  Church,  whence 
,  "  the  innocence  of  childhood,  torn  away  from  the  embraces  of  Christ, 
"  was  deprived  of  the  sap  of  interior  life,  so  that  youth,  destitute  of  this 
"?-troni:  helj),  surrounded  by  so  many  shares,  having  lost  its  candeur, 
"  fell  into  vice  before  ever  tasting  of  the  Sacred  Mysteries.'' 

In  order  then  that  "  children  of  tender  vears  mav  become  attached  to 


—  935  — 

Jésus,  live  llis  lile,  and  obtain  assistance  against  the  dangers  of  cornip- 
tion,  He  lays  down  certain  rules,  ol  which  I  hère  subjoin  a  synopsis  : 

I.  The  âge  of  discrétion  required  for  Confession  and  Communion  is 
about  seven  years  :  and  the  Pope  adds  that  f rom  this  time  the  obligation 
of  satisfying  the  precept  begins  l)Oth  for  Confession  and  Communion. 

II.  Complète  and  perfect  knowledge  of  Christian  Doctrine  is  not  ne- 
cessary.     But  the  child  must  be  taught  the  whole  Catechism  by  degrees 

III.  The  knowledge  necessaiT  is  to'understand,  according  to  their  ca- 
pacity,  the  mysteries  of  faith,  and  to  distinguish  between  common  bread 
and  the  Eucharist,  and  approach  the  Sacred  Table  with  dévotion. 

IV.  The  obligation  of  preparing  the  child  for  the  Sacraments  falls 
upon  the  parents,  Confessors,  teachers,  and  the  Pastor. 

V.  Pastors  shall  take  care  to  distribute  Communion  several  times  a 
year  to  the  children,  and  to  instruct  them. 

VI.  Children  are  to  approach  often,  even  daily,  if  possible. 

VII.  The  custoni  of  not  admitting  children  to  Confession  or  of  not 
absolving  them  is  ahsoluteh/  condenined. 

VIII.  To  refuse  the  viaticum  and  absolution  to  children  having  at- 
tained  the  use  of  reason,  is  declared  to  be  an  idterhj  détestable  abuse; 
and  ordinaries  are  to  proceed  severely  against  pastors  who  persist  in  this 
practice. 

Thèse  Résolutions  are  approved  of  by  the  Pope;  and  His  Holiness 
commands  that  the  présent  Decree  shall  be  made  known,  not  only  to 
tlie  pastors  and  clergy,  but  also  to  the  people  to  whom  it  shall  be  read, 
yearly,  at  Easter  time,  in  the  vernacular  language. 


REPLIES  TO  SOME  OBJECTIONS  AGAINST  THE 

REAL  PRESENCE. 

BY 
Rev.  L.  A.  LAMBERT.  Scottsville.  N    Y. 


THE  oi)jections  urged  against  Ihe  doctrine  of  the  Real  Présence  and 
transubstantiation  hâve  been  thoroughly  discussed  since  the  time  of 
Luther  —  over  400  years  ago.  Able  Protestant  writers  hâve  raised  ail 
possible  objections  and  presented  them  in  their  strongest  light.  an.l 
equally  able  Catholic  theologians  havo  met  and  refuted  them.  Tboro 
is,  therefore,  nothing  new  to  l)e  said,  no  originality  required  in  replying 
to  those  objections  at  this  late  day.  As  the  time  and  space  assigned  to 
me  prevents  a  thorongh  examination  of  ail  the  objections,  \ve  must  sélect 
a  few  of  tliem.     Let  us  then  proceed: 

1.  Objector  —  "The  doctrine  of  the  Real  Présence  contradicts  mv 
sensés;  it  therefore  cannot  be  true." 


—  936  — 

You  are  wrong.  The  doctrine  does  not  contradict  the  sensés,  nor  do 
the  sensés  contradict  the  doctrine.  The  doctrine  and  the  sensés  do  not 
and  cannot  chish.  It  is  not  a  function  or  faculty  of  the  sensés  to  affirm 
or  deny  an3'thing  about  anything. 

2.  Ôbjector  —  "  What  !     Do  you  deny  the  évidence  of  the  sensés  ?  ^' 
Xo.     We  deny  simply  that  the  sensés  give  any  évidence  l'or  or  against 

the  Keal  Présence. 

3.  Objecter  —  "  "What  !  Do  not  my  sensés  tell  me  that  the  object  be- 
fore  me  on  the  table  is  bread  and  not  something  else  ?  " 

Iso,  they  do  not.  The  l'act  that  we  do  not  know  the  "  how  "  of  this, 
is  no  valid  reason  to  deny  it;  and  the  same  with  the  Eeal  Présence  as 
you  are  to  tell  us  of  the  how  of  your  knowledge. 

Your  notion  that  the  sensés  contradict  the  Eeal  Présence  or  can  con- 
tradict anything  is  a  delusion  arising  from  your  erroneous  notion  about 
the  function  of  the  sensés,  and  from  the  misapprehension  of  the  doctrine 
of  the  Eeal  Présence. 

9.  Objector  —  "  But  after  ail  I  corne  to  a  judgment  somehow,  whether 
through  my  sensés  or  intellect,  or  both  combined,  that  the  object  before 
m&  is  what  it  seems  to  me  to  be,  and  I  hâve  a  right  to  accept  that  judg- 
ment, as  it  is  the  best  my  mind  can  give  to  itself." 

That  may  be  true,  your  judgment  may  be  true  or  false,  but  whether 
true  or  false,  you  hâve  no  right,  as  you  claim  to  hâve,  to  attribute  that 
judgment  to  your  sensés,  and  consequently  you  cannot  say  that  the  Eeal 
Présence,  or  any  other  reality  or  non-reality  contradicts  your  sensés. 
That  is  the  point  we  insist  upon.  Your  right  to  judge  of  the  présence 
or  absence  of  that  which  falls  not  under  the  sensés  is  like  the  right  of 
the  blind  man  who  claims  the  right  to  judge  of  colors.  His  sensés  fail- 
ing  to  report  anything,  leaves  him  only  the  privilège  of  guessing.  That 
is  the  only  right  you  hâve  in  attempting  to  judge  of  the  présence  or 
absence  of  anything  that  falls  not  under  your  sensés.  The  Eeal  Présence 
affirmed  by  the  Catholic  doctrine  of  the  Eucharistie  is  a  présence  thaï 
fall  not  under  your  sensés,  and  consequently  there  can  be  no  contra- 
diction between  the  doctrine  and  the  sensés.  There  is  no  contradiction 
between  the  color  and  the  sight,  or  the  non-sight,  of  the  blind  man. 

10.  Objector  —  "  The  doctrine  of  the  Eeal  Présence  involves  the 
impoBsibilitv  oi'  being  in  two  places  at  the  same  time  —  in  as  many  places 
as  there  are  consecrated  particles  on  many  altars  at  the  same  time.  There- 
fore  the  doctrine  cannot  be  true."  ' 

Your  statement  is  mère  assumption.  It  may  or  may  not  be  true  in 
the  order  of  extended  existences,  but  it  does  not  follow  that  bilocation 
is  impossible  in  the  order  of  non-extended  existences.  As  this  order 
falls  not  under  your  sensés  you  hâve  no  ground  to  deny  the  possibility 
of  bilocation,  and  consequently  you  cannot  rest  an  objection  on  your 
assumption. 

Tlie  use  of  the  word  "  place  "  makes  it  necessary  to  investigate  the 
meaning  of  the  term.  What  is  "place"  ?  In  its  last  analysis  place 
is  a  relation  between  extended  things.  It  is  not  a  real  substantial  thing. 
It  is  only  the  condition  of  things  in  the  order  of  extension.  It  is  the 
"  whereness  "  of  an  extended  thing  in  relation  to  other  extended  things 
and  cannot  be  supplied  to  non-extended  existences,  beings  of  the  spirit- 


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—  937  — 

ual,  non  extended  order.  By  extension  I  mean  length,  breath  and  depth, 
in  things  of  three  dimensions. 

A  spiritual,  non-extended  substance  does  not  occupy  ''  place,"  although 
it  may  be  loosely  associated  with  things  of  extension,  as  the  humau  soûl 
is.  The  soûl  is  said  to  be  in  place  because  associated  or  united  with  an 
extended  body,  but  considered  in  itself  it  is  not  in  place,  and  in  this 
sensé  it  may  be  in  one  of  many  places  at  the  same  time. 

Of  what  size  is  "place?"  How  large  can  it  be  without  being  twD 
places?  It  cannot  be  a  mathematical  point,  for  that  lias  no  dimension 
or  extension,  and  is  consequently  no  place.  Place  may  be  covered  by  a 
pinhead  or  it  may  include  the  whole  world,  which  is  only  a  very  small 
place  considered  as  a  part  of  the  universe. 

Place  is  like  the  value  of  X  in  an  incomplète  algebraic  opération.  It 
is  an  unknown  quantity.  As  you  cannot  define  what  "  place  ''  is,  whai 
do  you  mean  by  saying  that  a  thing  is  in  two  or  more  places  at  the 
same  time  ! 

But  aside  from  ail  thèse  considérations,  a  familiar  illustration  from 
expérience  will  show  not  only  the  possibility  of  a  being  existing  in  what 
you  would  call  two  or  more  places  at  the  same  time,  but  it  shows  the 
fact  that  a  being  does  so  exist.  The  human  soûl  is  a  real  substantial 
being,  an  individual  and  indivisible  unit  having  no  parts  and  no  ex- 
tension, \\lien  the  soûl  acts,  it  acts  with  whole  self,  not  by  a  part  her3 
and  a  part  there,  for  it  has  no  parts. 

You  will  admit  that  your  foot  is  in  one  place  and  your  head  in  an- 
otlier  place.  Xow  suppose  a  wound  is  made  in  your  foot  :  the  pain  is 
felt  by  your  soûl,  by  ail  of  it,  since  it  has  no  parts.  It  is  therefore  Ihere 
in  that  place,  in  ail  its  entirety.  Suppose,  further,  that  a  wound  is  at 
the  same  time  made  in  your  forehead,  the  soûl  feels  the  pain  and  is  there 
in  ail  its  being.  It  is  at  the  same  time  in  your  foot  and  in  your  head  — 
in  two  places  at  the  same  time.  This  is  a  fact  of  which  you  are  con- 
scious  and  which  you  must  admit,  though  your  sensés  or  imagination 
give  you  no  hint  as  to  the  "  how  "  of  it.  Your  objection,  therefore,  musn 
be  dismissed  as  having  no  foundation  in  reality. 

11.  Objector  —  "  The  Peal  Présence  is  répugnant  to  reason." 

The  term  "  reason  ''  is  obscure,  and  like  the  temi  place,  needs  to  be 
defined,  that  we  mav  know  what  is  meant  bv  it.  There  is  a  vast  amount 
of  hidden  sophistry  in  the  use  of  words.  Reason  sometimes  means  tho 
mind  itself.  Again,  it  may  mean  the  motive  that  induced  the  mind  to 
form  a  judgment. 

Again,  it  may  mean  our  rational  power  of  thinking  in  gênerai.  Again. 
it  may  mean  according  to  Kant  and  other  metapliysicians,  the  faculty  or 
act  of  inference,  or  the  mind  passing  from  known  premises  to  a  vou- 
clusion.  It  is  in  this  latter  sensé  that  some  metaphysicians  use  it.  The 
meaning,  therefore,  of  your  objection  is  this:  The  Real  Présence  is  ré- 
pugnant to  the  mind's  faculty  or  act  of  inference. 

The  mind  in  reasoning  compares  two  judgments,  true  or  false,  and 
affirms  their  agreement  or  disngreement  ;  hence,  judgment,  true  or  false, 
cannot  be  répugnant  to  reason. 


—  93S  — 

Reason,  as  au  act  of  inferenco,  beinu-  indiffèrent  to  the  trutli  or  fal- 
lacv  of  the  prcniises,  does  not  contradict  any  proposition,  and  conse- 
quently  does  not  contradict  the  proposition  affimiing  the  Real  Présence. 

12.  Objecter  — •  "  If  roason  cannot  détermine  what  a  thinfr  is,  what 
motive  hâve  we  to  believe  the  Real  Présence  ?  " 

Reason  can  détermine  what  a  thing-  is  if  it  hâve  true  premises  to 
work  upon.  The  motive  of  belief  in  the  Real  Présence  is  divine  ver- 
acity. 

13.  Objector  —  "I  do  not  see  or  know  how  one  snbstance  can  be 
changed  into  another  without  a  corvesponding  change  in  the  accidents 
or  appearanccs,  or  ho.v  the  accidents  can  remain  after  their  substance 
is  gone." 

"\Aliat  you  do  not  see  and  what  yon  do  not  know  is  the  same  to  yoii 
as  that  which  is  not.  You  hâve  no  right  to  raise  an  objection  on  what 
you  do  not  see  or  know.  It  is  an  unreasonable  act  when  based  on  ac- 
icnowledged  ignorance. 

Your  inabilitv  to  know  "how"  a  thing  takes  place  is  no  évidence 
airainst  the  fact  that  the  thing  takes  place.  If  you  reject  anything  yoa 
do  not  know  the  "  how  "  of,  you  will  l)elieve  nothing,  not  even  your  own 
existence  and  consciousness,  or  even  that  you  think. 

14.  Objector  —  "  The  words  of  our  Lord,  "  This  is  my  body  "  are  to 
be  taken  in  a  metaphorical  or  figurative  sensé,  meaning  this  brcad  "  re- 
presents  My  body."' 

This  is  a  gratuitous  assumption,  not  justified  by  the  text,  or  by  the 
circumstanees  when  the  words  were  uttered.  At  the  last  supper  our 
Lord  gave  to  his  disciples  what  He  promised  to  give  them,  as  recorded 
in  the  sixth  chapter  of  St.  John's  gospel.  He  there  promised  to  give 
them  Ilis  real  flesh  and  blood.  In  that  chapter  He  said  :  "  I  am  the 
living  bread  which  came  down  from  heaven.  If  any  man  shall  eat  of  this 
bread  he  shall  live  forever;  and  the  bread  that  I  will  give  is  My  flesh, 
for  the  life  of  the  world."  The  Jews  thereforo  stvove  among  them- 
selves,  saying:  How  can  this  man  give  us  His  flesh  to  eat  ?  Then  Jésus 
said  to  them:  "  Yerily,  verily,  I  say  unto  you:  Except  you  eat  the  flesh 
of  the  Son  of  man,  and  drink  His  blood,  von  shall  not  bave  life  in  you. 
He  that  eateth  Mv  flesh  and  drinketh  My  blood  hath  everla^ting  life 
and  I  v.ill  raise  him  up  on  the  last  day.  For  My  flesh  is  méat  indeed, 
and  My  blood  is  drink  indeed.  He  that  eateth  My  flesh  and  drinketh 
^fy  blood,  abidith  in  Me  and  I  in  him.  .  ."  Many  therefore  of  His  dis- 
ciples hearing  this,  said:  This  saying  is  hard,  and  who  can  hear  it  .■' 
After  this  manv  of  His  disciples  went  back  and  walked  no  more  with 
him."  St.  John',  Chap.  6.  To  those  that  still  remained  He  said:  "Will 
you  also  go  away  ?  "  Then  Simon  Peter  answered  Him  :  "  Lord,  to 
whom  shall  we  go  ?     Thou  hast  the  words  of  eternal  life." 

Hère  we  hâve  an  acconnt  of  the  awe-inspiring  promise.  What  is 
promised  in  our  Lord's  real  flesh  and  blood.  The  repeated  asseverations 
of  this  fact  exclude  ail  figurative  sensé. 

Xow  what  was  hère  promised  was  a  reality;  and  it  was  realized  at  the 
last  supper,  when  our  Lord  took  bread  and  blessed  and  broke  it  and 


—  939  — 

said  to  His  apostles:  "  This  is  Mv  bcdv  ".  aiid  of  the  wine:  "  Thi?  is  Mv 
blood." 

Xow,  if  thèse  ^vo^ds  are  to  be  taken  in  a  figurative  sensé,  it  wtuld 
follow  that  Christ  did  not  fulfil  His  promise  to  give  His  real  liesh  and 
blood.  A  figure  of  a  thing  is  not  the  thing.  Those  who  believe  in  the 
Divinit}'  of  Christ  cannot  afl'ord  to  l)elieve  He  failed  in  His  promise,  and 
gave  His  apostles  a  figure  for  a  reality,  To  fulfil  the  promise,  our  Lord's 
words  must  be  taken  in  their  literal,  plain  sensé,  as  those  in  His  présence 
understood  them. 

15.  Objector  —  '•' When  our  Lord  said:  "This  is  My  body  "  he  useJ 
the  verb  "  is  "  in  place  of  the  word  "  represents  "'  because  there  is  no 
Word  in  the  Syro-Ch aidai c,  the  language  he  spoke,  that  means,  to  re- 
present.'"' 

The  first  to  niake  this  statement  was  Dr.  Adam  Clarke,  who  had  a 
réputation  as  an  Orientalist.  Thèse  are  his  wurds  :  "  la  the  Hebrew 
Chaldee-Syriac  languaczes,  there  is  no  terni  which  ex))rcsses  to  mean, 
signify,  or  dénote  ;  though  both  the  Greek  and  Latin  abound  with  them. 
Hence  the  Hebrev.s  use  a  iigurc  and  say  "  It  is,"'  for  ""  it  signifies."  '" 

Yes,  Dr  Adam  Clarke,  reputcd  an  Orientalist.  staked  his  réputation 
on  the  truth  of  the  above  statement.  So  did  Dr  Hartweil  Horne  in  his 
work  on  the  scriptures.  On  the  authority  of  thèse  writers,  the  Btate- 
ment  of  Dr  Clarke  is  commonly  believed  by  non-Catholics. 

But  the  statement  is  not  true.  This  Cardinal  Wiseman  demon<trated 
by  quoting  from  authors  \\ho  wrote  in  the  Syro-Chaldaic  language.  In 
his  book  on  the  Real  Présence,  page  261,  he  shows  that  there  are  no 
less  than  forty-five  words  in  the  Syro-Chaldaic  language  that  mean  "  to 
signify,"  "to  represent." 

If  our  Lord,  in  the  language  he  spoke,  had  wished  to  say,  "  this  re- 
presents My  body  "  He  could  hâve  used  any  one  of  thcsc  forty-five  words 
to  say  it  in.     He  used  none  of  them.     He  said  :  "  This  is  My  body."' 

16.  Objector  —  ''Did  not  our  Lord  explain  His  words  when  he  said: 
"  It  is  the  spirit  that  quickcneth  :  the  flesh  profiteth  notliing  ?  "  May 
we  not  then  take  his  words  in  a  spiritual  sensé  ? 

What  do  you  mean  by  a  spiritual  sensé  ?  A  spiritual  présence  is  a 
real  présence,  not  as  you  seem  to  think  a  figurative  or  mctaphorical  pré- 
sence. Tho.=e  présent  when  Ho  spoke  thought  He  meant  that  they  were 
to  eat  His  flesh  eut  from  His  body  or  from  His  corpse.  It  was  this  er- 
roneous  idca  that  shocked  and  horrified  them.  To  remove  this  error 
our  Lord  said,  "  It  is  the  spirit  that  quickcneth:  the  flesh  pmfiteth 
nothing."  In  other  words,  dead  flesh,  unanimated.  unquickencd  by  His 
spirit,  would  profit  nothing;  but  His  living  bodv  animated  by  His  spirit 
is  the  body  He  referred  to  when  lie  said:  "  Verily,  verily,  I  say  unto  you: 
Except  you  eat  of  the  flesh  of  the  Son  of  Man  and  drink  His  blood,  vou 
shall  not  bave  life  in  you.  He  that  eatcth  ^ly  flesh  and  drinketh  My 
blool  abideth  in  me,  and  I  in  him."  The  flesh  pre>ent  in  tht'  sacra- 
ment  is  the  bodv  of  Christ,  quickened  by  His  spirit.  Of  it  He  said  : 
"  11iis  is  My  body." 

17.  Objector  —  "  Tf  T  were  to  admit  the  truth  of  thf  do<triii»'  of  the 


—  940  — 

Eeal  Présence  it  would  not  l'ollow  that  the  présence  is  by  transubstan- 

tiation." 

You  are  wrong;  it  follows  necessarily  because  in  no  other  manner 
could  the  words  of  Christ  be  true,  except  by  transubstantiation  —  a 
change  of  substance.  His  words  are  :  "  This  is  My  body."  Ile  did  not 
say  :  "'  I  ani  in  this  bread  or  with  this  bread."  Thus  impanation  and 
companation  are  excluded  ;  they  contradict  our  Lord's  words  :  "  This  is 
Uy  body."  Thèse  words  can  be  true  only  by  transubstantiation.  They 
are  true. 


THE  BLESSED  EUCHARIST  AS  A  CONVERT 

MAKER. 

BY 

Rev.  A.  P.  DOYLE,  C.  S.  P. 


SOME  time  ago,  in  conversation  with  a  highly  cultivated  Presbyterian 
minister,  1  suggested  that  in  God's  all-consuming  and  resourceful  love 
for  the  children  of  men,  He  could  hâve  not  hâve  devised  a  more  charac- 
teristic  way  of  presenting  ïïimself  to  them  than  under  the  semblance  of 
bread  and  wine — the  staple  nourishment  for  ail  the  world,  through  ail 
time.  His  reply  showed  that  he  was  a  man  who  had  a  high  appréciation 
of  spiritual  things,  as  well  as  a  keen  sensé  of  the  secrets  of  the  human 
heart.  He  said,  "  In  order  that  man's  heart  might  love  intensely,  there 
must  be  a  visible  object  to  draw  its  love.  This  is  the  great  reason  why 
the  Son  of  God  became  man  and  dwelt  amongst  us.  The  same  prin- 
ciples  hold  equally  true  of  His  abiding  présence  on  the  earth  in  visible 
form.  The  tendrils  of  man's  heart  cannot  entwine  about  a  metaphy- 
sical  entity.  Just  in  this  far  I  am  with  j^ou  in  the  présentation  of 
your  doctrine  of  the  Eeal  Présence.  If  it  be  true,  you  hâve  in  it  the  most 
compelling  argument  in  favor  oE  your  Church,  as  well  as  the  most  power- 
ful  magnet  to  draw  men  unto  God."  The  well-balanced  judgment  of 
this  minister  présents  to  you  the  best  argument  for  the  convert-making 
power  of  the  Blessed  Sacrament. 

Perfect  religion  is  the  possession  of  God.  The  greatest  drawback  to 
the  perfection  of  religion  is  the  intangibility  of  God.  Our  intercourse 
with  God  in  this  life  is  more  or  less  laborious  and  difficult.  We  see  Him 
by  faith  in  a  darksome  manner.  Our  conversation  with  Him  is  ail  one- 
sided.  The  voice,  the  look,  the  personality,  the  answer  to  our  question- 
ings, — ail  thèse  are  wanting.  Yet  we  know  he  is  there  when  our  faith 
js  aroused,  as  close  as  the  priest  is  in  the  confessional,  but  in  the  ardor 
of  our  dévotion  wc  would  reach  out  to  Him  through  the  veil.  "We  would 
demand  a  défini  te  answer  to  the  pleadings  of  our  heart,  and  a  solution 


—  911  — 

of  our  perplexities.  But  the  God  who  is  not  a  Eucharistie  God,  but 
who  is  everywhere,  in  space,  but  not  in  place;  a  hidden  God,  but  not 
visible  to  our  eye  nor  tangible  to  our  sensés  :  He  has  no  particular 
drawing  power  to  the  slow  hearts  of  the  children  of  men.  But,  give  us 
a  God  like  the  God  who  walked  with  Adam  in  the  cool  of  the  evening, 
like  the  God  who  spoke  out  from  the  burning  bush  to  Moses,  who  walked 
with  the  children  of  men,  sat  by  the  well  and  captivated  the  heart  of 
the  Samaritan  woman,  the  God  of  the  Blessed  Sacrament  whom  we  take 
into  our  hands,  receive  into  our  hearts;  such  a  God  becomes  a  divine 
Magnet,  luring  sinners  away  from  the  paths  of  iniquity,  inflaming  the 
tepid  hearts  of  the  wordly,  and  lifting  the  devout  into  the  closest  union 
with  divine  Xature. 

We  who  live  in  the  soft  glow  of  the  Eucharistie  Présence  which  tinges 
ail  our  thoughts  and  warms  up  our  devotional  life,  hâve  little  realizatiou 
of  the  coldness  and  sterility  of  religion  in  the  outer  world  of  heresy.  The 
Rev.  Charles  Edward  Stowe,  a  Congregationalist  minister,  and  nephew 
of  the  famous  Henry  Ward  Beecher,  wrote  recently:  '"Our  Puritan 
Fathers  never  could  hâve  made  the  break  that  they  did  vnih  Catholie 
Christianity  could  they  hâve  foreseen  as  the  resuit  thereof  the  Christless, 
moribund,  frigid,  fruitless  Protestantism  that  can  contribute  neither 
warmth,  life,  inspiration  nor  power  to  lift  us  above  the  weight  and 
weariness  of  sin.  It  is  only  too  true  that  the  heavenly  city  which  our 
Puritan  Fathers  yearned  for  and  sought  with  prayers  and  tears,  has 
become  to  niany  of  their  Christless  descendants  a  frigid  city  of  icy  pa- 
laces, luilt  of  pale  négations,  cold,  cheerless,  and  shining  in  a  pale  winter 
Sun,  with  an  evanescent  glitter  of  a  doubtful  and  substantial  intellec- 
tual  worth.  The  full,  rich,  glorious  Christ  of  a  Catholie  Christianity 
has  been  dragged  from  His  throne  by  the  advanced  thinkers  and  reduoed 
to  beggary.  A  pale,  bloodless,  emaciated,  Syrian  Ghost,  He  still  dimly 
haunts  the  corridors  of  this  twentieth  century  Protestantism,  from  which 
the  doom  of  His  final  exclusion  has  been  alrcady  spoken." 

"  Then,  in  their  boundless  arrogance  and  self-assertion,  they  turn  upon 
us,  who  still  cry  with  Thomas  before  the  Eisen  One,  "  My  Lord  ani 
mv  God,"  and  tell  us  there  is  no  middle  ground  between  their  own  vague 
and  stérile  rationalism  and  the  Roman  Catholie  Church." 

"  If  this  be  so,  then  for  me,  most  gratofully  and  lovingly,  I  turn  to 
the  Church  of  Rome,  as  a  homeless,  houselcss  wanderev  to  a  home  in  a 
continuing  city." 

"We  are  hungry  for  God;  yea,  for  the  Living  God,  and  hence,  are  o 
restless  and  dissatistied." 

This  pleading,  yearning,  and  most  pathetic  cry  from  one  of  the  finer 
spirits  among  our  separated  brethren  is  typical  of  the  dumb  and  silent 
moan  that  goes  up  from  the  heart  of  the  throngs  who  hâve  never  known 
our  Eucharistie  Lord.  For  many  of  theni,  the  husks  of  lifo's  fruit  are 
crrowincr  thicker  and  its  méat  thinnor  and  drior  everv  dav  ;  and  there  is 
nothing  that  can  satisfy  them  but  tho  full  and  complote  possession  of 
God  whom  they  can  tlirow  their  arms  about  and  press  to  their  shriveled 
hearts,  whom  they  can  receive  into  their  hungry  snuls  and  bo  filled  with 
ail  sweetness.     It  is  this  vague  reaching  out  for  the  possession  of  a 


—  9i2  — 

visible  God  that  has  givcn  to  so  inany  latter  day  forms  of  religion,  in 
wliich  tliere  is  a  curions  iutermingling  of  the  uatural  and  the  super- 
natuval.  the  Jiunian  and  the  divine.  To  tins  yearning  for  things  of  God, 
Sjnritisni  owes  its  wonderful  ]n'evalence,  and  Christian  Science  lias  re- 
ceived  its  remarkable  vogue.  People  with  a  deep  religions  sensé  want 
God.  They  want  Him  badly.  They  want  Him  in  a  tangible  way.  They 
want  Him  visible  as  He  is  given  to  us  in  the  Blessed  Sacranient.  So  it 
has  been  said  over  and  over  again  that  if  our  separated  brethren  could 
only  know,  realize,  and  believe  in  our  Eucharistie  Lord  as  we  do,  they 
would  give  their  veriest  heart  blood  to  possess  Him, 

With  this  idea  in  view,  there  hâve  been  inaugurated  by  some  of  the 
Diocesan  xVpostolates  in  the  United  States  a  séries  of  Eucharistie  Mis- 
sions, in  wluch  the  principal  thème  is  the  Blessed  Sacrament,  and  this 
idea  lias  the  resuit  of  concentrating  attention  on  the  fact  that  God  dwells 
amongst  ns,  and  it  has  l)een  blessed  with  quite  remarkable  results.  The 
immédiate  fruit  of  one  of  thèse  missions  was  22  con verts,  and  a  largo 
number  left  undcr  instruction.  Thèse  missions  are  fitly  closed  by  the 
Forty  Hours'  Dévotion,  and  they  infuse  into  this  great  devotional  prayer 
a  wonderful  fcrvor. 

Did  the  tinie  allow,  it  would  be  easy  to  show  how  thèse  Eucharistie 
missions  are  framed  up.  The  Eucharistie  is  the  sum  of  the  Christian 
religion.  It  is  the  synthesis  of  ail  religions  energy.  It  is  the  focus  of 
ail  devotional  fcrvor.  It  is  the  mémorial  of  divine  Love.  Thèse  com- 
pelling  truths,  iilling  the  minds  of  the  non-Catholics,  are  calculated  to 
melt  away  ail  the  minor  difficulties  that  seem  to  be  their  stumbling 
blocks,  and  bring  the  soûl  face  to  face  with  the  divine  présence.  If  a 
non-Catholic  can  be  persuaded  that  Christ,  the  Lord,  is  personally  prés- 
ent in  the  ("atliolic  Cliurch,  why,  lie  will  want  to  get  into  that  Church. 
He  will  Mant  to  get  into  it  right  ofï,  and  nothing  in  heaven  or  on  earth 
can  keep  him  eut  of  it. 

The  really  dense  ignorance  of  the  non-Catholic  is  his  ignorance  of  the 
l'oal  Présence.  With  hi-^  matorial  mind  he  cannot  grasp  it.  "This  saying 
is  hard,  and  who  can  hear  it  ?  "  When  he  first  hears  the  explicit 
enunciation  of  the  dogma  that  the  sacred  wafer  is  the  living  Christ,  it 
staggers  him.  When  he  hears  it  again.  it  gets  a  meagre  lodgment  in 
his  heart.  He  savs,  why  not  ?  When  he  hears  it  again,  it  seems  very 
natnral,  after  al).  It  is  not  any  barder  for  him  to  believe  that  God 
is  in  that  sacred  wafer  than  it  is  for  him  to  believe  that  He  was  in  the 
Babe  of  Bethlehoni.  or  in  the  forlorn  Prisoner  who  stood  in  the  midst 
of  His  infK'kers  in  i'ilate's  Court.  When  lie  hears  it  again,  he  believes 
it  with  ail  liis  heart.  Ile  has  squared  liimt;elf  to  the  tremendous  truth, 
and  ail  his  former  l)itterness  against  the  Catholic  Church  has  disap- 
peared  like  llie  fog  in  tlie  morning,  ])ecaiise  God  is  there.  Ail  his  prev- 
ious  roligi'UH  difficulties  bave  been  solved,  ])ecause  the  great  central  sun 
of  dogniiitic  Iriiib  has  Ihrown  a  flool  of  liglit  into  the  dark  places,  and 
ail  is  cloar  to  him  as  the  daylight  paths. 

Tt  is  interesting  to  study  the  psychology  of  heresy.  In  its  first  vir- 
nlont  cipiKisition  1o  tbe  ("buroli  it  reserved  for  its  spécial  target  the  altar 
and  tbe  pnesthood.     The  altars  were  dragged  from  the  churches,  and 


—  043  — 

in  their  place  was  substituted  an  ordinary  table.  They  divested  thc 
priest  of  his  sacerdotal  vestments  because  they  were  synibolic  of  the 
Eucharistie  sacrifice.  They  drag^red  down  the  Crucifix  of  Mount  Cal- 
vary  ami  put  in  its  place  au  ordinary  cross;  but  as  they  swing  back 
again  and  learn  something  cl  the  doctrine  of  the  Blessed  >acriinient,  they 
replace  the  altar,  they  adopt  thc  vestments  of  the  sacrificial  act.  They 
put  the  crucifix  again  in  the  old  ])lace,  and  they  adopt  the  name  of 
Catholic.  Any  form  of  Christian  religion  which  claims  an  altar  and  a 
sacrifice  acquires  a  sensé  of  solidarity,  begins  to  despise  the  intlividuality 
of  private  judgrnent,  ceases  to  live  on  opposition,  is  ashamcd  of  being 
Protestant,  and  yearns  for  the  great  Brotherhood.  In  other  words,  the 
central  attraction  of  the  great  sacrifice  overcomes  the  centrifugal  forces 
and  intensifies  the  centripetal,  so  that  gradually  the  divergent  éléments 
coalesce  into  the  Body  of  Christ.  Can  there  then  be  any  more  powerful 
convert  n'aker  than  tbe  Eucharistie  idca  as  pre^^entcd  to  ns  by  the 
Church  ? 

How  little  in  reality  has  been  made  of  it  in  our  missionary  efforts  ! 
Hâve  we  not  often  been  content  to  leave  it  in  the  background,  thinking 
that,  like  the  Jews  of  old.  if  it  were  presented  in  its  baldness  the  modem 
Pharisee  would  turn  on  his  heel  and  go  his  way  ?  The  disciplina-arcani 
prevailed  in  the  early  âges  for  spécial  reasons.  But  our  modem  world 
is  hungering  for  God.  It  is  surfeited  witli  materialism  and  commer- 
cialism,  and,  like  a  caged  liird,  it  is  flapping  ils  wings  against  its  brass- 
i)Ound  prison,  and  it  yearns  for  the  larger  and  fuller  possession  of  God 
that  will  give  it  greater  liberty. 

I  venture  to  say  that  in  every  missionary's  notebook  there  are  m  any 
wonderful  examples  of  the  drawing  power  of  the  Blessed  Sacrament. 
Said  a  devout  convert  to  me:  "  The  first  thing  that  gave  me"a  sensé  of 
révérence  in  the  Catholic  Church  was  the  husbed  silence  that  came  over 
a  Catholic  congrégation  at  the  moment  of  bénédiction.  *  *  *  It  led  me 
to  inquire  into  the  doctrine  of  thc  Blessed  Sacrament,  and  when  I  un- 
derstood  it  ail  mv  difficultics  melted  awav,  and  I  came  deman  !ing  en- 
tranco  into  tbe  Church,"  Another  —  and  she  was  a  dauditer  of  Briff- 
ham  Young  —  told  me  that  as  a  girl  she  stole  away  and  used  to  enjov 
the  n'iiet  solitude  of  the  little  Caiholio  Cliurch  in  Sait  T.akc  City.  She 
never  could  explain  the  stninge  fecling  that  came  over  her  when,  as  a 
growing  girl.  she  sat  for  hours  alone  in  the  présence  of  the  Blessed 
Sacrament.  Thèse  are  but  a  few  beads  of  a  long  rosary  of  converts  who 
hâve  licen  irresistibly  drawn  bv  the  divine  Magnet  of  soûls. 

T.et  me.  then,  plend  for  more  abundant  pie.iching  of  the  central  dogmi 
of  our  religion,  and  less  controversy  with  Protestants.  The  last  three 
centuries  hâve  been  filled  with  polemics  until  the  world  is  satiated  with 
them.  T  ani  rersiiaded  that  if  tlic  îittractivene-s  and  beauty  of  the  doc- 
trine of  our  Kinmanuel  were  fairly  ])resented  to  tbe  non-Catholic  people, 
their  opposition  would  Ite  disarmed,  and  thev  would  be  drawn  in  a  most 
powerful  way  to  the  acceptation  of  ail  the  doctrines  of  the  Church.  As 
our  TIolv  KatlH'r,  in  bis  Icttcr  commetulinir  tbe  work  of  the  Apostolic 
Mission  llcuisc.  says  :  "For  great  is  thc  |Mnver  of  Tiiitb.  and  nnthing 
more  is  required  to  make  men  love  it  than  to  know  it  intimately." 


—  944  — 


REAL  PRESENCE  OR  NO   CHRISTIANITY. 


BY 
DR.  J.  K.  FORAN. 


LAST  week,  an  eminent  and  learned  non-Catholic,  conversing  with. 
me  about  tlie  Eucharistie  Congress,  informed  me  that  while  he  believed 
firmly  in  the  Création,  the  immortality  of  the  Soûl,  and  the  Eedemption, 
he  could  not  accept  the  dogma  of  the  Eeal  Présence.  His  principal 
objections  were  that  he  could  not  understand  it,  that  it  was  répugnant 
to  our  sensés,  and  that  there  was  no  proof  of  its  truth. 

In  the  very  limited  time  at  my  disposai,  I  will  attempt  to  convey  to 
this  audience  the  answers  I  made  to  each  of  the  objections,  and  I  may 
State  at  the  outset,  that  the  gentleman  in  question  was,  if  not  convinced, 
at  least,  seriously  impressed,  and  he  assured  me  that  he  would  follow  the 
various  phases  of  the  Eucharistie  Congress  with  a  différent  spirit. 

He  believed  in  the  Création.  Therefore,  he  believed  that  God,  in  His 
Omnipotence,  drew  the  entire  uni  verse  ont  of  XOTHIXG.  If  there 
could  be  any  degrees  in  mysteries,  I  would  ask  :  "  which  is  the  more  easy 
to  believe,  the  more  reasonable,  the  easier  to  perf  orm  :  God  taking  NO- 
THIXG,  and  therefrom  creating  a  world,  or  God  (for  Christ  is  God) 
taking  an  already  created  substance,  called  bread,  and  changing  it  into 
another  substance  ?  "' 

He  believed  in  the  immortality  of  the  soûl.  Yet  he  could  not  see  the 
soûl,  nor  taste  it,  nor  smell  it,  nor  recognize  it  by  any  of  the  sensés,  any 
more  than  we  can  recognize  the  Eeal  Présence  in  the  Eucharist  by  means 
of  our  human  sensés. 

He  believed  in  the  Eedemption,  consequently  in  the  Divinity  of 
Christ;  but  declined  to  admit  the  attributes  of  God  in  the  Person  of 
Christ. 

My  friend  claimed  the  Bible  as  the  basis  of  Christianity,  and  stated 
that  vs-ithout  the  Scriptures  there  could  be  no  certainty  of  the  Truth. 

The  Evangelist  tells  us,  in  very  plain  terms,  that,  at  the  Last  Supper, 
Christ  took  bread,  broke  it,  and  giving  it  to  His  Disciples,  said  :  "  This 
is  My  Body."  Three  différent  accounts,  each  from  a  spécial  standpoinfc, 
of  the  scène  at  the  Last  Supper,  are  given  by  St.  Matthew,  St.  Mark, 
and  St.  Luke.  Yet,  ail  three  agrée  perfectly  as  to  the  words  used  by 
Christ  —  "  This  is  My  Body,"  Xow,  of  ail  the  expressions  of  Christ  re- 
corded  in  the  Gospels  from  His  first  to  His  last  public  utterance,  not  one 
hasi  ever  been  more  bitterly  questioned  by  any  dénomination  of  Christ- 
ianity, than  the  words:  "This  is  My  Body." 

Did  Christ  say  that,  or  did  He  not?  If  He  did  not,  the  Gospel  is 
false,  the  Bible  vanishes,  and  Christianitv  is  a  myth.  If  Christ  did  use 
those  words,  did  He  mean  what  Ile  said  ?  If  He  meant  something  else, 
Me  was  not  God,  He  deceived  His  hearers,  and  Christianity  is  a  myth. 
If  Ilf-  rncant     hit  He  said,  had  He  the  Will  and  the  Power  to  accom- 


—  945  — 

plish  what  He  stated?     If  not,  He  was  not  God,  and  Christianity  is  a 
myth.     Therefore,  without  the  Eeal  Présence,  there  can  be  no  Christ- 
ianity.    Either  the  Eeal  Présence  is  true,  or  Christ  was  not  Omnipotent,- 
or  was  not  the  Truth,  or  else  the  Gospels  are  false.     In  anv  one  of  which 
cases  the  entire  fabric  of  Christianity  must  corne  down  with  a  crash. 

On  the  evening  of  the  battle  of  Austerlitz,  Xapoleon,  at  the  zénith  of 
his  power,  sat  in  his  Impérial  tent.  An  officer  of  the  army,  who  had 
been  giiilty  of  a  ishonorable  act,  was  brought  before  him.  With  indig- 
nation the  Emperor  said  to  him  :  '*  You  are  an  officer,  I  am  ashamed  of 
you,  you  are  degraded."  Xext  moment,  they  brought  in  a  private 
eoldier,  ail  tattereJ  and  wounded,  begrimed  with  the  dust  of  the  field,  and 
they  informed  Xapoleon  of  this  mau"s  wondcrful  feats  of  heroisni.  The 
Emperor,  looking  \\  ith  pride  on  the  ragged  man,  said  :  You  are  a  crédit 
to  France  ;  you  are  an  officer."  Mark  well  the  words  î  In  the  first  in- 
stance, he  merelv  used  them  to  emphasize  the  fact  that  the  man  was  an 
officer,  therefore  deserving  of  dégradation;  in  the  second  case,  he  wished 
to  raise  the  man  to  the  rank  of  an  officer.  And  from  that  moment,  the 
eoldier  became  an  officer  of  the  French  army.  Ile  had  neither  epaulets, 
nor  spurs,  nor  any  external  insignia  to  indicate  the  change,  but  he  was 
an  officer  by  virtue  of  the  words  of  the  Emperor,  of  the  will  of  the 
Emperor,  and  of  the  power  of  the  Emperor. 

WTien  Christ  took  bread  and  broke  it,  had  Ile  said  :  '*  Friends,  this  is 
a  pièce  of  bread,"  (as  the  Emperor  said  to  the  officer  "  you  are  an 
officer"'),  His  Disciples  might  hâve  answered:  "  Yes,  Lord,  we  see  that 
is  the  case."  But  when  He  said:."  This  is  My  Body  "  (even  as  the  case 
of.  the  private  soldier),  that  bread  became  His  Body,  by  virtue  of  His 
words,  by  virtue  of  His  will,  and  by  virtue  of  His  power  to  so  change  it 
—  although,  to  the  ordinary  human  sensés  there  was  no  external  sign  to 
show  the  transformation  tliat  had  taken  place. 

The  night  of  paganism  obscured  the  nations,  when  in  the  far  ofT  East, 
at  the  appointed  time,  the  Star  of  Salvation  twinklcd  at  Bethlehem,  and 
the  gorgeous  Sun  of  Rédemption  flashed  on  Calvary.  The  ra\-s  of  that 
Sun  of  Truth  penetrated  the  groves  where  the  Druids  had  taught  the 
mysticism  of  the  stars  ;  they  tipped  with  splendor  the  monimients  of 
âges,  and  crowned  those  storied  works  of  a  buried  time  with  the  radiance 
of  heaven;  they  fell  on  the  harper's  soûl  and  wedded  his  song  to  truth; 
they  descended  into  the  Calacombs,  and  tiience,  burst  forth  to  illuniinatc 
the  cross  above  St.  Peters.  Through  ail  the  changes  and  vicissitudes  of 
the  centuries,  safe  in  the  custody  of  the  successors  of  the  First  Vicar  of 
Christ,  tho-î^e  ravs  bave  come  down  to  us,  ever  sproading  ont  ovcr  now 
lands,  and  bathing  the  rims  of  new  horizons.  To-day,  in  this  City  of 
Montréal,  we  behold  their  splendor  leaving  an  impress  upon  unnum- 
bered  soûls.  And  henceforth,  shall  they  go  on.  ever  increasing  in  their 
brilliancy  and  power,  until  the  last  hour  rings  from  the  clock  of  Time. 
This  assurance  is  based  on  an  infaillible  promise;  Iwentv  centurie?  ago, 
on  the  round  summit  of  Golgotha,  with  a  nail  through  His  hand  for  a 
pen,  and  with  crimson  blood  ff»r  ink.  tho  Son  of  (Jod  wrote  that  promise 
on  every  page  of  human  history,  from  the  dawn  of  Rédemption  to  tha 
sun-set  of  Time. 


—  9-iG  — 

Likc  a  torch  passed  from  up-lifted  hand  to  hand,  above  tlie  heads  of 
the  générations,  this  Truth  has  been  transmitted  from  sucessor  to  suc- 
cessor  of  St.  Peter.  Xo  matter  what  the  individuality  of  tlie  Pope  or 
the  stru«gles  he  eneountered,  there  has  been  no  interruption.  Call  him 
Clément,  or  Urban,  or  Sextus,  Gregory  or  Léo,  or  Pius,  he  is  and  has 
been  the  infalUble  guardian  of  the  dogniatic  truth  of  Christ's  Church. 
He  niay  liave  been  an  exile  at  Avignon,  or  a  fugitive  at  Ceta;  he  may 
hâve  felt  his  throne  rock  under  the  tempest  of  religions  rébellion,  or  seen 
his  possessions  usurped  by  the  robber  hand  of  infidelity;  he  may  hâve 
found  his  home  a  dungeon,  or,  as  he  is  at  this  hour,  himself  a  prisoner 
witliin  his  own  palace.  Ail  that  does  net  signify  one  feather's  weight 
in  the  balance  against  the  promise  of  Christ,  that  Ile  would  be  with  His 
Church  unto  the  consummation  of  the  world. 

If,  in  the  midst  of  this  magnificent  concourse  of  the  niitred  hierarchy 
and  vénérable  clcrgy.  from  ail  corners  of  the  earth,  the  humble  voice 
of  a  lowly  layman  might  réach  the  foot-stool  of  Omnipotence,  I  would 
ask  the  Providence  that  watches  over  the  destinies  of  the  nations,  that 
whets  the  sword  of  Justice,  nerves  the  arm  of  Patriotism,  and  o^uides  the 
Prophet's  pen,  to  look  down  on  our  land,  to  ordain  that  this  glorious 
Congress  should  stamp  its  effects  on  the  soûls  of  ail  who  hâve  assembled 
to  honor  and  adore  the  Eeal  Présence  in  the  Holy  Eucharist;  and  when 
ail  is  over,  and  the  curtain  has  fallen  upon  the  niost  sublime  séries  of 
events  that  our  countrv  has  ever  beheld,  mav  He  raise  up  a  mighty  Bard. 
cleanse  his  lips  as  He  did  those  of  Isaias,  fill  his  bosom  with  inspiration 
like  unto  that  which  thrilled  in  the  breast  of  the  Royal  Prophet,  give  him 
the  vigor,  the  culture,  and  the  hamiony  required,  that  while  he  is  re- 
cording  in  stately  verse  the  suprême  triumph  of  the  Eucharistie  Christ, 
he  may  worthily  chant  that  deathless  anthem  of  gratitude  — 

"  Te  Deum    laudaimis; 
Te  Dominum  confiteîmir." 


RETREATS  FOR  LAYMEN. 

BY 
T.  J.  SHEALY,  S.  J. 


RIvTliE.VT  work  is  of  very  spécial  interest  to  the  mind  and  heart  of 
tho  Church.  It  was  begun  with  the  Apostolic  blossing  and  it  grows  and 
flourishes  under  the  Apostolic  guidance  and  encouragement.  The  words 
of  our  présent  Holy  Father  and  of  his  illustrions  predecessor  are  ''s 
clear  and  urgent  as  they  are  paternal  and  inspiring.  In  1904,  Pope 
Pius  wrote  commending  thèse  Petreats:  "One  cannot  conceive  a  better 
method  for  saving  tlie  workingmen,  exposed  at  the  présent  time  to  so 


—  94:  — 

many  dangers.  Since  our  élévation  to  the  Papal  Tlirone,  We  see  still 
more  the  importance  of  thèse  Eetreats  for  the  end  we  hâve  in  viéw,  to 
restore  ail  things  in  Christ."  And  the  late  Pope  Léo  is  no  less  direct 
and  emphalic.  In  1900,  he  wrote:  '' There  is  no  doubt  that  thèse  Re- 
treats,  penetrated  with  méditation  upon  the  celestial  truths,  procure  not 
only  the  sanctification  of  individiials,  but  the  gênerai  utility  of  society. . 
we  hâve  learned  with  the  most  lively  joy  of  the  création  of  this  new 
work,  and  of  its  fruits,  already  so  abundanl .  .  .  we  désire  to  see  this 
work,  so  happily  begun  in  France  and  Bclgiuni,  spread  with  erjual  success 
among  other  nations."  The  scope  and  character  of  the  Retreat  Move- 
ment  are  herein  definitely  laid  down,  and  the  earnest  désire  of  the  Holy 
See  leaves  no  room  for  misgiving  or  indifférence. 

Ketreats  for  laynien  are  not  something  new;  they  hâve  been  for 
centuries  a  great  instrument  in  the  wise  strategy  of  the  Church  for  the 
conquest  of  soûls  and  the  establishing  of  the  rèign  of  Christ.  Owing, 
however,  to  the  great  dangers  whicli  thnaten  the  Cluircli  and  society 
in  our  time,  and  to  the  urgent  necessity  of  fortilying  tho  layman  against 
the  many  assaults,  as  varied  as  they  are  insidious,  to  which  he  is  exposed, 
the  retreat  work  has  been  taken  up  with  fresh  ardor,  and  applied  with 
renewed  zeal  and  efficiency  to  the  business  and  working  classer,  for  the 
last  twenty-five  years.  A  devoted  French  priest,  Père  Henry,  was  the 
pioneer  in  this  grand  revival.  In  1882,  he  gave  himself  to  the  task  of 
instituting  "  Eetreats  for  Workinen,"  and  within  a  short  time  his  zeal 
was  so  blessed  with  success,  that  houses  devoted  to  the  same  apostolate 
were  soon  founded  ail  over  Europe.  Thèse  houses  hâve  now  grown  into 
mighty  centres  of  spiritual  life  to  which  thousands  of  men  bave  annual 
recourse,  and  from  which  they  come  forth  renewed  in  strength,  and 
equipped  in  principle  and  motive  to  fight  more  manfully  the  battle  of 
life. 

In  Belgium  alone  over  90,000  of  the  laboring  classes,  and  about  20,00.) 
professional  and  business  men  hâve  made  the  retreat  since  1890.  Bel- 
gium, indeed,  stands  out  prominent  in  this  movement;  but  France,  and 
Germany,  and  Holland,  and  otlier  Europcan  statcs,  bave  also  extendod 
the  work  vnth  most  gratifying  results.  In  one  bouse  in  France,  "  Notre 
Dame  du  Haut-Mont,"  more  than  30,500  men  hâve  made  the  retreat 
witliin  a  quarter  of  a  century.  England  and  Ireland  are  at  prosent 
zealously  occupied  with  Retreat  organisation  ;  and  doubtless  Romiley  in 
England,  and  Dublin  in  Ireland,  will  soon  compete  in  numbers  and 
fervor  with  the  great  centres  on  the  continent. 

The  Movement  has  at  lengtb  stretohed  its  mighty  arms  to  America.  It 
is  taking  root  in  a  kindly  soil,  and  bids  fair  "  to  proceed  prosperously  and 
reign  amongst  us."  The  gênerons  response  in  New  York,  ("icvcbind. 
Montréal,  8t.  Mar\''s,  Kansas,  Prairie  du  Chien,  Santa  Clara,  and  other 
places,  give  every  promise  that  tho  Retreat  movement  is  destincd  to 
grow,  and  multiply,  and  boar  fruit  a  hundred  fold  in  America  In  New 
York,  within  a  fow  months  from  its  incoption,  liiindrods  nf  mon  havo 
tumed  aside  from  tho  wild  rush  of  business  interests.  which  fairly  absorb 
the  life  of  a  great  commercial  city.  to  considor  in  a  wrck-ond  rotroat. 
the  interests  of  thoir  immortal  soûls.     The  number  of  suoh  men  is  on 


—  948  — 

the  increase,  and  gives  évidence  of  a  depth  of  Catliolic  life  and  an  earn- 
estness  of  character  not  to  be  surpassed  by  any  which  other  lands  can 
offer  for  our  stiidy,  or  for  our  émulation.  We  are  therefore  not  too 
sanguine  in  looking  forward  to  the  near  future,  when  houses  of  Ketreat 
will  be  founded,  unto  the  greater  glory  of  God,  a'iid  unto  the  greater 
strength  and  vitality  of  the  Church  and  of  the  State,  in  every  large  city 
of  the  eountry. 

To  any  one  wlio  reflects  and  studies  the  trend  of  our  modem  life, 
the  advantages  and  the  necessity  of  the  Eetreat  movement  are  manifest 
and  appealing. 

"  There  never  was  a  time,"  said  His  Grâce  the  Archbishop  of  New 
York,  in  giving  liis  unqualified  and  hearty  approval  to  the  Ketreat  Move- 
ment, "  when  retreats  for  la}TTien  were  so  necessary  as  in  this  our  day. 
Material  success  is  becoming  the  absorbing  interest  of  life,  and  men  are 
apt  to  push  aside  the  things  of  the  spirit."  Thèse  words  point  directly 
to  the  disease,  and  to  the  remedy  which  is  effective  in  meeting  it.  The 
conditions  under  which  the  layman  has  to  work  and  struggle  make  it 
imperative  on  him,  f  rom  time  to  time,  to  go  back  to  first  principles  and 
recover  his  foothold.  He  must  retum  upon  himself  and  think.  The 
fever  of  désire,  the  cares  of  sensé  pursuit,  the  din  of  the  superficial  and 
the  natural,  the  vaudeville  of  pleasure  and  distraction,  are  everywhero 
pressing  upon  life,  weakening  its  moral  fibre  and  dulling  its  spiritual 
discernment.  The  layman  cannot  escape  thèse  influences,  for  they  form 
the  atmosphère  which  he  breathes  and  invade  the  sanctuary  of  his  home. 

He  is  more  and  more  drawn  out  of  himself  to  a  purely  objective  exist- 
ence: out  of  breath  in  the  stress  and  strain  of  business,  out  of  mind 
in  the  varying  field  of  impressions,  out  of  the  supernatural,  and  out  of 
God,  in  the  beggarly  things  that  make  for  death.  There  is  little  time 
or  room  for  serions  though;  yet  strong  faith  and  character  are  imposs- 
ible without  it.  Hence  he  moves  in  a  world  of  half-truths  and  half- 
virtues,  where  men  think  half-  thoughts  and  lead  half-livee.  In  the 
passions  for  doing,  he  can  easily  grow  bankrupt  in  soûl,  for  he  can  do 
himself  to  death  not  only  to  the  death  of  muscle  and  brain,  but  also  of 
heart  and  spirit,  It  is  not  easy  to  rise  above  environment,  or  to  run  with 
the  world  and  not  think  with  it.  If  there  is  a  danger  for  the  priest 
and  the  religions,  and  if  they  need  the  annual  toning  up  of  the  retreat, 
how  much  more  the  layman!  He  is  in  immédiate  contact  with  the 
world,  and  unless  the  principles  of  Faith  are  a  real  living  power  to  him, 
unless  his  perspectives  are  kept  clear  and  his  ideals  high,  he  will  be 
gradually  assimilated  to  his  surroundings,  and  allow  his  soûl  to  starve 
where  the  body  is  the  "  all-man." 

Moreover,  the  strange  clash  and  rivalry  of  ideas,  so  characteristic  of 
our  time,  and  the  conceits  and  petty  knowledges  which  rise  up  against 
the  évidences  of  God,  are  ever  forced  on  his  attention,  not  only  by  the 
agency  of  books  and  newspapers,  but  by  the  conversation  of  his  fellows. 
However  little  he  thinks  in  the  heart,  he  thinks  much  with  the  eye  and 
ear,  and  there  is  a  worship  of  type  against  which  even  the  catholic  lay- 
man is  not  altogether  proof.  The  lust  of  the  flesh  is  as  forceful  against 
faith  to-day  as  ever  ;  but  the  lust  of  mind  is  not  less  dangerous.     Moral 


—  949  — 

and  religious  ruin  works  its  way  froni  above  and  from  below,  and  both 
the  will  and  intellect  of  man  hâve  to  be  fortified  if  he  is  to  stand  securs 
and  faithful. 

It  is  obvions  therefore  that  the  Retreat  Movement  meets  a  definite  and 
pressing  need.  We  must  save  the  layman,  we  must  fortify  him  in  faith 
and  reli^on  ;  we  must  arm  him  against  the  influence  of  irrévérence  and 
materialism  which  surroung  him  on  every  side;  we  must  prépare  him 
to  flight  the  valiant  battle  of  the  Church  in  the  club  and  in  the  office, 
in  the  factory  and  in  the  workshop.  And  it  looks  as  if  it  were  in  thèse 
latter  places  that  the  great  battle  of  the  future  is  to  be  fought. 

The  workingman  is  in  spécial  danger,  and  he  is,  in  a  large  measure, 
to  détermine  the  issue  of  the  struggle.  ïhe  religious  problem  is  insep- 
arably  and  passionately  interested  and  engaged.  And  such  is  the  per- 
verse fashion  of  the  time,  that  the  démocratie  awakening  of  the  masses 
and  their  power  at  the  ballot  box  lead  to  an  unhealthy  independence 
in  the  domain  of  religious  authority,  and  an  alarming  freedom  of 
thought  and  action.  The  relations  between  the  worker  and  the  master 
nave  become  mechanical  and  impersonal,  and  the  tendency  is  to  create 
similar  relations  between  the  worker  and  the  church.  At  any  rate  the 
attitude  of  the  worker  towards  the  priest,  in  our  great  centres  of  indus- 
try,  is  not  what  it  used  to  be  and  we  hâve  to  face  conditions  as  we  find 
them. 

How,  then,  in  spite  of  ail  thèse  forces  that  estrange  and  pull  down, 
is  the  church  to  keep  lier  hold  upon  the  workingman  and  enable  him 
to  counteract  the  dangers  which  beset  him.  He,  indeed,  is  largely  a 
victim  of  his  surroundings — for  his  humble  lot  renders  him  more  help- 
less  and  more  exposed.  The  forces  of  Socialism  and  irreligion  are  using 
every  form  of  argument  and  appeal  to  win  his  allegiance,  while  ever- 
reacliing  compétition  and  a  cut-throat  economy  are  crushing  him  to  the 
earth . 

What  can  hold  his  arm  against  passion  and  keep  his  heart  right 
against  the  subtle  schemes  of  error,  or  the  specious  promises  of  theory  '.' 

The  light  of  the  Catechism  can  grow  dim,  and  the  effects  of  the  most 
successful  mission  can  be  very  temporary.  Xo  doubt  missions  are  a 
wondrous  power  for  good.  But  the  object  and  effect  of  a  mission  are 
not  the  same  as  those  of  a  retreat,  and  the  spécial  exigencies  of  the  time 
demand  every  resource  of  the  Church  for  saving  and  uplifting.  Assur- 
(îdly  the  poor  struggling  worker  needs  ail  the  strength  the  Church  can 
give  him.  His  soûl  needs  from  time  to  time  a  spiritual  recasting;  it 
needs  a  new  background  to  life,  or  rather  the  old  background  restored 
to  life,  with  the  ideals  of  faith  and  the  eternal  hopes  ;  it  needs  the  one- 
ness  and  wholeness  of  impression  and  conviction  which  a  retreat  is 
manifestly  calculated  to  impart. 

"  The  mission  is  not  a  retreat,"  repeated  His  Grâce  the  Archbishop 
of  New  York.  "  A  mission  is  filled  with  many  distractions  and  its  work 
is  scattered.  The  truths  nien  hear  in  a  mission  are  not  so  deeply  etched 
on  their  soûls  as  if  they  were  entirely  secluded.  In  a  retreat  you  are 
free  from  distractions,  you  hâve  every  advantagc  for  tho  concentration 
of  vour  faciilties,  vou  hâve  a  wholo  séries  of  instructions  and  exercices 


—  950  — 

knitted  toiiether  iu  logical  séquence,  vou  are  made  to  think,  and  to  judge 
things  at  tehir  true  value."  From'such  a  vantage  ground,  ail  things 
readilv  assume  tlieir  due  place  and  proportion.  Man  is  made  to  face 
himself  si|uarelv  holore  tlie  tribunal  of  conscience  and  nieasure  lus  duty 
aud  respousibilitv  in  thc  liglit  of  God.  He  is  alone  witli  his  own  lieart 
and  sees  the  trutli  wiih  open  eyes.  A  man  who  has  made  even  ono 
retreat  well,  howsoever  weak  human  nature  may  prove,  can  never  again 
lose  the  power  of  recovcry.  Xor  is  this  the  least  of  its  many  inestimable 
blessings. 

''  AU  is  saved  "  said  a  great  Prince  of  the  church,  Cardinal  Guibert, 
"  if  Christian  meu  v.ill  dévote  three  days  each  year  exclusively  to  médi- 
tation on  ilie  eternal  truths."  ïhat  saintly  Prelate  realized  the  power 
of  the  Ketreat  and  saw  in  it  the  saving  of  the  individual  and  of  society, 
What  the  retreat  is  doing  and  has  donc  as  a  saving  power  in  Belgium 
and  othor  lands,  is  beyond  question  or  calculation.  The  bishops  and 
clergy  of  Europe  bear  ample  testimony  to  the  marvelous  good  wrought 
by  those  bodies  of  m  en  who  from  year  to  year  repair  to  the  Houses  of 
Ketreats»  for  strength  and  rénovation.  They  become  a  leaven  in  the 
parish  and  in  the  hamlet,  leadmg  their  fellow-workers  back  to  Christ 
by  their  inlluence  and  example.  "  Since  my  twenty-five  workmen  mads 
their  retreat,"'  writes  the  Dean  of  Malines,"  Malines  counts  tv.  enty-five 
more  apostles."  Such  is  the  expérience  wherever  the  retreat  exerts  an 
influence. 

The  answers  given  to  a  few  direct  questions  by  two  priests  of  Munster, 
who  happen  to  be  présidents  of  workingmen's  clubs,  are  authoritativc 
and  convincing: 

Q.  W'iiat  is  tlie  impression  made  upon  you  by  the  men  on  their  re- 
turn  from  a  retreat  ? 

A.     They  are  liappy  and  delighted  and  are  determined  to  go  again. 

Q.     Do  you  notice  any  bénéficiai  results  in  their  lives  ? 

.\.  We  çan  testify  emphatically  to  the  good  results.  The  men  show 
chanvcter,  especially  in  the  fulfihnent  of  their  religions  duties. 

Q.     Do  they  show  zeal  in  supporting  their  Catholic  club  or  guild  ? 

A,     They  make  the  best  members;  they  are  full  of  zeal. 

Q.     In  how  many  cases  do  you  observe  lasting  results  ? 

A.  There  is  no  doubt  that  the  results  will  be  lasting.  Hère  there 
is  certainly  no  sign  of  falling  ofï. 

Q.     What  is  vour  l^everence's  opinion  of  those  Retreats  ? 

.\.  We  fonsidcr  thcin  an  extraordinary  means  of  promoting  vigor 
and  life  in  our  Catholic  men's  associations,  and  we  wish  that  many  more 
could  make  them. 

You  w-ill  observe  how  thèse  questions  and  answers  emphasize  thc  social 
value  of  tho  rcd^rcat.  Indocd,  this  is  one  of  the  main  features  of  the  work 
it  aims  U>  accomplish.  "  The  Social  Question  "  in  the  words  of  the  late 
illuHtrious  PontifT.  IV.pe  Léo  X.,  "  deserves  to  bave  ail  Catholic  forces 
apphed  to  it  with  the  greatest  energy  and  constancy."  The  Church 
cannot  remain  indiiïcrcnt,  for  ail  her  interests  are  solved,  and  the  pooi- 
dcmand  fier  guidancf  aod  protection.  But  she  must  reach  the  working- 
man  Ihrough  the  workingman,  and  she  must  guide  and  save  him  through 


—  951  — 

organization.  If  she  is  not  ready  to  lead  him,  he  will  find  other  leader- 
ship. One  of  the  most  vital  probleins  of  our  times  is  the  marshalling 
of  our  Catholic  laymen  under  the  direction  of  the  bishops  and  clergy. 
This  century  promises  to  be  in  a  largest  measure  the  layinan"s  century 
in  every  social  direction,  and  the  Catholic  layman  is  the  one  great 
buïwark  of  defence  and  security.  We  want  the  apostolate  of  the  lay- 
man, we  want  Catholic  organization,  and  Catholic  leadership  :  this.  too, 
in  every  field  of  business  and  industry,  and  in  the  workshop  perhaps 
more  urgently  than  in  the  office.  The  forces  arranged  against  the 
Church  are  vast  and  terrifie,  and  every  agency  of  evil  is  pressed  into 
service.  There  is  much  fighting  to  be  donc  on  every  side,  both  défensive 
and  aggressive.  Who  are  to  do  it  ?  The  priest  and  the  religions  will  ever 
be  faithful  to  their  trust  and  will  be  found  on  the  battlement  and  in 
the  breach  enduring  unto  death.  But  they  cannot  fight  the  battle  alone, 
the  layman  has  a  glorious  part  to  take  in  this  struggle.  He,  too,  has  an 
apostolate  of  work;  he,  too,  belongs  to  a  Militant  Church,  he  is  his 
"brother's  keeper,"'  he  has  a  suprême  responsibility  ;  he  has  a  great 
message  to  deliver  to  his  fellow-man.  To  shirk  his  duty  is  treason. 
But  how  is  he  to  be  prepared  and  disciplined  for  this  fight  ?  How  are 
the  soldiers  and  the  apcstles  to  be  formed  and  organized  ?  How  are  we 
to  raise  up  an  élite  of  royal,  brave  Christian  men  to  défend  the  right 
and  the  truth,  the  cause  of  Eeligion  and  Christ  ? 

Boundless  indeed  are  the  resources  of  the  Church  in  power  and  or- 
ganization ;  each  parish  has  its  splendid  equipment.  Every  âge,  however, 
has  its  own  conditions  and  its  own  needs,  and  the  Church  is  ever  ready 
with  means  and  concerted  action  to  meet  them.  Her  wisdom  is  com- 
mensurate  with  lier  zeal,  and  her  courage  as  large  as  her  sacrifice.  She 
realizes  the  pov.er  of  the  layman  and  appeals  with  confidence  to  his 
whole-hearted  coopération.  In  the  présent  dangers  which  confront  her, 
she  turns  to  the  Retreat  House  in  prayer  and  blessing,  for  the  strength- 
ening  of  her  arm  and  the  weapons  for  her  warfare.  It  is  to  form  and 
equip  a  vast  army  of  triie  sons  of  the  Church,  a  strong  body  of  loyal 
Catholic  lay-captains  and  soldiers.  that  the  spiritual  forces  of  the  Ee- 
treat  work  are  principally  directed.  In  thèse  hours  of  prayer  and  méd- 
itation, of  thought  in  the  heart  and  grâce  from  on  high,  the  armor 
is  burnished,  the  prowess  of  the  soldier  is  renewed  and  quickened,  "  the 
shield  of  faith  "  and  "  the  breastplate  of  Justice  "  are  tightly  buckled 
on,  and  the  personal  love  and  allegiance  to  the  great  Master  and  King, 
Christ  Jésus,  are  heightened  to  the  enthusiasism  of  service,  and  sacrifice. 

"  Where,  I  ask,"  said  Count  de  Mun,  addressing  the  Congre.'?  at  T^in- 
demeau,  "  where  is  the  spirit  of  catholic  union,  this  fire  of  manly  loyalty 
and  enthusiasism  kindled,  where  but  in  our  annual  retreats  ?  There 
during  three  days,  before  God,  under  the  direction  of  a  master  in  the 
spiritual  iife,  we  corne  together,  we  pray,  we  meditato,  we  wrestlo  witli 
our  difficulties,  we  root  out  the  weeds  of  passion.  There  we  exchange 
views,  our  fears  and  our  hopes,  we  discuss  the  results  «ecured  and  the 
obstacles  surmounted.  There  we  give  peace  to  our  hearts,  we  fortify 
our  soûls,  we  renew  our  allegiance  to  Jésus  Christ,  and  we  départ  iuar'> 
brave,  more  joyous,  more  resolute,  and  truer  to  one  another.'" 


—  952  — 

It  is  not  onough,  liowever,  tlius  to  order  life,  and  quicken  zeal  and 
spiritual  energv,  by  tlie  discipline  of  three  days'  prayei  and  méditation. 
The  retreat  to  become  elTective  nmst  produce  permanent  results  ;  it  must 
bring  forth  fruit  and  its  fruit  must  remain.  If  the  spirit  of  soldier  be 
renewed  in  strongth  and  fervor,  the  battleground  of  the  world  is  not 
changed,  and  human  nature  has  its  weakness  and  its  forgetfulness  even 
when  fortified  by  the  strongest  resolutions.  The  retreat  is  for  service 
and  eharacter,  and  man  is  called  upon  not  only  to  make  it,  but  to  love  it. 
Heuee  the  exercises  of  the  retreat  hâve  to  be  an  abiding  consciousness 
and  inspiration  in  his  every  day  work. 

For  this  end  it  is  indispensable  to  form  the  exercitants  into  some 
societies  of  their  own,  or  attach  theni  to  the  parish  societies  already 
established,  wherein  they  become  the  most  devoted  members.  In  this  way 
their  impressions  of  the  retreat  are  refreshed  from  time  to  time,  and 
their  good  dispositions  sustained. 

Such  societies  as  the  "  League  of  Eetreats,"  the  "  Fréquent  and  Daily 
Communion  league,"  "  The  Monthly  Eecollection  League,"  already  grow- 
ing  into  magnificent  proportions  in  Belgium  and  France,  hâve  been  won- 
derfully  productive  of  good.  The  men  are  brought  together,  their  union 
is  invigorating,  they  hear  a  short  instruction,  the  promises  of  the  retreat 
are  recalled,  they  receive  the  Bread  of  Life  and  they  return  to  their 
homes  and  their  work  with  fresh  courage  and  spiritual  force. 

Thèse  societies  foster  in  a  spécial  manner  the  practice  of  fréquent  Com- 
munion, according  to  the  mind  and  insistent  exhortation  of .  the  great 
Pastor  of  soûls  our  beloved  Iloly  Fatlier  Pope  Plus.  The  fréquent  and 
increasing  présence  of  men  at  the  altar,  wherever  the  influence  of  the 
retreat  has  penetrated,  is  at  once  its  highest  testimony  and  its  surest 
guarantee. 

In  some  places  the  change  wrought  in  this  respect  has  been  most 
remarkable.  "  In  my  parish,"  writs  a  good  Cure,  "  the  increase  in  maie 
communicants  within  six  months  was  more  than  900  and  I  ascribe  this 
to  the  good  effected  by  the  retreat."  "  Is  it  not  "  said  the  éloquent 
Count  de  Poncheville  to  the  gênerai  assembly  of  Catholics  in  Paris, 
1885,  "is  it  not  in  the  living  springs  of  the  retreat  that  the  societies  of 
Catholic  workers  are  renewed  each  year  in  vigor  and  membership  ?  Is 
is  not  at  the  foot  of  the  altar  of  Athis  and  Clamart  that  the  mind  in  en- 
lightened,  the  will  strengthened,  the  supernatu^al  more  deeply  realized?" 
There  too  the  prodigal  returns  to  the  banquet  table  of  His  Father's 
home,  and  the  elder  brother,  without  a  word  of  complaint,  is  made  the 
happier  and  the  richer  Ijy  his  return." 

"The  perseverinnf  in  the  doctrine  of  the  Apostles,  and  the  Communi- 
cation in  the  breaking  of  bread  "  constitute  to-day  as  ever,  the  very  sub- 
stance of  Christian  life  and  the  necessary  conditions  of  Christian  char- 
acier.  ,  '[ 

In  the  grave  périls  which  threaten  the  faitli  and  morals  of  our  men, 
the  allurements  to  pleasure,  the  absorbing  interests  of  industry,  the 
f  '  -ous  conceits  of  error,  the  insinuating  appeals  of  social  theory, 
1  but  one  suprême  safeguard,  one  infallible  remedy.     The  Divine 

1  in  Ilimself  bas  prescribed  it.     It  is  the  Sacrament  of  His  Love; 


—  953  — 

it  is  Himself  Emmanuel  God  with  us.  "Unless  you  eat  the  flesh  of 
the  Son  of  Man,  you  cannot  hâve  life  in  you."  There  is  no  other  secure 
way  to  wrestle  with  passion  than  by  the  protecting  armor  of  the  body 
and  blood  of  Christ.  It  is  in  the  retreat  house  espeeially  that  man  is 
brought  close  to  Christ  in  His  Tabernacle. 

Therefore,  under  whatever  aspect  we  consider  it,  the  Eetreat  Move- 
ment  for  laymen  ^is  an  immense  power  for  good,  not  only  in  the  reli- 
gions, but  also  in  the  social  and  civic  life  of  the  Community.  It  surely 
merits  the  heartiest  goodwill  and  support  of  ail  who  would  extend  the 
reign  of  Christ  and  solve  the  problenis  which  confront  the  churcli  in 
our  day  , 

The  success  of  this  movement,  however,  must  principally  dépend  upon 
the  devoted  coopération  of  the  Bishops  and  pastors.  The  désire  of  the 
great  Apostolic  heart  of  our  Holy  Father,  is  to  be,  as  he  lovingly  ex- 
presses it  himself,  "  the  Pope  of  Eetreats  for  Laymen."  We  can  ail 
help  him,  in  our  own  measure,  to  realize  this  désire. 

The  direction  <nd  management  of  Houses  of  Retreat  belong  exclus- 
ively  to  no  one  body  of  clergy  or  religious.  Ail  are  able,  and  ail  are 
summoned,  according  to  their  means,  to  share  in  this  grand  Apostolate. 

The  layman  will  be  found  to  respond  generously  when  the  aim  and 
character  of  the  retreats  are  put  before  them.  And  if  they  once  take 
part  in  the  exercises,  they  will  do  their  own  recruiting.  The  expérience 
of  those  who  hâve  charge  of  retreats  is  highly  encouraging.  Alreadv 
the  Knights  of  Columbus,  the  C entrai- Verein,  the  St.  Vincent  de  Paul 
Society,  the  Holy  Xame  Society,  and  other  Catholic  organizations,  hâve 
grasped  the  retreat  idea  with  magnificent  sympathy  and  good-will. 

We  hâve,  indeed,  a  great  field  open  to  retreat  work  in  America,  and 
surely  this  Country,  if  any  otber,  needs  to  pause  and  look  within  and 
think  in  the  heart.  America  will  be  the  great  battleground  of  the 
future.  The  Catholic  layman  must  do  the  fighting,  and  we  cannot  arm 
him  too  early  or  too  well  to  insure  the  victory  of  the  Kingdom  of  Christ. 

To  sum  up  what  we  hâve  said  : 

1.  —  The  Retreat  for  laymen  lias  the  warmest  blessing  and  God-speed 
of  our  Holy  Father,  and  of  ail  the  bishops  and  pastors  under  whose 
jurisdiction  and  favor  it  has  been  instituted. 

2.  —  It  is  a  wondrous  instrument  of  Divine  Providence  for  the  saving 
of  the  Catholic  lajonan,  amid  the  grave  and  peculiar  dangers  which  beset 
our  modem  life. 

3.  —  It  is  a  great  social  force  directly  leading  to  Catholic  union  and 
organization,  in  an  âge  of  serious  and  threatening  social  problems. 

4.  —  It  is  a  great  spiritual  power-house,  f rom  which  the  parish  and 
its  various  societies  and  clubs  draw  new  strength  and  vitality.  and  the 
altar  is  made  the  founlain  of  life  by  the  fréquentation  of  the  Sacra- 
ments. 

5.  —  It  is,  in  fine,  a  splendid  field  for  our  zeal  and  generostity,  in 
working  according  to  the  mind  and  heart  of  our  Holy  Father  "  to  restore 
ail  things  in  Christ." 


—  954  — 


SCHOOL  CHILDREN  AND  DAILY  MASS. 

BY 
REV.   HUGH  J.   CANNING,  B.  A. 


WE,  who  enjov  thc  privilège  of  Catholic  schools,  are  wont  to  tliank 
God  for  sueh  a  blessiug;  and  riglitly  so,  l'or  the  cliild  whose' religious 
instruction  lias  been  iguorcd,  liumanly  speaking,  can  iiever  niake  up  for 
the  past.  But,  for  many  years,  I  liave  wondered  if  our  teachers  really 
understood  wliat  is  meant  by  a  Catholic  priniary  éducation.  It  always 
seemed  to  me  that  just  as  the  teachers  of  former  years  wasted  much 
energy  in  teaching  children  to  learn  by  heart  the  dry  formula  of  re- 
ligion, w-ithout  caring  whether  they  really  understood  anything  of  their 
meaning;  so,  most  of  our  teachers  of  the  présent  day  spend  hour  after 
hour  in  explaining  the  différent  kinds  of  sin  that  fall  under  the  heading 
of  the  différent  commandments  of  God  and  His  Church,  but  neglect  to 
instil  a  hatred  of  sin.  Generally  speaking,  the  child  knows  when  some- 
thing  is  sinful,  Just  as  we  do.  For  instance,  it  is  not  so  important  that 
tlie  child  should  be  made  learn  by  heart  the  différent  ways  in  which  he 
can  break  the  seventh  commandment,  as  it  is  to  impress  on  his  mind 
directly  and  indirectly  that  he  is  not  to  steal.  This  must  be  the  final 
object  of  Catholic  moral  éducation  —  to  get  things  done. 

The  sanie  reasoning  applies  even  more  forcibly  to  the  teaching  of  the 
Holy  Sacrifice  of  the  Mass.  I  hâve  known  teachers  spending  weeks  in 
the  chapters  of  the  catcchism  dealing  with  this  object.  I  am  not  find- 
ing  fault  with  this;  but  I  am  finding  fault  vi'ith  the  fact  that  they  never 
thoroughly  put  their  teaching  into  practice  —  they  didn't  succeed  in 
getting  things  done.  Wliat  I  mean  is  that  while  much  time  was  spent 
in  pointing  out  the  nature  and  importance  of  the  Sacrifice,  little  or  no 
timc  was  devoted  to  bringiiig  home  to  the  minds  of  the  children  wliat 
the  Mass  meant  for  them  in  the  matter  of  their  salvation  ;  that  Christ 
would  hâve  not  left  among  men  such  an  astounding  Sacrifice  were  it 
not  that  He  intended  them  to  make  use  of  it;  that  it  is  the  great  central 
act  of  worship  for  ws;  that  it  is  specially  a  means  of  grâce;  that  if  they 
do  not  avail  themselves  of  it,  it  matters  little  whether  they  understand 
it  or  not,  or  whether  it  exists  at  ail  or  not;  that  they  are  like  the  patient 
who  admittod  that  the  physician's  medicine  was  good,  but  refused  to 
use  it.  Granting,  therefore,  that  he  who  teaches  the  moral  part  of 
catechism  has  failed  in  his  work  if  he  did  not  succeed  in  getting  things 
done;  we  can  casily  see  that  the  most  important  part  of  a  child's  edu- 
ration  on  the  subject  of  Mass  is  to  train  him  to  take  advantage  of  the 
Sacrifice,  i.  e.  to  attend  at  Mass. 

I  need  not  stop  hère  to  point  out  the  immédiate  benefits  to  children 
arising  from  daily  attendance  at  Mass:  they  are  the  same  as  those 
obtained  by  adults.  Witliout  then  going  into  the  question  of  thèse 
spiritual  riches,  we  shall  endeavour  to  deal  with  the  practical  side  of 
the  question  by  di.scussing  the  means  whereby  children  may  be  brought 


^'Jôô  — 

to  dail}'  Mass,  so  as  to  acquire  thèse  riches  ;  but  especially  the  means 
whereby  they  may  be  so  drawn  that  they  will  praotice  going,  when  pos- 
sible, in  more  mature  years.  For  al'ter  ail,  if  thc  child's  good  habits  do 
not  continue  in  adult  years,  his  early  éducation  lias  been  little  less  than 
a  failure. 

^\^lat  means  shall  we  use  to  get  the  child  to  daily  Mass?  Some 
teachers  advocate  compulsion;  but  there  is  a  danger  of  the  child's  get- 
ting  a  surl'eit  of  't;  not  that  anyone  can  get  too  much  of  a  good  thing, 
but  he  may  think  he  is  getting  too  much,  and  when,  in  after  years  he  is 
free,  may  refuse  to  takc  even  what  is  necessary.  Others  bave  a  practice 
of  giving  prizes  for  attendance  at  May  or  October  Masses,  or  of  setting 
the  boys  to  compete  with  the  girls  for  the  highest  aggregate  attendance 
during  the  month.  This  is  not  to  be  condemned  off  hand,  for,  although 
the  motive  on  the  part  of  the  child  may  not  be  supernatural,  yet  we  can 
easily  suppose  that  much  grâce  will  come  from  it. 

'•'  The  impulse  of  the  earth  was  given, 
But  bent  him  in  the  ways  of  heaven." 

Besides,  it  bas  the  value  of  accustoming  them  to  daily  Mass  without 
compelling  them.     And  this  is  much. 

But,  at  best,  such  means  of  securing  attendance,  that  is,  compulsion 
or  émulation,  will  be  productive  of  .lasting  results  only  in  rare  cases, 
and  any  means  that  does  not  make  for  a  continuation  in  after  life  is  a 
comparative  failure.  Then,  again,  when  we  remember  that  few  aoquire 
the  habit  of  going  to  daily  Mass  in  adult  years,  but  continue  to  be  satis- 
fied  with  their  ordinary  morning  prayers,  unless  they  bave  been  taught 
as  children  about  the  "  one  great  morning  prayer,"  the  necessity  of  in- 
stilling  the  habit  of  attendance  at  daily  Mass  into  the  minds  of  our 
children  becomes  ail  the  more  urgent.  "  Bring  a  child  up  in  the  way  he 
should  go,  and  when  he  is  old,  he  will  not  départ  from  it.'"'  How  shall 
we  so  bring  him  to  daily  Mass  that  when  he  is  old  he  will  not  départ 
from  it?  The  expérience  of  zealous  priests  who  hâve  labored  for  this 
end  seems  to  be  that  there  is  only  one  way  which  bas  met  with  any  ap- 
préciable succès.  And  that  one  way  is  for  the  priest  to  make  attend- 
ance at  daily  Mass  a  specialty.  What  I  mean  is  that  he  must  talk  about 
it  in  season  and  out  of  season.  He  must  not  compel  attendance,  but  he 
must  show  the  children  that  he  considéra  it  of  the  first  importance.  This 
is  more  easily  said  tban  done  ;  for  it  is  not  accomplished  by  dropping 
into  the  school  three  or  four  times  a  year,  and  giving  a  talk  on  daily 
Mass.  But  it  means  a  never  ending  direct  talk  on  its  importance.  Child- 
ren, and  even  adults,  begin  to  tbing  that  what  the  priest  considère  im- 
portant must  be  important.  I  believe  that  the  chief  reason  why  men 
are  not  so  frequently  found  at  Iloly  Communion  as  women,  is  that 
priests  bave  not  preached  the  importance  of  monthly  Communion  to 
them  ;  and  the  men  took  it  for  granted  that  they  were  not  expected  to 
go  more  than  once  or  twice  a  year.  I  know  a  priest  who  bas  four-fifths 
of  his  men  going  to  Communion  once  a  month;  l)ut  lie  did  not  accom- 
plish  this  by  spoaking  to  them  once  a  year  about  it.     Tlioy  went  on  thc 


—  956  — 

second  Sundav  ;  but  fif teen  minutes  of  the  preceding  Sunday  was  givea 
up  everv  niouth  to  a  talk  on  the  subject,  while  an  equal  time  was  takeu 
on  the  Communion  Sunday  itself.  It  meant  energy,  it  meant  persévér- 
ance, it  meant  hibor,  but  i't  worked  out  rightly.  I  know  another  pnest 
who  never  has  a  school  child  miss  his  monthly  Communion  during  the 
summer  vacation.  He  accomplished  this  important  work  by  frequently 
impressing  on  them  that  they  did  not  go  to  Communion  for  the  sake  of 
the  teacher,  or  parents,  or  priests,  but  for  the  sake  of  God  and  for  the 
good  of  their  soûls.  They  were  likewise  taught  to  make  a  thanksgiving 
for  the  same  reason,  when  no  sister  or  priest  was  présent.  Then,  a  few 
days  before  vacation,  the  priest  went  to  the  school  with  Communion 
cards,  on  which  were  printed: 

"  I  hereby  promise,  on  my  word  of  honor,  that  I  shall  go  to  Holy  Com- 
munion at  least  once  a  rnonth  during  vacation."  After  the  boys  and 
girls  siçrned  this  card,  they  were  told  to  keep  it  until  school  re-opened, 
when,  if  the  had  kept  their  promise,  they  were  to  return  the  card  to  the 
priest  ;  if  not,  they  were  to  retain  it  as  a  reminder  of  their  broken  prom- 
ise. The  plan  worked  out  most  successfuUy.  Did  you  ever  notice  how 
few  cliildron  continue  after  their  school-days  to  make  their  monthly 
Communion,  and  how  few  adults  make  anything  like  an  adéquate 
thanksgiving  after  receiving  the  Holy  Eucharist?  I  honestly  believe 
tliat  it  is  greatly  due  to  the  fact  that  they  were  herded  together  and 
driven  ofT  to  confession  and  Communion,  with  a  priest  or  sister  to  read 
the  thanksgiving  prayers  for  them.  Much  better  résulta  would  hâve 
been  produced  by  talking,  in  season  and  out  of  season,  about  the  im- 
portance of  a  bov's  doing  thèse  three  acts  for  the  sake  of  God,  and  on 
his  own  initiative. 

I  believe  that  if  the  same  energy  and  persévérance  were  adopted,  re- 
sults  equally  good  could  be  obtained  in  the  matter  of  daily  Mass.  But, 
as  I  said  before,  results  will  not  be  obtained  by  an  occasional  talk  on, 
the  matter.  The  priest  must  inculcate  it  at  every  opportunity;  but  he 
must  be  full  of  resources,  so  as  not  to  tire  the  children.  Concrète  ques- 
tions with  regard  to  the  Mass  itself  will  play  an  important  part,  because 
they  arouse  interest.  I  honestly  believe  that  50  per  cent,  of  our  people 
do  not  know  exactly  when  the  Consécration  takes  place.  If  you  doubt 
thLs,  choose  two  men  of  average  intelligence,  and  put  them  on  as  col- 
lectors  :  you  will  find  that  in  most  cases  they  pay  no  attention  to  the  Con- 
sécration bel],  but  continue  their  collecting.  The  children,  then,  hâve 
to  be  pliedwith  ail  kinds  of  concrète  questions:  What  kind  of  vestments 
did  the  priest  wear,  and  why?  What  prayer  was  he  saying  when  he 
bent  ovcr  at  the  foot  of  the  altar?  Why  do  the  people  stand  up  at  the 
(iosfu'i  ?  How  do  you  tell  when  the  priest  is  changing  the  bread  and 
winc?  Wliat  should  you  do?  What  do  you  call  the  changing?  For 
what  does  the  bell  ring  the  last  time?  What  should  you  then  do?  It 
is  really  surprising  how  their  interest  is  arousod  by  such  questions. 

Tn  a  few  pascs,  where  there  were  two  priests  attached  to  a  church,  I 
hâve  known  excellent  results  to  bave  been  obtained  in  the  way  of  inter- 
eatinp  the  children,  by  having  them  supplied  with  a  simple  uniform 
prayer-book.     Thèse  books  were  distributed  at  the  beginning  of  the  Mass 


—  957  — 

and  collected  at  the  end.  Wliile  one  priest  offered  the  Sacrifice,  the 
other  stood  among  the  children,  and  as  the  Mass  went  on,  he  quietly 
told  them  at  what  part  the  célébrant  was,  and  what  he  was  reading.  I 
know  the  Church  forbids  a  priest  to  explain  the  Mass  from  the  pulpit 
while  another  célébrâtes,  but  I  scarcely  think  that  this  would  cover  the 
case  of  the  pastor  telling  the  little  children  where  and  what  to  read  in 
their  prayer-books  as  the  Mass  proceeds.  Then,  afterwards,  at  school, 
when  teaching  catechism,  a  few  ^questions  like  the  following  should  never 
be  neglected  :  What  prayers  did  you  say  this  morning  ?  Is  that  the  best 
morning  prayer?  Why  is  it  the  best?  Who  should  go?  How  many 
were  there  this  morning?  How  many  used  a  prayer-book?  How 
many  the  beads?  How  many  knew  when  the  Consécration  took  place? 
At  the  Consécration,  what  did  you  do?  How  many  just  bowed  their 
heads  without  praying?  How  many  eould  tell  when  the  priest  wag 
going  to  Communion  ?  "What  did  you  do  when  he  was  receiving  ?  Con- 
crète questions  of  this  kind  are  of  the  utmost  importance;  the  child's 
interest  is  aroused;  he  begins  to  unedrstand  and  to  realize  what  would 
be  to  him  something  dry  and  meaningless.  But,  again,  I  repeat  that 
such  questions  should  be  asked  more  than  once  a  year.  The  priest,  or 
the  teacher,  must  be  a  skilful,  untiring  specialist;  he  must  get  the  chil- 
dren to  Mass,  using  as  little  compulsion  and  émulation  as  possible.  I 
believe  he  can  succeed  along  the  lines  indicated,  and  I  am  convinced, 
moreover,  that  when  he  does  succeed  along  such  lines,  he  has  not  only 
taught  the  child,  but  also  the  man,  to  take  advantage  of  the  Great  Daily 
Sacrifice. 


THE  EUCHARISTIC  PROPAGANDA. 

BY 

REV.  FRANCIS   T.   McCARTHY,   S.  J. 


NO  sooner  liad  our  présent  most  fatherly  Holy  Father  mounted  the 
throne  of  the  Fisherman,  than,  divinely  inspired,  he  set  himself,  with 
sustained  energy,  "  instaurare  omnia  in  Christo."  Looking  over  the  acts 
of  his  reign,  one  cannot  fail  to  note  how  many  of  them,  directly  or  in- 
directly,  hâve  référence  to  the  Eucharistie  Sacrifice  and  Sacrament  and 
connected  priesthood.  His  régulation  of  Ecclesiastical  Seminaries:  the 
course  of  studies  to  be  followed  therein;  the  length  of  time  to  be  spent 
in  them  ;  the  care  to  be  had  as  to  the  learning,  piety,  soundness  of  doc- 
trine of  the  Prof  essors;  the  exclusion  of  the  unfit  form  the  ranks  of  the 
Clergy,  regular  and  secular;  ail  intended  to  provide  that  only  the  inno- 
cent of  hands  and  tho  clean  of  heart  go  up  to  the  mountain  of  God,  to 
offer  the  Eucharistie  Sacrifice,  and  distribute  the  Eucharistie  Sacrament. 

Seeing  how  soûls  are  weak,  languishing,  starAàng  for  lack  of  spiritual 


—  958  — 

nourislinient,  lie  bids  them  eat  often,  daily,  of  the  Eucharistie  Banquet, 
in  whieli  Christ,  the  loving  Pélican,  feeds  His  children,  lives  in  them, 
makes  them  live  in  and  hy  Him,  thus  enabling  them  to  overcome  the 
triple  alliance  of  the  world,  the  flesh  and  the  devil,  and  giving  to  them. 
a  pledge  of  glorious  happy  unending  life.     Our  Holy  Father  makes  it 
clear  that  fréquent  Communion  is  not  merely  a  reward  for  being  good, 
but  the  most  efficacious  means  of  becoming  ever  better.     He  removes 
ail  obstacles  that  stand  in  the  way  of  its  use.     He  teaches  that  the  only 
essential  dispositions  therefor  are:  1°  freodom  from  mortal  sin,  and, 
2°  the  earnest  désire  to  please  God  —  to  be  more  closely  united  to  Him, 
and  in    Him  to  find    the  remedy  for    ail  weaknesses  and  defects.     He 
warns  Confessors,  the  only  compétent  judges  in  the  premises,  not  to  keep 
from  even  daily  Communion  those  possessed  of  the  above-named  dispos- 
itions.    To  them  confined  by  illness  for  a  month,  and  without  prospect 
of  soon  being  able  to  visit  the  Church,  he  allows,  before  Communion, 
some  liquid  food.     He    urges  to  fréquent  daily  Communion,  not  only 
children  who,  at  the  âge  of  twelve  or  fourteen,  hâve,  for  the  first  time 
received  that  Sacrament,  but,  reviving  the  législation  of  the   Fourth 
Lateran  and  the  Tridentine  Councils,  also  ail  who  hâve  reached  the  âge 
of  reason  (ordinarily  about  seven),  and,  indeed,  teaches  that  even  for 
those  of  such  tender  years,  there  exists  the  ohligation  of  yearly  confes- 
sion and  Paschal  Communion.     As  they  are  capable  of  mortal  sin,  their 
spiritual  life  is  to  be  nourished  and  strengthened  against  temptation 
ère  the  passions  awake,  and  when  there  is  so  httle  to  impede  the  hollow- 
ing  work  of  the  Holy  Ghost.     The  decree  dated  August,  1910,  recalls  the 
primitive  usage  of  communicating  babes  and  sucklings  under  the  species 
of  wine.     In  conséquence   of  its   législation,  how  many   organizations 
hâve  sprung  into  being,  or  more  energetic  activity  ! 

A\liat  an  impulse  has  been  given  to  Eucharistie  Leagues  for  Priests 
and  People;  to  Eucharistie  Congresses,  such  as  that  one  now  in  session 
—  the  twenty-first  —  whieh  bids  fair  to  outsliine  ail  its  brilliant  prede- 
cessors  ! 

May  I  be  allowed  hère  to  speak  of  another  organization,  a  génération 
old,  but  named  and  approved  only  within  the  past   décade,  viz.   the 

huchanstic  Propaganda  "  ?  Its  name  proclaims  its  aim.  Its  birth- 
place  was  the  hearts  of  a  few  whose  master-passion  is  love  for  the  Sac- 
ramented  Jésus,  to  vyhose  feet  they  strive  to  bring  ail  whom  they  can 
influence;  inducing  them  to  fréquent,  or  daily  Communion,  Sacramental 
when  po.-siblo,  and  spiritual  when  tbo  aciual  Sacramental  is  morally  im- 
possible Its  mcthnds  are  the  establishment  of  centres,  whence  are  dis- 
tnbuted,  1  Blossed  Sacrament  beads  and  materials  for  making  the 
same;  2-  Em-hanst.r-  literature  and  picture«  -  books  for  such  aJ  will 
rend  them,  booklets  for  those  who  will  not  read  books  ;  pictures  and 
pnn  H  to  instruct  touoh  and  persuade  those  disinclined  to  pious  reading. 
Of  thèse  the  follow.ng  distributions  hâve  been  made:  4,000  copies 
rrhH.fly    o  pru-Ht,,  rel.g,ous  and  the  devout  amongst  the  educated  laity) 

15,000  copies  of  the  "  Euclian.stic  Triduum  "  bv  Père  Lintpin    «^    T 
K„Kli.h.l  hy  Falh,.r  Zalucta,  „f  ,ho  sa^e  Society';  wtehattding'o 


—  909  — 

Vincenzo  Cardinal  Vanniitelli,  in  oiir  Iloly  Father's  name,  presiding 
this  Congress,  "  most  faithfully  refiects  the  mind  and  wishes  of  the 
Author  of  the  Sacra  Tridentina  Synodus.  It  hfis  also  distributed  gratis 
.s:)<S,UU()  leaflets  and  pictures  ;  310,000  Blessed  Sacrament  beads  or 
material  for  the  same;  thousands  of  copies  of  the  Fourth  Book  of  the 
Imitation;  736  Adoration  boxes,  bearing  the  legend  "  Could'st  thou  not 
watch  one  hour  with  me,"'  haviug  been  placed  in  churches,  chapels, 
schools,  so  that  adults  and  children  whose  piety  is  not  equal  to  keeping 
the  Holy  fîour,  may  be  brought  to  spend  half,  or  quarter  that  time,  or 
even  five  minutes  in  adoration,  and  thus  tasting  and  seeing  how  sweetly 
the  time  passes  in  company  with  the  Prisoner  of  Love,  they  may  be 
induced  for  longer  and  more  fruitful  periods  to  relieve  this  loneliness 
in  the  Tabernacle,  barder  to  bear,  perhaps,  than  was  that  of  Gethsemani. 
Into  thèse  boxes,  the  visit  ended,  is  dropped  a  card,  on  which  is  marked 
the  time  spent  in  it;  and,  monthly,  the  total  time  of  thèse  visits  is  sent 
to  the  centre  of  the  Eucharistie  Propoganda.  The  largest  monthly  total 
so  far  is  307,721  hours,  few  of  which  would  hâve  been  thus  spent,  were 
it  not  for  this  encouragement  given.  The  rcsults  show  that  just  as 
little  by  little  piety  decays,  so  little  by  little  its  growth  is  fostered. 

The  Eucharistie  Propaganda  has  spent  thousands  of  dollars  in  fur- 
nishing  poor  churches,  chiefiy  with  Chalices,  C'iboriums,  Monstrances, 
Communion-patens,  vestments,  large  and  small  altar  linens;  in  re-plat- 
ing  sacred  vessels,  lining  tabernacles,  etc.  It  has  established  Perpétuai 
Adoration  in  Yermont,  Virginia,  Michigan,  South  Carolina,  Florida, 
together  with  schools  and  chapels  ;  and,  in  the  hcart  of  Asia,  at  Manilla, 
has  erected  a  throne  for  the  Eucharistie  God,  before  which,  night  and 
day,  virginal  hearts  keep  watch  and  ward,  and  "  with  uplifted  hands  and 
voices  "  strive  to  atone  for  the  neglect,  by  so  many,  of  due  adoration. 
Some  of  the  elders  in  this  assembly  may  remember  such  a  shrine  in  an 
ancient  city  of  the  Old  World,  which  was  sacrilegiously  levelled  with  the 
ground  by  a  C'atholic  (  ?)  king,  in  order  to  hâve  ampler  space  for  the 
réception  of  a  Protestant  King,  and  thus  the  home  and  throne  of  the 
Eucliaristic  King  disappeared;  and  the  hoinage  thero  paid  ilim  was 
made  to  cease.  This  impious  dùspossession  was  especially  poignant  to 
them,  who,  in  years  long  gone,  were  wont  to  listen  with  rapt  attention 
to  the  devout  chant  of  the  cloistered  adorers,  and  almost  fancied  Ihat 
the  voice  of  prayer  and  adoration  came  not  from  the  loggia  above,  but 
from  Ileaven  itself.  The  nuns  driven  thence,  sought  elsewhere  a  home 
for  their  God,  wherein  ceaselessly  and  in  the  siiirit  of  atonement  to  adore 
Him.  They  found  it;  and  please  God  will  hold  it  forever  —  thanks  to 
its  being  taken  over  by  the  Eucharistie  Propaganda. 

It  may  be  asked:  Is  this  an  approved  good  work?  In  answer,  Jet  it 
be  said  tliat  it  has  the  approbation  of  His  Eminence  James  Cardinal 
Gibbons;  of  His  Excellency  Mgr  Diomede  Falconio,  Apostolic  Delegate 
to  the  United  States;  of  Ilis  Excellency  Mgr  Donato  Shai-ctli.  Aj)nstolic 
Delegate  to  Canada  ;  of  their  Grâces  of  Montréal,  Québec,  New  York, 
Cincinnati;  of  Bishops  Colton,  of  BufTalo;  I^faas,  of  Covington,  and  of 
other?.  Last  and  best,  by  letter  of  Cardinal  Merrv  del  ^'al.  bearing 
date  of  Mav  -Ith,  of  this  year,  wa^  received  the  foUowing:  ''  Ilis  Iloliness 


—  960  — 

cordially  be^tows  His  Apostolic  Blessing  on  ail  ttie  Members  of  the 
Eucharistie  Propaganda,  vvith  the  hope  that  it  may  be  to  ail  a  source  of 
great  consolation."' 

Wherefore,  tlie  Eucharistie  Propaganda  joyfully  joins  in  the  chorus 
o£  praise  that  will  resound  from  pôle  to  pôle:  "  Laudetur  in  aeternum 
Sanciissimuin  Sacranientum  ■"  !  Let  this  be  not  only  our  voice  of 
praiso,  but  our  battle-cry,  even  as  "  God  wills  it  "  was  that  of  the  Cru- 
sa<lor.  Those  who  opposèd  Jésus  when  in  the  flesh,  relentlessly  persecut- 
ed  and  liounded  llim  to  death,  still  live  in  the  inheritors  of  their  anti- 
Christian  spirit.  They  war  on  His  Mystic  Body,  the  Churoh,  and  on 
His  Eucharistie  Body,  too,  as  many  sacriligous  outrages  bear  witness. 
The  modem  PhariscHi  and  his  Masonic  sects  band  together  to  conspire 
against  Him  and  attack,  now  openly,  now  covertly  ;  but  their  union  does 
not  resuit  in  unity,  sinœ  hâte,  which  animâtes  them,  disrupts  and  dis- 
integrates.  To  their  dividing  hâte  we  oppose  unifying  love  —  received 
ihrough  the  fréquent  eating  of  the  Divine  Banquet,  called  by  St.  Aug- 
ustin, "  Signum  unitatis,  Sacramentum  pietatis,  vinculum  caritatis." 
That  we  shall  conquer,  \ve  hâve  the  Divine  assurance  :  "  I  hâve  con- 
quered  the  world,  and  I  shall  give  to  you  to  conquer  it,"  and  it  will  be 
by  unity  through  charity.  Thus  pérorâtes  Lacordaire,  the  honor  of  the 
Dominican  Order  and  the  glory  of  the  Christian  pulpit:"In  an  oasis  in 
an  Arabian  désert  a  lamb  grazed.  A  lion,  impelled  by  hunger,  came  up 
out  of  the  désert.  He  saw  the  defenceless  animal,  and  was  about  to 
àpring  upon  and  devour  it;  when  lo  !  another  lion  impelled  by  a  like 
hunger  appears.  The  lions  glare  at  one  another,  measure  one  another, 
rend  one  another,  whilst  the  lamb  continues  to  graze  in  safety.  The 
Uons  are  the  world,  the  lamb  is  the  Church.  The  world  is  divided,  the 
Ihurch  is  One." 


PARTICIPATION  OF  THE  FAITHFUL  IN 
LITURGICAL  SINGING. 

BY 
DUDLY  BAXTER,  B.  A. 


JNFORTUNA'J'ELY,  at  the  previous  Eucharistie  Congress  little 
attention  seems  to  hâve  been  paid  to  the  very  important  question  of  con- 
gregational  singing  at  Mass;  yet,  there  ean  be  slight  doubt  that  its  sol- 
ution in  a  practical  affirmative  would  produce  results  of  inestimable 
raluc  to  the  inmost  eoul  of  Eucharistie  dévotion. 

Moreover,  this  great  reform  is  now  advocated  by  the  Sovereign  Pon- 
tifF  himself,  and  bas  already  beon  started  in  several  places,  with  effects 
that  augur  well  for  the  future.  TJnhappily,  except  in  faithful  Brittany, 
or  througlioiit  the  romantic  lîhineland,  it  still  seems  quite  the  excep- 


—  961  — 

tion  for  an  average  congrégation  ever  to  utter  a  word  at  Holy  Mass  — 

that  jewel  which  is  the  centre  of  ail  our  Jcvotional  treasurv,  but  whieli 
is  now,  on  the  part  of  us  laity,  usually  a  silent  worsliip,  dcvoid  of  its 
proper  joyful  expressions. 

This  is  surely  a  very  grievous  abuse,  much  aggravated  since  that  dis- 
astrous  sixteenth  century,  which  has  produced  lamentable  conséquences; 
indeed,  this  repression  of  a  natural  instinct,  with  its  attendant  oppor- 
tunities  for  various  distractions,  may  partly  account  for  the  widespread 
neglect  of  Sunday  Mass,  especially  by  men  in  the  romance  countries,  such 
as  France  or  Italy.  The  practical  substitution  of  prayer  for  praise  is 
more  suitable  for  women,  and  unless  the  music  be  verv^  ornate,  only 
attracts  those  devout  by  nature;  many  in  reality  enjoy  Bénédiction  more 
than  Mass,  because  they  can  sing  sometimes.  The  Holy-day  of  obligation 
often  becomes  a  perfunctory  méditation,  and  is  fulfilled  by  a  low  mass; 
occasionally  in  large  towns,  the  modem  innovation  so  cruel  to  our  pa- 
tient priests,  of  a  midday  obligation. 

In  fact,  the  principle  offering  of  the  Eucharistie  Sacrifice  on  Sundays 
or  Holy-days  has  largely  developed  into  a  "  choral  performance,"'  a  sac- 
red  concert,  at  which  the  people  are  only  listeners  or  speetators.  while 
an  oligarchical  choir  monopolizes  everything.  Moreover,  although  the 
rubric  orders  Mass  to  be  said  so  that  those  around  can  hear  ail,  except 
the  "  secret  "  portion  (which  should  be  pronounnced  so  that  the  célé- 
brant alone  can  hear  it),  it  is  nowadays  often  almost  inaudible  ;  and  we 
may  be  said  to  see  Low  Mass;  or  silently  hear  Missa  Solemnis!  Happily, 
the  days  of  a  very  "  mixed  "'  organ-gallery,  with  its  fréquent  indecorum 
and  semi-operatic  solos,  or  the  inclusion  of  hired  Protestant  vocalists, 
hâve  nearly  ended:  but,  after  the  choir?  hâve  been  thorougldy  reformed, 
will  come  the  people"s  part,  as  already  heralded  by  Eome  itself. 

\Vlien  Pope  Plus  X.,  just  before  the  thirteenth  centenary  of  his  mus- 
ical predecessor,  St.  Gregory  the  Great,  and  upon  the  appropriate  feast 
of  St.  Cecilia,  in  the  very  first  year  of  his  Pontificate  (1903),  published 
that  immortal  Motu  Proprio  on  sacred  music,  we  could  not  fail  to  dis- 
cern  its  inspiration  from  on  high. 

In  his  prefatory  letter  to  the  Cardinal-A'ioar  of  Kome,  Ilis  Holiness 
specially  enjoined  a  reform  in  the  Italian  abuse  of  "  Concert  "  Vespers, 
whereby  meritricious  prolonged  rendering  of  the  psalnis  had  rcplaced 
"the  pious  chanting  of  the  clerg}',  in  which  the  faithi'ul  too  could  take 
part.'"'  This  passage  alone  plainly  shows  that  Our  Holy  Father  wishes 
the  laity  to  join  in  singing  the  ])lain-chant  as  of  old  at  Vespci-s  ;  the 
same  remark  would,  of  course,  apply  to  Compline,  which  is  more  suitable 
for  an  evening  service,  and  more  easily  learned  by  any  congrégation,  as 
it  changes  little  throughout  the  year.  On  the  Furopcan  Continent,  Ves- 
pers are  sung  in  the  afternoon  :  but,  excepting  the  choir  and  sometimes 
the  school  children,  comparatively  few  either  attend  or  take  any  verbal 
part  at  présent.  The  people  should  also  sing  tlie  hymns.  tlie  Magnificat 
or  N'unc  Dimittis,  etc.,  in  pari.<h  clnirches. 

The  Motu  Proprio  itself  contains  the  followinsr  momontons  passatro. 
the  importance  of  which  cannot  bo  cxaggerated  :  ""'especially  should  this 
chant  be  restorod  to  the  use  ol'  the  peopk-,  so  that  they  mav  take  a  more 
31 


—  962  — 

active  nart  in  the  services,  as  they  did  in  former  times."'  Nothing  could 
be  more  emphatic  or  more  encouragincr  tlian  thèse  pregnant  words  of 
the  Pope  himself  :  for,  when  the  pLiin-song  has  been  widely  restored,  we 
may  anticipate  a  more  further  reformation  as  regards  its  proper  parti- 
cipants. 

Moreover,  His  Holiness  concluded  by  providing  the  due  means  for  thie 
désirable  consummation,  as  regards  parish  churches  ,  by  the  following 
admirable  directions.  "  Care  must  be  taken  to  restore,  at  least  in  con- 
nection with  the  more  important  churches,  the  ancient  school-choirs, 
which  hâve  already  been  introduced  again  with  very  good  results  in 
many  places.  Indeed,  it  would  not  be  difficult  for  zealous  priests  to 
establish  such  school-choirs,  even  in  small  parishes,  and  in  the  country, 
and  they  would  form  an  easy  means  of  gathering  together  both  children 
and  grown-up  people,  to  their  own  profit,  and  édification  of  ail  the  par- 
ish.'"' The  decree  also  advocates  a  restoration  of  classical  nuisic  or  poly- 
phony  in  our  principal  churches,  during  the  Liturgy,  as  so  admirably 
rendered  at  Westminster  Cathedra. 

Now,  hère,  we  hâve  a  gênerai  scheme  enjoined  bv  our  Sovereign  Pon- 
tifF,  as  his  instruction  "  Moiu  Proprio  et  ex  certa  scie^itia,"  and  his 
désire  "  uith  ail  the  authority  of  Our  Apostolic  Office  that  it  hâve  the 
force  of  law  as  a  canonical  code  concerning  sacred  music,  and  we  impose 
upon  ail  by  Our  own  signature  the  duty  of  most  exact  obédience  to  it." 

Painful  to  relate,  the  decree's  injunctions  are  nevertheless  still  often 
disobeyed  and  its  advice  iguored;  unapproved  musie,  omission  of  the 
proper,  mixed  choirs,  and- such  are  not  yet  entirely  banished,  Indeed, 
our  benevolent  Pontiff  has  since  been  persuaded  bv  American  Catholics 
to  tolerate  tlie  admission  of  women  in  small  choirs,  provided  that  they 
be  separatod  from  the  maie  singers;  yet  even  this  stipulation  is  not  al- 
ways  obeyed,  and  moreover  is  strained  to  include  quite  large  churches. 

Catholic  newspapers  are  sometimes  filled  with  acrimonious  diseussions 
about  the  composition  of  choirs,  frec|uently  seeking  to  élude  obédience  to 
tiie  Papal  mandate  and  episcopal  injunctions;  seldom  is  any  mention 
raade  of  the  true  solution  of  this  difficulty  concerning  female  voices,  and 
that  is,  congregational  singing  at  Mass.  Insufficient  practical  atten- 
tion has  so  far  been  paid  to  the  Pope's  unsurpassable  suggestion  about 
parochial  choir-srhoolsj  perhaps  it  would  be  wcU  if  an  universal  Assoc- 
iation were  founded  for  this  crucial  object,  as  co-operation  is  evidently 
advisable.  In  England,  the  excellent  society  of  St.  Cecilia  has,  for  years 
past,  worked  thus  in  the  Catholic  missions  of  Birmingham  diocèse,  hold- 
ing periodical  practices  before  or  after  the  evening  service  with  each 
congrégation. 

However,  there  has  been  a  world-wide  reform  of  liturgical  music,  and 
the  rcsult  will  r-ome  in  time  —  festina  lente!,  Already,  in  some  coun- 
trios,  congregational  singing  is  being  introduced  upon  an  organizcd 
scale,  and  everywhere  its  extension  to  the  Mass  itself  is  sur  le  tapis.  In 
Bf-lginni,  the  Cardinal  Primate  is  an  ardent  supporter  of  this  reform; 
vhile  in  Italy  tho  new  society  of  St.  Cecilia  is  working  important  pro- 
gress  under  the  influential  aegis  of  Cardinal  Pampolla. 

When  Hi.s  Rmincnce  consented  to  be  its  "  Protector  in  Curia,"  he  re- 


—  963  — 

affirmed  the  Pope's  express  désire  for  a  universal  restoration  of  cougre- 
gational  singing,  and  also  enjoined  a  careful  study  of  the  best  means  for 
promoting  an  active  participation  of  the  faithful  by  their  chanting  the 
liturgical  responses  at  Mass,  the  psalnis  at  A^espers,  etc. 

Moreover,  quite  recently,  after  this  central  meeting,  members  of  tliis 
Socety  were  received  in  audience  by  Pope  Pins  X.  who  thanked  them 
for  the  consolation  they  had  given  him  by  their  propagation  of  his 
2Iotu  Proprio.  His  Holiness  alluded  with  confidence  to  the  hopeful 
certainty  that  "  obédience  will  be  rendered  to  the  exhortations,  councils, 
and  prayers  of  the  Pope  "  concerning  révèrent  music,  especially  the 
Church's  traditîonal  chant. 

Above  ail,  our  Holy  Father  described  to  them  how  in  the  province  of 
Venetia  the  people  themselves  take  part  in  the  singing  of  Yespers  and 
of  "  the  fixed  parts  of  the  Mass  ;"  His  Holiness  nrired  those  présent  to 
do  ail  they  could  to  promote  thie  "  excellent  praetice  "  in  the  churches 
of  Eome,  once  again  the  highest  commendation  of  this  papers  object. 

Now,  it  is  to  our  Bishops  and  priests  that  any  practical  initiative  in 
this  niatter  properly  belongs,  as  well  as  the  prime  responsibility  for 
obédience  for  the  Papal  decree.  Xaturally,  as  they  are  otherwise  occu- 
pied  at  the  altar,  clerics  do  not  often  realize  how  ail  this  aft'ects  the  laity, 
nor  do  they  appear  to  perceive  the  great  opportunities  for  stimulating 
dévotion  in  this  désirable  reform. 

In  the  first  place,  it  would  be  a  great  help  if  congrégations  were  re- 
quested  to  adopt  the  proper  attitude  at  ail  sung  Masses;  printed  explaii- 
atory  leaflets  could  be  obtained  for  distribution  in  church.  When  the 
surpliced  choir  and  the  clergy  enter,  everybody  should  stand  instead  of 
kneel,  as  is  at  présent  customary;  they  should  also  stand  while  the  célé- 
brant recites  the  Introït,  J\i/rie,  Gloria  in  E.rcclsi<i.  the  Coilectf!  (oxcopt 
in  Advent  or  Lent),  Gospel,  Creed,  Offertory,  at  their  Incensation,  dur- 
ing  the  Responses,  and  throughout  the  Préface,  the  Postcommunion 
prayers,  and  return  procession  to  the  sacristy. 

In  fact,  the  laity  should  adopt  much  the  saine  postures  as  a  chancel 
choir,  and  altliough  this  is  usually  done  at  Yespers,  for  some  occult 
reason  it  is  not  the  rule  at  Mass;  moreover,  we  generally  sit  down  when 
feeblv  singing  hynms,  and  while  on  the  Continent  people  often  rcniaiii 
seated  even  during  the  Creed  and  until  the  pre-Consecration  bell.  For- 
tunately,  our  new  Metropolical  Cathedra!  of  Westminster  lias  from  the 
first  set  an  admirable  example  in  this  respect;  it  is  of  real  importance, 
as  the  Congrégation  are  thus  led  to  follow  the  Mass  in  a  liturgical 
spirit,  and  't  will  pave  the  way  for  their  further  development  into  using 
voices  too. 

Secondlv,  a  commencement  towards  the  latter  flesiderntnm  might  be 
madc  bv  training  the  faithful  to  sing  the  Xicene  Creed  to  the  old  Greg- 
orian  chant.  It  is  said  that  the  Pope  himself  was  greatly  impressed  by 
the  French  Pilgrims'  rendering  of  it  en  masse  in  St.  Peter'?,  at  tlie 
béatification  of  their  wondrons  Afaid.  The  people  shonld  be  also  rc- 
fiuested  to  join  in  rendering  the  Amens  and  the  varions  responses.  which 
wonld  auginent  their  zeal  :  how  grand  to  hear  the  Snrsiim  Corda  an- 
swered  bv  the  whole  congrégation  standing,  instead  of  their  sitting  down 
apparently  in  mute  oblivion.  evcii  dnring  the  angelic  Pn'ta<('  of  praisc. 


—  964  — 

Thus,  by  degrees,  the  laity  luight  eventuallv  be  trained  to  sing  the 
entire  ''  Corninon  "  of  the  Mass,  the  Kyrie,  Gloria  in  excelsis,  Credo, 
Sanctus,  and  Agnus  Dei;  moauwhile,  the  choir  alone  would  still  chant 
or  monotone  its  variable  "  Proper,"'  viz.  the  Introit,  Tract  and  Graduai, 
Offertory  and  Communion,  as  well  as  some  approved  motet.  No  doubt, 
at  tirst,  it  would  often  be  difficult  to  make  people  sino-  and  some  lay- 
folks  even  seem  to  imagine  that  it  is  wrong  for  them  to  use  their  voices 
at  Ma^s  ;  as  Pius  X.  states,  '*  liturgical  singing  belongs  properly  to  a 
choir  ol"  clerics,"'  but,  of  course,  this  is  an  impossibility  nowadays,  except 
in  cathedral,  oollegiate,  or  eonventual  churches. 

If  the  children  were  taught  to  chant  the  "Common"  iu  church,  led 
by  the  choir,  by  degrees  raany  adults  would  begin  to  sing  too;  in  fact, 
there  need  not  then  by  any  choir  at  ail  in  small  churches.  Moreover, 
when  thèse  children  themselves  grow  up,  they  would  be  able  to  continue 
the  cuîïtom,  and  thus  ail  difliculty  would  hâve  vanished.  Once  again, 
it  is  an  enlarged  choral-school  that  must  be  started,  with  iveekly  par- 
ocliial  practices;  already,  in  Belgium,  the  children  are  beginning  to  be 
thus  happily  employed  at  Mass. 

Some  niay  object  that  music  would  become  monotonous  ;  but  there  are 
several  plain-chant,  or  approved  "  Masses,"  and  let  them  only  hear 
(once)  an  entire  congrégation  thus  sing  to  Grod;  their  objections  would 
soon  be  exchanged  for  enthusiastic  admiration.  This,  indeed,  is  true 
wor>;hip  fully  developed,  and  its  efîect  is  soul-stirring,  with  an  innate 
inspiring  power  of  increasing  popular  dévotion.  JSTot  long  ago  a  cele- 
lirated  Englisl)  couvert  described  sueh  a  Mass  sung,  probably  by  Bre- 
tons, outside  the  grotto  at  Lourdes,  during  the  national  pilgrimage,  in 
ternis  of  glowing  admiration.  The  writer  could  never  forset  the  ]'eni 
Creator,  or  the  Te  Deum,  led  by  Pope  Léo  XIII.  in  St.  Peter's  itself, 
and  chanted  by  the  assembled  thousands  at  a  canonization,  with  Pent- 
ecostal  effet  :  or  an  Eastern  morn  at  Notre-Dame,  when  the  late  Cardinal 
Arfhbisliop  of  Paris  passed  ro'.md  in  procession  before  the  High  Mass, 
witli  choir  and  congrégation  alternately  singing  the  stately  "  0  Filii  et 
filiae,"  accompanied  by  the  great  organ,  and  the  jov-l)el]s  gaily  pealing. 

Throughout  most  Catholic  parts  of  Germany,  the  singing  of  hymns 
during  a  Low  Mass  is  almost  uni  versai,  and  this  brings  us  to  another 
alternative  for  parish  cliun;hes.  'Jlie  Moîu  Pronrio  expressly  forbids 
any  usage  of  the  vernacukr  at  High  Mass,  or  any  translated  version  of 
the  liturgy  at  a  Missa  Solemnis;  therefore  in  order  to  obviate  the  Latin 
hindranco.  this  *'  IVoplo's  Mass"  might  well  1)o  introducod  more  widely 
in  r)thfr  Jamls. 

The  chorals  or  hymns  should  be  clioson  appropriately,  and  perhaps 
nothing  conid  be  more  suitablc  for  small  Missions,  especially  in  a  Prot- 
estant eountry.  non-Catholics  cannot  understand  our  silent  worship  on 
Snnday  mornings,  nor  dors  it  attract  them  much,  while  couverts  often 
lament  their  inability  to  sing  at  Mass.  The  fervour  of  Catholic  Ger- 
many, as  compared  witli  the  appalling  state  of  Franco,  is  stron$r  évidence 
jn  favour  of  this  "  Poople's  Mass:'"  it  is  now  bcing  organized  through- 
out tlie  dif)ce.^es  of  Stra«biirg  and  Metz,  while  another  German  custom 
of  Bometimea  .«inging  chorals  during  Missa  Cantata  is  being  exchanged 


—  965  — 

for  the  Latin.  In  Germany,  too,  on  week-days,  the  cliildren  sing  hymns, 
accompanied  by  the  organ,  at  their  "  School-Mass."  This  must  make 
the  little  ones  much  enjoy  their  morning  dévotion,  and  might  also  be 
further  adapted  in  other  countries.  The  writer  recalls  with  émotion 
one  Easter  day  at  Cologne  Cathedra!,  when  that  most  beautiful  ot'  Gothic 
fanes  was  erowded,  mainly  by  men,  and  filled  with  their  deep  vigorous 
melody,  the  Allehiias  of  their  Paschal  horals  producing,  indeed,  sublime 
effect. 

Yet  another  aspect  of  this  question  is  afforded  by  oiir  présent  lad-  of 
praise.  The  complète  Divine  Office  lias  become  a  clérical  monopoly; 
Vespers  or  Compline  are  too  often  but  a  choral  pdeformance;  even  our 
private  dévotions  are  now  mainly  adoration,  or  intercession.  At  Holy 
Mass  itself,  designated  in  the  very  Canon  "  Sacrificium  Laudis  '"  HOW 
FEW  PEAISE  GOD!  this  is  not  natural,  it  is  not  really  Catholic,  but 
an  abuse  dating  from  debased  daj's,  when  faith  was  décadent. 

Just  as  false  scruples  had  arisen  broadcast  concerning  fréquent  Com- 
munion, so  has  an  erroneous  custom  dc^privcd  us,  laity,  from  taking  our 
due  part  at  the  Festal  Sacrificial  Oblation.  This  suppression  of  the  nat- 
ural séquence  to  real  faith  mav  account  for  much  apathy  in  catliolic 
lands,  as  well  as  for  our  comparatively  slow  advance  among  the  Anglo- 
Saxon  race.  We  must  hope  that  practical  injunctions  will  soon  be  issued 
in  many  more  diocèses,  and  it  is  for  our  spiritual  rules  to  décide  which 
method  be  adopted,  a  congregational  Missa  Caniata,  or  a  People's  Mass. 

Then,  Eucharistie  dévotion  Avill  again  becomo  a  more  rational  joy.  a 
less  méditative  homage;  then,  stimulated  by  greater  personal  zeal,  we 
shall  hâve  the  tme  music  of  worship,  instead  of  the  prévalent  worship 
of  music.  A  mighty  force  lies  dormant  hère,  only  awaiting  utilization, 
the  key  that  may  unlock  our  Petrine  threshold,  for  thousands  groping 
Romewards  —  fiât! 

From  the  î^ew  Testament,  we  know  that  Christ  Himself  sung  hymns 
with  His  disciples.  In  Apostolic  days,  the  Holy  Mysteries  were  celeb- 
rated  amid  "  psalm  and  hyms.  and  spiritual  canticles,''  while  the  faith- 
ful  sang  and  made  melody  in  their  hearts  to  tlie  Lord.  During  the  âges 
of  Faith,  ail  joined  in  this  plain-song  now  being  restored  by  Eome  for 
this  very  purpose  ;  moreover,  it  requires  a  volume  of  sound,  or  else  be- 
comes  too  suggestive  of  a  Requiem! 

Until  doubt  or  division  played  their  respective  liavoc,  ail  Catholics,  to 
wliom  God  had  given  voices,  knew  the  joy  of  singing  to  Him,  instead  of 
only  listening  to  a  choral  exhibition.  A  lively  faith,  an  excellent  hope, 
wants  to  rejoice  always  ;  a  grateful  "  charity  "  longs  to  chant  its  lovc^  for 
h  bon  Dieu,  Who  is  Love.  Sursum  Corda!  fov  it  is  a  foretaste  of  Heav- 
en  itself;  gratias  agomus!  and  we  shall  sing  its  hallowed  response:  thus 
would  the  Catholic  laity  take  their  legitimate  place,  as  of  old,  in  the 
sacred  song  of  Holy  Mother  Church  in  every  land. 

The  angust  PontifT,  (who  may  be  entilled  "  Tlic  Pope  of  tbe  Holy 
Eucharist,"'  after  his  immortal  decrees  on  Daily  Communion.^  lias,  in- 
deed, by  his  Motu  Provrio  inaugurated  a  reform  that  is  probably  de- 
stined  to  be  this  twentieth  ccntury's  great  gift  to  the  Catholic  world. 
Reip^igorated  and  refreshed  thereby.  our  vénérable  Sancta  Mater  Ec- 


—  9GG  — 

clesia  will  regain  niudi  slie  lias  lost  iu  the  Old  World,  and  make  further 
aiiiazing  conquest  in  the  New.  Once  again,  shall  Catholics  more  fully 
realize  the  true  expressive  joy  of  liturgical  worship,  of  which  they  alone 
know  the  Eucliaristic  inner  shrine,  —  "  Go,  ye,  into  His  gâtes  with, 
praise,  and  into  llis  courts  with  hjinns,  and  give  Glory  to  Him;  praise 
ve  His  Name,  for  the  Lord  is  sweet."     Alléluia  ! 


PRIESTS  MEETINGS. 


Thursday,  September  8th,  the  Legate  attended  the  first  meeting  of 
priests  at  the  Sacred  Heart  Couvent  and  delivered  au  éloquent  address 
in  Latin  as  follows  : 

'■  The  pleasure  we  hâve  derived  from  the  Montréal  Congress  has  been 
adtled  to  by  the  large  numbers  in  which  you  liave  gathered,  and  has 
induced  us  to  address  you  at  this  gênerai  meeting  iu  this  place  that  has 
been  assigned  to  you. 

We  hâve  been  delighted  with  your  emulous  piety,  which  has  been  con- 
spicuous  in  your  faces  ;  we  hâve  been  refreshed  by  your  remarkable  dévo- 
tion to  tlie  AiK)stolic  See,  which  has  led  you  to  welcome  us  so  courteouly. 
Xor  is  youi'  courtesy  less  pleasing  to  us  because  you  were  looking,  not 
to  our  individual  person,  but  to  him  whom  we  represent  at  this  Congress. 
For  what  could  be  more  ])leasing  to  us  than  évidence  of  readiness  to  obey 
the  Pontitr,  especially  as  it  tends  to  the  honor  of  God,  our  Préserver. 
What  could  we  wish  more  fervently  than  to  be  able  to  carry  back  to  the 
Vicar  of  Christ  assurance  of  the  affection  you  bear  him,  of  the  enthus- 
iasin  wliich  you  havo  manifested  in  this  JEucharistic  Congress,  of  the 
fruits  you  hâve  deri\ed  from  it,  and  of  the  bright  hopes  for  the  future 
whioli  your  zeal  has  aroused. 

Had  wo  not  been  thoroughly  acquainted  with  your  piety,  we  should 
probal)ly  hâve  shown  at  sonie  length  that  priests  can  maintain  the  Chris- 
tian standard  of  humanity  through  the  cuit  of  the  Eucharistie  by  noth- 
ing  more  effectively  than  by  having  inscribed  in  their  mind  the  great- 
ncss  and  sanclify  of  their  office.  Nevertheless,  because  even  religions 
Jiearts  cannot  but  be  defiled  by  earthly  dust,  let  us  record  it  in  our  minds 
on  this  occasion  that  of  ail  the  gifts  of  which  we  are  sharers  and  assistera 
the  most  august  is  that  by  which  we  make  and  distribute  the  mystery 
of  the  P>ody  and  l'.lood  of  Christ.  And  so,  to  use  the  words  of  Gregory 
the  Great:  —  "  Let  us  weigli  our  undertaking,  let  us  weigh  the  burdeâ 
we  hâve  aasumed."  The  i?sue  is  the  life  of  the  world,  for  which  the 
Flesh  of  Christ  was  given,  to  be  handled  by  our  hands;  the  issue  is  the 

•■  ' ■>'»  «'J'ich  is,  as  it  were,  the  life  of  the  Church  to  which  the  fulness 

'.f  the  saceivlotal  grâce  by  varions  grades  of  orders  is  directed,  the 


—  967  — 

issue  is  the  true  and  wonderfu],  though  bloodless,  institution  of  the  sacri- 
fice once  offered  b}-  Clirist,  of  \vhich  the  infinité  virtue,  expiatory  or  im- 
pctrative.  He  has  wished  to  be  permanent  in  the  Holy  Eucharist.  With 
what  faith,  therefore,  and  révérence  we  should  approach  Him  whose 
Person  we  wear  in  the  célébration  of  the  Holy  Hystéries,  that  we  may 
look  forward  to  our  salvation;  how  carefully  and  gravely  should  we  per- 
form  those  sacred  rites,  lest  perchance  we  be  a  stumbling  block,  rather 
than  a  help,  to  the  piety  of  our  flock. 

If  the  life  of  Je«us  bo  manifested  in  us,  drawn  from  that  fire  which 
Jesu5  came  to  send  to  earth,  that  is,  from  the  Eucharist,  by  which,  as 
John  Chrysostom  says.  the  mouth  is  freshened  by  spiritual  fire,  then 
strength  will  l)e  so  supplied  to  carry  forward  the  dévotion  to  the  Blessed 
Sacrament  in  the  manner  so  strongly  recommended  by  the  Suprême 
Ruler  of  the  Church,  Pius  X. 

That  manner  is  twofold,  and  both  especially  connected  with  priestly 
action  :  the  one  depending  on  Eucharistie  preaching,  and  the  other  on  fré- 
quent participation  in  the  heavenly  banquet.  You  are,  of  course,  aware, 
vénérable  priests,  that  the  great  battle  fought  from  the  bogiiming  in 
heaven  in  conséquence  of  the  envy  of  the  rebellions  angels  against  man 
whose  nature  the  Word  was  to  assume,  was  renewed  long  ago  ;  nor  will  it 
ever  cease  while  Ile  Himself  will  remain  on  the  earth,  hidden  in  the 
mystic  bread.  Against  this  sign  "the  hosts  of  hell  bent  their  bow  to 
wound  secretly  with  arrows  the  Immaculate."  Thence  sprang  that  an- 
cient  stain  of  polytheism,  that  is  the  kingdom  of  Satan  ;  and  for  Christ 
warring  this  down  the  Cross  was  made  heavy.  Then  the  madness  of  the 
nations  was  poured  forth  in  bloodshed,  and  the  bosom  of  the  Church 
was  rent  by  monstruous  errors,  and  thero  were  horrible  révolutions, 
and  insatiable  hatred  against  the  name  of  Christ,  and  unspeakable  sacri- 
lèges were  stirred  up  in  murky  meeting  places  against  the  most  Holy 
Host.  "WTio  of  us  in  the  midst  of  this  power  of  darkness  would  not 
bring  some  light,  mindful  of  the  words  of  our  Lord:  '•' Ye  are  the  light 
of  the  world."  Therefore  by  peu  and  action,  and  in  your  meetings,  let 
it  be  your  spécial  purpose  to  explore  thoroughly  the  designs  of  the  im- 
pious,  and  to  awake  faith  and  piety  to  the  glors-  by  vindicating  and  bring- 
ing  forward  the  cuit  of  the  Eucharist,  and  by  persuading  men  that  the 
hisfliest  intcrests  both  of  religion  and  humanitv  dépend  on  this  centre 
of  life. 

N'ow,  Christ  will  reign  among  us  if  there  be  increased  the  number  of 
those  who.  froed  from  gross  sin  and  witb  a  right  purpose  of  will,  partake 
of  Him,  by  frequency  of  communion.  Wherefore,  as  each  and  everv 
man  is  poor  in  counsel,  weak  in  strength,  exposed  to  périls,  liable  to  fail- 
ings,  let  there  be  exhortation  to  seek  refuge  in  Him  Who  is  the  perennial 
fount  of  light,  fortitude,  constaney  and  holiness.  It  must  never  be 
heard  among  you  that  thèse  very  fertile  veins  of  salvntion  are  intercepled 
for  the  faithful  by  your  carelessness,  and  more  especially  not  for  thoso 
little  children  reaching  the  âge  of  discrétion  who,  amid  the  insidious 
temptations  of  that  pcriod,  lack  that  mystic  aid  to  an  innocent  life.  T.ct 
your  charity  be  extende:!  to  the  tears  of  ])enitents  and  cure  their  wounds; 
let  air  not  be  lacking,  lest  you  be  fit  subjects  for  the  roproach  of  Jere- 


—  96S  — 

miah.  as  lie  gazed  at  the  opcn  scars  of  tlie  daughters  of  Zion  :  "  Is  there 
no  baliu  in  Gilead,  and  is  there  no  pliysician  ?  "  In  short,  let  ail  your 
earnestness  be  devoted  to  this  aim,  that,  both  for  yoimg  and  mature, 
there  be  revival  fréquent  resort  to  the  Eucharist,  and,  as  it  were,  a  new 
arniy  be  formed,  the  stronger  for  fighting  the  battles  of  the  Lord  for 
being  eonjoined  to  Him. 

Be  it  sufficient  to  hâve  touched  at  this  subject,  lest  perchance  my  add- 
ress  grow  tedious  to  those  wlio  know.  Now,  to  one  who  will  soon  be 
sayiug  farewell,  you  must  graut  the  indulgence,  vénérable  priests,  of 
deelaring  what  the  Church  expects  from  your  ardent  studies.  Worthily 
sustaining  the  honor  of  the  priesthood  received  from  Him  who  said  : 
"  My  tiesli  is  for  the  life  of  the  world,"'  by  your  example,  conversation, 
and  actions  you  must  bring  it  about  that  the  life  of  Jésus  be  manifested 
among  ail,  and  the  words  of  the  Master  Himself  be  approved  :  "  He  that 
eateth  Me  liveth  becanse  of  Me."  It  will  be  l)y  your  endeavors  that  will 
corne  the  brightest  évidence  of  the  benetits  derived  from  the  Eucharistie 
Congress  in  Montréal.  Carrying  about  with  you  the  fervor  inspired  by 
the  congress,  you  Avill  renew  the  face  of  the  earth.  Fostering  and  ^Ulett- 
ing  tbc  enthusiasm  of  the  people  for  this  admirable  pledge  of  love,  you 
will  merit  the  praise  of  Ijeing  called  the  apostles  of  the  Eucharist. 
Through  you  tliese  prospérons  régions  of  America,  flourishing  to  the 
great  hope  of  the  Church,  will  be  a  testimony  to  the  remainder  of  the 
nations  that  the  nation  is  safe  that  honors  God,  a  nation  whicli  citizens 
and  strangers  will  admire,  saying  :  "  How  beautiful  are  thy  tabernacles, 
0  Jacob,  and  thy  tents,  0  Israël."  The  Lord  hath  done  it,  and  may 
He  prosper  you  in  your  holy  purpose,  make  you  more  eager  day  by  day, 
and  let  His  fullest  blessings  follow  vou."' 


THE  HOLY  HOUR. 
MANNER  OF  MAKING  IT  ATTRACTIVE. 

REVEREND  JAMES  COYLE. 


TO  keep  alive  an  ever  active  interest  in  the  dévotion  of  the  Holy  Hour 
is  a  probleni  to  every  priest  charged  with  the  care  of  soûls.  In'practi- 
cally  every  instance,  its  establishment  in  a  parish  was  greeted  by  throngs 
of  adorers,  and  men  and  wonien,  from  every  walk  of  life,  participated 
in  the  exercises,  with  results  that  gladdened  and  consoled  innumerable 
prustlv  hearts.  In  niany  places  crowds  still  watch  the  "One  Hour" 
with  The  Emmanuel;  in  others,  the  hymns  of  praise  lack  volume,  the 
pews  are  mainly  untenanted,  and  the  "  Come  to  Me  "  of  the  Eucharistie 


X  J 


o 

1»      y. 

CD       4- 


•'i     'i 


—  969  — 

Lord  is  unlieard  and  unheeded.  Tliis,  I  dare  assert,  lias  l)een  the  expér- 
ience of  not  a  few  amongst  us. 

Why  the  falling  ofï,  and  is  the  défection  wholly  due  to  apathy  on  the 
part  of  our  parishioners  ?  Personally,  I  believe  the  minimized  attend- 
ance  may  be  directly  traced  to  the  sameness,  lack  of  variety,  in  the  exer- 
cises of  the  Holy  Hour  itself . 

Father  Lercari,  S.  J.,  in  his  "  Mensis  Eueharisticus  "  well  says  :  "  Tôt 
praeparationes,  aspirationes  et  gratiarum  actiones  damiis  quot  singulis 
cujusvis  mensis  diebus  siofficiant,  ut  varietas  ipsa  devotionem  semper 
instauret." 

The  self-made,  unvarying  formula  of  dévotions,  year  in  and  year  out, 
must  eventually  grow  wearisonie,  and  finally  cease  to  convey  anything 
stimulatiug  to  uiind  or  heart  ;  hence  the  lack  of  interest,  the  lessened 
attendance,  and  the  conséquent  discouragement  of  those  to  whom  God's 
honor  is  dearer  than  life.  With  our  glorious  liturgy,  the  limitless  treas- 
ures  at  our  disposai,  the  Holy  Hour  could,  I  feel  sanguine,  be  made 
a  function  to  which  our  peopic  would  look  forward  with  an  intense 
affection.  What  has  been  donc,  is  now  being  done,  and  can  be  repeated, 
if  \ve  but  put  our  hearts  into  the  work,  and  learn  from  the  expérience  of 
others. 

I  was  faniiliarly  acquainted,  some  years  ago,  with  a  dear  old  priest, 
now  in  Heaven  J  trust  —  a  nian  who  had  gi'own  clear-visioned,  through 
countless  hours  passod  beforc  tho  Blessed  Sacrament,  and,  judged  by 
results,  he  certainly  knew  how  to  niake  the  Holy  Hour  attractive.  He 
had  no  empty  pews,  no  listless  adorers,  and  the  years  but  added  to  the 
attendance,  the  enthusiasme.  He  preached  the  Holy  Hour  in  his  school, 
to  his  sodalities  and  confraternities,  as  well  as  from  his  pulpit,  and 
enjoined  the  sisters  in  charge  of  the  little  ones.  to  keep  the  day  and  the 
hour  of  the  dévotion  ever  printed  on  the  blackboards  in  the  class-rooms. 
The  Holy  Hour  was,  to  use  his  own  expression,  the  gênerai  muster  of 
the  parish,  and  the  impossible  only  could  fully  excuse  absentées.  Jésus, 
the  King  of  king;;.  he  announceci,  would  give  public  audience  at  such 
a  time.  and  ail,  who  owed  Him  love  and  fealty,  would  assuredly  be 
présent.  He  was  infinitely  rich,  infinitely  condoscending,  and  disbursed 
His  gift<  Avith  prodigal  bounty.  Xo  one  would  be  ignored,  no  one  ex- 
cluded,  and  no  pétition  unheard.  ''  Come  to  me  ail  you  that  labor  and 
are  heavily  burdened,  and  I  will  refresh  you."  —  "  Ask  and  you  shall 
receive  "  ran  the  King's  proclamation.  While  each,  he  continued,  might 
ask  for  particular  gifts,  spécial  grâces;  ail,  priests  and  people  together, 
would  plead  with  the  gracions  God.  during  the  coming  Holy  Hour,  for 
the  ''sick  and  infirm  "  in  the  parish,  for  those  "in  affliction,"  for  "the 
intemperato,"  for  "  work  and  means,"  for  any  one  of  the  many  inten- 
tions so  familiar  to  members  of  the  Apostleship  of  Frayer.  Thèse  spécial 
intentions  never  failed  to  attract  the  many  whose  heart-crios  the  good 
old  man  was  voicing,  whose  longings  he  was  making  his  own. 

"  Don't  forget  7.30,  Friclay  evening,"  he  would  whisper  to  the  con- 
ductor  on  the  car.",  the  patrolman  on  the  street  corner,  the  merchant  at 
his  desk,  and  those,  thus  addresserl,  smiled  and  remembored. 


—  9:û  — 

In  tho  aiulionce  cliaiuber,  at  tlie  liouv  appointée!,  every  sodality,  con- 
fraternity,  and  society  of  the  parisli  was  in  its  assigned  place,  under  its 
port'ect  or  président,  and  in  l'ullest  nuniber.  Tlie  altar,  even  in  mid- 
winter,  was  radiant  witli  flowers;  wliile  colored  lights  and  candies  in- 
niunerable  paid  silent  tribute  to  the  Divine  Guest.  Froni  the  pulpit 
the  aged  pastor  recited  the  opening  prayer  —  an  act  of  faitli  and  ador- 
ation," and  of  pétition  for  helps  and  grâces  so  needed  by  him  and  his. 
After  a  few  moments  of  silent  prayer,  tlie  strains  of  a  litnrgical  hymn 
were  taken  up  by  the  sanctnary  choir,  the  sodalities,  the  congrégation, 
till  the  entire  édifice  was  flooded  with  melody.  Silent  commune  fol- 
lowed,  then  the  kneeling  figure  in  the  pulpit  read  with  évident  feeling 
a  sélection  f rom  the  sacred  page.  ISTow  it  was  the  story  of  the  "  Three 
Days'  Loss,"  now  the  "  Parable  of  the  Prodigal  Son,"  "  the  banquet  in 
thehouse  of  the  Leper,"  "  the  raising  of  Lazarus,"  "  the  Good  Shepherd," 
"  the  widow  of  Naïm  "  —  anv  one  of  the  marvels  of  our  dear  Lord's 
earthlv  career,  A  moment  or  two  of  recollection,  and  the  voice  of  God's 
aged  servant  was  again  heard.  Sentences,  aflame  with  sorrow,  love, 
adoration,  and  thanksgiving,  fell,  at  brief  intervais,  from  his  lips.  He 
spoke  not  to  the  people,  though  the  people  heard  and  were  thrilled.  He 
spoke  tp  the  white-robed  Christ,  to  Him  who  was  "  the  same  yesterday, 
to-day,  and  forever,''  and  pleaded  for  a  répétition  of  the  marvels  of 
those  times  when  He  had  walked  amongst  men.  Nor,  I  may  safely  say, 
were  his  pleadings  unansvvered.  How  many  glorious  ones,  now  bend- 
ing  before  the  throne  of  God,  owe  a  blissful  everlasting  to  the  grâce,  the 
strength  that  was  theirs  for  the  asking  during  those  never  forgotten 
Holy  Hours  !  How  many  Magdalenes  and  prodigals,  tlirousfh  the  soul- 
ful  application  of  those  parablos,  resolved  to  arise  from  the  grave  of  a 
dead  past,  and  be  reconciled  to  Him  who  nourished  the  bruised  reed, 
fanned  the  smoking  flax  ! 

The  second  half  of  the  Holy  Hour  differed  but  little  from  the  first, 
yet  nothing  savored,  even  remotely,  of  répétition.  The  hymn  was,  as 
always,  liturgical,  and  sung  by  the  entire  congrégation.  "  The  manna," 
"  the  hearth  cake  of  Elias,"  or  a  verse,  from  the  sixth  chapter  of  Saint 
John,  afforded  the  pastor  a  thème  that  enthralled  and  instructed.  "  We 
starve,  Dear  Lord,"  he  would  exclaim,  "  we  starve  in  the  midst  of 
plenty,  because  we  bave  closed  our  ears  to  Thy  blessed  invitation! 
Pardon,  0  Saviour  and  God,  the  criminal  négligence  of  the  ]iast,  and 
give  us  the  grâce  to  receive  Thee  henceforth  fvdquently  and  worthily  in 
the  great  Sacrament  of  Thy  love  !  " 

With  exercises,  always  varied,  always  appropriate,  always  redolent  of 
faitli  and  affection,  the  Holv  Hour  in  that  unpretentious  Church  was 
looked  forward  to  with  eagerness  and  enthusiasm.  Father  X.'s  was, 
indeed,  a  Eucharistie  pari.sh,  where  the  sentinel  lamp  rarely  kept  love's 
watch  alone  —  where  the  toiling  masses  thronged  the  altar  railing  Sun- 
day  after  Sunday,  where,  above  ail,  the  summons  to  the  public  audiences 
of  the  King  was  lieard  and  heeded,  by  practically  the  entire  congré- 
gation. 

I  liave  spoken  of  the  above  method  at  sonie  length,  because  of  the 
effeclB   produce<l   by   thèse   méditations  ;   but   other   subjects   could   be 


—  971  — 

chosen  kindred  to  the  Blessed  Eucharist,  such.  as  the  "  Sacred  Hearts  o£ 
Jésus  and  Mary,"  the  "  Man  of  Sorrovvs,"  the  Mater  Dolorosa,"  the 
Angels,  Eucharistie  Saints,  etc.  The  hyinns  "«ère,  niany  of  them,  from 
the  translation  of  the  Breviary,  for  instance,  the  "  Fange  Lingua," 
"  Sacris  Solemniis,"  "  Verhum  Supevnum,"  "  Tihi  Christe  Splendor  Pa- 
iris,"  while  the  prayers,  expressive  of  adoration,  thanksgiving,  pétition, 
atonement,  were  mainly  derived  from  the  same  source. 

1.  To  conchide  then,  let  me  say  that  the  first  essential  of  a  successful 
Holy  Hour  is  that  the  people  be  fully  imbued  with  its  meaning.  Father 
X.  preached  it  in  season  and  ont  of  season,  and  time  but  added  to  the 
interest,  the  attendance.  The  announcement  on  the  school  blackboards 
may  appear  trivial,  but  the  old  adage,  ''  Spes  messis  in  semine/'  is  still 
pregnant  with  meaning. 

2.  The  assignment  of  soldalities  and  other  Church  organizations,  as 
guards  of  honor,  to  spécifie  places  in  the  sacred  édifice,  durine  the  aug- 
ust  funetion,  guarantees  an  audience. 

3.  The  décoration  of  the  altar  is  a  powerful  factor,  and  one  that  can- 
not  be  disregarded.  Undue  economy  hère  is  anything  but  commendable, 
and  may  led  to  having  our  sincerity  questioned. 

4.  Variety  and  warmth  in  the  exercises  are  essentials.  The  liturgical 
prayers  and  hymns  should  be  carefully  selected,  and  well  said  and  well 
sung.  Yividness  and  appropriateness  should  mark  the  subjects  offered 
for  méditation.     The  abstruse  appeals  but  to  the  few. 

5.  Were  the  priests,  within  a  given  radius,  to  announce  and  be  pré- 
sent at  the  Holy  Hour  in  each  other's  churches,  the  attendance  would, 
I  feel  assured,  be  ail  the  heart  eould  désire.  "  Ubi  sacerdotes,  ibi  populi." 

In  following,  even  remotely,  the  methods  of  Father  X.,  I  hâve  î'ound 
the  Works  of  Coleridge,  S.J.,  Faber,  Xewman,  Lasance,  Gilbert,  Millet, 
and  O'Eourke,  S.J.,  exceedingly  helpful. 


TilE  UPBUILDING  OF  A  PARISH 
BY  FREQUENT  COMMUNION. 

BY 

THE  RIGHT  REVEREND  MONSIGNOR  JOHN  O'BRIEN. 


"  The  Upbuilding  of  a  Parish  by  Fréquent  Communion  '"  is  tlie  sub- 
ject  given  to  me  on  wliich  to  write,  upon  this  glorious  occasion  of  the 
Twenty-first  Annual  Eucharistie  Congress,  held,  this  year.  in  the  City 
of  Montréal,  "  the  Rome  of  America. '' 

The  best  proof  I  can  give  that  fréquent  Communion  helps  to  upbuild 
a  parish  is  the  Decree  of  the  Sacred  Congrégation  of  the  Coumil  on 
Eeceiving  Daily  the  Most  Holy  Eucharist,  a  Decree  which  our  Holy 
Father,  Pope  Plus  X,  ratified  and  confirmcd,  and  ordered  to  be  pub- 


—  972  — 

liëhed,  Deconiber  20,  1905.     This  Decree  deals  so  clearly  with  the  teach- 
ing  of  Jésus  Clirist  regarding  the  Holy  Eucharist,  tliat  I  append  it  to 

my  paper. 

Thèse  words  of  the  Decree  are  especially  to  the  point  :  — 
"■  Since  it  is  plain  that  by  tlie  fréquent  or  daily  réception  of  the  Holy 
Eucharist  union  with  Christ  is  fostered,  the  spiritual  life  more  abund- 
antlv  su5tained,  the  soûl  more  richly  endowed  with  virtues,  and  an  even 
surer  pledge  of  everlasting  happiness  bestowed  on  the  récipient,  there- 
fore  parish  priests,  confessors,  and  preachers  —  in  aocordance  with  the 
approved  teaching  of  the  Eoman  Catechism  (Part  II,  Cap.  4,  u.  60)  — 
are  frequently,  and  with  great  zeal,  tp  exhort  the  faithful  to  this  devout 
and  ealutary  practice." 

If  ever  the  Holv  Ghost  directed  Christ's  Vicar  in  his  teaching  of  the 
faithful,  it  was,  or  so  it  seems  to  me,  in  this  stupendous  work.  In  a 
way.  it  is  an  amazing  and  as  far-reaching  in  its  beneficent  effects  as  was 
the  work  of  the  first  Pope,  St.  Peter,  when  he  opened  the  gâtes  of  the 
Cliurcli  to  the  Gentile  world.  For,  by  this  Decree,  no  Catholic  who  has 
eoiuo  to  the  âge  of  reason  is  excluded  from  the  Lord's  banquet-table,  so 
long  as  he  or  she  is  in  the  state  of  grâce  and  has  a  right  intention.  The 
child.  the  '-outh,  the  grown  man,  the  busy  wife  and  mother,  trades- 
people,  day-laborers,  may  receive  as  often  as  the  cloistered  nun,  the  an- 
ointed  priest,  the  holiest  saint  of  God.  Christ  Himself  taught  us  to 
pray  :  ''  Give  us  this  day  our  daily  bread  :  "  and  the  Eathers  teach  that 
a  chief  meaning  of  "  our  daily  bread  "  is  the  supersubstantial  Bread  of 
the  Holy  Eucharist.  In  aocordance  with  this  prayer,  then,  has  the 
Vicar  of  Christ    idden  us  ail  to  corne  daily  and  eat. 

Pope  Pius  X  announced  at  the  beginning  of  his  pontificate  that  his 
rhief  end  and  aim  was  to  restore  ail  things  in  Christ  ;  and  by  one  extra- 
ordinary  act  on  his  part,  he  has  gone  straight  back  to  the  first  Christian 
era,  when  the  disciples  gathered  around  Peter  at  the  table  of  the  Loi*d. 
He  has  restored  this  spécial  thing  in  Christ,  inviting  each  of  us  to  do 
like  the  Chriîitians  of  those  first  times  in  their  primai  and  heaven- 
enkindled  zeal.  and  to  partake  daily  of  Holy  Communion. 

The  upbuilding  of  our  parishes  is  truly  hère.  For  we  face  a  world 
lying  in  darkness  akin  to  the  old  pagan  darkness  that  the  early 
rhri>tians  faced.  and  we  need  parishes  filled  with  men  made  strong  by 
the  Broad  of  Life,  "  men  breathing  forth  fire  "  (as  St.  John  Chrysostorn 
said),  because  they  hâve  fed  upon  that  Bread  which  made  the  early 
martyrs  laugh  at  the  fangs  of  the  wild  beast,  and  bravely  and  gladly 
meet  atror-ious  tortures,  the  very  thought  of  which  causes  us  to  shudder. 
We  need  dauntless  men,  men  proud  of  their  faith,  but  whollv  distrust- 
fiil  of  self,  except  as  they  trust  in  Christ.  We  need  men  who  are 
Christ's  soldiers  and  the  Pope's  soldiers,  saving  to  their  enemv,  of  what- 
pver  .sort  he  he,  "  We  ought  to  obey  God  rather  than  men." 

We  hâve  labored  too  long  under  the  baleful  after-effects  of  that  arch- 
heresy  called  Janseni.sm,  of  which  Pope  ."'us  speaks  in  his  Decree.  He 
8ay.s  :  — 

"  In  later  limes,  piety  grew  cold,  and  more  especially  under  the  in- 
fluencf  of  Jansenism,  disputes  began  to  arise  concerning  tho  disposition 


—  973  — 

with  which  it  was  propcr  to  receive  Comnuinion  frequently  or  daily  :  and 
writers  vied  with  one  another  in  imposing  more  and  iiiorc  striiigent  con- 
ditions as  necessary  to  be  fulfiJled.  The  resuit  of  which  disputes  was 
that  very  few  were  considered  worthy  to  communicate  daily  and  to  dérive 
from  this  most  healing  Sacrament  its  more  abundant  fruits,  tlie  rest 
bcing  content  to  partake  of  it  once  a  year  or  once  a  month  or  at  the 
utmost  weekly.  Nay,  to  such  a  pitch  was  this  rigorism  carried  that 
whole  classes  of  people  were  excUided  from  a  fréquent  approach  to  tlie 
Holy  Table;  for  instance,  those  who  were  engaged  in  trade,  or  eveu 
those  who  were  living  in  the  state  of  matrimony." 

But  now  the  Pope,  with  one  Decree,  sweeps  away  thèse  false  notions, 
by  permitting  every  one,  who  is  free  from  niortal  sin,  to  go  daily  to  the 
table  of  the  Lord.  With  what  immense  force  does  this  Decree  présent 
to  our  wondering  and  grateful  hearts  the  intimate  relationship  whieh 
exists  between  the  power  that  Peter  exercises  over  the  Eeal  Body  of 
Jésus  Christ  in  the  Eucharist  and  the  nower  that  he  exercises  over  His 
Mvstical  Bodv,  the  Church.  It  brings  vividlv  to  mind  that  momentous 
day  when  our  Saviour,  having  loved  His  own  who  were  in  the  world, 
proved  His  love  for  them  unto  the  end  by  two  pronounced  acts  —  the 
institution  of  the  Holy  Eucharist  and  the  bestowing  upon  Peter  of  the 
gift  of  Infaillibility.     We  read  :  — 

"  \NTiiIst  they  were  at  supper,  Jésus  took  bread,  and  blessed  and  brake, 
and  gave  to  His  disciples,  and  said  :  *  Take  ye  and  eat  :  This  is  My  body. 
Do  this  for  a  commémoration  of  Me." 

And  again  He  said  :  — 

"  Simon,  Simon,  behold  Satan  hath  desired  to  hâve  you  (ail  the 
apostles),  that  he  may  sift  you  as  wheat  :  But  I  liave  prayed  for  Ihce, 
that  thy  faith  fail  not:and  thou  being  once  converted,  confinn  thy 
hrethren." 

On  that  first  Holy  Thursday  evening,  Jésus  Christ  gave  us  Himself 
to  be  the  food  of  our  soûls  in  the  Holy  Eucharist,  and  He  gave  us  the 
Pope,  the  Custodian  of  the  Holy  Eucharist.  He  gave  us  Himself  in 
the  Holy  Eucharist,  the  fountain  of  love,  the  source  of  that  divine 
unity  which  must  ever  distinguisli  His  Church.  He  gave  us  the  Pope 
as  the  visible  centre  and  earthly  guardian  of  that  unity.  Unity  is  tbe 
fruit  of  charity,  and  charity  cornes  from  Jésus  Christ  in  the  Eucharist. 
Jésus  Christ,  in  that  sublime  prayer  comprising  the  seventeenth  chapter 
of  St.  John's  Gospel,  prays  His  heavenly  Father,  in  the  following  verses, 
to  bestow  on  His  disciples,  by  meansof  the  Holy  Eucharist,  thèse  two 
gifts,  —  unity  and  charity. 

"Holy  Father,  keep  them  in  Thy  name,  whom  Thon  hast  given  Me: 
that  they  may  be  one,  as  We  aho  are. 

And  not  for  them  only  do  I  pray,  but  for  those  also  who  thruugli 
their  word  shall  believe  in  !Me: 

That  they  ail  may  be  one,  as  Thou.  Father.  in  Me.  and  I  in  Thee^ 
that  they  also  may  be  one  in  Us:  that  the  world  may  believe  thaï  Tlioir 
hast  sent  Me. 


—  974  — 

And  the  glon  wliieli  Thou  hast  given  Me,  I  hâve  given  to  them;  that 
thev  inav  be  ono,  a*  We  also  are  one. 

ï  in  them,  and  Tliou  in  Me;  that  they  may  be  made  perfect  in  one; 
and  that  the  world  may  know  that  Thou  hast  sent  Me,  and  hast  loved 
them,  as  Thou  liast  also  loved  Me." 

'*'  That  they  may  be  one,  as  We  also  are,"  is  a  prayer  indieating  the 
union  which  the  Blessed  Eucharist  will  produce.  The  Eucharist  works 
in  us  the  unity  of  faith  and  the  unity  of  charity.  "  The  glory  which 
Thou  hast  given  Me  "  by  uniting  in  Me  the  Divine  and  human  natures, 
I  liave  given  to  them  (My  disciples),  in  the  Holy  Eucharist,  by  uniting 
My  Body  and  Blood  and  Divinity  with  them,  "  I  in  them,  and  Thou 
in  Me,"  is  a  vivid  description  of  the  intimate  union  effected  between  us 
and  our  Saviour  by  Holy  Communion.  It  is  also  a  description  of  the 
close  tie  of  brotherhood  created  by  the  Holy  Eucharist  between  ail  who 
partake  of  the  Bodv  and  Blood  of  our  Lord,  according  to  St.  Paul  (I 
Cor.,x):- 

'•  The  Cluilice  of  Bénédiction  which  we  bless,  is  it  not  the  Communion 
of  the  Blood  of  Christ?  And  the  bread  which  we  break,  is  it  not  the 
Body  of  the  Lord?  For  Ave,  boing  many,  are  one  Bread,  one  Body,  ail 
that  partake  of  one  Bread." 

And  again  (Eph.  v.,  30)  :  • — 

"  We  are  members  of  His  Body,  of  His  Elesh,    and  of  His  bones." 

^Vho  lias  ever  sounded  the  depths  of  thèse  extraordinary  words  ?  Eead, 
however,  by  the  light  of  the  first  Holy  Thursday's  priceless  gifts,  — Jhe 
Holy  Eucharist  and  the  Papal  Infaillibility,  —  we  get  some  insight  into 
their  wonderful  abysses;  we  begin  to  see  how  love  and  unity  must  indeed 
be  distinguishing  marks  of  the  true  Church  of  Christ;  we  begin  to  un- 
derstand  what  daily  Communion  and  fréquent  Communion  mean,  and  to 
recognize  also  that  in  the  hands  of  Christ's  Vicar  lies  the  right  to  break 
to  the  faithful,  as  often  as  he  will,  the  Bread  that  endureth  unto  ever- 
lasting  life.  That  Bread  is  the  food,  the  manna,  the  sustenance,  of  our 
pilgrimagc  on  life's  weary  road, 

Tlie  great  sixtli  chapter  of  St.  John's  Gospel  brings  out  for  us  the 
intention  of  our  Divine  Lord  in  instituting  this  Blessed  and  Life-giving 
SacraTucnt. 

"  I  am  the  living  bread  which  came  down  from  heaven. 

Tf  any  man  eat  of  the  bread,  he  shall  live  for  ever;  and  the  bread 
wluch  I  will  give,  is  My  flesh  for  the  life  of  the  world. 

Tho  Jcws,  therefore,  debaled  aniong  themsclves,  saying:  PIow  can 
this  man  give  tis  his  flesh  to  eat? 

Then  Jésus  said  to  them:  Amen,  amen,  I  say  unto  you:  TJnless  you 
eat  the  flesh  of  the  Son  of  man,  and  drink  His  blood,  you  shall  not  hâve 
life  in  you. 

He  that  eateth  My  flesh  and  drinketh  My  blood,  hath  everlasting 
life:  and  1  will  raise  him  up  at  the  last  day. 

For  My  flesh  is  mcat  indeed:  and  Mv  blood  is  drink  indeed. 

Ho  that  eateth  Mv  flesh,  and  drinketh  Mv  blood,  abideth  in  Me,  and 
I  in  birn. 


—  975  — 

As  the  living  Father  hatli  sent  Me,  and  1  live  bv  the  Father;  so  lie 
that  eateth  Me,  the  same  also  shall  live  by  Me. 

This  is  the  bread  that  came  down  from  heaven.  Xot  as  your  fathers 
did  eat  nianna,  and  died.  He  that  eateth  this  bread  shall  live  for  ever." 

Holy  Communion  is  our  Divine  Saviour  Hiniself.  He  comes  in  the 
form  of  food  to  le  as  near  as  possible  to  us  in  our  daily  needs  and  to 
give  us  Divine  strengtli  and  sustenance  on  our  road  to  heaven.  For  the 
love  that  prompted  tlie  Incarnation  would  not  end  there  ;  it  was,  it  is, 
an  everlasting  love.  It  perpetuated  itself  in  the  Holy  Eucharist;  the 
Word  is  still  made  tlesh  and  dwells  among  us.  The  love,  the  unfathom- 
able,  boundless  love,  that  willed  to  clothe  itself  in  liuman  flesh,  that 
willed  to  leave  heaven  and  to  be  made  man,  despising  not  the  Virgins's 
womb,  and  tlien  humbling  itself  still  more  to  a  criminal"s  death  upon 
the  shameful  Cross,  —  that  love  would  not  be  going  much  beyond  those 
lowly  depths  in  inventing  the  Holy  Eucharist,  the  food  of  sinful  men. 

This  Decree  on  Holy  Communion  must  be  brought  home  to  our  Cath- 
olic  men  with  spécial  force.  Let  them  prove  their  faith  in  the  Holy 
Eucharist  and  their  ardent  love  for  it  by  their  daily  or  fréquent  récep- 
tion thereof,  and  then  shall  the  outside  world  begin  to  porceive  the 
significance  of  Thomas  Babington  Macaulay's  words  regarding  the  Eeal 
Présence  and  Sir  Thomas  More:' — 

"  When  we  reflect  that  Sir  Thomas  More  was  ready  to  die  for  the  doc- 
trine of  Transubstantiation,  we  can  not  but  feel  some  doubt  w-hether  the 
doctrine  of  Transubstantion  may  not  triumph  over  ail  opposition.  More 
was  a  man  of  eminent  talents.  He  had  ail  the  information  on  the  sub- 
ject  that  we  hâve,  or  that,  while  the  world  lasts,  any  human  being  will 
hâve.  The  text  "  This  is  My  body,"'  was  in  his  N"ew  Testament  as  it  is 
in  ours.  The  absurdity  of  the  literal  translation  was  as  groat  and  as 
obvions  in  the  si.xteenth  century  as  it  is  now.  Xo  progrcss  that  science 
has  made,  or  will  make,  can  add  to  what  seems  to  us  the  overwhelming 
force  of  the  argument  against  the  Iveal  Présence.  Wc  are,  therefore, 
unable  to  understand  why  wtiat  Sir  Thomas  More  bolieved  respecting 
Transubstantiation  may  not  be  ])elieved  to  the  end  of  time  bv  men  equal 
in  abilities  and  honesty  to  Sir  Thomas  More.  But  Sir  Thomas  More 
is  one  of  the  choice  spécimens  of  human  wisdom  and  virtue  ;  and  the 
doctrine  of  Transubstantiation  is  a  kind  of  proof  charge.  A  faith 
which  stands  that  test  will  stand  any  test." 

Sir  Thomas  More,  —  Blessed  Thomas  More,  as  is  now  his  loftier 
title,  —  is  a  magnificent  example  for  1hc  layman  of  our  day.  He  "was 
a  génial,  loving,  wise  husband  and  father;  lie  was  a  scholar,  a  humorist, 
mirthful  even  in  dying:  lie  was  a  famous  layer,  an  eminent  .iurist,  and 
lord  high  chancellor  of  England  ;  and  in  ail  thèse  positions  he  practised 
his  religion  whole-heartedly  in  the  open  light  of  day.  There  came  a 
time  when  he  must  choose  betwoon  ol)edionce  to  the  Pop(>  in  a  matter  of 
doctrine,  and  obédience  to  a  wicked  King  who  unrightfully  claimed 
supremacy  in  spiritual  things.  Sir  Thomas  ^lore  choscn  to  lose  every- 
thing  except  lionor;  he  chose  to  obcy  the  Pope  even  at  the  cost  of  his 
life;  he  met  a  niartyr's  death,  and  he  won  the  martyr's  crown. 

Hardlv  is  there  an  hour  iii  the  day  when  this  opportnnity  of  choosing 


—  976  — 

a^  Sir  Thomas  More  chose  does  not  lie  before  our  Catholic  men.  They 
are  eut  in  the  world  and  in  an  unholy  world  ;  a  world  of  sophistry,  dis- 
honestv,  doubt  and  infidelity,  that  prétends  to  ignore  God  and  despises 
His  Churoh.  Our  conscience  is  bewildered;  our  sensé  of  responsibihtv 
to  God  is  too  often  deadened;  our  duty  seems  not  plain.  Where  shall 
we  go  except  to  Him  Who  is  the  Way,  the  Trutli,  the  Life  ;  and  how 
shalî  we  know  Him  better,  and  see  Him  nearer,  than  in  "  the  Breakmg 
of  Bread*'? 

This  is  preciselv  the  \ie\v  that  Blessed  Thomas  More  took  of  the 
matter.  Wlien  he\vas  lord  chancellor  of  England  he  went  to  Holy  Com- 
munion everv  dav,  and  some  persons  said  that  such  a  man,  surrounded 
bv  the  dissipation  of  life  at  Court,  and  so  engrossingly  occupied  witli 
State  affairs,  ought  not  to  communicate  so  frequently.  But  what  was 
his  noble  answer?     He  said:  — 

"  Those  are  just  the  reasons  that  make  it  necessary  for  me  to  receive 
Communion  daily.  My  distractions  are  numerous,  and  Communion 
helps  me  to  be  recollected.  My  temptations  are  fréquent,  and  Commun- 
ion strengthens  me  to  withstand  them.  I  need  light  to  govern  the  State, 
and  I  implore  it  of  God  in  Communion." 

Men  of  this  stamp  will  raise  our  parishes  to  the  highest  standard. 

We  add  to  this  emphatic  déclaration,  so  remarkable  in  its  implied 
teaching  for  our  laymen  to-day,  the  foUowing  prayer  of  Sir  Thomas 
More  as  fitted  for  their  spécial  use  :  — 

"  O  sweet  Saviour  Christ,  by  the  divers  torments  of  Thy  most  bitter 
passion,  take  from  me,  good  Lord,  this  luke-warm  fashion  or  rather  key- 
cold  manner  of  méditation,  and  this  dullness  in  praying  to  Thee.  Aiid 
give  me  Thy  grâce  to  long  for  Thy  holy  sacraments,  and  especially  to 
rejoiee  in  the  Présence  of  Thy  blessed  Body,  sweet  Saviour  Christ,  in 
the  Holy  Sacrament  of  the  altar,  and  duly  to  thank  Thee  for  Thy  gra- 
cions Visitation  thcrewith,  and  at  that  high  mémorial  with  tender  com- 
passion to  remember  and  consider  Thy  most  bitter  passion.  Make  tis, 
good  Lord,  participant  of  that  Holy  Sacrament  this  day,  and  every  dav 
make  us  ail  lively  members,  sweet  Saviour  Christ,  of  Thine  liolv  mystic- 
al  body,  Thy  Catholic  Cliurch."' 

Sir  Thomas  More  was  put  to  death,  not  for  his  failli  in  the  Eucharist 
as  Macaulay  may  seem  to  imply,  but 'for  his  faith  in  Peter's  divinelv 
conferred  office.  It  was  from  the  Eucharist,  however,  he  derived  his 
heroic  courage,  liis  manly  loyalty  to  conscience,  his  willingness  to  give 
up  liis  life  rather  than  refuse  due  obédience  to  the  Pope.  Similar  heroic 
loyalty  of  whole  nations  readily  occurs  to  us.  Individual  examples,  how- 
ever, like  this  of  Sir  Tlioma.s  More,  are  sometimes  more  impressive.  A 
case  m  point,  although  a  fomiliar  one,  struck  me  with  peculiar  force  the 
other  day,  on  tlic  Octave  of  the  Feast  of  St.  Lawrence,  as  I  was  rearling 
my  office.  St.  Augustine,  in  the  Lessons  of  the  Second  Nocturn,  dwelïs 
on  the  stii[.r-ridous  power  which  Ihe  Eucharist  gave  St.  Lawrence  to 
endure,  not  only  witli  piiticrue  but  with  jov.  tlic  barbarous  tortures  in- 


—  977  — 

flioted  on  him.  St.  Lawrence,  as  every  one  knows,  was  slowly  roasted 
to  <leath  on  a  red-hot  gridiron.  According  to  St.  Augustine,  St.  T^aw- 
rence,  strengthened  by  the  Body  and  Blood  of  our  Lord,  "  felt  not  the 
torture."  St.  Augustine's  description  draws  out  the  prolonged  torture, 
the  slow  death,  the  Eucharist-given  patience,  in  thèse  words  : 

"  He  abode  in  Christ,  even  in  savage  torture  ;  he  was  not  elain  quickly, 
but  tortured  in  the  lire:  he  was  allowed  to  remain  long  alive,  and  yet 
not  allowed  to  remain  long  alive,  but  slowly  put  to  death.  During  that 
long  death,  in  ail  that  agony,  since  he  had  well  eaten  and  well  drunk, 
filled  witli  that  Food,  and  strengthened  Avith  that  Cup,  he  felt  not  the 
torture." 

Anarchy  and  socialism  are  to-day  invading  the  nations  and  endanger- 
ing  the  Christian  liome.  When,  througli  fréquent  or  daily  réception 
of  the  Holy  Eucharist,  our  Catholic  men  shall  become  more  eompletely 
true  soldiers  and  servants  of  Jésus  Christ,  more  and  more  thoroughly 
shall  be  exemplified  among  us  honesty,  integrity,  tempérance,  purity, 
révérence  for  law,  and  suprême  loyalty  to  our  Holy  Mother  Church.  Our 
men  will  be  ever  ready  in  her  défense,  against  every  attack,  whether 
modemistic,  socialistic,  masonic  or  infidel,  under  whatever  guise.  Not 
ours,  to-day,  is  the  call  to  lay  down  life  in  martvrdom  for  Christ;  yet 
we  need,  to-day,  the  martyr's  strengthening  Bread.  For  it  is  our  mar- 
tyrdom  to  dwell  in  an  irréligions,  worldly,  indiffèrent,  or  worse  than 
indiffèrent,  atmosphère,  and  to  strive  to  keep  ourselves  and  our  children 
from  being  dragged  down  to  the  low  level  of  the  world  around  us.  We 
need,  —  God  only  knows  how  much  we  need,  —  this  active  measure,  this 
arousing  and  awakening  and  vivifving  Decree  on  dailv  Communion. 

The  late  Léo  XIII  wrote  :  —      " 

"  At  the  présent  time  and  in  the  actual  condition  of  things,  eyerj 
right  and  pious  mind  sees  with  grief  how  the  ardor  of  faith  and  the 
ancient  purity  of  morals  are  disappearing  in  a  large  portion  of  mankind. 
If  one  inquires  into  the  cause  of  the  evil,  he  finds  it  to  be  chiefly  in  the 
fact  that  love  and  use  of  the  Eucharistie  Banquet  are  languishing  in 
most  men,  and  in  many  hâve  ceased  altogether.  Ile  alone  is  able  to  ful- 
111  the  destiny  of  a  Christian  life  who  has  put  on  Christ,  and  Christ  is 
not  put  on  exoept  by  fréquentation  of  the  Eucharistie  table.  For  thus 
does  Christ  dwell  in  us  and  we  in  Him."' 

Society  will  never  be  at  rest  until  it  becomes  truly  Christian,  and  it 
can  become  Christian  only  through  the  Holy  Eucharist  which  is  Jésus 
Christ  Himself.  By  the  Holy  Eucharist  our  doubts  and  difficulties  will 
be  met  and  solved,  and  our  eyes  will  be  enlightcnod  ;  we  shall  know  Jésus 
Christ  even  as  the  disciples  at  Einmaus  knew  Him,  when  "  it  came  to 
pass,  while  He  wa.-<  at  table  with  them,  He  took  Bread.  and  brake.  and 
gave  to  them.  And  their  eyes  were  opened  :  and  thev  know  Him." 
A  second  Decree.  dated  September  15,  1908,  déclare.';:  — 
"  That  fréquent  réception  of  Communion,  in  accordance  with  Article 
I  of  the  Decree  (i.  c.  on  Daily  Communion)  is  re<onimended  oven  to 
children.  who,  when  once  admitted  to  the  Holy  'l'ahle  according  to  the 
rules  laid  down  in  the  Koman  Catechism,  Chapter  I\',  n.  O:?,  ought  not 


—  978  — 

to  bc  liindored,  but,  on  the  eontvarv,  exhorted  thereto,  the  contrary 
practice  aiiywhere  prevailing  beiug  condenmed .  .  .  . 

There  is  no  reason  why  this  fréquent  and  even  daily  Communion 
should  not  be  specially  recommended  to  children  in  our  own  times.  And 
this  ail  the  more,  because  it  is  absolutely  necessary  that  children  should 
become  imbued  with  Christ  bel'ore  their  passions  get  the  start  of  them, 
and  that  they  may  hâve  the  strengtli  to  repel  with  greater  energy  the 

assaults  of  the  devil,the  flesh,  and  of  other  internai  and  external  foes 

Only  in  tliis  Avav  can  that  word  of  our  Lord  obtain  f ulfilment  :  "  Suffer 
little  cliildren  to  corne  unto  Me,  for  of  such  is  the  kingdom  of  heaven." 
The  kingdom  of  heaven  on  earth  is  no  other  than  the  Eucharist,  which 
was  instituted  for  the  préservation  and  increase  of  the  spiritual  life." 

We  may  question  whether  we  do  not  sometimes  treat  children  too 
much  like  automatons.  Would  it  not  be  wiser,  and  more  in  accordance 
with  the  présent  Decree,  not  to  restrict  their  Confession  and  Commun- 
ion to  certain  compulsory  days,  and  in  Sodalities  only,  in  ]ona:,  set  lines 
of  boys  and  girls  :  but  rather  to  attract  them  to  go  individually,  — 
simply  and  lovingly,  —  when  their  parents,  or  their  OAvn  hearts,  shall 
invite  them  to  meet  their  Lord  ?  They  must  learn  to  use  their  own  con- 
science, their  own  love  for  Him  Who  was  once  a  child  like  them.  Let 
us  teach  them,  then,  to  know  their  Lord  in  the  "  Breaking  of  Bread." 

If  He  stood  hère  before  us,  visibly,  instead  of  being  hidden  as  He  is 
truly  beneath  the  Eucharistie  veils,  —  if  He  stood  hère,  and  we  saw  Him 
with  His  wounded  liands  outspread,  His  pierced  Heart  open,  His  eyes 
of  infinité  love  fastened  upon  us,  His  sweet  voice  saying,  "  Come  !  " 
would  we  not  ail,  and  the  children  first  of  ail,  make  haste  to  answer 
Him,  to  come  to  Him?  And  He  is  hère,  hère  to  enlighten  the  mind,  to 
strengthen  the  will,  to  give  power  to  resist  our  passions  and  to  increase 
in  grâce.  He  is  hère,  our  Jésus,  and  that  means,  Everything.  What  is 
ail  this  but  the  emphatic  teaching  with  which  the  Decree  of  Decemher 
20,  190."),  opens:  — 

"  The  Council  of  Trent,  having  in  view  the  unspeakable  treasures  of 
grâce  which  are  offered  to  the  faithful  who  receive  the  Most  Holy 
Eucharist,  makes  the  following  déclaration:  "The  Holy  Svnod  would 
désire  that  at  everv  Mass  the  faithful  who  are  présent  should  commun- 
icate,  not  only  spiritually,  but  sacraimentally,  by  the  actual  réception  of 
the  Eucharist  (Sese.  XXII,  Câv.  6),  which  words  déclare  plainly  enough 
the  wish  of  the  Church  that  ail  Christians  should  be  daily  nourished  bv 
this  heavenly  banquet,  and  should  dérive  therefrom  abnndant  fruit  for 
their  sanctification/' 

But  more  important  still,  the  ability  to  curl)  our  passions  and  to  keep 
them  in  subiection  to  reason  and  conscience  comes  from  Jésus  Christ  in 
the  Blcssed  Eucharist,  as  the  same  Decree  lucidly  teaches  as  follows  :  — 

"  The  désire  of  Jrsus  Christ  and  of  the  Church  that  ail  the  faithful 
should  daily  approach  the  sacred  banquet,  is  directed  chiefly  to  this  end, 
that  the  faithful  being  united  to  God  by  the  means  of  this  Sacrament, 
may  thfiico  dcM'ive  stremrth  1o  jx-sist  their  sonsual  passions,  to  cleanse 
themsflvfs  fn.in  fl-o  stains  of  daily  faults,  and  to  avoid  those 


—  979  — 

to  which  humau  frailty  is  liable.  . .  .  Tins  désire  on  the  part  of  God  was 
so  well  understood  by  the  iirst  Christians  that  they  daily  flocked  to  the 
Holy  Table  as  to  a  source  of  life  aud  strength . . .  Ànd  that  this  practice 
was  continued  into  tlie  later  âges,  not  without  great  fruit  of  lioliuess  and 
perfection,  the  holy  Fathers  and  ecclesiastical  writers  bear  witness." 

The  practise  of  daily  Communion  will  not  be  formed  in  the  Church  in  a 
day;  it  will  be  wrought,  probably,  quite  slowly;  but  a  wonderful  change 
will  be  efîected  eventually.  It  will  not  corne  so  much  by  private  appeals 
through  the  individual  confessor,  as  by  public  preaching  and  teaching 
to  the  entire  congrégation,  or  to  sodalities,  Holy  Xanie  Societies  and  the 
like.  In  this  way,  the  people  in  gênerai  will  corne  to  understand  that 
fréquent  or  daily  Communion  is  the  normal  act  for  the  nomial  Christ- 
ian; and  those  persons  who  go  regularly  to  daily  Communion  will  not 
be  looked  upon  as  anything  extraordinary,  or  as  called  to  an  extraordin- 
ary  sanctity  or  way  of  life,  thereby.  Daily  food,  daily  bread,  strength 
against  daily  and  ordinary  temptations,  strength  to  endure  daily  trials, 
ail  this  is,  as  the  people  will  find,  what  daily  Communion  means.  It  is 
the  sustenance  of  the  life  of  grâce;  it  gives  strength  to  grow  in  true 
spirituality,  in  the  science  of  the  saints,  and  in  closest  union  with  God. 
But  no  high  degree  of  sanctity  is  required  for  this  daily  Communion 
which  will,  however,  lead  us  to  sanctity.  As  the  manna  was  given  to 
the  Jews  for  their  daily  sustenance  on  their  journey  through  the  wilder- 
ness,  so  is  the  Blessed  Eucharist  given  to  us  for  our  daily,  ordinary, 
usual  food  on  life's  journey.  Hère  is  the  ordinarily  appointed  means  of 
grâce  to-dav. 

At  first,  we  must  expect  to  hear  from  many  well-meaning,  earnest, 
Christian  people  the  strenuous  objection,  "  I  am  not  worthy  to  go  bo 
of  ten  to  Holy  Communion  ;  "  and  we  must  caref  ully  explain  to  them  that 
while  none  of  us  is  really  worthy  or  ever  shall  be  worthy,  the  Pope  has 
nevertheless,  met  this  objection  explicitly;  lie  lias  not  only  donc  so  by 
this  providential  Decree  on  Daily  Communion,  but  by  referring  therein 
to  the  example  of  the  early  Christians,  and  to  the  testimony  of  the 
Fathers,  ecclesiastical  writers,  and  the  Council  of  Trent,  which  called 
the  Eucharist  "  the  antidote  whereby  we  are  delivered  from  daily  faults 
and  preserved  from  deadly  sins." 

We  must  eradicate  in  every  way  the  after-effects  of  "  the  poison  of 
Jansenism."  The  people  must  recognize  the  fact.  the  consoling  fact, 
taught  to  them  by  no  less  an  aulhority  than  the  Vicar  of  Christ  himself, 
that  so  long  as  we  do  not  fall  from  the  state  of  grâce  through  the  ter- 
rible misfortune  of  committing  mortal  sin,  we  are  free  to  conie  humbly, 
and  daily,  despite  our  fre(iuent  venial  sins  and  faults  and  daily  imper- 
fections, to  Jcsus  Christ  in  the  Eucharist.  We  are  free  to  come,  with 
childlike,  trusting,  contrite  hearts,  to  daily  Communion,  to  gain  therc- 
from  the  healing  for  our  defects,  and  the  strength  to  overcome  our  faults, 
and  our  temptations  to  more  grievous  sins. 

When  a  parish  thu.-?  seos,  fref|uently  or  daily,  at  th(>  Eucharistie  board, 
men,  women,  and  children,  that  parish  must,  wo  tliink,  expérience  an 
unlifting,  due  to  daily  Communion  ;  a  grâce,  a  holiness,  that  shall  recall 


—  980  — 

thc  early  davs  wlien  tlie  people  "  were  persevering  in  the  doctrine  of  the 
apt)stlcs",  and  in  the  communication  of  the  breaking  of  bread,  and  in 
prayer."  (Acts  ii.,  42). 

Now,  let  us  consider  the  influence  of  such  fréquent  Communions,  and 
tirst  in  the  domestic  circle,  —  in  our  Catholic  homes  and  households. 
Will  it  build  up  the  domestic  virtues  there?  It  surely  will.  The  father 
will  become  more  kind,  more  loving,  more  exemplary;  peace,  harmony, 
will  prevail  ;  for  is  not  He  hère  in  the  midst  of  us,  the  Man-God, 
Jésus  Christ,  the  Great  Example  for  the  worker,  earning  in  ail  humility 
His  dailv  sustenance  and  the  household  support?  He  is  hère  to  give 
whatever  is  needed,  and  to  heal  whatever  is  defective  in  our  Catholic 
men. 

In  the  mother  of  thc  household  the  domestic  virtues  will  increase  by 
lier  fréquent  réception  of  the  Holy  Eucharist.  More  and  more  will  she 
practise  brave  patience,  forbearance,  meekness,  wisdom,  so  that  her 
children  will  indeed  rise  up  and  call  her  blessed.  The  young  people, 
also,  need  the  light  and  strength  that  cornes  from  Him  Who  is  in  our 
midst  to  keep  and  strengthen  us.  "  I  will  dve  them  life  more  abund- 
antly  "  —  and  what  is  that  but  the  more  abundant  grâce  and  virtue  that 
eome  from  the  Holy  Eucharist?  Happy  households  where  such  love 
and  peace  and  harmony  réside  ;  where  respect  is  shown  for  the  aged, 
tidelitv  to  the  marriage  tie  is  practised,  tempérance  and  holy  purity 
reign  suprême  ;  where  the  young  people  hâve  filial  ambition'  to  help  their 
parents  found  a  lasting  home,  and  where  ail  contribute  to  the  family 
prosperity  and  joy  !  Such  families  not  only  make  for  the  honor  and 
upbuilding  of  a  parish,  but  they  make  for  good  citizenship  as  well.  As 
the  home  is  the  nucleus  of  the  parish,  so  it  is  of  the  State.  Christian 
virtues  foster  civic  virtues  ;  and  no  man  loves  country  more  truly  than 
the  man  who  loves  his  God  above  ail  things. 

And  are  there  not  other  virtues  that  can  be  built  on  such  foundations 
as  thèse  home-virtues,  and  that  will  be  increased  and  strengthened  by  the 
Rame  celestial  food,  —  such  virtues,  for  instance,  as  self-denial,  gener- 
osity,  zeal  for  the  salvation  of  soûls  and  the  spread  of  Christ's  King- 
dom  on  oarth?  Take  the  case  of  a  priest  who  has  been  commissioned 
to  build  a  church,  a  couvent,  a  school,  a  house,  —  it  is  precisely  the 
members  of  such  Christian  families  as  thèse  that  he  needs  to  help  him 
in  his  work,  poople  with  faith  and  loyalty  enough  to  give  liberally,  and 
in  the  spirit  of  self-sacrifice,  for  the  Lord's  sake.  That  Lord  will  never 
fail  to  give  crédit  for  every  good  act  they  do  for  Him.  If  this  good 
work  be  not  donc  for  His  sake,  we  do  not  want  it  donc  at  ail.  But  it 
is  for  Him.  and  He  is  hère  in  the  midst  of  us,  strengthening  us  for 
whatever  lliat  work  jriay  be. 

It  may  be  some  charity  to  be  aided,  like  the  work  of  the  Conférences 
of  St.  Vincent  de  Paul  and  of  our  hospitals  and  asylums;  —  or  mis- 
sionary  work,  like  the  Propagation  of  the  Faith  in  foreign  lands  or  in 
our  own  country,  among  our  colored  people,  our  Indians,  and  our  non- 
Catholic  white  neigbbors  also;  —  or  it  may  be  some  parish  organization, 
like  thc  Iloly  Xame  Society  or  the  Tempérance  Society,  to  be  formed 
and  fosterwl,  and  to  bf  animatfMl  with  Christ's  Spirit.     Will  daily  or 


—  981  — 

fréquent  Communion  assist  us  hère  ?  Emphatically,  yes  !  For,  Holy 
Communion  is  the  very  furnaoe  and  the  constant  source  of  charity  and 
union,  of  life,  of  light,  and  love  ;  and  daily  or  fréquent  Communion 
inust  help  in  ail  such  cases,  because  it  causes  every  virtue  to  increase  in 
the  eoul. 

How,  indeed,  oan  a  parish  fail  to  be  upbuilt  by  fréquent  or  daily  Com- 
munion, since  this  Divine  Sacrament  is  the  source  of  brolherhood  and 
unity,  as  St.  Paul  says  in  his  first  epistle  to  the  Corinthians,  x.  17  :  — 

"  For  we  being  manv  are  one  Bread,  one  Body,  ail  that  partake  of  one 
Bread." 

By  this  union  with  Jésus  Christ  the  people  are  drawn  doser  to  their 
pastors,  who  feed  them  daily  with  this  heavenly  food;  they  are  drawn 
doser  to  one  another,  for  the  reason  that  they  ail  become  one  witli 
Christ  by  this  fréquent  or  daily  Communion.  Ordinary  home  life  and 
business  life  must,  indeed,  become  sanctified  and  upbuilt  by  such  fré- 
quent Communion  with  Him  Who  is  given  for  our  daily  Bread,  our  daily 
strength.  So  shall  we  become  like  the  saints  of  God,  being,  in  deed  and 
in  truth,  members  of  the  same  great  household  in  the  Communion  of 
the  Saints. 

To  quote  again  the  words  of  that  immortal  Decree  of  Deceml)er  20, 
1905  :  — 

"  It  is  plain  that,  by  the  fréquent  or  daily  réception  of  the  Holy 
Eucharist,  union  with  Christ  is  fostered,  the  spiritual  life  more  abund- 
antly  sustained,  the  soûl  more  richly  endowed  witli  viiiues,  and  an  even 
surer  pledge  of  everlasting  happiness  bestowed  on  the  récipient."' 

Not  preaching,  reading,  teaching,  though  ail  thèse  are  good,  but  "  the 
Breaking  of  Bread,'"  is  the  chief  means  appointed  to  show  us  the  Christ, 
Who  is  the  Way,  the  Truth,  and  the  Life. 

Daily  Communion,  however,  is  rather  a  Divine  Counsel  th«(n  a  Div- 
ine Command;  and  it  is  dépendent  on  circumstances,  such  as  hcalth, 
distance  from  church,  daily  duties,  etc.  Even  fréquent  Communion,  as 
we  now  understand  the  term,  was  impossible  to  our  forefathers  in  Ire- 
land  in  the  pénal  times,  or  to  our  hard-working  men  on  railroads  and 
the  like,  in  our  earlier  days  hcre,  and  even  now.  But  the  grâces  that 
they  then  received  in  their  unavoidably  infrequent  Communions  must 
bave  been  équivalent,  it  seems  to  me,  to  those  which  we  receive;  our 
Divine  Saviour  would  not  deprive  His  servants  of  that  grâce  ;  and,  no 
doubt,  He  gave  those  good  people  the  merits  and  tlie  grâces  of  fréquent 
Communion,  although  they  were  very  seldom  ablo  to  receive. 

Holy  Communion,  besides  being  the  food  of  our  soûls,  and  strength 
against  ail  kinds  of  temptation,  is  intended  by  Jésus  Christ  to  he  a  com- 
mémoration, a  constant  reminder  of  His  Passion  and  death.  No  people 
could  be  more  lovai  than  the  Irish  bave  been  to  tliis  intention  of  Jésus 
Christ.  Hence  their  extraordinary  dévotion  to  the  Mass  wherein  tlie  sad 
scène  of  the  Calvary  is  constant ly  rcnewed.  This  dévotion  to  the  Pas- 
sion and  death  of  Christ  they  hâve  always  bdieved  to  be  the  best  pré- 
paration for  a  holy  death.  Thev  had  beautiful  jirayers  expressive  of 
their  faith  and  dévotion,  whidi  ihey  memorized  and  iTcilt'd  at  the  con- 


—  982  — 

socration  wlicn  Jesiis  Christ  becanie  présent  on  tlie  altar.  Often  thèse 
prayers,  lo  liolp  the  memory  wcve  in  the  forai  of  rhyme.  The  following 
is  an  example  which  lias  been  handed  down  by  tradition  from  Pre-Ee- 
formation  ihiys  :  — 

Hail  to  Thee,  0  Bodv  of  Christ  ; 

Ilail  to  Thee,  0  King  of  Hosts; 

Hail  to  Thee,  0  gracions  Godhead; 

Hail  to  Thee,  0  true  manhood. 

As  Thon  wert  pleased,  0  Christ,  to  corne 

Under  the  cover  of  bread,  Thy  whole  Body 

Ileal  my  soûl  from  every  evil 

That  is  upon  me  now. 

Hail  to  Thee,  Blood  and  Flesh; 

Hail  to  Thee,  Food  of  Grâce. 

Wash  mv  sins  in  the  Blood  of  Thy  Grâce. 

Hail  to  Thee,  both  God  and  man  ! 

Guard  me  from  him  that  goeth  about. 

May  I  receive  Thee  at  the  liour  of  my  death  ! 

0  Trinity  without  end,  without  beginning, 

Xeither  let  Thy  anger  be  upon  me. 

Hail  to  Thee,  true  Body  born  of  Mary  Virgin. 

By  Thy  being  pierced,  shedding  waves  of  Blood, 

Holy  Trinity,  grant  ns  Thy  Sacraments, 

To-day  and  at  our  death -hour.     Amen. 


It  is  a  remarkable  fact  that  the  Irish  people,  who  so  freouently  and 
fervently  were  accnstomed,  in  their  dévotions,  to  recall  Christ's  suffer- 
ings  and  death  endured  for  them,  and  who  so  often  invoked  His  Pré- 
sence in  the  Holy  Eucharist  to  be  their  Viaticum  at  the  hour  of  their 
death,  seldom  died  without  the  sacraments.  Moreover,  to  the  soothing 
effect  of  thîs  great  Sacrament  upon  the  minds  of  the  dying,  eminent 
physicians  hâve  borne  witness  unwittingly,  as  when  the  well-known  Bos- 
tonian,  Dr.  Oliver  Wendell  Holmes,  declared  that  in  his  expérience 
Catholifs  understood  how  to  die  bctter  than  uon-Catholics  did;  and  he 
commcntod  on  "the  composure  "  with  which  they  met  the  common  and 
ultirnate  lot  of  ail  men. 

We  must  nevcr  forget  the  heroic  proof  our  forefathers  gave  of  their 
Faith  in  the  Real  Présence,  of  their  dévotion  to  the  Mass  and  to  the 
priest  of  tlie  Ma.'^s,  and  their  staunch  loyalty  to  the  Pope,  Peter's  suc- 
cessor.  Insoparably  entwinod  around  their  hearts  were  Faith  in  the 
Eucharist  and  Faith  in  Peter's  divinely  conferred  office.  Even  before 
lie  had  rweived  the  full  powers  of  this  office.  Peter  had  distinguished 
himself  among  tlio  apostles  by  being  the  first  to  make  public  and  formai 
acta  of  P'aith  in  the  T)ivinity  of  Jésus  Christ,  bolh  in  His  human  and 
Eucharistie  forms.  For,  although  the  Eucharist  had  not  yet  been  in- 
ptituted,  PcifT  did  know  that  his  Divine  Master  promisod  to  give  us  His 
Body  and  Blood  to  be  oiir  nourishment.     TIow  our  Saviour  could  do  this, 


—  983  — 

Peter  did  not  iinderstand  any  better  than  the  disciples  wlio  querulously 
objected  :  "  How  can  this  man  give  us  his  flesh  to  eat?  "  and  who  "  walk- 
ed  no  more  with  Him."'  But,  when  Our  Lord  turned  to  His  apostles, 
and  asked:  "  Will  you  also  go  away?"  it  was  Peter,  who,  enlightened 
by  Divine  grâce,  made  that  niagniticent  profession  of  faith:  *' Ix)r(l,  to 
whom  shall  we  go?  Thou  hast  the  words  of  etemal  life.  And  Ave  hâve 
known,  and  hâve  believed  that  Thou  art  Christ  the  Son  of  God.'"  So, 
again,  iu  the  sixteenth  chapter  of  St.  Matthew's  Gospel,  Peter,  enlight- 
ened froni  abovc,  proclaimed,  in  the  face  of  contradictory  théories,  the 
true  faith  —  that  Jésus  was  "  the  Christ,  the  Son  of  God."  Instinct- 
ively  we  turn  to  this  Peter,  and  ask  him  to  obtain  for  us  perfect  faith 
in  the  Eucharist,  and  perfect  obédience  to  his  successor  in  our  use  of 
this  "  Sacramcnt  of  Life.'' 

We  to-day  can  easily  go  much  oftener  to  Holy  Communion  than  our 
forefathers  could  go.  But  if  many  of  us  are  unable  to  receive  Holy 
Communion  daily,  let  us  respond  with  loyal  and  ready  hearts  to  the  wish 
of  Chrisfs  Sacred  Heart  and  to  the  will  of  Christ's  Vicar,  in  so  far  as 
we  can,  and  as  often  as  we  can,  by  making  it  our  practise  to  receive  reg- 
ularly  on  every  Sunday,  or  every  fortnight,  or  at  least,  every  month. 

The  late  Pope  Léo  XIII,  in  his  Encyclical  upon  the  Holy  Eucharist, 
addressing  the  entire  Church,  and  recalling  the  traditional  reasons  in 
favor  of  fréquent  Communion,  déclares  "that  a  revival  of  Communion 
as  practised  in  the  early  centuries  of  the  Church,  must  be  procured  in 
préférence  to  every  other  manifestation  of  Eucharistie  worship.  Above 
ail,  we  must  strive  to  revive  a  fréquent  réception  of  the  Eucharist,  and 
entirely  do  away  with  opposing  préjudices,  vain  fears,  and  specious  pre- 
texts,  causing  people  to  abstain  from  it." 

That  supeniatural  love,  that  love  enkindled  by  the  Holy  Ghost  in  a 
Catholic  parish  y  means  of  the  Holy  Eucharist,  will  cause  a  correspond- 
ing  Joy.  Thus  shall  the  people,  becoming  engrosscd  with  a  deep,  true 
happincss  that  is  invisible,  spiritual,  and  all-sufficing,  lose  thcir  extra- 
vagant cravings  for  this  world's  matorial  and  visible  deliLdits.  Pools 
that  we  are,  to  think  that  anything  else  can  ever  content  the  hungry 
hearts  of  men  ! 

A  divine  peace  and  daily  happiness  shall,  indeed,  be  their  portion, 
who,  coniing  dail-  to  Jésus  in  the  l^h^ssed  Sacramont.  shnll  lind  rcst  to 
their  soûls,  and  sliall  be  to  the  Church  its  strong  défense  in  this  worhVs 
evil  day.  By  the  grâce  of  God,  constantly  dwellinîr  within  them 
through  the  fréquent  or  daily  use  of  Holy  Communion,  they  shall  be  en- 
abled  to  cry  with  St.  Paul  :  — 

"Who  then  shall  soparate  us  from  the  love  of  Christ?  Shall  tribul- 
ation?  or  distress?  or  famine?  or  nakedness?  or  danger?  or  persécution? 
or  the  sword  ?  " 

"In  ail  thèse  things  we  overcome,  hecause  of  Him  that  loved  us." 

For  the  great  divine  fact  of  the  Holy  Eucharist  is  this,  —  that  herc 
Christ  truly  is.  Hère  He  is,  Who,  while  we  were  sinncrs,  died  for  us 
on  the  Cross.  Hère  He  is,  hid  under  the  lowly  forms  of  bread  and 
wine,  to  remind  us  of  ail  that  He  bas  donc  and  suiïered  for  us,  and  of 
ail  that  in  His  boundlcss  love  He  is  still  doing  for  us.     Hore  Uo  is  to 


—  98i  — 

feod  aiul  siisuun  us  in  lii'o's  long  daily  struggle;  to  help  and  to  console 
us  wheu  \ve  are  siek  ;  to  bc  our  Viaticum  in  death,  loving  us,  helpmg  us, 
saviug  us,  even  thougli  we  should  bave  neglected  Him  ail  our  days. 
Holy  Communion  means  ail  tins  to  us. 

Not  only  through  obédience  to  tlie  Pope's  Decree  should  we  corne 
gladly  to  Jésus  Christ  in  daily  or  fréquent  Communion;  but  out  of  the 
love  and  gratitude  of  our  saved  and  ransomed  soûls  should  we  come, 
constantly  recalling,  at  Mass  and  Holy  Communion,  that  word  of  Christ 
when  He"  instituted  the  Blessed  Sacrament  :  "  Do  tliis  for  a  commémor- 
ation of  Me."  Our  Divine  Lord  longs  to  be  rememhered  by  us.  In  the 
Holy  Eucharist,  He  yearns  over  us,  with  a  matchless  love  that  many 
waters  cannot  quench,  nor  length  of  years  can  tire,  Nay,  more;  it  is 
His  own  loving  Self  that  He  imparts  to  us  in  Holy  Communion,  and 
even  to  sucli  a  degree  that  we  can  make  St.  Paul's  strong  words  our  own  : 
"  I  live,  now  not  I  ;  but  Christ  liveth  in  me.'' 

What  immense  gain  shall  it  be  for  the  entire  Church  when  the  mem- 
bers  of  the  individual  parishes  thus  learn  to  value  the  priceless  blessings 
of  daily  or  fréquent  Communion.  It  seems  to  me  that  the  Holy  Euch- 
arist and  the  Vicar  of  Christ  are  to  become  more  and  more  the  rallying 
points  for  the  entire  Christian  world  to-day.  The  présent  condition  of 
unrest  shows  the  tremendous  need  of  united  action  everywhere.  But 
how  shall  this  great  work  be  best  accomplished  ?  We  may  try  the  grand 
method  of  systematized  organization,  we  may  use  the  splendid  power  of 
the  press  and  of  the  lecture  platform,  we  may  multiply  our  admirable 
parish  work  of  chai'itable  and  missionary  effort,  and  our  noble  parish 
societies;  ail  thèse  things  are  good.  But  to  my  mind  the  first  and  best 
plan,  and  the  one  most  sure  of  ultimate  success  is  the  local  adoption  of 
that  practise  urged  upon  us  by  our  Ploly  Father  the  Pope,  the  Vicar  of 
Christ,  —  namely,  the  upbuilding  of  our  parishes  by  daily  Communion. 
Gigantic  forces  seem  to  be  banding  together  for  terrifie  outbursts  in 
Europe  if  not  throughout  the  world;  iniquity  holds  awful  sway  over  the 
liearts  and  wills  of  many  bitter  enemies  of  our  Holy  Mother  Church; 
our  wrestling  is  indeed,  "  against  principalities  and  powers,  against  the 
rulers  of  the  world  of  this  darkness,  against  the  spirits  of  wickedness  in 
the  high  places."  Xo  active  work,  no  weapon  forged  by  man,  no  organ- 
ization planned  by  any  or  ail  of  us  Catholics,  can  effect  a  real  and 
lasting  victory,  except  by  that  spécial  help  which  we  must  seek  from 
heaven.     As  the  Psaknist  says  :  — 

"  Unless  rhe  Lord  build  the  house,  they  labor  in  vain  that  build  it. 
Uniesg  the  Lord  keep  the  city,  he  watchcth  in  vain  that  keepeth  it." 

So  our  Divine  Lord  déclares  :  — 

"  Unless  you  eat  the  flesh  of  the  Son  of  man,  and  drink  His  blood, 
yen  shall  not  hâve  life  in  you."" 

l'ope  Pius  X  is  the  Vicar  of  Christ  and  the  mouthpiece  of  the  Holy 
Ghost:  he  is  the  custodian  of  the  Eucharist,  and  the  head  on  earth  of  the 
Church  that  must  save  the  nations.  Ile  lias  lookod  from  the  watch- 
tower  whence  he  «-ees  ail  needs,  and  whence  he  makes  known  to  us  God's 
choson  remédies  for  those  needs,  and  he  has  bidden  us  corne  frequently 
to  the  Eucharist  to  food  upon  Jésus  Christ,  without  WTiose  aid  we  can 


985  — 


do   nothing,  and   bv  Whose   life   alone   we   live.     To   quote  once   more 
Christ's  words  in  St.  John's  Gospel  :  — 

"  He  that  eateth  My  flesh,  and  drinketh  My  blood,  abideth  in  Me,  and 
I  in  liini." 


THE  CONFRATERNITY  OF  CHRISTIAN  DOCTRINE 
AND  CATECHISM  CLASSES. 

BY 
RT.  REV.  MGR.  FRS.  H.  WALL,  D.  D. 


THE  subjeot  niatter  of  the  paper  I  hâve  been  requested  to  submit  to 
your  considération,  is  admittedly  one  of  the  highest  importance.  On 
the  proper  organization  and  development  of  catechism  classe?  dépend 
the  future  spiritual  welfare  of  the  Catholic  child,  and  the  progress  and 
stability  of  the  Catholic  Faith. 

The  extraordinary  activity  manifested  of  late  in  the  catechetical  in- 
struction of  the  young  is  something  calling  for  serions  and  respectful 
considération.  Able  and  good  men,  both  from  the  pulpit  and  tlirough 
the  press,  are  constantly  calling  attention  to  the  suprême  need  of  the 
hour,  the  better  trainig  of  the  hearts  and  minds  of  the  young,  in  the 
principles  of  the  Catholic  Faith.  In  my  estimation,  we  can  approach 
the  considération  of  our  subject  in  no  better  way  than  by  calling  your 
attention  to  the  Confraternity  of  Christian  Doctrine  in  its  influence 
and  bearing  on  the  matter  under  discussion.  It  is  esî)ecially  appro- 
priate  at  this  particular  time,  when  the  Catholic  world  is  preparing  to 
celebrate  the  Tercentenary  of  the  canonization  of  St.  Charles  Borromeo, 
the  founder  of  the  Confraternity.  That  great  saint  appeared  on  the 
spiritual  battlefield  of  Europe  during  the  disastrous  period  of  the  great 
revolt  of  the  sixteer,th  century,  just  at  the  verj-  time  when  the  Church 
of  God  had  need  of  a  man  of  dauntless  courage  and  prééminent  lioliness 
to  stand  up  and  do  battle  against  the  immoralitv  and  unbelief  of  the 
times.  Only  a  man  of  iron  will,  coupled  with  genuine  fathcrly  tender- 
ness  of  heart,  could  lune  aehicved  rcform  under  the  ai)palling  tircum- 
stances  surrounding  him.  He  was  the  inspiring  j^pirit  of  the  great 
Council  of  Trent,  and  under  his  masterly  leadership,  and  uncon<|uerable 
energy,  its  délibérations,  after  eighteen  years,  were  brought  to  a  happy 
and  suecessful  conclusion.  Under  his  direction  aiid  cnristam  super- 
vision, the  greatest  of  ail  catechisms,  the  catechism  of  the  Couiuil  of 
Trent,  came  into  existence.. 

When  he  came  to  Milan,  as  its  archbishop,  he  foiind  overvthing  in  llie 
most  déplorable  condition.  Owinor  to  the  ignorance  and  worse  faults  of 
many  of  the  clerev,  the  people  had  forgotten  the  very  fnndamental  ])rin- 
ciples  of  Christianity.  With  a  zeal  l)orn  of  love  for  (!nd  and  for  the 
salvation  of  soûls,  he  set  about  the  task  of  real  refonnation.     He  wcnt 


—  9S6  — 

from  txîwn  to  town,  from  hainlet  to  liamlet  o£  his  great  diocèse,  as  the 
apostles  of  old,  knocking  at  the  doors  oî  the  homes  of  his  people  to 
preiich  Christ,  and  Hiin  crucified,  to  those  who  had  not  even  heard  His 
Holy  Name.  Ho  hegan  to  enlist  in  the  work  of  reform  learned  lay 
people,  nien  and  wonien,  and  he  formed  them  into  the  Confraternity  fo 
Christian  Doctrine.  "  His  object  was  to  give  practical  life  and  form  to 
tliat  Decree  of  the  Council  of  Trent,  which  required  part  of  the  Sunday 
to  be  devoted  to  tlie  teacliing  of  Christian  doctrine,  and  which,  there- 
fore,  suggested  the  founding  of  the  Sunday  schooL  In  a  short  time,  St. 
Cliarles^had  planted  Sunday  schools  through  the  whole  of  his  vast  dio- 
cèse. His  plan  was  to  enlist  the  active  coopération  of  the  laity,  both 
men  and  women,  and  he  gave  them,  in  the  Fraternity  of  Christian  Doc- 
trine, a  rulc  of  life  and  abundant  scope  and  employment  for  their  zeal 
and  talents." 

What  wonder,  then,  that  our  beloved  Pius  X.  like  another  St.  Charles, 

studying  existing  conditions,  saw  also  the  need  of  using  the  laity  for 

every  good  work  withiu  tlieir  power.     What  wonder,  then,  tliat  he  should 

send  forth  his  apostolic  letter,  stating  "  In  each  parish  the  Confrater-  " 

nity  of  Christian  Doctrine  is  to  be  canonically  erected.     Through  the 

Confraternity,  the  parish  priest,  especially  where  there  is  a  scarcity  of 

priests,  will  find  valuable  helpers  for  catechetical  instruction  in  pious 

lay  persons,  who  will  lend  their  aid  to  this  holy  and  salutary  work,  both 

from  a  zeal  for  the  glory  of  God,  and  as  a  means  of  gaining  gênerons 

indulgencies  granted  by  the  Sovereign  Pontiffs."     St.  Charles  Borromeo 

made  it  distinetiy  understood  that  the  Confraternity  was  not  confined 

exclusively  to  Sunday-schools.     Every  father  and  mother  in  the  land 

may  becouie  a  moinber.  and  enjoy  ail  its  spiritual  blessings,  by  simply 

faithfully  promising  to  teach  their  children.  Where  the  Confraternity 

has  been  established,  a  practical  method  has  been  introdnced  to  insure  a 

proper  knowledge  of  the  lesson.     A  part  of  the  Friday  evening  is  set 

apart  in  every  home,  and  called  the  catcchism  hour,  and  it  is  made  a 

condition  for  the  child  to  l)e  allowed  to  play  on  Saturday,  that  he  know 

thoroughly  and  intelligently  his  lesson  for  the  Sunday.     This  method 

has  produced  abundantly  good  results  wherever  properly  carried  out.  It 

is  useless  to  look  for  good  results  in  the  Sunday  school,  unless  the  teach- 

ers  themselves  are    properly  instructed    and    oquipped   in    a    thorough 

knowledge  of  the  Faith.     The  solemn  faot  stares  us  in  the  face  at  the 

beginning  of  this  century,  that  never  perhaps  has  the  Church  of  God 

been  called  upon  to  face  more  serions  problems  than  she  is  to-day.  An- 

archy,  sor-ialism,  and  countless  othcr  isms  run  rampant  over  the  land. 

Well  mcaning  individuals  are  being  carried  away  by  false  teachers.  There 

ifl,  most  assure<llv,  an  antagonism  in  the  minds  of  the  masses  towards 

religion   and   churches,  an   antagonism,  most  scandalously  fostored  by 

socialistif;  teachers.     And  the  only  way  to  supplant  this  spirit  is  to  make 

it  manifest  that  the  Gaspel  of  Christ,  as  taught  by  the  Catholic  Church, 

is  the  go.spel  of  social  reorganization  and  betterment.     Is  it  not  an  un- 

deniable  faot  that  the  sooialistic  propaganda  is  oxtonding  its  branches 

among  ail  classes  of  society,  and  making  spécial  efforts  to  poison  the 

minds  of  the  laboring  classes?     We  cannot  walk  through  1ho  streets  of 

our  great  cities  (I  speak  of  New  York),  without  encounterino-  on  almost 


—  9S7  — 

every  coruer,  crowds  assembled,  listening  to  demaprogues  preaching  its 
doctrines,  and  throwing  dust  in  the  eyes  of  the  unthinking  public,  and 
falsely  asserting  that  they  alone  can  supply  a  panacea  for  ail  the  ills  af- 
flicting  Society  to-day. 

The  De\àl  is  up  and  doing,  and  his  agents  prowl  about,  like  the  lion 
mentioned  in  the  Scriptures,  seeking  whom  they  niay  devour.  Are  the 
Catholic  men  and  wornen  of  our  land  alive  to  the  danger  ?  Is  it  ijossible 
that  we  cannot  enlist  the  sympathy  and  support  of  devoted  lay  people, 
who  will  help  the  Church  of  God  to  do  battle  for  the  faith  of  our  fathers, 
by  beginning  with  the  Sunday  school,  assistiug  the  priests  of  God,  al- 
ready  harrassed  with  many  cares,  to  properly  train  and  instruct  the 
minds  and  hearts  of  the  young  ? 

A  solution  of  this  question  has,  in  a  great  part,  been  found  in  the 
archdiocese  of  Xew  York,  in  establishing,  under  the  auspices  of  the  Con- 
fraternity  of  Christian  Doctrine,  the  Xormal  School  for  Catechists, 
where  hundreds  of  our  young  men  and  women  attend  a  two  years'  courge 
of  study  in  Dogma,  Church  History,  Sacred  Scripture?,  and  in  methods 
of  teachiug  scientifically  and  well  the  doctrines  of  Iloly  Church.  In 
the  archdiocese  of  New  York,  there  are  at  présent  seven  centres,  from 
which  hâve  gone  forth,  during  the  past  years,  numerous  graduâtes  who 
are  in  différent  parts  of  the  diocèse  teaching  the  catechism.  With  the  aid 
of  his  trained  corps  of  teachers,  the  organization  of  the  classes  begin. 
A  System  of  Kindergarten  has  been  introduced,  by  means  of  which  child- 
ren  of  six,  seven,  and  eight  years  of  âge  hâve  a  good  knowledge  of  the 
mysteries  and  elementary  principles  of  the  Faith  brought  home  to  their 
young  minds  and  fonder  hearts.  In  one  of  the  Sunday  schools  of  the 
diocèse,  I  was,  on  one  occasion,  an  interested  witness  of  a  lesson  taught 
by  a  good,  élever  young  woman.  The  lesson  was  the  story  of  the  Nativ- 
ity,  by  means  of  charts  and  pictures.  This  young  woman  brought  the 
children,  step  by  step,  over  the  journey,  from  Nazareth  to  Bethlehem, 
narrating,  as  she  went  along,  ail  that  transpired  during  the  journey.  It 
was  a  most  beautiful  and  instructive  lesson. 

The  children  were  ail  absorbed  in  it,  and  the  most  surprising  feature 
of  ail  was,  when  a  bright  little  lad,  by  the  aid  of  a  pointer,  went  over  the 
same  ground  as  his  teacher,  proving  that  the  lesson  had  fallen  on  good 
ground.  We  place  the  most  intelligent  of  the  catechists  in  charge  of  the 
Kindergarten  classes,  therelDy  laying  a  good  foundation  in  the  hearts  of 
the  children.  Step  by  step,  this  System  advanccs,  the  classes  being  grad- 
ed  as  in  one  of  the  day  schools,  until  the  final  -year  is  reached.  The  ro- 
sults  of  this  method,  when  introduced,  hâve  been  a  largely  increased 
attendance  and  a  most  absorbing  interost  manifested  in  the  doctrines  of 
the  Church.  Another  bénéficiai  rcsult  has  been  brought  about,  namely, 
the  keeping  of  the  children  in  the  Sunday  school  for  at  least  four  years 
after  the  réception  of  the  sacrament  of  Holy  Eucharist  and  Confirm- 
ation. But  the  very  best  System  in  the  world  will  bc  unavailing,  unlo«s 
means  be  found  to  bring  the  children  under  the  inlliionce  of  the  trainod 
catechists.  One  of  the  great  evils  to  be  deplored,  is  the  utter  indifTcr- 
ence  manifested  bv  some  Catholic  parents  in  the  religious  training  of 
their  children.  manv  of  whom  never  give  a  thouorht  to  thcir  spiritual 


—  988  — 

welfare,  aiul  allou"  thoni  to  irrow  up  in  absolute  ignorance  of  the  ess- 
eutials  of  tlie  tlie  Catliolic  faith.  How  to  reach  thèse  people,  and  to  bring 
them  and  their  children  to  a  better  condition  of  life  is  one  of  the  prob- 
lems  we  are  called  upon  to  solve.  St.  Charles  Borromeo  was  confronted 
with  the  same  difficiilty,  but  as  a  faithful  nastor  of  soûls,  he  set  about 
solving  it  in  a  nractical  manner.  Many  persons  of  both  sexes,  at  his 
instigation,  devoted  themselves  to  tins  pious  M-ork;  sonie  of  the  most 
zealous  he  sent  into  différent  towns  and  villages  of  his  diocèse.  The 
kindness  and  affection  with  which  he  treated  the  catechists  were  such  as 
fully  to  reconcile  them  to  ail  the  difficulties  and  contradictions  they  had 
to  encounter. 

Particular  notice  should  be  given  to  the  Fishers,  members  of  the  Con- 
fraternity,  as  they  were  called,  who  derived  this  name,  as  it  is  almost 
unnecessary  to  observe,  from  their  office  of  fishing  for  souIs.  They  went 
about  from  house  to  house,  finding  out  neglected  children,  and  bringing 
them  to  the  cateehism  classes.  Enormous  was  the  good  accomplished. 
At  the  death  of  St.  Charles,  there  were  no  less  than  740  schools,  over 
4,000  catechists,  and  40,000  scholars.  Such  was  the  development  that 
this  pious  work  obtained  under  the  fostering  care  of  this  indefatigable 
pastor,  who,  in  a  brief  space  of  time,  accomplished  a  most  remarkable 
religions  and  social  reconstruction. 

In  a  measure,  the  Church  of  God  to-day  is  confronted  Avith  some  of 
the  difficulties  which  had  beset  the  path  of  St.  Charles  Borromeo.  One 
of  the  dominant  features  of  the  présent  âge  is  its  efforts  at  social  better- 
ment.  The  mood  of  the  hour  is  one  of  fraternal  sympathy,  and  it  be- 
hooves  the  Church  of  God,  not  only  to  harness  thèse  warm,  strong, 
widely  diffused  feelings  to  useful  lines  of  thought,  but  for  the  priests  of 
God  to  become  at  once  the  leaders,  each  in  his  own  sphère,  in  the  on- 
ward  march  towards  the  social,  économie  betterment  of  his  people.  For 
if  our  Holy  Faith  is  to  be  made  deeply  effective  in  thèse  days,  and  be 
able  to  neutralize  the  baneful  effects  of  socialistic  doctrine,  it  is  imper- 
ative  tliat  this  absorbing  social  interest  should  be  recognized,  utilized, 
and  brought  within  proper  bounds.  One  of  the  suprême  needs  of  the 
liour  is  for  Catholic  men  and  women,  who  hâve  zeal  and  love  for  theii; 
faith,  to  be  up  and  doing,  and  helping  to  bring  a  knowledge  of  the  truths 
of  faith  into  tho  darkened  cheerless  homes  of  many  of  their  co-religion- 
ists.  If  you  will  take  the  trouble  to  go  through  the  sections  of  some  of 
the  great  cities  where  the  laboring  classes  are  housed,  and  see  with  your 
own  eyes  the  actual  conditions  of  their  lives  ;  if  you  will  stand  by  as  they 
take  their  so-called  pleasures,  and  witness  their  poverty,  not  only  in 
iliings  material,  but  even  in  the  finer  feelings  of  life  —  you  will  need  no 
commentary  to  tell  you  the  meaning  of  the  words  of  Sacred  Scriptures 
as  to  unresponsiveness  of  certain  hearts,  because  of  the  conditions  of 
tb'-ir.  Tlie  spiritual  tragedy  which  stands  ugly  and  bare,  in  whole 
--lions  of  the  workers'  world,  is  the  most  awful  aspect  of  it.  Hère, 
again,  I  say,  thèse  people  may,  and  can  be  reached,  if  we  go  about  it  in 
a  prartical,  zealous  manner.  The  Confraternitv  of  Christian  Doctrine 
can  be  utilized  in  this  great  work,  and  it  was  made  use  of  bv  St.  Charles 
Borromeo.     One  of  the  mfjst  important  features  of  it,  as  I    hâve  said 


—  989  — 

above,  is  the  Fisliers,  whose  duty  is  to  assist  ihe  pastor  in  tins  Clirist- 
like  work  of  bringing  soûls  back  "to  God,  by  interesting  themselves  in 
their  temporal  and  material  interests.  According  to  the  provisions  of 
the  Confraternity,  every  parisli  niay  be  divided  into  as  many  districts 
as  is  deemed  necessary,  and  a  Fislier  assigned  to  every  district,  who,  in 
a  short  space  of  time,  will  become  acquainted  with  every  Catholic  family, 
whether  good,  bad  or  indiffèrent,  and  zealously  and  prudently  interest- 
ing themselves  in  their  family  affairs,  will  soon  succeed  in  bringing 
back  to  the  fold  many  a  stray  sheep.  2s  o  one  can  be  insensible  of  the 
enormous  good  that  can  be  accomplished  by  thèse  methods,  if  intelli- 
gently  and  conscientiously  followed  ont.  Must  we  not  acknowledge  to 
our  shame  the  work  being  done  outside  the  Chiirch,  by  those  not  of  the 
Faith,  in  their  so-called  settlements,  wdiere  in  numberless  cases,  making 
use  of  the  most  dishonorable  means,  they  succeed,  imhappily  too  often, 
in  robbing  our  children  of  their  faith?  From  a  brief  expérience  in 
dealing  with  this  subject,  I  am  in  a  position  to  state  positively,  that 
wherever  a  branch  of  the  Confraternity  of  the  Christian  Doctrine  has 
been  established,  and  intelligently,  diïigently  and  zealously  directed, 
proselytism  has  been  practically  stamped  ou  t. 

The  difficulty  in  many  cases  is  to  get  the  priestâ  of  God  out  of  the 
rut  into  which  they  hâve  allowed  themselves  to  fall.  The  old  method 
of  waiting  for  the  people  to  come  to  us  will  no  longer  avail.  We  must 
go  down  to  them,  we  must  visit  their  homes,  we  must  become  a  part 
and  parcel  of  their  lives.  Priests  of  God  are  sent  to  be  fishers  of  men. 
But  where  they  use  exclusively  old-fashioned  methods,  which  lay  the  sole 
or  even  the  main  emphasis  upon  individual  régénération,  quite  apart 
from  the  guidance  and  inspiration  of  the  Church,  I  think  you  will  bear 
me  out  that  in  thèse  latter  days  they  do  not  land  the  fish  to  any  consid- 
érable extent,,  and,  in  certain  classes  of  society,  they  do  not  land  them  at 
ail.  It  is  easy  to  lay  the  blâme  for  this  failure  on  others.  It  is  easy 
to  say  that  such  methods  hâve  been  blessed  by  God,  they  worked  at  once, 
and  would  work  now,  were  it  not  for  the  hard  and  uncircumcised  hcarts 
of  thèse  twentieth  century  fish.  It  has  always  been  easier  to  call  names 
than  to  win  men  to  higher  deeds.  It  is  easy  to  denounce  soundly  the 
pleasure  seekers,  and  the  socialistic  leaders,  who,  in  their  différent  ways, 
hâve  done  much  to  draw  the  attention  of  thousands  of  pooplc  from  the 
Christian  faith.  It  is  especially  easy  to  do  this  from  the  j)iil])it,  be- 
cause  the  people  denounced  are  not  usually  there  to  hear.  But  none  of 
thèse  excuses  for  the  failure  of  the  priest  to  gain  a  hearing  for,  and  the 
accomplishment  of,  his  message  ever  satisfies  the  heart  of  a  man  wlio  is 
hungry  to  win  other  men  to  Christ. 

What,  then,  should  we,  as  priests  of  God,  do  in  order  to  reach  thèse 
children  who  are  negleeted,  and  to  bring  to  them  and  to  their  parents 
a  knowledge  of  Christ  and  of  Ilis  toachings?  TIavo  we  not  kopt  our- 
selves  apart  too  much  from  the  daily  life  and  interests  ol"  our  i)eoj)k';' 
Is  it  not  a  fact,  in  looking  back  on  the  history  of  the  Churdi  in  years 
gone  by,  that  she  has  ever  been  the  solace  and  the  happiness  and  support 
of  the  poor  and  wretchod  in  ail  the  différent  phases  of  lier  existciu'o? 
We  must  not,  in  thèse  latter  time.>,  allow  lier  to  lu»  deprived  of  tlie  hon- 


—  990  — 

or  whioh  is  justlv  hers,  and  if  modem  démagogues  are  slandering  her, 
and  tlirovvinçr  dust  in  the  eyes  oi'  Ihe  people,  we,  as  loyal  leaders  of  the 
armv  of  the^Lord,  must  be  up  and  doing.  We  prieste,  must,  by  ail  the 
means  in  our  power,  influence  Catholie  men  and  women  of  tlie  nation  to 
corne  down  from  the  lofty  pedestal  on  which  their  self-sufficient  pride 
and  complacency  hâve  placed  them,  and  make  them  go  down  with  us 
into  the  modern^slum,  and  bring  Christ's  message  of  peace,  and  hope,  and 
love  into  the  darkened  homes  oî  those  seemingly  abandoned  ones.  "  The 
awakening  of  the  individual  conscience  takes  time,"  and  the  maiority  of 
the  individual  Catholies  hâve  yet  to  learn  the  duty  of  "  the  individual 
Catholie  to  the  body  Catholie." 

The  cry  has  hitherto  been:  what  is  it  to  me  if  others  starve  for  the 
bread  of  life?  Am  I  my  brother's  keeper?  Eemember  it  was  Gain,  the 
first  murderer,  who  hurled  this  défiance  in  the  face  of  an  angry  God, 
We  are  our  brother's  keeper;  and  the  just  God  above  will  hold  us  re- 
sponsible  for  the  discharge  of  our  duty  in  this  respect.  On  thèse  and 
similar  questions  the  great  Pontifï,  Léo  XIII.  of  happy  memory,  gives 
an  answer  in  one  of  his  encyclicals.  "  The  path  of  improvement  is 
better  assured  and  more  quicldy  traversed,  the  more  we  hâve  the  coopér- 
ation of  leading  men  with  their  wide  opportunity  of  effective  aid.  We 
would  bave  them  to  consider  that  they  are  not  free  to  choose  whether 
they  will  take  up  the  cause  of  the  poor  or  not  —  it  is  a  matter  of  simple 
duty.  What  the  weight  of  our  obligations  is,  we  may  discern  from  the 
proportionate  superabundance  of  the  good  things  we  hâve  received.  He 
who  neglects  to  take  up  the  cause  of  the  poor,  acts  without  regard  to  his 
Personal  interests,  as  well  as  that  of  his  country.  It  is  for  Catholies  to 
take  the  initiative  in  ail  true  social  problems,  to  show  themselves  the 
steadfast  defenders  and  enlightened  counsellors  of  the  weak,  and  de- 
termined  to  be  champions  of  the  elevated  principles  of  justice  and  Christ- 
ian civilization."  Surely,  hère,  there  is  an  évident  duty,  and  how  are 
the  Catholie  laity  of  our  great  cities  diseharging  it?  In  every  parish 
where  the  Confraternity  is  esiablished,  the  laity  can  be  aroused  to  a, 
sensé  of  personal  responsibility,  and  an  ai-my  of  zealous  men  and  women 
raised,  who  will  assist  God's  pricsts  to  do  battle  for  the  faith  that  is  in 
them.  By  the  means  of  this  Confraternity  the  laity  can  be  interested 
in  one  of  the  greatest  movements  of  the  country,  a  movement  destined 
under  Providence,  to  reform  the  System  of  catechetical  instruction,  and 
impart  to  the  rising  génération,  not  only  a  more  intelligent  conception 
of  the  Faith,  but  a  greater  and  more  abidino-  love  for  it,  and  at  the  same 
time  to  make  of  themselves  véritable  missionaries,  to  go  among  the 
people,  and  préserve  them  from  the  dangerous  and  dishonorable  tactics 
of  proselytizerg  and  false  teachers. 

Is  not  this  the  time  to  begin  the  work?  Outside  the  Church  ail  is 
hopf'less  chaos  and  confusion  on  doctrinal  matters  :  no  one  speaking  with 
anthority,  everv  man  his  own  teacher,  his  own  apologist,  prophet  and 
guide,  a  véritable  Babel  of  confusion  being  the  unhappy,  but  inévitable 
conserjuence. 

Thoiightfiil  men  of  the  household  of  Faith  are  of  the  opinion  that  the 
Catholie  Church  has  a  larger  fîeld  open  to  her  to^day  than  ever  before. 


—  991  — 

On  the  one  hand,  we  hâve  the  inspiration  proeeeding  from  ihe  mastcrly, 
matchless  leadership  of  the  ^reat  and  holy  Pontilî  who  sitô  in  Peter'ij 
chair,  and  whose  sole  object  has  been  from  the  bepinning  of  his  pontifi- 
cate  to  restore  ail  things  in  Christ.  On  the  other  hand,  the  modem 
spirit,  with  its  déniai  of  ail  things  supernatural,  is  claiming  more  and 
more  attention  until  soon  there  will  be  nothing  left  outside  the  Church 
but  indifferentism  and  irrelisrion. 

This  will  be  the  Church *s  opportunity  to  bring  back  to  men's  minds 
a  true  kuowledge  oi  the  teachings  of  Christ,  and  to  show  them  that  Hi^ 
doctrines  alone  can  supply  the  remedy  for  healing  the  ills  of  the  nations. 

In  conclusion,  it  is  most  respectfullv  suggested  that  a  thorough  exam- 
ination  be  made  of  the  workings  of  the  Confraternity.  Our  Holv  Father 
lias  honored  the  memory  of  its  great  founder  St.  Charles  Borromeo,  on 
the  three  hundredth  anniversary  of  his  canonization,  with  an  encyclical 
letter,  in  which  he  characterizes  him  as  a  reformer  in  the  true  and 
Catholic  sensé  of  the  term.  This  saint  brought  order  ont  of  seeming 
hopless  chaos  by  this  Confraternity,  inspired  zeal  for  soûls,  not  only  in 
the  hearts  of  the  clergy,  but  of  the  laity,  and  showed  the  world  what 
could  be  donc  by  those  who  hunger  to  save  soûls  for  Christ. 

The  day  of  the  Lay  Apostolate  has  corne  to  stay  in  thèse  modem 
times,  and  what  was  donc  by  the  great  Archbishop  of  Milan  can  be  at 
least  partially  donc  in  thèse  days  of  wider  opportunities  and  more  sub- 
stantial  resources.  I  repeat  what  was  said  above  in  this  paper,  that 
where  a  ])ranch  of  the  Confraternity  is  established,  wisely,  and  prud- 
ently,  and  intelligently,  directed,  not  only  are  the  chiklren  more  prop- 
erly  and  scrupuously  instmcted  in  the  Faith.  but  real  reform  is  effected 
in  the  homes  and  lives  of  both  children  and  parents. 


ADVANTAGES   OF   THE   PRIESTS'    EUCHARISTIC 

LEAGUE. 

BY 
Rev.  E.  POIRIER,  S.  S.  S. 


Its  présent  status. 

BEFOTÎE  presenting  thi?  paper  to  this  distingnished  audience,  I  wish 
to  state  that  it  was  planned  at  first  to  présent  twn  papers  on  this  subject. 
In  order  not  to  encroach  on  the  time  allotted  to  other  papers  only  one 
could  be  read.  Both  are  embodied  in  the  présent  one.  The  author  of 
the  first  paper,  or  the  fîrst  part  of  this  paper,  is  the  Ifevercnd  Selinger, 
D.D.,  of  JefTerson  City,  Mo. 

In  this  paper  on  the  advantages  of  the  Priests'  Eucharistie  I>eague, 
I  désire  to  answer  two  questions:  First,  is  there  any  guarantee  for  ad- 


—  993  — 

vantaires  of  siu-li  a  Leagiie  in  tlie  historv  of  the  Blessed  Eucharist?  Sec- 
oud,  what  pec-uliar  advaiitages  can  tliere  be  in  tliis  league  at  the  présent 
time? 

The  sacrifice  and  sacrament  of  the  altar,  distinct  indeed  in  themselves, 
though  the  hitter  dépends  on  the  former  for  its  being,  —  were  both  given 
in  charge  of  His  priests  by  the  Lord  at  the  hist  supper. 

"  Do  this  in  commémoration  of  me  "  is  the  pledge  of  His  nnbounded 
confidence  in  His  priests.     And  how  they  ought  to  cherish  that  trust  ! 

Xow  it  woukl  seem  that  the  Eucharistie  League  of  priests  thus  formed 
by  the  Master  Himself  needed  no  further  help. 

Yet  the  same  who  sat  with  Him  at  Table,  left  Him  a  few  hours  later 
when  He  gave  Himself  into  the  hands  of  His  enemies.  "  Let  no  man 
take  it  amiss  "  writes  St.  John  Chrysostom,  "  when  we  say  the  Apostles 
were  so  imperfect;  for  the  mystery  of  the  cross  was  not  yet  consumm- 
ated,  neither  had  the  grâce  of  the  Spirit  entered  into  their  hearts."  (66th 
Homily  ou  Matthew).  We  learn  that  after  Pentecost  they  persevered 
in  the  breaking  of  bread.  (Acts  2,  46). 

But  St.  Paul  found  it  necessary  forcibly  to  remind  the  Corinthians 
that  the  feast  of  love  is  the  partaking  of  the  Body  and  Blood  of  the 
Lord.  (1  Cor.  11,  27),  St.  Ignatius,  martyr-'bishop,  warned  the  christ- 
ians  of  Smyrna  that  "  some  should  not  abstain  from  Eucharist  and 
prayer."' 

The  discipline  of  secrecy,  which  was  observed  in  obédience  to  the 
words  of  Christ  :  "  Give  not  that  which  is  holy  to  the  dogs  ;  neither  cast 
ye  your  pearls  before  swine."  (Matth.  7,  6.),  withheld  the  Holy  of 
holies  from  unclean  minds  and  carnal  appetites  for  centuries,  until  the 
V.  century,  when  clergy  and  laity  enjoyed  freedom  of  worship,  then  did 
the  study  of  Christ  in  sacrifice  and  sacrament  become  matter  of  public 
instruction. 

Now,  although  there  was  no  explicit  attack  on  the  Keal  Présence  by 
heretics  and  schismatics  in  the  early  âges  of  the  church,  yet  the  Eathers 
abundantly  witness  to  the  truth  of  it  in  their  defence  oî  dogmas  of  the 
Trinity,  of  Christ's  nature  and  person,  of  the  authoritv  in  the  Church. 
The  relation  of  nriest  and  faithful  to  the  Blessed  Eucharist  is  that  of 
the  body  to  the  heart,  according  to  the  Fathers. 

The  Church  never  permitted  thoughtless  handhng  of  the  Blessed 
Eucharist:  neither  did  she  allow  that  central  object  of  worship  to  sufïer 
any  détriment;  it  became  necessary,  however,  at' times  to  lend  fresh  im- 
pulse to  the  study  and  dévotion  for  it.  The  Doctors  of  the  Church, 
closely  following  the  teac-hing  of  the  Fathers,  gradually  ordered  that 
wonderful  system  of  trutli  regarding  the  Blessed  Eucharist  which  we  find 
particularly  in  the  Sunima  of  the  Angel  of  the  Schools. 

The  mystery  of  the  altar,  by  the  consummate  skill  of  the  Fathers  and 
of  the  Doctors  of  the  Church,  seemed  thus  safeguarded  against  doubt 
and  dispute  in  the  future.  Alas  !  défection  from  suprême  authority  m 
the  church  in  the  sixteenth  century  appearcd  to  make  ail  former  labor  in 
vain.  The  words  of  our  I^rd  at  the  last  supper  :  "  This  is  my  Body  '' 
and  "  This  is  niy  Blood  "  were  made  spiritless. 

In  the  sad  train   of  that  mis-formation  those  words  were  shadows 


—  DDo  — 

without  substance,  figures  witliout  life.  Then  came  tlic  Fathers  in  the 
Council  of  Trent.  Tliey  suninioned  the  past  to  witness  to  the  truth  of 
the  Real  Présence.  Admirably  concentrating  the  trutli,  they  formulated 
the  dognias  («1'  the  Hlessed  Kucharist.  Faith  in  the  sacred  inystery,  the 
discipline  of  the  sacrifice  and  sacrament  of  the  altar  were  put  beyond 
cavih 

The  history  of  the  Blcssed  Eucharist  does  not  warrant  that  dévotion 
to  it  was  kecnost  when  dispute  about  it  was  hottest,  but  it  does  assure 
us  that  the  faith  fui  resort  ed  to  it  when  priests  werc  most  zealons  in 
explaining  and  administering  il.  Xever  was  it  more  noticeably  a  foun- 
tain  of  life  and  grâce,  nor  more  truly  a  fulfillment  of  the  Savior's  pro- 
mise: "Corne  to  Me  ail  ye  thaï  labor  and  arc  burdened.  and  I  will  re- 
fresh  you/'  (Matt.  11.  28).  than  when  the  pcople  had  their  minds  and 
hearts  directed  to  it  by  priests  who  were  enlightened  and  devoted  in  its 
purposes.  St.  John  Chrysostoni  justly  insistcd  on  tlu'  great  care  those 
should  havc  Avho  handlcd  the  vessels  of  the  Lord.  St.  Thomas  of  Aquinas 
places  their  love  above  the  fear  they  should  hâve  for  it  ;  "  from  love," 
he  says,  "  arises  the  désire  to  receive  the  mystery  ;  from  fear  however 
arises  huniility  of  révérence  for  it.''     (IIT  P.  ^.  80,  a.  10,  ad  3). 

The  knowledge  of  the  doctrine  of  the  Mass  and  of  the  holy  Commun- 
ion was  not  notably  wanting  among  the  clergy  of  the  early  and  later 
middle  âges  ;  yet  at  times  and  in  some  places  the  celehration  of  the  sacri- 
fice and  the  administration  of  the  sacrament  snffered  by  himian  frailty. 
When  déniai  and  rejection  of  the  Mass  and  of  holy  communion  by  those 
who  revolted  against  Mother  Church  in  the  sixteenth  century  became 
alarniing,  the  priests  were  vividly  impressed  vrith  their  duty  to  guard 
the  Bodv  and  Blood  of  the  Lord  and  to  urge  more  fréquent  approach 
to  the  holy  table.  The  doctrine  of  the  Blessed  Eucharist  was  made  pré- 
cise enough  by  the  Council  of  Trent:  yet  the  rigors  of  Jansenism  res- 
tricted  the  use  of  the  sacrament.  Fear,  not  love,  was  made  to  predom- 
inate.  Xow,  however,  fear  i?  superseded  by  love  and  désire  for  the  Sa- 
crament. thanks  to  T.eo  XITT.  of  blessed  memory,  particularly  to  our 
présent  Holy  Fatlier,  Pi  us  X. 

Thus  the  Priests'  Eucharistie  Eeague  founded  by  the  Blaster  Himself 
at  the  last  supper,  was,  from  time  to  tinu',  prompted  ])y  fresh  ins))ira- 
tions.  Such  impulses  may  be  safely  ascribed  to  the  lloly  Spirit,  since 
it  is  nis  mission  to  suggcst  ail  thiiigs  whatsoever  the  Master  had  com- 
manded.  (S.  John  14.  20  and  16,  13). 

Can  \ve  claiiii  auy  such  advaiitage  for  the  Priests'  Eucharistie  League 
founded  in  our  time  by  tlie  labors  and  zeal  of  Vénérable  Père  Eymard  ? 
I  shall  try  to  answer  that  question  and  meet  an  oljjection  commonly 
made  against  the  league  of  priests  inaugurated  by  him. 

The  objection  mav  be  thus  l)riefly  stated  :  First,  the  tradilional  method 
prescribcd  by  the  Church,  for  .the  training  of  her  ClergA-  in  the  semin- 
aries.  ought  to  be  quile  sufficient  to  impart  knowledge  and  zeal  proper 
to  tliose  who  hâve  the  care  of  the  Blessed  Eucharist. 

As  a  gênerai  answer  let  it  be  noted  that  the  api)roval  and  repeated 
encouragement  of  Léo  XTTI.  and  of  our  IToly  Falher  Pius  X.  of  tl^e 
Priests'  Eucharistie  League  remove  ail  suspicion  of  variance  with  the 
32 


—  994  — 

spirit  ol"  the  Cliurch.  There  can  be  no  undue  refiection  on  traditioual 
methods  of  study  and  piety  fostered  by  the  church  in  the  training  of 
her  clerg}',  when  so  many  bishops  and  priests  think  it  profitable  to  Join 
the  Loague.  Its  aims  are  not  exclusive,  neither  does  it  tend  to  make  its 
members  exclusive.  It  does  peculiarly  foster  dévotion  to  the  Blessed 
Eucharist.  It  urges  its  members  to  spécial  study  and  care  for  every- 
thing  pertaining  to  the  Blessed  Sacrament. 

Spécifie  answer: 

The  priesthood  of  Christ  shaJl  never  fail.  The  inexhaustible  source 
of  love  and  dévotion  for  the  real  Body  and  Blood  of  Christ  is  contained 
in  the  very  character  of  the  piiest.  He  impersonates  Christ  never  more 
than  in  the  sacrifîcial  act  of  mass,  and  when  he  administers  the  Sacra- 
ment to  the  flock.  An  association  of  priests,  however,  whose  purpose  il 
is  to  intensify  and  extend  knovt^ledge  of  the  hidden  Lord,  to  effectuate 
His  désire  to  be  food  and  life  for  starving  multitudes,  is  certainly  a  help 
to  priestly  energv  which  easily  wanes  in  the  struggles  of  modem  life. 

For,  what  is  the  end  of  the  Priests'  Eucharistie  League  ? 

Ist.  It  is,  as  you  know,  to  respond  to  the  désire  of  the  Eucharistie 
Heart,  by  drawing  doser  to  the  same  the  heart  of  the  priest,  by  means 
of  prolonged  weekly  visits,  and  more  fréquent  daily  visits.  Thus  the 
priest  is  brought  into  doser  relation  with  the  Source  of  the  priesthood, 
the  Author  of  his  Sacerdotal  grâces.  Not  the  least  among  thèse  grâces 
are  the  deepor  knowledge  lie  acquires  of  his  Master,  the  more  fervent 
affections  of  his  heart,  and  the  more  solid  purposes  of  his  will  thus  en- 
gendered. 

2nd.  The  faithful  member  of  the  P.  E.  L.  will  not  only  be  a  better 
adorer  when  he  adores  ex  officio  at  Mass  and  while  administering  the 
Sacramonts  ;  but  he  will  be  ail  the  more  active  and  successful  in  im- 
parting  knowledge  and  love  of  Christ  to  the  people  in  his  care.  Through 
him  they  will  draw  more  abundant  grâces,  as  he  does  himself,  from 
the  ever  efficient  Source  of  ail  virtue  and  holienss,  the  Holy  Eucharist. 
When  he  preaches,  hears  confessions,  and  converses,  his  intense  sacer- 
dotal spirit  will  show  in  his  words  and  countenance. 

.'{rd.  To  maintain  and  devdop  in  the  priest  the  spirit  of  prayer  is  an 
advantage  issuing  from  tbe  l.eague  that  we  must  not  overlook.  "  Mental 
prayer  is  to  the  priest  what  the  wings  are  to  the  bird,"  said  Pope  Pius  X. 
to  the  students  of  the  American  Collège  in  Eome.  The  Vénérable  Father 
Eymard  conveyed  a  similar  idea  when  he  said  equivalently  that  a  plant 
droops  down  when  it  lacks  moisturo,  amd  so  does  the  priest  when  mental 
prayer  is  lacking  in  his  daily  life.  Of  what  help,  then,  will  not  be  to 
the  member  of  the  P.E.L.  his  hour  of  adoration,  which  brings  him  for 
a  whole  hour  at  the  feet  of,  and  on  the  heart,  and  under  the  immédiate 
influence  of,  his  sacramental  Lord  and  sanctifier. 

I 
Oiigin  and  présent  status  of  the  P.  E.  L. 

That  tlic  <';iergy  at  large  has  appreciated  the  Priests'  Eucharistie 
U-ague  and   has  Bought  to  reap  the  spiritual  advantages  it  offers,  is 


—  995  — 

évident  from  the  figures  given  by  tlie  Central  Direction.  At  présent, 
there  are  97,000  members  enrolled  in  the  P.  E.  L.  aniong  the  variou^ 
nations  of  the  whole  world.  This  inchules  12  Cardinals  and  240  Arch- 
bishops  and  Bishops.  Wliat  a  giorious  army  !  "  Oh  !  tlie  adoration  niade 
by  the  priests,  how  great  is  this  work  !  "  said  the  holy  Jean  Marie  Vian- 
ney,  the  Cure  d'Ars,  when  he  congratulated  Père  EvTiiard  on  its  insti- 
tution, and  gave  his  name  to  be  one  ol'  its  first  nicnd^ers. 

How  was  the  Priests'  Eucharistie  League  appreciated  in  the  United 
States  of  North  America  ?  The  answer  is  given  in  the  following  lig- 
ures: There  are  at  this  tinie  8,015  members  enrolled  l'rom  the  American 
clergy,  several  hundreds  of  whom  are  Eeligious.  In  spite  of  the  many 
exercises  of  piety  to  whicli  they  are  bound  by  Kule,  they  wish  to  joiu 
with  their  brethren  of  the  Secular  clergy  in  the  watch  before  the  Pris- 
oner  of  Love.     In  Canada  there  are  2450  P.  E.  L.  members. 

The  first  Bishops  of  the  United  States  who  gave  their  nanies  to  the 
Association  were  Mgr  Goesbriand,  of  Burlington,  and  Mgr  Neraz,  oL' 
San  Antonio.  Owing  to  their  influence  and  to  that  of  the  Sulpician 
Fathers,  of  Baltimore,  there  were  recorded,  after  a  while,  54  Americaai 
members,  and  through  devcted  priests  like  the  Eeverend  Fathers  Didier^ 
of  Baltimore,  Bachman,  of  Louisville,  Brinkmeyer,  of  Cincinnati,- 
Rainer,  of  Milwaukee,  Brockmeier,  of  New  Orléans,  Meckel,  of  Alton, 
111.,  Vaillant,  of  Green  Bay,  and  Lowney,  of  Providence;  and  soon  after 
the  League  began  to  spread  in  the  diocèse  of  Louisville.  In  was  in. 
the  year  1891  that  the  attention  of  the  Bénédictines  of  St.  Meinrad  was- 
called  to  the  Association,  and  the  Rev.  Bede  Maler,  0.  S.  B.,  by  request 
of  the  Central  Division  at  Paris,  assumed  the  gênerai  direction  for  the 
United  States. 

In  order  to  extend  the  influence  of  the  Priests'  Eucharistie  League 
over  the  whole  body  of  the  American  clergy,  it  was  resolved  to  imitate 
the  example  of  the  European  unions,  and  to  organize  a  Eucharistie 
Congress  which  would  call  public  attention  to  the  existence  of  the  asso- 
ciation, and  arouse  a  common  interest  in  its  work.  As  a  preliminary 
to  the  proposed  Congress,  it  was  deemed  necessary  to  hold  a  convention 
of  the  active  members,  so  in  response  to  the  invitations  sent  ont  by 
the  Kt.  Rev.  Camillus  P.  Maes,  Bisliop  of  Covington,  on  February  2, 
1894,  to  a  number  of  Bishojis  and  priests,  the  following  assembled  at 
the  bishop's  house,  Covington,  Kentucky,  on  the  feast  of  St.  Thomas 
Aquinas,  Bishop  Maes  presiding: 

Most  Rev.  W.  H.  Elder,  I).  1).,  Arc-hbishop  of  Cincinnati. 

Very  Rev.  W.  Cluse,  V.G.,  Belleville,  Illinois. 

Rev.  Jos.  A.  Blenke,  Covington,  Kentucky. 

Rev.  Bede  Maler,  O.  S.  B.,  St.  Meinrad's,  Tndiana. 

Rev.  Henry  Brinkmeyer,  Cedar  Point,  Ohio. 

Upon  the  assurance  given  by  Rev.  B.  Maler,  O.  S.  M.,  that  the  Very 
Rev.  Provincial  of  the  Fathers  of  the  Holy  Cros.'^  woidd  gladly  ]H'rniit 
the  said  convention  to  be  liold  at  Notre  Dame  Univorsity.  it  was  rosolvrs] 
to  hold  the  convention  at  Notre  Dame,  Indiana,  on  Tuesday  and  Wed- 
nesday,  the  7th  and  8th  days  of  Augxist,  1894.  The  minutes  of  thi 
preliminary  meeting,  together  with  an  invitation  to  the  convention,  were 
sent  to  ail  the  associâtes. 


s 


—  99G  — 

Tlio  convention  was  o|)enc(l  on  tlie  appointed  <lay.  Six  bisliops  and 
175  secnlar  and  roijular  clci'gy,  representing  many  archbishops  and 
bisliops,  werc  prosent.  Solenin  cérémonies  were  held,  practical  and  in- 
terosting  papers  were  read.  It  was  deti'rniined  to  hold  a  Eucharistie 
Consires's  in  189:),  and  the  Et.  Rev.  Caniillus  P.  Maes  was  elected  Per- 
manent Président  of  Encbaristic  Congresses  and  Conventions. 

Througli  the  oencrositv  of  tbo  L'ev.  H.  Heuser,  Editor  of  the  Ameri- 
can Ecclesiastical  Keview,  a  Eucharistie  îs^umber  was  issued  in  Nov- 
ember,  1891,  and  contribnted  hirgely  to  the  success  of  the  first  Congress 
that  wa*  held  in  Washington,  m  1895,  and  paved  tlie  way  for  the 
appearance  of  the  Emmanuel,  the  Officiai  Organ  of  the  Priests'  Euch- 
aristie League,  edited  by  the  Rx.  Rev.  Protector  of  the  League,  the 
Bishop  of  C'ovington. 

Verv  favorable,  indeed,  to  the  growth  and  steady  progress  of  the 
Priests'  Eucharistie  League  was  the  officiai  récognition  of  the  Most 
Révérend  and  \'ery  Révérend  members  of  the  Hierarchy. 

The  2nd  convention  A\as  held  in  Notre  Dame,  in  1897.  Diocesan 
Directors  were  appointed  in  the  course  oF  time.  There  were  ah-eady 
()2  appointed  at  the  time  of  the  3rd  convention  in  Philadelphia,  in  1899. 
Directors  were  appointed  also  for  the  various  Religions  Orders.  The 
Révérend  directors,  both  religions  and  secular,  hâve  ever  been  a  great 
factor  in  increasing  the  membership  and  the  strength  of  the  League. 
They  are  now  113  in  numbcr. 

The  Diocesan  Conférences,  which  are  often  connected  with  the  annual 
clérical  retreats,  bave  also  proved  to  be  a  very  powerfui  means  to  renew 
and  maintain  the  life  and  spirit  of  the  League.  Sixty-six  Diocesan  Con- 
férences bave  been  held  u])  to  the  présent  date.  They  are  held  annually 
in  (ireen  Bay,  Sacramonto,  Pittsbnrg,  Albany  (Oreg.),  Détroit,  London, 
(Ont..  Can.)  ;  and  from  time  to  time  in  Louisville,  Los  Angeles,  San 
Francisco.  Harrisburg.  and  Xew  Rork  had  also  a  conférence. 

The  2inl  gênerai  Congress  took  place  in  St.  Louis,  in  Oct.,  1901.  The 
Rev.  Father  Kede  Maler,  0.  S.  B.,  and  the  Rev.  Fr.  Vincent  Wagner, 
O.  S.  B.,  the  '2nd  Director  General,  lent  to  its  préparation  their  intelli- 
gent and  untiriiig  labor.  The  ;5rd  one  was  held  in  New  York,  in  1904, 
and  the  4th  one  in  Pittsbnrg,  in  190G. 

The  4th  convention  was  held  in  Notre  Dame  again  m  1908.  In  ail 
thoBe  circnmstances  the  League  benefited  by  the  watchful  and  devoted 
supervision  of  our  Rt.  Rev.  Protector. 

The  Eiiglish-speaking  members  of  Canada  now  correspond  with  the 
New  York  Center.  Wc  reckon  among  them  255  subscribers  to  the  Em- 
manuel. I<i9  copies  of  the  Enimanual  are  mailed  to  Treland,  England 
and  Scotland  every  iTionth.  Through  the  Rt.  Rev.  P.  V.  D^vyer,  Bishop 
of  New  South  Wales.  the  League  luis  been  started  in  Australia  with  a 
membership  of  52.  13  copies  are  mailod  to  the  Republic  of  Mexico,  and 
a  few  members  scattered  in  far  distant  lands  such  as  Asia,  Africa,  and 
Ocoîinia.  18  in  number,  still  wish  to  remain  in  touch  with  the  American 
Itranch.  Apart  froin  al!  thèse,  there  are  siill  under  the  shadow  of  the 
Stan»  nnd  St ripes  8035  members,  as  we  said  in  the  beginning,  which 
c-onstitutcs  a  membership  almost  erjual  to  that  of  France,  the  land  of 
the  birtli  of  the  Sacerdotal  Confraternity.     It  bas  always  been  deemed 


—  O'j:  — 

désirable  that  priests  sliould  join  tlie  League  and  begiu  to  coinply  witln 
its  requiremeuts  froin  the  tiiiie  of  their  foniiatioii  in  tlie  Seniinarv. 
Aeordingly  notices  liave  been  sent,  invitations  bave  been  extended,  and 
the  League  lias  been  fonnally  organized  in  9  seniinaries  of  the  U.  S. 

But  can  we  say  that  the  League  in  the  United  States  is  yielding  its 
fuluess  of  glory  to  the  Euebaristit-  Lord  and  of  spiritual  help  to  the 
Heverend  Associates  y  (an  \ve  assert  in  triitli  that  tiiere  are  as  niany 
hours  spent  each  week  before  the  Most  Holy  as  there  nw  numbers  on 
the  Koll  ?  It  is  the  duty  of  the  lîeverend  Menibers  to  reimit  to  the 
General  Direction  on  this  inatter,  and  tins  is  considered  of  vital  import- 
ance to  the  weli'are  of  the  League.  Many  nieinbers  bave  (onfessed  \vith 
edifying  bumility  that  they  are  guilty  of  omissions,  and  bave  promised 
not  to  fail  in  the  future.  A  goodly  number  invite  their  ])eople  to  join 
"with  them  in  the  weekiy  hour,  and  of  this  due  notice  is  taken  at  the 
office  of  the  General  Director.  As  to  the  rest  wbo  do  not  return  lihelli, 
or  Write  on  this  subject  at  least  once  a  year,  we  are  conipelled  to  remind 
them  fraternally,  and  inquire  of  them  how  matters  stand.  Lately  3000 
reminder  notices  had  to  l)e  sent.  May  the  spirit  of  Eucharistie  piety 
prevailing  at  this  time  inspires  them  with  renewed  fervor  if  they  bave 
been  faithful,  and  with  good  resolutions  if  they  bave  failed. 

Priests'  Commiinioii  League. 

During  July,  lOuCi,  a  iiew  Association  of  l'ricsts,  called  in  ordinary 
English,  "  The  Priests'  Communion  League,"  was  established  by  Cardinal 
Kespighi,  in  the  church  of  Santo  Claudio,  at  lîtmie,  and  was  immediately 
raised  by  Pope  Plus  X.  to  the  dignity  of  AiH-bconfraternity,  (Archias- 
sociatio,  Priniaria),  privilèges  giving  a  ])lcnary  Induulgence  to  pénitents. 

The  object  of  the  League  is  to  spread  the  practice  of  fréquent  and 
daily  Communion  in  confonniiy  with  the  Decree  of  December  20,  1905, 
on  daily  Communion,  by  the  apostolate  of  prayer.  of  preacbinir.  and 
of  tbe  Press. 

The  Priests'  Eucharistie  League  lias  been  entrusted  with  the  Cîire  of 
recruiting  members  for  this  new  Sacerdotal  Confraiernity,  and  fostering 
its  interests  through  its  already  existing  nionthly  bulletins. 

In  spite  of  invitations  and  exhdrtations  sent  to  tlu-  Clergy  at  large, 
it  has  not  yet  spread  in  the  majority  of  the  Diocèses  as  it  was  oxpected. 

Some  scem  to  tbink  that  a  nuMuber  of  the  P.  E.  L.  may  bc  considered 
as  being  ipso  facto  a  mcmber  of  the  P.  C.  Ti.  The  Poman  Congrégation 
requires  that  for  even*  Archconfraternity  one  should  expresse  bis  désire 
in  order  to  be  admitted  into  it. 

We,  the  members  of  the  P.  E.  Ta,  ought  to  consider  ourselves  lionnd 
to  give  pur  Iieloved  Sovereign  Pont i fi'  the  consolation  of  a  large  member- 
phip  in  the  Priests'  Communion  league.  Of  tbe  40,000  eiuolled  in  the 
Avholc  world,  the  American  Hranch  has  only  L209  members.  We  beg  to 
urge  ail  our  Peverend  Associates  to  express  their  intention  in  this  regard 
to  tbe  General  Dirci-tion,  and  increase  the  memlx-rsliip  to  sevi'ral  more 
thousands  before  anotber  year  ha-s  ela|)sed.  A  new  fleld  for  our  zeal 
has  just  been  openod  by  tbe  Decree  on  the  âge  for  first   Communion. 


—  998  — 

Let  us  put  aside  our  former  ideas  on  tins,  niatter,  aud  accept  in  ail  cheer- 
fulness  tlie  conimand  and  the  guidance  of  our  illustrious  Sovereign 
PontiflP.  It  is  duo  lo  our  glorious  past  that  as  our  nunubers  grow  in  the 
Sacerdotal  Loague  l'or  adoration,  so  they  grow  in  the  League  for  the 
Apostolate  of  fréquent  and  daily  Communion. 

Total  numhor  of  memhors  enrolled  in  New  York  Contre 9593 

Secular  Triosts 'î'775 

Religious ''8'i 

Foreign  membors 489 

Deoeased  monihoi-s 168 

Cancelled  memliers 376 


9592 


Présent  number  of  members 8.997 

Xumber  of  members  residing  in  the  United  States 8,015 

Number  of  Dioccsan  Directors 113 

Number  of  Seminaries  where  League  is  organized.  ...      9 

Number  of  Archbishops  and  Bishops 49 

Number  of  General  Congresses 4 

Number  of  General  Conventions '.  .     4 

Number  of  Conférences 66 

Number  of  members  in  Priests'  Communion  League 1  209 

Foreign   members    (Détail).  Eeligious  memhors  (Détail). 

British  India 1       C.  M 30 

Xow  Zealand 1       C.  P 10 

India 1       C.  PP.  S 77 

•^pain ]       C.  S.  B 6 

•lapan 3       C.  S.  C 113 

«bina 3       C.  S.  SP 45 

fîuha 3      C.  S.  S.  E 12 

Africa -î       0.  C.  C 4 

Irobinil 11       0.  P.  M.  .    .  .  187 

V.ngVam] 87       0.  M.  C "  '   "    38 

ScotlamI 1       0.  P 64 

f'^nada 255       0.  S.  A .13 

.Vij.^tralia 53       O.  S.  B '.69 

5 

12 

S.  V.  D 6 


^c^ico 13       S.  J 

Tliih'ppini-  Isbinds ;?.       S.  S 


438 


669 


—  999  — 

FOSTERING  VOCATIONS   FOR  THE   PRIESTHOOD. 

BT 
REVEREND  R.  NEAGLE. 


IT  is  scarcely  necessary  to  eniphasize  the  importance  of  the  subject 
proposed  for  our  considération. 

In  the  divine  plan  of  rédemption,  the  very  life  of  Christ's  Church  is 
made  dépendent  on  the  ministry  of  His  priests.  The  care  of  the  real 
body  of  Christ,  the  Eucharist,  and  of  His  mystical  body,  the  Church,  is 
left  in  the  hands  of  the  anointed  and  consécrated  "  dispensers  of  the 
mysteries  of  God.'"'  Without  a  sacrificing  priesthood,  no  Eucharist  Pré- 
sence on  earth,  no  Emmanuel  ;  without  messengers  to  "  go  forth  and, 
teach  ail  nations,"  God's  message  to  men  could  never  reach  their  minds 
and  hearts.     For,  "how  shall  they  believe  unless  tliey  hear?'"' 

The  priesthood,  then,  is  necessary  to  the  fulfilment  of  Christ's  mis- 
sion for  the  salvation  of  mankind.  Now,  God  in  His  wisdom  always 
provides  the  means  to  the  end;  as  in  the  beginning  of  Christianity  He 
chose  and  called  ministers  to  do  His  work,  so,  now  and  always,  must  He 
provide  vocations  to  His  holy  prieshood.  On  God's  part,  therefore,  there 
can  be  no  dearth  or  defect  of  vocations  ;  but  on  the  part  of  those  f avored 
by  the  Divine  call,  there  may  be,  and  alas  there  is  often,  and  in  many 
parts  of  the  world,  a  neglect  to  respond  to  the  voicc  calling  them  to  a 
life  of  sacrifice  in  God's  service.  For  a  vocation  to  the  priesthood, is  not 
a  compelling  grâce.  Very  few  are  summoned  miraculously,  like  St. 
Paul.  Men  may  and  do  turn  a  deaf  ear  to  the  voice,  and  shut  their 
eyes  to  the  Vision;  and  hence,  it  remain?  true,  now  as  of  old,  that  "  tho 
harvest,  indeed,  is  ripe,  but  the  laborers  are  few,"  and  that  we  must  stilL 
"  pray  the  Lord  of  the  harvest." 

In  some  countries,  and  at  some  times,  there  may  hâve  been  no  diffi- 
cultv  in  finding  abundant  vocations  to  tho  priesthood,  Ijecause  the  world- 
ly  attractions  and  absence  of  hardship  prosentod  the  sacrcd  ministry  as 
a  career  of  honor  and  émolument.  Under  such  conditions,  those  re- 
sponsible  for  filling  the  ranks  of  the  priesthood  must  hâve  folt  their 
duty  was  rather  a  sifting  than  a  fostering  of  vocations,  to  disoem  the 
true  from  the  false,  and  keop  the  wolf  in  sheep's  clothing  out  of  the  fold. 

But  under  normal  conditions,  there  seems  to  be  nearly  always  and 
everywhere  a  scarcity  of  priests  for  the  work  of  the  Church,  and  a  dearth 
of  vocations  for  the  sacred  ministry.  Tins  is  naturally  the  riile  in  our 
new  world,  and  in  missionary  régions  of  the  earth;  but  even  in  the  old 
Catholic  countries,  where  now  "the  people  devise  vain  things,  and  the 
princes  meet  together  against  the  Lord  and  again.<;|  Tlis  Christ,"  ovcn 
in  those  lands  which  havo  l)oen  enlightened  bv  tlic  sliining  example  of 
myriads  of  holy  priests  and  bishops  for  more  than  a  thousand  years,  yet 
where  now  the  Church  of  Christ  is  denied  her  ri<rhts  and  hampered  in 
the  fulfilment  of  her  divine  mission,  it  will  not  be  strange  if  the  lessen- 


—  1 000  — 

eil  prestige  ot"  tlie  clérical  order,  and  tlie  liardslii|)s  of  the  priest's  lifq 
make  it  im-reasiiiirly  difficiilt  to  recruit  the  ranks  ol"  tlie  ininistry. 

Hv  the  divine  constitution  of  the  Church,  the  responsihility  of  pro-, 
vidiiiir  priests  for  the  holy  ministry  is  incumbent  on  the  bisliop;  to  him 
alone'is  given  by  Christ  the  power  of  propagating,  of  per])etiiating  the 
levitical  line  :  and  it  niiist  always  be  liis  first  and  chief  care  and  solici- 
tude  to  fultil  this  apostolic  duty,  to  provide  worthy  niinisters  of  Christ's 
rfacranients  for  the  flock  over  Avhich  the  Holy  Gliost  lias  placed  hini  to 
rule.  For  tins  reason,  popes  and  councils  hâve  been  raost  insistent  that 
hisliops  niake  provision  for  the  projjer  éducation  and  training  of  can- 
didates for  the  sacred  ministry.  The  decrees  of  Trent  are  well  known, 
and  they  are  repeated  and  einphasized  by  Sovereign  Pontiffs  and  by 
lix-al  councils  the  wide  world  over. 

But,  while  the  Church  places  on  the  l)isho])iS  the  responsibility  and 
duty  of  providino-  for  the  éducation  and  training  of  candidates  for  the 
ministry,  they  hâve  a  right  to  the  coopération  of  priests,  especially  in 
tlie  sélection  and  early  guidance  of  proniising  youth.  Priests  engaged, 
in  parish  work,  or  in  schools  and  collèges,  corne  into  close  and  more 
intiniate  touch  \vith  bo.ys  and  tlieir  parents,  and  tlve  Church  looks  to 
them  to  discover  the  early  signs  of  a  holy  vocation.  The  Council  of  Bal- 
timore says,  in  substance,  that  as  it  is  of  the  highest  importance  thaï; 
the  future  ministry  of  the  Church  be  formed  to  piety  and  learning  with 
spécial  care,  even  from  their  earlicst  years  :  therefore,  \ve  exhoii;,  and 
earnestly  entreat  pastors  and  otlier  priests  to  be  ever  on  the  watch  for 
priestly  vocations  among  the  boys  of  their  charge.  If  any  such  are 
found,  of  good  natural  (pialitics,  inclined  to  study  and  piety,  givinghope 
that  tliey  will  hear  and  lieed  a  call  to  dévote  their  lives  to  the  service  of 
God  in  the  salvation  of  soûls  ;  lot  the  priest  f oster  their  youthful  aspir- 
ations, cultivate  diligently  thèse  proeious  seeds  of  a  vocation,  and  with 
paternal  interest  direct  the  boys  in  their  early  studies,  and  in  the  prac- 
tices  of  piety.  Parents  also  should  be  advised  by  the  priest,  that  as  it 
is  an  ujispeakable  favor  from  heaveii  for  a  cliild  of  theirs  to  be  called  to 
the  high  and  holv  dignity  of  God's  priesthood,  they  should  try  to  guide 
the  boy,  by  word  and  example,  to  the  fui  filment  of  his  holy  désire,  and, 
be  willing  to  make  even  great  sacrifices  to  this  end.  But  if,  as  some- 
times  happens,  good  parents  fi'oni  oitlior  a  ])ioiis  or  a  worldly  motive,  are 
ambitions  to  urgo  fonvard  to  the  ju-iesthood  a  boy  who  lias  no'sig-ns  of  a 
vocation,  then  it  l)ecomes  the  priest's  duty,  hovvever  nni])leasant  the  task; 
may  be,  to  point  out  with  tact  and  firmness,  the  mistake  the  parents  are 
making. 

The  priest,  then,  is  ordinarily  the  messenffer  who  is  sent  by  God  to 
suggest  ihe  Divine  call  to  Ilis  cbosen  ones.  liow  many  of  ns,  révérend 
fathers,  can  look  back  to  our  Ijoyhood  days,  and  bless  the  memory  of 
«rmie  good  priest  who  was  Christ's  spécial  amhassador,  bearing  the  ]ness- 
age  wliich  siinimr)n('d  us  to  take  the  Lord  for  our  inheritance.  Our 
hearis  Icaped  with  joy,  yet  wore  alniost  friabtenod  ai  the  tbought  that 
po.s.sibly  the  vagiu;  aspirations  and  day-dreams  of  cbildbood  miglit  be- 
rome  a  reality;  tliat  we  niight  some  day  aseend  the  bolv  mountain,  and 
Htand  Ht  the  altar  of  flod.     Siin-lv,  wïiilc  lifc  lasts  and  we  are  ahle  to 


00. 

o 


— lUOJ  — 

offer  the  Holy  Sacrifice,  we  can  ncvor  l'ail  to  iiiako  a  mcinenlo  of  suck 
a  friend  of  oiir  soiil.  Xow,  l'or  wliat  sonie  gooil  |)ricst  niay  liave  dono 
for  us  long  ago,  we  can  make  tlic  best  requital,  if  now  in  our  turn  \\c  do 
for  others  what  lias  been  donc  for  ns. 

And  liow  shall  we  set  about  ^  In  the  first  place,  onr  people,  the  par- 
ents of  our  possible  candidates  for  the  niinislrv,  nced  instruction  as  tq 
the  meaning  and  signs  of  a  vocation,  ami  the  necessity  of  guarding  it 
from  being  lost  amid  the  allurenientâ  of  the  workl.  For  we  cannot  shut 
our  eyes  to  the  fact  that  ours  is  an  âge  of  self-indulgi-nco,  rather  than  of 
sacrifice;  aud  that  parents,  as  weil  as  children,  are  apt  to  be  carried  away 
with  the  spirit  of  the  world,  which  is  not  the  spirit  of  Christ.  The 
home  is  the  first  "  little  seminary,"*  and  the  parents  are  the  teachérs, 
who  must  answer  to  God  for  tlie  sacred  trust  imposed  upon  theni.  \\nu'n 
the  pastor  or  other  priest  discovers  marks  of  a  vwation  in  a  l)oy,  a  few 
words  to  the  parents  may  awaken  in  them  a  pious  désire  to  hâve  their 
son  a  priest,  and  hearten  them  to  meet  the  obligations  con.se(|uent  on 
such  a  heavenly  blessing  in  the  family.  Brothers  and  sistcrs  may  be 
fired  with  a  générons  enthiisiasm  to  coopei'ate  in  the  good  work.  Sonu'- 
tinies  it  may  be  necessary  to  admonish  tlie  father  or  mother  not  to  put 
obstacles  in  the  wav  of  their  child's  vocation,  warning  tliem  of  the  risk 
to  their  own  salvation.  if  thoy  siiifidly  stand  in  tho  way  of  what  apjH'ars 
to  be  a  call  from  God;  reminding  them  of  the  incalculable  good  a  priest 
may  do  the  world  as  God's  instrument  for  the  conversion  and  salvatior^ 
of  thousands  of  soûls  which,  but  for  His  ministry,  niight  hâve  been  lost 
forever.  The  zealous  priest  will  find  many  ingénions  ways  of  convin- 
cing  parents  of  their  duty  beforo  (iod,  and  of  ])ei-siiading  them  to  the 
f  ni  filment  thereof. 

Then,  ihc  l)ov  himsolf  should  be  keyed  up  to  a  pitch  of  enthusiasni 
for  his  sacred  calling.  enoouraged  in  his  studies  and  ])ious  iiractices,  and. 
watched  over  with  ])atenuil  care  and  affection,  as.  perhaps,  a  '' vessel  o£ 
élection,"  throiigh  whom  wondcrful  things  may  be  wrought  ])y  the  Al- 
mightv.  A  boy  witli  a  real  vocation  should  possess,  at  least,  the  germs 
of  those  (jualities  re(|uisite  in  a  priest:  for.  "the  boy  is  the  father  to  the 
man,"'  and  the  grâce  of  ordination  does  not  change  the  natnral  (|ual- 
ities.  We  do  not  look  for  perfection  —  far  from  it.  priests  are  men, 
not  angels  ■ —  l)nt  the  boy  witli  a  vocation  .«hould  be  candid.  sincère, 
open-hearted.  There  is.  or  shonld  be.  no  room  in  the  priesthood  for  men 
who  are  insincere,  deceitfnl.  untrnthful.  The  candidate  for  tlic  ])riest- 
hood  should  l)e  a  vouth  who  bas  not  the  spirit  of  avarice,  of  greed.  whiek 
manifests  its^elf  sometimes  even  in  small  <hildren.  For  we  want  no 
priests  who  love  what  the  Aposth-  calls  fihhy  Incre.  whose  heart  is  in 
money  and  the  thinss  that  money  stands  l'or.  "  Yon  cannot  serve  God 
and  mammon,"'  is  doubly  true  of  a  priest.  for  tlie  love  and,  quost  of 
money  dries  up  the  very  spirit  of  the  priesthood,  the  zeal  for  tlie  salva- 
tion of  pouls. 

Tlie  ])0v  is  untnrallv  a  li(M'o-worshii)i)cr.  Let  us  test  him  witl»  storu'S 
of  the  heroic  missionaries  who  watcred  tins  very  land  with  their  sweat 
and  blood,  and  of  the  thousamls  of  brave  priests  who  hâve  left  lionie 
and  countrv.  and  ail  that  men  hold  dear  in  Ibis  world.  wh<.  take  their 


— 1003  — 

lives  in  tlu'ir  liaiids  and  go  fortli  to  the  utteniinst  bounds  of  the  eartli,. 
not  in  soaivli  of  gold  or  diamonds,  but  to  gain  soûls  for  Christ.  We 
ought  to  luive  missionary  vocations  among  our  boys  ;  but  even  if  a  lad 
who  has  a  vocation  be  not  called  to  carry  the  Gospel  to  the  heathen,  he 
niust,  at  least,  hâve  the  aiiissionary  spirit,  the  zeal  for  soûls.  I  would, 
uot  give  mucli  for  the  vocation  of  a  boy  whose  blood  does  not  tingle,  and 
whose  eye  does  not  flash  with  youthful  enthusiasm,  as  he  reads  or  listens 
to  the  story  of  the  heroes  and  martyrs  of  Holy  Faith. 

It  is  the  teaching  of  expérience  that  vocations  are  most  common  among 
the  poor.  Xow,  as  among  the  first  Christians,  there  are  "  not  many  rieh." 
But  this  same  fact  brings  us  face  to  face  with  the  very  practical  quest- 
ion :  "  How  shall  the  poor  boy,  who  wishes  to  be  a  nriest,  be  enabled  to 
meet  the  expense  of  a  long  course  of  study  ?  "  Far  more  could  be  said 
on  this  point  than  we  hâve  time  for  to-day.  Brieflv,  if  the  boy  or  young 
raan  feels  that  he  has  a  religions,  as  well  as  a  priestly  vocation,  he  will 
hâve  little  or  no  diffioulty,  as  the  religions  orders  and  congrégations  are 
commonly  willing  and  glad  to  provide  preparatory,  as  well  as  higher 
éducation  for  promising  candidates.  Those  who  aspire  to  the  ranks  of 
the  diocesan  clerg\',  however,  hâve  a  more  serions  problem  to  solve. 
Ordinarily,  the  burden  of  their  preparatory  training  must  fall  on  them- 
selves  or  friends.  If  a  priest  has  any  nieans  at  his  command,  what 
better  use  could  he  make  of  it  than  in  just  such  aid  to  worthy  poor  stud- 
ents  ?  And  among  the  good  people  of  every  parish,  there  are  some  who 
will  cheerfully  contribute  to  a  fund,  to  aid  poor  stu dents.  ■  Such  a  cause 
will  appeal  to  thcm,  as  does  the  work  of  the  Societv  for  the  Propagation 
of  the  Faith.  But,  it  is  unquestionably  advisable  that  such  aid  be  by 
loan,  not  by  gift.  Again,  Catholics  of  means  would  be  encouraged  to 
establish  burses  or  scholarships  for  the  benefit  of  students  for  the  priest- 
hood,  not  only  in  the  seminary,  but  in  preparatory  schools.  And  hère, 
let  me  say  that,  until  we  hâve  preparatory  seminaries  for  the  early 
training  of  candidates  for  the  priesthood,  as  called  for  by  the  Church, 
we  filiall  continue  to  lose  countless  precious  vocations  on  their  way 
through  the  mixed  or  secular  high  schools  and  collèges. 

Those  of  us  who  live  in  prospérons  diocèses,  well  provided  with  priests, 
may  be  tempted  to  forget  the  needs  of  less  favored  parts  of  the  world, 
where  priants  are  few  and  vocations  wanting.  Let  us  look  abroad,  to 
where  the  field  is  ripe  for  the  harvest,  and  there  are  not  laborers  to 
gather  it.  Four-fifths  of  the  human  family  are  still  outside  the  truq 
foid,  and  tliey  are  God's  children,  our  brothers,  for  whom  the  Precious 
Blood  was  shed  on  Calvary.  There  is  work  for  an  armv  of  priests,  to 
go  forth  and  conquer  the  world  to  Christ. 

To  Bum  up  :  A  vocation  to  the  priesthood  is  a  divine  call  —  "  You 
bave  not  chosen  Me,  but  I  hâve  chosen  you,"  —  and  God  surely  calls 
men  to  do  the  work  of  ITis  ministry.  But  not  ail  who  are  called  respond 
to  the  invitation,  and  there  is  consequently  a  constant  and  nrgent  neces- 
fiity  of  fo.stering  vocations  to  the  priesthood.  The  responsibility  of  fill- 
ing  the  ranks  of  the  diocesan  clergy  devolves  on  the  bishop,  but  he  has 
a  nglit  to  expeet  the  aid  and  coopération  of  priest  and  peojde.  Priests 
engaged  in  pari.sli  and  school  work  bave  the  ])est  opportunities  of  dis- 


—  1003  — 

covering  promising  vocations,  and  their  zeal  will  prompt  theni  to 
encourage  and  foster  the  gift  ot'  God.  Occasional  sermons  on  the  priest- 
hood,  at  the  time  of  the  gênerai  ordinations,  or  the  collection  for  the 
seminary,  or  at  the  first  Mass  of  a  new  priest;  instructions  on  Yocationt> 
to  sodalities  and  the  older  pupils  at  schools,  paternal  interest,  and,  pcr- 
haps,  financial  assistance  for  the  collège  hoys  and  seminarians,  —  thèse 
and  other  wavs  of  fostering  vacations,  will  suggest  theraselves  to  the 
zealous  priest. 

But,  may  I  say  in  conclusion,  that  the  surcst,  best.  most  effective 
power  to  discover,  develop,  and  foster  vocations  among  the  youth  of  our 
flocks,  is,  the  example  which  may  be  set  before  them.  If  we  are  ail  that 
we  ought  to  be,  zealous,  charitable  in  though,  word,  and  deed,  disinter- 
ested,  with  an  eye  single  to  God's  glory  and  the  salvation  of  soûls  ;  if  our 
light  so  shine  before  men,  that  they  see  in  us  the  spirit  of  the  Apostles, 
nay,  more,  of  the  Lord  Himself,  making  us,  "  other  Christ's,"  ah  !  then, 
there  can  be  no  lack  of  vocations  ;  our  generous  youth  will  rush  to  aid  us 
in  our  work,  and  carry  it  on  when  we  must  perforée  lay  down  our  arms 
and  rest  from  our  labors  in  the  peace  of  God. 


MEN'S  SOCIETIES  AND  THE  MOST  BLESSED 

SACRAMENT. 

REVEREND   M.   J.   O'BRIEN,   D.  D. 


THE  subject  of  this  paper  is  '•  Men's  Societies  and  the  Most  lloly 
Eucharist,"  and  its  purpose  is  to  set  forth  what  may  be  donc  by  organ- 
izations  to  further  the  dévotion  of  our  men  to  the  Blessed  Sacrament 
of  the  iVltar. 

There  is  a  trite,  but  respected  saying,  that  a  country  can  never  rise 
above  the  level  of  its  women.  Undoubtedly,  there  is  much  truth  in  this, 
but  I  think  it  equally  certain  that  a  people  cannot  long  remain  virtuou^ 
if  its  men  are  vicions;  and  that  practical  religion  is  as  much  the  orna- 
ment  of  man  as  it  is  the  adornnient  of  woman.  I  shall  vcnture  further,. 
and  say  that  men,  especially  the  young  men,  should  be  the  object  of  the 
very  greatest  solicitude  and  of  tender  care  on  the  part  of  Pastors  of 
soûls.  By  destinv,  men  are  leaders  and  rulers;  they  niould  public  opin- 
ion, shape  the  poïicy,  and  détermine  the  future  of  every  nation.  Strong 
by  nature,  they  leave  their  impress  upon  every  page  of  historv;  their  in- 
fluence prédominâtes  in  the  family,  in  the  neigliborhood,  and  in  the 
country.  Thev  may  constitute  thomselves  tlio  valiant  defenders  of 
Church  and  State,  or  they  may  become  the  implacable  encmies  of  ail 
religion  and  civilization.  "Witiiess  the  struggles  of  the  Church  in  past, 
âges.     Is  it  not  a  fact  that  in  almost  every  case,  it  lias  been  men  thai 


—  lOÛi  — 

arvayod  Ihoiiisclvc?;  ajyaiust  revealed  tnitli?  Consider,  too,  tlie  Pefend- 
crs  ôf  Faith  and  :\lorals.  Apart  froni  tlu;  âge  of  tlie  niartyrs,  has  it  not 
boeii  our  mon  wlio  slood  in  tho  foremost  ranks,  as  the  intrepid  eliam- 
pions  of  Christianity?  In  our  own  days  too,  who  are  at  once  the  de- 
terniincd  assailants  "of  tho  libirty  of  ("liureli  and  its  cnnraoooiis  defend- 
ers.  wlio  tlie  ononùes  of  virtuc  and  the  proniotcrs  of  justice  and  peace  ; 
who,  in  a  word,  liave  tlieir  hands  raised  to  smite  the  Great  God  and  His 
Churoh,  and  on  the  otlier  sido  are  defending  tJiese  with  nnrelenting 
cnorgv?  The  answer,  in  one  case  and  the  other,  mnst  imiqnestionably 
be,  the  men  of  to-day  —  men,  sinful  or  virtuous;  men,  slaves  to  vice  and 
Satan,  or  men  ac-tuated,  strengthened  and  encoiiraged  by  Divine  Grâce. 
Sinoe  such  is  the  part  of  men  in  the  drama  of  life,  since  their  influence 
is  so  great  and  far  reaehing,  since  their  power,  by  word  and  example,  is 
so  effective,  does  it  not  follow  tliat  Pastors  of  Soûls  should  bend  every 
energy  to  lead  thcm  to  God?  Should  they  not  look  to  tlieir  men,  I 
M-ouhl  8?k.  liefore  every  other  interest  and  endeavor  to  estahlish  inthem, 
suroly  and  solidly,  the  foundations  of  religion  and  virtue.  And  yet  do 
M-e  iind  tbis  done  in  practice?  Do  we  iind  spécial  efforts  put  forward 
in  every  parish  on  behalf  of  our  men,  young  and  old?  Must  we  not 
rather  confess  that  while  nearly  every  parish  has  its  young  ladies'  Sod- 
ality,  its  Married  AVomen's  Guild  and  Circles,  the  men's  societies  and 
organizations  are  frequently  overlooked? 

I  am  not  speaking  of  benevolent  or  social  institutions  which,  while 
they  may  hâve  praiseworthy  objects,  hâve  no  religions  end  in  particular 
view  as  reason  for  being.  Xeither  do  I  refer  to  Societies  which  hâve 
for  their  spécial  objcct  dévotion  to  the  Holy  Eucharist;  but  I  speak  of 
parish  organizations  which  hâve  some  religious  purpose  in  view,  such  as 
a  Holy  Xame  Society,  a  Total  Abstinence  Society,  or  some  such  organ- 
ization  having  for  its  immédiate  object  the  practice  of  some  particular 
virtue.  Thèse  I  claim  should  flourish  in  every  parish,  and  thèse,  I  am 
certain,  will  increase  dévotion  and  piety  among  men,  will  awaken  and 
foster  a  greater  love  for  the  Chureh  among  them,  and  Mdll  be  a  most 
powerful  means  of  drawing  men  to  the  adoration  and  the  more  fréquent 
réception  of  tlie  Blessed  Sacrament. 

And,  in  truth,  this  must  be  the  case,  for,  as  I  hâve  said,  I  am  dealing 
with  Societies  which  hâve,  for  their  immédiate  object,  the  practise  of 
ponie  particular  virtue  —  hence,  a  supernatural  end,  and,  therefore, 
Hupernatiiral  means  must  be  employed,  the  greatest  of  which  is  the  ré- 
ception of  tlie  Holy  Eucharist. 

Jjet  the  priest  who  is  organizing  a  Society  keep  this  well  in  mind,  and 
let  him  imprcss  this  tnitli  upon  the  members.  Other  means,  invaluable, 
it  is  true,  may  be  used;  but,  compared  with  Holy  Communion  ,in  fur- 
theringthe  desired  end,  they  must  be  regarded  assecondary.  In  this  way, 
the  ohaplain  of  tlie  Society  will  be  more  assured  of  the  accomplishment 
of  the  object  of  the  organization,  and  will  become  an  apostle  of  Fré- 
quent C'oniiiiunion  for  men. 

The  f|iH'j*tion  wliidi  naturaljy  suggests  itself  is,  liow  often  should 
tliefie  men  receive  Holy  Communion?  The  answer,  undoubtedly,  must 
he  "  that  tlH'  dailv  froquentation  of  the  Sacraments  is  a  thing  most  des- 


_  lOÛ.")  — 

irable  "  for  our  men,  as  for  every  one  else.  '"  I  ought  to  be  ahvays 
receiving,  since  I  am  always  sinning/"  says  St.  Ambrose,  and  surely,  tho 
men  of  to-day  are  more  exposed  to  sin  and  temptation  than  any  otJior 
part  of  God's  Chureli.  Moreover,  Christ  mado  no  distinction  wlien  Hc 
uttered  thèse  sacred  words  :  "  He  that  eateth  My  flesh  and  drinketh  My 
bk)od  abideth  in  Me,  and  I  in  hiin.""  Ile  that  eateth  Me,  the  saine  shall 
live  by  Me."' 

There  may  be  parishes  so  blesâed,  that  ail  who  \\i9h  may  receive  daily 
the  Bread  of  Angels.  However,  I  know  of  none  so  singularly  circum- 
stanced.  In  most  cases,  and  I  speak  especially  of  Ontario,  our  men  must 
be  to  work  at  an  hour  in  the  morning  which  i)rcvents  them  rweiving 
Holy  Communion  every  day.Tlie  professional  class  and  the  men  of  leis- 
ure  are  generally  a  small  minority  in  the  average  parish.  Except  in 
rare  cases,  tlierefore,  it  would  seem  that  the  majority  of  men  cannot  re- 
ceive Holy  Communion  every  day.  Can  they  every  Aveek?  The  majority 
could;  but  I  feel  safe  in  saying  that,  for  the  présent  at  any  rate,  they 
will  not.  Will  they  go  every  month?  This  much,  at  least,  is  to  be  desir- 
ed  and  worked  for,  and  in  the  furtherance  of  this  end  lies,  I  daim,  the 
great  usef'ulness  of  our  Catholic  Societies.  Left  to  themselvt's.  or  ap- 
pealed  to  from  the  pul})it,  or  preached  to  upon  the  glorios  of  tlic  Blessed 
Sacrameut,  the  vast  majority  of  men  will  not  approach  this  heavenly 
Banquet  once  a  month.  United,  however,  into  a  compact  body,  per- 
suaded  of  the  necessity  of  Holy  Communion  for  tlie  advancement  of  their 
cause,  men  will  be  led  surely  and  cerlainly  to  a  more  frecpient  réception 
of  the  Sacraments.  Tlierefore,  hâve  I  said,  should  an  active  men"s  Soc- 
iety exist  in  every  parish. 

How  is  this  to  be  aooomplished?  It  must  be  dono  gi-adually.  ilcn 
are  not  easily  moved  from  habits  which  bave  beconic  traditions.  The 
Communion  once  a  year,  at  Easter  time,  or  at  most,  another  at  Chrismas 
tide,  has  become  too  widespread  a  custom,  especially  among  older  men, 
to  ])e  suddenlv  clianged  into  a  monthly  rwejition  of  the  Sacraments.  I 
am  not  unmindful  of  tlie  excellent  work  donc  by  tbe  Leaguc  of  the 
Sacred  Ileart;  neither  do  I  wish  to  discount  the  success  attained  by  it 
in  the  matter  of  monthly  communion  :  but  I  must  nevertheless  hold  that 
the  monthly  communion,  for  the  great  majority  of  our  men,  is.  to-day, 
a  thing  to  be  dcsired,  and  not  yet  an  accomplished  fact. 

The  skillful  Director  of  a  men's  Society,  in  insisting  upon  the  neces- 
sity of  the  Sacraments,  will  résolve,  for  a  beginning,  to  hâve  his  men  go 
to  Holy  Communion  in  a  body  three  or  four  tiines  a  year:  in  fa<t.  ho 
mav  make  quarterly  communion  a  condition  of  achnission  into  the  organ- 
ization.  The  dates  for  this  should  be  incorporated  into  the  rules  of  the 
Society,  so  that  each  member  may  know  far  in  advance  his  duties  on  a 
given  day.  At  the  regular  meetings  the  Chaplain  will  insist  upon  tlie 
help  and  grâce  to  be  derived  from  the  réception  of  the  llolv  Encharist, 
and  as  the  time  for  the  regular  Communion  approaches,  he  will  exhort 
every  member  to  be  présent  on  the  appointed  day. 

Arrangements  should  be  made  to  hâve  the  day,  presumably  Saturday, 
preceding  Communion  conserrated  to  hearing  men's  confessions  oïdy, 
and  to  p'rovide  a  sufficient  numbcr  of  confessors,  in  order  to  avoid  ted- 


—  lÛÛG  — 

ious  delavs.  Au  excellent  practice,  especially  in  parislies  where  there  is 
onlv  oue'priest,  is  to  invite  some  outside  confessors  to  assist,  under  th^ 
pretext  of  avoidina  delays,  wliereas  in  roality  an  extraordinary  confessoï 
is  providcd  —  a  convenience  wliicli  a  goodly  number  may  possibly  ap- 

prooiate.  ^  ,       ^      ,    j!       ±1. 

It  may  bc  opportune  to  suggest  tliat  the  penance  be  short  ±or  the 
average  man;  lie  will  be  sure  to  say  it,  and  encouraged  by  a  kmd  récep- 
tion is  niado  a  couvert  to  the  usual  Society  Communion. 

The  Communion  on  the  morrow  should  be  a  corporate  one,  if  I  may 
use  the  expression.  That  is,  places  should  be  reserved  in  the  church  for 
the  members  who  will  corne  in  a  body,  receive  Holy  CommunioA 
together,  and  retire  in  procession  to  their  hall,  where,  with  their  chap- 
lain,  they  will  say  some  prayers  of  thanksgiving,  and  renew  their  pledges 
or  promises  made  on  joining  the  Society.  Almost  every  organization 
bas  some  distinctive  badge  or  pin.  Thèse  should  be  worn  on  such 
occasions. 

In  suggesting  tliis,  I  am  not  advocating  an  empty  and  ostentations 
démonstration;  but  I  contend  that  it  is  a  proclamation  of  faith  and 
loyalty  to  the  Holy  Eucharist,  which  will  hâve  far  reaching  efîects  for 
tlie  betterment  of  the  members  themselves,  and  for  a  spiritual  awaken- 
ing  in  the  hearts  of  thosc  who  witness  such  manifestations  of  piety  frora 
time  to  time. 

That  the  members  are  assisted  and  benefitted  will  be  readily  admitted 
by  every  pric.st  who  bas  tried  the  experiment,  and  will  be  attested  to  by 
every  man  taking  part  on  such  occasions.  The  yearly,  or  half-yearly 
communion  will  give  way  very  shortly  to  the  communion  with  the  Soc- 
iety. None  of  the  objections  so  often  raised  by  mcn  against  approach- 
ing  communion  more  than  once  or  twice  a  year  will  be  heard  ;  and  in  a 
short  time  the  men  themselves  will  look  forward  to  communion  day  as 
one  of  grâces  and  blessings.  And,  indeed,  hâve  we  not  Christ's  own 
assurance  of  the  favors  He  will  bestow  upon  two  or  three  gathered  to- 
gether in  His  Xame?  What  \n\]  not  be  the  blessings  upon  a  large  body 
of  raen  assonibled,  not  only  in  ITis  Namc,  but  to  partake  of  the  Ban- 
quet He  has  prepared  for  them. 

Granting  that  a  certain  number  of  men  receive  communion  in  this 
manner  quartcrly,  thèse  démonstrations  will  certainly  be  member  get- 
iers  for  the  society,  and  convert-makers  to  more  fréquent  communion. 
The  influence  of  example  obtains  hère,  as  in  other  things,  and  expér- 
ience proves  that  a  meeting  of  a  society  on  the  day  of  Holy  Communion 
will  always  witness  a  good  influx  of  now  membens.  In  a  word,  I  would 
say  that  a  parish  having  a  good  live  Society,  approaching  in  a  body  Holy 
Communion  regularly,  is  singularly  blessed.  Go  to  any  Community 
where  such  a  custom  has  provailod  and  scores,  aye,  hundreds  are  to  be 
found  rcgular  communicants  who  were  heretofore  absolutely  careless,  or 
at  hcst,  approachcd  the  Holy  Table  once  or  twice  a  year. 

I  hâve  Bcen  in  the  short  space  of  eight  years,  men's  quarterly  com- 
munion increasod  from  about  fifty  members  to  six  or  seven  hundreds. 
This  wa.H  duo,  of  course  to  incrcaso  in  membcrehiD  of  the  organization 
roferrcd  to,  but  rociprocally  the  incrca.se  in  membership  was  due  in  large 


—  lûo:  — 

measure,  to  thèse  demonstrationâ  of  Faitli  and  Dévotion  to  the  Holy 
Eiieharist. 

Having  established  iirmly  and  solidly  the  praetice  of  quarterly  com- 
munion among  the  members,  the  director  of  the  Society  will,  conform- 
able  to  the  désire  of  the  Holy  Father,  set  himself  about  "the  task  of  hav- 
ing his  men  approach  more  frequently,  even  monthly,  tlie  Blessed 
Eucharist.  What  a  blessed  sight  to  see  scores,  possibly  hundreds  of  men 
receiving  Holy  Communion  once  a  month  !  Gathered  from  every  corner 
of  the  parish,  busy  in  many  différent  occupations,  of  various  grades  in 
the  social  and  financial  world,  there  must  be  joy  in  Heaven  at  the  sight 
of  them,  kneeling  on  the  sauie  levé],  and  partakiug  of  the  same  Heaven- 
ly  Banquet  Christ  has  prepared  for  them.  Blessed  is  the  priest  who 
propagates  such  dévotion;  blessed,  too,  the  parish  which  possesses  him! 
Oh  !  if  every  priest  engaged  in  parish  work  would  girt  himself  about,  and 
with  strong  resolution  and  persevering  fortitude  constitute  himself  the 
apostle  and  promoter  of  monthly  communion  among  men;  what  a  re- 
newal  there  would  be  upon  the  face  of  the  earth  !  It  may  take  time  — 
it  certainly  will  take  time  and  prayer  and  work;  but  the  task  is  not 
impossible,  and  to  my  mind,  no  priest  is  as  well  oquipped  and  circum- 
stanced  to  bring  this  about  as  the  chaplain  of  a  men's  society.  At  the 
meetings,he  has  his  men  by  themselves  in  ail  their  unassumed  piety,  in 
their  rugged  simplicity,  and  childlike  endearment  to  the  priest  they  see 
exerting  himself  on  their  behalf.  The  ""houghtless  unresponsive  man  is 
there,  it  is  true,  not  yet  awakened  to  his  own  opportunities;  but  whero 
will  you  find  such  spontaneous  entliusiasms  and  determined  endeavor  as 
on  the  part  of  good  meaning  and  God-fearing  Catholic  menV  The  priest 
who  endears  himself  to  his  mon,  to  the  members  of  his  society,  has  a 
wonderful  opportunity  for  good.  When  he  proves  himself  a  sincère  and 
earnest  worker  on  their  behalf  ;  when  men  sees  that  nothing  is  too  great 
or  too  small  for  him  to  do  for  them;  when  they  find  their  suggestions 
heeded,  or  at  least  listened  to;  when  they  realize  that  their  chaplain  is 
not  one  of  the  "  haven't  got  time  "  or  "  very  busy  "  men,  there  is  nothing 
he  cannot  do  with  them.  He  will  find  the  majority  of  them  ready  to 
carry  ont  his  every  wish,  they  will  respect  his  every  désire,  they  will 
hang  upon  him  his  vory  words  and  generously  endeavor  to  carry  his  good 
advice  into  pi'actice. 

Herein  lies  the  great  assistance  the  men's  .society  can  render  the 
cause  of  fréquent  communion,  and  herein  lies  the  strength  of  its  spirit- 
ual director. 

At  the  meetings  of  his  society.  the  chaplain  will  advocate  monthly 
communion,  he  will  tell  of  the  fervor  and  piety  of  the  lirst  Cliristians, 
who  were  nourished  daily  by  this  Bread  from  Heaven  ;  he  will  show  the 
intent  and  purpose  of  the  Holy  Father  regarding  fréquent  communion  : 
he  will  explain  the  dispositions  required  for  even  daily  communion,  and, 
will  promise  spécial  prayer.»;,  and  particuhirly  his  Mass  for  tlieir  inten- 
tions, on  the  day  fixed  for  the  men's  monthlv  communion.  The  results 
will  come.  thcv  will  be  almost  a  révélation.  Tt  may  take  time,  as  T  hâve 
said,  but  wliat  good  cause  did  not?  I  liad  almost  said,  what  conversion 
did  not?     One  thing  is  certain,  that  results  will  justify  the  efforts,  in 


— lOOS  — 

fact,  they  will  be  bevond  ail  proportion  aiul  oxpectation.  Is  this  some- 
Xhing  new,  is  it  soiiietliino-  untried?  Certainly  not.  In  some  places^^ 
inonHilv  ooninuinion.  even  in  a  body,  for  nien  lias  been  suceessful  ;  in 
other  lilaoes  it  is  being  tried;  in  ail  cases  it  is  doing  good.  If  even 
one  num  receiving  lioly  Communion  nionthly  were  the  resuit  of  ail  tins 
effort,  one  more  "drawn  to  the  Blessed  Sacrament,  therein  to  love  and 
adore' ou r  Divine  Lord,  would  it  not  be  Avell  wortli  tlie  uork? 

Another  etïect  of  an  active  nien's  society  in  a  parisli,  will  be  the  more 
regular  attendancc  at  Mass  on  Sundays  and  Holy  days.  This  will  be 
another  means  to  furthering  the  spiritual  end  of  the  organization.  Men 
will  be  shown  the  patent  contradiction  in  being  professedly  Holy  Name 
men,  or  members  of  a  Total  Abstinence  Society,  and  at  the  same  time 
careless  and  indilïerent  in  regard  to  more  sacred  duties.  In  fact,  the 
fréquentation  of  the  Sacraments  brought  about  by  the  Society  will  be  a 
great  factor  in  promoting  regular  attendance  at  Mass. 

Let  me  mention  one  more  benefît  of  an  active  and  fiourishing  men's 
society.  What  I  am  about  to  suggest  might  not  be  practicable  every- 
wliere;  in  some  places,  however,  I  know  it  is  suceessful. 

Throughout  the  year,  there  are  niany  secular  holidays,  commemor- 
ating  some  event  of  national  or  civic  importance.  Why  not  invite  our 
men,  vvho,  but  seldom  hâve  an  opportunity  of  going  to  the  week-day 
Mass,  to  begin  thèse  holidays  by  assisting  at  the  Holy  Sacrifice?  It  is 
true,  a  great  many  seek  a  change  of  air  and  environment  for  such  days, 
and,  lience,  leave  on  early  trains  or  boats.  It,  however,  remains  that 
many  more  stay  at  home,  and  thèse  might  be  exhortcd  to  assist  at  Mass 
on  such  mornings.  In  Canada,  a  number  of  our  légal  holidays  are  held 
on  Monday.  Why  not  announce  confessions  for  Sunday  evenings,  parti- 
cularly  for  men,  who  will  come  to  the  morning  Mass,  and  receive  Holy 
Communion?  I  know  a  city  in  which  this  has  been  tried  this  year,  and 
the  last  holiday  observed  in  that  particular  parish,  which  is  of  about 
three  hundred  familles,  more  than  one  hundred  and  fifty  received  Holy 
Communion,  a  great  many  of  whom  were  men. 

Finally,  men  organized  into  an  active  society  frequently  used  in  con- 
nection with  Church  matters,  will  become  more  interested  in  the  cause 
of  Catholicity,  and  will  be  drawn  nearer  the  Church.  The  fervent  will 
become  more  fervent,  the  hitherto  oareless  and  indiffèrent  will  be  aroused 
to  be(if)niing  zcal  and  dévotion,  the  traditional  grumbler  and  eritic  will 
be  softened  by  mor(;  frequently  meeting  and  conversing  with  the  chap- 
lain  of  the  organization;  ail  of  which  means  more  loyalty  and  dévotion 
U)  the  Church  of  God,  greater  zeal  in  the  cause  of  Religion,  a  better  un- 
derstanding  of  one's  own  spiritual  obligations  and  privilèges,  and  in 
fine,  by  an  aliiiost  natural  cliniax,  a  more  fréquent  and  regular  receptioi; 
of  the  Saeraments.  May  God  bless  our  Catholic  Men's  Societies,  and 
ble»8  ail  who  are  interested  in  their  development,  especially  the  priest 
having  diargo  of  tliem.  as  he  can  be  a  véritable  fisher  of  men. 


—  1009  — 

SOCIETIES   FOR   YOUNG   PEOPLE   LEAVING 

SCHOOL. 

BV 
REVEREND  J.  E.  QUINN,  S.  J. 


THE  présent  paper  overlooks  endeavor  in  beliali'  of  Juniors  of  the 
gentlei-  sex,  in  order  to  give  uudivided  attention  to  the  Avelfare  of  their 
brothers. 

This  course,  it  is  hoped,  will  be  sauctioned  both  because  of  the  spécial 
difficulties  found  in  organizing  boys,  and  because  of  the  relatively  sup- 
erior  importance  of  the  boys  theniselves  —  the  future  heads  of  faniilies. 
Wc  hâve  only  to  glance  at  conditions  in  other  parts  of  the  world  for 
warning  of  what  may  happen  wlicre  the  faith,  be  it  regarded  ever  so 
loyaliy  by  the  majority  of  the  womeu,  is  viewed  witli  indifférence  by  the 
majority  of  the  men. 

The  aim  of  the  writer  is  to  niake  sonie  contribution  in  favor  of  the 
Junior  Holy  Xame,  junior  ;?odalitie:*,  tempérance  cadet  societies,  and, 
kindred  l)odies,  by  suggesting  a  doser  adaptation  of  ail  such  undertak- 
ings  to  the  nceds  and  shortcomings,  likes  and  dislikes  of  boy-nature. 

Attention,  then,  is  directed  first  of  ail  to  the  considération  that  young 
peoplc  leaving  school  need  spécial  priestly  care  until  the  end  of  their 
boyhood;  that,  in  fact,  the  fifteenth,  sixteenth  and  seventeenth  years  are 
the  crucial  ones  of  early  life.  For  is  it  not  during  the  period  named 
that  the  boy,  forced  to  deal  witli  newly  awakcned  passions,  and  with  a 
now  thoroughly  aroused  spirit  of  independence,  conimonly  takes  a  per- 
manent stand  in  spiritual  affairs,  be  that  stand  devout,  lukewarm,  or 
openly  vicious  ! 

Now,  the  most  efficacious  means  towards  holding  young  ])eople  until 
the  end  of  the  seventeenth  year  is  had  by  denying  enrolnieut  to  lads  who 
appear  so  youthful  as  to  be  unwelcome  to  their  elders  nearing  eighteen. 
Consenuently,  there  is  need,  at  the  very  outset,  of  invoking  the  law  re- 
garding  the  juvénile  age-line  that  juvénile  nature,  itself,  has  made.  This 
law  is  easily  read.  As  a  rule,  our  junior  brethren  do  not  associate 
optionally  in  the  field  of  organization  with  mortals  more  than  five  years 
vounger  than  theniselves.  Ilence,  if  wc  would  rctain  boys  commonly 
until  the  end  of  their  teens,  we  must  spare  them  the  indurating  and  un- 
endurable  trial  of  membership  with  social  upstarts  who  seem  to  hâve 
less  than  thirteen  years  to  their  crédit. 

This  conclusion,  if  accepted,  will  enforce  a  radical  change  in  the 
metho<l  now  much  followtwl,  by  which  little  chai)s  ol"  twelve,  eleven  and 
even  ten,  having  made  their  First  Communion,  bcconie  eligible  for  the 
juvénile  soeiety  of  the  parish.  For  the  sake  of  an  immense  increase  in 
rich  results,  teenle,^^.^  bcginncrs  in  lifc  (who,  of  course,  can  rcceive  other 
spiritual  attentions  while  waiting),  must  be  excluded  from  the  ranks. 


—  1010  — 

No  doubt.  nicasuroment  of  stature,  as  an  admission  test  for  young- 
sters  claiining  thii-teon  yeai-s,  seems  incougruouis  at  tirst  thought;  never- 
theless,  with  reflcetion,  that  criterion  may  find  favor. 

It  is  certainly  as  uatural  to  the  boys,  as  it  is  helpful  to  their  adult 
leader,  bv  providing  against  the  mistakes  and  déceptions  thàt  would 
surely  occur  were  candidates  accepted  on  simple  déclaration  of  âge.  After 
twenty  years'  expérience  in  Judging  spiritual  fitness  by  the  heisrht  of  the 
àours  earthlv  teuenient,  the  writer  testifies  that  the  measuring  process, 
aidcd  by  auo'ther  expédient  to  be  mentioned  further  on,  retains  niembers, 
not  only  until  the  âge  of  eighteen,  but  often  until  twenty,  and  even 
twenty-one,  and  in  some  instances  lias  barely  missed  leading  the  Boys' 
Sodality  to  include  married  men. 

This  method,  foundod  directly  on  a  demand  of  Juvénile  nature  and 
seen  to  make  willing  captives  of  juvéniles,  until  the  end  of  their  boy- 
hood,  should  strongly  interest  persons  who  hâve  noted  that  many  of  our 
younger  brethren  o-o  no  further  in  the  field  of  Church  societies  than 
thoy  are  carried  l)y  the  junior  organization  ;  and  never  pass  at  ail  into 
the  parochial  young  men's  union.  And  the  arrangement  claims  further 
approval  because,  by  keeping  the  boys  as  long  as  they  are  boys  in  their 
place,  it  préserves  the  young  men's  society  from  a  most  serious  drawback. 
For  the  adult  fraternity,  when  invaded  by  lads  of  less  than  eighteen, 
suirers  au  ultra  youthful  shading,  intolérable  to  its  intended  beneficiaries. 

It  must  be  admitted  that  the  suggestions,  so  far  presented,  do  not 
reach  the  phase  of  boy-saving  endeavor  that  is  most  vital.  •  The  point 
chiefly  in  need  of  attention  is  that  many  priests,  in  position  for  the  work, 
believe  themselves  unable  to  gather  boys  at  ail,  and  must  be  given  con- 
fidence hitherto  wanting  if  they  are  to  begin,  or  continue  with  any  heart. 

And  unfortunately,  this  fceling  of  unfitness  is  fed  by  discouraging 
object-lessons.  Indeed,  it  must  be  regretfuUy  granted  that  the  annual 
career  of  the  average  juvénile  society  reminds  us  of  the  religions  doings 
of  certain  distant  flocks  which,  as  is  said,  show  signs  of  spiritual  life 
only  in  connection  with  baptisms,  marriages,  and  funerals.  Thus,  the 
youngsters  of  the  parish  fraternity  are  on  hand  in  satisfactorv  numbers 
for  their  opening  or,  so  to  speak,  baptismal  gathering  ;  then,  they  re-ap- 
pear  in  force,  sat  superque,  for  the  well-advertised  otuinff.  entertainment 
or  other  f|iiasi  marriage-feast  of  union  between  themselves  and  the  man- 
agement ;  but,  apart  from  thcse  occasions,  the  young  scamps,  by  their 
outspoken  indifférence  to  the  organization,  and  by  their  well-sustained 
boycott  of  its  exercises,  are  practioally  occupied  laying  their  member- 
ship  in  its  grave. 

The  imprf^ssion  genorally  drawn  from  this  sad  situation  may  be  dis- 
pelled,  to  sonif  p.vtent,  through  further  insistance  on  the  ail  important, 
gains  to  be  had  l)v  adapting  our  apostolate  more  fully  to  certain  tastes 
and  weakm-ssf's  of  juvénile  nature.  By  this  insistance,  the  writer  would 
open  to  his  brethren  rjf  the  sanctuary  the  very  encouraging  view  that 
ttiK-ccM  can  be  liarl  throuirh  methodical  proceedings,  which  everybody  is 
freo  to  adopt;  and  is  not,  as  many  suppose,  restricted  to  workers  giifted 
with  rare  pcrsonal  magnetism  for  the  young. 

Mfîanwhile,  let  it  no  be  fancied  that  coming  suggestions  will  include 


—  1011  — 

a  recommendation  of  the  indoor  amusement-centre,  known  a?  the  "  Boys" 
Club."'  On  the  contrary,  the  clérical  director,  alive  to  youthful  ways, 
should  think  twice  before  making  trial  of  that  feature.  The  very  idea 
of  the  club  reminds  us  that,  amono^st  the  giddy  amusement-«eekers  in 
their  early  teens,  many  soou  tire  oi'  the  récréation  quarters  and,  from 
then  on,  prefer  to  destroy  things  rather  than  legitimately  enjoy  them. 
As  this  anarchical  spirit  nécessitâtes  firm  répressive  action,  friction  in- 
evitably  results.  Hence,  the  club  becomes  a  very  critical  place  for  the 
priestly  worker,  robbing  him  of  the  prestige  and  opi>ortunitie.s  of  liis 
calling  in  proportion  as  it  forces  him  to  play  the  policeman's  part. 

Accordingly,  it  is  encouraging  to  feel  that,  from  the  sacerdotal  ^^ow- 
point,  the  récréation  rendez-vous  is,  usually  at  least,  feuperfluous.  No 
doubt,  such  a  base  of  opérations  is  needed  in  the  irréligions  district  — 
though,  even  there,  it  would  seem  to  call  rather  for  lay  control  —  but 
in  localities  that  are  fairly  well  off  spiritually,  the  priest,  gifted  with 
marvelous  hold  on  the  respect,  affection,  and  confidence  of  both  young 
people  and  their  parents,  seems  abundantly  able  to  succeed  with  other 
and  far  less  burdensome  material  supports. 

Since  the  organized  mortals,  with  whom  we  are  now  concerned,  must 
be  brought  together  by  some  means  or  other,  rejection  of  the  club  at  once 
draws  attention  to  another  gathering.  It  is  the  one  commonlv  rated  the 
most  difficult  part  of  our  work  :  the  society's  regular  religions  evening 
meeting,  which,  in  the  opinion  of  the  writer,  should  always  be  held  be- 
fore the  tabernacle.  Xeedless  to  say,  this  form  of  assembly  will  now  be 
2orLsidered  as  the  first  has  been,  in  the  light  of  the  juvénile  make-up. 

That  light,  to  begin  with,  seems  to  reveal  the  serions  oft-occurring 
mistake  of  holding  too  many  evening  sessions.  Thèse,  obviously,  should 
never  be  multiplied  in  disregard  of  the  fickleness,  forgetfulness,  and 
irreligiosity  of  the  prospective  congrégation.  Apparently,  from  twelve 
to  twenly  such  gatlierings  a  year  are  as  many  as  are  authorized  by  the 
modem  boy's  church-going  turn.  And  if  thèse  meetings,  nominally  of 
weekly  occurrence,  are  held  in  groups,  say,  of  three  or  more,  separated 
by  periods  of  much  needed  rest,  they  strike  a  responsive  chord  of  the 
youthful  heart  by  their  intimate  association  with  that  most  delightful 
Word  of  the  juvénile  lexicon  —  "  vacation." 

Nor  is  it  to  be  feared  that  the  sessions  thus  reduced  will  fail  to  exert 
strong  spiritual  influence.  First,  as  regards  the  results  of  religions 
instruction  and  appeal,  more,  assuredly,  is  gained  through  fewer,  but 
well  attended  assemblies,  than  through  a  greater  number  spoiled,  how- 
ever,  by  vacant  pews.  And  this  considération  grows  in  view  of  the  fact 
that  the  director,  engaged  with  a  score  or  less  of  annnal  assemblies,  can 
dévote  increased  attention  to  the  préparation  of  bis  instructions,  as  well 
as  to  the  other  matters  involved,  and,  indeed,  is  in  position  to  make  each 
of  his  gatherings  a  finished,  telling  event. 

And,  then,  it  is  not  to  be  thought  that  the  only  spiritual  wants  of  boys 
arise  from  ignorance  of  revealed  truth,  and  a  feeble  hold  on  virtue,  Ci\]\- 
ing  for  continuons  weekly  instalments  of  religions  teaching  and  exhort- 
ation. Our  young  friends  lack,  also,  an  easy,  confidence-inspiring  foot- 
ing with  the'priesthood;  this  footing  they  obtain  through  a  mcdium  of 


—  1012  — 

respoctfiil  fainiliarity  witli  oiie  of  GocVs  iiiinistere,  the  soeiety's  moder- 
ator.  Again,  the  youngsters  lack  home-fcelinof  for  the  material  temple 
of  religion  ;  this  nèedecf  home-feeling  will  be  acquired  in  the  pions  union 
whieh,"even  for  comparatively  fevv  occasions,  leads  juvénile  vestibule- 
loungers  —  the  innior  detaclinient  of  what  lias  been  called  the  Pope's 
standing  anny  —  away  froni  the  street-doors  of  the  édifice  to  its  front 
pews. 

^reanwhile,  accommodation  of  the  evening  meetings  to  the  tempér- 
ament of  our  Christian  undergrowth  involves  more  than  their  mère 
réduction  in  number.  It  means,  besides,  that  the  occasions  will  be  re- 
lieved  by  an  all-pervading  tone  of  cheerf ulness  ;  for,  the  liglit  setting  of 
a  gatliering  is  mucli  more  to  youthful  participants  than  even  it  is  to  old- 
or  ones. 

Ilowever,  the  sunny  atmosphère  now  demanded  does  not  consist  of 
merriment.  'This,  once  escited  in  a  boy  audience,  easily  leaps  beyond 
bounds.  Xeither  is  it  a  synonym  for  génial  expansiveness  on  the  part 
of  tlie  director.  True,  the  latter  must  be  immaculately  free  from  peev- 
ishness,  loquacity,  and  polysylables,  but,  even  though  wholly  unmagnetic 
in  the  présent  department,  just  as  in  every  other,  still  he  can  color  his 
gatherings  with  abundant  cheerf  ulness  through  plain,  business-like 
expédients. 

To  this  end  let  him,  firsi  of  ail,  shorten  the  meetings  by  the  rule  that 
fortj'-five  minutes  are  as  much  as  one's  spiritual  sons  can  pass  in  pious 
re.^traint,  without  breaking  the  peace.  Let  him  often  drop  into  brief, 
eagerly  welcomcd,  heart-ito-heart  confidences  eoncerning  whatever  mater- 
ial attractions  are  coming.  And,  then,  the  boys'  leader  can  accomplish 
wonders  in  the  desired  direction,  by  so  enriching  his  instructions  with 
suitable  ilhistrative  matter,  as  to  hâve  them  followed  with  interest  and 
ploasure. 

But  the  moderator  acts  more  radically  in  favor  of  cheerfulness  by 
simple,  painstaking  care  to  forestall  breaches  of  discipline,  thereby 
obviating  ail  need  of  recourse  to  the  remonstrances,  threats,  and  correc- 
tions that  would  inevitably  fill  proccedings  with  gloom.  The  iiuport- 
ance  of  this  care  will  be  seen  in  a  contrast  between  two  directors,  engaged 
with  the  elementary  tasks  of  seating  their  boys  for  evening  service,  and 
of  ascertaining  "  who's  who  "  in  the  matter  of  attendance. 

The  first  of  tliese  workers,  not  trouhling  himself  to  discriminate  be- 
tween the-dynamic  human  nature  of  early  youth,  and  the  quiescent 
human  nature  of  vénérable  âge,  bas  provided  for  the  church  visits  of  his 
rollifking  cliarge,s  just  as  he  might  for  an  equal  num1)er  of  old  ladies. 
The  members  hâve  been  told  to  seat  themselves  where  they  like,  and  are 
expected  to  imlicate  their  i)resence  by  answering  to  roll-call.  The  offi- 
cere  drawn  from  the  gênerai  body,  mostly  out  of  mère  déférence  to  the 
cuptom  of  socicties,  hardly  make  tliemselves  felt.  Kothing  whatever  has 
been  attempted  towards  (h;veloping  the  restraining  influence  thèse  youths 
might  exert  over  their  fellovv  members. 

It  fihould  not  hxî  found  surprising  that  this  crude  way  of  doing,  adopt- 
ed  with  uttor  disrcgard  of  boyish  habits,  créâtes  an  impossible  situation. 
Unre»tricted  freedoni  in  tlic  choic^e  of  .seats,  by  crowding  ail  the  members 


—  1013  — 

of  the  varions  "  ^augs  *■  totretlier,  lias  established  tlioso  onerirotit;  alli- 
ances in  readiness  for  mischief-making,  the  true  summum  bonum  of  the 
gang's  existence.  On  the  other  hand,  no  steps  having  l)een  takcn  to\var(ls 
stimulating  and  ntilizing  tlie  conservation  of  tlie  more  staid  oleniont. 
the  assembly  is  practically  devoid  of  self-controlling  spirit,  and  leaves  to 
the  unaided  director  the  entire  biirden  of  holding  disorder  in  check. 

Under  the  circumstances  the  opening  event,  the  roU-call,  takes  its 
chances  of  degenerating  into  something  suggestive  of  a  multitudinous 
cat-call,  and,  at  any  rate,  surely  signais  to  the  moderator  to  assume  for 
the  rest  of  the  evening  the  joyleSvS,  repellent  attitude  of  a  disciplinarian 
much  overworked.  Xo  wonder  that  the  short-sighted  endeavorer,  de- 
ceived  by  a  false  vision  of  old  heads  on  young  shoulders,  finds  his  dark- 
ened  cheerlcss  meetings  deserted. 

Eefreshingly  at  variance  with  this  unfortunate  is  our  second  leader. 
Utterly  powerless  as  he  is  to  exercise  any  personal  spell,  this  more 
thoughtful  traîner  of  the  "  young  idea  *"  proceeds  to  govern  tlie  bovs  bv 
simple  continuancc  of  that  watchful  attention  to  their  inclinations  by 
which  he  lias  already  attracted  the  boys  to  his  si  de. 

(Eealizing  that  any  time  spent  in  dry  verbal  groping  for  the  names  of 
those  présent  will  surely  overtax  the  slender  resources  for  sedateness  that 
juvéniles  command,  the  new  moderator  provides  books  giving  the  names 
of  the  members,  and  prepared  for  attendance  marks  to  be  placed  by  the 
officers.  At  the  same  time,  mindful  that  the  markers  mu&t  be  enabled 
to  easily  locate  their  subjects,  and  that  the  "gangs"  (ahvays  crippled 
when  scattered),  must  be  temporarily  shorn  of  industrial  strength,  he. 
covers  ])oth  thèse  neods  by  a  law,  that  every  memlicr  is  to  liave  j^lace  in 
a  fixed  pew. 

The  dira-tor,  perceiving  that,  through  a  couple  of  side  expédients,  lie 
can  securc  perfect  fidelity  to  this  rule,  gocs  further  in  the  same  direction. 
While  it  would  be  impracticable  to  assign  each  niember  to  a  definite  place 
on  the  member's  bench,  there  is  a  weak  spot  in  church-seated  human 
nature  ;  wherefore  he  consults  good  order  by  providing  a  designated  occu- 
pant for,  at  least,  the  end  of  eveiy  bench. 

Hère  the  moderator's  plan  is  siniply  a  practical  a])]ilication  of  the 
mysterious  fact  of  pastoral  economy,  that  worshippers  of  the  less  devout 
sex  are  never  at  ease  in  any  part  of  a  pew,  save  at  the  extremity,  and 
next  to  the  aisle.  Tn  récognition  of  this  phenomenon.  and  making  i\ 
virtue  of  the  masculine  neccssity,  our  good  man  apj)oint.-^  a  set  of  sub- 
ordinate  officers  who,  taking  the  name  "and  bovs,"'  wiliiiigly  become 
responsible  for  the  conduct  of  their  companions  of  the  same  sitting. 

It  is  readilv  conceded  that  this  very  modest  promotion  does  not  impart 
any  wondorfùl  sensé  of  dignity  to  the  young  peoj)le  conccrned  ;  m-vcr- 
thèless,  it  is  prized  as  being  a  forctaste  of  better  "  lifts  *'  to  come,  and 
has  the  désirable  effect  of  attaching  the  incum1)ents  more  dosely  to  their 
pious  union.  Xor  is  it  as.sertcd  that  tliese  minor  caretakers  ])estir  thom- 
selves  greatlv  toward  checking  mischief  on  tbe  ])iU't  of  tbe  olliers;  none- 
theless,  however,  they,  the  one-sixlh  part  or  moro  of  tbe  entire  body.  arc 
led  to  openlv  assume  an  attitude  of  loyalty  to  the  management:  and  this 
attitude,  preserved  before  youngsters  wlio  do  not   niiub  cxamini'  tbiiigs 


— 1014  — 

below  tho  <urfaoo.  is  sure  to  bo  ol"  considérable  restrainiug  efïect.  Besides 
our  pettv  diirnitaries  are  at  least  pledged,  tacitly  and  ex  officio,  to  behave 
thtMuselves.  ^  Ail  in  ail,  then,  their  présence  as  a  conservative  force  is  of 
no  small  value. 

Meanwhile,  let  it  not  be  thouo-ht  that  the  systematic  society  bnilder 
rests  content  with  tliis  sniall  amount  of  "  government  of  the  people  by 
the  people."  He  sees  that  the  situation  calls  for  a  superior  grade  of 
thoroughlv  reliable  officers  to  do  real  work  and,  fuUy  aware  that  élec- 
tions for  iiigh  positions  are  amongst  the  suprême  joys  of  présent  places, 
dependentlv  on  the  suffrages  of  their  fellow-memibers.  In  fact,  the  cir- 
cumspect  captain  of  the  ship  of  state  gladly  Avelcomes  the  ballot  which, 
clearly,  will  sei-ve  as  an  excellent  and  inexpensive  attraction. 

Knowing,  however,  that  the  elders  of  the  ship's  company,  by  reason  of 
fuUy  tested  fidelity  and  of  âge,  are  the  ones  to  use  authority  with  effect, 
the  captain  so  arranges  that  none  but  his  elders  shall  bc  elected.  The 
intended  resuit  is  obtained  by  providing  ballots  bearing  only  the  names 
of  the  seniors  by  âge,  perhap's,  or,  better  still,  by  priority  of  enrollment. 
Thèse  names,  then,  and  no  others,  are  submitted  to  the  voters  for  marks 
by  which  each  votcr's  choice  will  be  exprcssed. 

But  further  législation  is  found  necessary  in  order  that  the  benevolent 
dietator  may  obviate  the  sore  administrative  inconvenience  that  would 
arise,  were  an  entire  set  of  expériences  assistants  to  be  abruptly  re- 
placed  with  an  entire  set  of  newly  ehosen,  "  green  "  ones  ;  further  légis- 
lation is  again  needful,  in  order  that  the  dietator  may  retain  freedom  to 
give  each  fresh  helper  whatever  particular  position  the  hclper  ought  to 
hold.  Hence,  a  decree  that  the  ballot  box  does  not  raise  any  of  the  can- 
didates at  once  to  office,  but  simply  establishes  the  precedence  of  ail  of 
the  candidate  for  the  governing  circle,  which  they  will  enter  successively, 
as  officiai  vacancies  occur,  and  in  which  they  are  to  take  the  varions 
posts,  as  the  director  shall  assign.  So,  with  the  system  in  opération,  the 
vétérans,  having  endured  the  gauntlet  of  a  politioal  campaign,  stand  in 
the  order  of  the  votes  respectively  received,  eagerly  ready  to  join  the 
board  of  magnâtes  at  call. 

Of  course,  in  thus  creating  a  sure  prospect  of  office-holding  as  a  re- 
ward  of  senioritv,  the  boys'  patron  lias  donc  much  for  the  plan  men- 
tioned  at  the  beginning  of  this  paper  of  retaining  merabers,  for  their 
individual  benefît,  until  early  manhood  has  been  reached.  And,  mean- 
while, tbc  important  purpose  of  safeguarding  discipline,  and  of  thereby 
perfe(,-ting  the  tone  ot'  meetings,  is  also  snlendidly  accomplished. 

It  is  pubmitted  that  the  two  directors  hère  considered  hâve  well  illust- 
rated  the  difTerence  between  proceeding  without  and  with  attention  to 
the  guidance  juvénile  nature  .supplies.  The  worker  who  has  shown  in- 
difTeronoe  to  this  guidance  opons  his  meetings  only  to  scold  tliem  to 
death.  But  tlie  other  worker,  having  tactfully  enlisted  the  support  of 
the  most  mature,  and,  consecjuently,  of  the  most  tried  and  influential  of 
hi.s  following,  is  rarely,  if  ever,  forced  to  chilling  action  against  disorder/ 
an  immunity  tliat  constitutcs  the  first  essential  for  the  necessary  cheer- 
fulness  of  the  gathcrings. 


—  1015  — 

And  if  thèse  révérend  worthies  could  be  folio wed  further  in  their  un- 
dertaking,  results  would  be  the  same.  The  first  endeavorer,  most  likely 
lamenting  his  lack  of  supposedly  needful  personal  magnetism,  would  be 
seen  sinking  deeper  and  deeper  into  the  waters  of  faihiro  :  while  the 
other,  though  really  as  little  magnetic  as  his  assotiate,  would  be  found 
rejoicing  that,  with  ail  of  its  features  shaped  to  suit  the  boys,  his  boys' 
Society  had  scored  complète  success. 

Possibly  it  is  found  strange  that  this  papor  is  now  on  the  last  strrtoli 
of  allotted  time-space,  without  having  considered  its  subject  in  the  light 
of  the  présent,  great,  sacred  occasion;  that  is,  without  having  dealt  with 
the  supremely  important  question  of  attaching  young  people  to  the  prac- 
tice  of  receiving  Holy  Communion.  ITowevcr,  one  can  answer  that  thi? 
phase  of  the  subject  lias  been  dealt  with.  For,  in  reality,  the  boys" 
monthly  visit  in  common  to  the  Holy  Table  forms  a  single  issue  with 
Their  evening  meeting.  Success  for  the  latter  gathering  is  a  sure  harb- 
inger  of  success  for  the  more  sacred  one. 

Hère  we  meet  with  a  fact  most  iiii^piring  for  laborors  in  the  juvénile 
corner  of  the  vineyard,  occupied  with  the  task  of  filling,  controUing,  and 
enlivening  evening  assemblies.  Every  part  of  this  endeavor,  even  when 
merely  of  a  secular  tum,  makes  for  the  very  richest  of  spiritual  rosults. 
Catholics  in  their  teens  are  usually  free  from  such  attachment  to  vice  as 
withholds  from  the  sacraments;  so,  while  numerous  exceptional  young- 
sters  must  be  coaxed  along,  the  boys  as  a  body,  if  only  they  hâve  given 
themselves  to  the  fraternity  meetings  enough  for  the  acquirement  of  a 
sensé  of  genuine  membership,  will  instinctively  follow  the  fraternity  "s 
trend  to  the  altar. 

There  still  remains,  to  be  sure,  the  necessity  of  cultivai ing  recollw- 
tion  and  fervor  at  Holy  Communion  ;  there  remains,  also,  the  great  work 
of  leading  one's  following  to  perfect  the  excellent  beginTiing  mado 
monthly  in  common,  and  receive  individually,  every  week,  and  every  day. 
But  thèse  undertakings  again  refer  us  to  the  evening  sessions,  where 
counsels  for  the  proper  and  frejucnt  performance  of  tlic  most  sacred  of 
acts  are  williiiglv  received  from  the  lips  of  the  priestly  guide. 

Some  proof  has  now  been  given,  it  is  hopod,  that  the  knottiest  problem 
of  the  apostolate,  the  regular  meeting,  finds  solution  at  the  hands  of  the 
organizer  who  has  care  to  confonn  himself  to  the  natural  likes,  dislikes, 
and  shortconiings  of  juvéniles. 

AVere  it  possible,  the  writer  would  be  pleased  to  consider  this  con- 
formity  as  applied  to  the  other  departments  of  boy-saving  work.  Plead- 
ing  for  the  doser  adaption  of  ways  and  mciins  to  juvénile  nature,  he 
would  gladly  treat  of  such  matters  as  the  utilization  of  gaines,  bailges. 
and  other  attractions;  the  maintenance  of  a  waiting  list:  collections  of 
dues;  attendance  marks;  treatment  of  delinquents ;  the  choral  feature, 
and  especiallv  the  instriutional  feature  of  the  meetings,  and  the  like; 
but  much,  assurcnlly,  is  accomplished  if  what  has  been  writlen  makos  his 
gênerai  thesis  seem  plausible  and  worthy  of  further  thouirht. 

jSTowadavs,  with  humanity's  drift  to  urban  life,  crowding  junior  hum- 
anity  more  and  more  within  the  reach  of  the  priestly  organizer,  the  juv- 
énile harvest  is  indecd  "great;"  and  if  the  laborers  soem  '"  fi-w.''  tliey, 


—  1016  — 

as  tlie  writer  believes,  can  increase  inarvelloii^^ly,  both  in  niunbor  and 
effii-ieney,  tlirougli  doser  attention  to  that  polar  star  of  our  endeavor, 
the  tiiue  honorée!  sayiug,  "  boys  will  be  boys.'' 


THE  EUCHARISTIC  I.IFE  THE  ANTIDOTE  FOR 

MODERN  LIFE. 

BY 
FATHER  BERNARD  VAUGHAN,  S.  J. 


IF  a  ('atholic-  were  to  seek  the  Bible  throuph  for  some  passage  in  it 
which  niighi  put  bei'ore  the  workl  his  estiniate  of  the  Chiirch,  what 
it  is  in  itsclf,  and  what  it  is  to  him,  he  eould,  I  think,  iind  nothing  more 
appropriate,  nothing  mure  nearly 'expressing  his  thought,  feeling,  and 
appreeiation  of  C'iirist's  Bride,  than  the  following  inspired  passage  from 
the  "th  Chapter  ot  the  Book  of  \\  isdom  : 

"  I  preferred  lu-r  l)efore  Kingdoms  and  Thrones,  and  esteemed  riches 
'•  nothing  in  coiiiijarison  of  lier.  Xeither  did  I  compare  nnto  her  any 
••  prec-ious  stone:  for  ail  gold  in  comparison  of  her,  is  a  little  sand,  and 
"  .silver  in  respect  of  her  shall  be  eounted  as  clay.  I  loved  her  ahove 
'•  health  and  beauty,  and  chose  to  hâve  her  instead  of  light  :  for  her 
"  light  cannot  be  put  out.  Xow  ail  good  things  came  to  me  together 
"  wiih  her.  and  innunierable  riches  through  her  hands.  .  .  .  She  is  an  in- 
"■  finite  trensure  to  men." 

Helioll  hère,  enshriiird  in  thèse  words  of  biirning  éloquence,  is  epit- 
nniizod  wliav  the  f'athoiic  Clmi-cb  means,  and  what  it  is  to  a  rightly 
iiiiiided  Caiiiolic. 

"  Religion,''  sings  the  poet,  "  is  ail  or  nothing."  About  other  religions 
I  do  net  profess  to  know  mnch  ;  but  about  the  religion  of  which  you  and 
T  are  nioinbcrs  T  know  this,  that  compared  with  her,  ail  others,  no  matter 
wheiice  tliey  spring,  are  "  as  a  little  sand,"  as  "  a  handful  of  clay,"  as 
nothinfî;  wliereas  she  is  "before  kingdoms  and  thrones,"  '"  above  health 
and  beauty."  For  in  a  word  she,  our  mother,  is,  is  she  not,  "  an  infinité 
troasure  to  nicn  "? 

Hear  in  niind  that  the  religion  founded  by  Jésus  Christ  is  îlot  merelv 
a  svHtoîn  of  divinity,  a  code  of  moralitv,  or  the  shrine  of  an  iniposing 
htiirgy;  it  is,  I  grant  you,  ail  this,  but  besides,  it  is  a  service,  it  is  a 
practir-o.     Xay,  it  is  even  more:  it  is  a  life,  a  spiritual  life,  a  divine  life 
a  deified  Iifc  —  the  life  liidden  with  Chri«t  in  God.  ' 

_  For  a  moment  pause,  and  trv  to  realizc  what  acluallv  ]ni])pens  when 
in  the  waterg  of  Baptism  a  child  is  initiated  and  received  into  the  re- 
lijrion  «f  Jenns  Christ,  the  Catholic  Church.  We  are  assured  by  the 
Holy  Hpint  that  it)  tins  sacred  mysterv,  the  babe,  ail  helpless  and  list- 


—  lui:  — 

less,  is  dowered  with  a  new  life.  To  borrow  the  language  ol"  inspiralion, 
at  the  baptismal  font,  "  nian  horn  of  wonian  '*  is  "  renewed,"  "  rejrener- 
ated,*'  '•  horn  again,"  is  ''"  born  ot  God."" 

When  tlien,  the  priest,  c-lad  in  surplice  and  stole,  receives  a  néophyte 
into  the  Church,  ponring  the  saving  waters  over  hini,  that  néophyte, 
whether  young  or  ohl.  rich  or  poor,  fair  or  dark,  l)<)ndsnian  or  freo,  be- 
comes  thereby  a  "  partaker  of  tho  divine  nature""  itsclf,  beiiig  made  by 
grâce  what  Christ  is  by  nature,  son  of  God. 

How  difficult,  how  utterly  impossible,  is  this  for  us  in  any  due  meas- 
ure  to  grasp.  Our  eyes  seeni  to  be  liekl  lest  wo  sliould  bo"  Ijjinded  by 
the  sight  open  to  the  vision  of  angels.  Xow  we  see  but  dinily,  througji 
a  gla^s,  in  a  dark  manner:  in  a  word,  by  faith.  But,  be  patient,  for 
before  so  very  long,  the  curtains  of  night  shall  be  torn  asunder,  when 
Grâce,  standing  in  the  full  blaze  of  light  from  the  Great  White  Throne. 
sliall  cliange  into  Glory,  faith  yielding  to  sight,  life  in  exile  l)eing  then 
exchanged  for  life  in  patria  —  for  Home.  Well,  may  the  text  enlisted 
for  niy  pui^Dose  proclaim  :  "  I  chose  to  hâve  lier  instead  of  light,  for  her 
light  cannot  be  put  out  "  ! 

The  modem  scientist  tells  us  of  marvellous  healing  properties  hidden 
away  in  the  golden  rays  of  sunshine.  The  sun-bath  is  a  very  store- 
house  of  health.  Xot  only  do  the  light  and  heat  of  the  sun  make  the 
material  world  live  and  dance  to  the  rhythm  of  its  fine  pulsations,  but 
with  its  délicate  hand  the  great  luminary  paints  the  lily,  the  violet,  and 
the  rose;  it  gilds  the  cornfield,  and  glints  the  river;  it  throws  light  and 
shade  across  the  landscape,  na}-,  whatever  thing  it  deigns  to  fling  its 
golden  beams  upon  it  transforms,  vitalizing  the  whole  world  about  us 
with  untold  strength,  dowering  it  with  unutterable  beauty.  What  the 
sun's  healing  opérations  are  in  the  human  frame  we  are  only  now  begin- 
ning  to  understand;  but  this  we  know,  that  in  its  light  and  heat  myr- 
iads  of  microbes,  that  would  othcrwise  seize  u]ion  and  devour  human 
life,  are  tamed  of  thcir  fiercencss,  and  robbed  of  their  destructive  force. 

But  what,  let  me  ask  you,  is  ail  this  wondrous  output  of  the  solar 
System  compared  with  the  niarvels  wrought  in  a  human  soûl  by  the  trans- 
forming  powers  of  sanctifying  grâce,  which  not  only  disarms  the  soul's 
spiritual  foes,  l)ut  moreovcr  so  fortifies  its  life,  that  in  due  season  it  ])uts 
forth  the  rare  Ijloom  of  supernatural  virtues,  and  the  fruit  of  good  works 
meritorious  of  etemal  recompense.  As  we  contem])late  thèse  malchless 
marvels  born  of  ffrace  in  the  soûl,  may  I  say.  of  a  shoeless,  ragged,  home- 
less  littlc  child,  we  begin  more  fully  to  understand  that  grâce  is  in  very 
deed  what  it  is  said  to  be:  "an  infinité  treasure  to  men."" 

In  what  has  been  hitherto  said,  I  hâve  attemptcd  to  bring  home  to 
you  this  great  and  central  fact,  that  our  religion  —  the  religion  insti- 
tuted  by  Jésus  Christ,  —  is  a  life.  a  divine  life,  "  vita  deificata.'"  It 
was  this  supernatural  life  whicli  Our  I.ord  came  from  heaven  to  bestow 
upon  us,  and  to  give  us  as  Himself  dedared,  in  no  stinted  measure, 
but  '' abundantly."  This  is  the  divine  life  which  you  and  I  hâve  so 
to  support,  to  nourish,  to  strengthen  that  its  divine  énergies  may  at 
lengtli  come  to  ])enetrate  and  pernieate  the  whole  range  of  (Uir  tli«»uglit 
and  work  during  our  mission  time  hère  on  eartli. 


—  1018  — 

This  briugs  us  face  to  face  with  a  question  beariug  with  vital  im- 
portauoe  upou  our  pre^eut  subject  ;  the  question  is  this  :  Upon  what  f ood 
niust  this  divine  life  of  thc  soiil  be  fed  that  it  may  net  starve  to  death  in 
us,  but  ou  the  oontrary,  juay  grow  in  health,  and  streugth,  and  wisdom. 
before  God  and  man  ? 

Observe,  there  is  no  kind  of  life  but  requires  for  its  support  some 
kind  of  i'ood.  Is  not  the  organie  marked  oiî  from  the  inorganic  world 
precisely  by  tliis,  tliat  whereas  the  former  needs  for  its  health  and  growth 
some  spécial  kind  of  nutriment/ the  latter  is  capable  of  none  ?  The 
crystal,  if  you  will,  grows  from  without.  but  tlie  organism  grows  from 
within  —  not  by  the  addition  of  nuiterial  which  it  puts  on  and  uses, 
but  by  the  absorption  of  matter  which  it  takes  in  and  changes.  X 
might  go  on  to  show  how  life,  as  we  find  it  in  the  ascending  scale  of 
being,  from  the  amoeba  to  man,  requires  for  its  vigour,  development, 
and  perfection  its  own  spécial  kind  of  foodstufîs.  But  I  must  pass  on 
to  answer  the  question  about  the  character  of  food  needed  for  the  support 
of  the  soul's  divine  life.  Wivàt  is  that  banquet  at  which  this  divine 
guest  nuLst  sit,  and  feed  with  appetite,  relish,  and  profits,  in  this  inst- 
ance not  vitalizing  his  food,  but  on  the  contrary,  his  food  vitalizing 
him  ? 

You  tell  me  that  for  material  life  is  required  material  food;  and  Our 
Lord  tells  us  that  for  divine  life  there  is  needed  divine  food.  On  an 
occasion,  when  ])ointing  to  the  lilies  of  the  field  springing  up  like  stars 
of  earth  in  ail  the  land  about  Him,  Jésus  said  to  his  followers  :  "  See 
the  lilies  how  they  grow  ;  ''  and  He  continned  :  "  Never  was  Solomon 
arrayed  in  glory  sucli  as  they."  Solomon's  gloiy  was  borrowed  from 
without,  whereas  the  beauty  of  the  lily  is  developed  from  within.  The 
lilies  grow  by  what  they  feed  upon.  And  so  does  the  divine  life  of  the 
soûl  grow  upon  what  it  feeds,  —  the  "  Bread  of  the  strong,"  and  the 
"  Wine  which  brings  forth  virgins." 

In  that  most  wonderful  and  pathetic  discourse  treating  of  the  soul's 
banquet  which  we  read  in  the  6th  Chapter  of  St.  John's  Gospel,  Our 
blessed  Lord  refers  to  the  soul's  suprême  need  of  this  divine  food.  He 
insists  that  the  "  Bread  from  Heaven  "  is  the  soul's  one  and  only  true 
support  and  nourishment;  so  that  to  neglect  feeding  at  this  table  is  not 
only  to  forfeit  grâce,  but,  what  is  still  worse,  is  to  induce  a  fast  which 
needs  must  end  in  the  soul's  spiritual  starvation  unto  death.  EecaU 
His  Ycry  words:  "  Except  you  eat  the  Flesh  of  the  Son  of  Man  and 
drink  His  Blood,  you  shall  hâve  no  life  in  you,"  in  other  words  you 
will  starve  to  death.  On  the  contrary:  "  He  that  eateth  my  Flesh,  and 
drinketh  My  Blood,  hath  everlasting  life",..  "  My  Flesh  is  méat  in- 
•leed:  and  .My  Blood  is  drink  indeed."  "This  is  the  Bread  which 
cometh  down  from  Ileaven,  that  if  any  man  eat  of  it,  he  may  not  die. 

I  might  continue,  but  thèse  quotations  from  our  Lord's  sermon  at 
Caphornauin  will  suffice  to  bring  home  to  you  the  vital  truth  that  the 
llojy  Kucharist  is  set  up  in  our  midst  to  be  "our  daily  bread"  —  the 
regular,  proper.  and  only  suitable  divine  support  and  nourishment  of 
that  life  wilh  which  we  were  dowered  in  Baptism,  the  Christ-life.  Speak- 
infr  of  the  exquisito  properties  of  this  "  Bread  corne  down  from  Heaven," 


7> 


—  1019  — 

the  Angelical  Doctor  breaks  f  orth  into  raptuous  éloquence  :  "  Oh  !  sacred 
banquet,"  he  exclaims,  "  whereiu  Christ  is  received,  the  meraory  o£  His 
Passion  is  renewed,  the  soûl  is  filled  with  grâce,  and  the  piedge  of  future 
glory  is  given  us.'" 

At  no  time  in  the  story  of  ïïis  sojourn  on  eartli  can  mau  a£Eord  to 
neglect  His  Christ-life.  To  support  this  life,  to  nourish,  devlop,  and 
perfect  it  is  the  ^vork  ^nth  which  each  one  of  us  hère  présent,  both  priest 
and  layman,  is  charged;  it  is  the  mission  to  which  each  one  is  first  of 
ail  called.  There  is  no  need  for  any  one  of  us  to  cast  about  in  order 
to  discover  upon  what  he  must  feast  his  sonl  that  he  may  keep  it  in 
health,  and  beauty,  and  strength  before  God.  Has  not  the  divine  Host 
Himself  invited  each  and  everv  oao  of  us  to  his  table  proclaiming  : 
"  The  banquet  is  ready."  Most  wonderful  to  narratc,  He  longs  more 
fervently  to  corne  to  us  than  we  to  go  to  Him.  Dearer  far  to  Jésus 
Christ  than  any  jewelled  tabernacle  made  with  human  hands,  is  the 
simple  casket  of  a  child's  pure  heart  made  by  God  Himself  to  be  His  own 
dwelling  place.  He  seeks  union  ^vith  the  poorest  sluni  child  through 
the  Eucharist: 


"  Out  beyond  the  shiniug 

Of  the  furthest  star, 
He  is  ever  stretching 

Infinitely  far. 
Yet  the  hearts  of  children 

Hold  what  worlds  cannot; 
And  the  God  of  wonders 

Loves  the  lowly  spot." 

Must  I  ask:  Whv  is  it  that  we  in  our  day  hâve  so  far  forgotten  to 
eat  our  bread,  and  to  wax  strong  upon  the  banquet  prepared  for  us,  that 
we  need  must  be  warned  by  Christ's  Vicar,  our  présent  beloved  Apostle- 
like  Pope,  Plus  X.  to  renew  our  fervour,  to  whet  our  appetite,  and  to 
yearn  like  Christians  of  old  for  this  *'  Sacramentum  mirabile,"  contain- 
ing  in  itself  whatever  is  delightful  and  is  delicious,  "  onine  delectamen- 
tum  "?  Be  renewed  in  Christ,  our  Holy  Fathcr  seems  to  say  to  us,  met 
hère  in  this  vast  assembly  to-day,  and  forget  not  the  exhortation  of  the 
Tridentine  Fathers  to  fréquent  Holy  Communion  as  you  fréquent  Holy 
Mass  —  daily. 

God  knows  that  at  no  period  in  the  history  of  Christ's  Church  has 
there  been  greater  need  than  thero  is  to-day  of  this  note  of  warning 
from  our  Father  in  God  to  ail  his  children  throughout  Christendom. 

We  are  living  in  a  day  of  hoad-lines,  snapshots,  taxicabs,  and  music- 
halls  ;  in  a  dav  when  the  scramblc  for  the  prizes  of  life  has  become  a 
mad  passion.  It  is  a  day  of  fover,  fret  and  fumo  ;  wlicn  compétition  for 
earthen  toys  is  so  keen,  and  the  iiiargin  of  profit  in  commerce  has  become 
so  fine,  that  the  one  cry  beating  through  tlie  air  is  "hurry  up."  No  one 
seems  to  bave  time  for  pause  till,  worn  out  in  the  pursuit  of  gewgaws 
and  vanities,  a  rest  cure  bec;onies  imperative,  the  cl(x;k  is  stopped,  and 


—  1020  — 

ail  ai-tion,  monal  as  pliysical,  niust  be  prcscribed  as  proliibitive  for  an 
eightli  part  of  a  ye&v. 

We  arc  liviii<r  in  a  dav  when  the  hiiih  idcals  of  old  ave  ±ast  yieldmg 
to  tho  pressure  "of  créature  couiforts  ;  when  principal  is  being  excliangedj 
l'or  expedienov;  iu  a  dav  when  self^sacrilicing  Catholicism  is  beingbar- 
tered  for  self-centred  materialism  ;  when  the  Christian  sensé  of  sin  is 
hoins:  rei^arded  as  a  bve-gone  superstition  ;  in  a  day  when  it  matters  not 
wharvoii  believe,  but  only  what  you  do;  and  wlien  you  niay  do  wliat  yon 
H  ko,  ])rovi(led  you  are  not  found  ont;  in  a  day  when  the  relations  bet- 
weeu  the  sexes  takes  one  back  to  pagan  tinies;  while  the  garbage  on 
which  man  and  women  feed  is  as  foui  and  loathsonie  as  the  stuff  over 
whioh  thev  gloat  and  chatter;  in  a  day  when  niarriage  bas  become  so 
debased  and  defiled,  tluit  not  even  the  pledged  troth  ean  niake  it  long, 
endurable  without  change  of  prospective  partners  in  a  life  of  legalized 
vice;  in  a  dav  when  thero  is  no  empty  place  but  in  the  cradle,  and  no 
room  in  which  to  move  but  in  the  Cliurches.  Well  niight  a  leading 
l^arisian  physician  suni  up  the  situation  in  the  woi'd  :  "  C'est  une  pour- 
riture! '" 

()l)sene  that  the  cleavage  to-day,  as  in  no  previous  time  since  the 
dawn  of  Christianily,  is  between  God  and  Maninion  ;  or  shall  I  say  in 
language  more  definite  still:  between  Catholicism  and  iVgnosticism,  if 
not  evolutionary  Materialism  itself.  For  confirmation  of  my  strong 
assertions,  read  the  story  of  present-day  life,  as  it  is  reflected  in  Society, 
as  it  is  juirrored  l'orth  on  the  stage,  as  it  is  shown  uj)  in  the  law  courts, 
as  it  is  writ  large  on  our  book  stalls;  or  if  you  will,  as  il  is  publishedj 
in  Society  journals,  in  the  monthly  magazine,  in  the  weekly  pictorial  and 
in  the  daily  press. 

Witli  Mamnion,  thcn,  asscrting  itself,  as  it  does  amid  ail  sections  of 
the  conimunity  in  this  twentieth  century,  with  home-life  gone,  with 
social  life  demoralized,  with  hi-produets  of  materialism  everywhere  ramp- 
ant, with  our  marts  of  industry  like  gambling  hells,  and  the  very  streets 
likc  a  nightniarc,  what  T  ask  is  to  lift  up  and  proclaim  the  interests  of 
God  against  this  devasting  plague  of  frivolity,  folly,  and  riot  ? 

Before  this  tidal  wave  of  paganism,  stretching  from  sea  to  sea,  and 
river  to  river,  everything  is  going  under,  with  one  exception,  and  that 
is  our  Holy  lîeligion.  The  Church  of  Christ,  indissolubly  one,  infallibly 
true,  indestruetibly  good,  is  the  one  and  only  institution  that  is  holding 
her  own  and  is  "  semper  eadem  ",  unchanged  and  unchangeable,  amid, 
ail  this  wrockagc  and  min  litteriug  the  spaces  of  the  world.  Like  Christ, 
the  Church  too  reuiains  "  yesterday,  to-day,  and  the  same  for  ever."  Her 
contre  of  gravity  never  shifts. 

A  few  days  ago,  one  prominent  before  the  world  as  a  great  artist  said 
to  me:  "  I  liave  unbouiuled  admiration  for  your  religion;  it  is  the  only 
one  rtîally  wortli  having  ;  hut,  alas,"  he  continuod  with  a  deep  sigh, 
"  I  cannot  gct  hold  of  it."  Grasping  him  bv  the  hand  I  replied:  "Let 
it  get  hohl  of  you  :  it  matters  little  that  the  babe  cannot  rcach  up  to  its 
rnother,  ubon  tlie  inother  ean  stoo))  down  to  her  babe." 

This  bririgs  nie  to  my  central  point  in  this  paper;  it  is  this:  If  you 
and  1  in  tliis  world  of  change  and  havoc,  of  false  philosophy  and  worse 


—  1021  — 

morals  are  to  liold  onv  own  as  Catholics,  vigorous,  energetic  ami  ontlius- 
iastic,  we  must  let  Christ  get  hold  of  us,  we  luust  bring  oursolves  to 
feel  the  pressure  of  this  kind  hand,  we  must  lean  with  ail  our  weight 
upon  His  strong  arm,  and  must  draw  with  ail  delight  from  His  Sacral 
Heart,  findiiig  in  Hiiii,  as  the  infant  does  in  its  mother,  our  source  of 
nourishnient,  oomfort,  and  strength.  Nay,  we  shall  tind  Him  a  union 
much  more  intimate  than  that  whieh  we  knew  when  we  were  fed  in  a 
mother's  arm.  She  fed  us  on  milk  holding  in  solution  every  élément 
that  vvas  needed  to  biiild  up  our  franu'  physical  ;  Ile  feeds  us  on  His 
own  Precious  Blood,  whieh  serves  not  only  tu  nourish  and  strengthen, 
but  also  to  complète  and  perfect  our  life  spiritual,  the  Christ  life.  "  My 
Flesh  is  méat  indeed:  and  My  Blood  is  drink  indeed."  Xothing  but 
clinging  Peter-like  to  Christ  can  save  us. 

If,  as  twentieth  century  Catholics,  we  are  to  ])e  a  real  crédit  to  the 
Church,  an  inspiring  example  to  the  world,  and  a  mission  to  our  country, 
we  must  become  so  closely  united  to  Christ  that.  in  a  very  strict  and 
literal  sensé,  ours  will  be  the  Christ-thought,  the  Christ-word.  the  Clirist- 
deed;  ours  the  Christ-life,  ours  the  Christ-character.  Believe  me,  the 
imperative  necd  of  to-dav  is  character,  whilc  the  only  character  worth 
building,  and  the  only  character  worth  holding,  is  the  Christ  character. 
Make  it  your  business  then  to  build  up  the  divine  characteristics  of 
Christ  in  your  soûls  ;  and  then  not  to  St.  Paul  alone,  but  to  each  one 
of  us  also,  it  shall  l)ecome  true  to  say  :  "  I  live  now,  yet  not  I,  but  Christ 
liveth  in  me."  "  For  me  to  live  is  Christ.''  Pesolve  then  first  of  ail 
regularly  to  feed  your  divine  life  on  this  divine  food,  this  "  Bread  come 
down  from  Ileaven  ;  "  continue  your  efforts  in  building  the  Christ 
character,  till  at  length  grown  strong  and  virile  on  the  '■  Bread  of  the 
Strong"  you  may  with  the  great  Apostle  be  readv  to  throw  down  to 
the  whole  widc  world  the  glorious  challenge:  '^"' '\^'^l()  shall  sei)arate  us 
from  the  love  of  Christ?  shall  tribulation?  or  distress?  or  famine?  or 
nakedness?  or  danger?  or  ])ersecution?  or  the  sword?. . .  I  am  sure  that 
neither  deatli,  nor  life,  nor  angels,  nor  principalities,  nor  powers,  nor 
the  things  présent,  nor  things  to  come.  noi-  might.  nor  heiglit.  nor  deiith, 
nor  anv  other  créature  shall  be  a])le  to  separate  us  from  the  love  of  Ood, 
which  is  in  Christ  Jésus,  Our  Lord.  (Epistle  of  St.  Paul  to  the  Eomans, 
Chap.  YIIT.  35). 

In  conclusion  let  me  remind  you  :  how  it  bas  come  to  pass  that  ?o  in- 
telligent, quick-witted,  and  briïliant  a  people  as  the  Irish  bave  never 
been  caught  aiul  ca])tured  by  the  glare  of  pscudo-theology,  or  the  glamour 
of  false  philosophies ?  Yes,  let  me  tell  you  why  it  is  that  this  fascinatinir 
Celtic  race,  naturally  so  easily  won,  bas  never  w(>lcoined  to  its  schools. 
or  even  effered  cold  shelter  to  .Tansenism  or  Kantianism,  nr  ^larxianism, 
or  Xietzscheism  ;  let  me  further  tell  you  why  it  is  that  no  form  of  Mo- 
dernism  bas  ever  succeeded  in  finding  foot-hold  on  Krin's  sacred  soil. 
The  reason  is  not  far  to  seek.  If  Trcland  to-dav  is  the  most  Catholic 
land  in  the  civilized  world:  and  if  Dublin,  of  ail  Catholic  capitals.  in 
Christendom,  is  the  most  intensely  Catholic.  the  secret  of  this.  her  irlor- 
ious  ])rivilege,  is  an  easy  matter  to  reveal.  Ireland  to-day  is  what  sho  is 
because  her  sons  and  daughters  say  their  prayers  and  go  to  the  Sacra- 


— 1022  — 


monts.  Let  us  go  forth,  resolved  to  do  like^\'ise,  and  we  too,  like  them, 
will  reinain  iinspoilt  by  moderiiity,  "  unspotted  from  the  world."  The 
antidote  for  modem,  up-to-date  life  is  the  Eucharist. 


FREQUENT  COMMUNION  AND  YOUNG  GIRIiS  IN 

LARGE  CITIES. 

BT 

REVEREND  J.  L.  HAND. 


THE  old  contre versy  anent  the  fréquent  réception  of  Holy  Commun- 
ion has  been  set  at  rest  by  His  Holiness  Pius  X.  By  a  decree  of  the 
Sacred  Congresration  of  the  Council  dated  20th  of  Dec,  1905,  the  mind 
of  the  Church  on  the  subject  was  clearly  and  explicitly  set  forth  in  the 
following  terms  :  "  Fréquent  and  daily  Communion  as  a  thing  most 
earnestly  desired  by  Christ,  our  Lord,  and  by  the  Catholic  Church,  should 
be  open  to  ail  the  faithful,  of  whatever  rank  or  condition  of.  life,  so  that 
no  one  who  is  in  the  state  of  grâce,  and  approaches  the  Holy  Table  with 
the  right  and  devout  intention  can  lawfully  be  hindered  therefrom." 
The  statement  of  the  case  by  the  Congrégation  is  clear  and  comprehen- 
sive  ;  it  applies  to  ail  ranks  and  conditions  of  those  who  are  in  a  state  of 
grâce,  and  are  actuated  by  a  right  intention.  On  the  occasion  of  the 
promulgation  of  this  decree  on  fréquent  Communion,  among  the  many 
questions  mooted,  as  deserving  of  spécial  considération,  and,  perhaps, 
of  exception  from  its  wide  application,  was  that  of  children  who  had 
just  made  their  First  Communion.  Some  theologians  were  doubtful  of 
the  propriety  of  admitting  children  under  such  circumstances  to  daily 
communion.  The  following  question  was,  thercforo,  ])roiK)sed  to  the 
Sacred  Congrégation  for  solution  :  "  Should  ail  the  students  of  Catholic 
Collèges,  even  those  children  who  hâve  received  their  First  Communion, 
be  encouraged  to  approach  the  Holy  Table  every  day?"  The  answer 
was  :  that  "  fréquent  réception  of  Holy  Communion  is  recommended, 
according  to  the  decree  of  20th  of  Dec,  1905,  even  to  children  who  hâve 
been  once  admitted  to  the  Holy  Table,  conformably  to  the  directions  con- 
tained  in  the  Roman  Cathechism,  i.  e.  that  they  must  not  be  prevented 
from  receiving  it  frequently,  but,  on  the  contrary,  must  be  cxhorted  to 
do  80,  the  contrary  practice  obtaining  in  some  places  l)eing  hcreby  con- 
demned."  The  answer  is  positive  that  children  are  to  be  encouraged 
and  cxhorted  to  receive  Holy  Communion  each  day.  It  would  be  useless 
lo  urge  that  the  re.spon^c  of  the  Congrégation  does  not  apply  to  ail  child- 
ren who  bave  made  their  First  Communion,  but  to  those  only,  who  are 
boarding  in  Catholic  Collèges  anrl  institutions,  and  are  consequently 
much  removed  from  the  sinful  influences  of  the  world  and  surrounded 


—  1023  — 

by  an  atmospliere  of  virtue  and  ganctity,  wliicli  niake  the  sanctifying 
grâce  and  riglit  intention,  the  dispositions  required  by  the  decree  of  20th 
Dec,  1905,  an  easy  matter  of  acquirement  and  préservation.  The 
pronouncement  is  gênerai,  not  limited  to  the  boarders  in  Catholic  Col- 
lèges and  schools.  It  applies  to  yoiing  girls  in  large  cities.  just  as  it 
does  to  the  tender  maiden  withiu  tlic  haÙowed  walls  of  the  couvent. 

The  large  citv,  it  is  triie,  is  not  the  idéal  place  for  the  cultivation  of 
virtue  and  practice  of  religion  in  the  young.  It  laeks  many  of  the  fav- 
orable opportunities  of  the  Catholic"  countryside  for  the  training  of 
young  girls  in  the  virtues  of  niodesty,  humility,  and  obédience.  In  the 
large  cities,  the  parental  control  is  much  dimiiiished;  conditions  of  fam- 
ily  life  do  not  help  to  purify  the  mind  and  clevate  the  soûl.  In  many 
of  the  homes,  the  présence  of  father  and  mother  is  not  continuous  with 
,  the  children  ;  narental  control  is  relaxed,  and  tbe  atmosphère  of  the 
home  becomes  impregnated  with  the  germs  of  worldliness.  In  the  large 
city  teraptation  to  sin  for  the  voung  is  multitudinous;  occasions  stand 
out  before  the  poor  vacillating  girl  in  the  théâtre,  the  amusement  hall, 
the  summer  resort,  and  more  particularly  in  her  relation  with  the  other 
sex,  which  should  be  a  prop  to  her  virtue,  and  a  support  against  her 
weakness.  Society  is  frequently  shocked  by  the  scandais,  which  appear 
in  print,  of  the  corruption  of  young  girls  by  old  wealthy  profligates,  who 
spend  their  time  and  money  in  the  gratification  of  their  lustful  passions. 

The  nature  of  girlhood  complicates  the  considération  of  the  subject  in, 
the  light  of  the  many  obstacles  on  the  path  of  the  young  maiden.  Phys-i 
iological  development  is  not  without  its  efîect  on  the  mind  and  heart. 
There  is  a  feverishness  generated  in  the  young  girl  that  seeks  for  grat- 
ification in  sensual  excitement  and  pleasure.  There  are  forces  oper- 
ating  in  her,  of  which  she  is  unconscious.  Notions  of  a  compulsory 
nature  and  tendencies  almost  irrésistible,  the  unhappy  resuit  of  Eve's 
transgression,  the  concupiscence  of  the  flesh,  of  which  fallen  nature 
cannot  divest  itself,  prédispose  young  girls  to  a  life  of  spiritual  combat 
and  constant  warfare  in  large  cities.  Their  frail  nature  amid  the  lab- 
yrinth  of  snares  and  temptations  is  sorely  in  need  of  divine  support. 
The  positive  wickedness  of  the  world,  and  the  inhérent  weakness  of  girl- 
hood make  the  fréquent  réception  of  Holy  Communion  almost  imper- 
ative  for  persévérance  in  a  virtuous  life. 

The  Catechism  of  the  Council  of  Trent  ex7)laining  the  effects  of  Holy 
Communion  pays  that  "  The  Holy  Communion  in  an  antidote  against 
the  contagion  of  sin  and  a  shield  against  the  easy  a{)proa(h  of  violent 
and  deadly  infection.''  St.  Cyprian  records  that  when,  in  the  early  âges 
of  the  ChuiX'h,  Christians  were  hurried  in  multitudes  by  tyrants  to  torm- 
ents  and  death,  they  roceivcd  from  the  hands  of  tlie  bishops,  the  Sacra- 
ment  of  the  body  and  blood  of  our  Ix)rd,  lest  perhaps  ()verc(Miie  by  excess 
of  torments,  thev  should  fail  in  the  saving  conflict.  "The  Holv  Ench- 
arist,"  says  e  Catec-hism  of  Trent,  "  represses  the  licentious  dei^ires  of 
the  flesh,  and  keeps  tliem  in  due  subjection  to  the  spirit.  In  proportion 
as  it  inflames  the  soûl  witb  tlie  fire  of  charity,  in  (ho  samc  proportion 
does  it  necessarilv  extinguish  the  fire  of  concupiscence." 

Ideals  of  sanctity  are  set  before  the  minds  of  young  girls.     The  ex- 


— 1024  — 

amples  ot'  the  lioly  women  of  the  Gospel,  wlio,  with  loving  tenderness, 
eared  for  the  boily  of  the  Lord,  and  wlio,  during  His  life  on  earth  be- 
stowod  upon  Ilis  sacred  person  the  deep  affection  of  devoted  he.arts, 
attrai-t  youug  girls  towards  the  tabernacle.  The  lives  of  the  great  saints 
of  their  sex,  such  as  Agnes,  Cecilia,  Magdalen  de  Pazzi,  Theresa,  Eose; 
of  Lima,  and  many  others  devoted  to  the  Blessed  Sacrament,  fire  the 
yoiing  gênerons  hearts  of  girls  with  love  for  our  Lord.  They  aspire  to 
a  life  of  holiness  which  can  be  attained  by  the  i^ractice  of  virtue  and  the 
fréquent  réception  of  Holy  Communion. 

If  large  cities  abound  with  places  of  temptation  and  occasions  of  sin, 
they  are  not  unprovided  with  the  means  of  combating  evil  and  overcom- 
ing  vice.  Churches,  convents,  and  schools  in  full  opération,  year  in  and 
year  ont,  work  with  imtiring  zeal  for  the  spiritual  advancement  of  our 
youug  girls.  O]»)ortunities  are  many,  and  are  frcely  availed  of,  for  the 
fréquent  réception  of  the  Sacraments  and  the  practice  of  a  holy  life. 

The  means  by  which  young  girls  arç  lead  to  fréquent  Communion  are 
manifold.  The  fragrance  of  virtue  and  the  light  of  good  example  by 
the  mother  of  the  family,  as  she  goes  frequently  to  Communion,  inust 
hâve  its  effect  on  the  young  daughter.  It  is  i-elated  of  St.  Magdalen  de 
Pazzi,  that  when  she  was  yet  young,  and  before  she  had  made  her  First 
Communion,  she  would  draw  close  to  her  mother  the  day  on  which  she 
was  accustomed  to  receive  Communion,  that  .she  might  hâve  the  liap- 
])inoss  in  breathing  near  her  the  holy  odor  of  the  présence  of  Jésus 
Christ.  There  is  no  object  lesson  so  powerful  as  the  example  of  the 
mother  on  the  daughter.  The  mother  who  gives  the  example  of  fré- 
quent Communion  to  her  children,  who  makes  her  daily  visit  to  our  Lord 
in  the  Blessed  Sacrament,  will  be  rewarded  in  time  by  seeing  her  girls 
follow  in  her  footsteps  to  the  Holy  Table.  Where  a  love  of  the  Blessed 
Sacrament  is  cherished  and  fostered  in  lier  home,  there  Avill  be  a  holy 
appetitc  amongst  the  members  of  the  family  for  fréquent  réception  oî 
the  hread  of  angels,  which  produces  in  their  soûls  the  rich  fruits  of 
eternal  life. 

The  Catholic  schools,  particularly  those  in  charge  of  religions  teach- 
ers,  where  religious  instruction  is  imparted  and  the  fires  of  love  for  the 
Rh'ssed  Sacrament  are  kindled  in  the  hearts  of  the  little  ones,  accom- 
plish  much  (,n  tiie  way  to  fréquent  Communion  amongst  the  young  girls 
in  our  large  cities.  The  fréquent  instruction  of  the  priest  upon  the 
sacraments,  an.l  particularly  upon  that  of  the  Blessed  Eucharist,  and  his 
explanation  of  the  Divine  Food,  give  the  little  ones  an  insight  into  the 
tr<-asu_n-s,  which  (iod  bestows  upon  them  in  the  Sacrament  of  His  Love. 
Our.^  18  an  âge  of  the  cheap  novel  and  the  exciting  love  story.  If  fré- 
quent communicants  are  to  be  trained,  thèse  novels  and  promiscuous 
etories  should  U'  kept  from  the  girls  during  their  tender  years.  There 
shouhi  Ih;  a  wholesonie  ('atholic  library  in  every  large  parish,  which 
wouh]  h-i^l  the  mmd  that  craves  for  knowledge,  and  the  tlie  heart  that 
pine.s  for  love.  Catholic  litcratnre  will  help  the  pure  soûls  of  our  girls 
to  appreciate  the  frerpicnt  présence  of  our  divine  Lord  with  them.  The 
little  oncH,  if  jt  IS  at  ai!  convenien.t,  should  be  trained  to  assist  at  daily 
Ma.,  dunng  their  sdiool  days.     They  will  there,  be  pentrated,  as  no- 


— 1025  — 

where  else,  with  a  yearning  love  for  companionship  with  the  victim  cl" 
the  altar  and  the  prisoner  of  the  Tabernacle.  The  day  of  their  First 
Communion  will  be  to  them  a  paradise  on  earth,  where  their  loving 
Lord  not  only  converses  with  them  in  joyous  sentiments  of  bliss,  but 
where  He  finds  a  place  in  their  hearts  whereon  to  lay  His  head. 

In  the  school,  among  the  girls  are  formed  Angels'  sodalities,  junior 
leagues  of  the  Sacred  Heart,  and  other  religious  organizations,  that  hâve 
for  their  object  the  promotion  of  sanctity  in  the  soûls  of  the  children 
by  the  exercise  of  fervent  prayer,  and  the  fréquent  réception  of  the 
sacraments.  Just  as  the  young  are  tauglit  in  school  to  read,  and  write, 
and  think,  so  are  they  taught  in  the  Catholic  schools  to  love  our  Lord 
and  do  His  holy  will,  which  is  their  sanctification.  Just  as  the  know- 
ledge  that  they  gleaned  in  their  school  days  remains  as  a  source  of  use- 
ful  power  to  them  in  the  daily  occupations  of  life,  so  the  lessons  of  rel- 
igion and  the  habit  of  fréquent  confession  and  communion  will  stay  with 
them  in  ail  the  trials  and  mishaps  of  after  life. 

In  the  large  cities  and  towns  of  North  America,  eight  per  cent,  of  our 
girls  quit  school  at,  or  before,  the  âge  of  fourteen.     They  should  still  be 
retained  in  the  Sunday  school,  if  possible,  for  a  course  of  Bible  Histor)' 
and  higher  religious  instruction.     The  League  of  the  Sacred  Heart  and 
the  Sodality  of  the  Children  of  Mary  should  receive  them  about  this  âge. 
Membership  in  thèse  excellent    societies  will  be  a    lasting    help  to  the 
young  girls  deprived  of  the  guiding  hand  of  the  teacher  and  the  support 
of  the  rules  and  companionship  of  the  school.     Eeleased  from  school, 
girls,  as  a  rule,  start  work  about  the  âge  of  fourteen.     Some  enter  shops 
to  learn  trades,  such  as  millinery,  dress-making,  tailoring,  etc.,  at  which 
they  spend  three  or  four  years  as  apprentices  ;  others  start  work  in  f ac- 
tories  or  at  any  employment,  suitable  to  their  âge  and  strength,  which 
will  bring  in  money  to  help  pay  the  rent  and  meet  tlic  expenses  of  the 
family.     The  practical  working  out  of  fréquent  or  daily  communion  for 
the  bulk  of  sùch  girls  is  not  an  easy  matter.     There  are  some  considér- 
able obstacles  in  the  way.     They  are  obliged  to  begin  work  at  an  early 
hour  in  the  morning,  most  of  them  at  seven  o'clock.     They  are  obliged 
to  rise  early  to  attend  to  their  simple  toilet,  get  breakfast,  and  travel  to 
their  place  of  emplo}-ment.     There  is  little  opportunity  to  go  to  church, 
or  chapel,  or  assist  at  Holy  Mass,  and  receive  Communion.     They  hâve 
either  to  forego  breakfast,  or  get  up  at  such  an  hour  tliat  their  lime  of 
rest  is  greatly  curtailed.     The  best  that  can  be  done  for  the  majority  of 
such  girls  is  weekly  communion.     There    are,  of   course,  some  devout 
chosen  soûls,  who,  unaffected  by  the  fuss  and  excitement  which  occur 
around  the  homes  of  our  working  people  on  week  mornings,  will  make 
their  way  to  the  couvent,  the  House  of  Charity,  or  church,  wliere  there 
is  a  Mass  at  5.30  or  6  A.M.,  and  there  partake  of  the  Holy  Eucharist. 
They  are  the  sait  of  oiir  young  poople  :  they  lay  dccp  down  tbo  fnund- 
ation  of  a  holy  life,  and  gcnerally  finish  up  by  becoming  members  of  a 
relisrious  Community. 

The  girl  of  to-day  will  be  the  woman  of  to-morrow.  ITpon  her  prar- 
tice  of  virtue  in  the  morning  of  life  dépends  the  serenity  of  the  day  and 
the  calm  twilight  of  evening.  The  Church  and  society  will  rcap  the 
reward  of  the  piety  and  virtue  of  our  young  girls.  ^  ^^ 


—  1026 


It  is  diflicult  to  get  reliable  statistics  on  the  subject  of  fréquent  Com- 
munion aniongst  voung  girls  in  large  cities.  It  has,  however,  been  assert- 
ed  bv  well-informed  missionaries,  that  fréquent  Communion  has  m- 
creased  a  huudred  per  cent,  amongst  our  young  people  withm  the  last 
five  years.  This  must  be  a  pleasant  fact  to  the  Divine  Master,  and  con- 
joHiig  to  liis  devoted  servant,  Pius  X. 


ALTAR  SOCIETIES. 

MISS  ANNA  T.  SADLIER. 


TRACES  of  altar  service,  so  full  of  ideality,  of  poetic  symbolism,  are 
to  be  found  even  in  the  sybils,  those  priestesses  of  antiquity,  and  the 
restais,  who  kept  alive  the  sacred  lires.  In  Jewish  times,  it  was  the  chief 
occupation  of  the  Almae  or  consecrated  maidens  of  the  Temple,  of  whom 
Our  Blessed  Lady  was  one,  and  devout  widows,  who  dwelt  in  the  Court 
of  the  Women.  The  Book  of  Exodus  relates,  how  Mosés  commanded 
that  ail  to  whom  the  Lord  gave  suffieient  wisdom  and  understanding 
should  labor  to  make  "  the  things  necessary,  for  the  service  of  the  Lord." 
They  were  to  do  "  carpentry,  embroidery,  tapestry,  in  blue,  purple,  and 
pcarlet  twice  dyed,  and  fine  linen,  to  weave  ail  things  and  invent  ail 
things  new." 

"  AU  with  ready  hearts  "  made  ofîerings  to  the  Lord,  and  skilful 
women  gave  such  things  as  they  had  spun,  violet,  purple,  scarlet,  and 
fine  linen."  By  whieh  may  be  seen,  that  in  that  altar  society,  the  same 
use  was  made  of  the  symbolism  of  color,  as  following  the  ritual  of  the 
Church,  is  made  to-day,  and  according  to  the  learned  author,  the  fashion 
of  the  vestments  was  almost  the  same. 

The  Jewish  sanctuary  found  many  and  gênerons  benefactors,  "men 
and  women  giving  bracelets  and  earrings,  rings  and  tablets,  and  every 
vessel  of  gold  was  set  aside  for  the  use  of  the  tabernacle.  Gold,  silver, 
.>il  for  lights  and  to  make  ointments,  were  offered,"  while  princes  gave 
"  onyx  and  precions  stones."  Ail  men  and  women  of  devout  minds, 
roncliules  the  narrative,  "  ofFered  gifts."  Were  such  the  case  now  what 
marvellous  results  would  follow.  Yet,  the  Jews  had  but  the  shadow, 
and  we  possess  the  sub.stance. 

When  the  light,  shining  from  the  TToly  One  of  Israël  came  over  the 
mountain-tops  to  the  nations  sitting  in  darkness;  when  Christianity 
Bpread  through  the  vastness  of  the  Roman  Empire  to  the  barbarous  out- 
Ivintr  people,  this  service  of  the  Altar  sprung  into  favor.  It  was  prac- 
tised  by  those  Christian  women,  who,  in  the  Rome  of  Emperors,  elicited 


—  1027  — 

the  admiration  even  oi'  tlie  pagans,  and,  throughout  the  Middle  Ages, 
was  the  favorite  activity  of  royal  and  noble  women,  as  well  as  of  the 
"  cloistered  ladies,"  A  high  born  woman  of  those  times  speut  a  portion 
of  each  day  in  spinning,  tapestry,  or  embroidery,  which  was  often  for 
churches  or  abbeys,  the  while,  as  Dante  describes,  she  listened  to  "  Old 
taies  of  Troy,  Fiesole  and  Eome."'"  Enunieration  woiild  be  tedious,  but 
a  few  women  for  the  sake  of  emphasis  :  — 

Bertha,  the  wife  of  Charlemagne,  and  her  daughters,  notably,  the 
accomplished  Gisela,  who  as  the  spouse  of  St.  Stephen,  King  ofHun- 
gary,  enlarged  this  sphère  of  activity  ;  St.  Cunegoude,  Empress  of  Ger- 
many;  Good  Queen  Maud,  of  Britain;  Isabella,  of  Castille,  who,  it  is 
related,  devoted  her  leisure  to  the  embroidering  of  rich  vestments,  and 
in  other  work'  for  the  altar.  Most  of  the  Queens  of  France  were  conspic- 
uous  in  this  direction,  and  one  of  them  in  particular,  Anne  of  Austria. 

Much  that  was  then  done,  has  survived.  Those  women  wrouglit  for 
immortality.  The  sacred  legend,  the  inspiring  bit  of  Church  history,  the 
sublime  story  of  the  Passion,  the  picturesque  and  dramatic  passages  of 
Holy  Writ,  were  reproduced  in  their  work,  wliich  was  further  eulivened 
by  allegorical  or  poetical  imagery.  They  threw  into  their  labor  the  same 
spirit  that  the  mason,  the  architect,  the  carver  put  into  their  poems  of 
stone,  Dante  into  his  Divine  Trilogy,  Angelo  and  Fra  Angelico  into  their 
canvasses,  and  Calderon  into  his  Autos  Sacramentals.  For  the  life  of 
the  people  was  pemieated  with  the  supernatural.  Dévotion  to  the  Bless- 
ed  Sacrament  ran  like  a  golden  thread  through  the  daily  existence  of 
that  united  Christendom.  It  is  touching  to  read  of  the  révérence  paid  by 
mailed  knight  and  powerful  baron  to  the  Hidden  Ix)rd;  while  even  the 
humblest  had  then  a  familiarity  with  the  scriptures  and  the  liturgy  of 
the  Church  which  would  be  surprising  in  the  educated  of  oiir  own  day. 
Ail  this  was  made  manifest  in  the  work  for  the  altar.  The  altar  vessels 
were  frequently  adorned  with  precious  gems,  emeralds  fresh  eut,  peark 
of  priée,  rubies  and  sardons,  with  "  refulgent  gold  and  silver  thrice  re- 
fined." 

The  vestments  were  of  the  costliest  materials.  Ail  that  was  of  the 
genius  of  C'hristianity. 

On  thèse  Canadian  shores,  there  has  been  always  the  same  eagcrn<?ss 
for  the  beauty  of  the  Lord's  house,  from  that  time  when  the  Franciscau 
Dolbeau  said  the  first  mass  on  the  rocky  heights  of  Québec,  and  Chara- 
plain  built  his  Chapel  of  Notre-Dame  de  la  lîecouvrance,  hard  by  the 
Fort.  It  is  seen  in  the  historié  Basilica  of  Québec,  which  the  pioncer 
women  of  Xew  France  decorated  for  the  ever  recurring  festivals,  nation- 
al and  religious;  it  reached  to  the  shores  of  Lake  Simcoe,  whcre  the 
flower  of  the  knisrhthood  of  God,  the  Jesuit  Missionaries,  laid  down  tlieir 
lives.  There,  as  is  touchingly  related  in  the  Jesuit  Relations  :  '^  the  Huron 
neophvtes  brought  their  ofTerings,  and  the  women,  after  their  simple 
fashion,  worked  hard  to  decorate  their  primitive  Chapel."  It  is  found  in 
the  cloistral  peace  of  the  TJrsuline  monastery,  and  the  other  religions 
institutes,  where  the  holy  women,  who  hâve  illustrated  Canadian  His- 
tory, exhausted  themselves  in  efforts  to  beautify  the  temple  of  God'ei 
glory. 


—  1028  — 

On  the  very  birthday  of  Montréal,  the  three  women  who  accompanied 
that  crroiip  (first)  of  colonists,  the  Duchesse  de  la  Peltrie,,  Jeanne  Mance, 
and  tlieir  servant  Charlotte  Barré,  decorated  the  hastily  improvised  altar 
at  which  the  Jesuit  Superior,  Vimont,  said  Mass,  preached  his  proph- 
étie sermon,  and  exposed  the  Blessed  Sacramen-t.  Nor  was  that  ail. 
■'  As  the  at'ternoon  waned  and  died,"  says  Parkman,  "  and  the  sun  sank 
behind  the  western  forest  and  twilight  came  on,  fireflies  were  twmkhng 
over  the  darkening  meadows.  They  caiight  them,  and  tied  them  with 
threads  in  shining  festoons,  and  hung  them  before  the  altar,  where  the 
Host  remained  exposed." 

Jeanne  Mance  continued  that  service,  even  when  she  was  serving  al- 
most  single  handed  the  Hospital  which  she  has  founded  the  first  by  the 
way  in  North  America-decking  with  her  own  hands  the  chapel  of  her 
Hôtel-Dieu,  which  was  used  as  a  repository  during  the  procession  of  the 
Blessed  Sacrament  from  the  Church  to  the  Fort.  Marguerite  Bour- 
geoys,  too,  whose  gentle  yet  strong  figure  appears  so  often  in  that  "  rom-. 
ance  of  Christian  chivalry,"  the  foundation  of  Montréal,  not  only  built 
the  first  stone  church  on  the  island  of  Montréal,  that  of  Bonsecours,  but 
tended  its  sanctuary,  and  that  of  the  Parish  church,  the  original  Notre- 
Dame,  where  the  sons  of  Olier,  who  had  played  a  providential  part  in 
the  colonization  of  Ville-Marie,  gave  their  devoted  service.  They  fol- 
lowed  upon  the  Jesuits,  Montreal's  first  pastors.  This  dévotion  to  the 
work  of  the  Tabernacles  has  remained  traditional  in  the  great  Canadian 
Order  of  the  Congrégation,  founded  by  Sister  Bourgeoys.  Their  church 
of  Notre-I^ame  de  Pitié,  mainly  built  through  her  benefactions,  is  for- 
ever  associated  with  the  mystical  story  of  Jeanne  Le  Ber,  who  may  be 
considered  as  the  Patroness  of  Altar  work  in  Canada.  The  daughter 
of  a  rich  merchant,  she  stipulated  for  a  cell  behind  the  Sanctuary,  where, 
with  the  rites  of  the  Holy  Church,  she  was  immured,  communicating 
thence  parts  with  the  outer  world  only  by  a  wicket.  She  there  em- 
ployed  most  of  her  time  in  work  for  the  Altar,  much  of  which  is  pre- 
served,  and  gave  besides  donations  of  sacred  vessels. 

To  turn  to  that  perpétuation  of  the  splendid  traditions  of  the  past  as 
evidenced  in  our  own  day,  we  find  that  altar  societies  are  either  par- 
ochial,  or  hâve  more  extended  application,  in  making  beautiful  "  the 
places  of  the  wilderness  "  by  ministering  to  the  poor  churches  and  mis- 
sions. Also,  there  is  in  Montréal  the  Work  of  Eucharistie  Weeks,  where- 
in,hy  registration  at  the  Church  of  the  Blessed  Sacrament,  and  the  pay- 
ment  f  an  annual  fce,  any  one  may  cnjoy  the  privilège  of  adorning  with 
lights  and  flowers  the  altar  of  the  Perpétuai  Adoration,  for  the  space  of 
one  week  in  each  year.  The  offerings  may,  if  desired,  be  made  in  the 
name  of  the  dead. 

Parochial  altar  societios  exist  commonly  in  the  cities  of  the  United 
States,  where  many  of  the  churches  are  equippod  with  a  band  of  willing 
workers  laboring  to  embellish  that  place  where  dwells  "  The  Prince  of 
Light  behind  the  veil's  white  curtain." 

In  Tx)wer  Canada,  they  are  scarccly  to  be  found;  probably  hecause  of 
the  many  communitics  who  charge  thomselvos  with  the  service.  But 
they  exist,  in  many  places,  in  the  North-West,  in  Ontario,  or  the  Mar- 


—  1029  — 

itime  Province.  Since  their  practical  activities  are  everywhere  alike, 
it  will  suffice,  hère,  to  give  a  few  t}'pical  instances. 

In  St.  Mary's  church,  Winnipeg,  an  Altar  Society,  during  the  last  five 
years,  has  realized  some  thirteen  hundred  dollars  from  membersliip 
fées  and  entertainments  given.  It  has  a  Président  and  other  officers, 
meets  monthly  for  the  Eosary,  Bénédiction,  and  the  transaction  of  bus- 
iness. It  has  already  made  many  valuable  purchases,  such  as  vestments, 
Sanctuary  carpet,  black  draperies,  communion  and  altar  cloths,  cassocks 
for  the  altar  boys,  etc. 

Another  satisfactory  organization,  at  Guelph,  Ont.,  under  the  pastor- 
ate  of  Rev.  J.  J.  Connolly,  S.J.,  was  developed  with  a  spécifie  object  in 
view.  This  was  the  procuring  of  a  handsome  marble  altar  and  statue 
of  the  Immaculate  Conception,  a  marble  railing  and  tiles  floor,  to  cost 
seven  thousand  dollars,  and  to  be  paid  for  in  two  years,  a  resuit  which 
was  happily  accomplished.  Members  of  the  Congrégation  were  also 
inspired  to  bestow  such  munificent  gifts  as  a  thousand  dollar  clotli,  brass 
gâtes  for  the  railing,  and  the  hand-worked  altar  cloth.  The  procéd- 
ure was  to  enlist  fifty  collectors,  each  of  whom  for  the  prescribed 
time  gave  twenty-five  cents  a  month,  and  obtained  ten  more  subscribers. 
Ail  became  members,  and  their  names  were  engraved  in  gold  on  the 
tabernacle  door.  The  fee  was  later  reduced  to  ten  cents  a  month,  which 
is  sufficient  for  the  maintenance  of  the  sanctuarv  belonging  to  one  of 
the  most  beautiful  and  artistic  churches  in  Canada. 

St.  Michael's  Cathedral,  Toronto,  has  579  members,  each  of  whom 
pay  ten  cents  a  month;  and  thirty-eight  promoters,  who  visit  ami  keep 
faithful  the  members.  A  monthly  meeting  is  presided  over  by  the 
Rector,  Eev.  M.  D.  Wlielan,  to  whose  untiring  zeal,  as  the  secretai7 
reports,  much  of  the  Society's  success  is  due.  The  expenditure  for  the 
altar  and  sanctuary  furnishings,  linens,  vestments  and  ornaments,  has 
been  considérable.  Electric  lights  hâve  been  installed  on  the  varions 
altars,  at  a  cost  of  about  a  thousand  dollars,  and  large  sums  hâve  been 
contributed  for  extraordinary  parochial  improvements. 

At  St.  Peter's  church,  in  the  same  city,  the  Altar  Society,  though  of 
récent  origin,  is  on  a  thoroughly  business-like  basis.  The  parish  is 
divided  into  twenty  districts,  each  provided  with  a  coUector,  who  enrols, 
if  possible,  evey  family  in  that  district.  Neglect  of  two  meetings  means 
the  appointment  of  a  new  collector,  and  the  collectors  change  districts 
every  year.  The  membership  is  about  350,  and  the  fee,  ten  cents  a 
month.  In  addition  to  the  ordinary  expenditure,  some  eight  hundred 
dollars  has  been  devoted  to  altar  fittings.  In  the  words  of  the  Pastor, 
Father  Minehan,  who  is  its  efficient  director,  ''  a  brief  comprehensive 
System  and  a  regular  order  of  business,  contributes  much  to  good  re- 
sults."  Similar  associations  oxist,  in  a  flourishing  condition,  at  St. 
Basil's,  Toronto,  in  charge  of  the  Basilian  Fathers;  at  the  Jesuit  church, 
Sandwich,  Ont.;  at  Orillia;  at  the  Cathedral  in  Halifax,  and  at  the 
Franciscan  church,  Chatham,  N.B.  , 

Such  Societies  hâve  a  touching  beauty  of  their  own,  grouped  arouud 
the  home  altar,  whcro  cluster  memories  so  tender  and  so  sacred.  Surely, 
their  members  must  hâve  an  intimate  share  in  prayer  and  sacrifice  until 


—  1030  — 

the  night  of  earthlv  labor  has  corne;  and  before  the  altar,  folded,  pale 
aud  cold,  are  the  hands,  filled  with  precioiis  gifts  to  ofîer  at  the  bar  of 
divine  justice. 

Tho  Work  of  the  Tabernacle  for  poor  churches  had  its  inception,  in 
1S41,  in  Paris,  when  a  religions  of  the  Sacred  Heart  suggested  it  to 
her  graduâtes.  It  may  hère  be  observed,.  that  it  is  a  work  ever  dear  to 
the  daughters  of  Mother  Barat,  and  has  been  established  in  the  externe 
sodalities  of  the  Children  of  Mary,  attached  to  their  convents.  The  seed 
thus  sown,  fructitied,  when  one  of  the  graduâtes,  Mlle  de  Moeiis,  found- 
ed,  some  yeare  later,  in  Brussels,  at  the  expiatory  Church  of  St.  Gudule, 
an  association,  for  which  a  few  simple  rules  were  drawn  up  by  Father 
Boone,  S.J.,  and  which  was  approved  by  the  Belgian  hierarchy.  It 
spread  into  sixty-five  cities,  aud  seven  hundred  and  fiftey  villages  of  that 
langdom,  reaching  thence  into  the  principal  countries  of  the  world.  Its 
headquarters  were  transferred  to  Eome,  under  Léo  XIII.  who  expressed 
a  w'ish  that  a  branch  should  exist  in  every  diocèse  of  the  Universal 
Church.  It  had,  meantime,  became  amalgamated  with  the  Work  of 
Perpétuai  Adoration,  and  turned  into  a  religious  Order,  the  Sisters  of 
the  Perpétuai  Adoration,  who  forni  the  centre  and  Connecting  link  for 
the  whole  world,  froni  the  Convent  in  the  Via  Nomentana,  near  the 
church  of  Corpus  Domini. 

This  Tabernacle  Society  has  been  established  in  many  cities  in  the 
United  States,  but  its  oldest  and  probably  most  extensive  branch  is  that 
at  the  Convent  of  Notre-Dame,  Philadelphia,  which  is  now.  over  forty 
years  in  existence.     It  began  with  five  members.     It  has  now  over  two 
thousand.     Its  aims  are  to  make  Jésus  Christ  better  known,  loved,  and 
adored  in  the  Blessed  Sacrament,  to    expiate  the  outrages    committed 
against  Ilim,  and  to  supply  poor  churches  and  missions,  with  the  requis- 
ites  for  Divine  Worship.     With  the  coopération  of  the  Sisters  of  Notre- 
Dame,  a  Council  of  secular  women,  including  the  most  prominent  Cath- 
olics  of  the  metropolis,  under  the  spiritual  direction  of  a  priest,  for 
some  years  past,  Mgr.  Turner,  carry  on  the  affairs  of  the  society.  They 
meet  monthly  for  business,  and  with  the  other  active  members,  assemble 
three  times  a  week  at  the  work-room  in  the  Convent,  for  the  making  of 
vestments  and  tbe  préparation  of  altar  linens.     Quarterly  exhibitions 
of  the  work  donc  are  held,  and  a  yearly  report  published.     Poor  churh- 
68,  in  every  corner  of  the  United  States,  and  in  foreign  missions,  hâve 
been  matorially  aided  by  its  work,  and  numberless  branches  hâve  been 
founded.     In  fact,  it  is  customary  in  giving  donations,  to  stipulate  that 
a  l)rancb  bo  formed  in  iho  parish  Ijonefitted.     This  is  simple  enough, 
since  the  pastor  merely  invites  the  faithful  to  make  an  hour  of  adoration 
monthly.     In  small  places,  this  is  done  in  common,  and  ail  enroU  them- 
selves  as  members  of  the  association.     Corporate  bodies  may  also  obtain 
mcmbership,  by  contributing  a  yoarly  fee. 

Women  and  men  become  members,  by  causing  their  names  to  be  reg- 
i-sterwl  at  the  Convent,  and  making  an  hour  of  dévotion,  monthly  pré- 
férable, hofore  tlie  Blessed  Sacrament  exposed,  and  giving  the  annual 
alms  of  one  dollar.  Those  who  give  two,  or  upwards,  become  benefac- 
tore;  and  life  membere  give  tyenty-five  dollars  at  one  time. 


—  1031  — 

Other  means  of  assisting  tliis  great  work,  which  sends  ont  yearly  well 
on  to  four  thousand  dollars  worth  of  altar  requisites,  benefitting  over 
a  hundred  poor  cliurchcs,  are  by  donations  of  materials  for  work,  jew- 
elry,  or  objects  of  silver  or  gold.  It  bas  also  becomc  a  pious  and  beauti- 
ful  custom  to  donate  some  altar  vessel,  such  as  a  ch.alice,  or  a  mémorial 
to  the  beloved  dead.  The  subscription  to  the  Annals.  twenty-five  cents 
a  year,  also  helps,  and  the  readers  of  those  touching  chronieles  will  feel 
impelled  to  do  a  great  deal  more. 

In  Canada,  there  are  several  branches  of  this  work.  At  the  Basilica 
of  Québec,  under  the  direction  of  Mgr  Henri  Têtu,  it  has,  in  its  quarter 
century  of  work,  distributed  about  forty-eight  thousand  dollars  worth 
of  altar  fittings  to  poor  churches,  mainly  in  the  archdiocese  and  in  Kim- 
ouski.  It  has  branches  at  Levis,  and  Chicoutimi.  Its  resources  include 
the  membership  fee,  fifty  cents  a  year,  and  small  donations  from  the 
fabrique  and  Government  of  Québec.  Its  membership  is  considérable. 

A  quite  independent,  and  equally  flourishing  organization,  e.xists  at 
the  Congrégation  of  St.  Eoch's,  Québec,  and,  also,  at  that  of  the  Fran- 
ciscan  ilissionaries  of  Mary,  who  are  officially  charged  with  the  work  of 
Perpétuai  Adoration  for  the  archdiocese. 

In  Montréal,  there  is  the  oldest,  and  perhaps  the  most  important  Tab- 
ernacle Society,  for  poor  churches,  and  for  the  Perpétuai  Adoration  ;  for 
that  aim,  as  in  the  Philadelphia  Association,  is  insistently  kept  before 
the  minds  of  the  members.  Its  origin  was  in  1695,  under  Jeanne  Le 
Ber;  its  présent  effective  organization,  however,  dates  from  18G6,  under 
the.episcopate  of  the  saintly  Ignace  Bourget,  bishop  of  Montréal.  Its 
membership,  last  vear,  was  1576,  its  fee  being  fifty  cents  a  year.  It  is 
affiliated  with  the  Arch-association  in  Rome  and  the  Catholic  Asso- 
ciation of  St.  Francis  de  Sales,  and  enjoys  the  numberless  indulgences 
and  spiritual  benefits  of  both. 

It  sends  forth  thousands  of  altar  requisites  yearly.  which  may  be  seen 
at  the  annual  exhibition,  and  which  speak  volumes  for  the  industry. 
taste,  and  skill  of  its  active  members.  Between  three  or  four  thousand 
dollars  are  spent  every  year  in  the  service  of  the  sanctuary  ;  its  constitu- 
tion is  similar  to  that  already  described.  Its  active  memlDers,  under  the 
spiritual  direction  of  the  Priests  of  St.  Sulpice,  meet  at  the  Môther 
House  of  the  Congrégation  de  Xotre-Dame,  where  they  hâve  the  val- 
uable  coopération  and  guidance  of  the  Sisters.  They,  too,  make  the 
regular  hour  of  adoration.  There  are,  also,  the  Associate  members,  men. 
women,  or  children,  who  register  their  names  and  pay  their  fee  of  fifty 
cents. 

The  dead  may  be  enroUed  in  the  same  manner.  Educational  estab- 
lishments, parishes,  or  societies  may  enjoy  the  privilèges  of  membership, 
by  paying  the  yearly  sum  of  ten  dollars.  Donations  of  materials  for 
work  or  oher  objects.^  as  in  Philadelphia,  are  eargorly  sought,  and  priests 
may  serve  thèse  associations  by  sendin?  partly  worn  vestmentj:,  or  other 
altar  necssaries,  which  can  be  renovated  for.  the  missiom:. 

The  brief  mention  here  possible  conveys  but  little  of  the  moral  and 
spiritual  boautv  of  this  organized  ofTort  to  honor  Je*5u?  Christ  in  tho 
Sacrament   of   His  Love.     It   is  certain   that   thèse   associations  hâve, 


—  1032  — 

moreover,  a  broadening,  an  uplifting,  and  a  ritualizing  effect  uipon  their 
members,  which  cannot  be  over-estimated.  They  are  perforée  familiar- 
ized  with  the  liturgy  of  the  Church,  with  the  cycle  of  its  yearly  fest- 
ivals, with  ecclesiastical  history,  and  even  church  architecture  and  art,  as 
they  relate  to  the  service  of  the  sanctuary.  Above  ail,  they  infuse  into 
the  80ul  a  more  fervent  love  for  the  Hidden  Lord,  since  they  contain 
the  note  of  personal  ministration  to  Him,  the  combined  service  of 
Martha  and  Mary. 

They  bring  home,  likewise,  with  compelling  force,  the  truth  that  not 
only  in  remote  missions  of  the  Old  World,  but  on  our  own  continent, 
amid  almost  boundless  luxury,  missionaries  are  deprived  of  ail  save  the 
barest  necessaries  of  life,  and  our  Lord  upon  the  altar  is  similarly  de- 
nuded.  Through  the  magnificent  efforts  of  the  Church  Extension  Soc- 
iety of  the  United  States  and  Canada,  which,  by  the  way,  should  engage 
gênerai  attention,  almost  incredible  façts  in  this  direction  hâve  been 
made  known,  and  some  realization  made  possible  of  what  is  being  en- 
dured,  up  in  the  great  white  silences  of  the  north,  or  far  in  the  buming 
beats  of  the  South,  by  those  who  preach  the  gospel  of  peace.  Scarcely 
can  they  procure  the  means  with  which  to  offer  the  Holy  Sacrifice.  And 
hère  is  a  field  for  the  activities  of  such  associations  as  those  we  hâve  been 
confidering. 

It  would  he  impossible  to  conclude  this  cursory  glance  at  so  far  reach- 
ing  and  important  a  subject,  without  a  word  of  what  has  been  donc 
since  last  February,  in  this  beautiful  Marianopolis,  to  prépare  for  that 
great  imposing  pageant  which  has  been  so  unparalleled  an  hour  for  this 
continent  and  for  Canada.  Montréal  was  transformed,  as  far  as  its  Cath- 
olic  women  were  concemed,  into  one  vast  altar  society.     Meeetings  were 
held  at  private    houses,  and    at    convents,  notably  that  of    the  Sacred 
Heart,  St.  Alexander  St.,  and  the  greatest  zeal  and  enthusiasm  prevail- 
ed.     It  was  soon  determined  that  the  altar  linen  and  other  requisites 
for  the  great  event  should  be  donated  by  the  Catholic  women,  who  gave 
their  time  and  skill  to  the  work.     Under  the  able  presidency  of  Miss 
Guerin,  sister  of  His  Worship  the  Mayor,  and  of  Madame  Auguste  Cho- 
quette,  they  achieved  those  results  which  were  manifest  at  the  présent- 
ation of  His  Grâce,  the  Archbishop,  and  at  the  exhibition  held  in  St. 
James  Cathedral,  in  July.  On  the  part  of  the  French  Canadian  women, 
Madame  Choquette  presented  two  thousand  dollars  in  money,   and  a 
splendid  collection  of  altar  linens,  each  variety  running  up  into  the 
hundreds.     From    the    English-speaking  women,  Miss   Guerin   offered 
five  hundred  dollars,  and  one  hundred  and  fifty  handsome  silk  cushions, 
refjuired  for  the  episcopal  visitors.     Work  of  varions  kinds  was  under- 
taken  by  women  and  men  of  St.  Patrick's  parish,  under  the  efficient 
leadership  of  Kev.  Gerald  McShane;  and  in  St.  Anthony's,  through  the 
initiative  of  its  pastor,  Fatber  Donnelly,  an  altar  society,  the  first,  it  is 
«aid,  in  Montréal,  was  founded  and  promises  to  be  flourishin^.     Father 
Devine,  S. .T.,  in  the  Messenger  of  the  Sacred  Heart,  suggested  the  send- 
ing  from  ail  parts  of  the  Dominion,  of  flowere,  some  of  which  hâve  been 
pla^ed  in  the  hands  of  Lady  Kingston,  another  active  worker  in  the 
great  campaign. 


—  1033  — 

The  utility  of  thèse  organizations  which  we  hâve  been  consideriag, 
their  wonderful  achievements  for  the  cause  of  religion,  and  their  bénéfi- 
ciai effects  upon  those  engaged  therein,  may  be  surmised  in  this  extract 
froin  the  life  of  Mlle  de  Moeiis  :  • — 

"  How  many  lives  hâve  been  thereby  rendered  meritorious,  that  would 
otherwise  hâve  been  empty  ;  hours  gained  for  heaven  that  would  other- 
wise  hâve  been  lost  ;  talents  consecrated  for  the  Master,  that  would  hâve 
served  vanity;  thoughts  directed  to  a  noble  end,  that  would  hâve  been 
fixed  up  frivolous  objects;  hearts  given  to  the  Love  of  God,  that  would 
hâve  centered  up  their  affections  on  earthly  créatures.  How  many 
better  appointed  Holy  Sacrifices  offered  ;  how  many  priests  consoled, 
cold  hearts  warmed,  tepid  ones  reanimated,  fervent  ones  inflamed." 

This  is  the  century  of  strenuous  effort  on  the  part  of  the  laity;  it  is 
the  century  of  the  Eucharist,  heralded  by  Papal  Encyclicals,  and  by  the 
crusade  to  establish  the  Eucharistie  reign  of  Jésus  Christ,  inaugurated 
by  Father  E}Tnard  and  his  devoted  sons.  For  us,  Catholic  women,  a 
field,  white  wdth  the  fair  blossoms  of  love  and  sacrifice  is  outstretehed, 
in  altar  work.  As  has  been  seen,  it  is  in  harmony  with  the  glorious 
past;  it  has  been  blessed  by  successive  popes  and  warmly  enouraged  by 
the  hierarchy  everywhere;  it  is  an  actual  apostolate,  glowing  with  that 
missionary  spirit  with  which  the  air  is  charged;  it  is  instinct  wjth  the 
beauty,  the  mystery  and  the  poetry  of  our  faith  ;  it  is  a  féminine  move- 
ment,  indeed,  but  one  which  retains  our  sex  upon  the  exalted  plane 
where  chivalry  and  the  Church  hâve  placed  it. 

May  it  not,  then,  be  hoped  that  a  practical  fruit  of  the  Congress  of 
1910,  and  of  the  more  ardent  Eucharistie  spirit  which  it  has  evoked 
will  be  the  multiplication  of  new  associations  for  the  service  of  the 
sanctuary,  and  the  doubling  and  trebling  of  membership  in  those  whih 
already  exist. 


THE  TRIBUTE  OF  A  GREAT  CENTURY  TO 
THE  EUCHARIST. 

BY 
JAMES  J.  WALSH,  M.  D.,  LL.  D. 


THE  most  interesting  monuments  of  the  past  that  our  civilization  has 
preserved  are  doubtless  the  Great  Gothic  Cathedrals.  Tn  every  country 
in  Europe  thèse  magnificent  édifices,  the  indexes  of  tho  faith  and  of  the 
wonderful  artistic  feeling  of  the  peoples  of  the  oldcn  lime,  romain  as 
the  best  évidence  of  the  high  culture  of  a  génération  which  unlil  a  few 


— 1034  — 

years  ago  wo  were  iucliued  to  think  of  as  very  backward  and  lacking  in 
culture.  Anyone  wlio  has  studied  thèse  fine  old  édifices  lovingly  cannot 
lielp  but  ask  hiniself  the  question,  What  was  the  state  of  éducation  of  the 
people  wlio  built  tliem?  The  answer  to  that  question  is  a  révélation. 
\n  connection  with  thèse  Cathedrals,  Cathedral  schools  were  founded 
which  fonned  the  basis  of  our  modem  universities.  Before  the  end  of 
the  great  Cathedral  Century,  the  Thirteenth,  there  were  more  students 
at  the  universities  in  proportion  to  the  population  than  there  are  in  the 
universities  of  the  modem  time.  Before  the  end  of  the  century,  the  art 
awakened  and  artists,  whose  works  are  studied  yet  for  the  sake  of  their 
wonderful  power  of  expression,  came  in  to  prominence. 

As  might  well  be  expected.  this  was  a  century  of  supremely  great 
literature.  In  every  country  in  Europe,  there  was  published  at  least 
one  great  work  of  literature  that  became  one  of  the  national  monuments 
of  the  language,  and  that  maintains  its  interest  for  the  world  of  édu- 
cation down  to  the  présent  day.  The  Cid  in  Spain,  the  Arthur  Legends 
in  England,  the  Niebelungen,  with  the  Meistersingers  and  the  Minne- 
singers  in  Germany,  the  Eomance  of  the  Eose,  with  the  Trouvères  and 
Troubadours  in  France,  and  in  JSTorthem  Italy  with  Dante  at  the  end  of 
the  century,  represent  a  surpassing  period  of  "literary  accomplishment. 

This  literature  itself  and  especially  the  growth  of  a  proper  appréciat- 
ion of  it  amoug  the  people  was  due  as  directly  to  the  Church  authorities. 
With  the  rise  of  the  magnificent  fanes,  in  which  for  the  first  time  wor- 
ship  seemed  to  be  worthy  of  the  Creator  as  far  as  man  could  make  it, 
there  came  the  demand  for  hymns  to  be  used  in  the  cérémonial  of  thèse 
great  édifices  that  could  be  worthy  of  the  environment.  Tlie  answer  to 
tliat  denuind  was  the  great  Latin  hymns,  the  origin  of  which  can  be 
traced  in  their  more  perfect  form  to  just  about  the  time  the  end  of  the 
twelfth  century,  when  the  Cathedrals  were  beginning  to  assume  their 
linest  proportions  and  prépare  for  that  beauty  of  finish  and  détails  that 
was  to  corne  in  the  early  thirteenth  century. 

The  great  hymn  writers  Adam  of  St.  Victor,  St.  Bernard  of  Moriaix, 
came  at  the  end  of  the  twelfth  century.  Thomas  of  Celano,  Jacopone 
da  Todi,  8t.  Bonaventure,  and  St.  Thomas  Aquinas  came  during  the 
Thirteenth.  There  were  many  others,  but  thèse  are  the  great  sacred 
poetB  of  the  time.  There  must  bave  been  a  very  brilliant  harvest  of 
sacred  poetry  to  enable  the  sélection  to  bc  made  that  has  been  made  :  for 
the  Tiatin  Hymns  of  this  time,  the  Dies  Irne,  the  Stal)at  Mater,  the  Laus 
Patrtae  Celesiis  C Jérusalem  The  Golden),  the  Christum  Dulcem,  the 
Pange  Lmgua,  the  Lauda  Sion  are  among  the  greatest  contributions  to 
poetry  tba  bave  ever  been  given.  Of  some  of  thèse  Latin  Hymns,  men 
whose  faculty  of  critiseism  is  unquestioned  and  whose  knowledge  is  broad 
and  deep,  men  like  Saintsbury  of  Edinburgh,  hâve  not  hesitated  to  say 
that  after  them  "  no  poet,  could  say  that  anv  effect  of  poetry  was  as  far 
as  Sound  goes  unattaii^abJe,  though  few  could  hope  to  equal  it  and  per- 
haps  no  one  except  Lante  and  Shakespeare  has  fullv  donc  so."  Some  of 
our  greatest  poets  of  the  modem  time,  Drvden,  and  Goethe,  and  Scott, 
(  rarhaw  and  Lnimmond,  bave  translated  them;  and  such  men  as  the 


—  103,-)  — 

Schlegels,  Archbishop  Trench,  Jérôme  Taylor,  Herder,  Fichte  and  Mac- 
aulay  hâve  attempted  translations  of  them,  and  the  great  musicians 
hâve  thought  it  a  labor  to  make  music  for  them. 

It  was  just  at  this  suprême  period  that  the  Feast  of  the  Blessed  Sa- 
crament  was  established.  Urban  IV.  in  1264,  decreed  the  célébration  of 
the  Festival  of  Corpus  Christi  which  had  however  been  celebrated  in  a 
number  of  diocèses  before,  in  accordance  with  old  traditions.  St.  Thomas 
Aquinas,  who  was  looked  upon  as  probably  the  greatest  scholar  in  the 
Church  at  the  time,  and  who  was  known  for  his  dévotion  to  the  Blessed' 
Sacrament,  was  asked  by  the  Pope  to  write  the  office  for  the  Feast.  It 
might  be  expected  that  this  great  philosopher,  theologian,  and  university 
professor  would  be  content  with  writing  the  prose  parts  or  the  office. 
St.  Thomas,  however,  set  himself  the  further  task  of  writing  the  h}Tnns 
for  the  Feast,  and  in  so  doing  gave  us  a  new  light  upon  his  wonderful 
intellectual  faculty.  One  of  the  most  exact  of  thinkers  that  ever  lived, 
possessed  of  one  of  the  broadest  of  minds,  full  of  information,  a  niind 
which  had  devoted  itself  to  setting  forth  with  wonderful  success  the 
meaning  of  the  universe  and  the  relations  of  the  Creator  and  creatm-e, 
it  might  hâve  been  expected  that  St.  Thomas  would  hâve  very  little  :f 
any  of  the  poetical  faculty.  There  are  three  of  his  hymns  to  the  BlesseJ 
Sacrament,  however,  the  Pange  Lingua,  the  Lauda  Sion,  and  Adore  Te 
Dévote  Latens  Deitas,  that  are  worthy  to  be  placed  beside  even  the  great 
Latin  Hymns  of  the  end  of  the  twelfth  and  the  beginning  of  the  thir- 
teent  century.  The  Pange  Lingua  must  undoubtedly  be  placed,  in  the 
opinion  of  eminent  critics,  among  the  seven  greatest  hymns  ever  written. 

Neale  says  of  it  :  "  This  hymn  contests  the  second  place  among  the 
hymns  of  the  Western  Church  with  the  Vexilla  Régis,  the  Stabat  Mater, 
the  Jesu  Duïcis  Memoria,  the  Ad  Regias  Agni  Dapes,  the  Ad  Supcrnam, 
and  one  or  two  others,  leaving  the  Dies  Irae  in  its  unapproachable  glory." 
The  opinion  thus  expressed  is  almost  universally  accepted  ;  and  there  are 
those  who  sonsider  that  the  Pange  Lingua  Gloriosi,  the  Stabat  Mater 
and  the  Dies  Irae  represent  three  phases  of  Christian  feeling  and  piety 
that  are  unapproached  in  their  marvellous  beauty  of  thought,  their  won- 
derful appropriateness  of  expression,  the  music  of  their  verse,  and  the 
poetic  genius  they  mirror.  It  is  only  the  différence  in  their  subjects 
that  make  the  distinction  between  them,  for  they  are  each  suprême  ex- 
pressions of  human  feeling  with  regard  to  the  prol'oundest  religious 
subjects  that  we  hâve. 

How  few  of  us  there  are  who  realize  ail  the  wondrous  poetic  beauty 
of  the  simple  wonderfully  comprssed  sacred  poem  in  which,  with  so 
few  words  that  it  seems  almost  impossible  that  he  should  hâve  done  it. 
St.  Thomas  expresses  ail  the  dogmatic  and  tho  mystical  theoUigv  and  the 
f ount  of  dévotion  there  is  in  the  Blessed  Sacrament.  As  a  resuit  of  lack 
of  appréciation,  the  hymns  we  use  are  often  so  common-place,  sometime.* 
indeed  so  unworthy  of  the  sublinio  mystcrics  and  boautiful  coromnnial  of 
the  Church,  that  even  the  great  hymns  do  not  appeal  to  us  with  ail  the 
power  they  really  possess.  Most  of  us  hâve  heard  the  Pange  Lingua  so 
often  that  is  is  "easy  to  forget  the  higli  place  that  has  been  assignod  to 
it,  not  only  in  ecclesiastical  but  in  world  literaturo.  Tt«  bcautiful  words 


—  1036  — 

ueed  ouly  be  repeated  to  make  us  appreciate,  however,  what  a  precious 
héritage  of  the  genins  of  tlie  angelic  doctor  that  it  is. 

Pange,  lingua,  gloriosi 

Corporis  mysterium, 
Sanguinisqiie  pretiosi, 

Quem  in  mimdi  pretium 
Fructus  ventris  generosi 

Eex  efïudit  gentium. 

ISTobis  datus,  nobis  natus 

Ex  intacta  virgine, 
Et  in  mundo  conversatus, 

Sparso  verbi  semine, 
Sui  moras  incolatus 

Miro  clausit  ordine. 

In  supremae  nocte  coenae 

Eeciunbens  cum  fratribus, 
Observata  lege  plene 

Cibis  in  legalibus, 
Cibum  turbae  duodenae 

Se  dat  suis  manibus." 

lîol)crt  Campbell  lias  translated  it,  keeping  the  double  rhymes  of  the 
original  and  making  what  is  probably  one  of  the  most  close  équivalents 
to  the  Tjatin  that  we  hâve. 

Hail,  the  body  bright  and  glorious, 

Myster}^  of  love  divine; 
Hail,  the  blood  that  fiows  victorious 

From  the  true,  the  living  vine; 
Hail,  OUI-  ransom  meritorious, 

Flower  and  root  of  David's  line. 

Given  for  us,  for  us  assuming 

Purest  flesh  in  Mary's  womb; 
Earth  with  heavenly  light  illuming, 

Scattering  seeds  of  heavenly  bloom  ; 
More  and  more  with  love  consuming, 

As  he  hastens  to  the  tomb. 

Love  to  raan  his  breast  o'erflowing, 

Soe  him  froin  the  table  rise, 
Ancient  symbols  overthrowing  — 

Mystery  of  mysteries  — 
With  his  hands  himself  bestowing, 

Food  of  life  that  never  dies." 

In  my  volume  on  the  Thirteenth  Century,  I  called  attention  to  ene 
of  St.  Thomas'  great  hvmns  to  the  Blessed  Sacrament  that  is  not  so 
familiar  n&  the  others,  the  Panrje  Lingua  and  the  Lauda  Sion,  and  yet 


—  1037  — 

deserves  a  place  among  the  great  sacred  poems  even  of  that  surpaseing 
time.  This  is  the  Adoro  Te  Dévote  Latens  Deitas.  Its  first  two  stan^at 
with  their  perfect  double  rhymes  furnisli  an  excellent  idea  of  Thomas" 
command  over  the  technique  of  tlie  art  of  rythniic  rhjTning  verse  making 
in  Latin.     I  venture  to  repeat  hère  thèse  two  stanzas  : 

Adoro  te  dévote,  latens  Deitas, 
Quae  sub  his  figuris  vere  latitas. 
Tibi  se  cor  meum  totum  subjicit. 
Quia  te  contemplans  totum  déficit. 

Visus,  tactus,  gustus,  in  te  fallitur, 
Sed  auditu  solo  tuto  creditur  : 
Credo  quidquid  di.xit  Dei  filius  : 
Mhil  hoc  veritatis  verbo  verius. 

Justice  O'Hagan's  fine  translation  renders  the  sensé  and  sound  of  St. 
Thomas'  great  poetry  into  English  as  adequately  perhaps  as  is  possible. 
The  Justice  translated  many  of  the  older  Latin  hymns  beautifully,  but 
none  more  so  than  this. 

Hidden  God,  devoutly  I  adore  thee. 

Truly  présent  undemeath  thèse  veils  : 
Ail  my  heart  subdues  itself  before  thee, 

Since  it  ail  before  thee  faints  and  fails. 

Not  to  sight,  or  taste,  or  toueh,  be  crédit; 

Hearing  only  do  we  trust  secure  : 
I  helieve,  for  God  the  Son  hath  said  it  ^ 

Word  of  truth  that  ever  shall  endure." 

I  would  not  hâve  you  think,  however,  that  St.  Thomas'  Hymns  to  the 
Blessed  Sacrament  represent  the  first  tributes  of  Catholic  poetry  to  this 
wonderful  and  touching  mystery.  Among  the  earliest  hymns  that  we 
hâve  from  early  times,  is  the  "Ad  Regias  Agni  Dapes,"  a  hymn  to  the 
Blessed  Sacrament,  sometimes  attributed  to  St.  Ambrose,  probably  com- 
ing  from  some  slightly  latcr  hand.  It  must  not  be  forgotten  that  the 
central  ceremony  of  Christianity,  the  Holy  Sacrifice  of  the  Mass,  was 
itself  a  wonderful  poetic  symbol,  a  sacred  drama,  arranged  so  as  to  recall 
the  sacrifice  of  Calvary,  and  yet  to  bring  out  particularly  ail  the  polemn 
beauty  of  the  wonderful  provision  which  the  Saviour  had  made  for  re- 
maining  with  his  people,  even  after  his  departure  from  them,  by  leaving 
His  body  and  blood  with  them.  When  I  add,  that  out  of  this  symbolic 
sacred  tragedy  there  doveloped  in  the  after  time  our  modem  drama, 
this  pointing  out  of  the  poetic  dramatic  qualities  of  the  mass  will  not 
seem  far  fetched.  It  was  because  this  central  ceremony  of  Christianity 
occupied  so  much  attention,  and  was  held  in  such  high  révérence,  doubt- 
less,  that  poets  scarcely  dared  to  look  to  this  for  the  subject  of  their 


— 1038  — 

poetry,  since  the  expression  of  siiblimest  thoughts  witli  regard  to  it  were 
already  onibodied  iu  the  Mass. 

In  the  l'ullness  of  time,  however,  there  came  that  explicit  expression  of 
the  implicit  faith  and  worship  of  the  Church,  and  gradually  we  hâve, 
with  tlie  great  outburst  of  poetic  genius  in  sacred  song  in  the  12th  or 
loth  centuries,  hymns  tliat  bring  us  close  to  the  Blessed  Sacrament. 
Bernard  of  Clairvaux's  Jesu  Dulcis  Memoriae  is  one  of  thèse  that  ush- 
ers  in  the  outburst  of  sacred  songs,  with  regard  to  the  Blessed  Sacra- 
ment, tliat  was  to  come  in  the  next  century.  There  is  probably  no  hynin 
that  shows  to  what  perfection  the  art  of  hymn  writing  in  Latin  had 
reached  early  in  the  twelfth  century;  yet  one  might  well  say  that  no 
music  of  language,  or  faculty  of  poetic  expression,  or  power  of  song  was 
lacking  in  this  beautiful  hymn.  The  first  three  stanzas  give  a  very  good 
idea  of  it. 

I. 

Jesu,  dulcis  memoria, 
Dans  vera  cordis  gaudia, 
Sed  super  mel  et  omnia 
Eius  dulcis  praesentia. 

II. 

Nil  canitur  suavius, 
Auditur  nil  jucundius, 
Nil  cogitatur  dulcius, 
Quam  Jésus,  Dei  filius. 

III. 

Jesu,  spes  poenitentibus, 
Quam  pins  es  petentibus, 
Quam  bonus  te  quaerentibus, 
Sed  quid  invenientibus  ? 

There  are  subséquent  stanzas  that  show  at  one  the  power  of  the  poet 
over  lii.s  médium,  and  the  wonderful  success  of  his  effort  at  expressing 
aome  of  the  deepest  of  religious  feelings. 

Jesu,  decus  angelicum, 
In  aure  dulce  canticum. 
In  ore  mel  mirificum. 
In  corde  nectar  coelicum. 

The  last  stanzas  might  very  well  serve  as  the  sum  of  our  homage  and 
the  trumpet  rail  of  invitation  to  the  world  beyond  this,  when  after  the 
conclusion  of  the  cérémonies  of  this  precious  week,  Christ  may  be  con- 


—  1039  — 

sidered  for  poetic  purposes,  at  least  as  returning  in  triiunph  to  his 
Heavenly  abode. 

Jesuin  sequamur  laudibus, 
Votis,  hymnis  et  precibus, 
Ut  nos  donet  coelestibus 
Secum  perfrui  sedibus. 

Coeli  cives  !  occurrite, 
Portas  vestras  attoUite, 
Triumphatori  dicite  : 
Ave  Jesu,  rex  inclyte  ! 

About  the  end  of  the  century  anotlier  great  liymn  writer  was  to  give 
us  a  hymn  almost  as  great  as  any  of  those  of  St.  Thomas.     The 

0   esca  viatorum, 
0  panis  angelorum, 
0  manna  coelicum, 

is  beautifully  devotional,  and  Avhile  it  lacks,  perhaps,  somctliing  of  the 
wonderful  theological  quality,  it  has  ahvays  been  looked  upon  as  one  of 
the  beautiful  hymns  of  the  Church.  One  finds  translations  of  it  in 
many  Protestant  H}TTinals,  and,  indeed,  Sehaff's  translation  is  very  well 
known. 

0  Bread  of  Life,  from  heaven 
To  saints  and  angels  given, 

0  Manna  from  above  ! 
The  soûls  that  hunger  feed  Thou, 
The  hearts  that  seek  Thee  lead  Thou, 

With  Thy  sweet  tender  love. 

The  last  stanza  in  the  original  Latin  is  one  of  those  wonderful  com- 
préhensions of  sensé  and  sound,  which  shows  how  in  short  lincd  verses, 
scarcely  more  than  three  words  in  length,  the  dear  old  latin  was  able  to 
express,  with  wonderful  dignity  and  musical  quality,  great  religions 
thouiïhts. 


■a' 


0  Jesu,  tuum  vultum, 
Quem  colimus  occultum 

Sub  panis  specie, 
Fac,  ut,  rcmoto  vélo, 
Aperta  nos  in  coclo 
Cernamus  facie." 

For  the  English  translation,  I  once  more  tum  to  Sohafï  with  ail  the 
more  readiness,  because  he  has  almost  succeeded,  in  a  language  much  less 


—  1040  — 

suitable  ilum  Latin  for  such  effects,  in  reproducing  tlie  happiest  qualities 
of  the  original  : 

Jesu,  this  feast  receiving, 
Thy  Word  of  truth  believing, 

We  Thee,  unseen  adore; 
Grant,  when  the  veil  is  rended, 
That  we,  to  heaven  ascended, 

May  see  Thee  evermore. 


When  one  reads  the  tributes  of  literary  critics  who  often  hâve  very 
little  sympathy  with  the  ideas  expressed  in  thèse  old  hymns,  yet  are  so 
enthusiastic  in  their  praise,  a  deep  sence  of  regret  for  our  own  lack  of 
enthusiasm  for  them  is  likely  to  corne  over  us.  We  hâve  heard  them 
sung  only  too  often  in  translations  so  inadéquate  that  it  is  a  shame  to 
think  that  they  should  be  selected  for  church  services  ;  often  with  music 
so  suitable  that  it  utterly  ruins  their  sublimity,  that  we  are  prone  to 
think  less  of  them  than  we  should.  Above  ail,  familiarity  bas  bred  not 
conterapt,  for  that  would  be  impossible,  but  a  certain  lessened  admir- 
ation. That  word  familiarity  derived  from  familia  indicates  very  well 
just  what  has  happened.  Thèse  hymns  like  mère  members  of  the  fam- 
ily  are  very  dear  to  us,  and  yet  somehow  do  not  appeal  to  our  enthus- 
iasmg.  We  like  them  very  much,  yet  somehow  we  fail  to  think  as  much 
of  them,  or  at  least  show  our  respect  for  them  externally,  as  much  as  for 
many  another  bit  of  poetry  not  at  ail  worthy  of  comparison  with  them. 

Our  attitude  of  mind  in  their  regard  has  sometimes  seemed  to  me  to 
recall  the  story  of  the  finding  of  diamonds  in  South  Africa.  A  pedlar 
with  collar  buttons  and  ribbons,  and  other  necessities  of  that  complex 
bundle  of  needs  we  call  modem  civilization,  was  wandering  on  the  velt 
plying  his  trade,  when,  on  day,  he  noticed  some  Boer  children  playing 
jackstones  with  objects  that  had  shining  brilliant  objects  in  them.  The 
children  liked  them  because  of  the  play  of  colors  in  them,  when  the  sun 
shone  on  them.  The  pedlar  wondered  what  they  were,  and  succeeded 
in  bartering  some  of  the  trifles  in  his  pack  for  a  handful  of  them. 
When  he  got  back  to  Capetown,  and  asked  a  jeweler  to  tell  him  what 
they  were,  the  jeweler  asked  him  where  Jie  got  them.  The  pedlar  said 
that_  what  he  wanted  to  know  was  what  they  were  worth.  The  jeweler 
replied,  probably  thousands  of  pounds.  The  glistening  objects  were 
diamond").  The  peddler  went  back  to  make  his  fortune  in  the  diamond 
fieid.",  and  thon  to  fînd  that  money  beyond  the  richest  dreams  of  his 
avarice,  when  he  was  a  wandering  merchant,  did  not  satisfy  the  human 
Bpirit,  and  ao  he  went  unbidden  into  the  other  world.  When  one  reads 
the  brilliant  appréciations  of  thèse  old  hvmns  by  some  of  the  literary 
geniusfis  for  whom  the  world  has  the  most  "respect,  it  is  apt  to  come  home 
to  UB  that  we  too  bave  ail  unknowing  been  handling  diamonds  glisten- 
ing with  beauties,  an/3  that  others  must  come  to  tell  us  how  precious  are 
thf  gems  of  poptry  that  the  Church  has  accumulated  from  old  âges,  to 
place  in  the  beautiful  setting  of  her  cérémonial. 


— 1041  — 

It  is  rather  interesting  to  trace  the  origin  of  Hymn  Writing  in  the 
Cliurch.  Khymed  hymns,  or  at  least  sacred  poems  in  which  there  were 
récurrent  similarities  of  sounds  with  musical  efïect,  came  very  early  in 
the  history.  Ont  of  assonances  in  which  only  vowel  sounds  were  similar, 
there  came  the  first  hints  of  rhyme,  in  which  the  répétitions  of  eimilar 
consonant  and  vowel  values  gave  fuU  satisfaction  of  the  ear.  While  ail 
the  other  modes  of  poetry,  mètre  and  rhytm,  with  the  appropriate  use 
of  quantities,  come  to  us  from  the  distant  East,  rh}Tne  came  to  Europe 
from  its  most  distant  ^Yest.  It  probably  originated  among  the  Gaels  in 
Ireland,  and  the  first  great  poet  to  use  rhyme  effectively,  very  much  as 
we  do  now,  was  Sedulius,  whose  Irish  name  was  Shiel,  or  Shealy.  From 
his  time,  in  the  fif th  century  —  he  was  prominent  under  Theodosius  the 
Great,  in  Itah',  having  left  his  native  country  for  the  love  of  learning, — 
it  is  rather  easy  to  trace  the  graduai  perfection  of  Latin  writing.  Thèse 
Latin  hymns  used  to  be  spoken  of  a  little  contemp;tuously  as  only  rhymed 
Latin,  but  in  the  last  century  a  proper  appréciation  of  them  has  come 
to  be  the  rule. 

Critics  hâve  even  gone  so  far  as  to  say  that  thèse  Latin  hymns  were 
the  only  genuine  outburst  of  the  genius  of  the  Latin  language.  The 
classic  poets  were  occupied  in  imitating  the  Greeks,  and  the  Latin  lan- 
guage itself  did  not  hâve  the  opportunity  for  its  native  expression.  That 
came,  however,  with  what  March  calls  "  the  true  Latin  folk  poems,"  the 
Great  Latin  Hj-mus.  They  were  much  more  than  mère  folk  poems, 
however,  they  were  the  favorite  songs  of  the  people  for  many  centuries, 
and  it  is  not  surprising  that  they  should  hâve  been  called  "  The  Bible  of 
The  People."  The  cultivation  of  rhyme  in  Latin  let  to  the  introduc- 
tion of  the  same  mode  of  poetry  into  ail  the  modem  languages.  If  the 
modem  languages,  and  particularly  the  tongues  derived  from  the  Latin, 
hâve  a  wonderful  musical  quality  for  poetry,  it  is  largely  because  during 
the  plastic  formative  period  of  thèse  languages,  the  people  who  were 
using  them  were  listening  day  in  and  day  out  to  the  majestic  harmony. 
to  the  charming  music,  the  wonderfully  satisfying  sound  similaritiee,  of 
the  Latin  Hymns.  They  are  the  model  of  ail  that  is  best  in  modem 
poetry,  and  probably  there  is  no  greater  benefit  conferred  by  the  ChuTxih 
on  any  department  of  aesthetics  than  that  which  she  thus  accomplished 
for  literature.  We  know  how  much  she  did  for  art  and  for  éducation, 
for  architecture,  for  sculpture  and  for  the  arts  and  crafts,  and  yet  her 
contribution  to  literature  is  quite  as  great. 


— 1042  — 
OUR  LADY  OF  THE  BLESSED  SACRAMENT. 

REVEREND  H.  REGINALD  BUCKLER,  0.  P. 


Till^  wondrous  plan  of  the  Incarnation  in  the  Divine  mind  from  the 
beginning  vvas  to  bring  our  Lord  God  into  the  midst  of  His  créatures 
—  not  as  Ile  ever  is  in  the  natural  world,  by  His  présence  and  secret 
workings,  "  upholding  ail  things  by  the  word  of  His  power,"  (Heb.  I.  3) 
'■  reaching  from  end  to  end  niightily,  and  ordering  ail  things  sweetly," 
(Wisd.  VIII.  I.);  but  by  His  real,  personal  présence,  face  to  face,  yet 
veiled,  liidden,  and  sàcramental:  for  such  is  the  Divine  law  in  dealing 
with  niau  hère  below,  in  view  to  the  homage  of  the  créature  to  the 
Creator,  that  "  we  walk  by  faith,  and  not  by  sight,"  (2  Cor.  V.  7.)  thus 
giving  to  our  Lord  God  the  homage  at  once  of  mind  and  heart,  by  believ- 
ing  without  seeing,  as  our  Lord  said  to  St.  Thomas,  "  blessed  are  they 
who  hâve  not  seen,  but  hâve  believed,"  (St.  John  XX. 29.)  and  being 
drawn  more  and  more  to  the  love  of  God  above  ail,  by  means  of  this 
raystery  of  Divine  condescension. 

As  God  is  the  God  at  once  of  nature  and  grâce,  it  is  to  be  expected 
that  as  He  gives  Ilimself  to  us  so  lavishly  in  ail  the  beauties  of  nature, 
so  He  would  delight  in  giving  Himself  to  us  generously  and  handsomely 
in  the  realm  of  grâce.  And  do  we  not  see  it  from  the  beginning  ?  By 
the  ministry  of  augels  God  spoke  to  His  people.  Then  with  Moses,  face 
to  face.  And  in  the  old  law  by  signs  and  tokens,  and  wondrous  mani- 
festations and  locations,  He  declared  His  présence,  and  spoke  His  Will. 
Thus  to  Moses  —  "  Speak  to  the  children  of  Israël,  and  they  shall  build 
me  a  Sanctuary,  and  I  will  dwcll  in  the  midst  of  them."  (Èxod.  25.8.) 
"  And  the  cloud  covered  the  Tabernacle,  and  the  glory  of  the  Lord  filled 
it. . .  the  majesty  of  the  Lord  shining."  (Ibid.  40.32.)  And  "  the  eher- 
ubims  sijread  forth  thcir  Avings  over  the  ark,  and  covered  it."  (Ibid.  37.9) 
.Vfterwards,  Solomon  made  "figures  of  cherubims  on  the  walls  and  doors 
of  the  temple."  (3  Kings  8.7.)  Now,  "  if  the  ministration  of  death  was 
glonouâ,  how  shall  not  the  ministration  of  the  spirit  be  in  glory?  For, 
if  that  which  wa.s  donc  away  was  glorious,  much  more  that  which  re- 
inainetli  is  in  glory.  (2  Cor.  3,  7,  11.) 

The  old  law  was  the  shadow  of  the  things  to  come.  If  in  the  im- 
porfect  dispensation  God  gave  so  many  and  such  marvellous  déclarations 
»{  Ihii  présence  among  His  chosen  people,  and  if  He  willed  the  cher- 
ubim  to  over.sbadow  the  Tabernacle  of  old,  and  to  be  shown  on  the  walls 
and  doors  of  the  temple,  was  it  not  ail  meant  to  show  forth  the  realities 
of  the  now  order  under  Christ  our  Lord,  the  reality  of  His  Divine 
Présence,  and  the  roality  of  the  Angelic  choirs  surrounding  Him  ?  Thus, 
"you  arc  come  to  Mount  Zion,  to  the  city  of  the  living  God,  and  to  the 
Company  of  many  thou.sand8  of  Angels,  and  to  the  Church  of  the  first- 
born.  and  to  God  tho  judge  of  ail,  and  to  the  spirits  of  the  just  made 


— 1043  — 

perfect,  and  to  Jésus,  the  Mediator  of  the  Xew  Testament,  and  to  the 
sprinkling  of  blood,  whieh  speaketh  better  than  that  of  Abel."  (Heb, 
12.22.) 

Ail  this  désire  of  God  to  be  wdtli  nis  créatures  seems,  indeed,  to  be 
wonderful,  and  yet  if  we  may  say  it,  not  to  be  wondered  at,  considering 
man's  destiny.  For,  is  he  not  made  for  the  everlasting  enjo3'inent  of  the 
Divine  présence  in  heaven,  with  the  Angelic  choirs,  and  the  spirits  of 
the  just  made  perfect?  This  being  so,  it  would  seem  to  be  fitting  that 
his  training  on  earth  should  be  such  as  to  put  him  in  close  relation  with 
the  unseen  world.  But  the  unseen  world  a  round  us  hère  is  a  reflection 
of  the  world  above,  as  the  Apostle  says,  "  I  saw  the  holy  city,  the  New 
Jérusalem,  cominq  down  out  of  heaven;  and  I  heard  a  voice  saying,  Be- 
hold  the  Tabernacle  of  God  with  men,  and  He  will  dwell  with  them  ; 
and  they  shall  be  His  people  —  and  God  Himself  with  them  shall  be 
their  God."  (Apot.  21.2.) 

Thus  it  is  that  the  life  of  the  Church  triumphant  in  heaven  descends 
to  the  Church  militant  on  earth  —  the  présence  of  God  surrounded  \\\\h. 
the  Angels  and  Saints.  "  You  are  come  to  the  city  of  the  living  God, 
and  to  the  company  of  many  thousands  of  Angels,  and  to  the  spirits  of 
the  just  made  perfect." 

Another  reason  would  seem  to  move  our  Lord  to  institute  His  Sacra- 
mental  life,  —  hidden  as  from  the  beginning,  for  "  Yerily  thou  art  a 
hidden  God,"  (Isaias  45.15),  and  associated  therein  with  the  Angels 
and  Saints  —  and  that  is,  in  view  of  counteracting  the  sins  of  the 
world.  Alas  !  how  unceasingly  the  sins  of  men  rise  up  from  earth  to 
heaven.  How  would  the  All-Holy  God  endure  it  ail,  were  it  not  for  the 
balance  on  the  other  side  —  the  infinitely  sweet  homage  of  the  well- 
beloved  Son,  with  tlie  bright  Angels  around  Him,  yea,  and  so  many  lov- 
ing  soûls  of  hearth,  in  the  great  expanse  of  the  Church  militant  hère 
below?  If  God  was  Avdlling  to  spare  the  city  for  the  sake  of  ten  just 
men,  how  much  more  will  He  spare  the  world  for  the  sake  of  His  be- 
loved  Son,  in  union  with  so  many  pure  spirits  of  heaven  and  earth  ! 

Now  when  we  think  of  ail  thèse  wonderful  mysteries  and  workings  of 
the  Son  Incarnate  in  His  Sacramental  life,  which  is  the  continuai 
prolongation  and  extension  of  the  Incarnation,  whereby  our  Lord,  hav- 
ing  given  Himself  to  our  nature,  now  gives  Himself  to  us  one  by  one  — 
nohis  datas,  nobis  natus,  ex  iniacta  Virqinc  —  We  remember  the  Divine 
scheme  for  the  rédemption  of  the  world,  viz.  :  that  God  willed  to  lift 
our  human  nature  to  the  closest  relation  with  Himself,  both  in  its  man- 
hood,  and  its  womanhood  :  that,  as  it  had  fallen  both  in  man  and  woman, 
in  the  first  Adam  and  Eve,  so  it  might  be  restorod  to  its  full  dignity  in 
the  second  Adam  and  the  second  Eve  —  and  that  thus  ail  mankind 
might  hâve  a  perfect  and  a  model  man,  and  a  perfect  and  model  woman. 

The  dignity  to  which  woman  has  been  raised  by  the  Divine  ^Nfaternity 
of  Mary  is  altogether  unique,  whether  we  look  at  God's  c-roaturcs  in 
heaven  or  on  earth.  What  can  compare  with  it?  Xeither  l'atriarchp. 
nor  Prophets,  nor  Apostlos,  nor  Martyrs,  nor  Angels,  nor  Archangels, 
nor  Cherubim  and  Serapliim,  can  be  found  in  any  ways  approaching  it. 
"  For,  to  which  of  the  Angels  said  He  at  any  time,  Thou  art  my  Son  "? 


—  1044  — 

(Heb.  1.5.)  And  to  which  of  the  Angels  said  He  at  any  time,  "  Thou 
art  my  Mother  "  ?  "  Are  they  not  ail  ministering  spirits,  sent  to  mm- 
ister  for  them  who  shall  receive  the  inheritance  of  salvation?"  (Ibid. 
1 .  14.)  But  w-hen  we  say  that  "  The  Word  was  made  flesh,  and  dwelt 
amongst  us,"  and  that  the  flesh  of  His  Sacred  Humanity,  whieh  made 
the  afl-perfeot  hnnian  form  of  the  God-Man,  was  taken  from  the  flesh 
of  lîis  Virgin-Mother,  and  made  and  formed  from  her  substance,  we 
begin  to  see  something  of  her  supereminent  position  in  the  Divine 
Economy.  Thus  the  Mother  of  our  Redeemer  —  "  ail  hearts  are 
touched  and  softened  at  her  name,"—  takes,  by  God's  Will,  the  first  place 
ainoui,'  ail  Ilis  pure,  beautiful  créatures,  whether  in  heaven  or  on  earth, 
and  this  on  account  of  Her  closeness  to  God,  and  her  relationship  to  eacb 
person  of  the  Holy  Trinity,  seeing  that  the  nearer  anything  is  to  its 
source,  the  brighter  and  the  purer  it  must  be. 

We  are  now  to  remember  that  the  Blessed  Sacrament  is  the  contin- 
uation of  the  Incarnation.  And  Mary's  relationship  to  her  Divine  Son 
once  established,  endures  for  ever.  As  in  the  natural  order,God  wills 
to  hâve  His  créatures  associated  with  Himself,  giving  us  life  through 
our  parents,  light  and  warmth  through  the  sun,  breath  through  the  air, 
food  through  the  birds,  and  animais,  and  fruits  of  the  earth,  éducation 
through  our  teachers,  and  ail  the  needs  of  life  through  the  hands  of 
others  ;  so,  in  the  order  of  grâce,  He  gives  Himself  to  us  through  Hia 
Mother,  truth  through  the  Church,  grâce  through  the  Sacraments,  and 
His  Bweet  Sacramental  présence  through  the  hands  of  His  Priests.  He 
livea  again  in  our  midst  in  His  Sacramental  and  Sacrificial  life.  See 
how  He  continues  herein  His  active  life  for  the  salvation  of  soûls.  Con- 
sider  the  thousands  of  living  Ciboriums  throughout  the  world,  wherefrom 
our  hîdden  Ix)rd  makes  His  entrance  into  soûls,  and  works  therein  the 
marvels  of  His  grâce.  See  Him  go  to  them  one  by  one,  as  they  surround 
His  altar-rails  —  then  forth  from  the  Church  to  the  sick  and  dying, 
night  and  day  —  see  Him  in  the  hands  of  His  faithful  Priests,  travelling 
along  the  country,  or  in  the  busy  ways  of  crowded  cities,  and  the  long 
corridors  of  hospital  and  prison.  See  Him,  the  Priest  forever  according 
to  the  order  of  Melchisedec,  offering  Himself,  from  the  rising  of  the  sun 
to  the  going  down  of  the  same,  for  God's  own  great  ends,  and  the  vast 
nee<l8  of  soûls.  It  is  our  Lord's  active  life  perpetuated  among  the  souIs 
of  men  ;  drawing,  healing,  cleansing  them  ;  purifying,  illuminating,  per- 
fecting  them. 

And  as  in  nature,  so  in  grâce  ;  God  delights  in  having  the  co-operation 
of  Hi3  créatures.  He  loves  their  union  and  association  with  Himself; 
above  ail,  that  of  His  most  pure,  faithful,  and  loving  Mother;  then,  that 
of  the  Angels,  Saints,  and  loving  soûls  on  earth.  While  He  is  the  source; 
of  ail  grâce,  He  makes  them  the  channels  of  His  grâce. 

Tîow  condescending  and  loving  of  the  Creator,  thus  to  wish  to  hâve 
His  créatures  with  Himself  in  the  accomplLshment  of  His  works;  as 
though  He  dfîlighted  in  pouring  over  them  a  share  of  His  Divine  life  and 
power,  that  they,  as  well  as  He  Himself  might  be  known,  loved,  praised, 
and  glorified  both  in  heaven  and  on  earth.  And  thus  He  says,  "You 
are  gods,  and  al)  sons  of  thn  Most  High."  (Ps.  81. G.)     Truly,  indeed, 


—  1045  — 

we  must  ever  remember  that  the  Creator  is  ever}i;hing,  and  the  créature 
nothing.  This  is  fundamental  Christian  truth.  It  ever  stands.  No 
other  teaching  ever  displaces  it.  As  Our  Lord  said,  "  Xone  is  good  but 
God  alone."  (St.  Luke,  18.19.)  The  créature  is  the  récipient  of  God's 
goodness;  and  its  greatness  is  in  its  humanity  and  its  subjection  to  the 
Creator. 

Ail  this  premised,  God  wills  to  work  both  in  nature  and  grâce,  with 
and  through  His  Créatures,  as  we  hâve  seen  :  and  the  nearer  they  are  to 
Him,  the  better  they  are  fitted  for  the  carrying  out  of  His  behests.  Thus 
we  conceive  of  the  hierarchy  of  grâce  :  The  eternal  God,  the  beauteous 
Primai  cause  of  ail,  from  everlasting  tb  everlasting  ;  The  Incarnate  Son, 
the  source  of  ail  our  grâce;  His  chosen  and  Most  Blessed  Mother,  the 
first  and  nearest  to  Him  of  ail  pure  créatures  —  He  Himself,  with  ail  His 
grâces,  in  His  life  on  earth,  and  in  the  Blessed  Sacrament,  coming  to 
this  world  through  her.  He  need  not  hâve  done  it  —  but  He  willed  it  — 
and  He  did  it.  He  was  made  man  through  her,  and  of  her,  God  so 
ordaining.  Therefore,  our  Lord,  as  man,  is  hers.  The  relationship  of 
Mother  to  the  Word  Incarnate  is  hers  for  ever.  The  glory  of  the  Son 
is  on  the  Mother,  and  of  the  Mother  on  the  Son.  And  as"^  she  was  the 
Mother  of  the  babe  of  Bethlehem,  so  she  is  the  Mother  of  our  Sacra- 
mental  Lord  —  and  our  Lord's  workings  in  His  life  on  earth  are  re- 
flected  on  her,  and  she  on  Him  —  and  the  workings  of  His  Sacramental 
life  are  reflected  on  her,  and  she  on  Him.  Thus  as  He  came  through 
her,  so  His  grâces  come  through  her,  according  to  the  opérations  of  Him 
who  worketh  ail  in  ail.  Then,  after  her,  in  the  hierarchy  of  grâce  and 
glory,  we  hâve  the  bright  Angelic  Choirs;  and  grâces  come  through  them 
also  upon  the  soûls  of  men  —  how  many  do  we  not  receive  through  our 
dear  angels  guardian  ?  Then  the  patriarchs,  prophets,  apostles,  martyrs, 
confessors,  virgius,  and  ail  the  saints,  and  the  spirits  of  the  just  made 
perfect  —  and  the  grâces  that  God  gives  to  the  Church  and  world 
through  them. 

ISTow,  from  the  triumphant  to  the  militant  Church.  And  who  shall  be 
able  to  recount  the  grâces  ever  pouring  on  the  soûls  of  men  through  the 
consecrated  hands  of  the  priests  of  the  Church  !  Our  Ix)rd  Himself, 
who  came  through  His  mother,  now  comes  to  us  through  His  priests.  0 
sweet,  divine  Economy  of  the  Eternal  Wisdom  and  Love  !  It  is  as  though 
God  will  not  work  alone  —  will  not  give  us  Himself  but  through  the 
hands  of  His  créatures.  Doubtless,  because  He  wants  us  to  love  Him- 
self above  ail,  and  then  one  another  for  His  sake.  Is  there  not  thus  a 
wondrous  analogy  between  the  position  of  our  Blessed  Lady  and  the 
priesthood  of  the  Church  ;  and  does  not  she  become  the  spécial  patroness 
and  pattern  of  the  priest  ?  The  Word  was  Incarnate.  She  had  the  care 
and  keeping  of  Him  in  His  life  on  earth,  and  the  Priest  bas  the  caro 
and  keeping  of  Him  in  His  Sacramental  life.  He  and  she  lived  to- 
gether.  He  and  the  priest,  yea,  and  ail  the  faithful,  are  in  closest  con- 
tact in  Holy  Communion.  She  offered  Him  in  the  Sacrifice  of  the 
Cross.  The  priest  and  the  faithful  offer  Him  in  tho  Sacrifice  of  the 
Mass.  Thus  our  Blessed  Ix)rd,  and  His  mother,  the  Church,  the  priest- 
hood, and  ail  the  faithful  in  grâce,  live  and  work  together  —  and  the 


— 1046  — 


precious  blood  which  He  received  froni  Mary  cleanses  us  from  ail  sins, 
and  gives  lis  access  to  the  Father. 

Oui-  Lady  af  the  Blessed  Sacrament,  pray  for  us! 


FIRST  COMMUNION. 

BY 
REVEREND  MOTHER  LOYOLA. 


I.     Are  We  Doing  Oui*  TJtmost  for  Our  First 
Communicants  ? 

A  THOUGHT  that  must  strike  many  of  us  when  there  is  a  question 
of  First  Communion,  is  this  —  much  is  expected  and  rightiy  expected  of 
clîildren  at  this  momentous  period  of  their  lives,  much  during  the  time 
of  préparation,  much  in  after  fruits.  Does  the  help  we  provide  for  them 
bear  any  proportion  to  our  expectations?  We  know,  of  course,  that  the 
Sacrament  works  by  its  own  efficacy,  but  this  in  no  way  dispenses  with 
the  utmost  careful  préparation  of  mind  and  heart.  Are  we  doing  ail  we 
can  to  secure  such  préparation? 

II.     The  Work  Before  Us. 

Our  work  is  to  lead  the  child  up  to  our  Blessed  Lord  that  it  may  see, 
and  hear,  and  touch  Him  ;  that  His  influence  may  pour  in  upon  its  soûl 
through  every  avenue;  that  it  may  come  to  the  altar-rails  —  not  with  a 
few  dry  dogmas  as  its  sole  provision,  but  with  the  eager  désire  that  can 
say,  "  I  know  in  whom  I  hâve  believed." 

III.     Its  Difficulties. 

The  bulk  of  our  children  can  do  little  by  themselves.  Even  when 
dealing  with  objecta  that  appeal  to  eye  and  car  and  hand,  we  must  hâve 
rw:oursc  to  ail  manner  of  expef]ients  to  arrest  their  attention  and  gain 
their  coopération.  How  much  more  is  this  the  case  when  the  subject- 
mattfr  is  beyond  the  reach  of  sensé,  and  when  concentration  of  mind 
a„,i  ,.fT,,rt  of  will  are  claimcd  at  times  for  matters  distasteful  to  the  best 

How  can  we  bring  within  the  range  of  their  imagination  and  intelli- 
gfînce,  and  hoart  and  will,  the  truths  we  want  them  to  grasp  with  a  grip 
that  will  loAt  through  life?  Only  by  realizing  that  we  must  appeal  to 
fvery  one  of  the.so  faculties  and  make  a  distinct  study  of  the  road  to  each. 


— 1047  — 

IV.     We  Must  Appeal  to  the  Imagination  and  the 

Intelligence . 

Imagination  and  intelligence  we  may  take  together.  Through  the 
first  we  shall  reach  the  second.  "  Truth,"  says  Cardinal  Xewman,  "  is 
poured  into  the  mind  of  the  scholar  by  his  eyes  and  ears,  through  his 
affections,  imagination  and  reason,  and  is  sealed  up  there  in  perpetuity." 

Aids  :    (i.)    Bright  Instruction  on  our  Iiord's  I.ife. 

To  enable  the  life  and  actions,  the  words  and  personality  of  our  Loi-d 
to  impress  themselves  upon  the  imagination  of  the  children,  we  may  take 
them  to  the  cottage  of  Nazareth,  to  the  Temple,  through  the  streets  of 
Jérusalem,  or  to  the  stormy  lake  or  grassy  plain,  letting  them  see  Him 
among  the  poor  and  the  sick  and  the  little  ones,  feeding  the  multitude, 
seated  at  table  with  the  Twelve.  We  can  paint  ail  this  in  vivid  colors, 
so  that  there  shall  not  be  a  wandering  cye  or  a  careless  listener  before 
us.  Children  are  not  flatterers.  If  we  bore  them  they  will  let  us  kuow 
it.  Watch  the  telltale  faces.  Thèse,  and  their  questions  and  answers, 
are  our  best  guide  as  to  what  appeals  to  them.  Our  talks  with  them 
should  be  short  and  bright,  lit  up  by  plenty  of  anecdotes,  ended  perhapi* 
by  a  h}'mn. 

(ii.)    Hymns. 

Will  anyone  provide  us  with  a  few  hymns,  every  idea  of  which  shall 
be  easily  grasped  by  ail  in  a  First  Communion  class?  There  are  none, 
I  think,  which  will  approve  themselves  as  wholly  suitable  to  those  accus- 
tomed  to  deal  with  children.  Yet  much  might  be  donc  in  this  way. 
Children  love  Inonns  and  learn  them  easily. 

Their  own  resources  after  Communion  are  soon  exhausted.  How 
helpful  some  very  simple  rhymed  Acts  of  Faith,  Hope,  Charity,  Con- 
trition, and  Désire,  before  Communion:  of  Adoration,  Thanksgiving, 
Love,  Pétition,  and  Oblation  after  Communion,  might  prove. 

(iii.)    Lantern  Slides. 

Another  help  would  be  lantern  slides  representing  scènes  from  the 
life  of  Our  Lord,  those  especially  having  référence  to  the  Blessed  Sacra- 
ment.  Xothing  so  engages  the  interest  and  attention  of  a  child  as  tlio 
sight  of  our  Blessed  Lord's  gentleness,  tenderness,  and  compassion,  as 
shown  in  the  Gospel  story.  And  this  we  can  represent  with  a  vividne^s 
which  will  make  a  life-long  impression  on  mind  and  lioart.  A  soloction 
of  slides  from  the  life  of  Chri.st  could  readily  be  made,  and  supplement- 
ed  by  suitable  subjects  from  the  lives  of  the  Saints,  aiul  of  tlio  infant 
lovers  of  Jésus  in  the  Blessed  Sacrament  our  own  days  hâve  secn. 

Perhaps  we  might  venture  still  farther.  and  by  moan^  of  the  cine- 
matograph  represent  to  tho  eves  of  our  little  folk,  not  the  form  only  but 
the   movement  whicli  will    make   the    Gospel   scènes    live    before  them. 


—  lû-iS  — 

Tliink  o£  tlieir  delight  could  they  see  the  Jewisli  children  not  only 
erowding  around  our  Lord,  but  being  actually  taken  up  into  His  arms 
and  embraced,  and  blessed,  and  nestling  on  his  breast  !  Would  not  this 
bring  home  to  them  the  Eucharistie  embrace  for  which  they  are  prepar- 
ing?  Or  they  niight  watch  the  Blessed  Mother  la}'ing  her  Divine  Babe 
in  tlie  arms  of  a  httle  child,  and  so  realize  something  of  the  trust  to  be 
confîded  to  theraselves.  In  the  same  way,  they  might  make  acquaint- 
ance  with  the  peasant  child  of  six  in  converse  with  St.  Alphonsus,  who 
allows  her  the  privilège  of  niaking  lier  First  Communion  at  an  early  âge. 
Ail  this  would  involve  labor  and  some  expense  to  obtain  satisfactory 
reaults.  But  will  considérations  of  this  kind  weigh  with  us  when  there 
is  question  of  presenting  the  little  ones  to  our  Lord,  as  happy  and  as 
eager  as  we  can?  We  must  be  ingénions,  resourceful,  enterprising.  We 
must  try  one  schemo  after  another,  interchanging  ideas,  comparing  re- 
sults.  If  one  suggestion  should  be  found  impracticable,  let  us  cast  about 
for  something  better. 

But  ail  this  is  préparation  only  for  the  real  work  of  making  ready  the 
heart  and  will.  First  Communion  is  the  great  epoch  in  a  child's  life, 
haring  its  influence  on  the  whole  career.  It  is  the  time  when  its  con- 
science is  trained,  its  will  braced,  its  principles  of  action  formed.  If  we 
take  so  much  pains  to  fix  the  attention  and  to  arouse  interest,  it  is  that 
we  may  ensure  lasting  results  in  the  life  and  conduct.  Let  us  be  definite 
hère  and  practical.  We  must  show  the  children  that  the  chief  part  of 
préparation  must  be  their  own  doing.  It  does  not  consist  merely  in  com- 
ing  to  instructions  and  learning  their  catechism,  but  in  setting  earnestly 
to  work  to  correct  the  faults  which  they  know  our  Lord  will  not  like  to 
find  in  their  hearts  when  He  cornes.  Put  before  them  now  in  very 
simple  language  the  child  life  of  Him  who  —  a  child  like  themselves —  is 
coming  to  them  to  help  them  to  be  like  Him.  Show  Him  to  them  in 
His  home  life,  at  His  prayers,  at  His  play,  at  His  lessons,  in  His 
troubles;  and  tell  them  they  will  will  best  please  Him  and  make  ready 
for  His  coming  by  trying  to  be  like  Him.  Teach  them  how  to  meet 
temptation;  to  rise  promptly  and  without  discouragement  after  a  fall; 
to  offer  their  daily  actions  to  God,  and  to  turn  to  Him  at  once  in  time 
of  trouble.  Teach  them  the  necessity  of  prayer  and  of  persévérance  in 
it  to  the  end.  Familiarize  them  with  the  thought  of  the  Présence  of 
Grod  as  a  safeguard  in  temptation  and  a  help  in  every  need.  Thèse  things 
are  not  spiritual  luxuries  for  the  favored  few.  We  ail  need  them  to 
keep  out  of  sin  and  to  store  our  lives  with  the  merit  that  lies  in  our 
dailj  path. 

And  now  ia  our  chance  with  the  children.  Never  again  sliall  we  hâve 
a  right  to  claim  them  so  entirely  for  a  course  of  instruction.  Never 
again  will  their  hearts  be  so  fresh,  so  teachable,  so  eager.  Oh,  let  us  do 
ail  we  can  for  them  now!  Let  us  impress  upon  them  the  duty  of  morn- 
ing  and  night  prayers,  and  examination  of  conscience,  of  attendance  at 
Sundav  Mass,  of  regular  approach  to  the  Sacraments.  Let  us  see  that 
the  prayers  they  use  for  Mass  and  préparation  for  the  Sacraments  are 
suited  to  their  âge  and  capacity.  In  a  word,  let  us  get  them  to  look 
upon  fidelity  to  the  practices  of  a  Christian  life  as  the  real  préparation 


—  1049  — 

our  Lord  asks  of  them,  and  to  expect  from  His  présence  with  them  great 
strength  and  help  in  the  battle  with  self  for  which  they  must  one  and 
ail  be  prepared.  •  _ 

Aids —  (i.)   The  Co-operation  of  Mothers. 

And  hère  expérience  shows  lis  that  next  to  the  grâce  of  God,  those  who 
hâve  the  instruction  of  First  Communicants  at  heart  must  look  to  the 
mothers.  Efforts  may  be  made  by  others  to  reacli  the  child's  intelli- 
gence, heart,  and  Avill,  but  it  will  be  to  a  great  extent  ineffectuai  if  the 
home  influence  does  not  tell  in  the  same  direction.  It  has  been  found 
that  much  may  be  donc  towards  securing  the  coopération  of  mothers,  if 
on  the  formation  of  a  First  Communion  class  they  can  hâve  their  re- 
sponsibilities  and  povrer  for  good  brought  home  to  them  in  a  familier 
talk. 

Tell  the  mothers,  then,  that  préparation  for  First  Communion  is  not 
simply  a  time  for  implanting  a  certain  number  of  doctrinal  facts  in  the 
child's  mind.  It  is  the  préparation  of  the  young  heart  for  our  Lord'i 
coming  by  the  exercise  of  those  Christian  virtues  and  the  formation  of 
those  Christian  habits  which  must  be  its  stay  through  life.  For  tbis,  th« 
proper  sphère  is  the  home.  Routine  may  influence  it  in  school.  There 
it  goes  with  the  crowd.  It  is  at  home  that  individual  effort  is  called  eut 
and  that  good  habits  are  formed.  Tell  them  that  in  the  instructiouB  to 
be  given,  the  home  life  of  the  Holy  Child  will  be  set  before  the  children 
as  a  model  of  what  a  Christian  home  should  be,  and  that  they  will  be 
urged  to  imitate  His  révérence  at  prayer,  obédience,  helpfulness,  etc. 
Show  them  how  much  a  mother's  intelligent  coopération  may  do  hère. 
The  child's  will  is  weak.  Watchful  and  loving  care  is  needed  to  guide 
and  second  its  efforts.  Prudence,  too,  and  patience.  We  must  not  ex- 
pect miracles  at  this  time,  or  suppose  that  the  prospects  of  the  Great 
Day  will  so  fill  the  volatile  childish  mind  as  to  bring  about  the  correction 
of  every  fault.  Good  will  is  about  ail  we  must  expect.  The  child  should 
know  we  look  for  this.  But  it  would  be  a  fatal  mistake  to  make  ite 
faults  at  this  time  matter  for  spécial  surprise  and  reproach.  With  little 
in  the  way  of  interférence  the  mother  wil  be  moulding  the  chiUrs  con- 
duct  and  encouraging  every  effort.  Prayer,  morning  and  night,  con- 
fession, more  fréquent,  probably,  during  this  time  ol'  pre])aration, 
punctuality  at  instructions  —  ail  thèse  the  mother  should  make  her  con- 
cern,  and  forward  as  far  as  may  be.  Could  we  put  thèse  points  before 
mothers,  with  the  earnestness  born  of  deep  conviction,  could  we  bring 
them  to  look  upon  it  as  a  privilège  to  help  us  hère,  what  lasting  fruits  a 
First  Communion  might  bring,  not  to  the  child  alone,  but  to  the  home. 

(ii.)      Family  Prayers. 

With  a  view  to  the  home  influence  exercised  at  this  time,  will  it  be 
considered  irrelevant  if  a  plea  is  made  for  the  restoration  amongst  ub  of 
that  reunion  of  the  family  at  night,  which  was  at  one  time  a  gênerai 
practice  in  Catholic  households?,In  days  when  the  sanctity  of  the  home 


—  1050  — 

■is  aasailed  m  so  mauy  ways,  and  its  safety  and  happiness  need  strouger 
defeuoc  than  in  tlie  past,"should  we  not  do  well  to  meet  at  nightfall  to 
secure  a  blessing  and  protection  that  will  follow  the  children  when  they 
leave  its  shelter  and  enter  on  the  battle  of  life? 

Expérience  shows  that  few  impressions  are  earlier  and  more  lasting 
than  this,  of  seeing  father,  mother,  brothers,  and  sisters,  kneeling  to- 
gether  as  the  day  closes,  in  united  prayer.  A  young  mother  recently 
found  her  babe  of  three  kneeling  in  a  corner,  the  eyes  closed,  the  little 
liands  joined.  To  the  question:  "  What  are  you  doing,  pet?  "  came  the 
reply:  "  l'se  sapng  my  prayers."  "You  see,"  explained  the  mother, 
'"she  has  seen  from  her  crib  Jack  and  me  saying  our  prayers  together 
when  he  cornes  at  night."  Jack  is  a  guard  on  the  railway.  Has  he  not 
had  his  reward  already  in  the  impression  made  where  it  will  probably 
nerer  be  etïaced? 

WHien  the  habit  of  family  prayer  has  been  lost,  effort,  no  doubt,  is 
needed  to  recover  it.  But  mothers  are  generous  ând  ready  to  use  their 
influence  hère  as  far  as  prudence  will  allow.  The  habit  of  morning  and 
evening  prayer  is  absolutelv  essential  to  persévérance  in  a  Christian  life. 
Would  not  God  bless  the  détermination  to  meet  together  for  five  minutes 
each  evening  before  the  children  go  to  bed,  and  thus  let  each  member  of 
the  family  help  to  train  thèse  little  ones  in  the  way  they  should  go? 

(iii.)     A  Retreat. 

If  a  short  retreat  is  possible,  well  planned,  interspersed,  perhaps,  with 
interesting  reading,  singing,  or  lantern  slides,  mothers  will  help  greatly 
by  falling  in  lieartily  with  whatever  arrangements  are  made  in  thè  child- 
ren'g  behalf. 

V.     The  Eve. 

On  the  eve,  let  them  see  that  the  children  get  to  bed  in  good  time,  and 
that  ail  is  ready  for  the  morrow.  The  dress  should  be  festive  if  possible, 
but  simple,  devoid  of  display  and  of  anything  that  could  distract  either 
themaelvos  or  others. 

VI.     The  Great  Day. 

The  First  Communicants  should  be  in  church  a  quarter  of  an  liour 
before  the  Mass  begins.  Happy  those  who  come  accompanied  by  father 
and  mother.  and  bave  them  kneeling  by  them  at  the  rails!  Let  the 
children  fool  themsnlvcs  tlie  object  of  révèrent  affection,  and  let  ail  at 
home  lielp  to  make  the  Créât  Day  as  bright  as  possible.  Care  should  be 
taken  that  the  pleasures,  présents,  etc.,  be  not  over-excitirig.  Should 
there  be  Bénédiction  in  the  evening,  ail  should  attend. 

VII.     After. 

A  great  help  towank  keeping  the  fruit  of  First  Communion  is  the 
jrathering  togfther  of  a  First  Communion  group,  before  certain  great 


—  1051  — 

feasts,  for  a  gênerai  Communion  which  might  be  preceded  by  a  short 
instruction,  tending  to  revive  the  good  dispositions  and  résolves  witli 
which  they  approached  the  altar  to  reçoive  our  Lord  for  the  first  tinie. 

Xow  more  than  ever  is  the  mother's  care  and  influence  indispensable 
to  préserve  in  the  heart  of  her  child  the  happy  fruits  of  its  union  with 
God.  She  must  watch  over  its  reading,  its  companions,  its  amusements, 
ascertain  how  often  confession  and  Communion  are  advised  by  the  con- 
fessor,  and  do  what  she  can  to  see  that  its  religions  duties  are  faithfullv 
fulfilled. 

How  often  has  it  happened  that  in  her  zeal  to  promote  the  child's 
welfare,  a  mother  finds  her  own  fervor  quickened:  that  she  begins  to 
accompany  the  little  one  to  the  altar,  and  that  the  praetice  of  fréquent 
communion  thus  gradually  makes  its  way  into  a  household  ! 

Reviewing,  then,  the  ground  over  which  we  hâve  travelled,  we  see  that 
préparation  for  First  Communion  should  bring  our  Lord  vividly  before 
the  children's  minds  in  order  to  win  their  hearts  to  Him  ;  and  that  bright 
descriptions  of  Gospel  scènes,  with  lantern  slides  or  cinematograph,  and 
simple  rhymes  embodjdng  the  Acts  before  and  after  Communion,  would 
prove  very  helpful  to  this  end. 

Secondly,  that  we  should  get  the  children  to  look  upon  their  imitation 
of  the  virtues  they  see  in  our  Blessed  Lord,  and  fidelity  to  their  reli.gious 
and  home  duties,  as  the  préparation  for  His  coming,  which  He  desires 
to  find.  We  must  teach  them  now  the  necessity  and  the  praetice  of 
pra)-er,  obédience  and  self-denial;  the  duty  of  the  morning  and  night 
prayer  with  examinaton  of  conscience  and  of  attendance  at  Sunday 
Mass  ;  how  to  meet  temptation  ;  to  offer  daily  actions  to  God,  and 
the  like.  A  powerful  help  and  one  we  should  make  every  effort  to  sec- 
ure  is  :  T.,  the  coopération  of  mothers,  which  may  often  l)e  won  by  a 
familiar  talk  with  them  on  the  formation  of  a  First  Communion  class, 
and  IL,  the  praetice  of  family  prayer  at  night. 

After  First  Communion,  mothers  should  continue  their  watchful  care 
over  their  children's  companions,  amusements,  and  reading,  and  do  what 
they  can  to  ensure  their  religions'  duties  being  faithfully  fulfilled. 
Means  should  also  be  taken  to  keep  fresh  the  fruits  of  First  Communion. 
Such  might  be  a  General  Communion  preceded  by  an  instruction  before 
great  feasts. 


_  105-2  — 

THE  EUCHARIST  AND  DEVOTION  TO  THE 
SACRED  HEART. 

BY 
REVEREND  LEWIS  DRUMMOND,  S.  J. 


THE  very  title  of  this  paper,  chosen  by  the  Committee,  implies  that 
there  la  a  différence  between  dévotion  to  the  Blessed  Sacrament  and  - 
deTotion  to  the  Sacred  ïïeart;  else  the  title  would  be  needlessly  pleo- 
nastie.  Moreover  it  implies  that  the  two  are  intimately  connected,  else 
thej  would  not  be  proposed  as  a  subject  of  joint  study  in  a  congresg 
devoted  to  the  Blessed  Eucharist.  This  différence  and  connection  or  in- 
terrelation will  form  the  thème  of  this  essay. 

When  first  the  dévotion  to  the  Sacred  Heart  of  Jésus  was  introduced  in 
the  seventeenth  century,  a  favorite  objection  of  its  opponents  was,  that 
there  was  no  real  différence  between  dévotion  to  the  Blessed  Sacrament 
and  dévotion  to  the  Sacred  Heart,  and  that  consequently  the  latter  should 
be  rejected  as  only  adding  a  new  name  to  a  very  old  dévotion.  The  an- 
swer  to  this  objection  is  that  the  two  dévotions  differ  in  their  objects 
and  in  the  motives  for  honoring  thèse  objects. 

The  object  of  dévotion  to  the  Blessed  Sacrament  is  the  entire  body  of 
the  Lord  Jésus  Christ  under  the  sacramental  species,  without  any  spécial 
référence  to  his  Heart,  whereas  the  object  of  the  other  dévotion  is  the 
Heart  of  Jésus  Christ,  without  any  référence  to  the  rest  of  His  adorable 
Bodj.  We  Catholics,  and  many  of  our  separated  brethren,  sucli  as  the 
schisraatic  Greeks,  Russians  and  Orientais,  the  Lutherans,  and  a  large 
number  of  Anglicans,  believe  that  the  flesh  of  Jésus  Christ  is  an  object 
infinitely  worthy  of  the  dévotion  of  the  faithful,  on  account  of  its  union 
with  the  Eternal  Word,  on  account  of  ail  it  suffered  for  the  glory  of  God 
and  the  salvalion  of  man,  and  on  account  of  its  being  in  the  Eucharist 
the  food  of  our  soûls  and  the  source  of  grâce,  according  to  the  explicit 
testimony  of  Jésus  Christ  Himself  when  He  promised  this  great  gift: 
"  The  bread  that  I  will  give  is  my  flesh  for  the  life  of  the  world.  If 
anj  man  eat  of  this  bread,  he  shall  live  for  ever. . . ,  Except  you  eat  the 
Kleeh  of  the  Son  of  Man  and  drink  His  Blood,  you  shall  not  hâve  life 
in  you.  He  that  eateth  my  Flesh,  and  drinketh  my  Blood  hath  ever- 
lasting  life. . .  .For  my  Flesh  is  méat  indeed,  and  my  Blood  is  drink  in- 

deed As  the  living  Father  hath  sent  Me,  and  I  live  by  the  Father, 

80  he  that  eateth  Me,  the  same  also  shall  live  by  Me."  (St.  John  VI.,  52, 
54,  56,  58.)  Thèse  inspired  words  make  this  deified  Flesh,  that  "  lives 
by  the  Father,"  infinitely  worthy  of  the  deepest  adoration  and  the  most 
temîer  love.  To  bear  public  testimony  to  this  truth  the  Chucrh  has  es- 
tablished  a  solemn  feast  spécial ly  consecrated  to  the  worship  of  this  div- 
ine body.  .\nd  that  the  faithful  may  not  be  misled  as  to  the  real  object 
of  this  aolemnity,  she  has  decreed  that  it  shall  bear  a  name  which  marks 


—  1053  — 

• 

its  true  character,  and,  therefore,  she  calls  it  the  feast  of  Corpus  Christi, 
that  is,  of  the  Body  of  Christ.  It  is  thus  clear  —  though  perhaps,  in 
countries,  where  the  popular  name  of  the  feast  emphasizes  the  Divinity 
or  the  Majesty  of  our  Sacramental  King,  as  in  the  French  "  Fête-Dieu," 
or  the  Spanish  "  Su  Divina  Majestad,"  sufficient  attention  may  not  be 
paid  to  the  central  dogma  —  that  the  spécial  and  particular  object  of 
dévotion  to  the  Blessed  Sacrament  is  the  ver}'  Flesh  of  Christ.  It  is  not 
to  His  Soûl  or  His  Divinity,  or  His  Divine  Person,  that  the  feast  is  fonn- 
ally  dedicated;  ail  thèse  are  involved  in  it  only  indirectly,  or,  as  we  say 
in  technical  language,  by  concomitance.  Its  direct  and  immédiate  object 
is  the  Flesh  of  Christ  in  the  Blessed  Sacrament. 

The  dévotion  to  the  Sacred  Heart,  like  ail  dévotions  not  immediately 
concerned  vsdth  the  entire  Sacred  Humanity  of  Christ,  has  a  double  ob- 
ject,' one  sensible,  the  other  spiritual.  A  parallel  instance  is  the  dévo- 
tion to  the  Five  Wounds,  of  which  the  sensible  object  is  the  Wounds 
themselves,  while  the  spiritual  object  is  the  suffering  that  thèse  Wounds 
infiicted  on  Christ  and  the  love  with  which  He  Isore  them.  So,  the 
sensible  object  of  the  dévotion  to  the  Sacred  Heart  is  the  Heart  of  Flesh 
in  the  adorable  body  of  Christ  ;  in  other  words,  the  Heart  of  Christ  un- 
derstood,  not  metaphorically,  but  in  its  natural  and  obvious  meaning. 
This  is  proved  by  the  well  known  words  of  Our  Lord  Himself  to  Blessed 
Margaret  Mary,  words  which  we  may  safely  quote,  not  as  a  révélation 
declared  by  the  Church  to  be  truly  and  infallibly  Divine,  for  no  such 
déclaration  has  ever  been  made,  but  as  a  document  carefully  examined 
by  the  Church  and  recognized  by  her  as  conforming  to  the  deposit  of 
faith,  and  as  furnishing  an  historical  basis  for  the  dévotion.  Now, 
Blessed  Margaret  Mary  says  Our  Lord  uncovercd  His  Heart  and  spoke 
of  the  physical  Heart  which  He  uncovered  and  exposed,  "Behold  this 
Heart,"  and  it  is  this  Heart  which  He  wishes  to  be  honored  by  a  fest- 
ival. Moreover,  whenever  she  mentions  this  dévotion  she  always  speaks 
of  the  Heart  of  Jésus  in  its  natural  sensé.  So  much  for  the  sensible 
object  of  the  dévotion.  As  to  the  spiritual  object,  it  is  clearly  pointed 
out  in  the  following  words  :  "  Behold  this  Heart  which  has  so  loved  men 
that  it  has  withheld  nothing,  even  exhausting  and  consuming  itself  to 
prove  to  them  its  love.  And  in  return  I  receive  for  the  most  part  only 
ingratitude,  contempt,  irrévérence,  sacrilège,  and  the  indifférence  which 
they  show  me  in  this  sacrament  of  love."  Therefore,  the  spiritual,  and 
I  may  add  from.  the  context,  the  principal  object  of  the  dévotion  i.«! 
Christ's  love  despised  and  wounded  by  the  ingratitude  of  men.  This 
constitutes  an  essential  différence  between  dévotion  to  the  Blessed  Euch- 
arist  and  dévotion  to  the  Sacred  Heart.  The  former  would  be  binding 
on  ail  the  faithful,  even  if  there  never  had  been  any  indifTerence  con- 
tempt or  sacrilège  ;  the  latter  is  a  réparation  for  neglect  and  insuit. 

Thèse  considérations  show  the  différence  between  tbe  motives  of  the 
two  dévotions.  In  the  Blessed  Eucharist  the  motive  for  honoring  the 
Body  of  Jésus  Christ  is  the  infinité  dignity  of  this  adorable  Flesh  and 
Christ's  boundless  love  manifested  therein,  and  calling  for  responsive 
love.  In  the  Sacred  Heart  dévotion  the  ep.=;ential  motive  is  sympathy 
with  the  Heart  of  Christ,  wounded  by  ingratitude,  and  the  désire  of  re- 


—  1054  — 

paration  to  that  Tleart  wliicb,  alone  ol  ail  tho  parts  of  tlie  Divine  Body, 
has  been  tlie  seat  of  thèse  bitter  pangs.  This  is  admirably  expressed  in 
the  antiphon  for  the  Magnificat  in  the  first  Vespers  of  the  Feast  of  the 
Sacred  Heart  :  "  My  Heart  hath  expected  reproach  and  misery  ;  and  I 
looked  for  one  that  would  comfort  me,  and  I  found  none."  (Ps. 
LXV1II.31,  22.)  And  tlie  double  objeet,  sensible  and  spiritual,  is  clear- 
ly  manifest  in  the  following  stanza  from  the  hymn  for  lauds  : 

Te  vulneratum  caritas 
Ictu  patenti  voluit, 
Amoris  invisibilis 
Ut  veneremur  vulnera; 

which  may  be  freely  rendered  : 

Thy  Heart's  full  immolation 
The  open  Wound  reveals, 
And  to  our  réparation 
Thine  unseen  love  appeals. 

And  yet,  after  ail  thèse  explanations,  the  fact  remaius  that  the  différ- 
ences between  thèse  two  dévotions,  albeit  undoubtedly  real,  are  not  so 
striking  as  their  points  of  contact.  Mark,  in  the  first  place,  how  Christ 
reveals  His  Heart  in  the  Blessed  Sacrament:  What  is  called  the  Great 
Apparition  —  from  which  I  bave  qnoted  Our  Lord's  own  words  —  oc- 
ourred  in  the  présence  of  the  Blessed  Sacrament  exposed  on  the  altar 
during  the  octave  of  Corpus  Christi.  Thus  Christ  chose,  for  this  sol- 
emn  manifestation  of  His  Heart  —  a  manifestation  which  wa;S  the 
climax  of  a  great  number  of  previous  appritions  leading  np  to  it  as 
their  culmination  —  the  octave  consecrated  to  the  Blessed  Eucharist 
and  the  time  during  which  His  glorified  Body  under  the  sacramental 
veils  was  exposed  to  the  spécial  adoration  of  the  faithful.  On  this  appar- 
ition Father  Tesnière  comments  as  follows  :  "  '  Behold  His  Heart  !  '  He 
shows  it  there  under  the  veils  of  the  Eucharist,  which  he  has  miraculous- 
ly  ^^^thdrawn  in  order  to  appear  to  the  Blessed  Sister.  He  shows  His 
Heart  living  and  throbbing  in  his  open  breast,  the  source  of  the  Blood 
that  flows  in  His  veins,  the  motor  of  the  life  that  animâtes  Him.  He 
shows  it  loving,  the  organ  of  the  affections  of  His  soûl,  the  sensible  sym- 
bol  of  His  spiritual  love  of  God  and  man,  grieved  at  the  coldness  of  men 
and-yearning  to  be  loved.  It  is  truly  the  Heart  of  Jésus,  inséparable 
from  the  Humanity  of  which  it  is  one  of  the  most  vital  organs,  insépa- 
rable from  the  Person  of  the  Word  who  déifies  it  substantially,  in- 
séparable frorn  the  Sacrament  in  which  alone  the  Christ  of  glory  can 
romain  hère  Itelow.  Let  us  adore  its  real  and  abiding  présence  in  the 
Kur-haristic  Christ.  May  our  adoration  and  homage,  the  profession  of 
our  faith  and  love,  pour  themselves  out  at  the  foot  of  the  altar,  before 
the  tabernacle  which  has  guarded  that  Heart  since  the  evening  of  the 
La.st  piipper,  and  which  will  guard  it  till  the  last  evening  of  the  world." 
(The  Eufharifîtic  Heart  of  Jésus,  p.  3.) 

Moreovor,  the  practices  of    dévotion  recommended  by  Our    Lord  to  ' 
Ble«ped  Margarct  Mary  are  ail  intimately  connected  with  the  Blessed 
Eudiarist.     In  the  first  révélation  on  the  feast  of  St.  John  the  Evan- 


gelist,  He  presented  to  Her  His  Heart,  encircled  by  a  ciowu  of  thorus, 
and  surmounted  by  a  cross,  with  fiâmes  and  rays  ail  round  it,  more 
brilliant  than  the  sun,  and  transparent  as  crystal,  and  then  He  said  :  "  I 
ardently  thirst  to  be  loved  and  honored  by  men  in  the  Blessed  Sacra- 
ment."  He  afterwards  made  His  desires  more  spécifie  and  transformed 
them  into  formai  demands  akin  to  commandment^  : — "'  First,  thou  shah 
receive  Me  in  the  Most  Blessed  Sacrament  as  often  as  obédience  will 
permit,  whatever  mortification  and  humiliation  it  may  bring  upon  thee." 
N"ow  that  daily  communion  is  so  highly  recommended  by  the  Sovereign 
Pontiff,  an  order  like  this  to  a  pious  nun  would  seem  unnecessary;  but 
we  must  remember  how,  in  the  second  half  of  the  seventeenth  century, 
when  thèse  apparitions  took  place,  Jansenism,  with  its  h}-pocritical  aver- 
sion to  fréquent  and  still  more  to  daily  communion,  had  penetrated  even 
into  the  most  fervent  religions  communities,  and  thus  really  did  bring 
upon  Blessed  Margaret  Mary  great  mortification  and  humiliation.  "  Sec- 
ondly,"  Our  Lord  continues,  "  thou  shalt  communicate  the  first  Friday 
of  every  month.  Thirdly,  every  night  between  Thursday  and  Friday, 
thou  shalt  rise  between  eleven  and  twelve  to  keep  me  company  in  the 
prayer  which  I  then  ofFered  to  Mv  Father,"  and  this  holy  hour  was  to 
be  spent  in  présence  of  the  Blessed  Sacrament.  "  Fourthly,  I  demand 
of  thee  that  the  first  Friday  after  the  octave  of  Corpus  Christi  be  dedi- 
cated  as  a  spécial  feast  in  honor  of  My  Heart,  by  communicating  on  the 
day,  and  making  an  act  of  réparation  to  repair  the  indignities  It  has 
received  during  the  time  It  was  exposed  on  the  altars."  Thus,  private 
adoration  and  réparation,  public  honors,  more  prolonged  attendance 
near  the  Tabernacle,  ail  thèse  characteristic  praceices  of  the  dévotion  to 
the  Sacred  Heart  are  to  find  their  centre  of  worship  in  the  Blessed 
Eucharist. 

And  how  wonderfully  thèse  holy  practices  bave  spread  throughout  the 
Church.  The  promises  made  by  Christ  Himself  to  Blessed  Margaret 
Mary  in  favor  of  those  who  are  devout  to  His  Sacred  Ileart,  cspecially 
the  twelfth,  promising  the  grâce  of  final  pénitence  to  those  who  receive 
Holy  Communion  on  the  first  Friday  of  nine  consécutive  months,  hâve 
marvellously  encouraged  this  dévotion  of  the  First  Friday.  Few,  if 
any,  other  dévotions  bave  so  taken  hold  of  Catholics  in  gênerai  as  this 
practice  of  receiving  Holy  Communion  on  the  first  Friday  of  every 
month.  Grown  men  and  women  are  continually  performing  almost 
heroic  acts  of  self-denial  in  order  not  to  miss  their  first  Friday.  Some 
years  ago  I  read  of  a  street-car  conductor,  who,  being  on  dufy  one  first 
Friday  from  six  ''n  the  morning  till  five  in  the  evening,  with  ihe  un- 
remitting  strain  of  mind  which  his  charge  reciuired,  remaine<l  fasting 
from  midnight  —  sovonteen  bours  —  and  then  hurried  to  Church  to  re- 
ceive His  Lord  in  the  Eucharist.  During  the  past  fKtv  years,  wbon  the 
last  remains  of  Jansenistic  préjudice?  were  dying  hard,  the  first  Friday 
dévotions  bave  not  only  made  montbly  communion  popular,  but  bave 
accustomed  the  Catbolic  laitv  to  freciuent  communion.  Peonlc  who  re- 
ceived on  the  first  Fridav  of  a  month  in  which  the  followinu:  Sunday 
was  an  important  feast,  were  also  encouraged  to  receive  on  that  Sunday. 
and  gradually  acquired  the  habit  of  weekly  communion.   In  this  manner 


—  1056  — 

the  dévotion  to  the  Sacred  Heart  has  been  a  potent  factor  in  the  ever 
advauciug  movement  towards  daily  communion.  Long  before  the  Holy 
Father  had  settled  once  ond  for  ail  the  discussions  among  Catholic 
ilieologiaus  on  the  requisite  dispositions  for  the  daily  réception  of  the 
Eucharist,  the  most  insistent  advooates  of  this  dailv  réception  were,  gen- 
erally  speaking,  the  most  ardent  propagators  of  dévotion  to  the  Heart 
of  Jésus.  They  ahvays  maintained  that,  excellent  as  was  the  solemn 
outward  profession  of  belief  in  the  Real  Présence,  the  best  and  most 
practical  act  of  obédience  to  the  injunction  of  Christ,  "  Except  ye  eat 
the  flesh  of  the  Son  of  Man,  ye  shall  not  hâve  life  in  you,"  was  to  make 
this  divine  sacrament  the  daily  food  of  their  soûls  just  as  we  make  bread 
the  daily  food  of  our  bodies.  And  now  that  the  Vicar  of  Christ  has 
pronounced  so  clearly  on  the  opportuneness  and  desirability  of  daily 
communion  for  ail  who  are  in  the  state  of  grâce  and  hâve  a  right  in- 
tention, the  devotees  of  the  Sacred  Heart  rejoice  in  their  increased  facil- 
ities  for  loving  réparation. 

To  sum  up  the  purpose  of  this  paper,  what  I  hâve  been  trying  to  prove 
is,  on  the  one  hand,  the  distinction  between  dévotion  to  the  Blessed 
Eucharist  and  dévotion  to  the  Sacred  Heart,  and  on  the  other,  the  intim- 
ate  union  between  thèse  two  dévotions.  Jésus,  viewed  in  His  wounded 
Heart,  adds  to  the  worship  of  the  Eeal  Présence  and  the  eating  of  His 
Flesh,  the  élément  of  réparation  for  indifférence  and  insults.  Ail  the 
practices  of  the  Sacred  Heart  dévotion  centre  in  the  Blessed  Eucharist, 
and  thèse  practices  bave  greatly  promoted  and  continue  to  promote  de- 
Totion  to  our  Sacramental  King. 


INFLUENCE   OF  RELIGIOUS  HOME  TRAINING. 


DR.  THOMAS   O'HAGAN. 


THE  Church,  the  Home,  and  the  School  —  thèse  are  the  trinity  that 
mould  our  lives,  fasliion  our  cliaracter,  and  fit  us  for  tlie  Knighthood  of 
hearen  and  the  Knighthood  of  earth.  Each  of  this  trinity  bas  its  great 
work  to  do. 

The  Church  pours  upon  the  new-born  the  regenerating  M^aters  of 
Baptism,  and  makes  it  a  child  of  God,  and  heir  to  the  Kingdom  of 
Heaven  ;  the  Home,  represented  in  the  father  and  mother,  keeps  watch 
orer  the  seedlings  of  grâce  implanted  at  baptism  in  the  garden  of  the 
infant  heart,  and  nourishcs  those  seedlings;  while  the  School  trains  will, 
and  heart,  and  inind  to  follow  the  precepts  of  truth,  and  hearken  to  the 
voice  and  admonitions  of  God. 

Now,  the  nearest  représentative  of  God  in  regard  to  the  child  is  the 
Church  ;  but  the  Church  du  ring  the  first  years  of  the  child  cannot  exert 
her  VATH  (hu:,X\y  over  it,  so  that  the  life  of  grâce  implanted  through 


—  ior>:  — 

baptism,  iniist  reniain  without  noursislinient,  unless  the  parents  un- 

less  fatlier  and  mother,  watcliing  over  tlie  seedlings  of  grâce  iiiiplanted 
bv  holy  baptisni  in  the  heart  of  thc  cbild  —  foster  bv  piety,  precept  and 
prayer  the  tender  l}iids  of  faith  and  love  that  hiter\nll  bear  beaut;eoiis 
blossoms  in  tlie  full  suinmertide  of  the  garden  of  life. 

Father  Beeker,  tlie  well-known  Jesuit  author.  in  hi?  admirable  work 
'•  Christian  p:ducation,"'  likens  the  soid  of  a  ch'ild  after  baptisni  to  the 
bud  of  a  sunflower,  and  he  asks  what  is  necssarv  tliat  this  hud  be  devel- 
oped  to  the  full  splendor  of  blossom?  Xothing^  Father  Recker  answers, 
except  that  parents,  especially  the  mother,  direct  this  bud  again  and' 
again  to  the  light  and  warmtïi  of  religion.  If  she  does  not  understand 
this,  or  if  she  fails  to  do  this,  then  the  tender  bud,  the  soûl,  the  heart 
of  the  cliild,.  will  waste  away  and  die. 

It  is,  as  you  ail  no  doubt  know,  the  opinion  of  soiue  of  the  greatest 
adepts  in  pédagogies,  that  as  the  child  is  in  its  sixth  or  seventh  vear  so 
it  will  reniain.  Indeed,  we  hâve  proof  of  this  set  before  us  in  the  lives 
of  the  saints.  From  very  tenderest  childhood  tbese  holy  meii  and 
women  were  directed  by  pious  niothers,  who  instilled  in  their  liearts  a 
love  of  prayer,  a  dévotion  to  Jésus  and  Mary,  a  ])ractice  of  the  sweet 
duties  of  religion.  Susanna  and  Tobias  are  examples  in  the  Ohl  Test- 
ament: and  in  the  Christian  era  we  bave  a  St.  Louis  of  France,  a  St. 
Aloysius  and  a  St.  Stanislaus.  Yes,  assuredly,  as  the  child  is  in  its 
sixth  and  seventh  years  through  the  care  of  parents,  so  it  will  remain. 

Is  it  not  true  that  we  hear  to-day  complaints  on  every  side  of  the 
alarming  increase  of  crime  oommitted  in  early  childhood  and  vouth, 
crimes  of  every  description,  down  to  dastardly  5uici<le.  We  boast  of  our 
civilization,  of  our  progress,  of  our  intellectual  advancement,  but  whence 
cornes  that  friglitful  increase  in  the  number  of  juvénile  criminals?  lias 
the  influence  of  religious  home  training  ceased  ?  .\re  our  mothers  ceas- 
ing  to  be  mothers!-'  Are  tlie  altars  of  oui-  homes  adorued  with  naïKjht 
but  Dead  Sea  fruit? 

Philanthropists,  who  study  and  note  this  alarming  increase  of  cnme 
aniong  the  youth  of  our  land.  attribute  it  to  a  lack  of  éducation  during 
early  childhood.  They  hold  that  greater  pains  sliould  lie  taken  with  the 
éducation  of  children,  while  they  are  small  and  that  more  attention 
sliould  be  given  to  the  kindergarten  training,  chiiming  —  and  in  this 
they  are  right  —  that  a  more  lasting  impi'cssion  can  be  madc  on  the 
character  of  every  man  before  lie  bas  reached  the  .-;ixtli  year  of  bis  life, 
than  ail  in  subse(|uent  years  together. 

Tlie  kindergarten  is  imlced  verv  good.  pi'oxidcd.  as  Fatbcr  Hcckcr 
says,  it  be  jiervaded  with  the  light  and  warmth  of  tlie  one  tnic  ivligion 
whit'h  the  Divine  Lover  of  children  bas  instituled.  lUit.  after  ail.  is  not 
the  j>arental  borne  the  best  kindergarten;  and  is  not  a  pious  mother  in 
this  garden  the  best  gardener?  Who  will  watch  more  oarefully  the  bud- 
ding  flower  of  virtue  in  the  heart  of  the  child  than  the  mother?  Who 
will  tend  so  assidiioiwlv  this  tlower,  breatbing  inlo  its  pctals  the  warmtl» 
of  piety  and  faith  and'  niirturing  it  with  the  sunsbine  of  praver  as  the 
mother?  Oli  !  mv  friends,  let  us  not  be  mistakcii.  It  is  from  the  mother 
that  radiâtes  ail.  or  wcll  nigh  ail.  the  influence  of  religious  hr)m('  traiii- 
34 


—  1058  — 

ing  From  the  father  the  ehild  indeed  acqiiires  wisdom,  and  that 
streuf'th  of  miud  aud  discipline  of  the  will  wliicli  conie  from  ready  and 
clieoiîul  obédience;  but  it  is  on  the  mother's  lap,  in  the  mother's  arni, 
that  the  child  receives  that  moral  impress  which  fashions  its  life  for 
time,  and  acconipanies  it  even  into  eternity. 

î^o  matter  what  your  priests  niay  do,  says  the  éloquent  Bishop 
Gordon,  of  Leeds,  England;  no  matter  how  zealous  the  sisters  and  the 
teachers  may  be,  parents  hâve  a  duty  to  their  little  ones,  which  no  one 
else  can  discharge.  They  must  always  remain  the  finst  teachers  and 
instructors  of  tlieir  olfspring.  This  is  the  law  of  nature,  the  law  of 
religion,  the  order  of  Divine  Providence,  the  will  of  God.  It  is,  con- 
tinues the  Bishop  of  Leeds,  on  the  mother's  lap  that  the  little  child 
should  learn  to  lisp  its  first  prayer  to  praise  God  its  maker,  to  bless  God 
its  Saviour,  to  love  Jésus  of  the  M'anger,  Jésus  of  Calvary,  Jésus  of  the 
Tabernacle. 

It  is  from  a  father's  lips  it  must  learn  its  first  lessons  of  wisdom. 
Thèse  lessons  will  never  be  forgotten.  This  primary  duty  of  parents  is 
such  that  unie&s  it  be  observed,  priest,  and  nuns,  and  teachers  will  labor 
in  vain.  Unless  parents  cooperate  with  them,  it  is  not  possible  to  give 
children  a  proper  training.  What  is  built  up  in  school  or  in  Church, 
if  not  supported  or  strengthened  by  home  teaching  sooner  or  later  must 
fall  to  ruin.  Hence  the  duty  of  parents  is  to  provide  their  children 
with  a  Christian  home. 

And  now,  let  me  ask  what  is  a  Christian  home  ?  It  is  a  f  ortress  built 
by  the  hand  of  God,  founded  and  instituted  at  His  command,  sanctified 
by  Ilis  Divine  love.  It  is,  as  the  good  Bishop  of  Leeds  says,  a  home,  in 
which  religioif  holds  the  first  place,  in  which  the  name  of  Our  Lord  is  a 
familiar  sound,  and  where  the  parents  govern  themselves,  and  rule  their 
children,  by  the  principles  of  a  Cliristian  life.  The  Christian  home  is 
easily  discovered.  The  very  walls  of  the  house  will  tell  you  at  a  glance 
who  it  is  that  holds  the  first  place  in  the  minds  and  hearts  of  the  in- 
matee.  If,  on  looking  around,  the  eye  rests  on  emblems  of  our  holy 
faith  ;  if  you  find  in  every  room  the  Crucifix,  or  the  image  of  Our  Lady, 
or  a  religious  picture;  if  you  see  the  holy  water  stoup  well  replenished, 
along  with  other  tokens  of  faith,  then  the  very  appearance  of  the  house 
will  afford  presumptive  évidence  that  Our  Divine  Lord  holds  His  right- 
ful  place  in  the  bosom  of  the  family  dwelling  there. 

What  is  a  Christian  home?  Is  it  not  one  modelled  on  the  Holy  Home 
at  Nazareth,  where  dwelt  Jésus  and  Mar\^,  and  Joseph;  where  holiness 
reigned  throughout,  and  where  flourished  every  domestic  and  social 
virtue?  In  this  Ilojy  Home  at  Nazareth,  Christ,  Our  Divine  Lord  and 
Saviour,  chose  to  live  for  thirty  years.  He  spent  His  childhood,  His 
bovhood,  and  His  youth,  subjeet  to  His  Blessed  Mother  and  His  foster 
father  Joseph.  In  His  wisdom,  Our  Divine  Lord  willed  to  appear  among 
us  as  a  little  child.  Ho  bcgan  life  as  we  begin  it,  and  passed  through 
every  stage  of  it.  This  Holy  Home  at  Nazareth  is  our  model  —  the 
mode!  for  you,  parents,  of  a  Christian  home.  If,  indeed,  your  homes  be 
modellefl  on  the  Homo  at  Nazareth,  little  fear  will  there  be  that  your 
children  will  lack  religions  home  training;  for  your  lives  will,  likethat 


—  1059  — 

of  Mary  and  Joseph,  be  a  daily  lesson  in  piety  and  prayer,  and  vour 
children,  subject  to  you,  will  grow  tlirough  fond  obédience,  as  did'Our 
Divine  Lord,  in  every  virtue  and  grâce. 

You  remember  that  our  late  Holy  Father  Pope  Léo  XIIL,  of  blessed 
memory,  in  his  Encyclical  on  the  Pious  Association  of  the  Holv 
Family,  sets  forth  clearly  liow  how  tlie  Holy  Familv  of  Nazareth 
is  a  model  for  every  Christian  family  of  to-da}-.  "  In  Saint  Joseph."' 
says  the  late  Holy  Pontifî,  "  the  father  of  a  "family  lia^  a  wondrous 
example  of  parental  solicitude  and  care;  in  the  Most  Holy  Virgin 
Mother  of  God,  mothers  find  a  perfect  model  of  love,  of  modesty,  of  rés- 
ignation, and  of  perfect  faith;  and  in  Jésus,  \Yho  '  was  subject  to  them,' 
children  hâve  a  divine  pattern  of  obédience  for  their  admiration,  their 
dévotion,  and  their  imitation.  Those  who  are  highly  born  will  learn 
from  this  family  of  royal  blood,  how  to  be  modest  in  prosperity,  and 
dignified  in  adversity.  The  rich  will  be  taught  how  virtue  must  be  pre- 
ferred  to  riches.  Those  who  are  engaged  in  labor,  and  ail  who,  espe- 
cially  in  our  times,  are  so  strongly  tempted  to  dissatisfaction  and 
impatience  by  straitened  circnnistances,  and  the  hardships  which  thev 
and  theirs  hâve  to  sull'er,  need  only  cast  their  eyes  upon  thèse  lioly  mem- 
bers  of  a  holy  household,  and  they  will  find  reasons  rather  for  rèjoicing 
than  for  murmuring  at  the  lot  which  bas  fallen  to  them.  Like  the  Holv 
Family  they  labor  :  like  the  Holy  Family  they  bave  to  provide  for  their 
daily  bread;  like  Joseph,  they  must  live  by  what  they  earn  :  and,  if  they 
work  with  their  own  hands,  so  also  did  Jésus  before  them. 

But  let  me  clearly  understood  hère.  The  very  centre  of  the  radiating 
influence  of  religious  home  training  is  the  mother.  She  is  the  spiritual 
sun  of  the  household,  giving  light  and  warmth  to  its  every  nook  and 
corner,  filling  it  Avith  an  atmosphère  of  love  and  joy,  and  the  eternal 
sunshine  of  heaven. 

But  you  will  ask  who  and  what  is  a  Christian  mother  ?  Let  me  answer 
you  in  the  words  of  Pov.  Bertrand  L.  Conway,  the  Paulist  Father  :  "  A 
Christian  mother  is  onc  who  makes  of  maternity  a  priesthood,  and  pours 
the  faith  of  Christ  into  the  very  veins  of  her  child  as  she  nurses  him  at 
her  breast.  One  who  teaches  his  little  hands  to  join  in  prayer,  and  his 
little  lips  to  lisp  the  sweet  name  of  Jésus  and  Mary.  She  is  the  motlier 
who  knows  how  to  carcss  and  liow  to  punish,  how  to  be  self-sacriflcing 
and  to  resist  her  child's  whims.  She  is  the  woman  who,  later  on,  will 
be  glad  to  sacrifice  the  claims  of  vanity  and  the  désire  for  pleasurc,  to 
give  her  whole  time  and  attention  to  her  growing  childron  :  wlio  will 
prefer  the  voluntary  slavery  of  home  duties  to  the  ca})ricious  liberty  of 
the  world.  Such  a  mother  will  be  well  able  to  instill  into  her  daugliter 
modesty  and  dévotion,  and  to  teach  her  son  the  manly  virtues  and  tlu» 
noble  passion  of  duty." 

Such,  my  friends,  is  the  portrait  of  the  good  Christian  mother,  liinne<l 
for  us  bv  Father  Conway,  in  his  interesting  work,  "The  Christian  Fam- 
ily." Both  Father  Conway  and  Father  Bocker.  it  will  bo  observed,  em- 
phasize  for  us  the  work  of  tho  Christian  inothor.  Wliy  ?  Bc^-au.^o,  nftcr 
ail,  it  is  to  our  mothers  we  owe  our  chief  gift^  —  indeed,  our  wbole  htij»- 
piness,  intellectual  and  moral.     Il  is  they  who  create  the  moral  atnio- 


_10G0  — 

snluMv  .I-  tlu>  ho.no,  fix  its  .kvalogue,  tr.ul  the  flaïue  upon  its  spiritual 
-, fir  and  load  us  bv  tlie  liand  along  Uto  ])ath  wlncli  dnty  bas  maiked 
fo  ouHool'tops.  TluM-e  is  not  one  in  Uns  Imll  to-day  that  does  not 
realize  in  lus  lifo  tho  in«uem-e  of  a  good  niother.  There  is  not  one  m 
tins  liall  to-dav  wliose  meniory  does  not  reach  back  m  childhood  to  a 
cood  nu.ther,  pcvhaps  now  dwollino-  witb  tl)e  Saints  of  God  To  me,  next 
U)  the  sarran'ents  of  (iod's  Chureh,  and  the  teaclung  ot  lier  divinely 
appoiuted  pastors,  T  owe  more  to  the  meniory  of  a  good  and  P^o^^s  mother 
in  keeping  my  stunibling  foot^teps  along  tlie  path  of  hght  and  dnty,  than 

to  anv  otlier  influence.      ,  ,  .  n        i     •  +i,^^ 

Throu-di  tlie  niists  of  vears,  T  see  now  tins  good  and  pions  mother 

crathering  lier  little  familv  around  her,  in  lier  humble  abode    m  sweet 

converse  witli  God  in  evening  prayer.     Hers  was  the  simple  faith  of  a 

child  : 

'' N'ot  learned,  save  in  gracions  honsebold  ways ; 
\oi  ])errect,  nay  l)ut  full  of  tender  wants  ; 
No  angel,  but  a  dearer  being  ail  dipt 
Tn  angel  instincts  brentliing  Paradise, 
Interpréter  lietween  the  gods  and  nien, 
AMio  lookM  ail  native  to  her  place,  and  yet 
On  tiptoe  seeniM  io  tonch  npon  a  sphère 
Too  gross  to  tread,  and  ail  maie  niinds  perforée 
Sway'd  to  her  froin  their  orbits  as  they  mov'd, 
And  girdled  her  with  mnsic.     ITappy  be 
With  sucli  a  mother!  faitb  in  womankind 
Beats  with  bis  blood  and  trust  in  ail  tbings  bigb, 
Coiues  easy  to  bini,  and  tho'  bc  trip  and  fall. 
Ile  shall  not  blind  bis  soûl  with  clay." 

T  ani  sure,  then,  tliat  il  is  évident  to  every  one  of  us  tbat  in  the  home, 
the  niother  is  the  very  altar  dispensing  from  tapers  of  purity,  faitb, 
dévotion,  and  truth,  the  light  wbicli  illumines  eacb  Ohristian  honsebold. 
Xay,  lier  sweet  soûl  is  the  lily  on  the  altar,  symbolizing  the  Lily  Maid 
of  Israël  clad  with  blue  niantle  —  the  Mother  of  our  Divine  Lord. 

If.  iheii.  \ve  would  bave  religions  home  influences  safeguarding  the 
livcs  of  our  children,  we  niust,  first  of  ail,  bave  good  motbers.  You 
know  fui!  well  that  wbat  children  see  niakes  a  far  deeper  impression  on 
thcm  than  wliat  they  bear.  Wbat  will  it  avait  parents,  I  ask,  if  they  en- 
join  upon  their  children  to  attend  Mass  on  Sundays,  and  say  their  morn- 
ing  and  evening  prayers,  if  they  fail  in  thèse  duties  tbemselves?  Tbere 
(•an  be  no  Christian  home  unless  parents  practice  wbat  they  preacb  ;  for 
it  is  tlie  careful  observance  of  religions  duties,  and  the  constant  remem- 
brance  of  God's  présence,  tbat  gives  the  bonie  its  Clwistian  cbaracter.  We 
arc  careful  to  guard  tbeiii  against  the  germs  of  disease.  Are  we  as  care- 
ful to  guard  tbeni  against  the  germs  of  sin?  Are  diseases  of  the  soûl 
)e«s  flangenms,  less  fatal,  than  diseases  of  the  body?  We  Rend  our  child- 
ren to  whool.  tbat  they  may  become  learned  in  the  wisdom  of  tbis  world, 
but  we  often  forget  to  instruct  tbeni  in  Ihe  wisdom  of  God.  They  are 
ricb  in  ail  languatrcs  but  the  language  of  the  soûl.  They  sbine  with  ail 
lijfht.  cave  tho  liglit  of  God. 


—  lOfil  — 

1  feel  tertaiii  tlial  nianv  of  tlie  losses  to  the  Churcli  may  be  traced 
to  the  lack  of  relierions  liome  tiaining.  We  are  not  bereft  of  our  faitii 
in  a  moment.  It  is  iisiially  a  process  of  many  years.  Tlie  parents  who 
fail  to  discharge  their  duties  to  tlieir  cliildren  a.s  practical  C'atholies;  wlio 
do  not  safe  guard  their  tender  and  innocent  soûls;  who  do  not  instruct 
them  in  our  holy  faith  ;  who  yield  to  hunum  res])eot,  and  l)t)w  down  hc- 
fore  the  fashions  and  frivolitios  of  life,  are  uuikin^r  ))ossibh'  and  |)i-obable 
thèse  losses  to  our  holy  failli. 

Are  we  not,  my  good  friends,  living  in  an  âge  most  (langerons  to  the 
praetice  of  Catholic  faith?  and  if  so,  should  we  not,  in  a  spécial  manner, 
safeguard  the  little  ones  in  our  homes,  instruct  them  in  tlie  truths  of 
holy  Cliurch,  and,  if  possible,  ])reserve  unsullied  their  l)a])tisinal  robes? 
But,  let  me  repeat  again,  this  is  largely  the  divine  work  of  the  mother. 
The  spiritual  care  of  the  child  in  tlie  home  is  assuredly  her  task.  and 
blessed  is  the  task  if  she  fulfils  it  well.  In  a  monthly  ])ublication  there 
recently  appeared  tliose  beautiful  words:  "■  Tlie  child  tliat  learns  the  Our 
Father  on  the  lap  of  its  mother;  that  learns  froni  tlie  lijis  of  its  mother 
the  stories  of  the  ])atriarchs,  and  tlie  lovable  narrations  about  the  little 
Christ-Child,  possesses  a  living  source  of  reliiiious  faith  in  its  soûl,  which 
cannot  be  wholly  efPaced,  neither  by  the  scoixhing  suii,  nor  by  the  stonns 
of  life.  The  profound  and  sweet  impressions  instilled  by  a  mother  re- 
main still  fresh  and  green,  Avhen  every  other  recollVcti(Ui  withers  and 
dries  up;  yea,  the  death  agony  itself  cannot  destroy  them." 

Dur  convents  are  doing  a  great  work  to  fashion  Christian  women  to 
tend  tbo  altar  of  home,  but  our  convents  cannot  do  everything.  The 
tyi'annical  exactions  of  society  and  the  false  ideals  of  home,  which  s<) 
largely  chtain  to-day,  well  nigli  nuUify  the  counsels  and  prec-epts  of  the 
good  religions  in  our  cwuvents  and,  as  a  eonserpience,  the  influence  of 
religions  lioine  training  is  often  a  negligible  nuantity  in  many  of  the 
Catholic  honu's  of  our  land.  The  tires  of  faith  arc  allowed  to  burn  down  : 
and  young  cliildren,  wliose  hearts  .^hould  bc  nouri.shed  wilh  the  glow  and 
ardor  of  jiiety  and  dévotion,  grow  up  indillerent,  careless,  and  even 
wicked.  Furthennore,  my  goo<l  friends,  is  not  the  habit  or  custom  of 
faniilv  praver  going  ont?  TTow  many  Catholic  familles  are  thcrc  who 
never  gather  at  eveiilide  to  recite  the  IJosary,  or  tliank  God  for  Ilis  gilts 
and  favors  of  the  day.  In  the  midst  of  our  strenuous  life.  as  we  retire 
in  the  evening  a  ('ter  the  smoke  of  battle,  do  we  not  forget  that  in  ibc 
words  of  Teniivson.  more  tliings  arc  wrouglit  bv  prayer  tltnn  tins  worM 
drcanis  of  : 

"  For  what  are  men  better  than  slieep  or  goats, 
That  nourish  a  blind  within  the  brain. 
If  knowing  Çod  they  lift  not  hands  of  prayer 
Both  for  theniselves  and  tliosc  who  call  them  friend  ? 
For  so,  the  whole  round  earth  is  every  way 
Bound  by  gold  cliains  about  tbc  foot  of  God.'' 

I  fear,  too.  that  oft  our  ideals  are  of  clav  and  brass.  Wallcd  in  bv 
the  matcrial  things  of  life,  we  forget  the  sublime  life  of  the  sonl.     Wc 


—  1063  — 

are  no  longer  chiklren  of  faith.  "We  hâve  lost  the  sweet  visions  of  child- 
liood.  Trust  in  God  lias  gone  ont  from  us.  The  world  has  touched  our 
beauteous  baptismal  robe,  and  virtue  has  gone  out  from  it.  Oh,  could 
we  but  return  and  kneel  again  at  the  altar  of  our  childhood!  Exchange 
our  false  ideals  for  the  simple  faith  of  cliildhood  : 

Hearts  oft  bow  before  strange  idols, 
Strength  of  power  and  breath  of  famé; 
And  forgetful  of  life's  morning 
Dream  of  noontide's  gilded  name; 
But  the  idol  that  I  cherish 
Xnows  no  glory  e'en  in  part: 
'Tis  the  simple  faith  of  childhood 
Long  grown  strong  within  my  heart. 

In  the  darkest  hour  of  trial 
When  eaeh  star  has  veiled  its  face, 
Turn  I  fondly  to  my  idol 
FuU  of  heaveuly  light  and  grâce; 
Then  my  step  grows  firm  and  steady 
Down  the  mystic  path  of  night  ; 
For  the  simple  faith  of  choldhood 
Guides  me,  leads  me,  ever  right. 

This  is  the  faith,  my  fricnds,  that  overcometh  the  world.  "It  is  the 
faith  that  has  hrouglit  tliis  magnificent  Congress  to  our  city.  It  is  the 
faith  whioh  makes  of  each  Christian  home  a  treasury  of  grâce.  It  is  the 
faith  which  links  heaven  and  earth  in  the  Sacrament  of  the  altar,  where 
Christ,  our  divine  Lord,  is  tabernacled  as  our  Guest,  inviting,  entreat- 
ing  the  fathers,  and  mothers,  and  children  of  our  homes  to  share  in  His 
Divino  Ranquet  of  Love. 


—  1063  — 


KAPITEL  V. 


DIE  DEUTSCHE  SEKTION. 


Ein  Teilnehmer  am  Kon^ïress  schreibt  uns  : 

Entsprechend  den  Sprachverliiiltnissen  Kanada?  liatte  sich  auf  dem 
Ivongress  ausser  der  franzosisclicn  iiiid  englischen  Sektion  uur  nocli  eine 
deutsche  gebildet.  Franzosisch  ist  die  Sprache  der  grossen  Mehrzalil 
der  Katholiken  in  der  Provinz  Québec,  zu  welcher  Montréal  gehort.  Die 
Sprachenfrage  und  was  damit  zusamnienhiingt  bringt  nicbt  geringe 
Schwierigkeiten  mit  sich,  die  sich  bis  in  den  Kongress  hinein  bemerk- 
bar  machten.  Deutsche  finden  sich  in  grosserer  Zahl  im  Bezirk  von 
Xew  Germany,  dann  in  Winnipeg  und  im  Westen.  Ausser  von  diesen 
Gegenden  waren  aus  den  Vereinigten  Staaten  manche  Deutsche  zum 
Kongress  heriibcrgekommen.  Sie  aile  freuten  sich,  Deutsche  aus  Deutsch- 
land  wieder  einmal  deutsch  reden  zu  hôren,  \ne  umgekehrt  es  dem 
Deutschen  aus  Deut?chland  zu  Herzen  geht,  liier  Deutsche  zu  finden. 
die  das  Heimatland  ihrer  Viiter  nie  gesehen,  besondcrs  wenn  man  zufiil- 
lig  in  der  Lage  ist,  ilmen  aus  der  Heimat  und  Vorwandtscliaft  ^littei- 
lung  machen  zu  konnen.  In  Montréal  und  IJmgebung  sind  die  Deut- 
schen schwach  vortreten.  Dort  konnten  daher  keine  Vorbereitungen  fiir 
den  Kongress  getrofïen  werden,  sie  fielen  viclmehr  den  von  Europa 
Kommenden  zu.  Erst  auf  dem  Meere  wurden  mit  dem  von  Montréal 
heriibergekommenen  Yertreter  des  dortigen  Lokalkomitees,  Msgr.  Gau- 
thier, Zeit  und  Ort  der  Sektion  bcsprochen  und  nach  Ankunft  in  Mont- 
réal durch  Anschlag  und  Zeitung  (Montréal  Star)  soweit  als  moglioh 
bekannt  gemacht. 

Unter  solchen  Umstanden  war  es  ein  gewisser  Erfolg.  dass  am  Freitag, 
den  9.  Septembor,  nachmittags  3  ITir,  sich  im  unteren  Saale  dor  T^aval 
University  eine  gute  Anzahl  Deutscher  versammclte.  von  dcnen  sich  fol- 
gende  als  anwesend  cinzeichneten  :  Bischof  Koppcs  von  Luxemburg, 
Bischof  Tîichter  (Grand  Rapids,  U.S.),  Weihbischof  Koiidelka  (riove- 
land,  Ohio,  U.S.),  Generalvikar  Dr.  Krcntzwald  (Koln),  Genoralvikar 
Rainer  (Milwaukee,  T'.S.),  (Jencralvikar  Schrembs  (Grand  Rapid.-J, 
U.S.),  Priilat  Zavoral,  Abt  des  Pramonstratenserstiftes  (Prag),  Priilat 


Holiner.  Al)t  tlo^:  rranion?trateiiserstiftos  Tezl  ( Oestcrreieh  )  und  ilesseu 
St'kivtiir.  Prof.  Willoms  (Trier),  Kommerzienrat  ('ahensly  (Limiburg), 
({.  von  dcr  Elsen  (Berne.  Holland),  L.  Pnffer  (St.  Louis,  Mo.,  U.S.), 
l»uis  Herliertli  (Rome,  Kentucky,  I^S.),  J.  Seltmann,  0.  M.  J. 
(Sprin^rlake,  Alberta.  Kanada),  G.  Fischer,  Bénéficiât,  (Mùnclien),  Eev. 
Aujr.  SuH'a  (He.aina,  Kanada),  Rev.  Jos.  Kroba  (Malvin,  Wis.),  B.  H. 
Pennings  (De  Père,  Wis.),  E.  xou  den  Berg  (Berne),  Mieh.  Wallratli 
(C'alusa.  Saeraniento.  Kalif.),  Jos:.Wciss  (Mlinchen),  Yiktor  Hruby, 
Strafanstaltsplarrer  (Gross-Strehlitz),  Eev.  M.  llalni  (St  Glement, 
Ont.),  lîev.  X.  Hengers,  S. M.  (Eichwood,  W.  Va.,  U.S.),  Francis  L. 
Hultgen  (Tiffin,  ()hio),Pev.  P.  Winkelmann  (Albanv,  X.K.),  Eev.  St. 
Foerster  (Xew  (Jcnn'any.  Ont.),  Eev.  A.  Walter  (Hamilton,  Ont.),  Eev. 
Ileinricli  \'elte  (  Beave  Dam,  Wis.),  Eev.  J.  Schrits  (  Duniont,  Minn.), 
Rev.  Bruno  Dorfler,  O-.S.B.  (Miinster,  Sask.,  Ka^nada),  l^ev.  Maurus 
Ferdinand,  O.S.B.  (Cold  Spring,  Minn.),  Eev  P.  Hilland;  O.M.J. 
(Winnipeg.  Man.),  E'ev.  J.  Kowalski,  O.M.J.  (Winnipeg,  Man.),  Eev. 
P.  Kngel,  O.S.B.,  Abt  der  St.  Jobannes-Abtei  (Minn.),  Mrs.  und  Misses 
Lubbe,  St.  Bonifatius  (Quinvey,  III.,  U.S.),  Eev.  Ch.  Broekemeier  (New 
Orléans,  La..  U.S.),  Pt'arrer  Millier  (Koln).  TTeinncli  Jost,  Jos. 
Sclinerk,  Karl  Wan.^  (Winnipcg,  Man.). 

Dcr  IL'.  Biscliof  von  Luxemburg,  Kop])es,  erofïnetc  die  Sitzung  mit 
Gebet  und  bemerkte,  dass  er  als  A''ertreter  des  kleinsten  deutsclien  Lan- 
des den  Vorsitz  dieser  einzigartigen  Versannnlung  gern  iibernelmie,  nm 
den  Deutsclien  aller  Liinder  Xeutralitat,  aber  niehr  noeb  seine  Liebe  von 
ganzeni  Ilerzen  entgegenzidiringen.  Kommerzienrat  rabensly  bericb- 
tete  sodann  iiber  die  segen.sreiche  Tatigkeit  des  St-Eapbael-A"ereins  liin- 
sicbtlicli  des  Emplanges  der  h.  Kommunion  seitens  der  Auswanderer. 

Der  St.  lîa|)baelsverein  zuni  Scliutz  katboliscber  Auswandei'ei-  bat 
vielfaclie  Beziebungen  zur  bl.  Eucharistie. 

Mehr  wie  -il/,  Millionen  Katholikcn  liahen  in  den  letzten  10  Jahren 
ihre  angestainmte  Heimat,  Italien,  Oesterreich-T^ngarn,  ]?ussland,  Ir- 
land,  Deutscbland,  Frankreich,  Portugal,  Belgien,  Xiederlande,  Spanien 
verlas.-^en  und  sind  nacb  den  A'ereinigten  Staaten  von  X^ordamerika  iind 
Kanada  au.^gewandcrt  uml  bahen  .^ic-h  dauernd  daselbst  niedergelassen. 
Vi<de  von  ibncn  babcii.  nacbdem  sic  Uab  und  Gut  versilbert,  in  der  Hei- 
niat  durcb  den  Eiiiiifang  der  bl.  Sakramente  der  Busse  und  des  Altars 
fiich  auf  die  bescbwerlicbc,  mit  Gefabren  aller  Art  verbundene  Eeise 
vorbereitct.  Falls  sic  in  dcr  neinial  kcinc  Zeit  gefunden  baben,  so  tritt 
der  geistlicbc  A'ci'traucnsmann  des  L'apbaclsvereins  im  TTafenplatz  mit 
der  Anfrordcning  an  sic  lieran,  sicb  vor  dcr  Einscbiiïung  mit  dcm  eucba- 
ri.sti«-lien  biminliscbcn  Brote  zu  starken.  Am  Tage  toi-  dcr  Al)fabrt 
eine.s  joden  AuswandererscbifiFes  fiiidct  iiamlicb  in  Bremen,  Handmrg, 
Antwerpen,  l{r)ttcnlam,  TTavre,  Tries!  und  Fiumc  cin  besondercr  Got- 
tesdicnsl  fiir  die  .\uswandercr  .statt,  in  wulcbem  die  Auswanderer  in 
ihrcr  Mutter.spraclie  aul'gcrordcrt  vverden,  in  sicb  zu  geben  und  die  bl. 
Sakranir-nte  der  Biii^c  und  des  .Vltars  zu  empfangen.  Die  Zalil  derer, 
die  ini  vergaiigciHMi  Jabrc  in  den  erst  génannten  5  TTafenplatzcn  die  lil. 
Sakranient.s  cniptin-icn,  bclaiil'l  sicb  auf  'M  190  und  seit  Hcginn  unserer 
Tatigkeit  In'tragt  dieselbe  290  :U2.  Xicmànd  kann  erniessen,  wie  vîel 
Guto.H  Jiierdunh  gewirkt  worden  ist. 


—  10G5  — 

Der  Auswanderer,  losgelost  von  der  Heiniat,  ^ielit  sicli  am  Hafenplatz 
gATïz  ncnien  Verhaltnisseii  iind  cineiii  rreiiiden  ]'rie<ti'r  frejrcniiUor.  (itînet 
ilim  sein  Herz,  legt  ofters  eino  Lehuiisheichte  alj  iind  <(.liatlt  Iult  ilen 
Grand  zn  einem  Leben  jcnseits  des  Ozeans.  Der  St.  Kaphaelsverein 
(lolint  seine  zartliclie  Fiirpor<re  l'iir  die  Eniifrranten  auch  aut'  die  Seereise 
selbst  ans.  Aiif  der  (ieneral-Versaniniliniir  der  Katliolikeii  Deutï^dilands 
in  Essen  iiu  Au*i:iist  190G  wurde  l'olgeudc  liesohilion  augenoiniuen  : 

"Die  5;5.  General-Versaininluno-  der  Katholikeii  Deutsclilands  liait 
es  fur  drin^rènd  gel)oten,  dass  aul'  den  Seescliiffen  deii  katliolischen 
Priestern  wahrend  ihrer  Seereise  ein  passender  Eaiini  ziir  Feier  der  hl. 
Messe  nnd  zur  Abhaltim<;  des  Gottesdienstes  l'iir  die  katboliscben  Aus- 
wanderer und  ]*assa<riere  zur  Verfii^ung  gestellt  werde." 

Der  Vorstand  des  St.  Ka])liaelsvcreins  liât  sicli  dii-serhalb  au  die 
hauptsîiehliclisten  Dauipfsthifr-lîhodereien  gewendet,  a1)er  nur  l)ei  eini- 
gen  derselben  eine  giiu>:ti,ire  Aufnahuie  gefunden.  Baliubrecliend  in 
dicser  Bezielning  sind  die  Heuiiihuugen  des  nngarisclieu  Pialatcu  ^Is.ur. 
Graf  Yay  de  Vaya  orewesen.  Fiir  einen  von  Fiume  (T'ngarn),  abfah- 
renden  Steauier  der  C'unard-Liuie  batte  er  sicb  freiwillig  erboten,  2400 
Arbeiter  als  Seelsorger  auf  ihrer  langen  Fabrt  naoli  Ainerika  zu  betrlei- 
ten,  da  er  luirte,  wie  gross  die  Xot  an  geistlidier  Hille  uud  uioralisclier 
Unterstiitzunor  auf  Auswandererscbifîen  sei.  A'on  den  2400  Louten.  die 
er  auf  ilirer  l^eise  von  20  Tagen  begleitete.  sind  uiindesteus  IK^O  zur 
lil  .  Kouiniunion  nrekomiuen,  und  die  schwere,  traurige  Wanderuns:  ist 
zu  einer  wabren,  freudeerregenden  Mission  geworden.  Fern  von  wwli- 
selnden  Eindriieken,  inniitten  des  AVeltnieeres,  haben  so  vielc  zuiu  or- 
sten  ]\rak'  Gelegenbeit.  iibei-  die  Ycrganglicbkcit  ailes  Irdisclien  nacb- 
zudeuken  und  in  sitb  einzukeliren.  Da  sie  <ranz  und  gar  auf  sieli  an- 
gewiesen  sind,  l)efinden  sie  sicb  in  einer  Stiiuiuung,  die  sie  geeignet 
maclit,  das  "Wort  Gottes  aufnierksam  zu  lioren  und  sicb  dem  lil.  Sakra- 
mente  der  Busse  und  des  Altar>;  zu  iiabern.  Seitdeiu  bat  ^rsirr.  (iraf 
Yay  wiederliolt  ungariscbc  Auswanderer  von  Fiuine  nacli  Malta  und 
Gibraltar  begleitet.  ibnen  an  Bord  religiiisen  Beistand  zu  leil  werden 
lassen  und  fiir  sie  das  bl.  ^lessopfer  dargebracbt. 

Der  A])ostel  der  italiciiiscben  Fiiiigranten  in  Anicrika.  ^Isi:r.  Scala- 
brina,  Biscbof  von.  Fiaccnza,  wckbcr  ini  .labiv  lSs7  das  Institut  Cliri- 
stopb  C'oluiiibus  zur  lleraiibiblung  italieniscbcr  Missionspriester  ins  Lv- 
Ix'U  lief.  war  es  zuerst,  <ler  der  italieniscben  Auswandererscbaft  cinen 
ibrer  Priester  fiir  die  wocbenlange  Seefabrt  zur  T)arbrinirung  ^V'^  bl. 
Dpfers  initgegebcn  bat.  Neucrdings  bat  aul'  X'eranlassung  iinscrcs  bl. 
Yaters,  Pi  us  X,  ifsgr.  Cocolo  dièse  wicbtige  Mission  iibornoiiniifii.  Si-iiic 
Missionare  sind  aul"  allen  Scbiffen  des  Xorddentscben  Tjloyd  und  des 
TJovd  l>('baiidy  zu  liiidcn.  Wcnn  iiiini  in  Erwaguiig  ziclit.  dass  niaïube  dic- 
ser Scliide  2000 — :j(Hi()  .Vuswiuidcrcr  an  Bord  babcn,  so  liisst  siib  cnnes- 
sen,  welcb  ein  Scircn  fiir  die  .\uswandcrer  die  ^fissionare  sind.  Scit 
Jabren  bat  aucb  der  Xorddciitsclie  Elovd  in  Brcuit-n  (i  Mcsskolfi'r  fiir 
seine  ScbifTc  Brcmcii  —  \c\v  York  zur  Feicr  der  bl.  Messe  wiibrend  der 
Seefabrl  angescbairt  und  es  isl  zu  bolTen.  dnss  aucb  die  andereii  Linieu 
dieseni  ]k'isj)iele  folgen  werden. 


—  1066  — 

Wir  Passagicre  der  "  Empress  of  Ireland  "'  hatten  das  grosse  Gliick 
imd  den  Trost,  wiihrend  der  Eeise  von  Liverpool  bis  Québec  das  hl.  Sa- 
krament  verohren  zu  diirfeu  imd  am  Sonntage  einer  feierlichen  lil.  Messe 
iiebst  Predigt  beiwohnen  zii  konnen.  Moge  die  Zeit  nicht  ferne  sein, 
dass  die  verschiedenen  Dampfer-  Koinpagnien  ihre  Sorge  nicbt  blos  dem 
leibliolien  Woldbefinden  ihrer  Passagiere  zuwenden,  sondern  auch  da- 
rauf  Bedacht  nehmon,  dass  denselben  geistlicher  Beistand  zn  teil  werde 
und  sie  die  notigen  Yorkehrungen  trefïen,  damit  wenigstens  an  Sonn  — 
und  Feiertagen  wiihrend  der  Peise  die  lil.  Messe  an  Bord  der  Schiffe  ge- 
feiert  werdeu  kann. 

An  den  Vortrag  schloss  sich  eine  eingehende  Besprechung,  worin  he- 
tont  wurde,  dass  die  einzelnen  Priester,  die  eine  transatlantisclie  Eeise 
zu  machen  beabsichtigen,  friilizeitig  wegen  des  Messkoffers  und  ander- 
weitiger  Vorbereitungen  an  die  Schiffalirtskompagnie  sich  wenden,  sowie 
fiir  die  Fakultiit.  Hosticn  imd  Wein  selbst  sorgen  miissten.  Dann  nahm 
die  Sektiou  cinstinimig  folgende  Eesolution  an: 

"Der  21.  Eucharistische  Kongress  in  Montréal  erachtet  es  fiir  drin- 
gend  geboten,  dass  wiilircnd  der  Seereise  den  katholischen  Priestern  ein 
passender  Eaum  zur  Feier  der  lil.  Messe  nnd  zur  Abhaltung  des  Gottes- 
dienstes  fiir  die  kathol.  Aiiswanderer  und  Passagiere  zur  Verfiigung 
gestellt  werde." 

REDE,  GEITALTEN  IX  der  DEUTSCHEN  SEKTION  DES 
EUCHARISTISCHEN  KO^^GRESSES  ZU  MONTREAL,  VON 
HERRN  PFARRER  MUELLER  (KOELN). 

Einige  Worte  liber  Ivoln  und  den  vorjàhrigen  Eucharistischen  Kon- 
gress diirften  fiir  die  auf  dem  Kongress  zu  Montréal  versammelten  Pil- 
ger  von  Interesse  sein. 

Zuerst  jedoc'h  sei  es  mir  gestattet,  die  herzlichsten  Griisse  und  Gliick- 
wiinsclio  dor  Kathoh'ken  Kiilns,  und  ieh  darf  wohl  sagen,  aller  Katholi- 
kcn  Klicinlaiid.s  und  Dcutschlands,  ihren  hier  in  Montréal  zum  Inter- 
nationalen  Eucharistischen  Kongress  der  Neuen  Welt  versammelten 
Briidom  auszusprechen. 

Xa^^-h  dem  piinktiich  vor  Woihnachten  verofifentlichten  Bericht  iiber 
den  Kongress  zu  KiJln  wurden  bei  demselben,  ausser  in  Latein,  noch  in 
sieben  anderen  Spraclien  Versammlungen  abgehalten,  und  zwar  in 
Dciitscli,  Franzosisdi,  Englisch,  Ttalieniseh,  Spanisch,  Hollândisch  und 
1  olnisch.  Es  waron  al)er  woit  inelir  als  sieben  Nationen  vertreten,  da 
sowohl  Deutsche,  Oestorreicher  und  Schweizcr  in  einer  Sektion  vereinigt 
waren,  als  auch  weiterhin  Franzosen,  Belgier,  Kanadier  und  endlich 
hnglandcr,  frlfitidcr  und  Anierikaner  nur  je  eine  Sektion  bildeten. 

Dir-sc  'l'at.sache  allein  zeigt  schon  den  uirklich  intornationalen  Cha- 
raktf-r  iinseror  Kongresse,  die  so  vicie  Nationen  in  so  vielen  Zungen  in 
einem  Gei.ste  voroinen  zum  Lobe  unseres  Herrn  und  ITeilandes  in  der 
liPiligcn  Encharislic. 

pie  anitlichc  Milglicdcrliste,  ein  sehr  interessanter  Tcil  des  Berichtes, 
weist  iiber  4000  Mitglieder  des  Kongresses  auf.     Ausser  diesen  waren 


—  lonr  — 

jeden  Tag  eine  nocli  gv'ôsséve  Zahl  Pilirer  mit  Tageskarteii  zugegen,  so- 
dass  im  ganzen  liber  20,000  Karten  verausgabt  wurcleii. 

Kolr,  gegriindet  zur  Zeit  von  Christi  Geburt  als  eine  romische  Kolonie 
—  woher  es  seinen  Xamen  triigt  —  ist  Jetzt  eine  Stadt  mit  einer  halben 
Million  Einwohner,  von  denen  vier  Fiinftel  Katholiken  sind.  Es  ist  die 
Ilaupthandelsstadt  des  westlichen  Deutsclilands  und  die  Métropole  der 
Kirchenprovinz  von  Eheinland  und  Westfalen. 

Die  Stadt  hat  manche  Yorziige,  welclie  sie  ali  Versammlungsort  fiir 
einen  Eucharistischen  Kongress  be^onders  geeignet  machen.  Hier 
wurde,  wie  die  Tradition  sagt,  der  katholisclie  Glaiibe  sclion  von  den 
Sclmlern  der  Apostel  gepredigt,  welche  auch  in  Koln  and  Trier,  welch 
letzteres  zur  chrislichen  Zeit  bekanntlich  eine  Eesidenzstadt  der  ro- 
misclien  Kaiser  war,  Bischofsitze  erricliteten.  Zu  Koln  starben  fiir  den 
heiligen  Glauben  in  romischer  Zeit  die  heiligen  Miiityrer  Gereon  mit 
seinen  thebaisclien,  und  Gregor  mit  seinen  mauretanisehen  Soldaten, 
sowie  die  hl.  Ursula  mit  ihren  Gefahrtinnen.  Hier  pflanzten  heilige  Erz- 
bischofe  das  Wort  Gottes  so  tief  in  das  Herz  des  Volkes,  dass  weder  Ro- 
formation  noch  Kevolution  es  zu  ersticken  vemiochten.  Gott  sei  Dank, 
dass  der  katholische  Glaube  auch  niemals  aus  seinen  Mauern  geschwun- 
den.  Mit  berechtigtem  Stolz  nanntc  sich  daher  Koln  von  jeher  die  all- 
zeit  getreuc  Tochter  Roms,  und  wurde  Koln  vielfach  die  heilige  Stadt 
genannt,  sowohl  wegen  seiner  vielen  grossen  und  herrliehen  Kirchen  und 
seiner  einzigartigen  Kathedrale,  als  auch  wegen  seiner  kostbaren  und 
hochverehrten  Reliquien. 

Fiigon  wir  noch  hinzu,  dass  in  der  Stadt  und  Erzdiozese  Koln  die 
Verehrung  des  heiligsten  Altaresakramentes  von  jeher  sehr  tiefe  Wur- 
zeln  geschlagen  hat.  Auf  dem  letzten  Kongress  wurde  darauf  hinge- 
wiesen,  wie  aus  der  grossen  Liebe  zu  unserem  Eucharistischen  Heiland, 
die  im  13.  Jahrhundert  ganz  besonders  auch  in  Koln  und  seiner  Um- 
gebung  herrschte,  das  herrliche  Fronleichnamsfest  1246  in  T^iittich,  das 
damais  zur  Kolner  Kirchenprovinz  gehorte,  entsprang  und  ebenso  in 
denselben  Jahren  (1248)  der  Grundstein  zu  tinserm  Dom  gelegt  wurde, 
dass  die  hl.  Juliana,  um  fiir  ilir  grosses  Werk  der  Einfiihrung  des  Fron- 
leichnamsfestes  den  Segen  Gottes  zu  erflehen,  nach  Koln  zu  den  Schrei- 
nen  der  hl.  Miirtyrer  wallfahrtete,  und  hier  zu  gleicher  Zeit  sololi  grosse 
heilige  Manner  wie  Albert  der  Grosse  und  Thomas  von  Aquin  die  Ge- 
heimisse  des  Altars  in  tiefer  Frommigkeit  betrachteten  und  mit  einer 
staunenswerten  Gelehrsamkeit  verkiindeten,  und  wiederum  in  Kiiln  eine 
Schule  der  Malerei  bliihte,  welche  solche  Meisterwerke  der  Kunst  und 
gerade  mit  Bezug  auf  das  Geheimniss  der  heiligen  Eucharistie  hervor- 
brachte,  wie  sie  heute  noch  die  Fenster  von  St.  Kunibert  in  Koln 
schmiicken. 

Dieser  ununterbrochenen  katholisohen  Tradition  von  Koln  von  alters 
her  bis  auf  unsere  Zeit  muss  in  einem  hohen  Grade  das  kriiftige  katho- 
lische Leben  der  Gegenwart  sowohl  in  religioser,  als  nuoh  in  politischcr 
Hinsicht  zugeschrieben  werden.  Erwiihnt  zu  werden  aber  verdient  auch 
der  Umstand,  dass  die  hiiufigen  grossen  katholisohen  Versammlungen 
zu  Koln,  namentlich  der  Generalversammlnng  der  Deutsclien  Katlioli- 
ken,  Kiiln  mit  einom  Stab  vorziiglicher  Organisatorcn  vpp'^clifii  liabeii. 


—  10G8  — . 

(loin  r>  iiiinioiitlioli  zu  vcrclankoii  ist,  dass  cin  so  grossi-s  \\vv\<  \\\v  die 
Prozi'ssioii  ani  Sdiluss  des  Eiu-haristisehen  Kongresses  mit  ilbcr  40,000 
'IVilnolimoni  und  iiber  200,000  Zusdiauoni  iii  vollkommenster  Oi-dtning 
von  station  gohon  konnte.  Freilidi  niuss  aiicli  zugegeben  wenlen,  dass 
dioso  Prozossion  die  Knifte  des  Lokalkomitees  bis  ziun  aussersten  in 
Ansprnfli  gonomnien  liât. 

l'utcr  solchen  I^nistiinden  konnte  man  wolil  erwarten,  dass  ein  In- 
tornationalev  Kongress  7A\  Eliren  des  lieil.  Altarssakramentes,  eiiigelei- 
tot  duroli  die  Ankunft  des  riipstliclien  Legaten  von  llom,  der  iintor  deni 
.lubel  dor  Stadte  und  Dorfev,  der  Burgen  und  Kloster  aiif  beiden  Seiten 
und  don  Insein  unseres  herrliclien  Elieinstromes,  von  Mainz  nacli  Koln 
hinabsegolto,  ail  don  Entlmsiasnius  hervorrief,  dossen  ein  tief  roligioses 
A'olk,  wie  die  Ivhoinlander  sind,  liiliig  ist. 

Keiu  weiteres  Wort  braueht  daher  iiber  don  Knipi'ang  des  Ivardinal- 
Logaten  durch  die  Stadt  Koln,  oder  iiber  die  A^ersammlungen  und  (îot- 
tesdienste  ini  Doni  und  in  don  iibrigen  Kirclien  gesagt  zu  werden,  nocli 
anoli  iiber  die  wiindorvolle  Prozession.  Ailes  das  Avaren  Kundgebungen, 
nur  in  gnissereni  ]\Iasstabe,  von  dem  tiefen  Glauben,  der  unser  Yolk 
durehdringt,  Kundgel)ungen,  die  ihin  ziir  teuren  (lowolmlieit  geworden 
sind. 

Dor  liol'or  n;u-lidi'id\ondo  P>ool)aolitor  des  Kongresses  liât  dalier  der 
Frage  uiehr  Bedeutnng  beigelegt,  dureli  welche  Mittel  dieser  lebendige 
Glaulje  und  dièse  eifrige  Liebe  zur  hl.  Eucharistie  ini  Yolke  erhalten 
bliob  und  genalirt  wurde.  Vm  die.se  Frage  kurz  zu  beantworten,  so  ist 
wohl  der  erste  Grand  dieser  Andaelit  zuni  lieiligen  Sakramente  in  dem 
zahlreichen  Besucli  und  dem  frommen  A^erlialten  bei  der  lil.  Messe  und 
bei  dor  bl.  Komniunion  zu  finden.  Fiirwahr,  der  fromme  Gebraucli,  die 
lil.  Messe  niiigliobst  taglieh  zu  besuelien  ist  eines  der  kostbarsten  Erb- 
Ptiicke  der  giiton  alten  Zeit.  Fnscr  gutes  katliolisehes  Volk,  sowohl  in 
der  Stadt,  als  lutniontlioh  au  F  dem  Lande,  gelit  gern  so  oft  als  mogiieh 
an  Wochentagen  zur  lil.  Messe.  Fremde,  woldie  in  manchen  unserer 
Kin-bon  zu  gevvissen  Stnnden  den  Besucli  der  hl.  Messe  beobachten, 
glaubon  wold,  dass  sie  zufallig  einen  Feiertag  angetroffen  hiitten.  In 
Pfanvion  mit  vielen  Priestern  Averden  heilige  Messen  gelesen  von  5% 
oder  ()  rbr  al)  bis  9  Ilhr,  in  einzelnen  Kirchen  noch  um  10  und  11  Uhr" 
Boi  den  friilien  lieiligen  Messen  finden  sieh  meistens  die  Dienstboten 
und  Ari)oitor  oin,  nm  TVi  <»bn-  <Si/4  kommon  die  Kinder  der  Elementar- 
scliulcn  und  ^rittolscbulen  wenigstens  zweimal  in  der  Woche  zur  lil. 
^ffsso,  zu  spaterer  Stnndo  findet  man  dio  froior  iind  besser  gestellten 
Kbisson  in  der  Kirelie. 

Dor  tagliobo  Besucb  der  hl.  Mes.se  isi  von  einom  englisclien  Eedner 
anf  dem  vorigjahrigcn  Kongress  mit  Peelit  eine  Briioke,  ein  Steg  zur 
ofteren  Id.  Kommnnion  genannt  worden.  Die  Wahrheit  dieser  Bemer- 
knng  gcbt  ans  doi-  fiir  Kiihi  mit  Bozug  auf  die  hoiligen  Kommunionen 
dor  lotzten  .Tahro  anrgostollton  Statistik  klar  hervor. 

Dio  bl.  Kommunionen  .sind  in  der  Stadt  Kiiln  von  1,1(50,000  im  Jahre 
1!'0«;,  auf  1,<;2Î>,000  im  .labre  1900  gestiegen,  was  einen  Zuwachs  von 
l(;9.oor)  ,n  droi  Jabron  ausmacht,  eine  Tatsaehe,  welche  einén  schiinen 
Ki-folg  dos  piipstjiobon  Dokrots  iiber  die  oftore  hl.  Kommuuion  bedcutet, 


—  10G9  — 

der  aber  siclier  nitlit  erreiclit  wordeu  •wiire,  wenii  nicht  Jer  tiigliclit'  Jx- 
such  der  Id.  Mes^e  deii  We^  fur  die  ottere  Id.  Koniiminion  silion  lani:>l 
bereitet  luitte.  Zu  Ijenierken  ist  dabei  aueh,  dass  dièse  Ziinalinu-  von 
iiber  42  %  allinahlitli  ^ekoinmcii  ist.  noch  andauert  und  durch  den  vor- 
jalirigen  Ivongress  wold  not-li  sliirker  /jfewordon  ist.  suwie  aiuh,  da.ss  eiu 
àlmliclier,  ja  bisweilen  nocli  gnisserer  Fortschritt  sieli  in  der  weiten  Erz- 
diozese  zeigt,  was  ailes  zu  den  schonsten  Hotînungen  liir  die  Zukunft 
berechtigt. 

Ein  anderer  und  selir  wielitiger  Beweis  fiir  die  tiefe  Verehrung  des 
lil.  Sakranientes  sind  die  verschiedenen  Arteu  der  Anbetungstage,  wel- 
che  vor  mehr  als  50  Jahren  durch  unsern  grossen  Erzbischof  Kardinal 
von  Geissel  in  jede  Pfarrei  der  Erzdi()zese  eingefiihrt  wurden.  l)a  ist 
zuerst  zu  nenncn  das  -lO-stiindige  (Jobet.  welches  mit  Oenelunigung  des 
hl.  Stiddes  auf  drei  aufeinander  l'olgende  Tage  verteiit  ist  uiul  f^elir 
liàufig  in  A'erbindung  mit  Ostern,  Pfingsten  oder  eiuem  liohen  Feste 
gelialten  wird,  das  die  Gliiubigen  olinehin  selion  zur  Kirclie  und  zur  h\. 
Konimunion  hinzielit.  Sodann  bat  jede  TM'arrei  iliren  I)es()nderen  Tag 
des  ewigen  (îebetes  au  einém  l'estgesetzten  "l'âge  des  .labres.  l'ud  da  es 
mehr  als  950  Pfarreien  in  dem  meist  katholisehen  Uebiet  der  P^rzdio- 
zese  giiit,  so  folgt,  dass  dièse  leierliche  Anbetung  an  jedem  Tage  des 
Jahres  an  2  oder  3  Platzen  gleiehzeitig  gehalten  wird.  Dieser  Tag  des 
Ewigen  Gebetes,  der  vom  \'olke  aus  freiem  Antriebe  fast  wie  ein  Èeier- 
tag  beobachtet  wird,  beginnt  uiorgens  \im  G  Vhv  mit  der  hl.  Messe  und 
Aussetzung  des  AlJerlu'iligsten'und  dauert  den  ganzen  Tag  uiul  die  l'ol- 
geude  Xaebt  hindureh  bis  zum  niichsten  Morgen  um  G  T'iir,  wo  es  in  der 
einen  Kirebe  gesohlossen  wird,  um  in  der  niiebsten  Kirehe  zur  selben 
Stunde  aufgenoiumen  und  fortgesetzt  zu  werden,  und  so  geht  es  weiter 
durch  die  ganze  Erzdiiizese  das  ganze  Jahr  hindureh.  Diesc  Tage  und 
Xiichte  dUentlichen  Gebetes  vor  unserem  Ilerrn  ini  heiligsten  Sakrameu- 
le  bilden  in  der  Tat  eine  ewige  Anbetung  obne  l'uterbrechung.  Sic 
werden,  Gott  sei  Dank,  allgemein  mil  solchem  Eifer  und  mit  solcher 
Feierlicbkeit  vom  Volk  und  den  (ieistlichen,  die  sicb  bei  dieser  (Jelegen- 
heit  moglichst  aushelfen  und  untorstiitzen,  gehalten,  dass  die  schonsten 
Friichtc  aus  ibnen  erspriessen.  Da  kann  man  auf  dem  Lande  zur  Som- 
merzeit  die  l^ute  auf's  Feld  gehen  seben,  um  die  unaufschiebl)aren  \v- 
beiten  in  den  friihesten  Stunden  des  Tages  zu  verricliten.  uni  dann  >\u\- 
ter  der  hl.  Messe,  sowie  den  festgesetzten  Anbetungsstunden  beiwohiicn 
zu  konnen.  Um  einen  guten  Besuch  zu  allen  Zeiten  des  Tages  und 
der  Nacht  zu  erreichen,  werden  die  verschiedenen  Stunden  unter  die 
verschiedenen  Klassen  der  Beviilkerung  verteiit.  Wo  dii-  ^laiinci-  wiih- 
rend  de.s  Tages  nicht  anwesend  sein  konnen,  bleil)cn  dièse  Stunden  fiir 
die  Kinder,  Madchen  und  Frauen.  Die  Xachtstunden  von  zehn  Flir  al» 
sind  den  Mlinnern  allein  vorbehalten.  Es  ist  ein  iiberaus  riibrender  uiul 
triistlicher  .Vnblick.  um  ^rittcrnacht  oder  spiiter,  eine  Kinhc  l»eini  Ewi- 
gen (îebet  zu  besuchen  und  zu  (inden,  wie  d(U-t  cint»  Zahl  voii  Miinncrn, 
je  nach  l'ni.-stiinden  und  nach  der  Grosse  der  Pfarrei  von  5  bis  50  und 
mehr,  abwech.selnd  mit  laiitem  Gebet  und  mit  Gesang  unserm  ÎTerrn 
au!'  dem  Tabernakel  ihre  T.obpreisungen  (hirltringen.  Die  verscbiedeiu-n 
Stunden  <h'r   N'acbt    werden  den   verschiedenen   Vereincn   und    Bruder- 


—  1070  — 

sthaften  tlor  Miinner  zugewiesen,  oder  es  wird  aucli  die  Pfarrei  in  ver- 
si-liiedene  Bezirke  eingeteilt,  vou  denen  ein  jeder  die  Anbeter  fiir  eine 
oiler  zwei  Stuuden  zu  stelleu  liât.  In  grosseu  Pfarreien  werden  oft  am 
Sountag  vor  deni  Gebotstage  an  der  Kirchtlire  oder  auch  durch  die  Pfar- 
rei Zettel  verteilt,  nm  die  Aufinerksamkeit  der  Gliiubigen  auf  das  Gebet 
und  die  Verteilung  der  verseliiedenen  Stuuden  zu  lenken.  Ausser  die- 
sein  Ewigen  Gebetstag  und  dem  40-stiindigen  Gebet  gibt  es  in  jeder 
Pfarrei  der  Erzdiozese  Koln  wenigstens  noch  eine  Anbetiing  von  13 
Stunden  vor  dem  ausgesetzton  hochM-iirdigsten  Gut.  Um  gute  Ord- 
niins:  zu  lialten  und  die  Teilnahme  des  Yolkes  an  dem  Gebet  zu  erleich- 
tern,  werden  die  Andachten  bei  den  Gebetsstunden  nach  der  hl.  Messe 
nacli  Anleitung  des  Diozesan-Gebetbuehes  gehalten,  sodass  aile  sich  dem 
Gebet  und  dem  Gesang  anschliessen  konnen,  wàhrend  jedoch  bisweilen 
Brudei-schaften  und  Chore  melirstimmige  Lieder  zur  Hebung  der  An- 
dacht  beitragen.  Der  allgemeine  andàchtige  Besuch  dieser  verschiede- 
nen  Anbetungs-Tage,  wo  manche  Glàubige  Stunde  auf  Stunde  in  eifri- 
gem  Gebet  vcrharren,  ist  sowohl  ein  starker  Beweis  der  Liebe  unseres 
Volke5  zum  lieiligsten  Altars-Sakrament,  als  auch  eines  der  sichersten 
Mittel,  um  dièse  Liebe  zum  lil.  Sakramente  imd  zugleich  das  Verlangen 
nach  der  hl.  Kommunion  noch  zu  vermehren. 

Ein  Wort  sei  mir  noch  gestattet  iiber  die  andern  Andachten  zum  hei- 
ligsten  Sakrament  und  liber  den  Segen  mit  dem  Allerheiligsten.  In  fast 
allen  Kirchen  der  Erzdiozese  werden  wiihrend  der  drei  Monate  Mai,  Juni 
und  Oktober  Segensandachten  gehalten  und  ausserdem  noch"  an  jedem 
Samstag  Abend  des  Jahres.  In  vielen  Kirchen  kommen  zu  diesen  allge- 
meinen  Andachten  noch  besondere  hinzu,  besonders  an  den  Donnerstags 
—  aber  auch  an  anderen  Abenden,  oft  in  Folge  von  f rommen  Stiftungen 
Jius  alter  Zeit.  In  manchen  Kirchen  gibt  es  Stiftungen  von  hl.  Messen 
und  Andacbten  mit  Segen  aus  so  alter  Zeit,  ein  Bew^eis  fiir  die  innige 
V(,Tehrung  des  heiligsten  Sakramentes  in  friiheren  Jahrhunderten,  dass 
iliie  gegenwiirtigen  Einkiinfte  nur  mehr  sehr  gering  sind  und  sie  des- 
halb  mit  Genehmigung  des  hl.  Stuhles  reduziert  werden  mussten. 

Zuletzt  haben  wir  noch  die  sakramentalen  Prozessionen  zu  erwàhnen. 
Sie  sind  uljcr  das  ganze  Land  hin  von  alter  Zeit  her  im  Gebrauch,  und 
wo  sie  nicht  herkommlich  waren,  wurden  sie  im  Kulturkampf  durch 
eine  Polizei-Verfiigung  unterdriickt.  Ausser  der  Prozession  am  Fron- 
leichnamsfeste  gibt  es  wenigstons  noch  eine  zweite  eucharistische  Pro- 
zession in  jeder  Pfarrei,  die  bisweilen  in  besonderen  Umstanden  ihren 
Grund  hat.  Man  erzàhlt  z.  B.,  dass  in  einer  Anzahl  Pfarreien  um  Diis- 
seldorf  zur  Zeit  der  sogenannten  Reformation,  Priester  und  Volk  eine 
jiiliriiche  feierliche  sakramcntale  Prozession  gelobten,  um  den  Schutz 
(Jottf's  fiir  seine  Kirche  und  zur  Bewahrung  des  Glaubens  an  das  hei- 
ligste  Sakrament  zu  erflehon.  In  der  Tat  ist  denn  auch  der  hl.  Glaube 
in  diesen  Kirchen  und  Pfarreien  unversehrt  geblieben  bis  auf  unsere 
Tage. 

Auf  dem  Lande  nehmen  dièse  Prozessionen  ihren  Weg  durch  die 
Felder  und  Weingiirten,  durch  Wald  und  Wiese,  iiber  Berg  und  Tal.  In 
einem  Falie  wird  sie  auf  Booten  iiber  die  Fluten  des  Eheines  gehalten. 
In  manchen  Landpfarreien  findet  man  die  jungen  Mànner,  welche  im 


—  ion  — 

Heere  gedient  haben,  sich  in  Vereinen  oder  Bruderschaften  ziisainmen- 
scharen,  uni  dem  Herrn  der  Ileerscliaren  in  niilitarischer  Fonn  ihre 
Elirenbezeugungen  darzubringen.  Yielerorts  besteht  noch  der  Gebrauch, 
an  allen  Sonntagen  in  der  Zeit  zwischen  Ostern  und  Pfingsten  vor  dem 
Hochamt  eine  eucharistische  Prozession  inn  die  Kirche  zu  halten.  Ueber- 
haupt  war  die  Freude  unseres  Yolkes  an  den  sakramentalen  Prozessionen 
von  Anfang  an  so  gross,  dass  Bischol'e  und  Konzilien  nicht  selten  ihre 
Zahl  beschrànken  mussten. 

Halten  wir  aile  dièse  Mittel  und  Wege,  durcli  welche  Priester  und  Volk 
von  jeher  in  der  Belorderung  der  Anbetung  unseres  gottlichen  Heilan- 
des  im  heiligsten  Sakramente  gegenseitig  wetteiferten,  im  Geiste  uns 
vor,  so  konnen  ^vi^  wohl  verstehen,  warum  kein  Teil  unserer  hl.  Religion 
den  Geist  und  das  Gemiit  unseres  katholischen  A'olkes  so  ergreii't  und 
so  mit  Freuden  erfiillt,  als  die  Festlichkeiten  zu  Ehren  des  heiligsten 
iSakram  entes. 

Dass  aber  dièses  hocliheilige  Geheimniss  auch  die  Herzen  derer  an 
sich  zieht,  die  ausserhalb  der  Kirche  sich  einen  demiitigen  Glauben  be- 
wahrt  haben,  ist  schon  ofters,  und  auch  auf  unscrn  Kongressen  ausge- 
sprochen  worden.  Uni  einen  weiteren  Beweis  t'iir  die  Wahrheit  dieser 
Bemerkung  ans  der  Gegenwart  zu  geben,  mochte  ieh  mit  den  Worten 
schliessen,  welche  einer  unserer  neuesten  Konvertiten,  Herr  Albert  von 
Ruville,  Professor  der  Geschichte  an  der  UniversitJit  in  Halle,  in  dem 
Kapitel,  iiber  die  hl.  Eucharistie  in  seineni  Bûche  "  Zuriick  zur  hl. 
Kirche  '"'  schreibt.  Dort  heisst  es  :  Gerade  die  hervorragendsten  Geister 
des  Judentums,  der  griechischen  und  rimiischen  Kulturwelt  haben  das 
Wunder  der  hl.  Eucharistie  mit  voiler  Hingabe  ergrifï'en  und  ihm  An- 
hiinger,  gliiubige  Empfànger  zu  werben  gesucht.  Schwerlich  wiire  es 
ihnen  gelungen,  die  stolze  Burg  des  Heidentums  in  wenigen  Jahrzehn- 
ten  zu  zertriimmem,  wenn  sie  nicht  der  Masse  des  Yolkes  eine  solche 
herrliche,  beseligende  Gabe  hJitten  darzubieten  vermocht.  Erst  dem  16. 
Jahrhundert  blieb  es  vorbehaiten,  das  hochste  Gnadengeschenk  des 
Christentums  zu  verschleudern,  unter  dem  Yorgeben,  darait  im  Sinne 
der  Apostel  und  Kirchenvater  zu  handeln.  Was  wiirden  dièse  gesagt 
haben,  wenn  man  ilinen  ihr  kostlichstes  Kleinod  hiitte  entreissen  wollen  ! 
Gebe  Gott,  dass  sich  die  wahrhaft  Glàubigen  nicht  von  verniini'telnden 
Beratern  zuriicklialten  lassen,  die  eucharistische  Linie  zu  ûbcrschreiten, 
um  an  dem  heiligen,  herrlichen  Mahle  Christi  teilzunehmen,  das  auch 
ibnen  bereitet  ist. 

Ich  schliesse  mit  dem  innigsten  Wunsche,  dass  dieser  Kongress  in  der 
neuen  Welt  eben^o  wie  der  letztjiilirige  in  Koln,  mit  dazu  beitragen 
moge,  die  Liebe  und  den  Glauben  zum  heiligsten  Sakrament  in  den 
gliiubigen  Herzen  zu  vertiefen  iind  in  der  Welt  zti  verbreiten,  und  da?s 
namentlich  unsere  deutschen  Briider  in  diesem  Lande,  eingodenk  tler 
innigen  Yerehning  des  hl.  Sakramentes,  welche  sie  auch  als  ein  kostbares 
Erbstiick  aus  dem  katholischen  Deutschland  in  die  neue  Welt  hiniiber- 
genommen  haben,  sich  dieser  herrlichen  Aulgabe  stets  bewusst  l)leiben 
mogen.  Dann  wird  sich  in  diesem  Tvande  der  grossen  Huirmingen,  un- 
ter Gottes  Gnade,  auch  die  grosse  Hoffnung  dor  Katholiken  um  so  eher 
venvirklichen,  dass  auch  unsere  getrennten  Briider  sich  mit  uns  an  dem 


—  1073  — 

lierrlidion  Malile  beteiligen,  das  der  Herr  fiir  aile,  l'ur  \ms  und  sie,  be- 
loitet  hat. 

Priilat  Helnier  (Topl)  Avollte  trotz  der  kiirzon  Zeit  dei-  Vorbcreitiuig 
einen  A'orti-ag  niclit  ablelmen,  scbon  ans  dem  Orunde,  daiiiit  auch  ein 
Oosterreieher  bel  dioser  Versaïunihuiji-  das  Wort  ergreil'e.  Iiu  Mittel- 
piinkt  dor  Weltgesehichte,  dem Draina  auf  (Joluatha,  ini  OptVr  C'hristi, 
veroinision  sioli  die  von  der  Schopfung  iind  Suiuleufall  zwischen  Him- 
mol  iind  Erde  herreiclienden  Ketten  menschliclier  Yersundigung  und 
gottlieher  Erbannung.  Der  Glaiibe  an  die  Qottheit  Cliristi  ist  daher 
die  nrundlago  der  l?eligioii.  Die  Fortsetzung  des  Werkes  Cliristi  ge- 
.«ebieht  niystiseli  durcli  die  Kirclie,  real  dureli  das  lieiligste  Altarssakra- 
iiR'nt.  Der  C'bristusglanbe  liât  niclit  iiunier  dieselbe  Pflege  gefunden. 
1  dealer  Aut'scbwung  wird  abgelost  diireli  betrlibendste  Lauheit.  In 
iiiiserer  Zeit  ist  vieles  zu  tadeln,  aber  die  earitativen  Bestrebungcn  erin- 
nerii  an  die  besten  Zeiten,  nnd  ein  Beweis  fiir  die  Glaubeiistiefe  sind 
unsere  herrlichen  eueliaristischen  Kongresse.  Unser  gei'alirliclister 
Feind  ist  niclit  die  otFepe  \'erfolgung,  welehe  die.  Kraft  des  Gnten  weckt, 
sondern  die  leider  stets  Avaclisende  Gleieligiiltigkeit.  Aucli  fiir  den 
Priester  seien.  die  Gefaliren  zu  iiberwinden.  Das  walire  und  wolil  ein- 
zige.  Heilniittel  ist  das  allerlieiligste  Altarssakrament,  die  kriiftigste 
Xahrung  fiir  Kranke  und  Gesunde,  fiir  Priester  und  aile  Cliristen.  vSie 
gibt  der  ganzen  Kirclie  Kraft  zur  Erfiillung  ilirer  Lel)ensaufgabe. 
l)urcli  Bctiirderung  der  Yerehruug  und  des  liiiiifigen  Enipfanges  des 
allerheiligsten  Sakramentes  erweisen  wir  der  gesaniten  Mcnscliheit  den 
grossten  Dienst,  scliiitzen  ihr  walires  Gliick  auf  Erdeii  und  ilire  Zuver- 
siclit  fiir  das  ewige  Leben. 

Hr.  Generalvikar  Dr.  Kreutzwald  (Koln)  iiberbraclite  (iriisse  voni 
Hrn.  Kardinal  Erzbischof  Fisclier  und  entseliuldigte  die  Abwesenheit 
des  Msgr.  Prinz  Groy,  der  beabsiclitigte,  der  Versammlung  bc-izuwolinen, 
allein  durcli  seine  Pflicliten  ])eim  Kardinal-Legaten  zu  dieser  Stunde 
verlimdert  war  zu  ersclieinen.  Er  zog  sodann  eine  Parallèle  zwischen 
dein  Eucharistisclien  Kongress  zu  Montréal  und  dem  zu  Koln.  Sowohl 
da.s  ainerikanische  als  das  deutsclie  Rom  seien  fiir  die  Veranstaltung 
einer  solclicii  internationalen  eueliaristischen  Taguiig  vorziiglieh  geeig- 
net.  Heifle  Kont.n-(sse  jeilodi  wie  aile  iibrigen  trugen  ihr  eigenes  Ge- 
phige  und  sel  daher  ein  Vergleich  scliwer  durchfiihrbar.  Jeder' Kongress 
sei  von  do.rselben  erhal)enen  Idée  beseelt,  den  Glaubeii  an  das  allcrhei- 
ligste  Altarssakrament  in  offentlichster  und  feierlichstcr  Weise  zu  be- 
kennen  und  die  gnadenreiche  A'erehrung  desselben  insbesondere  durch 
den  Enii)fang  der  h.  Kommimion  zu  verinehren.  Ihn  habe  nanientlich 
«la.s  warnie,  gbiiilxMisfrohe  Aul'treten  der  eretcn  Mànner  des  Landes,  der 
Provjnz  und  der  Stadt  bei  dem  Kongress  aufs  tiefste  ergriffen.  Jeden- 
fall.«j  werde  allen  Eiiropaern,  die  dem  Kongress  beizuwohnen  das  (Jliick 
liatten,  die  ErinnciMing  an  da.s  frische,  in  vollstor  Freilieit  sicli  entfal- 
l.;nde  knvhliflie  Ecbcn  der  Katholiken  Kanadas,  das  besonders  in  der 
Mnnigr-n  \ereliruiig  des  heiiigst.-n  Sakramentes  sich  kundgebe,  ein  teu- 
res  iirul  unauBJoscIdiclies  Andenken  sein. 

(;f'm.raIvikHr   S<-lirend>s    (Grand    Papids),    sprach    noeh    einmal    mit 
^a(•hdnK•k  liber  die  wiHitige  Frage  der  Erhaltung  des  Glaubens  und 


—  iu:3  — 

des  Enii)fanges  dor  h.  Sakramente  unter  den  Kinwandercrii.  Die  Tii- 
tigkeit  des  St.  Kapliaelsvereius  sei  nieht  seiuig  zu  lohen.  Ahcr  e;;  koninio 
vor,  dass  die  li.  Koinimmioii  der  Auswaudeier  iin  HalCn  odi-r  auf  di'iii 
Schiffe  aiuli  die  Ictzte  ilires  Lebeiis  sei.  Es  felile  die  ret-lite  W'rltin- 
diiiiir  zwistlien  liiihen  nnd  driiben.  die  Katlioliken  iniissten  iiui.irlielist 
aïK-li  iii  katliolisclie  (legenden  aiisuandcrn.  Ki-  wolle  nit'iiiaïKk'ii  zimi 
Auswamlern  raton,  denn  die  Schwierigkeiten,  ziiin  erliofCtoii  Wolilstand 
zu  gelangen,  seien  grosser  als  man  meistens  giaube.  Es  erfordere  ein 
Xapital  von  1000  Dollar,  uni  ein  Stiick  Land  (Sektion)  zu  kaufen  nnd 
dann  noch  einige  Tausende,  uni  die  ersten  Ansclialfun.iien  zu  niaclien 
und  die  Kosten  der  ersten  Jahre  zu  bestreiten.  Dann  \ind  mit  grosser 
personiiclier  Anstrengung  sei  allerdings  eine  selbstjindige  gliiekliehe 
Zukunft  zu  erwarten.  Wer  nun  einnial  dièse  SelbstJindigkcit  sich  erwer- 
ben  wolle,  moge  doeh  aiuli  dorthin  zieben,  wo  fiir  IJeligion.  Ki relie  und 
Scliule  gesorgt  sei  oder  doeh  gesorgt  werde,  nielit  aber  in  (Jegenden,  wo 
fast  nur  protestantisehe  Ansiedler  wobnten  und  l'iir  den  Bau  einer  ka- 
tliolisc'lien  Kirelie  keine  Hoiïnung  sei.  Man  iiiiige  sich  auf  die  A'ers]>re- 
chungen  der  Agenten,  Fann  mit  Wohnung  ])illig  zu  ver.sehatîen.  nieht 
leicht  einlassen,  da  zu  oft  eine  Tiiuschung  vorliege  und  vollstiindiger 
Kuin  den  nngliieklichen  Ansiedler  verfolge.  In  der  Diiizese  (Jrand 
lîapids  sei  dalier  ein  Auskunftsburcau  eingerichtet  worden.  das  bri  Ka- 
tlioliken und  Protestanten  grossen  Beilall  geriinden  habe.  llr.  Bis<^h()t" 
Eichtor  (Grand  Bapids),  bes])rach  dièse  Einrichtung  eingehender  und 
bemerkte,  dass  das  Land  im  Siiden  vergrifîen  sei,  mehr  nordlich  seien 
noch  Soktionen  zu  haben  und  liiei-  wiirdcn  auch  katholiselie  Settlements 
zu  griinden  sein.  Hr.  Weilibisliof  Koudelka  (C'ieveland),  Trente  sieh. 
liesonders  Landsleute  ans  Oesterreieh  begriissen  zu  konnen  und  spendete 
den  deutschen  Katholiken  grosses  Lob.  Sie  seien  das  Salz  der  Erde  und 
liatten  sieh  durch  ilire  Pfarrsehulen  grosse  Verdiensto  uni  die  Ki  relie 
und  das  ganze  Land  erworben. 

Aueh  Generalvikar  Rainer  (  ]\Iihvaiikce)  driiekte  seine  Freude  iibiT 
die  Anwesenheit  so  vieler  Deutschen  aus  allen  Liindern  ans.  Zu  ein- 
zelnen  Fragen  orgrifFen  ferner  das  Wort  :  Abt  Bruno,  Beneliziat  Fischer, 
Pfarrcr  Brockenieier  und  Prol'essor  Willeuis'.  Noch  manche  aiidere 
Angelegenheit  wurde  kurz  erwahnt,  allein  die  fiir  die  A'ersamnilung  mit 
Biicksielit  auf  andere  Pflicliten  festge.setzte  y^'it  war  zu  Ende.  llr. 
Bischof  Koppes  schloss  daber  die  deiikwiirdige  Sitzung  mit  dem  Aus- 
druck  seiner  lebbaften  (Jenugluung,  dass  die  A'ersaiiinilung  bei  der  kur- 
zen  und  ungeniiirenden  Ankiindigung  noch  so  zahlreichen  Besuch  g<'- 
funden  habe  und  schloss  mit  (Jebet,  damit  der  Segen  Cottes  die  Bera- 
tungen  zu  gliicklichen  Erfolgen  fiihren  niiige. 


APPENDICE 


appp^ndicp: 


DOCUMENTS  ET  NOTES 


Lettre  pastorale  clc  ifor  Paul  Rnicliési,  Arehevêque  de  Montréal,  annon- 
çant le  Coiifrri'S  Èurliaristiquc  de  1010  : 


Nos  très  cliers  frères, 

Dieu  (lui  veille  avee  un  soin  jaloux  sur  sou  Eglise,  ne  uian(|ue  pa^^  'Ii'  lui  t-n- 
voyer  à  riieure  ()i)j)<>rtnne  les  seeours  dont  elle  a  besoin.  A  chaque  «''pocpie.  cette 
Eglise  a  été  eu  hutte  aux  assauts  de  l'iinpiélé,  uiais  toujours  lui  reinèile  sauveur 
est  veuu  ])aralyser  les  iufhieuces  perverses  de  ses  ennemis.  Or.  tous  ceux  qui 
oh.serveut  la  marche  de  notre  société  contemporaine  reconnaissent  qu'un  doul>le 
fléau  la  ui(>iiace.  D'une  |)art.  la  raison  orgueill«>use  rejette  l'autorité  et  les 
saintes  données  de  la  foi  :  de  l'autre,  un  sensiutlisnu^  sans  frein  fait  ]>erdre  de 
vue  aux  âmes  les  réalités  surnaturelles,  et  les  entraîne  ])ar  luie  |)entc  fatale  :"^  la 
recherche  des  satisfactions  terrestres. 

Contre  ces  deux  grands  maux,  l'intervention  i>rovidentielle  s'est  manifestée 
dans  le  monde  chrétien  ])ar  un  renouveau  de  jdété  et  j)ar  un  élan  plus  vigoureiux 
vers  l'auguste  Sacrement  de  nos  autels. 

Un  des  grands  instruments  de  ce  mouvement  ndigieux.  a  été.  sans  contredit. 
Ici  Conf/rès  Eucharistiques. 

Ces  Cougi'ès  sont,  vous  le  savez,  de  solennelles  asseml)lées  en  l'honneur  d>i  Très 
Saint-SacrenuMit.  lis  sont  composés  d'é\ê(|ues.  de  prêtres,  de  fidèles,  mmuis  des 
contrées  les  plus  diverses  jiour  offiir  en  commini  leurs  honnuayes  au  l)i«ii  caché 
de  l'Hostie. 

Ils  ont  une  douhle  signification,  et  comme  inie  douhle  mission  à  ninplir.  Ils 
sont  d'ahord  une  ceuvre  de  glorification  de  désus-Christ  présent  ])armi  nous.  Ils 
font  aussi  contre|)()ids  :\  r<»rgueillense  ]irétention  des  incrédules,  qui  voudraient 
supprimer  Dieu,  ou  du  moins  le  tenir  éloigné  de  la  vie  sociale.  Or.  la  foi  nous 
l'enseigne.  Dieu  est  dans  l'Hostie  consacrée.  C'est  pourcpioi  le  Congrès  la  révèle, 
la  produit  an  grand  jour,  l'ace  lame  et  la  p<irte  en  triompiie.  Tout  ce  que  l'Eglise 
a  de  i)lu5  illustre  et  la  société  de  plus  honorahle.  les  honunes  les  plus  distiuL'tiés 
par  leur  science  et  leur  vertu.  s'occui)eiit  alors  de  l'Eucharistie,  et  cherchent  «l'un 
conunun  effort  les  ])lus  ])uissants  moyens  de  la  glorifier  et  d'étendre  ))artout  sa 
ilivine  influence.  Les  manifestations  grandioses  qui  coiiroiuient  chaque  CoUirrès. 
sont  véritalilement  une  marclie  triomidiale  du  Christ  A  travers  le  monde.  Elles 
annoncent  et  préjjarent  au  sein  de  l'hinnanité  le  règne  puhlic  de  Celui  «pii  a  reçu 
toutes  les  nations  en  héritage.  Telle  est  la  jiremière  mission  des  Congrès  ;  et 
les  résultats  ohfeinis  jusqu'ici  ont  dépassé  toutes  les  espéraiwes. 

T'ne  autre  raison  les  justifie  pleinement  et  en  démontre  l'opporf imité.  Ils  font 
œuvre  de   légénératiitn  sociale,  en  montrant  lians   l'Einliaristie  le  princi|»e  et    la 


—  107S  — 

source  do  toute  vie  chrétieiuie.  le  grand  remède  aux  maux  dont  souffre  aujour- 
d'hui notre  société. 

Depuis  un  (juart  de  siècle,  on  remarque  vni  mouvement  accentué  des  Ames  vers 
les  Tabernacles.  Le  soleil  de  l'Eucharistie  a  dissipé  peu  à  peu  les  brumes  gla- 
ciales de  l'indifférence,  et  les  unies,  au  contact  de  ses  rayons,  se  eont  ouvertes 
plus  largement  aux  vertus  évangéliques. 

Cette  magnitique  efflorescence  de  la  piété  dans  le  vieux  monde  est  due,  assu- 
rément i)our  luie  bonne  part,  aux  assemblées  dans  lesquelles  on  discute  les 
moyens  les  ])lus  efficaces  pour  rai)procher  les  peuples  de  l'Eucharistie. 

Cet  accroissement  de  dévotion  étend  son  influence  sur  la  société  tout  entière, 
car,  avec  lui  on  voit  se  multiplier  et  fleurir  de  plus  en  plus  les  œuvres  de  zèle. 
C'est  pourquoi  le  Simverain  l'ontife  Léon  XIII  consacra  les  derniers  effoits  de 
sa  glorieuse  vieillesse  il  encourager  les  congrès  eucharistiques  et  ù  stimuler  le 
zèle  de  leurs  promoteurs.  Sa  Sainteté  Pie  X,  dès  le  début  de  son  pontiflcat,  s'ap- 
pliqua aussi  a  les  favoriser  de  tout  son  pouvoir.  Il  y  a  quatre  ans,  sur  son 
désir  expiés,  le  congrès  a  dû  se  tenir  à  Rome  même.  C'est  que  notre  illustre 
pontife  voit  dans  cette  institution  un  des  gages  les  plus  assurés  de  la  restaura- 
tion de  toutes  choses  en  Jésus-Christ. 

Chaque  année,  les  évêques  du  monde  catholique  sont  invités  à  un  congrès  inter- 
national. Jusqu'ici  ces  solennelles  assises  ont  été  tenues  en  France,  en  Belgique, 
en  Suisse,  en  Italie,  en  Allemagne,  en  Angleterre  et  jusqu'à  Jérusaiem. 

Il  nous  a  été  donné  d'assister  l'année  dernière  au  congrès  célébré  avec  tant  de 
magnificence  dans  la  capitale  de  l'Empire  Britannique.  Ce  fut  un  des  spectacles 
les  plus  grandioses  et  les  plus  émouvants  que  nous  ayions  vus.  Jamais  nous 
n'oublierons  les  élans  de  conviction  religieuse  et  les  manifestations  d'enthou- 
siasme provoqués  par  ces  imposantes  démonstrations. 

Lorsque  du  balcon  de  la  cathédrale  de  Westminster,  le  représentant  du  pape, 
le  cardinal  Vannutelli,  élevait  l'Hostie  sainte  au-dessus  de  Londres,  il  nous  sem- 
blait que  le  Christ  reprenait  possession  du  royaume  d'où  il  avait  été  jadis  banni; 
que  de  son  Cœur  tombaient  abondantes  sur  des  millions  d'âmes  des  grâces  de 
lumière  et  de  foi;  que  le  ciel  s'ouvrait  tout  grand  sur  l'ancienne  île  des  saints, 
et  que  le  précepte  donné  au  Thabor  retentissait  de  nouveau:  "Celui-ci  est  mon 
Fils  bien-aimé,  écoutez-le." 

Oui,  ce  furent  pour  l'Angleterre  d'incomparables  jours  et  quelles  douces  espé- 
rances emportèrent  dans  leur  âme  ceux  qui  en  avaient  été  les  témoins  privilégiés! 

Après  Londres,  Cologne  vient  d'avoir  elle  aussi  ses  grandes  fêtes  eucliaris- 
tiques,  et  bien  que  les  dépêches  d'outre-iner  semblent  avoir  systématiquement 
fait  silence  sur  elles,  nous  savons  aujourd'hui  qu'elles  ont  été  aussi  remarquables 
par  la  pompe  des  cérémonies  sacrées,  l'éloquence  des  orateurs  qui  s'y  sont  fait 
entendre  et  le  concours  immense  du  peuple  que  par  la  piété  manifestée  pendant 
toute  leur  durée.  Dans  la  merveilleuse  cathédrale,  chef-d'œuvre  du  treizième 
siècle,  et  dans  les  autres  églises,  la  foule  se  pressait  recueillie  pour  s'approcher 
de  la  Table  Sainte  et  se  nourrir  du  pain  des  forts;  dans  leurs  assemblées  d'étude, 
le»  théologiens  et  les  pasteurs  d'âmes  cherchaient  avec  un  zèle  admirable  les 
moyens  d'augmenter  encore  dans  le  monde  la  piété  envers  FEucharistie  ;  et  dans 
les  rues  décorées  comme  aux  plus  grands  jours  de  fête  nationale,  des  princes  de 
l'Eglise,  des  prélats  en  grand  nombre,  revêtus  de  leurs  ornements  pontificaux, 
des  milliers  de  prêtres,  des  milliers  et  des  milliers  d'hommes,  de  femmes  et  d'en- 
fants faisaif-nt  cortège  au   divin  triornj)hateur  caché  sous  l'hostie. 

Eh  bien,  nos  très  chers  frères,  ces  .scènes  grandioses  qui  se  sont  successivement 
déroulées  sur  les  bords  de  la  Tamise  et  sur  les  bords  du  Rhin,  nous  les  contem- 
plerons a  notre  tour  au  milieu  de  nous,  sur  les  rives  de  notre  majestueux  Saint- 
I>aurent. 

L'anné<.  j.rochaine.  en  eflt-t,  aura  lieu  â  Montréal  le  vingt-et-unième  cono'rès 
fuchanstique  international.  C'est  a  Londres  que  cet  insigne  honneur  nous'^fut 
offert.     Comment  aurions-nous  pu  le  rtîfuser  ? 

mjâ,  nous  le  savons,  l'idée  d'un  congrès  au  Canada  avait  préoccupé  l)ien  des 
e«prit«.  Dans  notre  pays,  grAce  a  Dieu,  le  culte  de  la  sainte  Eucharistie  fut  de 
V'  en  grand  honneur:  mais  il  y  fait  depuis  quelques  années  des  pro-rès 

no'  e<,n-,l;.ntH.     I/adoration  perpétuelle  qui  se  pratique  dans  la  phii)art 


—  1070  — 

de  nos  diocèses  avec  une  si  grande  solennité;  la  communion  réparatrice  du  pre- 
mier vendredi  de  chaque  mois:  l'Heure  sainte,  les  Confréries  du  Très  Saint- 
Sacrement  érigées  en  tant  de  paroisses;  le  nombre  sans  cesse  croissant  de  com- 
munions ;  tout  cela  prouve  que  le  Canada  terre  de  liberté  est  en  même  temps 
une  terre  de  foi  préparée  pour  la  tenue  d'un  congrès  solennel. 

Du  reste,  si  florissante  que  soit  parmi  nous  la  dévotion  que  nous  venons  de 
dire,  il  reste  des  progrès  ft  faire.  N'y  a-t-il  pas  encore  de  trop  nombreuses  hésita- 
tions dans  l'application  ])ratique  du  décret  sur  la  communion  fréipiente  et  quo- 
tidienne ?  Combien  de  lidèles  sont  jusqu'ici  restés  sourds  au.x  pressants  appels 
de  leurs  pasteurs  les  conviant  il  la  Table  Sainte  ?  Un  Congrès,  semblait-il.  était 
le  plus  puissant  moyen  de  mettre  plus  complètement  en  pratique  les  enseigne- 
ments de  notre  bien  aimé  Pontife  Pie  X,  fidèle  interprète  des  désirs  de  Jésus- 
Christ. 

De  plus,~ce  Congrès  ne  serait-il  pas  une  puissante  entrave  aux  sourdes  menées 
de  1  impiété  pour  ruiner  la  foi  de  notre  jeunesse  ?  Les  grands  maux  qui  affligent 
la  société  européenne  ne  menacent-ils  pas  de  contaminer  notre  i)euple  ?  Il  pa- 
raissait donc  bon  de  saisir  cette  force  puissante  d'un  Congrès,  pour  étouffer  les 
premiers  germes  du  mal  et  prévenir  toute  contagion  désastreuse  ? 

Ne  serait-ce  pas  aussi  pour  quelques  îlmes  sincères,  étrangères  A  nos  croyances, 
l'occasion  d'un  heureux  retour  il  la  foi  catholique  ?  Ce  qu'elles  verraient' et  en- 
tendraient alors  ne  serait-il  pas  la  réponse  au  besoin  d'unité,  de  direction  sflre. 
de  vérité  intégrale  qui  les  tourmente  ?  N'y  a-t-il  pas  en-deliors  de  l'Eglise  de 
Rome  bien  des  cœurs  affamés  d'un  aliment  divin  qu'ils  ignorent,  et  qui  peut-être 
leur  apparaîtrait  sourain  dans  l'Hostie  de  nos  ostensoirs  ? 

Toutes  ces  raisons  nous  ont  déterminé,  nos  très  diers  frères.  îl  nous  rendre  aux 
désirs  qui  nous  étaient  exprimés  d'une  manière  si  touchante,  et  A  accueillir  en 
notre  ville  archiépiscopale  le  congrès  international  de   1010. 

Nous  n'ignorions  i)as  les  labeurs  et  les  lourdes  charges  qui  <'n  résulteraient 
pour  nous  ;  mais  la  certitude  de  trouver  dans  le  zèle  de  tout  le  clergé  canadien 
et  dans  la  piété  de  nos  populations  un  appoint  considérable  a  linalement  dissipé 
nos  craintes. 

L'éminent  évêque  de  Namur,  Mgr  Heylen,  le  président  du  comité  permanent, 
daigna  nous  écrire.  "  Le  comité  permanent  des  congrès  eucharistiques  désirait 
"  de  voir  tenir  un  congrès  international  au  Canada,  (irfu-e  A  votre  acceptation, 
"  il  verra  bientôt  son  désir  réalisé.  Aussi  je  m'em])resse  d'exprimer  A  Votre 
"  Grandeur  toute  ma  reconnaissance  pour  la  générosité  avec  la(juelle  elle  a  ac- 
"  cueilli  ma  demande,  malgré  les  difficultés  d'une  pareille  entreprise.  Le  comité 
"  permanent  vous  aidera  (le  tout  son  pouvoir  ;  il  esj)ère  que  le  congrès  eucharis- 
"  tique  de  Montréal  ne  le  cédera  pas  A  ses  devanciers  et  qu'il  sera  connue  ceux- 
"  ci  un  triomphe  éclatant  du  Dieu  de  l'Eucharistie." 

En  même  temps  les  encouragoments  les  plus  sym|)athiques  nous  sont  parvenus 
de  l'épiscopat  du  Canada,  de  l'Angleterre  et  de  la  France.  Nos  vénérés  collègues 
des  Etats-Unis  —  nous  le  savons  par  ce  que  ])lusieurs  d'entre  eux  ont  bien  voulu 
nous  dire  —  seront  ])articulièrement  heureux  d'unir  leurs  efforts  aux  n«">tres, 
pour  donner  tout  l'éclat  possible  au  premier  congrès  tenu  sur  notre  continent. 
Ce  sera  ainsi  la  jeune  Eglise  d'Amérique  tout  entière  qui  affirmera  aux  yeux  de 
l'univers  la  vitalité  de  sa  foi.  PInfin.  le  Souverain-Pontife  lui  même  a  <laigné 
nous  promettre  de  se  faire  représenter  i)ar  un  cardinal-légat.  11  nous  est  donc 
permis  d'augurer  dès  A  présent  le  plus  consolant  succès. 

Mais  ce  succès,  nos  très  chers  frères,  nous  devons  avant  tout  l'attendre  de  Dieu. 
Aussi,  le  demanderons-nous  d'abor<l  dans  de  ferventes  prières.  Ertor<.-ons  nous 
d'assister  plus  ([ue  jamais  aux  offices  de  l'Eglise  (pii  se  célèlircnt  en  l'honneur  «le 
l'Eucharistie  :  la  sainte  messe,  les  adorations  et  les  saints  du  Très  Saint-Sacre- 
ment. Multiplions  nos  visites  auprès  des  autels  :  approchons-nous  surtout  plus 
fréquemment  de  la  Sainte  Table,  nous  pénétrant  ainsi  du  plus  ardent  amour 
pour  la  divine  Eucharistie. 

Nous  avons  l'assiirance  (\uo  tous,  clergé  et  fidèles.  ap|)orteront  leur  concours 
effectif  dans  la  mesure  oi1  il  leur  sera  <lemandé.  et  rivaliseront  de  zèle  et  d'ini- 
tiative pour  préparer  A  notre  <livin  Sauveur  un  triomphe  «ligne  de  sji  majesté. 


—  1080  — 


L'Hrhn  de  l'a  ris 


••  X'ous  vons  rap|)elez  coitaiiuMiuMit  les  étouiiantcs  iiiaiiifostations  ciiii.  il  y  a 
deux  ans.  «lans  \uw  i-irooiistance  analogue,  remplirent  la  ville  de  Londres  et 
•^branlèn-nl  toute  l'Aujrloterro.  Ce  jour-là.  au  C(Pur  niêuie  de  la  nation  anglicane, 
le  dogme  eui-haristique  fut  solennellement  acclanu»  par  nue  foule  immense.  L'au- 
ne dernière,  ce  fut  A  Cologne,  ofl  le  Cardinal-Légat,  descentlant  le  Rhin  sur  un 
navire  pavoisé,  avec  une  escorte  de  bateaux  cotivcrts  de  iieurs  et  d'oriflammes, 
fit.  au  milieu  d'acchunalions.  une  entrée  triomidiale,  accueilli  par  nn  télégramme 
de  l'empereur  luthérien,  salué  ])ar  tout  nn  ])euple  et  ])ar  les  représentants  des 
Ktats  de  rAllenmgne.  Maintenant  c'est  le  Xouveau-Monde  qui  oflfre  à  l'ancien 
le  ni^ine  spectacle,  rendu  j)lus  merveilleux  encore  par  le  cadre  magnifique  où  il 
se  déroule.  L'arrivée  du  Légat  de  Pic  X,  venant  de  Québec  par  le  Saint-Laurent, 
entouré  d'évêcpu-s  de  toutes  les  nations,  ])assant  lentement  entre  les  berges  du 
fleuve  couvertes  d'une  nniltitude  enthousiaste,  reçu  au  ntnii  de  la  cité  par  le 
maire  de  .Montréal.  i)uis  au  nom  du  gouverneur  par  le  président  du  Conseilon- 
touré  de  .ses  collègues,  qui.  l'un  et  l'autre,  envoient  jusqu'à  Kome  l'hommage  de 
leur  fidélité  envers  le  Pa|)e.  aussitôt  sanctionné  par  les  vivats  de  100.000  poi- 
trines. i|uelle  scène  et  aussi  (]uelle  leçon!  Toute  cette  pom])e  officielle,  tcmte 
cette  joie  poi)ulaire.  tout  cet  élan  d'amour,  c'est  pour  glorifier  le  Dieu  de  l'P^u- 
eharistie  !  Arrêtez  tm  ))eu  votre  pensée  sur  ce  grand  fait  historique,  accompli 
•levant  l'univers  entier.  Chaque  jour,  les  incroyants  primaires  ou  supérieurs, 
nous  fatiguent  les  oreilles  avec  les  redites  séculaires  sur  la  fin  des  religions,  sur 
la  ruine  de  l'Kglise  romaine,  des  dogmes  et  des  mystères  du  catholicisme,  sur  la 
pr<K-lie  disparition  de  la  Pajjauté,  abandonnée  par  les  peu])les  !  Et  voici  que  le 
XXe  siècle  connnence.  dans  les  deux  mondes,  au  milieu  des  éclatantes  affirmations 
de  la  foi  catholique,  de  la  foi  dans  le  plus  auguste  de  ses  dogmes,  dans  le  pins 
profond  de  ses  mystères,  de  l'indéfectible  fidélité  envers  le  Chef  de  l'Eglise  ! 
l'otir  les  libres-penseurs.  (■a|)ables  encore  de  penser  librement,  quel  sujet  d'hum- 
bles niéditatif>ns  ! 

Aiiiiiilr.s  tie  rAssoci^lioii  des  l'rrlres-Adoraieiirs.  Sept.-Oct.  1910  : 

Le Coiigrès  de  Montréal  est  donc  un  fait  açcomi)li.  Tl  appartient  maintenant 
A  l'histoire,  et  l'Eglise  l'insérera  avec  hoiuieur  (huis  les  fastes  de  son  culte  sécu- 
hiin-  envers  la  Sainte  Kucharistie.  11  a  fait  mieux  que  réaliser  nos  espérances, 
il  a  dépassé  toutes  nos  attentes.  Le  Canada  vient  d'écrire  la  plus  belle  page  de 
^^oii  histoire  natioiuile:  quant  à  celle  qu'il  vient  d'ajouter  au  livre  d'or  des  Con- 
grès eucharistiques,  elle  est  la  plus  belle,  la  plus  brillante;  tout  le  monde  s'ac- 
cirde  A  le  dire.  Ce  Congrès,  en  elTet,  a  surpassé  tous  ceux  qui  l'ont  ])récédé  par  la 
inuguiticenee  de  ses  démonstrations,  le  spectacle  imposant  de  ses  grandes  assem- 
blages, la  muiiiticenee  et  l'écdat  de  ses  décorations,  ])ar  les  spectacles  grandioses 
qu'il  a  olFerts  à   notre  admiration. 

«/uant  A  la  partie  pour  ainsi  .lire  pratique  du  Congrès,  celle  des  séances  de 
travail,  elle  ne  l'a  en  rien  c"dé  à  la  jjartie  démonstrative  et  au  côté  extérieur. 
U-s  (  oiigrès  d,.  Lourdes,  de  Tournai  et  de  Metz  avaient  déjà  été  remarquables  à 
ee  point  <ie  vu.-.  A  Londres  .4  A  Cologne  les  séances  de  travail  avaient  un  peu 
H(-  «ac-rili.-.-H.  .-t  avan-nt  tr.q)  cédé  le  pas  aux  démonstrations.  A  IVIontréal,  le 
travail  d  étude  a  été.  on  peut  le  .lire,  intense,  et  les  réunions  des  sectitms  extrê- 
iiM-ment  él„boré^-s  ef  suivies.  D.-s  travaux  de  i)remière  valeur  o^t  d'un  caractère 
très  pratique  y  ont  été  présent.'^,  surtout  dans  les  séances  sacerdotales,  et  à  la 
H#ance  iȎdag<igi<)ue. 

I^  m-ule  rrilique  .pic  Pon  pourrait  lor.nuler.  c'est  que  le  progrannne  était  trop 
vhMK^  i'i  qiioii  n'a  pas  laissé  assez  ,|,.  i,.,n,,s  à  la  lecture  et  à  la  discussion  des 
rnpiforti. 

Mais  la  clios».  H-..xpli.pi..ra  si  l'on  ti..i,t  compte  .le  cette  remarque  fondamentale. 

\A-  (  oiigrèH  ,1e  M.Hitréal  étant  h-  premier  Congrès  eucharistique  en  Améiifuje, 
*>l  la  plupart  .les  .•..iigreHMiHf..s  .p,i  .{.-vaient  y  assister  n'axant  encore  pris  part 
,1  aiieun  .les  C.mgrès  précr.,ients.  il  convenait  que  le  i.rogranune  formât  un  grand 


—  1081  — 

tout  et  embrassât  un  peu  tous  les  grands  sujets  de  la  doctrine  et  de  l'aiiostcdat 
eucliaristi(ivies.  Un  caractère  trop  restreint  et  trop  étroit  ne  convenait  i)as  aux 
travaux  d'un  Congrès  qui  i)roinettait  d'être  le  plus  international  et.  ])our  ain-^i 
dire,  le  plus  cosnu)polite  de  tous  les  Congrès  tenus  jusque-là. 

Ajoutons  qu'un  Congrès  ne  travaille  pas  seulement  ])our  le  hénétice  de  ceux 
qui  y  assistent,  mais  aussi  ])our  l'avantage  plus  étendu  de  tous  ceux  (pii.  «mi 
divers  pays,  en  liront  et  étudieront  le  compte-rendu. 

A  ce  point  de  vue,  on  peut  dire  (pie  le  Congrès  de  Montréal  a  été  l'occa.sicin 
d'un  grand  travail  intellectuel,  ])réparé  de  longue  haleine,  et  qui  aura  des  résul- 
tats étendus  et  durables.     Il  a  été  un  (inind  Congrès,  à  tous  les  ])oints  de  \  uc 

M.  le  Chanoine  Ermau.     Le  Lormin,  Metz  : 

"Les  séances  sacerdotales  ont  été  véritablement  les  grandes  séances  ilu  Con- 
grès. A  Montréal,  les  séances  de  prêtres  ])rennent  enfin,  après  une  assez  longue 
évolution,  le  premier  rang  comme  importance  (buis  un  Congrès  Knciiarist i(|ue. 
Ces  séances  se  tiennent  dans  l'église  des  Pères  du  Saint-Sacrement.  d(''c(ir(''e  avec 
une  profusion  de  Heurs  et  de  lumières  dont  rien  ne  donne  tuie  idée. 

"  C'est  au  milieu  d'une  foule  pressée  dans  l'Avenue  que  l.ôOU  prêtres,  au  bas 
mot,  se  dirigent  vers  le  lieu  de  la  réunion.  Le  iirograiiimc  annoiuait  (pie  la  ]>re- 
mière  séance  serait  consacrén»  à  l'apostolat  de  la  conimuiiioii:  de  fait,  (die  a  eu 
une  très  grande  importance;  sous  ce  rapport.  Montréal  sera  le  coiniiiiiicincnt  de 
l'œuvre  du  Congrès  de  iletz. 

"Nous  pouvons  donner  à  ce  Congrès  l'éloge  décerné  jadis  à  c(diii  de  Mci/  par 
le  Légat:  "Il  est  l'écho  lidèlc.  docile  et  sans  réserve  de  la  par(d('  (bi  l'aiic"  lîien 
des  conseils  pratiques,  des  directions  autorisées,,  furent  donnés,  sur  IcsinnU  nous 
pourrons  revenir  ailleurs. 

"  L'audition  était  i)icn  à  l'tinisson  :  on  le  vit  aux  applaudissements  qui  accueil- 
lirent la  j)roi)ositioii  faite  au  Congrès  de  Montréal  de  reprendre  et  de  reiiduvtder 
le  vœu  du  Ccjiigrès  de  Metz,  demandant  aux  ])asteurs  des  âmes,  coiiliaiits  (biiis  la 
parole  du  Pape,  d'orienter  résolument  leur  ministère  vers  la  réalisation  du  Décret 
de  1905.  Toute  cette  partie  des  séances,  par  la  netteté  de  la  doctrine,  l'ampleur 
de  la  discussion  et  le  souci  de  conformer  la  prati(pie  à  la  théorie,  fut  trf-s  im 
pressioniiante." 

lîev.  J.  C.  Biophy,  D.l).,  in  Smred  Heurt  Revietr,  Oetoher  Stli,  1!>1(>: 

TIli:    I)i;(  OUATIONS 

When  i)re])aratioiis  for  tlie  Kncharistic  Congress  were  slarted,  <>iie  of  the  dé- 
tails that  commaiided  paranutunt  attention  was  the  décoration  of  tiie  city. 
Montréal  is  a  modem  city.  and  like  ail  modem  cities  does  not  lend  itself  to  the 
best  aesthetic  eirecls.  Arciiiteclnre.  hère  as  (dsewhere,  is  suliordiiiatc  lo  utility. 
except  in  a  few  instances.  Tlie  iiaiid  of  tinie  lias  not  laiii  long  eiiough  mi  ita 
walls  to  imprint  tlie  veiieral)le  stamp  of  âge.  Citizeiis  of  tliis  new  world  are 
too  unfamiliar  with  true  art  to  liave  ac(|uired  that  relinement  of  tasle  that  in 
stinctiv(dy  chooses  what  is  best  in  line  and  color.  and  exécutes  becomingly  what 
bas  beeii  'hoseii.  Il  was  f(dt  thaï  précaution  liccame  neiessary  in  an  cVfiit  of 
tins  ciiaracter  and  importance,  and.  instead  of  leaving  the  décorations  to  )»ri\ate 
initiative  and'  pers(mal  préférence,  it  was  decided  t(»  ]dace  the  matter  in  the 
hands  of  a  spécial  committee.  Arcliitects  and  artists  cooperaled  in  constiltalion 
and  (hdilicration.  and  formd  a  jdan  of  décoration  for  the  Coiiiiress.  Necessarily. 
tbis  was  restricteil  to  tlie  route  inteinh-d  for  the  procession  at  the  dose  of  1  lie 
Congress.  The  route  liaving  lieeii  (h'temiiiie<l.  the  commission  s(de(ted  one  of  the 
jiians  subinitted.  modilied  it  in  parts,  and  reaclied  a  tinal  conclusion.  The  ques- 
tion of  expense  held  a  seconda ry  jdace  oiily.  and  in  fact  did  not  enter  iiito  con- 
sidération  uiitil   tiie  plan   had   I n  ebiborate<|.     ."ri.lU.dUO  were  refpiested  to  carry 

it    ont.   and   tbis   siiiii   was   immeilialtdy   voled   by   the   linance  committee. 


— 1082  — 


THE  ALTAK  OF  REPOSE. 


The  chief  object  of  solicitude.  and  upon  which  Avas  lavished  untold  care  and 
attention,  was  the  Altar  of  Repose.  Loeated  at  the  extremity  of  the  Park,  on 
tlie  sloping  side  of  Mount  Royal,  witli  the  niountain  for  background  towering 
above  it,  ana  encircled  by  grovès  of  elms  and  maples  that  clustered  about  it  and 
eiif.dde.l'  it  in  the  manv  shades  of  a  still  tonder  green.  while  before  it  lay  the 
ininien.-îo  amphithéâtre  fornied  by  the  park,  an  expanse  of  ground  capable  of  hold- 
ing the  population  of  nianv  a  city,  it  rose  like  a  throne,  the  throne  of  a  king  ! 
Siu-ely  not  anv  earthly  king;  no'earthly  king  would  présume  to  claim  the  rule 
tliat  such  a  throne  implies.  It  is  and  can  only  be  the  throne  of  One  more  than 
inaii. 

Four  exquisite  Corinthian  columns  supported  the  beautiful  dôme  high  in  the 
air.  Sunnounting  the  dôme  were  the  tigiires  of  four  angels  in  sweeping  gar- 
nuMits  and  with  poised  wings.  They  faced  the  four  quarters  of  the  world,  and 
with  outstretched  arms  held  to  their  lips  trumpets  that  called  to  the  four  corners, 
of  the  earth,  that  sent  their  notes  across  the  nniverse  on  the  four  winds  of 
heaven,  to  ail  the  homes  of  men,  to  the  cities,  and  to  the  hamlets,  to  the  mount- 
ains,  and  to  the  valleys,  to  the  cold  north  and  to  the  sunny  southland,  summon- 
ing  equally  those  who  attended  and  those  who  did  not,  to  lift  their  hearts  in 
])raise  and  their  soûls  in  prayer,  to  join  in  the  act  of  homage  and  adoration  and 
thanksgiving  to  the  King  Who  reigns.  The  Altar  of  Repose  was  surely  one  of 
the  grandest  inspirations  of  architecture  that  has  been  conceived  in  the  New 
World.  Pity  it  is  that  it  could  not  be  permanent,  that  it  must  disappear.  It 
was  the  objective  point  of  ail  eyes  ;  it  called  forth  cries  of  admiration  from 
every  lip,  and  was  a  thing  of  beauty  to  see  and  a  joy  to  contemplate.  At  niglit 
time"  rows  and  circles  of  electric  lights  revealed  its  détails  in  perfect  distinct- 
ness,  and  it  stood  there  on  the  great  silent  niountain  side  like  the  vision  of  a 
dream. 

THE  ARCH   OF   WHEAT. 

An  essentially  Catholic  inspiration,  one  emanating  only  from  faith  and  love, 
suggested  the  beautiful  and  touching  idea  of  an  arch  of  wheat.  French  Can- 
adian  farmers  in  far-avvay  Albcrta  province,  near  the  Rocky  Mountains,  con- 
ceived the  thought  of  offering  to  the  Congress  some  of  the  product  of  their  dist- 
ant plains,  and  pro[)osed  the  gift  of  wheat  to  be  made  into  an  arch.  The  fur- 
ther  wish  wa.s  expressed  that  the  wheat  be  used  afterwards  for  altar  bread.  The 
pious  and  generous  oflfer  was  at  once  accepted  and  the  wheat,  eut  and  bound  by 
French  Canadian  hands,  so  far  from  the  old  province  of  Québec,  was  shipped  to 
ilontreal  and  becanie  one  of  the  most  admired  arches  in  the  route  of  the  proces- 
sion. 

THE  MONSTRANCE  CARRIED  RY  THE  LEGATE. 

ThoHe  who  were  favored  with  an  inspection  of  the  grand  monstrance,  to  be 
usod  for  thf  first  time  in  the  Congress  Procession,  and  carried  bv  the  Legate, 
were  impressed  with  its  richness  and  artistic  workmanship.  Behind  it  lies  an- 
other  Catholic  inspiration.  At  the  invitation  of  Miss  Guerin,  Ladv  Mayoress 
of  Montréal,  several  thousand  ounces  of  silver  were  donated  by  M.  J..T.  O'Brien, 
of  P.-nil,rf)ke,  Ont.,  for  a  spécial  monstrance  to  serve  for  the  carrying  of  the 
IfoHt  in  the  Congress  Procession.  It  was  therefore  made  of  virgin  silver,  new 
from  the  bowel.s  of  the  earth,  and  consecrated  to  the  divine  worship  of  our  Lord 
in  the  Bleased  Sacrament.  This  recalls  the  other  consécration  of  the  first  fruits 
of  the  new  wf)rld.  'Hie  first  gold  brought  from  America  to  Europe  was  used  to 
gild  the  feiling  of  tiie  Lady  Chapel  in  St.  Mary  Major's  Church  in  Rome.  It  is 
Ktill  wH-n.  in  ail  itH  virginal  purity,  and  is  an  object  of  perpétuai  interest  to 
viHitorH,  and  of  éducation  to  religions,  Christian  soûls.  This  Congress  mon- 
Ntrance  will  Hervé  on  other  solemn  ocasions.  such  as  the  Fête-Dieu  jjrocessions  of 
th»"  future. 


—  1083  — 

THE  CHURCH'S  ESSEXTIAL  rXITY. 

In  the  Eucharistie  Congiess  at  Montréal,  in  its  sessions,  in  its  open  air  ser- 
vices and  those  within  the  many  churches,  in  the  glorious  and  never  to  be  for- 
gotten  procession,  in  the  manifold  arrangements  and  préparations,  extraordinary 
in  their  fulness  of  détail  and  their  magnificence  of  conception,  one  thing  stands 
out  preeminently,  and  that  is,  the  wonderful  unity  displayed  around  our  Euchar- 
istie King.  It  was  a  vital  unity,  of  God-given  strength  and  love.  It  was  a  two- 
fold  unity,  manifested  by  perfect  oneness  of  faith,  adoration,  dévotion  and  pas- 
sionate  love  for  Jésus  Christ  in  the  Blessed  Eucharist,  and  by  complète  loyalty. 
submission  and  enthusiastic  dévotion  to  the  Vicar  of  Jésus  Christ,  the  Pope  of 
Rome. 

Ail  believed  alike.  When  the  Blessed  Eucharist  was  borne  through  the  crowd- 
ed  thoroughfares  of  Montréal.  It  was  welcomed  in  révèrent  adoration,  by  Can- 
adians  and  Europeans,  by  Frenehmen  and  Belgians,  and  by  men  from  the  Xorth 
and  South,  and  East  and  West,  of  thèse  United  States.  Tlie  llosannas  weut  up 
alike  from  the  lips  of  the  Ruthenian,  and  the  Lithuanian,  the  Italian  and  the 
Spaniard,  the  German  and  the  Portugese,  the  Syrian  and  the  Chinese,  and  those 
first  owners  of  our  American  soil.  the  dusky  Indians.  to  whom  the  Church  was 
brought  by  !Maisonneuve  nearly  300  years  ago.  Ail  thèse  men  alike  believed  in, 
welcomed,  acclaimed,  adored,  and  would  liave  died  for  Jésus  Christ,  the  Euchar- 
istie King,  borne  through  their  midst  in  the  hands  of  him  who  represented 
Christ's  Vicar  watching  far  away  in  Rome  the  triumphal  procession,  and  bless- 
ing  it  from  his  very  heart  of  hearts. 

Oh,  answered  prayer  of  Jésus  Christ  !  Verily.  and  indeed,  His  Catholic  Church 
is  one,  one,  with  a  unity  given-  by  Himself  alone,  —  a  unitj'  that  it  has  never 
lost,  can  never  lose,  for  it  is  a  distinguishing,  unalterable  and  inaliénable  mark 
or  sign  of  the  one  true  Church  of  the  one  true  God  !  ilen  may  sever  themselves 
from  that  unity,  but  the  unity  itself  no  man  can  sever.  It  dépends  not  on 
numbers,  nor  indiv...uals,  nor  thrones.  nor  on  any  thought  or  will  of  man.  It 
is  the  prieeless  and  unfading  crown  witli  which  Jésus  Christ  has  adorned  His 
spotless  bride,  the  Church. 

La  Semaine  Religieuse  de  Nantes  : 

Les  circonstances  dans  lesquelles,  il  y  a  deu.v  ans,  sous  l'inspiration  de  l'ar- 
chevêque de  Westminster,  le  Comité  permanent  des  Congrès  eucharistiques  fixa  si 
Montréal  le  XXIe  Congrès  International,  doublaient  le  prix  d'un  choix  toujours 
envié  ;  une  douloureuse  déception  venait  d'anéantir,  la  veille  de  sa  réalisation,  le 
rêve  séculaire  des  catholiques  anglais  et  rejetait  dans  un  lointain  avenir  la 
marche  triomphale,  à  travers  les  rues  de  Londres,  du  divin  Proscrit:  il  fallait 
ménager  au  Ciirist,  en  pays  britannique,  une  splendide  revanche,  et  prouver  au 
inonde  qu'en  dépit  des  ])rétpntions  d'un  fanatisme  étroit,  les  lois  de  rEmjjire  ga- 
rantissaient pleinement  la  liberté  religieuse.  Mais  c'était  une  tâche  redoutable 
de  fournir  cette  preuve  et  de  préparer  cette  revanche.  Mgr  Bruchési,  au  nom  du 
Canada  français,  l'accepta  sans  hésiter  ;  il  comptait  sur  le  secours  de  Dieu  et 
connaissait  la  foi  de  son  peuple.  '"  La  terre  canadienne  est  encore  une  terre 
chrétienne  et  catholique  dans  toute  la  force  du  mot:  c'est  qu'elle  est  une  terre 
eucharistique.  Je  prédis  un  immense  triomphe  :\  notre  bien-aimé  Sauveur  sur 
les  bords  du  Saint-Laurent." 

Cette  prédiction  s'est  merveilleusement  réalisée,  et  les  heureux  témoins  du 
Congrès  de  Montréal  ont  redit  A  tous  l(>s  échos  du  monde  calholiquc,  après  l'Emi- 
nentissime  Cardinal-Légat  Vannutelli,  le  pèlerin  illustre  de  Cologne,  de  Londres, 
de  Metz,  "  le  Congrès  de  Montréal  a  été  le  plus  beau  des  Congrès  Eucharistiipies: 
c'est  l'événement  le  plus  important  dans  l'histoire  de  l'Eglise  au  Canada,  et  j)eut- 
être  dans  celle  do  l'Eglise  cathiili(|ue  par  toute  la  terre."  VoilA  pouniuoi,  ce 
matin,  le  vieil  In-mne  des  jours  de  gloire  s'échai)pait  de  nos  poitrines  en  accents 
si  triomphants,  et  portait  vers  le  ciel  une  si  enthousiaste  reconnaissance. 

Il  y  a,  ce  soir,  cinq  semaines  qji'ont  pris  fin  ces  journées  inoubliables,  dont  le 
cardinal  écrivait  hier,  en  (luitlniit    le  continent  américain  :    "  J'ai   vécu  A   Mont- 


—  1084  — 

réal  dos  j..urnéos  do  ,nuadi..-     ^lais  non,  les  jc.urnée.  de  paradis  sont  éternelles, 
et  nos  belles  jonrnées  eneliaristiques  ont  passé  bien  vite. 

11  pouvait  déjA  sembler  an.bitieux  de  préten.lre  égaler  les  merveilles  de  Metz 

de  liulres.  de  Cologne,  et  pourtant  les  babitués  des  Congrès  internationaux  ^sont 

•esqu-unanimes  à  ?roela,ner  qu'a  Montréal  ce  fut  plus  beau  encore  que  partou. 

fa  it  maintenant  recborcber  en  quoi  le  C.n.grès  de  Montréal  a  ete  le  plus  beau. 

r     \ulle  pan    ensemble  aussi  imposant  de  cérémonies  grandioses  ne  se  déroula 

dans  un  cadre  aussi   immense,  dans  des  circonstances  aussi  émouvantes,  devant 

«les  foules  aussi  recueillies  ; 

2°.  Nulle  part,  une  afflueiice  aussi  empressée  de  races  aussi  diverses,  unies  par 
les  liens  (rune  même  foi  et  d'un  même  amour,  ne  rétléta  avec  autant  d'éclat  la 
latliolicité  de  l'Eglise  ; 

3°.  Nulle  part,  ruiianimité  des  citoyens  d'un  grand  pays  et  la  participation 
spontanée  de  toutes  les  autorités  municipales,  provinciales,  fédérales,  ne  don- 
nèrent n  une  manifestation  en  l'honneur  de  l'Eucharistie  le  caractère  d'un  hom- 
maye  aussi  entièrement,  aussi  ofliciollenient  national. 

Avouons-le  simplement  :  ce  ne  sont  pas  les  séances  d'études,  quel  qu'en  ait  été 
l'intérêt,  qui  ont  fait  du  Congrès  de  Montréal  le  plus  beau  des  Congrès.  Les 
l>rofoiide.-5  spéculations  des  théologiens,  les  laborieuses  recherches  des  archéo- 
logues, les  subtiles  discussions  des  exégètes  n'y  ont  tenu  qu'une  étroite  place.  Aux 
pays  nouveaux  oii  la  ])opnlatioii  s'accroît  avec  luw  invraisemblable  rapidité,  les 
exigences  du  ministère  abs()rl)ent  les  activités  et  suppriment  les  loisirs  ;  le  haut 
enseignement  théologique  se  développera  plus  tard.  Pour  le  moment  il  faut  être 
pratique  :  en  consé(|uence.  A  l'étude  ap])r()f()ndie  d'un  petit  nombre  de  questions 
d'un  intérêt  un  peu  spécial,  on  a  géiiéialenient  préféré  la  lecture  d'un  grand 
nombre  île  rapports  de  courte  durée,  véritable  revue  des  œuvres  et  des  initiatives 
eoncernant  la  Sainte  Eucharistie.  Jieaucoup  y  ont  trouvé  la  révélation  d'indus- 
tries fécondes  :  plusieurs  ont  regretté  que  la  surcharge  des  programmes  ait 
rontraint  d'abréger  des  coiiddeiices  instructives  et  des  discussions.  11  fallait  bien, 
pui>que  ces  inoubliables  journées  n'étaient  encore  que  les  plus  belles  fêtes  de  la 
terre,  rencontrer  de  temps  en  temps  l'imperfection  inséparable  de  toute  entre- 
prise humaine,  et  tant  de  fois  au  cours  de  cette  semaine,  désormais  historique, 
ort  la  terre  canadienne,  tressaillant  d'allégresse,  vit  pour  la  première  fois  passer 
le  divin  l^oi  porté  par  un  légat  ])a])al,  et  escorté  ])ar  les  rejirésentants  de  tout  le 
inonde   chiétien.   on   vécut   des  minutes   d'émotions   intenses,   de  bonheur   complet 

qu'on  pouvait  croire  des  instants  de  ])aradis » 

En  quel  cadre  grandiose  se  dé))loierait  la  ])omi)e  des  manifestations  vraiment 
générales  :  la  messe  solennelle  et  la  bénédiction  iinale  V  Au  pied  du  Mont 
Hoyal  qu'entoure  la  ville,  s'étend  nn(>  immense  esplanade,  où  les  joueurs  de  ballon 
en  été,  les  amateurs  de  glissades  en  hiver  se  livrent,  sans  contrainte,  à  le\irs 
»p<»rts  favoris  :  au  dernier  plan,  se  déroule  la  masse  imposante  du  Mont  Royal, 
que  l'été  a  j)aré  de  frondaisons  épaisses  où  se  mêlent  la'  pourpre  et  l'or  des  au- 
tomnes. Sur  ce  fon<l  de  verdure,  un  gigantestpie  reposoir  dresse  l'éclatante  blan- 
rheiir  de  ses  f|uatre  colonnes  et  de  son  bahhupiin  ;  de  clnujue  côté,  on  a  élevé  deux 
larges  estrades  où  ont  pris  ])lace,  il  droite  de  l'autel,  la  foule  colorée  des  prélats 
en  manteau  violet,  des  chanoines  en  camail  bigarré,  des  prêtres  en  blanc  surplis, 
den  religieux  aux  costumes  variés  ;  à  gauclie,  un  chœur  d'un  millier  d'exécutants, 
dont  les  voix,  soutenues  par  un  i)uissaiit  orcliestre,  portent  au  loin  la  majes- 
tnens«>  ampleur  ries  chants  de  Dninont  ;  une  assistance  que  l'évaluation  la  plus 
mofleHte  porte  à  cent  vingt  mille  |»ersonnes,  debout  sur  le  gazon,  admirable  de 
recueillement,  écoute  la  messe  solennelle  dont  les  cérémonies  se  déroulent  tl 
l'autel  moniiinental  dans  les  nuages  de  l'encens  et  le  scintillement  des  ors.  Un 
ra4lieiix  soli-il.  dans  une  matinée  idéale,  baigne- de  sa  lumière  l'incomparable 
««•^ne.  prélude  de  l'apothéose  <lu  lendemain  (pie  d'avance  le  légat  proclame  "  le 
pliiH  beau  jour  de  sa  vie." 

Knfin,  le  jour  si  attendu  se  lève  :  le  temps  est  splendide  :  dans  Tavant-midi, 
cent  traiiiH  supplémentaires  ont  apporté  cent  mille  jièlerins  nouveaux  ;  dès  onze 
lioiire»,  dann  les  tuph  et  sur  les  places  avoisinaiit  Notre-Dame,  les  groupes  se 
forment  aux  points  de  rallir-ment    fixés  «l'avance  :   à  midi  et  demi,  l'ordre  de  dé- 


—  lUb5  — 

part  est  donné,  et  l'avaiit-garde  de  riiiteiiniiiable  cortège  débouche  sur  la  l'iace 
d'Armes,  située  devant  Notre-Dame  :  pendant  trois  iieures.  par  rangs  de  six. 
société  après  société,  paroisse  après  paroisse,  diocèse  après  diocèse,  bannières  au 
vent,  chapelets  en  mains,  tant.jt  au  bruit  des  chants  et  des  fanfares,  tantôt  dans 
un  impressionnant  silence,  cinquante  mille  hommes  vont  passer  :  :1  leur  suite, 
les  nombreuses  fraternités  du  Tiers-Ordre,  la  longue  file  des  religieux,  la  théorie 
multicolore  des  enfants  de  chœur,  des  milliers  de  prêtres  en  surplis  ou  en  cha- 
suble, cent  vingt  évêipies  en  chape  et  en  mitre  encadrés  de  deux  assistant>. 
Quatre  heures  ont  sonné  (juand  le  Saint  Sacrement,  porté  par  le  légat,  paraît  au 
seuil  de  la  métropole  ;  derrière  le  dais,  la  ])rocession  continue  ;  les  deux  car- 
dinaux de  Baltimore  et  d'Armagh.  Cardinal  (Jilibons  et  Cardinal  Logue.  les  pro- 
tonotairos  et  les  prélats,  l'administrateur  général  du  Canada,  le  gouverneur  amé- 
ricain (lu  Ivhode-lslaiid,  le  lieutenant-gouverneur  de  la  province  et  leurs  états- 
majors  ;  les  ministres,  sénateurs  et  députés  catholiques,  le  maire  et  les  échevins; 
la  Magistrature,  le  Barreau,  l'Université  en  toges,  les  corporations  ouvrières 
et  les  confréries  du  Saint-Sacrement  ;  et,  de  Notre-Dame  au  Mont  Royal,  sur 
une  longueur  de  cincj  kilomètres,  par  les  rues  jonchées  de  Heurs,  sous  les  arcs  de 
triomphe,  entre  les  maisons  pavoisées  et  tendues  de  la  base  au  faîte,  :\  travers 
une  multitude  iimombrable  qui  remplit  les  trottoirs,  couvre  les  perrons,  s'écrase 
aux  balcons,  envahit  les  estrades  érigées  sur  tous  les  terrains  vides,  gagne  les 
toits,  escalade  arbres  et  poteaux,  au  chant  des  hymnes  liturgi(jues  (|u"exécutent 
des  chœurs  échelonnés  le  long  du  parcours,  le  triomphal  cortège  s'avance  avec 
lenteur.  Le  recueillement  est  parfait,  le  respect  incline  toutes  les  têtes,  l'émotion 
met  des  larmes  sur  beaucoup  de  visages,  l'atlmiration,  impuissante  il  se  maîtriser, 
éclate  en  ap])lau(lissements.  Un  sentiment  religieux.  ])rof()nd.  plus  fort  que  la 
curiosité,  lient  en  sus])ens  la  multitude,  et.  malgré  raflluence.  malgié  la  faibh-sse 
de  la  police,  aucune  Ixmsculade,  aucun  désordre  ne  se  produit.  11  est  sept  heures, 
et  l'ombre  tombe  lorsque  le  Saint-Sacrement  parvient  au  reposoir  ;  la  foule 
massée  sur  r(>s])lanadc  n'est  guère  inférieure  à  ini  demi-million  :  c'est  :1  perte  de 
vue,  une  mer  de  têtes,  d'où  émergent  des  étendard».  Le  salut  commence.  Ue 
Tantum  ergo  s'élance,  poussé  par  des  milliers  de  poitrines  :  enlin  l'Hostie  s'élève 
au-dessus  du  peuple  prosterné,  bénissant  la  cité,  le  pays,  le  monde  !  La  minute 
est  inexprinnil)le. 

Il  fait  maintenant  tout  A  fait  nuit  ;  la  lune  brille  doucement  au-dessus  <le 
l'autel  ;  la  foule  a  fait  silence  ;  au  loin  les  cloches  cariMonnent.  Et  l'on  vou- 
drait nxer  cet  instant  unique,  retenir  le  Maître  qui  pas.se  :  on  répète  tout  bas 
la  prière  des  discij)les  d'Emniaiis:  "  Manr  uohi.icuin.  Domine,  (junninin  iiflrrspc- 
rdscit."  llélas!  l'heure  de  le  ])()sséder  n'est  pas  encore  venue.  11  s'en  va  ;  les 
acclamations  retentissent,  ré])ercutées  ])ar  tous  les  échos  de  la  montagne.  "  Loué 
soit  Jésus-Christ!  A  vous  nos  familles.  A  voiis  nos  enfants,  à  vous  nos  vies!  "  Le 
clergé  accompagne  le  Saint-Sacrement  si  la  chapelle  toute  proche  de  l'Jlôtel-Dieu: 
la  multitude  en  délire  se  disperse  :  les  chants  de  joie  se  croisent  dans  l'air  :  la 
ville  s'illumine.  C'est  fini  ;  mais  l'impression  demeure  profonde.  incU'at'able. 
Quelle  puissance  au  monde  pourrait  mobiliser  pareille  armée  ?  (^uel  souverain 
oserait  rêver  semblable  triomphe  ?  L'Eglise,  qu'on  dit  moribonde,  est  donc  i>Ius 
vivante  (pie  jamais;  le  Christ,  dont  on  se  rit,  uarde  donc  intact  son  irrésistible 
emj)ire  et  sait  encore  s'enii)arer  des  cœurs!  Ah  ;  quand  les  peuples  voudront  se 
livrer  A  cette  force,  (piel  idéal  trop  ambitieux  ne  saurait  dépasser  les  csp.iirs  de 
l'humanité  ! 

Cette  impression  d'indeslructible  vitalité  et  d'invincible  puis'^ance  se  fortifiait 
singulièrement  en  considérant  le  caractère  cosmo|>olite.  mondial,  pour  tout  dire. 
catholi(pie.  des  foules  rassemblées.  C'était  mieux  que  l'iiommace  unanime  d'une 
nation  ou  d'une  race  :  c'était  une  Epiphanie  nouvelle.  Epij)hanie  eucharisti(|iie. 
qui,  des  extrémités  de  la  terre,  rappelait  les  Tuitions  et  les  races  ])our  adorer  le 
A'erbe  faji  chair  :  Montréal,  en  ces  jours  bénis,  aiijiaraissait  A  tous  cdinme  une 
autre  B('llilt''em.  une  autre  Maison  du  Pain  ;  et  les  visions  d'Isaïe  siMMblait-nl 
vraiment  se  réaliser  dans  ces  arrivages  continmds  de  délégations  lointHines  <>t  de 
])rélats  exotiques,  accourant  par  toutes  les  routes  ;  dans  cette  affluence  pidyglotte 
circulant  en  tlots  pressés  A  travers  la  ville,  dans  cette  mull  i|»licité  de  section» 
distinctes:    fram.'aise,    anglaise,    allemande,    siégeant    séparément    cluujue    nuit  in. 


—  10S6  — 

exécutant  chacune  sa  partie  du  grandiose  concert  dans  ces  mémorables  assem- 
blées du  soir,  a  Notre-Dame,  oïl  des  orateurs  venus  d'Italie  et  de  Belgique,  d  Ir- 
lande et  de  Grande-Bretagne,  de  France  et  des  Etats-Unis,  mêlaient  leurs  voix 
aux  voix  canadiennes  et  faisaient  alterner  pour  la  même  louange  la  langue  de 
Wolfe  et  la  langue  de  Montcalm. 

Et  cela  se  i)assait  en  terre  américaine,  sur  ce  sol  où  s  agitent  tant  d  activités 
fiévreuses;  ou  combattent  tant  d'intérêts  ardents,  où  luttent  tant  de  nationalités 
rivale»!  où  les  biens  de  la  terre  se  disputent  si  âprement,  où  parfois  s  affiche  si 
naïvement  la  supériorité  d'un  peuple  pratique  sur  les  vieux  pays  idéalistes. 
("était  un  ma.niitique  et  saisissant  spectacle  de  voir,  pour  un  instant,  a  1  appel  de 
TE-lise  devant  l'Eucharistie,  les  appétits  faire  trêve,  les  hostilités  s'apaiser,  les 
rac«s  se  fondre,  les  regards  se  fixer  sur  une  réalité  céleste,  les  descendants  des 
émicrrés  fraterniser  avec  les  cousins  venus  d'outre-mer,  les  deux  mondes,  le  nou- 
veau et  1-ancien.  collaborer  i\  un  triomphe  sans  précédent  et  fêter  ensemble  le 
Sauveur  nu  Î^Ionde.  On  eut  même  l'illusion  d'une  chrétienté  refaite,  du  rappro- 
chement tant  rêvé  des  communions  si  fâcheusement  divisées  par  la  Réforme. 
Sans  doute,  quelques  prêches  firent  entendre  de  curieuses  diatribes,  et  dénon- 
cèrent une  fois  de  plus  l'agression  pontificale  ;  mais  ces  notes  discordantes  si- 
gnalèrent seulement  l'importance  de  la  manifestation  catholique  et  demeuraient 
sans  écho  dans  la  niasse  protestante. 

Nos  frères  séparés  participèrent  abondamment  par  de  généreuses  souscriptions 
aux  dépenses  du  Congrès  ;  plusieurs  mirent  leur  demeure  à  la  disposition  de 
l'archevêque  pour  y  loger  ses  hôtes  ;  ils  firent  dans  leurs  journaux  une  large 
place  aux  comptes  rendus  des  cérémonies  ;  ils  tinrent  a  honneur  de  décorer  leurs 
maisons  sur  le  passage  du  Saint-Sacrement  ;  ils  assistèrent  nombreux  à  la  pro- 
cession et  a  la  bénédiction  finale,  et  leur  attitude  fut  celle  du  respect  et  de  la 
sympathie  toujours,  de  l'admiration  et  de  l'émotion  souvent  ;  beaucoup  remer- 
ciaii'ut  Dieu  de  cette  fête  où  plus  d'un  a  senti  se  dissiper  des  préjugés  et  s'éveiller 
des  doutes.  Et  lorsque,  â  la  dernière  minute  de  l'inoubliable  scène,,  la  bénédic- 
tion donnée,  des  milliers  de  voix,  conduites  par  la  voix  claire  et  vibrante  de 
l'archevêque,  montèrent  en  une  clameur  immense  vers  l'Hostie  déposée  sur 
l'autel  triomphal  rayonnant  dans  la  nuit,  et  appelèrent  l'une  après  l'autre  toutes 
les  nations  et  toutes  les  races  pour  les  recommander  ensemble  au  Roi-Jésus, 
c'était  "  l'Eglise  qui  dressait,  au  milieu  de  notre  âge  de  conflits  et  de  discordes, 
en  face  de  l'internationale  haineuse  et  violente  qui  voudrait  abolir  les  patries  et 
démolir  les  sociétés,  l'internationale  pacifiqu«  et  illuminatrice  qui  aspire  à 
rendre  les  patries  meilleures  et  les  sociétés  plus  heureuses  en  les  faisant  commu- 
nier toutes  dans  l'amour  et  le  culte  du  Maître,  dont  la  doctrine  est  une  loi  de 
paix." 

La  grande  nouveauté  du  Congrès  de  Montréal  ne  fut  pourtant  ni  la  magnifi- 
cence grandiose  des  cérémonies,  ni  le  caractère  véritablement  œcuménique  de 
l'assistance  —  ces  deux  notes,  moins  accentuées  toutefois,  s'étaient  rencontrées 
ailleurs  —  mais  l'union  intime,  absolue  des  pouvoirs  civils  et  religieux,  le  respect 
des  membres  du  gouvernement  pour  l'Eglise  catholique,  leur  participation  effec- 
tive au  Congrès. 

L'attitude  des  autorités  publiques  dans  un  pays  qui  a  hérité  de  l'Angleterre 
ses  meilleures  tra<litions  de  gouvernement  constitutionnel,  et  emprunté  à  la  Ré- 
publique voisine  sa  conception  la  jiliis  autorisée  de  la  démocratie,  peut  être  utile- 
ment méditée  chez  nous,  depuis  que,  ynmr  justifier  leur  grossier  sectarisme,  nos 
législateurs  ont  osé  invoquer  la  dignité  du  pouvoir  civil  menacé  d'empiétements 
par  la  s^>ciété  religieuse,  et  les  exigences  d'un  Etat  démocratique  condamné, 
diwnt-'l»,  il  ignorer  le  Pontife  romain 

Le  Jiègne  de  Jésus  par  Marie,  15  novembre  1910  : 

I^  vingt-et-unième  Congrès  Eucharistique,  tenu  a  Montréal,  Canada,  dans  les 
premiers  jours  de  septembre,  promettait  beaucoup  ;  le  succès  a  dépassé  les  espé- 
rances. ]j-H  grands  quotidiens  vous  ont  déjà  fait  connaître  les  démonstrations 
qui  ont  marqué  coh  solennelles  assises.  Nous  devrons,  dans  les  étroites  limites 
d'un  article,  nfius  contenter  de  les  esquisser  a  larges  traits  et  d'en  dégager  la 
physionomie  d'ensfrmble. 


—  108".  — 

Montréal,  on  le  sait,  est  la  ville  la  plus  populeuse  du  Canada.  Avec  ses  lian- 
lieues,  elle  ne  compte  pas  moins  de  sept  cent  mille  habitants,  en  très  forte  ma- 
jorité canadiens-français  et  catholiques  pratiquants.  Elle  est  d'accès  facile, 
étant  sur  le  passage  de  plusieurs  grandes  voies  ferrées,  et  les  vaisseaux  océani- 
ques venant  mouiller  jusque  dans  son  port.  Métropole  industrielle  du  pays  et 
placée  dans  la  catholique  province  de  Québec,  elle  offrait  à  la  tenue  d'un  conjurés 
religieux  des  éléments  de  succès  qu'il  serait  peut-être  difticile  de  trouver  réunis 
ailleurs. 

Le  Congrès  n'a  pas  seulement  été  canadien  ;  il  a  été  aussi  le  Congrès  de  toute 
l'Amérique  du  Nord.  Les  quatre-vingts  diocèses  des  Etats-Unis  étaient  tous  re- 
présentés par  leurs  chefs  venus  se  ranger  autour  des  trente  évêques  de  l'Eglise 
du  Canada.  Le  Congrès  mérite  aussi  son  titre  d'international,  toutes  les  parties 
du  monde  y  étaient  représentées  par  quelques  hauts  dignitaires  ecclésiastiques 
ou  autres  distingués  visiteurs.  Cent  vingt-cinq  évêques  formaient  cortège  aux 
trois  cardinaux  :  Logue,  d'Armagh;  Gibbons,  de  Baltimore;  Vincent  Vannutelli, 
représentant  le  Saint-Père.  On  a  évalué  à  six  mille  le  nombre  des  prélats,  pro- 
tonotaires, chanoines,  prêtres  ayant  pris  part  A  ces  fêtes. 

Jusqu'ici  les  Congrès  Eucharistiques,  si  l'on  excepte  celui  de  Jérusalem, 
s'étaient  tenus  dans  un  rayon  assez  restreint.  Montréal  est  venue  élargir  leur 
horizon,  ayant  la  première  cet  honneur  sur  le  continent  américain,  honneur  bien 
mérité  par  trois  siècles  de  généreuse  fidélité.  Ce  Congrès  présente  peut-être, 
d'autre  part,  une  certaine  variété  avec  les  précédents  ;  il  a  eu  une  saveur  de 
terroir,  une  saveur  d'Amérique  où  les  choses  ne  se  passent  pas  entièrement  comme 
de  l'autre  côté  de  l'eau. 

Le  Congrès  proprement  dit  a  duré  quatre  jours.  Le  temps  était  partagé  en 
réunions  d'études  et  en  manifestations  religieuses  en  l'honneur  de  Jesus-Eucha- 
ristie. 

Les  rapports,  français  et  anglais,  s'adressaient  il  différentes  catégories  :  aux 
prêtres,  aux  hommes,  aux  jeunes  gens,  aux  dames,  et  ont  été  très  suivis.  Les 
travaux,  en  général,  bien  étudiés  visaient  surtout  un  point  de  vue  pratique. 
Publiés  prochainement,  ils  formeront  un  fort  et  intéressant  répertoire:  l'en- 
semble convergeait  à  promouvoir  ce  qui,  de  près  ou  de  loin,  favorise  le  culte 
envers  l'Eucharistie  et  la  réception  fréquente  et  fructueuse  de  la  sainte  Com- 
munion. 

Les  réunions  sacerdotales,  entre  toutes,  furent  intéressantes.  I^ne  séance  qu'il 
convient  aussi  de  signaler  fut  celle  de  la  jeunesse  catholique;  elle  réunit,  assure-, 
ton,  dans  la  salle  de  l'Aréna,  trente  mille  jeunes  gens,  blonde  marée  dont  les 
flots  généreux  se  soulevaient  fièrement  pour  acclamer  non  seulement  ses  gloires 
et  ses  espérances,  mais  aussi  ses  devoirs  religieux  et  patriotiques. 

La  manifestation  la  plus  grandiose  fut  la  procession  de  clôture.  Le  par- 
cours mesurait  près  d'une  lieue.  Setils  les  hommes  étaient  admis  dans  le 
cortège.  De  soixante-quinze  :1  cent  mille  hommes  prirent  part  au  défilé  (pii  dura 
depuis  une  heure  de  l'après-midi  jusqu'il  la  nuit.  Des  représentants  de  la  plu- 
part des  paroisses  du  diocèse  étaient  lil  autour  de  leurs  bannières,  suivies  de 
beaucoup  d'autres  délégations  de  diocèses  étrangers.  Les  sociétés  cath()li<iues, 
les  religieux  de  différents  costumes  marchaient  en  corps,  ainsi  q>ie  les  régiments 
réguliers  ou  indépendants  en  uniformes.  Plusieurs  nations  formaient  aussi  des 
groupes  distincts:  ainsi  on  a  remarqué  les  colonies  italienne,  polonaise,  lithua- 
nienne, syrienne,  chinoise,  et  des  descendants  des  tribus  sauvages  portant  le  cos- 
tume traditionnel  et  la  chevelure  ornée  de  plumes  l>rillantes.  Deux  mille  ]>rêtres 
en  surplis,  dalmatiques,  chapes,  chasubles,  précédaient  les  chanKines.  camériers, 
protonotaires,  abbés  mitres,  évêques  aux  chapes  et  mitres  étincelantes.  acconi 
pagnes  de  leurs  chapelains.  Des  centaines  d'enfants  répandaient  des  fleurs  et 
ime  nombreuse  escorte  liturgique  entouraient  le  Car<linal-Légat  portant  le  Saint 
Sacrement  et  suivi  de  ses  familiers  et  des  associés  de  la  mission  ]i<>n(ificale. 
Fermaient  la  marche  les  cardinaux  et  leur  suite.  rarchevê<iue  de  Montréal  avec 
ses  chapelains,  les  ordres  pontificaiix,  le  comité  permanent  des  Congrès  eucharis- 
tiques ;  l'administrateur  général  du  Canada,  le  gouverneur  du  Rhodelsland,  le 
lieutenant-gouverneur  et  leurs  états-majors  ;  le  maire  et  les  échevins  <le  M<>nt 
réal.  la  magistrature  et  le  barreau,  les  facultés  universitaires  Laval,  les  corps 
professionnels,  enfin  les  confréries  de  l'Adoration  Nocturne  et  autres  du  Très 
Saint-Sacrement. 


—  1088  — 

Des  fai.faros  s-éc-helonnaieiit  dans  les  rangs  de  la  procession,  unissant  leurs 
notes  puissante,  aux  elice.us  pla.és  s^.r  le  parcours  ou  alternant  avec  les  pneres. 
U  a In.r.is  des  rues  par  lesquelles  passait  le  crtège  étaient  envahis  ;  les  bal^ 
cons  les  fenêtres,  les  estrades,  les  arbres,  les  toits  uiême  étaient  garnis  Le 
défilé  sonil.lait  le  eoiirs  d'un  fleuve  s'écoulaut  entre  deux  hautes  rives  vivantes 
•e  ueuple  .,n\.n  estime  A  sept  ou  huit  cent  mille,  s'agenouillait  respectueusement 
au  pasia.-e  du  Tr*^s  Saint -Sacrement.  Tout  le  parc.urs  était  décoré  de  nombreux 
arcsde  triomphe,  gigantesques  eonstructions  en  plâtre  ornées  de  statues  de 
lieurs  d-inserii)tious.  d'emblèmes  eucharistiques  et  profusement  enguirlandées 
.lanumules  électriques  aux  c(mleurs  et  aux  dessins  variés.  Un  de  ces  arcs  tran- 
chiil  sur  les  autres  :  c'était  celui  dn  Manitoba.  orné  tout  entier  de  siiperbes  epis 
de  blé  apportés  des  plaines  ,1e  l'Ouest  fana.lien.  Les  arcs  étaient  reliés  par  des 
pylône's.  des  culmines  soutenant  des  anges  adorateurs,  des  mâts  vénitiens  arbo- 
rant de  riches  bannières.  .,,.41 

l'eux  <iui  ont  vu  cette  procession,  ont  admiré  le  bon  goût  et  la  munihcence  des 
préparatifs,  rimineiise  concours  de  peuple,  l'ordre  parfait  et  le  recueillement  qui 
î.'o.it  cessé  de  régner.  La  temi.érature.  pluvieuse  aux  premiers  jours  du  Con- 
grès, fut  pour  la  processum  ce  qu'on  pouvait  la  souhaiter.  Aussi  les  heureux 
Témoins  de  ce  triomphe  de  Jésus-Hostie  sont  unanimes  à  déclarer  qu  ils  ne  re- 
verront rien  de  semblable  et  ils  se  demandent  si  l'on  peut,  en  ce  genre,  mieux 
ima-iner  Tout  le  Congrès,  au  surplus,  s'est  accompli  avec  une  tenue,  un  éclat 
et  u'ie  dignité,  dont  même,  les  moins  prévenus  en  notre  faveur,  ont  été  impres- 
si.ninés  feci  fait  grand  honneur  à  :\lonseigneur  l'archevêque  de  Montréal, 
rr.nje  (ie  cette  entreprise,  et  aux  difterents  comités  qui  l'ont  secondé  dans  sa 
lâche. 

Mgr  ToiK-het,  Le  ('orrespondaid.  10  octobre  11)10: 

Montréal  était  d'ailleurs  admirableiiieiit  choisi  jtour  tiiie  assemblée  de  ce  genre. 

I.,a  ville  est  grande  et  belle  :  ee  qui  est  utile  à  tout.  Quand  on  la  considère 
du  liaut  de  ee  mont  (|ue  Cartier  appela  Royal,  pour  la  magniticence  de  son  ho- 
rizon, elle  se  niontr»!  comme  étalée  sous  tme  forêt  qui  la  couronne  d'un  incompa- 
rable dôme  de  verdure.  I^e  Saint-Laurent,  qui  se  divise  en  deux  bras  à  la  Pointe 
aux  'l'remldes  et  reprend  son  cours  uui(]ue  à  Sainte-Anne,  l'assied  dans  une  île 
triangulaire,  à  rives  ])lates,  entre  lescpiellcs  ont  été  dessinées  de  larges  et  longues 
rues  droites,  eoupées  en  damier,  disposées  miraculeusement  pour  quelque  gigan- 
tesrpie  pompe  religieuse. 

(  ependiint.  nous  marchons  depuis  trois  heures  :  nous  approchons  du  reposoir 
dernier.  Ia'  jour  baisse,  h;  soleil  descend  sans  un  nuage  (jui  le  voile,  dans  vm 
ciel  d'or.  lA-yi  étr)iles  s'allument  l'une  après  l'autre.  La  lune  accourt  au  rendez- 
vous.  Des  phares  électricpies  jettent  de  longs  rayons.  Toutes  les  cloches 
«'ébranlent.  I^es  canons  tonnent;  à  chaqtie  coup,  un  léger  nuage  blanc  s'élève, 
poussé  bientôt  an  large,  oft  il  .se  dissipe  j)ar  le  vent  d'est.  Des  clairons  se  ren- 
voifiit  des  appels.  Des  maisons  s'embrasent  de  mille  feux.  Les  Mcifinificat  et 
les  7'«  Jtiiiiii  s'envolent.  Cent,  cent  cin()uante  mille,  deux  cent  mille  hommes  se 
press<'ni  autour  du  trône  on  le  Légat  vient  de  (lé])oser  l'ostensoir.  Un  Tantum 
rrtfo  forinilable  retentit.  Mgr  l'Archevêque  reprend  :  Vive  le  Canada.  Vive 
r.Angleterre!  la  multitude  reprend:  Vive  l'Anglelerre !  Vive  la  France!  la  mul- 
titude reprend:  Vive  la  France!  \ive  rAméri(|ue!  la  multitude  reprend:  Vive 
r.Arnérique!  \'ive  la  Melglcjne!  la  multitude  re|)ren(l  :  Vive  la  Belgique!  et  le 
reste. 

\je  Cardinal-I>gat  se  relève.  Le  voilà  seul  debout,  l'immense  multitude  est  à 
genoux  ;  A  genoux  â  perte  de  vue,  A  genoux  dans  le  parc  Manco,  à  genoux  dans 
les  rues,  A  genoux  aux  balcons.  A  genoux  aux  fenêtres.  11  lève  lentement  l'Hostie 
et  liénit.  aux  ipiatre  coins  de  l'Kspace.  les  mondes  nouveaux  et  les  nudides  an- 
rienH.  Puis  il  s'agenouille  lui  niênii-.  Et  celte  fois,  de  cette  foule  immense,  plus 
[KTHonne  n'est  debout. 

('ep«'n(lant,  nous  étions  abimés  dans  ce  spectacle  d'indicible  grandeur,  nous 
•llHionH  au  Christ  .Jésus:  '•  Regardez,  ;Maître  et  Sauveur,  du  côté  de  l'Fst.  Re- 
ffardez  deux  points  surtout:  Rome  et  la  France,  liénissez-y  le  l'aj)e.  Rénisse/- 
y    nos   frèren.     Nos  frères   vous   les  discernerez  derrière  un   nuage   de  poussière. 


—  1US9  — 

Ce  n'est  pas  pour  choquer  vos  regards,  ô  roi  Jésus.  Les  rois  aiment,  de  spéciale 
dilection,  les  régiments  qui  se  battent.  Nous  sommes,  nos  frères  et  nous,  le  ré- 
giment qui  se  bat.     Bénissez-nous,  nous  et  notre  chef  visible." 

Or  tandis  que  nous  pensions  ainsi,  nous  entendîmes  la  voix  de  Mgr  l'Arche- 
vêque de  Montréal  qui  s'élevait  une  dernière  fois  et  disait  avec  un  accent  où 
vibrait  beaucoup  de  gratitude  et  quelque  fierté  légitime:  "Le  Congrès  est  fini. 
Gloire  i\  Dieu!  " 

Nous  regardfimes.  .  .  .  Sous  le  dais  blanc,  le  Cardinal-Légat  avait  redressé  sa 
haute  taille;  il  avait  repris  le  doux  et  divin  fardeau  qu'il  portait  depuis  quatre 
heures  sans  Héehir;  il  s'acheminait  à  pas  fermes  vers  l'Hôtel-Dieu  où  l'Hostie 
allait  passer  la  nuit,  adorée  par  des  malades  et  des  pauvres.  La  nuit  nous  parut 
plus  sombre:  et  nous  sentîmes  un  sanglot  nous  monter  du  cœur  aux  lèvres.  Ce 
sanglot  était  l'adieu  à  l'ineffable  minute  que  nous  venions  de  vivre.  Oui!  le 
Congrès  de  Montréal  était  fini. 

Lette  pastorale  de  Mgr  l'Archevêque  de  Montréal: 
Nos  très  chers  frères, 

Les  occupations  multiples  de  notre  charge  pastorale  ne  nous  ont  pas  permis 
de  vous  entretenir  plus  tôt,  comme  nous  le  désirions,  de  notre  Congrès  Eucha- 
ristique. 

Ce  Congrès,  objet  de  nos  vœux  et  de  nos  prières  pendant  si  longtemps,  est 
maintenant  une  chose  du  passé.  Mais  nous  en  vivons  encore,  et  n'est-il  pas  vrai 
de  dire  que  tous  ceux  qui  y  ont  pris  part  en  garderont  à  jamais  le  doux  et  ré- 
confortant souvenir  ?  Il  ne  cesse  pas  de  faire  l'objet  de  nos  entretiens  comme 
de  nos  pensées.  Le  peuple,  on  le  sent,  a  été  remué  dans  le  plus  intime  de  son 
être.  Un  mot  est  sur  toutes  les  lèvres:  ''  Nous  avons  assisté  il  une  fête  du  ciel!  " 
Le  triomphe  que  nous  rêvions  pour  Jésus-Hostie  a  dépassé  toutes  nos  espérances. 
On  nous  a  dit  qu'aucun  pays  ne  lui  en  avait  encore  décerné  un  d'une  égale  ma- 
gnificence, et  notre  âme  a  surabondé  de  joie. 

Les  journairx  et  le  télégraphe  ont  porté  ;1  lu  connaissance  du  monde  entier  le 
récit  des  événements  qui  ont  fait  des  premiers  jours  de  septembre  1910  les  jours 
les  plus  heureux  et  les  plus  beaux  de  notre  histoire.  Ils  ont  parlé  des  impo- 
santes cérémonies  de  notre  cathédrale;  de  ces  nombreuses  séances  d'études  eucha- 
ristiques, si  fidèlement  suivies  par  les  prêtres,  les  religieux,  les  religieuses,  les 
hommes  et  les  femmes  du  inonde,  sous  la  présidence  d'éniinents  prélats;  de  ce 
touchant  défilé  de  trente  mille  enfants  de  nos  écoles,  acclamant  le  Christ,  le  pape 
et  celui  qui  le  représentait  si  noblement  parmi  nous;  de  cette  incomparable  messe 
du  Parc  élance,  au  flanc  de  notre  montagne  qui  nous  apparaissait  comme  un 
nouveau  ihabor  où  il  eût  fait  si  bon  de  dresser  sa  tente  auprès  du  Christ  trans- 
figuré; de  cette  autre  célébrée  iV  minuit,  il  Notre-Dame,  toute  étincelante  de  lu- 
mières, et  où  les  hommes  s'approchèrent  par  milliers  de  la  table  sainte;  de  ces 
réunions  solennelles,  le  soir,  sous  les  voûtes  du  même  temple,  où  de  brillants 
orateurs  ecclésiastiques  et  laïques  des  Deux-Mondes  faisaient  entendre  leur  élo- 
quente parole;  et,  enfin,  de  cotte  procession  du  11  septembre,  dans  une  tempéra- 
ture idéale  préparée,  nous  semblait-il,  par  les  anges  de  Dieu  eux-mêmes,  où  cent 
mille  hommes  de  toutes  les  classes  de  la  société,  de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  unis  dans 
un  même  sentiment  de  foi,  faisaient  escorte  au  Christ  eucharistique  porté  par  le 
légat  du  pape  dans  les  rues  décorées  comme  une  église,  embaumées  du  parfum 
des  fleurs  et  de  l'encens,  ornées  d'arcs  de  triomphe  aux  emblèmes  les  plus  irra- 
cieux,  et  bordées  tout  le  long  d'une  multitude  évaluée  il  cinq  cent  mille,  tous, 
spectateurs  recueillis,  émus,  ([Ui  croyaient  avoir  sous  les  yeux  comme  une  vision 
céleste.  Ils  ont  essayé  de  décrire  cet  instant  mémorable  entre  tous  où  le  car- 
dinal élevant  l'Hostie,  bénissait  Montréal,  le  pays  et  le  monde.  A  la  tombée  de 
la  nuit,  sous  un  ciel  qui  semblait  s'abaisser  vers  nous,  il  la  douce  lumière  de  la 
lune,  qu'on  eut  dit  la  lampe  gracieuse,  mystérieusement  siispi-ndiie  au-<l<'ssu8  do 
notre  autel,  pendant  que  les  cloches  et  les  clairons  retentissaient  au  loin.  Ils 
ont  redit  fidèlement  les  acclamations  de  la  foule,  et  la  consécration  solennelle, 
irrévocable,  de  tout  un  peuple  A  Jésus-Christ,  roi  immortel  des  siècles.  "O 
Christ,  a  vous  nos  familles,  a  vous  nos  diocèses,  a  vous  nos  enfanta,  a  vous  nos 

35 


— lUDO  — 

malades,  A  vous  nos  morts.  Amen,  amen,  amen  I  "  Les  cœurs  battaient,  les 
yeiL\  étaient  pleins  île  larmes.  Que  la  religion  catholique  paraissait  grande  et 
sublime,  et  conune  elle  se  réalisait  bien  alors  la  parole  du  divin  Maître:  "  Lors- 
que j'aurai  été  élevé  de  terre,  j'attirerai  tout  à  moi!  " 

Mais,  nos  très  chers  frères,  en  outre  de  ces  majestueux  spectacles,  que  de  choses 
éditiantes  et  consolantes  ont  illustré  notre  congrès  eucharistique!  Que  d'actes 
d'amour  généreux,  de  pénitence,  d'immolation,  de  ferveur  dont  Dieu  garde  le 
secret:  De  quelle  piété  notre  peuple  u'a-l-il  pas  donné  la  preuve!  Des  milliers 
de  messes  ont  été  célébrées  chaque  jour.  Partout,  les  églises  et  les  chapelles 
étaient  remplies;  et  pendant  cette  semaine  sainte,  c'est  par  centaines  de  mille 
qu'il  faudrait  compter  les  communions.  Il  ne  s'est  pas  produit  le  plus  léger 
liésordre.  Chez  nos  frères  séparés  nous  remarquions  le  respect,  l'admiration 
souvent,  toujours  la  sympathie  sincère.  Il  n'y  avait  pas  d'étrangers  parmi  nous, 
mais  uniquement  des  frères;  et  c'est  comme  des  frères  qu'ont  été  accueillis  tous 
ceux  qui  sont  venus  de  près  ou  de  loin  assister  à  nos  fêtes.  Les  familles,  invitées 
il  recevoir  un  évêque,  ont  su  faire  princièrement  les  honneurs  de  leur  maison. 
Les  communautés  religieuses  ont  rivalisé,  pourrions-nous  dire,  de  dévouement  et 
de  générosité.  En  ce  fameux  et  unique  dimanche  du  11  septembre,  notre  ville 
était  en  quelque  sorte  transformée.  Les  maisons,  décorées  partout  avec  tant  d'é- 
légance et  de  richesse,  devaient  le  soir  resplendir  d'éclatantes  lumières;  une 
atmosphère  de  joie  sereine  nous  enveloppait;  il  nous  semblait  respirer  un  air 
inaccoutumé.  Le  recueillement  était  partout  comme  dans  le  lieu  saint,  et  en 
réalité,  pendant  plusieurs  heures,  la  métropole  si  active  semblait  être  devenue 
une  cathédrale  immense  oil  dans  la  liberté  la  plus  absolue  et  la  foi  la  plus 
ardente  se  déployaient  les  cérémonies  augustes  du  culte  catholique.  Oui  cette 
fois,  sur  les  rives  du  Saint-Laurent,  Jésus  est  venu  parmi  les  siens,  et  les  siens 
l'ont  reçu  avec  tout  l'amour  de  leur  cœur. 

Ce  nous  est,  nos  très  chers  frères,  un  doux  devoir  de  remercier  ici  tous  ceux 
qui,  pour  l'organisation  et  la  célébration  de  notre  Congrès,  nous  ont  prêté  leur 
précieux  concours:  comités  divers  formés  par  nous;  j)rêtres  et  laïques,  commu- 
nautés religieuses,  autorités  civiles,  fédérale,  provinciale  et  municipale  ;  com- 
pagnies de  chemins  de  fer  et  de  navigation,  journalistes  catholiques  et  non  ca- 
tholiques, bataillons  de  nos  volontaires  catholiques,  hommes  de  police,  jeunes 
gens  du  monde  et  jeunes  séminaristes,  artistes,  arcliitectes,  ouvriers,  musiciens 
et  chantres;  mais  n'est-ce  pas  tout  le  monde  qu'il  conviendrait  de  remercier,  car 
est-ce  que  chacun  n'a  pas  fait  sa  part,  n'a  pas  offert  son  obole  selon  ses  moyens 
et  selon  les  circonstances  ? 

Aux  ûmes  pieuses  qui  dans  les  cloîtres  ont  prié  avec  tant  de  ferveur  et  à  qui 
nous  n'en  doutons  pas,  nous  sommes  redevables  de  bien  des  grâces  obtenues,  notre 
plus  sincère  gratitude. 

Une  fois  encore  nous  tenons  a  dire  combien  les  procédés  si  dignes  et  si  délicats 
de  ceux  qui  ne  partagent  pas  nos  croyances  nous  ont  touché;  lîous  ne  les  oublie- 
rons jamais. 

Mais  :\  l'Eminentissime  cardinal  Vannutelli,  légat  du  Souverain-Pontife,  l'hom- 
mage tout  particulier  de  notre  reconnaissance  comme  de  celle  de  tout  notre 
f>euple.  Dans  sa  personne  c'est  bien  la  suave  bonté  du  Sauveur  lui-même  qui  est 
apparue  sur  notre  terre.  Quelle  splendeur  il  a  jetée  sur  chacune  de  nos  pieuses 
cérémonies!  Avec  quelle  tendresse  il  s'est  incliné  vers  les  jietits  enfants'  A  l'ex- 
emple du  Maître  quel  regard  doux  et  aimant  il  a  jeté  sur  les  vin^t  mille  jeunes 
gen»  réunis  un  jour  devant  lui.  et  quand  il  leur  a  parlé,  quelles  pa'roles  vibrantes 
f»ont  sorties  de  son  ilme!  Quels  encouragements  et  quels  paternels  conseils  n'a- 
t-il  pas  donnés  aux  milliers  d'ouvriers  et  d'ouvrières  accourus  a  Notre-Dame  pour 
célébrer  selon  leur  pieuse  coutume  au  pied  des  autels  la  fête  du  travail  chrétien' 
:>e  dVi,  haut  a-t-elle  dér-iiplé  ses  forcr-s  pour  lui  permettre  de  s'acquitter 
.1  la  fait  de  ses  multiples  et  laborieuses  fonctions?  Tout  le  monde  l'a 
IH,n»4.  (ar  il  a  été  vraiment,  pendant  la  grande  semaine,  d'une  endurance  a 
toute  épreuve.     Il  na  refusé  aucun  travail.     Il  n'a  redouté  aucune  fati-me      II 

"w  r^/T^  T  *""":  ^'*"'  y^'\1  ''""''''^'«  l'""t  approché  comme  les  grands  et  les 
rhefH  dEtat.  Lui-même  est  allé  vers  les  liumbles  et  les  pauvres  II  a  trouvé 
le  temps  de  visiter  toutes  nos  principales  institutions  relii.neuses,  et  a  pu  ainsi 
•e  rendre  compte  de  notre  vie  chrétienne  et  catholique,  des  œuvres  qui  s'accom- 


—  1091  — 

plissent  chez  nous  pour  le  bien  des  Tunes  et  il  l'honneur  de  la  sainte  Eglise.  Par 
tout  on  se  souviendra  de  son  bienveillant  sourire  et  des  mots  consolants  tombés 
de  ses  lèvres.  Les  prisonniers  eux-mêmes  l'ont  vu  dans  leur  prison.  Il  a  célébré 
la  messe  dans  leur  modeste  chapelle.  Il  les  a  appelés  ses  "  frères  très  chers  en 
•Jésus-Christ."  Il  les  a  bénis.  Et  ces  pauvres  détenus  ont  pleuré  d'émotion,  et 
leurs  gardiens  ont  pleuré  avec  eux.  Ah  !  oui  il  est  passé  parmi  nous  en  faisant 
il-  bien,  et  quel  souvenir  nous  «Tarderons  de  sa  précieuse  visite!  Il  emporte  à 
Rome  notre  vénération  et  notre  amour,  et  pour  nous  nous  nous  rappellerons  avec 
bonheur  ces  mots  qu'il  nous  écrivait  naguère  de  la  République  voisine  où  il  était 
entouré  de  tant  d'iiommages:   "J'ai  passé  il  Montréal  des  journées  de  paradis." 

Maintenant  que  le  Congrès  est  fini,  nos  très  chers  frères,  il  faut  qu'il  produise 
dans  les  âmes,  dans  nos  familles,  dans  nos  paroisses,  dans  la  société  tout  entière 
les  fruits  heureux  que  nous  en  attendions. 

Nou  aurons  tous  pour  Notre-Seigneur  dans  son  auguste  sacrement  un  amour 
plus  tendre.  Nous  le  visiterons  plus  fréquemment  dans  les  tabernacles  où  son 
infinie  charité  le  retient  captif.  Nous  assisterons  plus  souvent  et  avec  une  fer- 
veur plus  grande  au  sacrifice  de  la  messe,  et  surtout  nous  mettrons  notre  bon- 
heur a  le  recevoir  plusieurs  fois  chaque  semaine,  tous  les  jours,  si  nous  le  pou 
vons,  dans  la  sainte  communion.  Nous  vivrons  de  Lui,  avec  Lui,  en  Lui.  Notre 
vie  sera  une  vie  chrétienne  dans  toute  l'acception  de  ce  grand  mot,  parce  qu'elle 
sera  une  vie  eucharistique,  et  ce  sera  l'avant-goût  de  la  vie  éternelle  qui  est  une 
communion  sans  fin  t\  l'essence  de  Dieu. 

Un  décret  important  du  Saint-Père  vient  de  fixer  â  l'âge  de  discrétion,  c'est- 
à-dire  généralement  à  la  septième  année,  la  première  communion  des  enfants. 
Ce  décret,  promulgué  en  séance  solennelle  de  notre  Congrès,  par  l'Eminentissime 
Cardinal-Légat,  éloquemment  commenté  par  lui.  a  été,  vous  le  savez,  accueilli  avec 
enthousiasme  par  le  clergé  et  par  les  fidèles.  Nous  l'exécuterons  sans  retard.  Il 
nous  apparaît  comme  un  présent  du  ciel  dans  les  tem])s  difficiles  que  nous  tra- 
versons, et  comme  le  gage  le  plus  assuré  de  la  régénération  sociale.  Pour  cette 
nouvelle  lumière,  pour  cette  faveur  insigne,  merci  au  Souverain-Pontife,  merci 
au  nom  de  nos  prêtres  et  de  nos  fidèles,  merci  surtout  au  nom  de  nos  petits 
enfants  dont  nous  pourrons  faire  désormais  de  si  bonne  heure  les  ciboires  vivants 
de  Jésus-Christ. 

Divin  Sauveur,  comment  notre  ville  et  notre  pays  pourront-ils  vous  remercier 
assez  des  bienfaits  dont  vous  les  avez  comblés  durant  les  beaux  et  grands  jours 
que  nous  venons  de  vivre!  Plus  que  jamais,  nous  avons  le  droit  de  nous  appli- 
quer la  parole  de  votre  prophète:  "Toutes  les  nations  n'ont  pa*  été,  traitées 
comme  la  nôtre."  Nous  vous  étions  consacrés  dès  notre  berceau;  nous  vous 
appartenons  maintenant  â  un  nouveau  titre:  la  cité  de  votre  Mère  sera  en  même 
temps  et  tout  spécialement  la  cité  de  votre  Eucharistie.  Ah!  si  cela  était  en 
notre  pouvoir,  nous  érigerions,  â  cet  endroit  désormais  immortel  de  notre  Mont- 
Royal  que  votre  présence  et  vos  bénédictions  ont  consacré,  un  monimient  splen 
dide  qui  rappellera  aux  générations  futures  le  triomphe  incomparable  dont  votre 
Eucharistie  y  a  été  l'objet.     Au  moins  vivrez-vous  â  jamais  dans  tous  les  cœurs. 

Pour  vous  préparer  cette  fête,  nous  n'avons  épargné  tous  ensemble,  vous  le 
savez,  ni  notre  temps,  ni  notre  argent,  ni  notre  santé.  Travailler  pour  vous, 
Seigneur,  était  si  juste  et  si  bon  !  Que  l'on  ne  vienne  pas  aujourd'hui  noua  fé- 
liciter de  nos  succès.  Non,  non,  il  ne  faut  parler  i\\u'  de  votre  gloire.  Vous  êtes 
tout,  ô  Dieu,  et  nous  ne  sommes  que  des  humbles  instruments  dont  votre  infinie 
bonté  a  daigné  se  servir.  Si  vous  êtes  content,  cela  suffit,  nos  ambitions  sont 
comblées.  Et  si,  poussant  la  charité  plus  loin  encore,  votis  nous  demandiez 
comme  autrefois  au  pieux  docteur  de  votre  Eucharistie  quelle  récompense  nous 
atteiulons,  nous  vous  répondrions  tout  comme  lui  et  du  fond  du  cœur:  "Pas 
d'autre  récompense  que  vous-même,  Seigneur."  Oui,  vous  seul,  ici-bas  possédé 
.  et  goûté  dans  votre  sacrement  adorable,  lâ-haut  contemplé  face  A  face,  dans  la 
gloire  pour  toute  l'éternité." 

Dimanche  prochain.  (5  octol»re,  on  chantera  un  Te  Urttm  d'action  «le  irrAies,  !\ 
l'issue  de   la  messe   principale,   dans  toutes  les  églises  et   chapelles  du   (iiucêse. 

Pour  répondre  au  pieux  désir  qui  nous  a  été  exprimé,  nous  autorisons  tous  les 
dimanches,  jusqu'à  la   fin  de  la   présente  année,  l'exposition  du   Saint  Sacreraenl 


— 1092  — 

♦  .Mlf.  oue  nous  lavons  permise  depuis  le  mois  de  janvier,  comme  préparation  au 
ul.t;iT  Nous  ne  saudons  jamais  trop  dire  notre  reconnaissance  au  Dieu  qui 
nous  a  tant  aimés  et  si  généreusement  bénis. 

Lettre  autographe  de  Sa  Sainteté  Pie  X,  à  Mgr  l'Archevêque  de  Mont- 
réal  : 

Venerabili  Fratri 

Paulo,  Archiepiscopo  Marianopolitano, 

Marianopolim. 

Plus  PP.  X 

Venerabilis  Frater, 

Salutem  et  apostolicam  benedictionem. 

• 
Canadensium    catholicorum     Conventum     ad     cultum    sacrosanctse 
Eucharistiae  provehendum  haud   ita   pridem    Marianopoli   habitum  tua 
tuorunique  providentia  ita  perfectum  fuisse  lœtamur  ut  tibi,  Venerabilis 
Frater,  atque   illis   voluntate   omni   gratulemur.     Mirandum    sane  fidei 
pietatisque  popularis  spectaculum  per  eos  dies  licuit  istic  intueri  :  idem- 
que  eo  christiano  sensu,  ea  animorum  concordia  ac  propensione  editum, 
ut  magnum  religioni  publicœ  theatrum  mœnia  prgebuisse  visa  sint  urbis 
maxima  popularium  atque  advenarum  crebritate  negotiorunique    mole 
sestiiantis.     Memoria  vix   excident  unquam  quœ  tune    tempons  publica 
ad  Xos  fama  pertulit:  peregrinorum,  dicimus,  frequentiam;  supplican- 
îium  multitudinem  instruçto  agmine  prodeuntem  ;  sacras  sedes  locaque 
urbis  celebriora  divinis  laudibus  personantia;  Purpuratos   Patres,   Sa- 
crorum  Antistites  bene  multos,  innumeros  Sacerdotes,  viros  denique  ac 
mulieres  ad  plura  centena  millia,  ex  omni  fere  terra  accitos,  insigni 
pompa  ac  solemni  ritu,  Dominicum  Corpus  per  vias  perque  fora,  vene- 
rabunda  multitudine  refertissima,  transvehuntes  célébrantes.     Lœtabilia 
ista  quidem  ac  plena  solatii  !     Sed  lœtabiliora  etiam  quum  hœ  prœclaras 
externi  cultus  signifieationes  fiant  in  oslensione  spiritus  ac  virtutis,  ita 
sane  ut  a  solidis  interioris  christianœ  vitas  incrementis  et  ab  geternœ  sa- 
lutis  fructibus  minime  sejungantur.     Ilanc  quippe  laudem  a  catholicis 
congressionibus  déesse  minime  fas  est  ;  addimus,  primam  esse  oportere 
ac  potissimam,  ut  oris  confessio  fiât  ad  salutem.     At  vero  ne  huiusmodi 
quidem  ornamentum  in  Marianopolitano  Conventu  defuisse  accepimus. 
Innumeri  quippe  fuerunt  qui  Angelorum  Pane  refecti  ac  Christo  coag- 
mentati,  eucbaristica  frui  vita,  eo  tempore,  valuerunt,  divinœ  participes 
ronsortesque  naturœ.     Et  id  etiam  tuœ  tribuendum  navitati  quod  non 
instanti  solum  tempori  inservieris,  sed  ea  etiam  cura  complexus  fueris 
quac  alendœ  fidelium  pietati  forent  in  posterum  profutura.     Hue  enim, 
eapienti  consilio,  pertinuerunt  quœ  delecti  quique  tum  e  clericis  tum  e 
laicis  viri,  consilia  habuere  frequentia,  Episcoporum  ductu  atque  aus-^ 
picio:  média  Rcilicet  excogitare  ac  staltili  ratione  providere  quibus  exci- 
tata  in  Eucbaristicum   Sacramentum  studia  neudquaquam  fugacia  la- 
bantnr,  sed  mensura  consistant.     Optima  haec  sane,  atque  apprime  digna 
f|uœ  in  catbolicis  cœtibus  ab  Epi.scopis  prœcipua  quadam  cura  excolan- 


—  1093  — 

tur.  Hsec  omnia  quae  iam  pridein  commentaria  ad  Nos  ex  longiuqua 
detulerant  America,  quseque  litteris  primum,  et  postea,  coram  referens, 
verbo  tenus  exornavit  qui  nomine  et  auctoritate  Xostra  conventui  pne- 
fuit,  Venerabilis  Frater  Xoster  Vincentius  Vannutelli,  Praenestinorum 
Episcopus,  libuit  nuper  ex  litteris  quas  ad  Xos  dedisti  iterum  accepisse, 
iterumque  Isetasse.  Spem  bonam  fovemus  fore  ut  ex  celebratis  solem- 
nibus  Canadensis  Ecelesia  haud  exiguum  capiat  incrementum.  Hoc  sane 
votorum  Xostrorum  est  maximum  ;  illudque  divinae  benignitati  tuoeque 
navitati  vehementer  commendamus.  Tibi  demum,  Venerabilis  Frater, 
tuse  diœcesis  clero  populoque,  nec  non  iis  omnibus  qui  Marianopolitano 
Conventui  interfuerunt,  auspicom  divinorum  munerum  Xostni^que  tes- 
tem  benevolentiae,  Apostolicam  Benedictionem  peramanter  impertimus. 

Datum    Romae    apud    Sanctum    Petrum    die    III    Xovembris    anno 
MCMX,  Pontificatus  Nostri  octavo. 


(traduction) 

A  Notre  Vénérable  Frère 

Paul,  archevêque  de  Montréal, 

îl  ^Montréal, 

PIE  X,  PAPE. 

Vénérable  Frère, 

Salut  et  bénédiction  apostolique. 

Le  Congrès  que  les  Catholiques  du  Canada  viennent  de  tenir  A  ^lontréal,  afin 
d'accroître  le  culte  de  la  très  sainte  Eucharistie,  a  si  parfaitement  réussi,  grflce 
il  vos  soins  et  i\  ceux  de  vos  fidèles,  que  dans  Notre  joie  Nous  vous  en  adressons 
a  vous,  Vénérable  Frère,  ainsi  qu'à  eux.  Nos  plus  cordiales  félicitations. 

Quel  admirable  spectacle  de  foi  et  de  piété  populaire  vous  avez  donné  au 
monde  durant  ces  jours!  Et  il  s'est  produit  avec  tant  de  sens  chrétien,  tant  de 
concorde  et  tant  d'élan  que  votre  cité,  il  la(|uellc  sa  nombreuse  population,  l'im- 
mense affluence  des  étrangers  et  l'abondante  multiplicité  des  affaires  doimaient 
une  si  grande  animation,  n'en  a  pas  moins  servi  do  grandiose  théAtre  A  l'exercice 
du  culte  public.  Pourrat-on  jamais  oublier  ces  choses  dont  la  renommée  Nous 
apportait  chaque  jour  le  récit  ?  Nous  voulons  dire:  ce  grand  concours  de  pè- 
lerins, ces  multitudes  de  fidèles  priant  et  défilant  dans  un  ordre*  parfait,  ces 
églises  et  les  plus  vastes  salles  de  réunion  de  votre  ville  qui  retentissaient  des 
louanges  de  Dieu,  ces  cardinau.x,  ces  nombreux  évê(iues,  cette  interminable  suite 
de  prêtres,  ces  centaines  de  mille  hommes  et  de  femmes  venus  de  presque  tous 
les  points  de  la  terre  qui,  avec  toute  la  pompe  des  cérémonies  religieuses,  firent, 
au  milieu  d'un  concert  de  louanges,  un  cortège  triomphal  au  Corps  du  Seigneur, 
il  travers  les  rues  et  les  places  publiques  toutes  pleines  d'une  foule  saisie  de 
respect. 

Certes,  de  tels  faits  sont  propres  il  réjotiir  et  il  remplir  de  consolation:  mais 
quel  plus  digne  sujet  de  joie  encore,  quand  ces  remarquables  démonstrations  du 
culte  extérieur  sont  inspirées  par  un  puissant  esprit  de  foi.  de  telle  sorte  qu'un 
solide  accroissement  de  vie  chrétienne  et  des  fruits  de  salut  éternel  en  soient  la 
conséquence  inséparable!  Assurément  tous  les  congrès  eucharistiques  doivent  mé- 
riter cette  louange.  Nous  ajouterons  que  leur  premier  et  principal  effet  doit 
être  que  la  confession  de  la  hourhc  tourne  en  fruits  de  salut. 

Or.  ainsi  que  nous  l'avons  appris,  tel  est  bien  l'heureux  caractère  qui  a  marqué 
le  Congrès  de  Montréal.     Incalculable,  en  effet,  fut  le  noml>re  de  ceux  (|ui,  sus- 


—  1094  — 

tentés  du  Pain  des  Anges  et  unis  étroitement  au  Christ,  ont  pu  jouir,  pendant  ce 
temps,  de  la  vie  eucharistique  et  se  rendre  ainsi  participants  de  la  nature  divine. 

Et  il  faut  reconjiaître  encore  que  vos  soins  ne  se  sont  pas  bornés  au  présent, 
mais  que  votre  zèle  s'est  également  occupé  de  tout  ce  qui  serait  propre  à  ali- 
menter la  piété  des  fidèles  dans  l'avenir.  C'est  pour  atteindre  cette  tin  que,  par 
un  sage  conseil,  une  élite  d'ecclésiastiques  et  de  laïques  ont  tenu,  sous  la  prési- 
dence et  la  haute  direction  des  évêques,  de  fréquentes  réunions,  au  cours  des- 
quelles ils  se  sont  ingéniés  à  trouver  les  moyens  et  à  découvrir  les  méthodes  les 
plus  propres  a  exciter  envers  le  sacrement  de  l'Eucharistie  une  ferveur  non  point 
passagère  mais  durable.  Préoccupations  excellentes,  assurément,  et  tout  à  fait 
dignes  de  la  particulière  sollicitude  des  évêques,  dans  les  assemblées  de  catho- 
liques. 

Toutes  ces  choses  que  Nous  connaissions  déjà  par  les  rapports  qui  Nous  en 
étaient  venus  de  la  lointaine  Amérique,  que  Nous  ont  confirmées  hautement  les 
lettres  d'abord,  puis  la  relation  oiale  de  celui  qui  présida  le  Congrès  en  Notre 
Nom  et  par  Notre  Autorité.  Notre  Vénérable  Frère,  Vincent  Vannutelli,  évêque 
de  Palestrina,  Nous  avons  été  heureux  de  les  apprendre  tout  récemment  encore 
par  vos  propres  lettres  et  d'y  trouver  un  nouveau  sujet  de  joie. 

Nous  nourrissons  le  bon  espoir  que  ces  fêtes  solennelles  contribueront  gran- 
dement au  progrès  de  l'Eglise  du  Canada.  C'est  là  le  plus  ardent  de  nos  souhaits. 
Nous  en  recommandons  instamment  l'accomplissement  à  la  bonté  divine  et  aux 
industries  de  votre  zèle. 

A  Vous  enfin.  Vénérable  Frère,  au  clergé  et  au  peuple  de  votre  diocèse,  de  même 
qu'à  tous  ceux  qui  assistèrent  au  Congrès  de  Montréal,  comme  gage  des  faveurs 
divines  et  en  témoignage  de  Notre  bienveillance.  Nous  accordons  très  afifectueu- 
seinent  la  bénédiction  apostolique. 

Donné  à  lîome,  près  Saint-Pierre,  le  3  novembre  1910,  la  huitième  année  de 
Notre  Pontificat. 

PIE  X,  PAPE. 

(teanslation) 

Tu  Our  Veneraljle  Brother, 

l'.Mi-,  Archbishop  of  Montréal, 

Montréal. 

Plus  X,  POPE. 

Vénérable  Brother, 

Health  and  Apostolic  Bénédiction. 

Tlie  Congress  recently  held  in  Montréal  by  the  Catholics  of  Canada  for  the 
promoting  of  the  worship  of  the  Most  Blessed  Sacrament  bas  been,  through  your 
•■trorts  and  those  of  your  llock,  so  crowned  with  success  that  in  Our  feelings  of 
joy  \\e  mu.st  express  to  you,  Vénérable  Brother,  and  to  your  faithful  Our  heart- 
lelt  congratulations. 

Wonderful.  indeed,  was  that  spectacle  of  a  people's  faith  and  piety  that  you 
gave  to  the  eyes  of  the  world  during  those  days.  And  with  such  Christian  spirit, 
HMch  hannony  and  coneerted  energy  was  it  carried  out  that  public  worship  found 
a  splendid  Bett.ng  even  in  the  city  which  its  own  teeming  population  and  a  vast 
roncouriie  of  visitors  and  the  stress  of  business  seemed  to  overtax. 
I  u.""  "!"■••'>■.«''«"  t'"'»fi  l'aj.penings  be  forgotten  of  which  world-wide  reports 

brought  l.H  t.dingH  during  tiiat  time.  We  mean  the  immense  gathering  of  pil- 
gT.n.H  the  conntless  multitude  of  the  faitnful  whose  praverful  ranks  defiled  in 
.-rfect  array;  f1.c  churches  and  most  spacious  halls  of  the  citv  resounding  with 
InHirrfr"  "'  \^^  K'^^  \\^''-  «^'ar^Hnals,  the  truly  great  assemblv  of  bishops,  the 
endlew  l,neH  „f  pneHt«;  the  n>en  anrl  women  by  hundreds  of  thousands  comé  to- 


—  1095  — 

gether  from  almost  every  quarter  of  the  eartli,  who  with  singular  pomp  and  sol- 
emnity  and  amid  paeans  ac  acclamations,  forniod  a  glorious  escort  far  the  Body 
of  Christ  in  Mis  passage  through  the  streets  and  public  places  overllowing  with 
dense  throngs  in  reverential  awe. 

Gladdening  indeed  this  is  and  deeply  consoling;  but  more  gladdening  still 
when  those  reniarkable  démonstrations  of  external  worsliip  are  donc  in  sheicinij 
of  the  Spirit  and  power,  so  that  a  steadfast  increase  of  sincerely  Christian  life 
and  the  fruits  of  etcrnal  salvation  be  their  certain  accompaniment.  This  is  ne- 
cessarily  the  praise  that  ail  Catholic  congresses  should  deserve;  We  add:  their 
first  and  greatest  must  be  that  confession  of  the  mouth  beget  works  of  salvation. 

Xow,  such  assuredly  are,  as  We  hâve  learned,  the  gratifying  features  of  Ihe 
Congress  held  in  Montréal.  Past  numbering  were  they  who  fed  upon  the  Bread 
of  Angola  and  were  intimately  united  to  Christ  to  live  during  those  days  the 
Eucharistie  life  and  become  partakers  in  and  sharers  of  the  divine  nature. 

An  it  is  also  to  be  ascribed  to  your  solicitude  that  your  concern  was  not  con- 
fined  to  tlie  présent  only,  but  that  in  your  zeal  you  looked  forward  to  the  sus- 
taining  of  the  piety  of  the  faithful  in  the  future.  To  further  this  end  it  was 
wisely  decided  to  convoke  the  more  eminent  of  the  clergy  and  the  laity  in  nu- 
merous  meetings  under  the  presidency  and  direction  of  bishops,  to  devise  means 
and  détermine  enduring  measures  for  the  fostering  of  dévotion  to  the  Sacra- 
ment  of  the  Eucharist  that  would  produce  not  passing  but  lasting  results.  So 
excellent  and  important  a  matter  is  most  certainly  worthy  of  the  very  particular 
attention  of  bishops  in  every  Catholic  convention. 

Ail  this  already  reported  to  Us  from  far-ofF  America,  and  which  by  letters 
first  and  then  later  in  personal  audience  We  learned  in  détail  from  Our  Vénér- 
able Brother  Vincent  Vannutelli,  Bishop  of  Palcstrina,  who  presided  over  the 
Montréal  (  ongress  in  Our  name  and  by  Our  authority,  is  related  again  in  récent 
welcome  letters  from  yourself,  and  renews  the  joys  of  Our  Heart. 

We  cherîsh  the  firm  hope  tliat  thèse  solcmn  festivities  will  contribute  largely 
to  the  advancement  of  the  Church  in  Canada.  This  is  Our  most  ardent  wish. 
and  We  confide  it  to  the  goodness  of  God  and  intrust  it  to  your  solicitude. 

Lastly,  to  you,  Vénérable  Brother,  to  the  clergy  and  the  faithful  of  your  dio- 
cèse, as  well  as  to  ail  who  were  présent  at  the  Montréal  Congress.  in  pledge  of 
the  divine  favour  and  in  testimony  of  Our  affection,  We  grant  from  Our  heart 
the  Apostolic  Bénédiction. 

Given  at  Rome,  at  St.  Peter's,  the  3rd  day  of  November,  1910,  in  the  eighth 
year  of  Our  Pontificate. 

Plus  X,  POPE. 


TABLE  DES  .MATIÈRES 


Pages 

Avant-propos 7 

Adhésions <) 

Dignitaires  ecclésiastiques  présents  au  Congrès 16 

Organisation  GÉNÉRALE  ET  Comités 23 

CHAPITRE  pr.     DEMONSTRATIONS  RELIGIEUSES  ET  CIVILES. 
Arrivée  du  Cardinal-Légat  à.  Montréal. 

Adresse  du  Maire  de  Montréal  au  Cardinal-Légat 30 

Réponse  du  Cardinal-Légat 31 

Ouverture  officielle  du  Congrès  à  la  Cathédrale 34 

Discours  du  Cardin  al -Légat 30 

Discours  de  Mgr  Bruchési 41 

Déjeuner  offert  au  Cardinal-Légat  par  le  gouvernement  de  la  Province  de 

Québec 45 

Discours  du  Cardinal-Légat Hl 

Discours  de  Sir  Lomer  Gouin 47 

Messe  de  minuit  il  Notre-Dame 4!) 

Discours  de  ilgr  Roy,  évoque  auxiliaire  de  Québec.  .                     50 

blesse  des  Communautés  religieuses: 

Discours  de  Mgr  Heylen 53 

Discours  de  Mgr  Bruchési 50 

Discours  du  Cardinal-Légat 60 

Messe  en  plein  air Gl 

Sermon  of  the  Rt.  Rev.  Mgr  O'Connell,  Archbishop  of  Boston 62 

Sermon  du  Rév.  P.  Hage,  O .  P 68 

Célébration  at  St.  Patrick's  : 

Sermon  of  the  Rt.  Rev.  Mgr  Glennon.  Archbisliop  of  St.  Louis  71 

Clôture  du  Congrès  ù  la  Cathédrale.  ^^ 

Sermon  of  His  Em.  Cardinal  Gibbons.  .  S'O 

Sermon  de  Mgr  Touchet,  évoque  d'Orléans >*7 

La  Procession ...                                                  ''5 


—  1098  — 

CHAPITRE  IL     LES  SEANCES  GENERALES  DU  SOIR. 

Vendredi  soir  :  —  -a  „  „ 

Pages 

Discours  de  Mgr  Heylen 101 

Speech  of  His  Em.  Cardinal  Logue 105 

Communication  du  T.  R.  P.  Bailh':  Le  décret  "  Quam  sinyalari." .  .    ..  109 

Discours  de  Sir  Wilfrid  Laurier 114 

Speech  of  the  Rt.  Rev.  Mgr  Irelaïul,  Arclibishop  of  St.  Paul 118 

Discours  de  Sir  Lomer  Gouin 122 

Discours  de  Mgr  Touchet,  évêque  d'Orléans 124 

Samedi  soir:  — 

Communication  du  R.  P.   Lémius:   Fête  et  Mois  du  Sacré-Cœur..     ..  134 

Discours  de  Mgr  Rumeau,  évêque  d'Angers 135 

Speech  of  Mr.  C.  J.  Doherty 142 

Discours  de  M.  Tellier 146 

Speech  of  the  Rt.  Rev.  Mgr  Bourne,  Arclibishop  of  Westminster 150 

Discours  de  l'Honorable  M.  Chapais 154 

Discours  de  M.  Henri  Bourassa 161 

Discours  de  M.  Gerlier 167 

CHAPITRE  III.     LA  SECTION  FRANÇAISE. 

Séances  générales  d'étude. 

Jje  Canon  primitif  de  la  Messe.     Doni  Souben,  0.  S.  B 171 

Aperc.u  sur  l'histoire  de  l'Eucharistie  au  Canada,  M.  L'abbé  Gosselin. 

Recteur  de  l'Université  Laval,  Québec 180 

I>a  dévotion  au  Très  Saint-Sacrement  dans  le  diocèse  de  Québec.     Mgr 
C.  O.  Gagnon , 191 

De  l'induence  eucharistique  sur  l'apostolat  des  premiers  missionnaires 
au  Canada.     Mgr  Emard,  évêque  de  Valleyfield 203 

Les  Psaumes  eucharistiques  chez  les  ilicmacs.     R.  P.  Pacifique,  O.lNl.I.     216 

l^B  œuvres  eucharistiques  du  diocèse  de  Chicoutimi.     Mgr  Lapointe.  .      219 

De   la  dévotion   du    peuple   espngnol    au   Très   Saint-Sacrement.     M.    le 

Chanoine  Munaz  Reyna 228 

Etat  de  la  piété  pucharisti(|ue  au  Manitoba.     M.  l'abbé  Prud'homme.  .      237 

L'association  de  l'.Xdoration  Perpétuelle  et  l'œuvre  des  églises  pauvres 
à  Rome.     Mgr  Laurenti 241 

l^H  symboles  eucharistiques  d'après  les  monvunents  de  Carthage.     R.  P. 

Delattre [ 244 

Mouvement  eucharistique  dans  le  monde  et  au  Canada.     R.  V.  (ialtier. 
8. S. 8 256 

L'Eucharistie,  centre  du  dogme.     M.  l'abbé  Curotte 266 

Marie  et  l'Eucharistie.     R.   I».  Lépicier 267 

IjS.  mort  apparente  i-f  la  mort  réelle  en  rapport  avec  railiniiiisf ration 

de»  SacremenlH.     .M.  le  Dr  Desroches 295 


—  1099  — 

Pages 

La  dévotion  au  Cœur  eucharistique  de  Jésus.     R.  P.  (hiilldl,  t .  SS.  i;.  :{uô 

Les  miracles  eucharistiques  de  Lourdes.     M.   le  Dr  Boissarie 314 

L'adoration  du  Très  Saint-Sacrement  dans  les  maisons  d'éducation  se- 
condaire.    M.  l'abbé  Papineau 321 

La  communion  dans  les  collèges  classiques  de  la  Province  de  Québec. 

M.  l'abbé  Halle :iH> 

La  confession,  la  communion  et   la  liberté  de  c  liscitme  «1;  n>  li's  jifii- 

sionnats  des  Frères.     M.  l'abbé  Brosseau ."ÎSS 

La  communion  dans  les  pensionnats  de  jeunes  tilles.     M.  le  Clian.  Roy.  344 

La  persévérance  après  la  sortie  de  collège  et  la  communion.     M.  l'abbé 

Groul.x 351 

La  communion  des  enfants  pendant  les  vacances.     M.  l'abbé  Camirand.  358 

L'éducation  eucharistique  des  sourdes-muettes.     M.  l'abbé  Deschamps..  373 

La  formation  des  enfants  de  chœur.     R.  P.  Badel.  C.  S.  V 377 

La  dévotion  envers  la  Sainte  Eucharistie  dans  les  maisons  d'éducation 

en  France.     R.  P.  Lambert 3S3 

De  l'éducation  eucharistique  des  enfants  dans  la  famille,  à  l'école,  au 

catéchisme.     Mgr  Baril ^^7 

L'assistance  à  la  Sainte  Messe  et  la  Communion.     M.  l'abbé  Simard.  .  400 

La  communion  et  le  1er  vendredi  du  mois.     R.  P.  Hudon.  S.J 4J0 

Etude  pratique  sur  le  décret  de  Pie  X.     M.  l'abbé  Jobin 42.') 

Les  iliHuences  sociales  de  l'Eucliaristie.     R.  P.  Rondot,  UT 427 

La  dernière  Cène.     M.  l'abbé  Many,  P .  S .  S 43S 

La  prière  eucharistique  pour  le  retour  de  nos  frères  séparés.     Mjrr  Znni 

de  Bulach 4.")S 

Les  confréries  du  Très  Saint-Sacremenl.     R.  P.  Rouleau,  0  V 4(i4 

L'apostolat  de  la  Prière  et  l'Eucharistie.     R.  P.  Boubée,  S..T  471 

I^s  Tiers-Ordres  et  la  Communion.     R.  P.  Ange-Marie.  O.  IVM 4^2 

Les  œuvres  eucharistiques  du  Vénérable   P.   Evmard.     R.    1*.   l.etellier. 

S.  S.  S : ' 4X7 

Les  œuvres  de  réparation  eucharistique.     ^I.  l'abbé  Bouquerel 40.) 

L'œuvre  de  l'Adoration  Nocturne  il  Montréal.     M.  L.   A.  Derome.  .  ."il<t 

L'apostolat  eucharistique.     M.  le  comte  d'Vanville ôU> 

La  Presse  eucharistique.     M.  l'abbé  Auclair _ ">27 

La  musique  religieuse.     R.  P.  Lefebvre,  S.J '»33 

Le  chant  collectif  dans  le  culte  eucharistique.     R.  P.  Raymond.  O.F.M  -i'.W 

L'architecture  religieuse.     R.  P.  Daly,  C.  SS.  R •''«•• 

Les  œuvres  de  Montmartre  A  Paris.     R.   l*.  Léinius,  0..M    I  •'>•'>  1 

SEANCE  DES  DAMES. 

Vie  eucharistique  et  vie  mondaine.     R.  P.  Hage.  O.P.  .  •'•»•'» 

L'apostolat  eucharistique  de  la  femme  au  foyer.     Mme  Héïque  ô.îî* 

Première  communion.     Sérieux  et  mondanité.     M.  l'abbé  Lamarclic.    .  .">02 

Allocution  de  Mme  Faustin,  déléguée  de  la  Ligue  patriotii|ue  des  Fran- 
çaises    500 


— 1100  — 

Pages 

L'œuvre  de  préservation  de  la  jeune  fille.     Mgr  Miiller-Simonis 671 

Allocution  de  Mme  Gérin-Lajoie o75 

La  communion  dans  la  vie  d'apostolat  de  la  femme.     M.  l'abbé  Dupuis.  578 

La  Ligue  des  Femmes  Françaises.     Mme  de  Kersabiec 584 

Le  rôle  de  la  communion  dans  les  œuvres  et  les  associations  de  jeunes 

filles  et  de  femmes  chrétiennes.     R.  P.  Loiseau,  S .  J 585 

Allocution  de  M.  l'abbé  Thellier  de  Poncheville. 590 

SEANCES  SACERDOTALES. 

Discours  de  Mgr  Archambault  au  Cardinal-Légat 596 

Discours  du  Cardinal-Légat 597 

Allocution  de  Mgr  Bruchési 600 

Discours  de  Mgr  Archambault  aux  prêtres 601 

La  communion  et  ses  divers  degrés.     R.  P.  Gonthier,  S.J 603 

L'apostolat  pratique  du  prêtre.     R.  P.  Foucher,  C.S.V 620 

Portée  doctrinale  et  pratique  du  décret  "  Sacra  Tridentina  Synodus." 

R.  P.  Galtier,  S.S.S G30 

La  communion  des  malades.     M.  l'abbé  Gariépy 641 

L'éducation  eucharistique  du  peuple.     R.  P.  Marchai,  C.SS.R 655 

L'Eucharistie  considérée  comme  remède  social.     ]M.  le  Chan.  Cabanel .  658 

Allocution  de  Mgr  Touchet,  évêque  d'Orléans 666 

La  célébration  de  la  Sainte  Messe  en  voyage.     R.  P.  Colomban,  O.F.  .  670 

La  Prédication  eucharistique.     R.  P.  Galtier,  S. S. S 677 

Les  Triduums  eucharistiques.     R.  P.  Lintelo,  S.J 684 

L'œuvre  des  prêtres  adorateurs  et  la  Ligue  sacerdotale  de  la  commvi- 

nion.     R.  P.  Lault,  S.S.S '. 698 

L'heure  d'adoration  hebdomadaire  faite  par  le  prêtre  avec   .es  fidèles. 

^L  le  Chan.  Campeau 707 

L'archiconfrérie  du  Saint-Sacrement.     M.  le  Chan.  Lamérand 714 

Allocution  de  Mgr  Hejien 725 

Allocution  de  M.  l'abbé  Thellier  de  Poncheville 726 

Adoration  solennelle,  prêchée  par  Mgr  Rumeau,  évêque  d'Angers..    ..  729 

Le  recrutement  des  vocations  ecclésiastiques.     M.  l'abbé  Lecoq 738 

Les  œuvres  post-scolaires.     M.  l'abbé  Perrier 738 

Les  congrès  eucharistiques  régionaux.     M.  le  Chan.  Lamérand 747 

L'action  sacerdotale  et  eucharistique  dans  la  lutte  contre  l'alcoolisme. 

M.  le  Chan.  Sylvain 758 

Orientation  des  œuvres  paroi.ssiales  vers  le  Saint-Sacrement.     M.  l'abbé 

Morissette 764 

L'œuvre  des  catéchismes.     M.  l'abbé  Corbeil 771 

L'apostolat  eucharistique  du  prêtre  auprès  de  la  jeunesse.     ^I.   l'abbé 

LainlK?rt 777 

I>>  «oin  de«  sacristies  et  des  oVjjets  du  culte.     M.  l'abbé  Rochon 783 

Une  œuvre  d'adoration  diurne  ft  domicile.     R.  P.  Dagnaud 784 


—  1101  — 

Pages 
SEANCE  DES  JEUNES  GENS. 

Allocution  de  Mgr  Bruchési 786 

Discours  du  Cardinal-Légat 787 

Allocution  de  Mgr  Langevin 789 

Discours  de  M.  Henri  Bourassa 781 

Discours  de  M.  Gerlier 794 

Allocution  de  Mgr  Touchet 795 

La  communion  fréquente  pour  les  jeunes.     M.  Beaupré 796 

L'activité  religieuse  de  l'Université  de  Louvain.     M.  le  baron  de  Xivry.  802 

Les  œuvres  post-scolaires.     M.  le  Dr  Baril 805 

Discours  de  M.  A.  Rivard 811 

SEANCE  DES  HOMMES. 

La  classe  dirigeante  et  la  pratique  de  la  communion.     Mgr  Mathieu.  .  .815 

La   Ligue  et  les  œuvres  d'hommes  par   l'Eucharistie.     R.   P.  Bonconi- 

pain,  S.  J 824 

Tempérance  et  communion.     R.  P.  Ladislas,  O.F.^I .*^28 

Discours  de  if.  l'abbé  Thellier  de  Poncbeville 830 

L'Eucharistie,  aliment  de  la  vie  surnaturelle.     M.  le  juge  Routhier..  841 

Discours  du  R.  P.  Lémius .S50 

Allocution  du  Cardinal-Légat S.^d 

Discours  de  Mgr  Bruchési s.')7 

La  communion  dans  la  classe  ouvrière 859 

Les  retraites  fermées.     R.  P.  J.  Dugas,  S.  J S6.'î 

CHAPTER  IV.     ENGLISH  SECTION. 

GENERAL  MEETINGS. 

The  lloly  Eucharist  and  Modem  Unbelief.     Rt.  Rev..  ;M<.'r  McDonald. 

bishop  of  Victoria,  B.  C S(i7 

The    Practice    of    Adoration    of    the    îlost    Blessed    Sacrament.     Rev. 

J.  J.  McCoy ^74 

The  Development  of  Boys'  and  Men's  Choirs.     Rev.  \V.  Kinn.  C.S.P.  881 

How  to  facilitate  Fréquent  Communion.     R(.  Rev.  Monsignor  Lynch.  88S 

Reasons  for  our  belief  in  the  Real  Présence.     Rev.  A.  Thompson  .  .  809 

Assistance  at  the  Sunday  Mass.     Rev.  P.  J.  llartigan 90(» 

The  Holy  Eucharist  in  Early  Canada.     Rev.  T.  Canipbcll.  S. .7  913 

Communion   among  the  Working  Classes.     Rev.   E.   S.    Fit/.gerald  923 

Fréquent  and  Dailv  Communion.     Rt.   Rev.  ^Igr  Howlov.  St.  .Tolm's. 

Newfoundland .  .  ' ''.-Jd 

Replies   to   some   objections   against   the    iCcal    Prcsciicc.     Ucv.- i. 

Lambert '3.'» 

Tlie  Blessed  Eucharist  as  a  Convert  Maker.     Rc\ .  A.  1'.  Dovlf.  C.S.P.  940 

Real  Présence  or  no  Christianitv.     J.  K.  Foran   . .  944 


—  1102  — 

Pages 

Retreats  for  I.aymen.     Rev.  S.  J.  Shealy,  S.J 946 

School  Chiliiren  aiid  Daily  Mass.     Rev.  H.  tanning 954 

The  Eucharistie  Propaganda.     Rev.  F.  McCarthy,  S.J 957 

Participation    of    the    faithful    in    Liturgical    Singing.     .Mr.    Dudley 

Ba.xtor 960 

l'KIESTS"  MEETINGS. 

Speech  of  His  Em.  Cardinal  Vannutelli 966 

The  Holy  Hour  :   Manner  of  niaking  it  attractive.     Rev.  J.  Coyle.  .  .  968 

The  L'pbuilding  of  a  Parish  by  Fréquent  Communion.     Ut.  Rev.  Mon- 

signor  J.  O'Brien 971 

The  Confraternity  of  Christian  Doctrine  and  Catechisni  Classes.     Et. 

Rev.  Monsignor  FF.  n.  Wall 985 

Advantages  of  the  Priests'  Eucharistie  League.  Rev.  E.  Poirier,  S.S.S.  991 

Fostering  vocations  for  the  Priesthood.     Rev.  R.  Neagle 999 

Men's  Societies  and  the  Most  Blessed  Sacrament.  Rev.  M.  J.  O'Brien.  1003 

Societies  for  young  people  leaving  School.     Rev.  J.  E.  Quinn,  S.J..  1009 

LADIES'  MEETINGS. 

The     Eucharistie     Life     the     antidote     for     Modem     Life.     Rev.     B. 

Vaughan,  S.J 1016 

Fréquent  Communion    and    young   girls    in    large    cities.     Rev.    J.    L. 

Hand __  1022 

Altar  Societies.     Miss  A.  T.  Sadlier 1026 

The  Tribute  of  a  great  century  to  the  Eucharist.     Mr.  J.  J.  Walsh.  .  .  1033 

Our  Lady  of  the  Blessed  Sacrament.     Rev.  H.  R.  Buckler 1042 

First  Communion.     Rev.  Mother  Loyola 1046 

The  Eucharist  and  the  dévotion  to  the  Sacred  Heart.     Rev.  L.  Drum- 

m""'l.  S.J 1052 

Inlluence  of  Religions  ITomc  Training.     Dr.  T.   O'Hagan 1056 

KAPITEL  V. 

Die  Deut-sche  Sektion IO63 


APPENDICE jQ^y 


CATALOGUE 


DES 


Publications  Canadiennes 


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79f  nie  St-Jacques,  Montréal. 


Beaubien  (l'abbé  Chs-P.)  —  Le  Sault-au-RécoUet,  ses  rapports  avec 
les  premiers  temps  de  la  colonie.  —  Mission  —  Paroisse.  Montréal, 
1898.     1  vol.,  in-8 $1.00 

Il  est  peu  de  paroisses  canadiennes  dont  l'histoire  primitive  remonte  aussi 
loin  et  se  rattache  aussi  étroitement  à  la  touchante  origine  de  la  domination 
française.  Le  nom  de  Ahuntsic,  ce  type  de  néophyte  qui  symbolise  toute  une 
époque  de  dévouement  et  de  courage,  est  immortel  dans  les  annales  du  Canada. 
Il  a  rendu  fameux  le  Sault-au-Récollet.  dont  M.  le  curé  Beaubien  a  écrit  l'his- 
toire avec  un  luxe  d'informations,  qui  lui  donne  un  grand  prix  et  en  font 
un  des  documents  les  plus  précieux  pour  l'histoire  de  l'Ile  de  Montréal. 


Benoît   (Dom).  —  Vie   de  Mgr  Taché,    archevêque    de    Saint-Boniface 
2  vol.  in-8  illustrés,  formant  1,500  pages $3.00 

Ceux  qui.  en  Mgr  Taché,  ont  aimé  et  admiré  l'homme  public,  comme  ceux 
qui  ont  partagé  ses  labeurs  et  ses  idées  dans  son  œuvre  de  civilisation,  aime- 
ront a  lire  le  bel  ouvrage  de  Dom  Benoît,  qui  met  si  bien  en  lumière  la  per- 
sonnalité et  l'œuvre  du  grand  Canadien  de  l'Ouest.  A  la  fidélité  du  tableau, 
à  l'exactitude  du  dessin,  l'auteur  a  su  joindre  la  couleur  et  la  vie.  Son  style 
est  simple  et  sTbre.  conforme  à  la  gravité  du  module  qu'il  avait  à  peindre, 
animé  cependant  par  une  juste  admiration  des  grands  traits  de  cette  noble 
figure.  Sacrifiant  résolument  la  panégyrique  à  l'histoire,  se  refusant  le  droit 
de  dépasser  la  vérité  comme  celui  de  la  taire,  il  a  su  rendre  hommage  aux 
qualités  éminentes  de  son  héros,  sans  se  laisser  entraîner  ni  à  la  flatterie,  ni 
à  une  polémique  inutile  contre  ceux  qui  n'ont  pas  partagé  ses  vues.  Cet  ou- 
vrage apportera  une  inappréciable  contribution  à  l'historien  qui  voudra  raconter 
les  œuvres  et  les  luttes  de  la  population  catholique  de  l'Ouest  Canadien  du- 
rant sa  période  de  formation. 

Bonin  (A.).  —  Le  Manuel-formulaire  pratique.  .Aide-Mémoire  îl  l'usaj^ 
des  ingéniours,  mécaniciens,  électriciens,  industriels,  etc.  —  Divi- 
sions de  l'ouvrage  :  Tablo«  numériques.  —  ^Mécanique.  —  Organes 
des  machines.  —  Hydraulique.  —  Machines  ft  vapeur.  —  Electri- 
cité. —  Ventilation  et  chauffage.  —  Machines-outils.  —  Recuit, 
trempe,  alliage,  soudure.  —  Calculs  usuels  —  Questionnaire  ft 
l'usage  des  mécaniciens.  —  Premiers  soins  iV  donner  en  ca.s  d'acci- 
dents. —  Vocabulaire  anglais-français.  1  beau  volume  de  .37S 
pages,  avec  nombreu.ses  figures.     Reliure  toile..  ..    ..  $2  00 

Boucherville   (Geo.   de).  —  Une  de   perdue,   deux  de   trouvées.     Kn   deu.T 
volumes   d'environ    3fi.5    pages   chacun.     Les   deux    volumes.      $1   00 

Aussi  palpitant  d'intérrt  que  dans  les  premiers  temps  d<>  sa  publication, 
"  Une  de  perdue,  deux  de  trouvées  "  est  un  roman  qui  fait  encore  len  <l*- 
Ilces  des  amateurs  de  bonne  littérature. 


LITTÉRATURE  CANADlIiN>; JS 


L'auteur  n'a  pas  ménagé  l'action  et  la  vie  dans  tous  ses  personnages,  dont 
plusieurs  sont  canadiens,  d'autres  anglais,   louisianais  ou   cubains. 

L'action  se  passe  à  la  Nouvelle-Orléans,  vers  l'an  1836.  Le  sieur  Alphonse 
Meunier,  riche  négociant  de  cet  endroit,  meurt  sans  enfant,  ni  parents,  léguant' 
une  partie  de  sa  fortune  au  capitaine  Pierre  de  St-Luc.  Capitaine  du  voilier 
le  "  Zéphyr  ",  M.  de  St-Luc  n'avait  jamais  connu  son  père  ni  sa  mère.  Il  était 
né  dans  une  seigneurie  de  St-Ours,  au  Canada,  et  fut  amené  à  la  Nouvelle- 
Orléans  a  l'âge  de  six  ans,  par  Alphonse  Meunier  ;  Pierre  ne  connaissait  de 
son  pays  natal  que  le  nom  et  quoiqu'il  eût  plus  d'une  fois  questionné  le  père 
Meunier  sur  sa  famille  et  sa  patrie,  celui-ci  avait  toujours  évité  de  lui  répondre 
directement.  Tout  ce  qu'il  en  avait  pu  savoir,  c'est  qu'un  jour,  il  lui  fourni- 
rait les  moyens  de  découvrir  ses  parents,  que,  pour  le  moment,  de  puissantes 
raisons  le  forçaient  de  tenir  ignorés. 

Le  capitaine  Pierre  de  St-Luc.  héritier  de  la  plus  brillante  fortune  de  la 
Nouvelle-Orléans,  robuste  marin  de  27  ans.  fut  un  objet  d'envie  pour  quelques 
traîtres  qui  employèrent  toutes  sortes  de  moyens  pour  le  priver  de  la  succes- 
sion Meunier. 

"  Une  de  perdue,  deux  de  trouvées  "  est  semé  d'actes  dramatiques,  de  traits 
d'amour  et  d'héroïsme  qui   en   font  une  œuvre   intéressante. 

Casgrain  (l'abbé  H.  R.).  —  Œuvres  complètes,  en  quatre  volumes  : 

TOME  I.     Légendes  canadiennes  et  variétés.     Montréal,     1   vol.   in-8  de 
580  pages $1 .  50 

Comme  son  titre  l'indique,  cet  ouvrage  contient  des  légendes,  des  poésies, 
des  récits  de  voyages,  des  études  littéraires,  historiques  et  scientifiques.  C'est 
le  recueil  soigné  des  pages  de  jeunesse  de  l'auteur.  Ces  pages  sont  remplies 
de  verve  et  de  descriptions  saisissantes,  et  aucun  Canadien-Français  ne  de- 
vrait les  ignorer. 

TOME  II.  Biographies  canadiennes.  Montréal.   1  vol.  in-8  de  542  p.  $1.50 

Neuf  biographies  d'un  intérêt  extraordinaire  pour  tous,  car  dans  ce  volume 
l'auteur  fait  revivre  —  c'est  bien  le  mot  —  Falardeau.  le  peintre  distingué  ; 
Aubry,  le  professeur  de  droit  ;  Garneau,  l'historien  national  :  Faribault.  le 
bibliophile  canadien  ;  la  noble  famille  de  Sales  Laterriêre  ;  de  Gaspé,  l'im- 
mortel peintre  des  mœurs  d'autrefois  ;  Parkman,  l'éminent  historien  amé- 
ricain ;  Crémazie,  notre  premier  grand  poète,  et  Gérin-Lajoie,  le  publiciste  et 
surtout  le  romancier  populaire.  Sous  le  pinceau  habile  du  brillant  écrivain, 
chacune  de  ces  grandes  figures  acquiert  un  éclat  et  un  attrait  qui  fascinent. 
Aussi,  plusieurs  critiques  sont-ils  d'opinion  que  ces  biographies  sont  des  mo- 
dèles du  genre. 

TOME  III.     Histoire  de  la  vénérable  mère  Marie  de  l'Incarnation,  pre- 
mière   supérieure    des    Ursulines    de    la   Nouvelle-France,    précédée 

d'une  esquisse  sur  l'histoire  religieuse  des  premiers  temps  de  cette 
colonie.     Montréal.     1   vol.   in-8   de  594   pages $1.50 

Superbe  éloge  d'une  héroïque  femme  qui  a  été  surnommée  la  Thérèse  de  la 
Nouvfllf-France,  voilà  le  jugement  qu'on  a  porté  sur  cet  ouvrage,  l'un  des  plus 
rf-marquables  qui  aient  été  écrits  au  Canada.  Le  style  en  est  châtié,  l'intérêt 
bien  soutenu,  et  il  renferme,  dans  l'ensemble,  une  teinte  de  poésie  mystique 
qui  a  beaucoup  de  charme.  Lors  de  son  apparition,  cette  histoire  valut  à  son 
auteur  une  médaille  du  Saint-Père,  et  plus  tard  il  fut  traduit  en  allemand. 
Rares  sont  les  œuvres  de  nos  littérateurs  qui  ont  obtenu  de  si  beaux  honv 
magru. 

Casgrain  (H.-R.):  — 

TOMK  IV.     Histoire  de  l'Hôtel-Dieu  de  Québec.     Montréal.     1   vol.   in-8 
de  592  pages $1.50 

C<»  livre  rut  lo  pendant  du   précédent  puisqu'on   y  trouve   le   récit  de   la  vie 
't  «!'  >    Mère   Catherine   de   Saint-Augustin,    la   gloire   la    plus   pure 
*''""    '  de   la   vieille   capitale.      L'ouvrage   est   cependant   d'une   con- 
;   il   touche  à  plus  d'événements  concurrents,   et  il   embrasse 
;coup   phiB  étendue,   car    l'auteur    nous     tient  au    courant  de 
'    ipant  l'histoire  de  l'Institution   qui    fait   l'objet  de 
I   de   l'écrivain  est  parfaite  ;   quant  à   son   style, 
'"     "•■'■    '■-..■■.i.ii   <i<;  la  premlèro!  à  la  dernière  page.      C'est  un  vo- 
lume  pré'".<-:x,   aux   point»  de  vue   religieux,   historique   et   littéraire. 


LIBRAIRIE  BEAUCHEMIN  Limitée,  79,  rue  St-Jacques,  MontréaL 

Chauveau    (P.   J.   0.)-  —  Charles   Guérin,   roman   de   nupurs   canadiennes 
illustré   par   J.-B.   Lagaeé,  1  vol.  in-8  de  plus  de  1,000  pages     $1.00 

■ — Le  même  ouvrage,  pleine  reliure  toile $1   .50 


François-Xavier  Gameau,  sa  vie  et  ses  œuvres.     Montréal,  1883. 

1  vol.  in-8  avec  portrait. v  ;  .  .. 

DaDs  ces  pages  vibrantes,  M.  Chauveau  nous  raconte  en  détail  la  vie  de 
l'historien  Gameau,  vie  entièrement  consacrée  à  l'édification  de  ce  superbe 
monument,  l'Histoire  du  Canada,  qui  est  devenu  l'orgueil  de  tous  les  Cana- 
diens-Français. 

Chauveau,   fils    (Pierre).  —  Frédéric    Ozanam,    sa     vie    et     ses    œuvres. 
Montréal,  1887.     1  vol.  in-8,  XX-603  pages $1(0 

Frédéric  Ozanam,  le  grand  chrétien  était  lié  de  relations  très  intimes  avec 
le  père  de  l'auteur,  ancien  ministre  de  l'instruction  publique  de  la  province  de 
Québec,  et  c'est  une  œuvre  de  piété  filiale  qui  a  été  accomplie  par  M.  Pierre 
Chauveau  en  racontant  cette  vie  exemplaire.  L'ouvrage  est  rempli  de  rensei- 
gnements intéressants.      C'est  une  excellente  biographie. 

Clapin    (Sylva).  —  Dictionnaire    canadien-français.     1     vol.     XL.  —  388 
pages,  9x6  pouces $1  50 

Dans  la  préface  de  ce  dictionnaire,  véritable  travail  de  bénédictin.  M. 
Sylva  Clapin  proteste  avec  verve  contre  la  rage  destructive  de  certains  puris- 
tes, qui,  s'ils  étaient  écoutés,  enlèveraient  à  notre  langue  quantité  de  mots  et 
d'expressions  qui  lui  donnent  une  originalité  et  un  cachet  tout  particuliers. 
Notre  langue,  à  proprement  parler  canadienne-française,  provient,  d'après  M. 
Clapin,  soit  du  "  vieux  français  ",  des  formes  particulières  à  celles  des  pro- 
vinces de  France  qui  ont  autrefois  fourni  les  plus  forts  contingents  de  colons 
pour  le  Canada  ;  de  mots  absolument  français,  auxquels  nous  donnons  une  ac- 
ception différente  ;  de  mots  créés  de  toutes  pièces  au  Canada  ;  de  termes  an- 
glais ou  sauvages,  écrits  et  prononcés  tels  que  dans  les  langues  originelles  : 
enfin,  de  termes  anglais  ou  sauvages,  plus  ou  moins  francisés.  C'est  à  consul- 
ter ce  dictionnaire  que  nous  constaterons  que  nous  avons  nos  richesses  lin- 
guistiques,  et   il   importe   à   tous  de   les   connaître.   —   CAM. 

Histoire  des  Etats-Unis,  depuis  les  premiers  établissements  jus- 

qvf:\  nos  jours.  Un  beau  volume  cartonné,  de  plus  de  200  pages, 
avec  questionnaire,  résumés  et  tableaux  analytiques,  et  orné  de 
nombreuses  gravures,  dont  un  portrait  hors  texte  de  Washington. 

7i  X  5,  218  pages $0.40 

L'extrême  intérêt  manifesté  depuis  quelques  années  au  Canada,  pour  tout 
ce  qui  touche  à.  la  République  voisine,  nous  a  décidé  à  entreprendre  la  publi- 
cation d'une  Histoire  des  Etats-Unis  pour  l'usage  des  élèves  de  nos  principaux 
établissements  d'éducation.  L'auteur  de  celte  histoire  est  M.  Sylva  Clapin. 
qu'un  long  séiour  aux  Etats-Unis,  où  il  s'est  consacré  au  journali'^me.  rendrlt 
tout  particulièrement  apte  à  c  genre  de  travail  et  nous  avons  le  ferme  «spoir 
que  le  public  enseignant  lui   fera  Uon  accueil. 

Conan    (Laure).  —  Elisabeth   Seton.     Biographie    (1774-1821).     1    vol. 
()  X  '.)  p  ,  125  i)p.,  orné  d'un  portrait .*0.50 

Conan    (Laure).  —  L'Oublié.     Préface     de    Af.     l'abbé    Bourassa.     Illus- 
trations   de    M.    Antigna.     l'n     beau    volume,    rouvcrtiirc     i!!ii'itré<». 
7%  X  5,  238  pages. .    ; -^0.75 

L'auteur  de  ce   roman   historique  est  une  Canadienne,   Mlle  Félicité  Angers. 

de  la  Malbale.  ,         .     ,  _^^ 

Appréciant   V   "  Oublié  "   dans   1"   "  Univers  "   de   Paris,   M.    Joseph    Lavcrgne 

"  Mlle  Laure  Conan  ne  possède  pas  seulement  le  style  des  bons  écrivain" 
d'autrefois,  elle  a  aussi  le  don  d'émotion  rommMnl<  itlvc  Elle  raconte  en  peu 
de  mots,  et  ces  mots  rendent  a  l'esprit   l'Imago   \lv:\r't.    de  la   réalité." 


l.ITTERATUKE   CANADIENNE 


Conaa  (.Laurel  Une  Immortelle 0.15 

L"Imniortelle.  c'est  ici  la  vénérable  Marguerite  Bourgeoys,  fondatrice  de  la 
Congrégation  de  N'otreDame.  et  dont  l'issue  du  procès  de  béatification  n'est 
plus  maintenant  douteuse.  En  attendant  que  le  Canada  ait  bientôt  la  joie 
d'élever  des  autels  à  cette  insigne  bienfaitrice  de  la  patrie,  Laure  Conan  a 
voulu  nous  redire  en  quelques  lignes  émues  ce  que  fut  cette  noble  femme.  Ce 
qui  fait  surtout  le  charme  de  ce  récit,  et  lui  donnera  un  grand  prix  auprès  de 
tous  ceux  que  passionnent  les  études  historiques,  c'est,  à  part  l'art  tout  per- 
sonnel de  l'auteur,  le  soin  prit  à  rendre  cette  biographie  encore  plus  atta- 
chante en  l'agrémentant  de  détails  inédits  et  tout  particulièrement  intéressants. 

Jeanne  LeBer     '^'  ^5 


Crémazie  (Octave).  —  Œuvres  complètes.  In-8,  9x6.  543  pages.     $1.50 

Crémazie  est  le  grand  poète  du  Canada.  Il  aimait  la  France  avec  idolâ- 
trie, et  ce  fut  le  patriotisme  qui  le  sacra  poète.  Ses  vers  sont  animés  des 
plus   beaux   sentiments,   avec   une   inspiration   essentiellement   française. 

Dandurand    (Madame).  —  Nos    Travers.     1     vol.,     232     pages.     Format 
lYî  s.  5  pouces $0 .  30 

Se  faire  dire  ses  défauts  n'est  pas  agréable,  mais  cela  peut  être  bien  utile 
si  Ton  a  la  sagesse  de  ne  pas  se  fâcher  quand  on  nous  les  indique. 
Ce  volume  est  tout  rempli  de  petits  tableaux  cruels  —  pour  l'un  et  l'autre 
sexe  —  mais  malheureusement  bien  vrais.  Ayons  cependant  le  courage  de  le 
lire  et  de  le  lire  jusqu'au  bout.  Nous  nous  y  verrons  parfois  sous  des  traits 
peu  flatteurs,  mais  sincères,  et  la  leçon  nous  sera  suffisamment  dure,  pour 
nous  être  profitable.  Et  si  ce  n'est  pas  pour  nous  y  connaître  que  nous  le 
lisons,  lisons-le  pour  reconnaître  nos  amis.  —  CAM. 

David  IL.  0.).  —  Mes  Contemporains.     1  vol.,  8  x  5,  288  pages.  $1.00 

Les  deux  Papineau.     1  vol..  S  à  5,  120  pages 0.50 

Les  Patriotes  de  1837-38.     1  vol.. 0.50 

L'Union  des  deux  Canadas.     1  vol.,  9  x  6,  XI-332  pages.  1.50 

Histoire  du   Canada  depuis  la  Confédération.     1867   à    1887.     1 

vol.,  relié 2.50 

DeCelles  (A.-D.).  —  Lafontaine  et  son  temps,  et  Cartier  et  son  temps. 
1  vol.  illustré,  10  X  6è  pouces,  208-195  pages..    ........     $2.00 

Deux  grandes  et  nobles  figures  de  notre  histoire  sont  étudiées  dans  ce 
volume,  œuvre  de  patiente  et  consciencieuse  érudition.  Leur  vie  est  si  inti- 
mement liée  à  notre  vie  nationale,  aux  heures  les  plus  angoissantes  quelle 
ait  connues,  et  leur  œuvre  a  été  si  merveilleusement  féconde  en  résultats 
utiles  a  la  race  canadienne-française  et  au  développement  de  notre  beau  pays 
qu  I  est  de  notre  devoir  de  la  connaître.  Nous  devons  à  ces  hommes,  qui  ont 
été  les  Inlas.sables  et  énergiques  défenseurs  de  nos  droits  et  de  la  vérité  l'una- 
nime témoignage  de  notre  reconnaissance.  Etudions-les,  apprenons  les  luttes 
cruf-Iifs  qu'ils  ont  soutenues  et  les  magnifiques  victoires  qu'ils  ont  remportées. 
L*  livre  de  M.  DeCelles,  écrit  en  une  langue  sobre  et  claire,  est  une  contribu- 
tion précieuse  à  l'histoire  politique  de  notre  pays,  histoire  que  nous  ne  con- 
DaiBHODs  malheureusement  pas  assez. 

DeCelles  (A.-D.).  —  Papineau,  (1786-1881).     1  vol  illustré,  in-8.     $1.75 

p-rf^'Lî^^  »"^  ."""k  V^;>l>r^  à  faire  vibrer  les  cœurs  de  tous  les  Canadiens- 
Krançals.  à  faire  bondir  notre  patriotisme,  c'est  bien  celui  de  Papineau,  qui 
«ymbollse  toute  une  carrière  de  talent  et  d'éloquence,  de  dévouement  et  de  sa- 
crlBceH. 

i,*^!.i?^'''i  l^"",'!''*-"''  '"  P'"«  puissant  portrait  intellectuel  et  politique  qui 
f„L.^-^  .  "î .  '"''^•':^"^*'■"'"°■  ï-'auleur  nous  y  montre,  dégagée  de  l'en- 
tourage deH  Incidents  hlstorlqucK  qui  eussent  pu  en  ob.scurcir  les  fortes  teintes 
l«   ngupe   vrrilmont    héroïque    de    cet    indomptable    meneur    d'hommes.      De    ses 

*.     "     .   /  ""■"■  "  '^^''"'^  '^"'^  appréciations  politiques  de  haute  logique 

PI   BU««I   d   .  iite   Hlnf.^rité. 


LIBRAIRIE  BEAUCHEMIN  Limitée,  79,  rue  St-Jacques,  Montréal. 


Delahaye  (Victor).  —  Dictionnaire  de  la  Prononciation  Moderne  de  la 
Langue  Française.  1  volume  cartonné,  6-708  pages,  6i^  x  4i^ 
pouces $0  .  50 

Que  de  fois  l'on  se  trouve  embarrassé  au  sujet  de  la  prononciation  d'un 
mot  quelconque,  sans  savoir  où  se  renseigner.  Le  présent  dictionnaire  de  M. 
Victor  Delahaye  comble  donc  une  lacune  importante  et  nul  doute  qu'il  sera 
hautement  apprécié  par  quiconque  a  le  souci  du  parler  français.  Il  renferme 
tous  les  mots  de  la  langue,  avec  leur  prononciation  figurée.  Il  est  d'un  format 
commode  et  portatif.     C'est  un  livre  indispensable. 

Desrosiers  et  Fonraet    <  Les   abbés  i.  —  La  Race  française  en  Âmériqne. 

Tréface  de    M.  l'abbô   Terrier.      Ouvrage    vvnv    de  34  dessins  de 
Henri  Julien,  1  vol.  8J  x5i,  295  pages      $0.50 

Une  leçon  d'histoire  de  France  est  une  leçon  d'espérance,  disait  quelque  Jour 
Ernest  Le^ouvé  Messieurs  le>i  abbés  D.-srnsiers  et  Fournct  ont  repris  au  compte 
du  Canada  fr<»nçais  ou  plutôt  do  la  Race  française  en  .\tnériqu<',  le  mot  de 
l'illustre  acadéniieien;  ils  ont  voulu  il  la  fois  nous  instruire  et  nous  stimuler; 
iNont  donné  à  leurs  compatriotes  une  leçon  de  laits  qui  est  une  l-^çon  d'énergie. 

-Abbé  Camillk  Roy 

Doucet  (Louis-Joseph).  —  Contes  du  Vieux  Temps.  Çil  et  la.  1  vol. 
61/4  -x  91/4  p-,  144  pp.   (1911) $0.75 

Douville  (Mgr  J.  A.  Ir.).  —  Histoire  du  Collège-Séminaire  de  Nicolet. 
2  volumes.. ■•    ••      $3.00 

En  1903,  Mgr  J.-A.-Ir.  Douville,  P.  R.,  alors  supérieur  du  Séminaire  de 
Nicolet,  livrait  au  public  les  deux  volumes  qui  renferment  l'histoire  des  cent 
ans  de  vie  de  cette  institution.  L'ouvrage  a  reçu  de  tous  les  élèves  de  Nicolet. 
et  du   public  canadien     l'accueil  qu'il   méritait. 

Grâce  à  cette  lucidité  et  à  cette  sobriété  que  donne  à  l'esprit  un  contact  pro- 
longé avec  les  sciences,  l'auteur  a  réussi  à  donner  à  la  littérature  canadienne 
un  livre  intéressant  pour  la  forme  correcte  et  châtiée  du  récit,  autant  que  par 
la  quantité  et  la  valeur  des  renseignements  fournis.  Les  documents  cités  sont 
du  plus  haut  intérêt,  et  ils  ont  l'avantage  de  ne  pas  surcharger  le  récit,  dis- 
posés comme  ils  le  sont,  en  appendice,  à  la  fin  des  chapitres. 

Dugas  (l'abbé  G.).  —  Le  Mouvement  des  Métis,  des  faits  qui  ont 
préparé  le  Mouvement  des  Métis,  a  la  Rivière-Rouge,  en  lSf)9.  1 
vol.,  228  pages,  8x0  pouces $0 .  50 

Rien  de  plus  émouvant  que  le  récit  par  un  témoin  oculaire.  M.  rabl)é 
G.  Dugas,  des  troubles  dont  fut  le  théâtre  le  territoire  de  la  Rivière  Rouge,  en 
1869.  S'appuyant  sur  des  documents  d'une  indiscutable  authenticité.  M.  Dugas 
établit  que  le  rôle  joué  par  Rlel  et  les  Métis  français  de  ce  territoire,  fut  un 
rôle  absolument  honorable  et  qui  eut  pour  résultat  de  faire  reconnaître  par  la 
constitution  les  droits  des  minorités.  A  peine  âgé  de  21  ans.  Rlel  se  révéla 
profond  politique,  tacticien  habile  et  patriote  ardent.  Il  ne  fut  pas  la  dur"- 
des  politiciens  haineux  qui,  â  cette  époque,  voulaient  l'anéantissement  de  l'é- 
lément français  au  Nord-Ouest.  Il  sut  lutter  vaillamment  et  faire  respecter 
ses  droits.  —  CAM. 

Dugas  (l'abbé  G.).  —  Un  Voyageur  des  Pays  d'en  Haut.  1  vol.,  in-S, 
142  pages $0.50 

Les  légendes*  du  Nord-Ouest,  les  aventures  de  voyageurs,  les  Incidents  in- 
nombrables de  la  vie  de  l'Ouest  ont  toujours  une  saveur  Incomparable.  L'abbé 
Dugas,  qui  a  vécu  longtemps  parmi  ces  populations  et  dans  ces  parages,  qui  a 
été  le  témoin  de  bien  des  événements  et  le  confident  de  bien  des  histoires,  n 
composé  de  ses  souvenirs  ou  de  ses  études  plusieurs  ouvrages  pleins  de  vie  et 
bourrés  de  faits.  La  sincérité  des  descriptions  et  des  narrations  en  est  très 
visible  et  en  fait  le  grand  prix.  Ces  livres  sont  très  populaires  parmi  la  Jeu- 
nesse que  hante  toujours  l'irrésistible  attraction  du   Far  West. 

Histoire  de  l'Ouest  Canadien  de  1822  à  1869.     Fpoqtio  de«  trou- 
bles.    I  vol.  7  X  lOi.j  p.,  154  pp *0  50 


LITTERATUKE    CANADIENNE 


Fléchette  (Louis.)-  —  Œuvres  poétiques: 

La  Légende  d'un  peuple.     Poésies   Canadiennes.     Avec  une   pré- 
face de  Jules  Claretie.  1  vol.  in-8,  illustré  par  Henri  Julioii.     $1.50 

Feuilles  volantes  et  Oiseaux  de  neige.  Poésies.  1  vol.  in-S.  $3.75 

Epaves    poétiques,    poésies,    Véronica,    pièce    en    vers.      1     vol. 


in-8 $3.75 

Fréchette  i Louis).  —  La  Noël  au  Canada.  10  Contes  et  Récits.  23 
illiKstrations  par  Frédéric  Simpson  v  chinn.  1  vol.  5^4  x  8  p.,  re- 
liure toile  riche  avec  ornements  dorés,  tête  dorée,  288  pp.  .      $2.00 

Originaux  et  Détraqués.  1  beau  vol.  7^2  x  5,  362  pages.     $0.50 


Fréchette,  c'est  la  trompette  sonore,  qui  a  proclamé  au  vieux  monde  l'exis- 
tence d'une  France  littéraire  et  poétique  sur  les  bords  du  Saint-Laurent.  Le 
jour  où  l'Académie  française  couronna  ses  Fleurs  boréales,  un  chaînon  était 
•soudé  de  nouveau  dans  le  lien  sentimental  qui  nous  unit  à  la  vieille  mère-pa- 
trie. L'inspiration  patriotique  qui  souffle  comme  un  fougueux  aquilon  dans 
les  beaux  vers  du  Lauréat  fait  gonfler  les  poitrines  de  notre  jeunesse  frémis- 
sante. Fréchette,  c'est  le  barde  de  la  jeune  nation  canadienne.  Il  nous  a 
donné  une  âme  et  des  chants.  Son  beau  talent  se  mûrit  avec  l'âge  ;  la  gra- 
dation est  charmante  à  voir,  elle  est  empoignante  à  constater.  La  série  de  ses 
dation  est  charmante  à  voir. 

Gagnon    (Ernest).   —   Chansons   populaires    du   Canada,    avec    annota- 
tions.    1  vol.  in-S,  XVII-350  pages $1.00 

Cp  livre  est  une  œuvre  vraiment  nationale.  Toutes  les  vieilles  chansons 
de  France  que  le  Canada  a  adoptées  et  souvent  transformées  sont  indiquées 
avec  les  variantes  et  aussi  avec  le  texte  original  français.  Les  airs  sont  notés, 
et  des  observations  concises  précèdent  chaque  chanson  et  expliquent  la  trans- 
formation subie.  C'est  un  des  documents  les  plus  curieux  que  l'on  puisse  se 
procurer  sur  l'évolution   du   Canada   français. 

Le  Fort  et  le  Château  Saint-Louis,  étude  archéologique  et  his- 
torique.    1  vol.  in-S ........     $1.00 

!>>  fort  Saint-Louis,  de  Québec,  construit,  puis  successivement  reconstruit, 
restauré  et  agrandi  par  Champlain,  Montmagny,  Frontenac  et  Craig,  a  été  le 
centre  de  l'autorité  royale,  française  et  anglaise,  pendant  plus  de  deux  siècles. 
C'est  donc  l'histoire  des  origines  du  Canada  au'a  écrite  l'auteur  de  cette  at- 
trayante monographie.  Gouverneurs  et  gouvernants,  hommes  d'armes  mis- 
sionnaires et  fondatrices  d'établissements  religieux  défilent  en  portraits  vivants, 
et  l'on  entend  comme  l'écho  de  batailles  lointaines....  Cet  ouvrage  marque 
dignement  le  troisième  centenaire  de  la  fondation  de  Québec. 

Gameau   (Alfred).  —  Poésies.     1   vol.,  7x5  pces,  220  pages,  avec  por- 
trait do  l'auteur $1.00 

Jamais  un  livre  ne  fut  accueilli  avec  autant  d'éloges  —  et  d'éloges  plus  mé- 
rités—  que  les  Poésies  d'Alfred  Garneau.  publiées  par  son  fils,  Hector  Gar- 
neau.  Il  s'y  révêle  doué  d'une  nature  très  poétique,  fervent  et  puissant  admi- 
rateur des  lettres  françaises  ;  d'un  caractère  fier,  ennemi  de  la  réclame 
bruyante.  Il  n'avait  pas  voulu  publier  ses  poésies,  et  sans  l'initiative  hexi- 
reu'f  de  son  fils,  notre  littérature  aurait  été  privée  d'une  œuvre  qui  lui  fait 
hornneur.  C'est  un  livre  que  l'on  aimera  à  lire  et  à  relire  parce  qu'il  s'en 
dégage  une  philosophie  sereine  et  apaisante.  —  CAM. 

Gaipé    (Philippe-Aubert    de).  — Les   Anciens    Canadiens.     OVl     x     614. 
271  pages.. $1  00 

Dp  tou»  les  auteurs  canadiens.   M.   PhIlippe-Aubert  de  Gaspé  est,   sans  con- 

"""'"    "' '   ■■'■'"■  a  transmis  les  détails  les  plus  complets  et  les  plus  au- 

les  mfeurs  ft   les  co\itumes  de  nos  pères   après  les   jours 

r,    -,    r  A,...,i,.t,,rre       Conteur    infatigable,    doué    d'un    rare 

et   des  événements,   il   nous   a  transmis,   suf 

.     1  "•,  des  renseignements  oui  éclairent  dun  iour 

de  nos   pères  pour  le  maintien    de   l'idée   et   de   la   vie   fran- 

r6c\tH.  faits  sur  un  ton  facile  et  gai,  sont  de  vrais  documents 

lil..t,jrlf|ucs  (ju  11   n'est  pas  permis  à  un  bon   Canadien   d'ignorer. 


LIBRAIRIE  BEAUCHEMIN  Limitée,  79,  nxe  St-Jacques,  MontréaL 


Guay  (Mgr  Charles).  — Lettres  sur  l'île  d'Anticosti  a  l'honorable 
Marc-Aurèle  Plamondon,  juge  de  la  Cour  Supérieure,  en  retraite, 
a  Arthabaskaville.  1  volume  in-8,  orné  de  nombreuses  gravures. 
7  X  101^.  320  pages $100 

Voulez-vous  un  livre  qui  vous  apporte  la  lumière  sur  lîle  mystérieuse  ? 
Achetez  celui-ci.  C'est  une  étude  intéressante,  historique  à  la  fois  et  scienti- 
fique: l'auteur  y  déroule  sous  nos  yeux  le  passé  et  le  présent  de  l'Ile,  sa  géo- 
graphie, sa  formation  géologique,  sa  flore  et  sa  faune,  sa  colonisation  enfin  et 
les  remarquables  travaux  d'exploitation  déjà  accomplis  par  son  propriétaire 
le  richissime  M.  Ménier.  De  magnifiques  et  nombreuses  illustrations  dont 
l'auteur  a  su  enrichir  ces  pages,  nous  y  font  vivre  le  présent  Anticosti  ';  pay- 
sages, hommes  et  choses  sont  comme  en   relief. 

Huston  (J.).  —  Le  Répertoire  national  ou  recueil  de  littérature 
canadienne,  2e  édition,  précédée  d'une  introduction  par  M.  le  juge 
Routhier,  et  illustrée  de  50  portraits.  4  vol.,  9x6,  1530  pages, 
broché $8.00 

Le  même  ouvrage,  relié  demi-chagrin $10.00 

On  trouve  dans  ce  recueil  des  pièces  en  prose  et  en  vers  des  pionniers  de 
notre  littérature  :  F.  R.  Angers.  —  N.  Aubin  —  .T.  G.  Barthe,  —  Michel 
Bibaud,  —  Isidore  Bédard,  - —  Georges  de  Boucherville,  —  Georges  -  Etienne 
Cartier,  —  Joseph  Cauchon  —  P.  J.  O.  Chauveau,  —  Ch.  Daoust,  —7  F.  M. 
Derome,  —  Joseph  Doutre,  —  Garneau.  —  P.  A.  de  Gaspé,  —  Gérin-Lajoie  — 
P.  Lacombe,  —  J.  J.  Lartigue  —  Eug.  L'Ecuyer.  —  Joseph  Lenoir,  —  T.  J. 
J.  Loranger.  —  Chevalier  de  Lorimier.  —  J.  B.  Meilleur,  —  Ch.  Mondelet.  — 
A.  N.  Morin,  —  Etienne  Parent  —  P.  Petitclair,  —  L.  Plamondon,  —  J.  S. 
Raymond,  —  E.  P.  Taché,  —  U.  J.  Tessier,  —  J.  E.  Turcotte,  —  D.  B. 
Viger    —  Jacques  Viger,  etc. 

Jette  (Madame).  —  Vie  de  la  Vénérable  Mère  d'Youville,  fondatrice 
des  Sœurs  de  la  Charité  de  Montréal,  suivie  d'un  historique  de  son 
Institut.  Montréal,  1900,  1  vol.  in-8,  avec  portrait  et  quelques 
illustrations,  X-IV-445  pages. . .    .  .      $1 .00 

La  Mère  d'Youville  fut  la  fondatrice,  à  Montréal,  des  Sœurs  de  la  Charité, 
ordre  immense  qui  s'est  étendu  sur  toute  l'Amérique,  et  dont  les  services  sont 
incalculables.  Destinée  au  monde,  aprè.s  un  mariage  malheureux  précédé  d'un 
désappointement  de  cœur,  Marie  de  la  Jammerais  se  consacra  aux  pauvres  tt 
aux  malades,  et  institua  cette  magnifique  maison  sainte  qui  envoie  des  sœurs 
jusque  dans  les   solitudes  glacées  du   bassin   de  l'Athabaska-Mackenzie. 

Larousse  (P.).  —  Dictionnaire  Larousse  complet.  Dictionnaire  de  la 
langue  française,  5,000  articles  concernant  le  Canada,  35  tableaux 
encyclopédiques,  2,000  gravures,  Gj^  x  4V2,  1,200  pages.      •     $0.75 

Le  dictionnaire  complet  de  Larousse  réalise  jusqu'ici  le  type  le  plus  par- 
fait du   Dictionnaire-Manuel. 

L'illustration  est  des  plus  complètes  et  des  plus  soignées.  Outre  les  vi- 
gnettes répandues  à  profusion  dans  le  texte,  25  tableaux  synthétiques,  très 
étudiés,  groupent  méthodiquement  les  mots  et  les  choses,  dispersés  à  l'ordre 
alphabétique. 

La  partie  historique  et  géographique,  corrigée  avec  grand  soin,  et  aug- 
mentée de  .■'.00  noms,  contient  2G0  jolis  portraits  —  partie  neuve  —  25  cartes 
géographiques,  cartes  particulières  pour  le  Canada  gravées  spécialement  pour 
l'ouvrage  et  coloriées  ;  une  large  part  est  faite  aux  hommes  et  aux  choses  du 
Canada.  Tous  les  articles  d'histoire  et  de  géographie  sont  mis  à.  jour,  et  les 
populations  sont  données  d'après  les  derniers  recensements  officiels  de  chaque 
pays. 

Lanrier'Sir  Wilfridi.    Discours,    précédés  d'une   notice  hiographiqiic. 

1    volume  grand  in-S  de  plus  de  500  pages,  imprimé  sur  beau  papit-r. 
et  orné  d'un  portrait  en  simili-gravure J.'i.Od 

Cet  ouvrage  fait  suit»-  iV  '  LAUKiKit  a  i,a  Tkiiiitnk.",  rer-ui-ll  il'-  dlsocdirH  com- 
pilés par  M.  U.  Burthf,  publir-  en  IsO».  et  contlfnt  tous  les  ill.^oourc  li-s  plus 
importants  prononcés  par  le  grand  homme  d'Etat  di-puls  qu'il  usl  &  la  tète  du 
gouvcnii-ini-nt  A  Ottawa. 

Citons  entre  .-uitres:  Kiscours  eu  AnKleterre,  m  Franco  ot  aux  EfaïK-rnl»; 
Eloe;i'S  lie  la  rein-  Victoria  «-t  de  Ola  Isione;  hlsi-oiiis  jinr  la  L'U'-rro  ilii  Trun»- 
vaal,  le  (;ratiil  Tronc  Paciiicine,  la  création  îles  province.-,  il"  \  iii  rr.i  ei  île 
Saskatchewan,  la  défense  Impériale,  etc,  etc. 


LITTERATURE   CANADIENNE 


Laverdière  et  Casgrain  (les  abbés).  — Le  Journal  des  Jésuites.  Pu- 
blié d'après  !e  manuscrit  original  conservé  aux  archives  du  Sémi- 
naire de  Québec.  Deuxième  édition  (1893),  conforme  à  la  première 
(1871).     1  vol.  in-4 $2. 00 

Cet  ouvrage  comprend   les  calendriers  des  années  1645  à  1668,   et  403   pages 
de  journal  dont  les  détails  se  rapportent  aux  menus  faits  de  la  colonie.   C'est 
l'histoire  ordinaire,  et  par  le  menu,  de  la  naissance  d'un  peuple. 
Le  Canada  Ecclésiastique.  —  Almanach-annuaire  du  Clergé   Canadien, 
loiulf  en    1SS7.  fl    iliiiui'  dej>uis  cette  époque,   par   M.  L.-J.-A.  De- 
rome.      rirn'  année).     1  vol.  5V.  x  8\i  p.,  644  pages,  orné  de  nom- 
breuses illustrations;  relié  toile  rouge .$1.50 

Voici  ce  qu'écrivait  S.  G.  Mgr  rArchevêquf  de  Québec  au  sujet  de  l'Edition 
de  1911.  qui  marque  la  2,Te  année  du  CaiKuhi  Et-  lesiastUjuc  :  'Votre  Canada 
Ecclésiastique  est  de  plus  en  plus  complet,  exact,  bien  fait  à  tous  égards. 
Mgr  Battandier.  qui  publie  '"  l'.Aniiuaire  Ect  lésiastique,"  à  Rome,  me  disait. 
l'année  dernière,  que  votre  Canada  Eccléniastlque  est  la  plus  belle  publication 
de  ce  genre  qui  existe  au  monde."  Et  Notre  Très  S.  P.  le  Pape  Pie  X  a  dai- 
gBé  lui  adresser  ses  encouragements  et  ses  félicitations  "  pour  l'utile  service  " 
(lu'il  apporte  à  l'Eglise  du  Canada.  C'est  que  le  Canada  Ecclésiafitiqiie  est 
vraiment  le  Livre  d'Or  du  clergé  canadien  :  ses  renseignements  si  précis  et  si 
nombreux  sur  la  vie  ecclésiastique  et  son  mouvement  annuel  ;  ses  informations 
de  diverse  nature  sur  tant  de  sujets  intéressants  ;  ses  éphémérides  qui  rap- 
pellentjles  événements  les  plus  mémorables  de  notre  histoire;  ses  vues  et  ses 
vignettes  si  réussies,  tout  rend  celte  publication  pratique  et  vivante.  Depuis 
1909  vient  s'ajouter  au  texte  un  document  d'un  intérêt  historique  capital  et 
qui  décuple  la  valeur  de  l'ouvrage  :  c'est  la  liste  des  Anciens  Curés.  Quel  plus 
beau  tableau,  en  effet,  que  celui  où  figurent  les  prêtres  qui  ont  été  en  charge 
d-f  nos  missions  et  de  nos  cures,  depuis  le  1er  Jésuite  et  le  1er  Récollet  venus 
en  Nouvelle-France  se  livrer  au  saint  ministère,  jusqu'aux  derniers  curés  de 
chacune  de  nos  paroisses  existantes?  Ces  petits  chapitres  ne  sont-ils  pas  au- 
tant de  lettres  de  noblesse  qui  attestent  la  vivacité  et  l'efficacité  de  cet  esprit 
de  foi  que  Champlain  et  Maisonneuve  apportèrent  jadis  sur  les  rives  du  St- 
I^aurent?  Bref,  le  Canada  Ecclésiastique  est  un  glorieux  monument,  embelli 
chaque  année,  qui  affirme  fièrement  l'admiration  des  Canadiens  pour  le  passé 
de  leur  race,  comme  leur  foi  en  son  avenir,  et  il  reste  ce  que  nous  avons  de 
plus  noble  dans  nos  archives  nationales. 

Leclaire  •  Alphonse K  —  Le  Saint-Laurent  historique,  légendaire  et  topo- 
grapliique,  de  :Montréal  à  Pictou  et  à  Cliicoiitimi  sur  le  Saguenay. 
2e  Kdit.  eoiisidéral)leinent  augmentée.  Ouvrage  illustré  de  2éo 
gravures,  d'une  carte  du  lleuve  et  d'une  autre  du  golfe.  O^  x  IO14 
p..  304  pp.,  broché:  $0.75 '.    ..relié:     $1.00 

Lespérance  (John).  — Les  Bastonnais.  1  vol.  in-8,  illustré.  9^4  x 
6 V4,  272  pages $0  50 

Le  titre  de  cet  ouvrage  indique  immédiatement  qu'il  s'agit  d'un  des  événe- 
ments les  plus  intéressants  de  notre  histoire,  l'invasion  des  Américains  de 
Montgomery  et  de  Arnold,  que  le  peuple  avait  appelés  Bastonnais,  par  corrup- 
tion de  Boston,  lieu  de  départ  de  l'armée  envahissante.  Le  roman  de  M. 
John  lespérance.  l'écrivain  bien  connu  de  la  "Gazette",  de  Montréal,  a  été 
prlmltivemont  écrit  en  anglais,  l'édition  que  met  en  vente  la  Librairie  Beau- 
chemin,  Limitée,  est  une  excellente  traduction  française  agrémentée  de  nom- 
bnus.-s  Illustrations  qui  ajoutent  encore  au  charme  de  la  lecture.  En  dehors 
des  faits  historiques,  toutes  les  mœurs,  les  idées,  la  coutume,  la  psychologie 
de  cette  époque  curleu.se  sont  mises  en  relief  d'une  façon  puissante.  C'est 
iep'.q.ie  où  I  opinion  canarli.nno  n'e-t  pas  encore  fixée  et  où  notre  peuple 
cherche  sa  vole.  La  conquête  vient  de  s'achever.  L'état  d'âme  de  la  popula- 
tion français.,  .-st  particulièrement  bien  indiqué  par  des  faits  et  des  incidents 
om  r.L-rf-mcntent  le  récit.  Aucun  livre  ne  peut  fournir  sur  cette  époque  une 
■  n   plus  attrayante  et  plus   indemne  de  préjugé   national,   politique  ou 

Li.sbois  'A.  C.  de).  —  Autour  d'une  Auberge.  5e  mille.  1  vol.  5x7 
p.  1^5  pp.  (1000) ^ $0.25 

Lorrain  (Léon).  -  Fleurs  poétiques,  ISOO.  1  volume  in-12,  XII-182 
P-'^^'-^ $0.50 

.i^rTr'J!.?,"'''  "r.  '^^'\"'^"  '»"  enfourche  Pégase  et  qui  abandonne  les  Pan- 
dort.>«  pour  rourtUer  la  muse.  Ses  poésies  fraîches  et  sans  prétention  ont 
^hr:7éK;a''^'"'™*  ^*  contiennes  beaucoup  de   sentiment.      L'impression  "s 


LIBRAIRIE  BEAUCHEMIN  Limitée,  79,  rue  St-Jacques,  MontréaL 


Marchand    (F.    G.)-  —  Mélanges    poétiques    et    littéraires.     1    vol.,  9V4 
X  6'/4,  380  pages,  orné  de  plusieurs  gravures  hors  texte.  ..        $150 

Ce  volume  se  compose,  pour  la  plus  large  part,  de  comédies  où  l'auteur 
raille  agréablement  plusieurs  petits  travers  des  Canadiens,  entre  autres  — 
comme  dans  les  "  Faux  Brillants  "  —  celui  qui  les  porte  à  se  laisser  prendre 
au  ramage  du  premier  bel  étranger  venu.  Toutes  ces  scènes  de  mœurs  se  dis- 
tinguent par  une  facture  irréprochable  et  par  une  sûreté  de  main  qui  ferait 
honneur  à   plus  d'un   maître  contemporain   de   la   scène   parisienne. 

Marmette  (Jos.).  —  François  de  Bienville.  Scènes  de  la  vie  canadienne 
au  XVIIe  siècle.     Montréal,   1882.     1   vol.   in-8    ..  ....     $0.50 

M.  Joseph  Marmette  porte,  au  Canada,  le  titre  glorieux  de  Walter  Scott 
canadien  ;  personne  mieux  que  lui  n'a  saisi  l'art  du  grand  romancier  histori- 
que d'Ecosse  et  n'a  mieux  adapté  sa  façon  à  l'histoire  du  Canada.  Sur  une 
trame  menue  qui  n'altère  et  n'entrave  en  rien  la  réalité  historique,  il  a  tracé 
les  grandes  pages  des  annales  grandioses  de  la  colonie.  Les  romans  qui  ont 
pour  titre  :  "  Le  Chevalier  de  Mornac  ".  "  François  de  Bienville  ".  "  l'Inten- 
dant Bigot  "  '■  La  fiancée  du  rebelle  ".  sont  une  peinture  exacte  et  charmante 
à  la  fois,  touchante  et  attrayante  de  hauts  faits  historiques.  Ils  se  lisent  avec 
facilité  et  empoignent  les  cœurs  français.  Les  peintures  de  mœurs  y  sont 
d'une  précision  extrême,  et  c'est  la  meilleure  leçon  d'histoire  du  Canada  sous 
la  domination  française  que  l'on  puisse  trou*er  et  étudier.  Joseph  Marmette 
a  d'ailleurs  puisé  ses  renseignements  aux  meilleures  sources,  car  il  a  com- 
pulsé, pour  ses  ouvrages,  les  archives  du  Canada  et  de  Paris. 

Massicotte  (E.  Z.).  — Cent  fleurs  de  mon  herbier,  études  sur  le  monde 
végétal,  à  la  portée  de  tous,  suivies  d"un  calendrier  de  la  flore  de  la 
province  de  Québec.  Nombreuses  illustrations.  1  volume  de  220 
pages.     Format  6  X  9  pouces . . $0.75 

M.  Massicotte,  dans  cet  ouvrage,  nous  permet  de  connaître  les  plantes  de 
son  pays,  et  il  les  étudie  non  seulement  en  professionnel,  mais  surtout  en  ar- 
tiste et  en  poète — -Charles  ab  der  Halden,  dans  la  Revue  d'Europe. 

"  Cent  fleurs  de  mon  herbier  "  est  un  livre  intéressant  et  utile  pour  les 
professeurs  et  tous  ceux  qui  s'occupent  de  la  botanique.  — -  Camille,  dans  la 
"  Patrie  ". 

C'est  un   livre  qui   manquait  dans  nos  bibliothèques. 

Le  "  Passe-Temps  ". 

Cet  ouvrage  est  instructif  sans  offrir  la  moindre  aspérité  ;  les  mots  rébar- 
batifs et  de  sens  fermé  en  sont  exclus  ;  c'est,  à  la  fois,  la  genèse  scientifique 
et   le   roman   romanesque   des   fleurs   et  des   plantes. 

Pierre   Voyer,   dans   le   "  Samedi  ". 

Conteurs  Canadiens-Français  du  XIXe  Siècle,  avec  préface,  no- 
tices et  vocabulaires  ;  portraits  dessinés  par  Edmond  J.  Massicotte». 
1  volume  de  330  pages.     Format  6x9  pouces $0.50 

M.  Massicotte  a  eu  l'heureuse  inspiration  de  publier  avec  une  notice  sur 
chaque  auteur,  un  choix  de  contes  canadiens-français.  —  Bulletin  du  Parler 
Français. 

L'ouvrage  est  des  plus  captivants,  et  nous  en  conseillons  fortement  la  lec- 
ture. —  Le  "  Rappel  ". 

Désormais  le  conte  canadien,  dans  ce  qu'il  a  de  mieux,  est  .«auvé  des  eaux 
en  une  corbeille  attrayante  agrémentée  d'atours  agréables  et  utiles.  —  Pierre 
■Voyer,  dans  le  "  Samedi  ". 

Il  se  dégage  de  cet  ouvrage  un  arôme  du  terroir  qui  fait  bon  au  cœur 
patriote,  à  l'âme  enthousiaste  de  légendes  vécues  et  de  gloires  ancest raies.  —  La 
"  Patrie  ". 

Massicotte  (E.  Z).  —  Histoire  anecdotique  des  Athlètes  Canadiens- 
Français.     1    volume  in-12  illustré,  broché   ..      .  ii.m 

Monographies  de  plantes  canadiennes,  stiivies  de  '•(■ro(|uis  rham- 

pêtres  "  et  d'un  "  (  alcndricr  de  la  l-'Iore  de  la  province  de  Québec". 
1  beau  volume  in-8.  avec  nombreuses  illustrations  par  E.-J.  Massi- 
cotte  $0  50 

Fragments  de  quelques  appréciations  adressées  &  I  auteur  «u  parurs  dan.« 
les  journaux  de  France  ou  du  Canada  :  ,...,,.  .„„ii„n»   fr.n- 

J'ai  lu  votre  livre  avec  un  très  vif  plaisir.  II  est  écrit  en  e«<^*>'^"' ,'"J"; 
cals,  d'abord  —  ce  qui  n'est  pas  peu  dire    —  et  quant  a  sa  valeur  sclentltlque. 


LITTERATURE   CANADIENNE 


je  m'en  rapporte  à  l'esprit  consciencieux  dont  vous  avez  toujours  fait  preuve 
comme  ouvrier  de   la  plume.  —  LOUIS   FRECHETTE. 

....Il  nous  arrive  d'outre-mer  un  petit  volume  élégamment  relié,  orné  de 
Jolis  dessins  à  la  plume,  et  qui  abrite  sous  un  titre  d'allure  très  scientifique 
des  considérations  plutôt  littéraires  sur  les  plantes  du  Canada.  Mais  en  re- 
vanche, il  sera  lu  avec  plaisir  par  ceux  qui  voudront  voir  comment  à  propos 
do  vraies  fleurs  de  la  création  on  peut  réunir  un  bouquet  do  gracieuses  fleurs 
littéraires.  —  LE  COSMOS,   Paris. 

Montpetit  (A.  N-).  —  Les  poissons  d'eau  douce  du  Canada.  1  volume, 
10 Vi   X  7   pcs.     XIV-552  pages,  magnifiquement  illustré    ..      $2.50 

Si  nos  forêts  sont  renommées  pour  leur  richesse  en  gibier,  nos  lacs  et  nos 
rivières  ne  le  sont  pas  moins  pour  leur  richesse  en  poissons.  Les  clubs  de 
chasse  et  de  pêche  ne  se  comptent  plus  au  Canada,  et  c'est  de  toutes  les  parties 
du  monde  que  nous  arrivent  les  favoris  de  la  fortune,  passionnés  de  la  chasse 
et  de  la  pêche.  Et,  après  avoir  lu  le  livre  de  M.  Montpetit,  l'on  ne  s'étonne 
point  de  ce  fait.  Il  nous  révèle  la  richesse  inépuisable  des  lacs  et  rivières  du 
Canada. 

Moreau  (Henri).  —  Sir  Wilfrid  Laurier,  premier  ministre  du  Canada, 
sa  carrière,  son  caractère,  ses  discours,  etc.  1  volume,  8x5^; 
300  pages Çy  7y 

Dans  cet  excellent  ouvrage,  M.  Henri  Moreau  retrace  les  luttes  ardues  que 
Sir  W.  Laurier  dut  soutenir  alors  qu'il  dirigeait  l'opposition  :  l'œuvre  colossale 
qu  11  a  accomplie  depuis  qu'il  a  su,  grâce  à  son  énergie  à  sa  vaste  intelligence 
et  à  son  admirable  don  de  meneur  d'hommes,  parvenir  à  la  plus  haute  position 
à  laquelle  puisse  aspirer  un  Canadien.  Dégagés  des  passions  des  heures  de 
lutte,  les  grands  événements  auxquels  il  a  été  mêlé  nous  apparaissent  sous  un 
jour  nouveau,  qui  nous  permet  de  mieux  nous  rendre  compte  du  rôle  qu'il  a 
joué,  rôle  toujours  brillant  et  fructueux,  d'après  son  biographe.  Bref  c'est  un 
livre  que  tout  Canadien  devrait  posséder,  à  plus  forte  raison  tous  les  Cana- 
diens-Français, qui  doivent  être  fiers  d'un  tel  compatriote. 

Nantel  (l'abbé  A.).  — Les  fleurs  de  la  poésie  canadienne,  3ème  édi- 
tion augmentée  et  précédée  d'une  préface.  1  volume,  251  pages. 
9  X  G  pouces $0.50 

Véritable  anthologie  de  la  poésie  canadienne,  les  "  Fleurs  de  la  Poésie 
Canadienne  "  réunissent,  en  un  volume,  plusieurs  poètes  qui  nous  sont 
familiers  tels  que  Crémazie,  Alfred  Garneau,  dont  les  poésies  viennent  d'être 
publiées  ;  MM.  Léon-Pamphilo  Lemay,  Louis  Fréchette,  Adolphe  Poisson, 
Nérée  Beauchemin  et  d'autres  que  nous  connaissons  peut-être  un  peu  moins 
mais  qui  mentent  aussi  notre  attention  :  François-Xavier  Garneau  l'histo- 
ril"  '  ..  Kvx^  ^'9,-  Chauveau,  Joseph  Lenoir,  J.  C.  Fiset,  M.  A.  Basile  Rou- 
inier,  labbé  A.  Gingras.  Le  choix  dfs  poésies  a  été  judicieusement  fait  et 
nous  donne  une  idée  exacte  de  la  nature  du  talent  poétique  de  chaque  au- 
teur. Tous  ceux  qui  aiment  notre  littérature  voudront  avoir  ce  volume,  où  ils 
pourront  lire  plusieurs  de  nos  meilleurs  poètes,  dont  il  est  parfois  assez  diffi- 
cile de  se  procurer  les  œuvres.  —  CAM. 

Nugent's  Up-to-Date  Dictionary,  nouveau  dictionnaire  français-anglais 
et  anglais-français,  rédigé  d'après  les  meilleures  autorités,  et  con- 
tenant tous  les  mots  en  usage  dans  les  deux  langues.  Nouvelle 
édition  re^^ie,  corrigée  et  considérablement  augmentée,  avec  la 
prononciation  figurée  dans  les  deux  langues,  par  Sylva  Clapin.  1 
Tolume  de  1,200  pages,  relié $0  75 

f-  'îl'-tfonnalre   se   recommande   surtout   par    la   place   qui    a    été    faite   aux 

'^3    cest-a-dire  aux  mots  et  locutions  en   usage  aux  Etats-Unis    et 

t.  de   nouveaux   vocables  créés   aux   Etats-Unis,   soit  des   mots   an- 

.:t.  pris    dans  la  république  voisine,  un  sens  différent  de  celui  qui  s'y 

••n  Antîleterre. 

pl^s   nideront  à   mieux   faire   saisir   ici   toute    l'importance   de 

r,'.mDre   de   mots    d'usage   courant,    dans   notre   monde   poli- 

■   -iivables   dans   les   dictionnaires   anglais,    pour   la   bonne   raison 

.     "m  ,      ••       "î'"  »"if'"''^ains,   et  non   anglais  ;   buncombe.   carpet- 

'    *■•    lOK-rolIing,    muK-wump    gerrymander,    etc.     11    y    a 

liant    ft    des    conditions    climatériques    particulières    à 
.:.ard.   frost-smoke,   cliver  thaw,   etc. 


LIBRAIRIE  BEAUCHEMIN  Limitée,  79,  nie  St-Jacques,  Montréal. 

Proulx  (l'abbé  J.-B.).  — L'Enfant  Perdu  et  Retrouvé.  In-12  de  XIV. 
194  pages  (1892).. $0.25 

Récit  intéressant  et  véridique  d'un  petit  Canadien,  Pierre  Cholet,  enlevé  par 
des  colporteurs,  vendu  à  des  matelots,  emmené  à  Saint-Malo,  naviguant  25 
ans  sur  des  navires  français  et  finalement,  désertant,  traversant  à  pied  le 
Canada  et  retrouvant  sa  famille  à  Saint-Polycarpe,  près  de  Montréal. 

Provence  (Rose  de).  —  Cœur  Magnanime  ;  suivi  de:  Une  œuvre  d'ar- 
tiste, Ame  de  prêtre,  L.i  Rangoii  et  diverses  pof'sies.  1  vol.  5  x  7% 
pouces,  202  pages,  orné  d'un  portrait $0.50 

L'auteur  n'est  pas  canadienne,  mais  le  Canada  est  sa  patrie  d'adoption.  Son 
livre  est  bien  nôtre:  il  est  né  sur  les  bords  du  Saint-Laurent  et  est  d'inspira- 
tion toute  canadienne.  L'héroïne  et  les  héros  si  sympathiques  de  "  Cœur  Ma- 
gnanime "  ne  sont  pas  tirés  de  quelque  lointaine  contrée,  ni  de  quelque  légende 
du  Moyen-Age.  L'auteur  n'a  pas  cru  se  tromper  en  choisissant  ses  types  de 
magnanimité  parmi  ses  lectrices  canadiennes,  en  faisant  son  admirable  héroïne 
une  de  leurs  sœurs  ;  elle  s'est  rendu  compte  que  le  sang  qui  coule  dans  les 
veines  de  notre  race,  est  celui  des  enfants  de  cette  vieille  France  auxquels  les 
actes  d'héroïsme  étaient  devenus  presque  habituels  sur  les  rives  laurentiennes. 
C'est  par  ce  parfum  de  terroir  que   l'ouvrage  est  attachant. 

Rinfret  (Raoul).  — Dictionnaire  de  nos  fautes  contre  la  Langue  Fran- 
çaise- Un  volume  gr.  in-12  de  306  pages,  compact,   relié..     .$0.75 

L'anglicisme,  cette  plaie  honteuse  de  notre  langue,  y  est  attaqué  sans 
merci.  Beaucoup  de  personnes  parlent  comme  si  elles  pensaient  en  anglais 
d'abord,  et  traduisent  littéralement  en  français.  S'il  fallait  citer  tous  les 
anglicismes  signalés  dans  le  dictionnaire,  il  faudrait  citer  une  bonne  partie  de 
l'ouvrage. 

Il  n'y  a  pas  une  page  où  un  homme  de  profession  même  ne  trouve  une  ou 
plusieurs  fautes  qu'il  commet  sans  s'en  douter. 

Le  "  Dictionnaire  de  nos  Fautes  "  résume  tout  ce  qui  a  été  écrit  au  Ca- 
nada relativement  à  nos  erreurs  de  langage,  et  donne  en  outre  un  grand  nom- 
bre de  fautes  recueillies   par  l'auteur. 

Le  "  Dictionnaire  de  nos  Fautes  "  contient  environ  cinq  cents  mots  qui  ne 
sont  pas  français,  et  que  l'on  entend  cependant  tous  les  jours  tels  que  : 
pagée,  quotation,  érocher,  éplan,  civilien,  darte,  jaconet,  malcommode,  malen- 
tendu, respir,  ressayer,  junior,  tambourine,  tapisseur,  transquestion,  cager, 
catiner,   donaison,   exemplifler,    s'inventlonner,   partisanncrie,   etc. 

Royal  (L'hon.  Jos.).  — Histoire  du  Canada,  de  1840  a  1867.     1  vol.  in-8, 
relié.  .    .  .    ..  $5.00 

Il  y  a  une  douzaine  d'années,  feu  l'honorable  M.  Royal  terminait  une  impor- 
tante étude  sur  cette  période  si  intéressante  de  notre  histoire,  qui  va  de  1840  ft 
1867.  Entre  ces  deux  années  s'encadre  l'établissement  du  régime  constitu- 
tionnel complet  établi  sur  la  responsabilité  des  ministres  au  peuple.  Il  m'a  été 
donné  de  lire  le  récit  coloré  que  M.  Royal  a  fait  des  péripéties  qui  constituent 
la  trame  de  l'histoire  de  cette  période  mouvementée  ;  la  lutte  engagée  entre 
La  Fontaine  et  Baldwin  d'une  part,  et  lord  Sydenham  et  Sir  Charles  Metcalfe 
de  l'autre  ;  le  régime  Draper-Viger,  temps  d'arrêt  dans  le  mouvement  progressif 
vers  notre  émancipation  complète  ;  le  triomphe  de  nos  deux  grands  hommes 
d'Etat  sous  le  régime  de  lord  Elgin  ;  l'historique  des  mlnL-^tèrcs  Hincks-Morm. 
Taché-MacDonald,  Brown-Dorion,  Cartier-MacDonald,  et  enfin  les  causes  qui 
amenèrent  la  Confédération. 

Il  fut  donné  à  M.  Royal  de  connaître  la  plupart  de.s  hommes  qui  ont  Joué 
un  rOle  dans  l'histoire  qu'il  raconte.  Les  Impressions  personnelles  qu'il  a  pu 
recueillir  des  acteurs  de  notre  grande  scène  donnent  H  son  récit  une  val<ur  r»  u 
ordinaire.      A    tous    égards,    l'ouvrage    de    l'homme    remarquable.    X    \  ■'■> 

titre,  que  fut  M.  Royal,  a  sa  place  dans  toute  bibliothônue  canailifnn 

A.   D.   DeCi;i-i  ►•* 


LlTTEKATUllE   CAA'ADIENNE 


Saint-Pierre  (Arthur).  —  L'Avenir  du  Canada  Français.    1  brochure  5  x 
7  pouces,  '20  pages $0. 15 

Ce  travail  arrive  à  son  heure,  au  moment  où  s'agite  la  question  impérialiste 
et  ofl  se  pose  le  problème  de  notre  autonomie.  La  thèse  est  fort  bien  conduite 
par  l'auteur,  sans  aucune  forfaiture  à  la  loyauté.  S'appuyant  sur  les  décla- 
rations d'hommes  d'Etat  anglais  remarquables,  sur  l'expérience  acquise  depuis 
la  Confédération  et  sur  l'Histoire,  M.  St-Pierre  démontre  que  la  Province  de 
Québec  et,  avec  elle,  la  race  canadienne-française,  pour  garder  sou  caractère 
ethnique,  sa  langue  et  sa  foi,  ne  doit  compter  ni  sur  le  maintien  définitif  de 
l'Union  où  son  influence  sera  bientôt  neutralisée,  ni  sur  l'annexion  avec  ses 
conséquences  plus  désastreuses  encore,  mais  sur  une  autonomie  dont  la  Pro- 
vidence saura  bien,  dans  le  temps,  déterminer  le  caractère  et  les  conditions. 

Sauvalle  (Marc).  —  Recueil  de  Discours  préparés.     1  volume,  245  pages, 
7  X  4  ^2  pouces .  .    . .     $0 .  5U 

Le  talent  d'improvisateur  n'est  pas  donné  à  tous,  non  plus  que  la  facilité 
délDcution.  Par  suite  de  la  liberté  de  parole  absolue  dont  nous  jouissons, 
nous  sommes  ou  pouvons  être  appelés  à  adresser  la  parole  en  public  en  de 
nombreuses  occasions.  Afin  de  faciliter  la  tâche  à  ceux  qui  ont  de  la  difficulté 
à  préparer  un  discours,  M.  Marc  Sauvalle,  qui,  en  cette  matière,  possède  une 
autorité  indiscutable,  a  réuni  dans  un  recueil  tout  un  choix  de  discours  se 
rapportant  à  toutes  les  circonstances  possibles  de  la  vie  publique  ou  privée. 
Cet  excellent  travail  se  termine  par  un  chapitre  très  bien  fait  sur  la  "  Diction 
et  la  Tenue." 


Sauvalle     (Madame    Marc). —  looo    Questions     d'Etiquette     discutées, 
résolues  et  classées.     1  vol.,  365  pages,  7  Vi  x  5 $0.50 

"  Mille  questions  d'étiquette  ".  Il  était  temps  qu'une  personne  autorisée 
entreprit  la  publication  d'un  manuel  canadien  du  savoir-vivre,  car  sur  bien 
des  points  ce  n'étaient  ni  les  traités  parus  en  France,  ni  les  livres  du  même 
genre  publiés  en  Angleterre,  qui  pouvaient  nous  satisfaire.  La  forme  "  caté- 
chistique  "  adoptée  par  l'auteur,  Madame  Sauvalle,  donne  beaucoup  de  clarté 
à  son  œuvre.  Ce  livre,  écrit  avec  tact,  devrait  se  trouver  sous  la  main  de 
quiconque  veut  être  au  courant  des  us  et  coutumes  de  la  bonne  société  cana- 
dienne. 


Thomas   (A.).  —  Gustave   ou  un  héros   canadien.     1    volume    in-8,    376 
pages $0  50 

Albert  ou  l'orphelin  catholique.     1  vol.  in-12,  11-407  p.       $0.50 

Ces  deux  romans  sont  des  œuvres  de  polémique  religieuse,  dissimulées  ha- 
bilement 81U8  le  couvert  d'une  intrigue  attrayante.  L'auteur  a  eu  pour  objet 
de  prémunir  la  jeunesse  catholique,  surtout  celle  qui  voyage,  contre  les  séduc 
lions  et  les  sophismes  des  missionnaires  et  des  propagateurs  protestants.  Ce 
■ont  des  armes  de  discussion  et  de  controverse  qui  ont  été  forgées  à  l'usage 
ordinaire.  En  dehors  de  la  haute  valeur  éducatiomiene  et  morale  de  ces 
ouvrafçes.  les  descriptions  de  lieux  et  le  récit  des  incidents  ont  une  réelle  va- 
leur littéraire,  géographique  et  anecdotique. 

Tremblay   (Jules.)  —  Des  mots,  des  vers,    poésies.     1    vol.    228    pages 
TU  X  ô  pouces .  $1.00 


LIBRAIRIE  BEAUCHEMIN  Limitée,  79,  rue  St-Tacques,  MontréaL 


Chant  Grégorien 


Editions  de  Solesiiies  et  autres,  conformes  au 
Motu  proprio  de  S.  S.  Pie  X. 


[N°  601].  Psalmi  cum  notis  oflacium  Hebdomadae  Sanctae.  —  120  pa- 
ges, in-18   (Notation  grégorieime) 0  20 

[N°  605].  Psalmi  in  notis  pro  oflSciis  Hebdomadae  Sanctae.  —  (Nota- 
tion muflicaJe  moderne),  116  pages,  in-lS 0  20 

[NO  589b].  Psaumes  notés  des  Vèpree  et  de  l'Office  pour  tous  les  di- 
manches et  fêtes  doubles.  Notation  grégorienne,  160  p.  in-18.     0  20 

[N°  593b].  Ofl&cium  pro  Defunctis  cum  missa  et  absolutione  necnon  ex- 
sequiaanun  ordine.     Notation  grégorienne.     102  pages 0  20 

[N°599].  Officium  Defunctorum,  rit  romain.  (Notation  musicale  avec 
tous  les  signes  rythmiques 0  25 

Messes  en   notation   grégorienne    se    vendant  séparément  :    S.    Angelae 

Merici,   virginis,   5   cents.  —  In   Festo  S.   Joannis  Berchmans,   3   cts. 

In  Presentatione  B.  M.  V.,  3  cents.  —  Messe  Royale  de  Du  Mont. 

3  cents.  —  Messes  du  2e  et  du  6e  ton  de  Du  Mont,  5  cents.  —  Feria 

V  in  Ccena  Domini,  3  cents. 

Messes  en  notation  musicale  moderne,  se  vendant  séparément:  M  s*a 
pro  Defunctis  et  Ordo  exsequiarum,  8  oents.  —  In  festis  B.  M.  V. 
per  annum,  8  cents.  —  Les  3  messes  du  1er,  2e  et  6e  ton  de  M.  Du 
Mont,  8  cents. 

[No  598].  Petit  traité  de  psalmodie,  40  pages  in-18 0  06 

[NO  610].  Méthode  élémentaire  de  chant  grégorien,  par  Dom  Pierre 
Bastien,  0.  S.  B,  126  pages  in-18 0  2ô 

Les  Mélodies  grégoriennes,  d'après  la  tradition,  par  Dom  .1.  Pothier. 
I11-8 •• net     1  00 

Théorie  et  pratique  du  Chant  grégorien.  Manuel  a  l'usage  des  sémi- 
naires et  des  maîtrises,  par  Dom  Ambroise  Kienle,  traduit  de  l'alle- 
mand par  Dom  Janssens.     In-8 0  70 

Etude  sur  le  Chant  grégorien,  par  Thiéry.  Fort  volume  i>etit  in  8  de 
825  pa^es 2  00 


LIBRAIRIE  BEAUCHEMIN  Limitée,  79,  rue  St-Jacques,  MontréaL 


Liturgie  Romaine 


MISSELS 

EDITIONS  DE  TOURS 


MISSAIjE  ROMAJ^UM.  Siplendide  édition  gr.  in-4°  mesurant  13i  x 
10  pouces,  richement  illustrée  d'après  les  œuvres  de  Rubens,  impri- 
mée en  noir  et  rouge  sur  beau  papier  teinté  et  ornée  de  huit  magni- 
fiques estampes  hors  texte,  reproduction  de  tableaux  du  grand 
maître.    Encadrement  de  grand  luxe  à  chaque  page.     (No   600) 

Reliure  chagrin   1er  choix,  très  riches  ornements  dorés,  gardes  chromo, 
tranche  dorée 13  50 

NLISSALE  R0MANU:M.  Belle  édition  in-4,  13  x  9^  pouces,  imprimée 
en  noir  et  rouge  sur  beau  papier  très  solide,  caractères  nouveaux, 
nets,  gras,  très  lisibles.  Texte  encadré  ave«  vignettes,  lettrines  et 
deux  magnifiques  sujets  hors  texte  en  héliogravure.   (No  830) 

Reliure  basane  propre,  tranche  marbrée '  5  00 

"         cliagrin  noir,  ornements  à  froid,  tr.  dorée 6  00 

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che dorée 7  30 

MLSSAIvE  RONLANUM.  Edition  in-4,  13  x  9è  pouces,  imprimée  en  noir 
seuiemrnt^  sur  le  même  papier,  avec  les  mêmes  caractères  et  mêntiee 
illustrations  que  la  précédente.     (No  580). 

Reliure  basane  propre,  tranche  marbrée 4  00 

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MISSALE  ROMANUM.  Edition  petit  in-4,  11  x  7|  pouces,  imprimée 
en  noir  et  rouge  et  ornée  d'une  gravure  sur  acier.     (No  1430). 

Reliure  baeene  propre,   tranche  marbrée 3  25 

"         chagrin  noir,   1er  choix,  orn.  dorés,  tr.  dorée 5  75 

chajjrin  rouge  1er  choix,  riches  ornements  dorés,  tr.  dorée.  6  00 

\n.SSAE  PP.O  DEFUNCTTS.  E<lition  in-4,  18  x  9  pouces,  imprimée  en 
noir  et  rouge  avec  une  gravure  hors  texte. 

Reliure  ImMane  noire  gaufrée,  tranche  jaspée 1   10 

iième  reliure  avec  2  éigneia  sufijilémentaires 1  25 

N.  B.  —  Tou»  les  Misnelfl  éditions  de  Tournai  et  de  Tours  renferment 
le  propre  du  (^muln.  Toutes  !»•«  nouvelles  messes  concédées  sont  ft 
leur  plao»-  r'Hpertivn  rlnnn  le  oorjis  des  volume*. 


LIBRAIRIE  BEAUCHEMIN  Limée,  79,  nie  St-Jacques,  Montréal. 


Bréviaires  et  Divers 


BREVlARIUil      ROMANUM.     Edion     de     Tours,     avec     propre     du 
Oamaxia.     Format    in-I2   (7  x  4-„  impression  en    rouge  et  noir  sur 
papier  indien.    Reliure  molle,   cagrin  noir   1er   choix,   coins  arron- 
dis, tranches  dorées $9  25 

Le  même  Bréviaire,  même  ràure  avec  tranche  rouge  sous 

or 0  75 

BRE\^ARIl^M      RO^IANmi.     Editn     de     Tours,     avec     propre     du 
Canada.     Format  in- 16   (   6i  x  3  pouces),  impression  en  rouge  et 
noir  sur  papier  indien  très  mincet  très  fort.     Reliure  molle,  cha- 
grin noir  1er  choix,  coins  arroiiis,  tranches  dorées 8  65 

Le  MÊiiE  Bréviaire,  même  relie  avec  tranche  rouge  sous 

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BREVIARIOI  ROMANUM.  Edition  le  Tour>.  en  4  petits  vol.  in-32, 
mesurant  5  pouces  sur  3  et  %  de  pouce  d'épaisseur  (livres  de 
poche),  imprimé  en  noir  et  roug  sur  papier  indien  teinté,  carac- 
tères neufs  très  lisibles.  Chagri  noir,  souple,  coins  ronds,  cou- 
ture sur  nerfs,  charnières,  tranclK  dorées 6  40 

Le  MÊME  Bréviaire,  chagrin  \t  choix  noir,  souple,  coins  ronds. 

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Ce  Bréviaire  qui  donnera  satisfaction  ai  desiderata  suggérés  par  l'usage 
des  éditions  petit  format  déjà  parues,  obtiit  le  plus  «rand  succès.  Par  son 
Impression  soignée,  d'une  netteté  parfaite. i^t  sa  grande  lisibilité,  cette  édi- 
tion, —  la  seule  vraiment  française  existât  à  l'heure  actuelle.  —  réalise 
l'idéal  du  Bréviaire  portatif. 

BREVL\RIUM  ROMANUM.  Editio:  de  Tournai,  avec  propre 
du  Canada.  Format  in-4S,  4'.-2  x  i;  pouces,  impression  rouge  et 
noire  en  caractères  très  lisibles,  sui:>apier  indien.  Reliure  niollo. 
chagrin  noir   1er  choix,  coins  arroids,  tranches  dorées..    .  .   6  00 

Chaque  volujpe  de  cette  charmante<^dition  pèse  îV  ])pinc  5  onces. 

HORAE   DIURNAE   Breviarii   Romani   Eilition   de   Tournai,   format 

in-48    (4*   X   23),   imipression  en    noir  it    rouge,  sur    papier  indien. 

Reliure    molle,    chagrin     noir    1er     cSix,    coins     arromlLs,    tranche 

dorée 1   40 

PONTIFICALE    ROMANUM.    summorum  wntificum    jussu    wlitiim,    n 
Bone<licto  XIV   et   Leone  XIII,    pont.  aiax.   recognitum   et   castiga 
tum.     Edition  de   Malines,   format   11  ï   73.  imprimée  en    rouge   et 
noir,  très  beaux  caractères,  avec  le  clunt  not*.    Reliure  riche  cha- 
grin 1er  choix  rouge,  ti^anche  dorée 8   i..'t 

CAEREMONÎALE  EPI.^^COPORUM.     Editin   do   Malines.    format   in-12 
(7J  X  45),  impression  en  noir  et  rougp  reliure  hnsn^c   noire,  tran 
chc  dorée 1  20 


LIBRAIRIE  BEAUCHEMIN  Limité*9.  nie  St-Jacques,  Montréal. 


Bréviaireaet  Divers 


RITUALE  ROMAKUM.  Editionle  Tournai,  1905.  Format  grand 
in-8  (11  X  li),  dit  "de  Sacriie."  Beau  vohnne  imprimé  en  noir 
et  rouge,  gros  caractères  av^plain-chant.  Reliure  chagrin  noir 
1er  clioix,  tranche  dorée  . .    • 


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RITUALE  ROMAXUM.    Edition] 
Impression  en  gros  caractèn 
chagrin  noir  1er  choix,  tranc 

RITUAI^  RO^IANUM.     Editior 

belle  édition  de  poche  inuprir 

avec  le  chant.     Reliure  soup 

dis,  tranche  dorée 


3  70 
rouge 2   10 


Tournai.  Format  in-12  (6i  x  A). 
avec  le  chant  noté.  Reliure  molle 
dorée 1  30 

le  Tournai.     Format   in-32    (5  x   3), 

en  noir  et  rouge,  sur  papier  indien, 

chagrin  noir  1er  choix,  coins  arron- 

1  25 


EXCERPTA  EX  RITUALI  ROMNO  ad  usum  provinciarum  ecclesias- 


ticanun    Quebecensis,     Ma 
de  Québec,  1890.     In- 18,  5 


ppolitanae    et     Otta^viensis.     Edition 
pouces.     Reliure  pleine  en  cuir.  0  SO 


APPENDICE  AU  RITUEL  R( 
tiques  de    Québec,   Monti 
ra,pprobation  de  NN.   SS. 


UN,  il  l'usage  des  •provinces  ecclésias- 
Ottawa,  publié  par  l'ordre  et  avec 
archevêques  et  évêques  de  ces  pro- 

\'inces.    In-8,  Québec,   189Ci  Demi-reliure  chagrin 2  25 

(Ajouter  pour  la  «Bte  17  cts.) 

iL\NTJAI.£  CHRISTIANORuI  in  quo  continentur  Novum  J.  C.  Tes- 
tamentum,  Officium  pan-1  B.  M.  V..  De  Imitatione  Christi,  cum 
Ordinario  missae,  Vesperide  dominica  necnon  laudibus  vesperti- 
nis  et  litaniis.  Belle  éJion  in-32,  4  x  2J  pouces,  im.primée  en 
caractères  diamant,  sur  ftpier  indien;  reliure  souple  en  chagrin 
noir  1er  choix,  trancliesBrées j  25 

NOVUM  .TESU  CHRISTI  IeSTAMENTUM,  extrait  du  Manuale 
Christianorum.    In-32,   Jier  indien;    reliure   toile,   tr.   rouges.O  88 

NOVU.M  VENI  MEfJUM  AeRDOTUM,  sive  preces  matutinae  et 
vespertinac.  ante  et  polmissam,  aliaeque  selectae  devotiones,  sa- 
cris  indulgentiis  ditata  Jecedit  benedictionum  collectio,  per  D.  A. 
FoiTiano,  0.  S.  B.  Jol^•olume  in-32,  imprimé  sur  papier  fin;  re- 
liure chagrin  noir,  traies  dorées.  .  0  63 

MARTYROmciUM  RO^*U.M.  Edition  de  Malines.  Beau  volume 
gr.  in-8  (11  x  TJ),  imA^ion  en  noir  et  rouge,  renfermant  les  sup- 
pléments des  ordres  rMieux.     Reliure  cuir  noir,  tr.  rouge ...  3  00 


MONTREAL.      International.        BQT 


h'ucharistic  Congress,  1308 


1910. 


.M6 


Le  Compte  rendu  officiel. 


DATE 


MONTRl-Al..  International 

T!>ir.barist^c  Congress,  1910. 

Le  Compte  rendu  officiel. 


BQT 
130J5 
.M6' 


4    -•